FEWO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent de la condition féminine
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 6 février 2007
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Mesdames et messieurs, la séance est ouverte.
Sont présents parmi nous M. Yvon Dandurand et M. Benjamin Perrin, et sont présentes par vidéoconférence, Mme Kajsa Wahlberg et Mme Gunilla Ekberg.
J'aimerais remercier nos quatre témoins. Malgré un très court préavis, vous avez acceptés de nous faire une place et nous aimerions tirer avantage de votre temps et de votre expertise.
Nous avons reçu un mémoire de l'organisme The Future Group. La documentation qui vous a été remise comporte une courte présentation indiquant ce que font Yvon, Mme Ekberg, etc., ainsi que des questions suggérées. Étant donné que nous avons de tels témoins experts, j'aimerais obtenir l'indulgence du comité. Nous aimerions nous assurer qu'il y ait autant d'interaction que possible entre les témoins et les membres du comité.
Je crois savoir que vous avez un exposé à présenter, monsieur Dandurand.
Avez-vous un exposé à présenter, madame Ekberg ou madame Wahlberg?
Nous avons toutes deux préparé une présentation, mais nous pouvons également répondre aux questions, si c'est là la préférence du comité.
Très bien. Je vous propose de limiter la durée de vos exposés à cinq ou sept minutes, après quoi nous aurons un tour pour poser des questions. Si vous le pouvez, faites en sorte que vos questions soient brèves de manière que nous puissions interagir avec les témoins.
J'aimerais rappeler aux témoins que lorsque vous répondez aux questions, si le membre du comité estime que vous ne répondez pas la question ou que vous êtes à côté du sujet, il pourra vous interrompre.
Monsieur Dandurand, vous avez la parole.
J'aimerais remercier le comité de m'avoir invité à revenir pour discuter de certaines des questions dont nous allons parler aujourd'hui. J'ai été heureux d'apprendre que le comité avait décidé de consacrer un certain temps à examiner certaines des questions qui sont liées à la collecte et à la divulgation de l'information sur la situation nationale en matière de traite de personnes.
Une des difficultés que nous éprouvons tous — pas seulement au Canada, mais partout dans le monde —, c'est que pour pouvoir élaborer de bonnes politiques et de bonnes stratégies de lutte contre la traite de personnes, nous avons besoin de données fiables. Chacun et chacune d'entre nous a besoin de données fiables et très peu parmi nous, que ce soit au Canada ou ailleurs, sont parvenus à élaborer des systèmes qui permettent d'obtenir le genre d'information fiable que nous recherchons tous.
Je sais que le comité a manifesté un intérêt, en particulier, pour le mécanisme de rapporteur national ou quelque chose d'équivalent, alors certaines de mes observations porteront directement sur cette question particulière. Toutefois, avant d'en arriver là, j'aimerais rappeler aux membres du comité, bien que je sois certain que les membres du comité ont déjà bien compris certaines de ces difficultés, que pour bien comprendre les avantages d'un système de rapporteur national, il faut d'abord comprendre certains des difficultés touchant la collecte des données et des renseignements sur la traite des personnes — les modalités et les méthodes d'opération, etc. — ainsi que de l'information sur notre réponse et si, oui ou non, elle donne des résultats.
Pour comprendre l'utilité d'un tel mécanisme, nous devrons peut-être consacrer quelques minutes à examiner certains des difficultés très particulières qui touchent la collecte de renseignements sur la traite de personnes. J'ai une liste de 12 difficultés et je vais parler de chacune d'elles très rapidement, parce que je suis certain que certaines d'entre elles sont déjà évidentes pour les membres du comité.
Voici ma liste des 12 principales difficultés à surmonter pour obtenir des renseignements fiables sur la traite de personnes.
La première, c'est que la traite de personnes se fait souvent sans que la victime elle-même sache qu'elle en est victime; ce n'est que beaucoup plus tard dans le processus qu'elle s'en rend compte. Alors, il n'est pas toujours suffisant de demander à la personne si elle en est victime ou non.
Deuxièmement, en tant qu'activité criminelle, la traite de personnes est davantage considérée comme un processus plutôt qu'un événement unique. L'image que vous obtenez dépend de la partie du processus que vous regardez. Ainsi, il est difficile d'essayer de mesurer et de comprendre ce qui arrive.
Troisièmement, les victimes hésitent souvent à en parler. Je suis absolument certain que vous avez entendu cela de nombreuses fois. L'identification des victimes est une des difficultés majeures à surmonter lorsqu'il s'agit-il de lutter contre la traite de personnes. Évidemment, si les victimes ne sont pas identifiées, comment allez-vous pouvoir les dénombrer et mesurer notre réponse dans ces cas?
Quatrièmement, il s'agit, évidemment, d'une activité criminelle qui fait souvent intervenir des groupes liés au crime organisé. Elle fait typiquement intervenir l'intimidation et la crainte de représailles; alors, il s'exerce une pression énorme sur les victimes pour qu'elles ne signalent pas les incidents aux autorités. Lorsqu'elles acceptent d'en parler à des groupes d'aide — des groupes d'aide aux victimes et d'autres ONG —, c'est souvent sous la condition expresse que la question ne sera pas portée à l'attention des autorités.
De plus, il y a de nombreux cas où des personnes croient ou prétendent être des victimes, mais où il s'avère, après enquête, qu'il ne s'agit pas de cas authentiques de traite de personnes. Cela ne veut pas dire que ces personnes ne sont pas dans des situations pénibles et qu'elles n'ont pas besoin d'aide, mais elles ne répondent pas aux critères.
Une autre question qui rend la chose difficile, c'est que toutes les personnes qui participent à la lutte contre la traite des personnes n'ont pas nécessairement la même définition de traite de personnes. Alors, il arrive souvent que lorsque vous collectez des renseignements de ces différents organismes, vous vous trouvez, en fait, à comparer des pommes et des oranges.
Il y a également une forte probabilité de redondance dans les données. Il n'est pas rare que les victimes de la traite de personnes s'adressent à plus d'un organisme pour obtenir de l'aide et qu'elles cherchent également à obtenir l'aide ou la protection des organismes d'application de la loi. Étant donné que l'information est difficile à suivre d'un organisme à un autre, si vous ne faites qu'additionner tous les cas, vous finissez, en bout de ligne, avec un chiffre exagéré, parce qu'il est possible que vous comptiez la même personne deux, trois, quatre, voire même cinq fois.
Les corps policiers ont également accès à des renseignements. Mais évidemment, comme vous pouvez le comprendre, cette information est très délicate et ce n'est pas quelque chose que vous pouvez partager facilement avec d'autres.
De plus, les enquêtes peuvent se poursuivent pendant de longues périodes de temps, ce qui change évidemment les choses quant à la façon dont nous allons protéger cette information: cela fait en sorte qu'il est très difficile pour quelqu'un d'avoir accès à cette information, parce qu'on ne voudrait pas compromettre des enquêtes qui sont en cours, et ainsi de suite.
Le concept de rapporteur national n'est pas quelque chose que les Canadiennes et les Canadiens connaissent bien, bien que le concept existe en Europe depuis au moins 1995 ou 1996. Plus tard, en 2004, un groupe d'experts de l'Union européenne a effectivement examiné le concept et a recommandé qu'il soit adopté comme une base pour recueillir de l'information à l'échelon national. Ensuite, pour pouvoir utiliser cette information afin d'établir des comparaisons entre les pays, il y a même la notion ou la suggestion qu'il devrait y avoir un rapporteur pour l'ensemble de l'Union européenne, une personne qui, fondamentalement, rassemblerait l'information de partout.
Permettez-moi, madame la présidente, de conclure simplement par une constatation de ce groupe d'experts qui, je pense, vous aidera dans vos délibérations sur ce mécanisme potentiel ou sur quelque chose d'équivalent. Ce groupe d'experts a défini six conditions qui caractérisent ce mécanisme par rapport à d'autres, et six caractéristiques qui sont essentielles pour garantir que ce mécanisme puisse permettre de recueillir les renseignements dont nous avons tous besoin.
La première, c'est qu'il doit s'agir d'une fonction distincte et indépendante des organismes opérationnels.
La seconde condition, c'est que son mandat doit être très clair.
La troisième, c'est que le mandat doit être centré exclusivement sur la collecte de données; il ne doit pas être mêlé avec d'autres mandats, comme les activités opérationnelles, la défense des droits, les responsabilités exécutives et ainsi de suite. Je pourrai expliquer plus tard pourquoi cela est si important.
Il faut que le rapporteur ait l'autorité nécessaire pour avoir accès à de l'information confidentielle. Cela est une question assez épineuse, particulièrement dans un pays comme le Canada où il y a toutes sortes de niveaux différents de règlements et de lois régissant l'accès aux renseignements personnels, et ainsi de suite.
Enfin, il doit s'agir d'un mécanisme pour lequel la qualité du rapport n'est pas compromise et où le rapporteur ou son équivalent doit être autorisé à rendre des comptes directement au Parlement, ou à un ministre, ou directement au gouvernement, de telle manière que l'intégrité de l'information soit protégée.
Merci.
Oui, j'en ai un. J'ai distribué un document et je crois savoir que vous en avez tous une copie entre les mains. Il s'agit du mémoire no 2 de l'organisme appelé The Future Group. Nous avons essayé d'être bref. Il ne compte que deux ou trois pages qui vous donnent très succinctement de l'information générale sur cette proposition dont vous avez entendu parler.
Je vais passer directement aux recommandations, en tant que représentant de l'organisme The Future Group.
La plupart d'entre vous étiez ici la dernière fois que j'ai comparu devant le comité. Je tiens à vous remercier de nous avoir invités à revenir.
Pour l'information de ceux et celles qui n'étaient pas là et des autres témoins, nous sommes un organisme non gouvernemental qui a son siège au Canada et qui oeuvre principalement à l'étranger, mais qui a également été actif ici au Canada au niveau de la politique concernant les victimes de la traite de personnes.
Pour être concis, The Future Group appuie la création d'un poste de rapporteur national chargé de la traite des personnes, mais — et il y a toujours un mais — il tient à souligner que ce simple geste n'apaisera pas les principales préoccupations que lui cause l'incapacité du Canada de résoudre le problème de la traite des personnes; bref, le rapporteur national n'est qu'une partie de la solution.
Pour commencer, que peut faire un rapporteur national? Vous avez déjà entendu qu'il peut recueillir de l'information. On vous a dit quels sont certains des défis que cela comporte, et je ne veux pas minimiser l'importance de l'un quelconque de ces défis, mais je veux simplement ajouter qu'un grand nombre de ces défis ont été surmontés et ont été réglés.
Ils ont été réglés non seulement dans l'Union européenne; aux États-Unis, le département de la Justice est également tenu de déposer un rapport annuel. Il ne s'agit pas d'un rapport indépendant, mais le gouvernement américain offre de l'aide et une formation à d'autres pays sur la façon dont il s'y prend pour collecter les données, alors cela ne devrait pas constituer un obstacle pour le comité pour ce qui est d'étudier cette recommandation.
Cela m'amène également à la question de l'attention nationale. Elle est une source de recommandations. Il s'agit dans tous les cas de contributions admirables.
En créant essentiellement une capacité de collecte de données et de renseignements qui est séparée du gouvernement, j'aimerais rappeler qu'il doit y avoir quelques autres éléments pour que cela fonctionne. Lorsque je dis « fonctionne », je ne veux pas dire simplement de recueillir de l'information qui permette au gouvernement d'agir, mais également de produire des rapports qui ne feront pas que dormir sur une tablette.
Le premier élément, c'est que le rapporteur national doit être indépendant. Cela a déjà été signalé.
Deuxièmement, il doit avoir un accès illimité et direct à toute l'information pertinente.
Troisièmement, il doit disposer d'un personnel de soutien et d'un budget appropriés.
Quatrièmement, son rapport doit être rendu public. Ce ne sont pas tous les pays qui rendent leurs rapports publics, mais nous pensons qu'un élément essentiel de la fonction de rapporteur national est d'attirer l'attention des citoyens pour qu'ils pressent le gouvernement d'agir.
Enfin — on appelle cela une condition, mais vous verrez dans un moment pourquoi cela influe sur l'efficacité, et pourquoi cela n'est qu'une partie de la solution —, un rapporteur national doit concentrer son attention sur la collecte de cette information, et non pas sur la coordination et la mise en oeuvre de la politique du gouvernement.
Cela m'amène au point majeur suivant, à savoir pourquoi cela n'est qu'une partie de la solution. Avoir un rapporteur national, c'est comme recevoir une carte routière pour entreprendre un voyage. À moins d'avoir un conducteur, quelqu'un qui sait comment conduire une voiture, vous n'irez nulle part.
Vous dites: « J'ai entendu dire que l'endroit où nous allons est vraiment merveilleux. » Vous dites à vos enfants: « Nous allons faire ce merveilleux voyage de vacances. » Tout va bien jusqu'à ce qu'ils vous disent: « Eh bien, quand y allons-nous? » Et chaque année, vous leur donnez une nouvelle carte qui comporte de nouvelles choses.
Alors, vous avez besoin d'un conducteur.
À notre dernière comparution, nous avons proposé qu'il y ait une agence ou un bureau au sein du gouvernement — je ne parle pas de quelque chose d'indépendant, mais de quelque chose qui est au sein du gouvernement — qui soit chargé de la mise en oeuvre et de la coordination de... et si vous adoptez un rapporteur national, alors ce que cette agence ou ce bureau mettra en oeuvre, ce sera les recommandations de ce rapporteur que le gouvernement du jour aura approuvées.
Je veux parler très rapidement de ce que devrait être le mandat de ce bureau et comment cela serait lié au rapporteur national.
Premièrement, le bureau serait le principal interlocuteur fédéral pour toutes les questions touchant la traite de personnes. Cela est différent de la situation qui existe dans les pays dont vous entendez parler et qui ont un rapporteur national. Il ne s'agit pas de fédérations, de façon générale, bien que ce soit le cas de l'Allemagne, mais ils n'ont pas les relations fédérales complexes que nous avons au Canada. Vous devez avoir un bureau qui coordonne ce genre de choses.
Deuxièmement, le bureau est conçu pour déterminer, parmi les recommandations, lesquelles feront partie du plan d'action national et pour le faire en consultation avec les ministères du gouvernement. Ce n'est pas le travail du rapporteur national. Il recueille l'information, mais il ne consulte pas activement les ministères au sujet des réductions budgétaires ou des préoccupations opérationnelles.
Troisièmement, il doit y avoir une coordination entre les ministères du gouvernement. La dernière fois que j'ai témoigné, je n'ai pas mâché mes mots lorsque j'ai parlé de l'échec du groupe de travail interministériel à présenter un plan d'action. Il y a eu cinq ans pour le faire et, pourtant, il ne l'a toujours pas fait. Nous sommes maintenant de retour ici pour parler d'une étape qui précède même l'élaboration d'un plan d'action national.
Je suis tout à fait d'accord avec l'idée de bien faire les choses, mais le présent comité ne peut attendre plus longtemps, madame la présidente. Le temps de présenter ce rapport est arrivé.
Lorsque The Future Group a été fondé, les gens ont dit, pourquoi ne travaillez-vous pas tout simplement avec le gouvernement pour faire cela? Nous avons répondu que nous ne pouvions pas attendre. Or, c'était il y a sept ans.
Je félicite les membres du comité de s'intéresser à cette question. Je veux juste souligner la nécessité d'avancer, de présenter un rapport et de formuler des recommandations qui aideront véritablement les victimes de la traite de personnes. Je crois que c'est la conviction de tous les membres du comité.
Le dernier point que je veux soulever, c'est que ce bureau peut jouer un rôle vraiment fondamental. Les gouvernements disent probablement que ce n'est pas leur travail; que c'est celui de quelqu'un d'autre; que c'est la responsabilité d'un autre ministère. Nous avons entendu cela lorsque nous avons eu des échanges de correspondance avec divers ministères du gouvernement en matière d'aide aux victimes. Ce bureau pourrait dire, c'est nous qui sommes responsables; aucun ministère n'a la responsabilité de créer une ligne téléphonique d'urgence sur la traite de personnes, alors nous allons le faire; nous allons coordonner cela avec les ministères du gouvernement, mais nous allons le faire.
En terminant, j'aimerais vous laisser sur une citation très brève de la rapporteuse nationale hollandaise — puisque c'est de cette question dont nous parlons ici — qui illustre très bien la situation, à mon avis. En juillet 2004, elle a dit :
Les beaux discours, sous la forme — répétée— de donner priorité à cette forme de crime crapuleux, ne suffisent plus. Un plan d'action national est nécessaire pour permettre aux bonnes intentions manifestées de prendre forme concrètement.
J'appliquerais cette citation au présent gouvernement, au présent comité et à son rapport.
Je vous remercie beaucoup et, encore une fois, tous nos remerciements pour accorder toute cette attention diligente à cette question.
Nous avons décidé que je commencerais, parce que Mme Wahlberg étant la rapporteuse nationale de la Suède, nous pensons qu'il est préférable qu'elle soit la dernière à parler de la façon dont ce mécanisme fonctionne réellement en Suède.
Est-ce que cela vous convient?
Je vais parler un peu de la façon dont je perçois le rôle d'un rapporteur national au Canada. Je dois également dire que je suis canadienne et que j'ai travaillé sur ces questions au Canada pendant de nombreuses années.
Je suis enchantée d'avoir l'occasion de vous parler encore une fois. Au moment de ma dernière comparution devant le comité, j'ai proposé qu'un rapporteur national ayant des ressources suffisantes soit nommé au Canada, en utilisant l'expérience d'autres pays pour élaborer un mandat approprié. J'ai travaillé avec la rapporteuse nationale suédoise pendant cinq cas et je travaille également, de façon continue, avec le rapporteur national du Népal, dont j'ai évalué la position il y a deux ans.
Pourquoi est-il important de créer un bureau du rapporteur national indépendant au Canada? Le travail consistant à empêcher de toucher un revenu de la traite au Canada et à assurer une protection et de l'aide aux victimes est effectué par de nombreux acteurs tant au palier fédéral qu'au palier provincial. Mais il y a très peu de coordination à l'échelle nationale du travail qui se fait et il n'y a pas beaucoup de coordination et d'analyse des initiatives qui sont mises en place.
Je suis également étonnée que la connaissance et la recherche concernant la situation de la traite de personnes, et les mesures, soient aussi limitées au Canada comparativement à ce que l'on trouve dans d'autres pays dans le monde. Je suis d'avis que le Canada a besoin d'un mécanisme indépendant qui serait responsable de la collecte, de l'analyse et de la présentation de données comparatives sur l'ampleur et l'état de la traite de personnes vers le Canada et à l'intérieur du Canada. Il est important de se rappeler que la traite de personnes est à la fois un phénomène transfrontalier et un phénomène qui se déroule à l'intérieur du pays.
Je pense également qu'un rapporteur national devrait évaluer les politiques locales et nationales ainsi que les mesures et les initiatives juridiques qui sont prises. Une telle mesure serait conforme aux obligations nationales, juridiques et liées à la Charte du Canada et à l'approche législative utilisée jusqu'à maintenant.
Je devrais rappeler qu'en 2003, le comité de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes — le comité qui examine la situation de l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes au pays— a exprimé de sérieuses préoccupations face à l'absence au Canada d'une approche systématique pour mesurer la traite de personnes, surtout lorsqu'il s'agit de protéger et d'aider les victimes de la traite.
Si le Canada créait la fonction de rapporteur national, et surtout, si cela était le fruit d'une initiative de tous les partis — c'est-à-dire que tous les partis donnent leur appui, ce qui a été le cas en Suède —, nous démontrerions notre engagement à lutter contre la traite de personnes.
Quelles devraient être les tâches? Premièrement, je pense qu'il est important que le rapporteur national fonctionne comme une entité indépendante et autonome, dotée d'un mandat général lui permettant de faire enquête, de surveiller et d'analyser le caractère, l'état et l'ampleur de la traite de personnes vers le Canada et à l'intérieur du Canada. Il devrait également étudier l'efficacité des politiques, des mesures juridiques et pratiques qui sont déjà en place ou, si tel est le cas, de l'absence de mesures.
Toute les mesures et les initiatives prises par un tel rapporteur national devraient, comme c'est le cas en Suède et au Népal, être fondées clairement sur le principe de l'égalité des sexes et sur les principes internationalement reconnus de la non-discrimination. Elles devraient également tenir compte, évidemment, des droits et des libertés fondamentales des victimes.
Le rapporteur national devrait avoir le mandat de présenter au gouvernement des rapports annuels sur l'ampleur et l'évolution de la situation. Il devrait concentrer ses efforts initialement sur la traite de personnes à des fins sexuelles, étant donné que c'est cette forme de traite qui fait le plus grand nombre de victimes à l'heure actuelle au Canada. Il devrait par la suite étendre ses enquêtes à toutes les autres formes de traite.
Dans le rapport, le rapporteur national devrait accorder une attention particulière au caractère approprié des mesures juridiques et autres visant à protéger et à aider les victimes, et examiner les enquêtes et les poursuites touchant les contrevenants, pour voir si elles sont appropriées et s'il y a une collaboration avec les pays d'origine. Il devrait également examiner et rendre publique l'information sur les questions émergentes — les nouvelles formes de traite, les nouvelles méthodes utilisées par les trafiquants pour faire la traite vers le Canada et à l'intérieur du pays.
Il est important que le rapport national formule des recommandations sur la façon d'élaborer et de perfectionner des moyen d'empêcher les trafiquants de toucher des revenus de la traite de personnes.
Pour être en mesure de faire ce travail, il est évident que le financement est essentiel. Vous avez besoin d'un personnel, vous avez besoin d'un personnel de recherche et vous avez besoin de ressources financières appropriées pour que le rapporteur puisse voyager et ramener l'information nécessaire.
Oui. Il me reste deux choses à dire.
Comme l'a dit le témoin qui m'a précédée, il est absolument nécessaire que le rapporteur national ait pleinement accès à toute la documentation, y compris à l'information confidentielle sur les victimes, sur les poursuites, sur les déclarations des victimes et sur les réseaux liés au crime organisé, pour être en mesure de présenter un bon rapport.
Je pense qu'il pourrait également être utile d'avoir, au bureau du rapporteur national, une base de données nationale qui porte sur l'ampleur de la traite. Et je pense, comme l'a dit le témoin précédent, qu'il est absolument nécessaire que le rapport soit pris au sérieux et que les recommandations soient mises en oeuvre, de préférence par un groupe de travail interministériel, au niveau fédéral et provincial.
Merci.
Merci.
Madame Wahlberg, pourriez vous limiter votre exposé à cinq minutes, s'il vous plaît. Il ne nous restera ensuite qu'une heure pour les questions et réponses; je vous serais donc reconnaissante de limiter votre intervention à quatre ou cinq minutes, s'il vous plaît.
Merci.
Merci beaucoup.
Bonjour. Je m'appelle Kajsa Wahlberg et je suis inspecteur-détective et rapporteuse nationale au gouvernement suédois concernant la traite de personnes.
Cette fonction a été confiée à la commission de police nationale en 1997 par le gouvernement à la suite d'une déclaration conjointe au sein de l'Union européenne. Le gouvernement suédois voulait des rapports sur la situation de la traite de personnes en Suède, sur l'ampleur du problème, et sur ce qui pouvait être fait pour lutter plus efficacement contre elle. Par conséquent, nous faisons rapport annuellement au gouvernement sur la situation de la traite de personnes et, en plus, nous traitons et analysons les renseignements. Pour nous aider, nous avons également une unité spéciale traitant spécifiquement des crimes sur Internet.
Je pense qu'un des avantages d'avoir un poste de rapporteur national au sein de la police, c'est que la police a accès à des réseaux internationaux comme Interpol, Europol et le Groupe de travail sur la criminalité organisée dans la région de la Baltique. Mais évidemment, il y a une forte dépendance à l'égard de la divulgation dans une perspective d'application de la loi.
De 2004 à 2006, le gouvernement suédois a accordé à la police 30 millions de couronnes suédoises pour lutter plus efficacement contre la traite de personnes. Je pense également que nous avons nommé un rapporteur national au bon moment, parce qu'en 1997 et 1998, l'exigence de visas a été abolie pour les ressortissants des pays baltes, et nous avons soudainement constaté que nous avions des femmes étrangères dans la prostitution de rue en Suède. À partir de ce moment-là, nous avons travaillé de manière intensive pour comprendre la situation en Suède, et je pense qu'aujourd'hui, nous avons une très bonne idée quant à savoir qui sont les criminels et qui sont les victimes. Nous avons eu beaucoup de succès dans nos enquêtes sur ces types de crimes.
Je pense qu'il serait préférable que le comité pose des questions à Kajsa, parce que vous êtes pressés. Elle possède près de 10 ans d'expérience comme rapporteuse. J'interviendrai si on a besoin d'aide en anglais.
Son anglais est meilleur que mon suédois.
Merci beaucoup.
Étant donné que nous devons voter aujourd'hui et que la sonnerie se fera entendre à 17 h 30, j'aimerais rappeler aux membres du comité que nous n'aurons probablement que deux tours de questions. Alors, faites en sorte que vos questions soient brèves, de manière que nous puissions interagir avec les quatre témoins. Le premier tour sera de cinq minutes, plutôt que les sept minutes accordées normalement, pour que nous puissions poser toutes nos questions.
La parole appartient à Mme Minna.
Merci, madame la présidente. En fait, je serai très brève.
Concernant la question de l'indépendance, qui a été soulevée, je pense par M. Perrin et également par Mme Wahlberg, pouvez-vous m'expliquer très rapidement ce que vous voulez dire par « indépendant »? Est-ce que la rapporteuse en Suède fait rapport au Parlement ou au gouvernement?
Je peux répondre à cette question. En Suède, la rapporteuse nationale fait rapport directement au gouvernement, une fois par année. Le rapport est également rendu public. L'indépendance ici, c'est qu'elle peut faire n'importe quelle recommandation et faire n'importe quelle enquête. Elle a accès à tout le matériel, y compris le matériel confidentiel, et elle a également la possibilité d'interroger toutes les autorités publiques qui traitent de ces questions, y compris, si elles acceptent, les organisations non gouvernementales.
Vient ensuite la question des pouvoirs. Vous venez tout juste de dire qu'elle est indépendante, qu'elle fait rapport au gouvernement et que le rapport est rendu public.
J'ai deux questions. Premièrement, est-ce que le gouvernement a la capacité de changer le rapport s'il pense qu'il y a certaines choses qu'il ne veut pas rendre publiques? Peut-il modifier le rapport, à des fins publiques, qu'elle a préparé?
Et en recueillant les renseignements nécessaires à la rédaction de son rapport, a-t-elle le pouvoir de parler — je ne sais pas— à la police? Nous avons ici une fédération comportant des compétences fédérales et provinciales et différents corps policiers et ainsi de suite. Quels pouvoirs a-t-elle dans les faits, ou quels pouvoirs comporte le poste, pour ce qui est de la collecte de ce genre de renseignements?
Alors, voilà mes deux questions.
Non, le gouvernement ne peut pas modifier les rapports. En fait, le rapport est rendu public avant d'être présenté au gouvernement.
Deuxièmement, elle peut parler à n'importe quelle force de police, ou service de poursuite, ou à l'appareil judiciaire, ou aux ONG, ou à qui que ce soit d'autre, et ces gens doivent lui remettre les renseignements qu'elle demande.
Alors, sa fonction est dotée de certains pouvoirs à cette fin, parce que, comme je l'ai dit, nous avons une situation fédérale-provinciale, alors c'est un peu plus difficile.
En ce qui concerne les autres ministères du gouvernement, au niveau national, elle a accès à tous les ministères et a la capacité de coordonner cette question. Est-elle considérée comme l'acteur principal dans ce domaine par les ministères du gouvernement?
Elle est indépendante. Alors le gouvernement, pour lequel j'ai travaillé, possède son propre groupe de travail sur la traite de personnes qui peut poser des questions à la rapporteuse ou la rapporteuse peut faire un exposé au groupe de travail. Mais la rapporteuse ne peut pas nous dire quoi faire. Elle peut faire des recommandations. Et le gouvernement ne peut pas lui dire quoi faire, à moins de changer son mandat.
Un commissaire, ou un vérificateur général, fait un rapport et présente des recommandations, mais ensuite, il appartient au gouvernement et à divers...
Quel est l'effectif du bureau à l'heure actuelle? Quelle est la taille du bureau?
Pourquoi le personnel est-il composé uniquement de personnes chargées de l'application de la loi? Juste par curiosité.
Il s'agit d'une situation qui est propre à la Suède. Elle est différent, par exemple, de la situation du rapporteur au Népal. Le gouvernement suédois veut que le rapporteur national soit dans la police nationale pour la raison particulière qu'elle doit avoir une vision du travail opérationnel et de renseignement. Personnellement, je pense — et je pense que nous le pensons toutes les deux — qu'il aurait été préférable, avec le recul, que le rapporteur national ait plus d'indépendance, à l'extérieur des forces policières, mais avec un accès, comme c'est le cas à l'heure actuelle, au matériel confidentiel et avec le droit de parler à quiconque travaille dans le bureau.
Est-ce que vous dites que si le bureau n'était pas lié à la police, il ne serait pas aussi efficace, mais qu'en même temps, il perdrait une partie de son indépendance? Est-ce bien ce que vous dites? J'essaie simplement de voir où il est situé?
Non, ce que je dis, c'est qu'en rétrospective, il aurait probablement été préférable de placer le rapporteur national à l'extérieur des forces policières. Ensuite, vous pourriez avoir un personnel de recherche et vous pourriez avoir une façon plus indépendante de regarder les choses. Mais il y a également des avantages à se retrouver dans les forces policières, parce qu'elle a un accès direct aux policiers qui font enquête partout au pays et aux responsables des enquêtes, qui, en Suède, sont les procureurs.
Merci, madame la présidente.
Nous avons déjà un centre de coordination nationale qui fait partie de la GRC. Si la tâche à accomplir se limite simplement à faire la collecte de données policières, ces gens pourraient certainement être en mesure de faire cela, mais il faut se rappeler que dans tous les pays, et particulièrement au Canada, très peu de cas sont portés à l'attention des forces policières. Pour bien comprendre quelle est la situation, la collaboration avec les organismes non gouvernementaux et les organismes provinciaux est absolument indispensable. À cette fin, je dirais qu'il est essentiel que cette fonction de rapporteur soit située à l'extérieur du gouvernement et également, à l'extérieur de l'application de la loi.
Je ne veux pas jeter de la confusion sur la question. La plupart des pays qui se sont engagés à lutter contre la traite de personnes ont un mécanisme quelconque pour faire rapport. Qu'il s'agisse d'un organisme de données statistiques ou d'un organisme de police, ils produisent tous des rapports. Ce qui est particulier au sujet du rapporteur national, c'est le fait qu'il s'agit d'un organisme indépendant qui est en mesure de travailler à la fois avec les organismes non gouvernementaux pour s'occuper de toutes ces questions délicates et avec les organismes d'application de la loi. Cela ne veut pas dire que le défi n'est pas de taille, mais voilà ce qui est unique dans le fait d'avoir un rapporteur national.
Merci, madame la présidente.
Ma question s'adressera plutôt aux gens que nous recevons en vidéoconférence. D'abord, j'aimerais vous saluer, ainsi que MM. Perrin et Dandurand.
La mise en place d'un rapporteur national vous a permis d'acquérir une certaine expertise et une banque de données. Quel a été l'effet d'un rapporteur national sur les mandats auxquels votre pays se réfère? Quel a été l'effet d'un rapporteur national sur la mise en place de politiques, de moyens et de ressources? Cela a-t-il occasionné une diminution?
[Traduction]
Kajsa et moi avons discuté de la question et parce que mon anglais peut être un peu meilleur, je vais répondre.
Le poste de rapporteur national existe depuis neuf ans. Cela signifie qu'il y a eu neuf rapports annuels. Ces rapports jouent un rôle très central sur la façon, premièrement, dont les questions sont perçues par le public et par les autorités publiques. Alors, voilà un élément. Il y a une sensibilisation accrue au problème, ce dont je peux témoigner. Les choses se sont faites assez rapidement et elles ont été très informatives pour un grand nombre de gens qui ne savaient pas grand-chose de cette situation.
Deuxièmement, pour ce qui est des politiques qui ont été élaborées, les rapports de la rapporteuse ont joué effectivement un rôle central dans un grand nombre de mesures qui ont été adoptées en Suède en matière de prévention et de poursuite des trafiquants individuels et des acheteurs de services sexuels, et ont été à l'origine d'une toute nouvelle connaissance des réseaux liés au crime organisé qui sont actifs dans ce domaine. Évidemment, nous avons également des chiffres, des données statistiques et une connaissance de tous ceux qui sont en cause.
J'ai examiné la situation du rapporteur national hollandais également et, d'après ce que je peux voir, il semble que les premiers rapports servent vraiment à habituer le gouvernement à ce genre de processus. Ce n'est qu'après le troisième ou le quatrième rapport qu'il est devenu apparemment qu'un véritable plan d'action national avait été élaboré là-bas.
Il y a un risque à créer un poste de rapporteur national ou toute autre commission indépendante. Cela permet au gouvernement du jour de dire: « Nous attendons ce que dira le rapporteur national » et de lever les mains au ciel et de dire: « Nous attendons les données et nous ne pouvons décider sans avoir les données. » Un des points que j'ai fait valoir au moment de ma dernière comparution, c'était que nous avons besoin de faire des pas mesurables dans les domaines où nous savons qu'il y a déjà un problème assez sérieux.
Ceci dit, dans le cadre d'une stratégie à plus long terme, c'était une très bonne idée. Je veux insister sur le fait que le calibre des rapports que j'ai lus est excellent. Ils ne font pas que citer des données statistiques. Ils essaient de décrire les façons de faire des trafiquants et d'expliquer les besoins des victimes. Une bonne partie des rapports est de nature qualitative, par opposition aux données quantitatives. En fait, ils se sont révélés très précieux.
Très brièvement, lorsque notre organisme travaillait au Cambodge, nous avons essayé de faire une partie de la collecte de données dont nous avions besoin pour cibler nos efforts et même dans ce contexte, nous avons trouvé qu'elles étaient d'une valeur inestimable. Vous pouvez avoir des programmes beaucoup plus efficaces si vous avez ce genre de données, mais dans le cas de ces programmes, il n'est pas nécessaire d'attendre le troisième ou le quatrième rapport avant que le gouvernement puisse agir.
[Français]
J'aimerais apporter une nuance. J'essaie de voir quel est l'avantage de nommer un rapporteur sur la traite des personnes, par opposition à la création d'un bureau national.
[Traduction]
Lorsque nous avons proposé le poste pour la première fois, une partie des fonctions du poste était la collecte de renseignements. Ceci étant avant le comité, nous pensons qu'il s'agirait d'un bon complément. Cela vous permettrait d'avoir un contact, comme vous l'avez entendu, plus efficace avec les organismes non gouvernementaux et ce poste présenterait une perspective plus engagée, parce qu'il est indépendant. Il est en mesure de pousser l'enveloppe, de présenter des recommandations qui pourraient nécessiter quelques années de gestation, mais au moins, ces recommandations se retrouveraient sur la place publique. C'est une fonction qui peut être soit à l'intérieur d'un bureau... mais vous perdez certains avantages à le faire ainsi.
Merci. Je sais que j'ai seulement cinq minutes, alors je serai très brève, parce que j'aimerais partager mon temps avec ma collègue, Mme Grewal. Elle a une question également.
Premièrement, je tiens à vous remercier tous de votre présence. J'aime vraiment le fait que vous ayez tant d'expérience et que vous soyez très engagés.
J'ai une question qui s'adresse à quiconque peut y répondre. Peut-être que je vais commencer par la rapporteuse, Mme Wahlberg.
Est-ce que vous trouvez que la légalisation de la prostitution favorise ou défavorise la traite de personnes dans les pays partout dans le monde?
J'ai discuté avec ma collègue ici et je vais répondre.
Il est clair pour nous— surtout parce que la rapporteuse nationale suédoise est en contact avec les forces policières de la plupart des pays, y compris de l'Allemagne, des Pays-Bas et, dans certains cas, de l'Australie — qu'en légalisant l'industrie de la prostitution, vous créez un marché pour les trafiquants, et les trafiquants iront là où il y a un marché.
En Suède, l'industrie de la prostitution n'est pas légalisée. En fait, nous avons criminalisé le fait d'acheter des services sexuels. Nous savons que la loi agit comme un obstacle pour les trafiquants parce qu'il est plus difficile de créer un marché ici. Si vous avez regardé les rapports que nous avons envoyés et qui ont été présentés par la rapporteuse, elle parle dans les deux derniers rapports, des effets que la légalisation aurait sur la question. Nous pensons que c'est un très gros problème de le faire.
Merci, madame la présidente.
Monsieur Perrin, votre organisme, The Future Group, s'est montré critique, dans son rapport de mars 2006, à l'égard des antécédents assez pitoyables du Canada en matière de traite de personnes. D'autres pays, dont les États-Unis, l'Australie, la Norvège, l'Allemagne et l'Italie, ont fait beaucoup mieux, recevant une note de B+ ou mieux, et pourtant, à ma connaissance, aucun de ces pays n'a de rapporteur national.
À votre avis, comment le fait de nommer un rapporteur national ici au Canada aura des répercussions sur la note d'échec que nous avons reçue, et est-ce que la création d'un tel poste constitue la meilleure utilisation de nos ressources?
Vous avez raison de présenter la chose comme une question de ressources limitées. Il serait de loin plus efficace de créer un bureau au sein du gouvernement chargé à la fois de la collecte de renseignements et de la mise en oeuvre des programmes qui aideront directement les victimes de la traite et qui aideront à arrêter les trafiquants. Ce serait une meilleure utilisation du temps
Dans un monde idéal, vous auriez également un rapporteur national, mais comme vous l'avez signalé, ces pays n'en ont pas. Par contre, leur fonction de collecte de renseignements est extrêmement élevée et efficace.
Celui dont je peux parler...
Un peu de silence, s'il vous plaît. Je vous demanderais de ne pas avoir de discussion parallèle ici, s'il vous plaît.
Désolée, monsieur Perrin
Ce n'est rien. Merci, madame la présidente.
D'autres pays, comme les États-Unis, présentent une évaluation très complète de la situation, essentiellement, et ils le font d'une manière très efficace. Les organismes au Canada, tant et aussi longtemps qu'ils sont traités avec respect, pour être bien franc, et qu'ils sont rassurés quant à la confidentialité, pourraient travailler avec un bureau au sein du gouvernement. Alors, nous ne perdons pas totalement l'approche du secteur non gouvernemental.
Je veux dire, également, qu'à l'heure actuelle, nous voyons une bonne coopération avec des organismes gouvernementaux comme l'ASFC et la GRC, avec des organismes de première ligne à London et à Windsor, par exemple, qui commencent à travailler sur ces cas de victimes de la traite au Canada. Alors, cela peut fonctionner. D'après ce que je crois comprendre, les lignes directrices insistent vraiment sur l'importance de cette question.
Alors, je ne pense pas du tout qu'un rapporteur national soit la seule réponse. En fait, c'est une autre possibilité. Mais il faudrait que ce soit avec ce bureau, si l'on veut que cela fonctionne.
Pour avoir travaillé au gouvernement suédois pendant cinq ans, je pense que l'inconvénient à ce qu'il n'y a qu'un bureau au gouvernement, c'est que lorsque la majorité politique du gouvernement change, les politiques changent assez radicalement, très rapidement. En créant une fonction indépendante extérieure au gouvernement, on augmente la stabilité du travail et des enquêtes sur les façons de poursuivre le travail.
Comme c'est le cas en Suède, il est préférable d'établir à la fois un bureau ou des responsables au gouvernement et un rapporteur national indépendant.
À votre avis, qu'est-ce qui pourrait faire avancer les enquêtes sur la situation à Windsor et à London? Je sais ce qui se passe là-bas. À votre avis, qu'est-ce qui aiderait le plus le gouvernement à mettre un terme à la traite de personnes là-bas?
La chose la plus importante qu'il peut faire est de montrer qu'il est vraiment déterminé à corriger le problème. Il ne s'agit pas seulement de faire en sorte que les travailleurs de première ligne du gouvernement qui rencontrent les victimes de la traite les avisent que le gouvernement est déterminé à agir et que c'est une priorité pour lui, mais aussi d'aviser les trafiquants. Ils lisent les journaux et ne veulent pas mener leurs activités dans les pays qui commencent à sévir. C'est donc le plus important, et il faut joindre l'acte à la parole.
Merci, madame la présidente.
Je remercie nos témoins. Je suis bien contente de vous avoir entendus.
J'ai quelques questions. J'aimerais commencer par Mme Wahlberg.
Le bureau du rapporteur a été créé en 1997. Quelle différence ce bureau a-t-il fait dans le pouvoir du gouvernement suédois de contenir la traite de personnes, à l'échelle nationale et à l'échelle internationale? Comment les choses ont-elles changé?
Comme nous l'avons déjà mentionné, d'abord et avant tout, il y a la sensibilisation à ces questions en général dans la société: au sein des autorités publiques, du gouvernement et du public. Les gens comprennent qui vient ici, pourquoi, qui organise tout cela et d'où viennent les victimes. Chez-nous, la plupart des victimes viennent de la Russie, des pays baltes et de l'Europe de l'Est.
De plus, nous mettons davantage l'accent sur la coopération transfrontalière, non seulement avec les autorités policières, mais aussi entre gouvernements. Cette collaboration découle en grande partie des conclusions de la rapporteuse nationale, qui sont très utiles. Nous avons eu la collaboration de la police, mais avons également mené beaucoup de campagnes de prévention et d'initiatives bilatérales et multilatérales avec les neuf pays qui entourent la Suède, d'où viennent la plupart des victimes. Nous avons également bénéficié de la collaboration de la police et du gouvernement, parce que c'est un enjeu visible.
Mme Wahlberg interagit-elle avec les rapporteurs du Népal, des Pays-Bas, de la Belgique et de l'ONU? Dans l'affirmative, quelle forme cette interaction prend-elle? Y a-t-il des avantages à ce qu'un tel dialogue s'établisse entre les rapporteurs?
Kajsa et moi interagissons beaucoup avec la rapporteuse néerlandaise en particulier, mais il ne faut pas oublier que le système néerlandais de lutte contre le trafic de personnes, particulièrement à des fins sexuelles, diffère beaucoup du système de la Suède. Je dois souligner qu'il y a quelques divergences, non pas entre les rapporteuses, mais entre les différents systèmes. De façon générale, toutefois, elles gardent contact et échangent toujours de l'information.
La rapporteuse spéciale sur la traite de personnes est venue plusieurs fois en Suède; elle est d'ailleurs venue récemment nous rencontrer pour discuter des problèmes. La rapporteuse spéciale sur la violence faite aux femmes, Yakin Ertürk, est également venue ici, parce qu'en Suède, nous considérons la traite de personnes à des fins sexuelles comme une forme de violence faite aux femmes. Cela fait donc partie de son enquête aussi. Elle visite les bureaux d'ici.
Je vous remercie beaucoup de cette réponse.
Monsieur Perrin, j'ai écouté avec attention ce que vous avez dit sur les activités de lutte contre la traite de personnes à London et à Windsor. Pouvez-vous nous décrire ce qui se passe là-bas? Je viens de London, donc je suis naturellement très curieuse.
D'après ce qui a été diffusé publiquement, je crois qu'il y a plusieurs organismes de première ligne qui travaillent directement avec les victimes. Ces organismes ont l'habitude de travailler avec des personnes qui sont au Canada illégalement et ils ont été portés à leur attention. Il semble s'installer comme un rôle de liaison entre ces organismes et l'ASFC ainsi que CIC, soit les fonctionnaires de l'Agence des services frontaliers et les agents d'immigration.
C'est ce qu'on s'attend à voir dans les nouvelles lignes directrices prévues pour mai. C'est ce que nous verrons plus tard. C'est encore très tôt, et je ne peux pas vraiment vous en dire plus pour l'instant. Il est toutefois prometteur de voir que le type de collaboration à laquelle on s'attend commence à s'établir.
À long terme, la coopération entre ces organismes non gouvernementaux, qui comprennent beaucoup d'organismes de mouvements religieux, je dois dire, s'avère une recette gagnante, pour ainsi dire, du moins aux États-Unis. D'autres pays en reconnaissent la valeur.
La solution ne se limite pas au gouvernement. Il ne s'agit pas de créer des centres de lutte contre la traite de personnes dans toutes les villes. Il faut tirer avantage des ressources qui existent déjà pour aider les gens et faire le lien avec les fonctionnaires. Ils ont vraiment senti l'importance de coopérer avec ces organismes.
Merci.
Votre temps est écoulé. Nous allons entreprendre un second tour de table.
Madame Minna, vous avez cinq minutes.
Merci beaucoup.
Je voulais vous poser une question pendant que nous avons la chance de vous avoir toutes les deux ici. La rapporteuse a-t-elle pris position avant ou après l'établissement de la nouvelle politique visant à criminaliser l'utilisateur et à décriminaliser la prostitution?
La fonction de rapporteur a été créée en 1997. La loi qui criminalise l'acheteur est entrée en vigueur le 1er janvier 1999, soit environ deux ans plus tard.
Concernant les rapports et le travail de la rapporteuse, de toute évidence, il y a des liens qui ont mené à cette loi et au type de renseignements qui ont été recueillis. Croyez-vous que cette fonction a contribué à cette orientation?
Oui, absolument, bien que l'initiative de criminaliser l'acheteur soit d'abord venue d'un mouvement de femmes suédoises. Cela dit, les premiers rapports du rapporteur national ont assurément servi de fondement à l'entrée en scène de la loi.
Pendant que vous êtes ici, j'aimerais vous poser une question.
Nous avons déjà discuté de la possibilité de criminaliser l'acheteur, et je pense que dans une certaine mesure, nous avons tiré nos conclusions. Il y a des députés qui ont dit que ce système ne fonctionnait pas vraiment aussi bien en Suède que tout le monde le dit. Je ne vous accuse pas; je dis seulement que certains ont l'impression qu'en criminalisant l'acheteur, les femmes se sont retrouvées essentiellement dans la clandestinité et que nous avons créé un problème de clandestinité plus grave qu'avant. Est-ce vrai?
Encore une fois, j'ai demandé à Kajsa quoi dire.
Comme la police de comté de Stockholm le dit toujours lorsque cette question est posée, la prostitution ne peut pas être si clandestine, parce qu'elle doit être accessible pour les acheteurs. Les acheteurs vont trouver les proxénètes et trouver les femmes. La police locale comme nationale dit toujours que son travail consiste à trouver les acheteurs et que si les acheteurs peuvent trouver les proxénètes, les policiers le peuvent aussi.
J'ajouterais aussi, si je le peux, que ce sont des travailleurs sociaux qui aident les femmes et les jeunes hommes, dans ce contexte, à se sortir de la prostitution ou de la traite de prostitués. Les travailleurs sociaux de toutes les grandes villes ont changé leurs façons d'entrer en contact avec les femmes. Ils travaillent beaucoup sur Internet, essaient d'entrer en contact avec les femmes. Ils ont toutes sortes de nouvelles méthodes pour les trouver.
Encore une fois, quand on trouve les acheteurs, on trouve les femmes, parce que les acheteurs savent où elles sont.
Merci beaucoup.
Mes observations s'adressent à nos témoins de l'étranger. Je n'ai pas entendu votre exposé; je suis arrivée en retard, mais j'ai quelques questions à vous poser en fonction de ce que j'ai entendu.
Vous avez parlé de l'importance que le rapporteur puisse apporter de la stabilité si le gouvernement change d'une façon dont le bureau ne change pas. Je me demandais si vous pouviez nous en parler davantage et nous faire part de votre expérience en ce sens.
Ma première question portait sur les problèmes auxquels vous êtes confrontés, mais permettez-moi de vous demander quelles améliorations pourraient être apportées à votre fonctionnement, qu'il s'agisse de financement, de vos ressources (je ne sais pas en quoi elles consistent) ou de l'acceptation de vos conclusions par le gouvernement. De quoi auriez-vous besoin pour mieux faire votre travail?
Kajsa va souligner les améliorations qu'elle voudrait voir. Je vais vous décrire ce qui se passe lors d'un changement de gouvernement.
Comme vous le savez, nous avons eu ici pendant très longtemps des gouvernements socio-démocrates qui accordaient une très grande priorité à la lutte contre la traite de personnes en donnant de l'argent au rapporteur et aux forces policières, en donnant beaucoup d'argent aux ONG pour travailler à divers chapitres (la prévention et la protection des victimes, entre autres) et également en finançant des organismes dans les pays d'origine des victimes.
Nous avons maintenant un nouveau gouvernement qui a totalement changé les priorités et n'a presque rien fait à cet égard jusqu'à maintenant. Il a également décidé de ne pas se doter de plan d'action national dans un avenir rapproché, ce qui signifie évidemment que bien que le travail sur la traite de personnes à des fins sexuelles ne change pas, parce que le mandat de tous ceux qui luttent contre la traite n'a pas changé, l'enthousiasme et l'urgence ont été mis de côté.
Lorsqu'il y a un rapporteur national indépendant, son bureau garde la question d'actualité, dans la pratique et en poussant le gouvernement à faire des choses. Par exemple, le prochain rapport de la rapporteuse contiendra des recommandations sur ce que le nouveau gouvernement est censé faire.
Nous étions en train de discuter des améliorations à apporter.
Kajsa estime qu'il serait très utile pour son bureau — et je vous rappelle qu'elle a trois policiers et un secrétariat — d'avoir à l'interne des enquêteurs d'expérience, qui connaissent le problème et pourraient l'aider dans ses enquêtes. En ce moment, elle doit trouver des enquêteurs à l'extérieur de son bureau.
Merci, monsieur le président. Je remercie nos témoins de prendre le temps d'échanger avec nous cet après-midi, et ce soir aussi, je présume.
Ma question porte sur la différence entre un bureau de lutte contre la traite des personnes (nous n'avons pas encore établi cette formule, mais en théorie) et le bureau d'un rapporteur. Pendant toute la discussion, nous avons entendu parler des rôles différents de chacun et de l'importance de l'indépendance. Je ne suis toutefois pas encore convaincu qu'il ne pourrait vraiment pas y avoir...
Je vais commencer par faire un petit retour en arrière. Du strict point de vue des dépenses publiques, des ressources publiques, il serait avantageux de ne pas avoir à créer deux bureaucraties séparées s'il existe un moyen de permettre au rapporteur d'exercer ses fonctions au sein d'un bureau relativement indépendant du gouvernement. Je pense que l'une des membres de notre comité a mentionné que nous avions des bureaux qui faisaient rapport au Parlement plutôt qu'au gouvernement. Par exemple, la vérificatrice générale et divers commissaires ont ce type de rôle.
J'aimerais savoir si nos témoins peuvent nous dire brièvement si cette formule pourrait fonctionner: autrement dit, si le rapporteur pourrait exercer ses fonctions au sein d'une commission qui serait indépendante, mais aurait tout de même la responsabilité de faire rapport au Parlement, dans ce cas-ci, et non au gouvernement?
Monsieur Dandurand.
Je vous remercie de cette question.
Je conviens que ce serait possible. Le plus important, ce n'est pas que la structure soit indépendante, mais que la fonction le soit. En fait, aux Pays-Bas, la rapporteuse travaille au ministère de la Justice et reçoit l'aide d'un bureau. Bien sûr, c'est très logique, compte tenu qu'il faut prendre des précautions extraordinaires pour protéger l'information, en garantir l'intégrité et protéger les victimes, parce que la rapporteuse peut avoir de l'information sur elles. Pour moi, il est très délicat de parler de structure. La question n'est pas tant la structure que l'indépendance de la fonction.
Je ne suis pas d'accord avec tout ce qui a été dit. Je crois vraiment qu'il est absolument essentiel que cette fonction demeure totalement séparée des opérations, de l'aide aux victimes, de la défense de leurs droits et de toutes ces autres fonctions. Ce n'est pas qu'elles ne sont pas importantes, mais qu'elles doivent être différentes.
Pour nous préparer à cette réunion, nous avons communiqué, encore une fois, avec le bureau de la rapporteuse des Pays-Bas. C'est l'une des choses qu'elle a répétées, que cette fonction doit absolument être séparée de toutes les autres. Bien sûr, comme M. Perrin l'a dit, ces autres fonctions de défense et de coordination sont toutes importantes, et le rapporteur n'est qu'un morceau du casse-tête.
Je concluerais en disant que nous devons être très prudents quant aux attentes que nous avons à l'égard du rapporteur. Malgré tout ce qui a été dit, il est extrêmement difficile de recueillir ce type de renseignement au Canada. Il ne s'agit pas des Pays-Bas, un pays qu'on peut traverser en une demi-journée. Nous avons aussi un système fédéral. Nous avons des forces policières différentes. La tâche est immense. C'est très difficile. Par conséquent, si le comité décidait de recommander l'établissement de la fonction rapporteur national, il faudrait avoir des attentes assez modestes quant à ce qu'il ou elle pourrait produire au cours des deux ou trois premières années, pendant lesquelles tous les acteurs commencent à se faire confiance, à développer leurs relations et à échanger des données de valeur.
L'idée de créer un niveau de plus me dérange beaucoup, et pas seulement sur le plan des dépenses publiques, bien que ce soit un facteur important. De notre point de vue, cela ajouterait de la distance entre la responsabilité politique... Il est admirable de dire que nous publions tous ces rapports, même si les gouvernements n'en tiennent pas compte, parce qu'ils augmentent la pression. Très bien. Cela permet également au gouvernement de dire qu'il attend que la fonction de rapporteur soit créée.
D'après ce que je retiens de l'exemple néerlandais, encore une fois, comme on vient tout juste de nous le confirmer, il faut au moins deux ou trois ans pour tout mettre en branle. Le gouvernement n'agira pas, parce qu'il dira que nous devons attendre les rapports de ce nouveau rapporteur. Il faudra deux ou trois ans, puis il faudra encore un an pour adopter un plan d'action. Il n'y aurait donc pas de programme ni d'aide pour les victimes ou de changement législatif avant 2015. C'est une perspective très troublante.
La raison pour laquelle on fait la distinction entre la collecte de renseignements et la mise en oeuvre des politiques est excellente. C'est qu'on ne veut pas que les personnes qui sont censées faire des recherches sur un problème le résolvent en même temps. Cela ne signifie pas que toutes ces personnes ne peuvent pas travailler dans le même bureau. Cela signifie que le bureau a un mandat précis. Il y a la division des enquêtes et la division des politiques. Je pense qu'il faut que ces rôles restent séparés, mais que cela ne signifie pas qu'il faut créer un autre niveau de bureaucratie.
Idéalement, il faudrait qu'un groupe non gouvernemental attire l'attention de tout le pays sur cette question. Je peux vous garantir que si le gouvernement décidait de ne rien faire à cet égard, notre organisme serait là dès demain pour en parler. Nul besoin de recevoir du financement du gouvernement pour cela.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Merci de votre présence. C'est un sujet qui nous touche particulièrement. Les femmes et les hommes reconnaissent l'importance que le trafic humain a prise au cours des dernières années.
La mise sur pied d'un bureau de rapporteur national engendrerait des frais, et le gouvernement devrait prévoir dans ses budgets des montants qui assez substantiels, si j'ai bien compris. En fait, madame Wahlberg, vous avez parlé de 13 millions de deutsche marks pour votre poste de rapporteur et les personnes qui y travaillent.
Vous occupez le poste de rapporteuse nationale depuis 10 ans maintenant. Pourriez-vous nous dire combien de personnes ont été arrêtées, poursuivies, emprisonnées ou aidées grâce à votre travail? Avez-vous des chiffres à nous communiquer? Nous devons faire quelque chose, mais nous devons savoir où l'argent va. La mise sur pied d'un bureau pour mettre en oeuvre les recommandations d'un rapporteur signifie beaucoup d'argent.
[Traduction]
Les 30 millions de couronnes dont a parlé Mme Wahlberg ont été mises de côté par le gouvernement pour travailler à l'élaboration de mesures opérationnelles pour contrer le trafic d'êtres humains, non pas pour le bureau comme tel. Par ailleurs, le coût du bureau est inclus dans les importants crédits alloués à la police nationale. Parce que le gouvernement a confié la tâche à la police nationale, celle-ci devra financer le bureau de Mme Wahlberg à partir de ce budget.
Pour ce qui est des chiffres comme tels, nous les passerions volontiers en revue avec vous, bien que je n'aie pas en fait envoyé les rapports du rapporteur national, où tout cela est énuméré. Disons simplement que l'an dernier, c'est-à-dire en 2006, 25 trafiquants ont été poursuivis et condamnés à de longues peines d'emprisonnement. Quant aux victimes, 56 d'entre elles ont été secourues. Plusieurs ont obtenu des permis de séjour en Suède, de nature soit temporaire ou permanente, selon le cas.
La plupart des victimes avec lesquelles nous traitons, parce que nous sommes si près des pays baltes, préfèrent y retourner. C'est moi qui vous le dis, non pas Kajsa. Il existe un projet multilatéral mené par les pays baltes et les cinq pays nordiques en vue d'établir de bons services de rapatriement dans les pays d'origine, avec refuges, éducation pour ceux qui travaillent dans les refuges et accès à l'emploi, à l'éducation et ainsi de suite.
Pour ce qui est de ceux qui achètent les services sexuels, 1 500 hommes environ ont été mis en accusation et entre les deux tiers et les trois quarts d'entre eux ont été condamnés en vertu de cette loi.
Si vous souhaitez avoir plus de données, nous vous les fournirons avec plaisir.
[Français]
Je voulais seulement avoir une idée de ce que cela pouvait représenter en termes d'argent par rapport aux résultats. J'ai lu ce qui suit dans le document de présentation :
[...] aux Pays-Bas, en plus du rapporteur national, l’aide aux victimes est coordonnée par la Fondation contre la traite des femmes, financée par le gouvernement, laquelle a créé 10 réseaux de soutien dans le pays (protection); les poursuites des trafiquants sont coordonnées par un procureur national spécialisé dans la traite des personnes (poursuites); les efforts de lutte dans les pays sources sont coordonnés par l’organisme La Strada, financé par le gouvernement (prévention).
Cette approche est-elle plus globale et répond-elle mieux aux besoins des personnes qui sont victimes de la traite des personnes, ce qui permet d'obtenir des résultats beaucoup plus tangibles en termes de recherche, de cueillette de données et d'arrestation, etc.?
Monsieur Dandurand.
Merci, madame Demers.
Madame la présidente, dans le cas de la Hollande, par exemple, le budget annuel est de l'ordre de...
[Traduction]
[Français]
Dans le cas de la Hollande, le budget annuel est de l'ordre de 450 000 euros. Il faut se souvenir qu'il s'agit d'un petit pays ayant une force policière unique, et ainsi de suite. Le budget de telles ressources au Canada serait beaucoup plus élevé.
Le point que vous avez soulevé est très important, madame Demers. Un rapporteur national n'est qu'un des éléments d'une stratégie nationale. Vous avez cité la stratégie nationale de la Hollande, qui inclut une foule d'autres mesures. C'est ce qu'on attend avec impatience au Canada: une stratégie nationale qui traite de l'ensemble de ces facteurs et des différents éléments de réponse qui doivent être mis en chantier.
[Traduction]
Madame la présidente, je suis en train d'examiner les recommandations relatives au mandat du rapporteur. Elles portent sur cinq éléments précis. Certaines responsabilités posent d'énormes défis. Je me demande si vous avez réfléchi au moyen de surmonter certains de ces obstacles — par exemple, la question de l'accès à l'information et des problèmes qui y sont associés, compte tenu du droit canadien relatif à la protection des renseignements privés.
Il faut supposer que des modifications de la Loi sur la protection des renseignements personnels s'imposeraient afin d'autoriser un pareil niveau de partage de l'information. C'est pourquoi, puisque l'organisme est externe et indépendant du gouvernement, ce lien est crucial. Donc, à moins que ce lien ne se conforme à des mesures qui autorisent l'échange de ce genre de données, vous affirmeriez plutôt que, si nous ne pouvons pas les appliquer dans le cadre de la Loi sur la protection des renseignements personnels — ce ne serait maifestement pas le cas —, nous nous y conformerions; nous ferions ce qu'exige la loi. Quel niveau de données satisfera aux exigences de la loi? On se retrouvera avec des formes plus textuelles, plus généralisées, d'information. Il faudrait prendre une décision.
Nous n'avons pas fait d'analyse de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans l'optique d'un rapporteur national pour voir si elle vous autoriserait à obtenir des données suffisamment utiles pour vous y conformer. C'est une analyse qu'il faudrait que le comité fasse faire par ses attachés de recherche ou ses conseillers. Vous avez tout à fait raison: à moins de pouvoir obtenir des données qui vous fournissent l'information dont vous avez besoin, vous ne pourrez rien faire.
Par exemple, nul besoin d'avoir le nom de la victime, son âge, pour élaborer une politique. Des données fondamentales comme d'où elle vient, comment elle a fait l'objet de la traite, comment elle a été appréhendée ou signalée à la police ou qu'elle est entrée en contact avec la police ou un service social — voilà le genre de données dont vous avez besoin en règle générale, et ce sont là des données qui peuvent probablement être réunies d'une manière conforme à la loi. C'est un des points sur lesquels il faudrait que le comité travaille.
Toutefois, cela ajoute de la complexité au processus. Si le bureau relevait d'un organisme comme la GRC, par exemple, ou le Service de renseignement criminel, alors vous pourriez le faire, parce qu'essentiellement, vous ne vous trouveriez pas à échanger de l'information avec des services externes. Tous se trouvent au sein du même ministère qui analyse ses propres données, et c'est là que se trouve la plupart d'entre elles. C'est un argument, soit de le faire en réalité en passant par les services d'exécution de la loi, mais manifestement également d'inclure dans l'équipe du personnel et des recherchistes les autres intéressés et les groupes ayant vraiment une contribution utile à faire. Nous l'avons entendu du rapporteur qui a témoigné par appel conférence aujourd'hui.
Nous avons entendu exposer divers points de vue à l'égard du mandat. Qui d'autre faudrait-il consulter si nous décidons d'aller de l'avant? Qui en fait devrait participer à la définition du mandat, en plus de ceux que nous avons déjà entendus?
Je ne peux pas vous fournir les noms des personnes qu'il faudrait consulter, mais il serait fort sage selon moi de mener une étude pilote dans une municipalité, une région ou une province du pays, d'essayer de régler certains points dont vous avez parlé tout à l'heure et les questions de protection de renseignements personnels. Il n'y a pas que des lois fédérales de protection qui s'appliquent; les provinces en ont aussi, des lois de protection de l'enfance et toute une série d'autres mesures.
À nouveau, je ne souscris pas entièrement à ce qu'a dit M. Perrin, bien que je sois en règle générale d'accord avec sa position générale. C'est vrai que, si vous voulez bien faire le travail, il faut utiliser des données individualisées, parce que si vous ne pouvez pas suivre ces cas, vous ignorez ce que vous êtes en train de dénombrer. C'était l'opinion d'un groupe d'experts établi par l'Union européenne qui a dit, essentiellement, qu'il faut effectivement des données individualisées pour pouvoir suivre la situation et faire des liens. Autrement, vous n'avez qu'un groupe qui dénombre la même chose plusieurs fois. Cela crée d'énormes difficultés.
Selon moi, ce n'est pas tant une question de parler à une personne ou à une autre. Je crois que vous avez maintenant une assez bonne idée de ce que seront les problèmes. Vous ou le gouvernement avez vraiment besoin de faire un essai en effectuant une étude approfondie dans une province ou une autre région du pays. Il existe des régions, au Canada, où ce serait possible. M. Perrin en a mentionné quelques-unes. Assurément, en Colombie-Britannique, il y a eu une très intense collaboration entre les ONG et la police durant les trois ou quatre dernières années, et il existe toutes sortes d'autres régions.
Je rejette l'idée que c'est une question qui relève de la GRC. Cela n'a rien à voir avec la police nationale. Nous parlons d'une infraction au Code criminel. Or, dans le Code justement, l'administration de la justice et les services de police relèvent des provinces. Quand on se lance dans une pareille entreprise, il faut obtenir la participation des provinces, des forces policières municipales et provinciales, car ce n'est pas vrai que vous allez coincer ces trafiquants à la frontière. Ce n'est pas là qu'on les prend; c'est après coup, quand ils se mettent à exploiter des femmes et des enfants.
Je vous remercie.
La parole va maintenant à Mme Davidson.
Partagez-vous le temps qui vous est alloué avec Mme Grewal? D'accord.
Je vous remercie beaucoup.
Je remercie également sincèrement les témoins de leurs exposés. Ils étaient certes fort intéressants.
Monsieur Dandurand, si je vous ai bien compris, vous avez décrit la fonction très succinctement: un organe sans lien de dépendance qui est clairement mandaté pour se concentrer sur la collecte de données, un organisme qui a la capacité exclusive d'avoir accès à de l'information confidentielle et le pouvoir d'en faire rapport directement en vue d'en protéger l'intégrité.
Selon vous, ce rapporteur devrait-il relever du Parlement ou du gouvernement, quelque soit la forme qu'a pris la fonction? Ensuite, faudrait-il ajouter un bureau consacré à la traite d'êtres humains pour traiter de toutes les données et les conclusions qui en ressortent, comme ce que nous a décrit M. Perrin?
Le rapporteur n'est pas la solution complète; il n'en est qu'un élément. Il faut certainement avoir en place un mécanisme de coordination, et vous aurez probablement besoin de deux pareils mécanismes. Ainsi, il vous faut un mécanisme de coordination au niveau opérationnel au sein du gouvernement fédéral, parce que plusieurs organismes participent à la tâche. Il vous faut aussi des mécanismes de coordination fédérale-provinciale quand vient le temps de traiter de ces problèmes, particulièrement lorsque les victimes sont des enfants, parce que beaucoup de problèmes, de services et ainsi de suite sont réglés ou fournis par les provinces ou relèvent d'elles. Donc, effectivement, les deux sont essentiels selon moi.
En fait, il serait tout à fait absurde d'avoir simplement un rapporteur national, sans désigner qui que ce soit pour régler le problème. Nous nous retrouverions alors avec ce que M. Perrin a décrit comme l'un des pires scénarios, soit des rapports qui continueraient de s'accumuler sur les tablettes et au sujet desquels nul ne ferait rien. Il faut donc se doter d'une stratégie complète.
Par ailleurs, si vous souhaitez que la stratégie demeure d'actualité, qu'elle soit constamment peaufinée et qu'elle vise ce qui est essentiellement une cible en mouvement, un problème changeant, il faut se rappeler que la traite des personnes prend constamment de nouvelles formes. Donc, si vous souhaitez que vos stratégies correspondent à la réalité, il faut assurer un suivi constant, non pas se fier simplement à la perception qu'en ont quelques policiers ou forces policières, mais miser essentiellement sur tous les intervenants, y compris les grandes organisations féminines, les personnes qui aident les victimes et qui travaillent auprès des réfugiés et des immigrants illégaux et ainsi de suite. Il faut que tous ces gens en fassent partie, et c'est pourquoi un rapporteur indépendant est si important. Vous n'obtiendrez pas la participation de ces personnes en son absence. Nous savons, grâce aux consultations que nous avons eues avec elles, ici au Canada et ailleurs, qu'elles ne communiqueront pas avec les services et n'encourageront pas les victimes à le faire à moins qu'elles soient convaincues qu'il n'y a pas de danger. Par conséquent, il faut un rapporteur qui crée un espace où ces organismes peuvent échanger les données et l'information sans danger, sans crainte qu'elles soient mal utilisées.
Il importe selon moi de définir comme étant distinctes les tâches du rapporteur national, qui consistent en réalité à découvrir la réalité de la traite des personnes au Canada et à l'exposer. Selon les recommandations présentées, il appartient alors au gouvernement de prendre les décisions politiques, soit de décider s'il faut donner suite aux recommandations et débloquer les fonds dont ont besoin les intervenants pour les mettre en oeuvre. Ainsi, on ne peut avoir que le seul rapporteur national. On a besoin d'un bureau ou de personnes désignées au sein du gouvernement comme étant responsables, par exemple le groupe de travail interministériel — qui ne fonctionne pas très bien au Canada actuellement, mais quelque chose du genre — qui serait habilité à élaborer les mesures voulues et qui aurait le droit de le faire.
Je vous remercie.
Madame Davidson, souhaitez-vous poser une autre question? Il reste une minute dix secondes.
J'aimerais simplement demander à Mme Walberg de me donner quelques précisions sur différents chiffres que j'ai entendus. L'un était peut-être exprimé en devises suédoises, et je crois que Mme Ekberg en a fourni un autre en dollars. Pouvez-vous m'expliquer à nouveau combien d'argent est dépensé à cette fin en Suède? Il ne s'agit pas d'argent réservé à votre poste, mais bien d'argent qui sert à mettre en oeuvre la recommandation de votre rapport, n'est-ce pas?
L'ancien gouvernement a beaucoup fait à cet égard, mais l'actuel régime n'a pas présenté de budget. Si je me fie à tout ce qui s'est dépensé au cours des cinq années durant lesquelles je travaillais au sein du gouvernement, y compris les 30 millions de couronnes suédoises affectés au rapporteur national...
Je vous donne l'équivalent dans un instant.
Vous pourriez dire que le total représente quelque 350 millions de couronnes suédoises, l'équivalent de 50 millions de dollars environ, si le taux de change est de 1 $ pour 7 couronnes. Cela inclut tous les projets multilatéraux que nous avons exécutés, les mesures de prévention prises en Suède même et à l'extérieur et les 30 millions de couronnes — quelque 4,5 millions de dollars — qui ont été versées à la police. Donc, ce montant inclut tout.
Je vous remercie beaucoup.
Chers collègues, j'aimerais laisser aux témoins deux ou trois minutes pour nous faire leurs observations finales — et je les prierais de bien vouloir respecter la limite de temps.
Ce que j'ai entendu, c'est que la traite de femmes et d'enfants est une véritable catastrophe sur le plan des droits de la personne et exige une stratégie globale. Par contre, je n'ai rien entendu au sujet de l'expérience vécue par des pays comme l'Inde, qui a légalisé la prostitution — et vous avez mentionné la criminalisation du client — et la Chine, où il existe un énorme problème de traite. Si vous pouvez nous en parler, je vous en serais reconnaissante. Par contre, si vous ne le pouvez pas, faites-nous simplement des observations finales pendant deux ou trois minutes.
Je vous remercie.
Monsieur Dandurand.
Je ne crois pas pouvoir vous faire une réponse complète, madame la présidente, mais nous avons parlé du rapporteur néerlandais, et il faut se rappeler qu'en Hollande, par exemple, la traite des personnes se définit exclusivement en termes d'exploitation sexuelle. Elle n'inclut pas les autres formes d'exploitation, comme en droit canadien.
De plus, on a eu tendance à réduire le problème à une simple question d'exploitation sexuelle. La traite d'être humains est beaucoup plus que cela. Elle représente beaucoup plus que le simple franchissement des frontières ou la dimension internationale. Donc, quand nous examinons l'expérience vécue par d'autres pays qui ont adopté des lois insistant sur l'exploitation sexuelle, il faut se rappeler que ce n'est pas là notre définition de la traite d'êtres humains, pas plus que ce n'est la définition donnée par les Nations Unies dans leur protocole contre la traite des personnes.
Pour ce qui est de la politique, mon opinion fondée sur mon expérience est qu'en réalité, rien de final n'a été décidé. Il n'existe pas de preuve concluante, dans un sens comme dans l'autre. Les deux politiques, en ce qui concerne la prostitution, ont des avantages et des inconvénients et nos interventions peuvent parfois aggraver les problèmes sociaux plus que si nous les avions relégués dans l'ombre pour ne pas les voir.
Il n'existe donc pas de preuve concluante, et c'est pourquoi la question fait l'objet d'un débat aussi chaud, non seulement au Canada, mais également ailleurs.
Je vous remercie.
Tout d'abord, j'aimerais parler de la dimension internationale, puisque notre organisme est très actif dans des pays qui ont soit légalisé la prostitution ou qui auraient été tout aussi bien de le faire, étant donné qu'ils n'appliquent sûrement pas leurs propres lois.
Je n'ai jamais rencontré dans un pays en développement de victime de la traite qui a choisi d'en faire sa profession. Je ne crois pas que les jeunes femmes se lèvent le matin et décident tout à coup que c'est le métier qu'elles vont exercer, alors que l'autre option est de faire des études, d'avoir un emploi, d'apprendre un métier. Cette fausse dichotomie au sujet des choix n'existe pas. C'est là en réalité le point de départ.
Vous constaterez l'existence d'études dans un camp comme dans l'autre selon lesquelles c'est bon ou c'est mauvais. Ce débat est un peu accessoire, et j'aimerais encourager le comité à se concentrer, du moins dans le cadre de son étude actuelle, sur la question de la traite d'êtres humains telle qu'elle existe actuellement au Canada. D'autres comités ont examiné la légalisation de la prostitution. C'est une question qui suscite toujours la controverse et pour laquelle il ne se dégage pas de consensus parmi les membres du comité, que je sache. J'encouragerais donc le comité à se concentrer sur le problème de la traite des personnes.
Mon deuxième point est qu'il existe une définition qui a été adoptée par plus de 100 pays. On la trouve dans le protocole des Nations Unies contre la traite des personnes et dans le rapport que nous avons fourni dans notre premier mémoire. Voilà la définition qu'il faut utiliser; c'est celle avec laquelle il faut travailler. Il faut l'étudier davantage. Ce sont là toutes des raisons, si ce n'est des prétextes, pour tergiverser encore plus. On ne va pas aider les personnes qui se trouvent actuellement à Calgary, à Toronto, à Vancouver et à Windsor. Dans chacune de vos circonscriptions, que vous le sachiez ou non, il y en a.
Donc, que peut faire le comité maintenant? Il y a d'autres témoins. Si vous envisagez sérieusement la possibilité d'un rapporteur national ou d'un bureau national, il faut que vous parliez à nouveau à la GRC, à son groupe de travail sur la traite des personnes. Il n'existe pas au Canada de superorganisme policier qui fait tout, de sorte que c'est elle l'interlocuteur au niveau national. Elle maintient une liaison très étroite avec les organismes policiers locaux.
Comme je l'ai déjà mentionné, Vancouver est un terrain très fertile, en raison tant du risque auquel la ville fait face que du travail qui se fait là-bas. C'est un véritable microcosme qui peut vraiment servir de modèle. J'encourage donc le comité à choisir cette région comme point de départ.
De plus, je ne crois pas que les options, soit de savoir si nous allons avoir un rapporteur ou un bureau, sont vraiment très constructives. Il vaut mieux selon moi s'entendre tout d'abord pour dire que nous avons besoin de meilleurs renseignements sur la traite des personnes au Canada. C'est là la première chose à faire. Ensuite, il faut avoir une approche coordonnée au sein du gouvernement pour le faire et prendre conscience que l'actuel système ne fait ni l'un ni l'autre.
C'est là une recommandation suffisamment importante. Je vous encouragerais à faire preuve d'une certaine unité dans votre rapport. Elle permettra probablement d'accomplir plus dans l'intérêt des victimes. Plutôt que d'entrer dans les menus détails de ce qu'est exactement le mandat... c'est bien de le proposer, mais si vous constatez qu'il y a désaccord à mesure qu'avancent vos délibérations, je vous encourage à adopter un point de vue plus général.
Rien ne va se faire jusqu'à ce que cette question prenne une plus grande importance sur le plan des priorités politiques. Le fait qu'un comité parlementaire se penche sur la question est bon. Il faut maintenant passer à l'étape suivante. Il faut qu'on en discute à la Chambre des communes et à la table du conseil des ministres.
Je vous remercie beaucoup.
Oui, permettez-moi de prendre le temps de le faire.
Au sujet de ce qui se fait à l'étranger, j'aimerais souligner que récemment, la police néerlandaise a fait fermer la moitié du quartier rouge d'Amsterdam en raison de l'expansion du crime organisé. Cela nous montre exactement les effets de la légalisation : elle attire les réseaux organisés.
Quand nous avons commencé à travailler en Russie, dans les pays baltes et au Népal, on proposait de légaliser l'industrie de la prostitution dans ces cinq pays. Tous ont maintenant choisi d'aller dans la direction opposée en se concentrant sur des mesures préventives comme l'amélioration du statut social, économique et juridique des femmes et la criminalisation des clients, et en consacrant beaucoup d'efforts à la lutte contre les réseaux organisés.
Le Népal en est un bon exemple. J'ai passé beaucoup de temps dans ce pays où les conflits armés viennent de prendre fin, où les femmes étaient vendues de l'autre côté de la frontière, en Inde, et où la prostitution locale et la traite des blanches à l'intérieur du pays était assez répandue en raison du conflit armé. Toutefois, le nouveau gouvernement a décidé de créer un poste de rapporteur national. On criminalisera les clients en vertu d'une nouvelle mesure législative et on favorisera la création d'un plan d'action national.
Il est donc nécessaire ici, au Canada, d'avoir un rapporteur national indépendant qui scrute attentivement la situation, car en ce moment, l'information est éparpillée et désorganisée et personne ne sait ce qui se passe dans les différentes provinces.
Non, nous en avons discuté plus tôt. À ses yeux, étant donné qu'elle occupe ce poste depuis si longtemps et qu'elle a vu les résultats du travail qu'elle et ses collègues ont pu accomplir, elle ne peut que vous recommander la création d'un poste de rapporteur national.
Comme nous en avons déjà parlé, libre à vous de venir voir comment ce travail est réalisé.
Chers membres du comité, j'aimerais remercier nos témoins du temps et des efforts qu'ils nous ont consacrés ainsi que des avis d'experts qu'ils nous ont communiqués.
Merci du temps que vous nous avez accordé, malgré les délais serrés. Nous vous avons convoqués à la dernière minute, et vous avez pu accéder à notre demande. Je vous en remercie grandement. C'était un échange très enrichissant; j'espère que vous êtes du même avis.
Chers collègues, nous allons interrompre la séance publique pour poursuivre à huis clos.
La séance est interrompue pour une minute.
[La réunion se poursuit à huis clos.]
[La séance publique reprend.]
Merci.
Ma motion se lit comme suit :
Que le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes considère la prostitution comme une activité d'exploitation sexuelle de personnes, principalement de femmes, qui résulte et favorise notamment des rapports d'inégalité et de violence entre les hommes et les femmes dans la société;
Que le comité recommande par conséquent au gouvernement et à la Chambre de prendre en considération cet avis dans tout processus visant la modification des dispositions du Code criminel relatives aux activités liées à la prostitution;
Que le comité recommande par conséquent au gouvernement de prendre en considération cet avis pour orienter les travaux de Conditions féminines Canada et des différents organismes gouvernementaux canadiens;
Que rapport de l'adoption de cette motion soit fait à la Chambre.
Madame la présidente, j'aimerais seulement préciser que cette motion, qui fait suite à de solides consultations, tant publiques que privées, tient compte de l'opinion des membres et des témoins concernant la légalisation de la prostitution. Il ne fait aucun doute que l'une des choses que nous avons déclarées haut et fort à ce comité — tout comme nos témoins l'ont fait —, c'est que la prostitution c'est l'exploitation sexuelle de personnes. Toute notre étude a porté sur l'exploitation d'êtres humains, à laquelle nous tâchons de mettre un terme.
Avant de laisser place au débat, j'aimerais rappeler aux membres que Mme Mourani avait présenté une motion semblable, et que le comité s'était dit préoccupé par le fait qu'elle devançait le rapport. Je pense que le comité l'avait quand même adoptée.
Je vous prie donc de garder cela à l'esprit pendant le débat. Je vais céder la parole à des intervenants qui sont pour ou contre la motion, en leur accordant une minute chacun.
Madame Minna.
Madame la présidente, avant tout, j'aimerais voir la motion de Mme Mourani — je ne me souviens pas du libellé exact — pour savoir en quoi elle diffère de celle-ci.
Par ailleurs, j'ai du mal à accepter ce genre de motions générales. Dans celle-ci, la première phrase semble correcte. Nous convenons tous qu'il s'agit d'exploitation des femmes. Nous le savons. Mais j'ignore où on veut en venir exactement avec le second paragraphe, qui dit: « tous processus visant la modification des dispositions du Code criminel ». Qu'est-ce que cela signifie, et quel est le contexte? Faisons-nous des propositions? Disons-nous simplement au gouvernement qu'il peut modifier le Code criminel comme bon lui semble?
En même temps, tout un comité a étudié précisément la question de la prostitution, et l'on peut présumer qu'il déposera un rapport important; or, dans cette motion, nous disons qu'il faut agir. Je n'aime pas les motions qui laissent entendre qu'à notre avis, tout cela est très mauvais et qu'il faut donc y remédier et modifier le Code criminel. Qu'attendons-nous du gouvernement exactement? J'aurais préféré que nous fassions des études et que nous fassions des propositions. C'est si général...
De plus, je ne sais pas trop quoi penser des deuxième et dernier paragraphes. Je ne saisis pas très bien l'objectif visé. La difficulté que j'ai ne concerne pas tant...
... je vais demander à Mme Smith de préciser sa pensée. Si quelqu'un souhaite proposer des amendements, elle pourra les considérer.
Madame Smith, veuillez répondre aux questions de Mme Minna.
J'ai travaillé à cette motion en collaboration avec Mme Mourani, alors qu'elle siégeait au comité. Comme vous le savez, cette dernière a écrit un ouvrage sur le crime organisé et la prostitution, un dossier qui lui tient particulièrement à coeur. J'ignore si on a adopté sa motion, mais quand elle l'a présentée, cela a fait toute une histoire. Je n'arrive pas à me souvenir si on l'avait adoptée. Il me semble que non, car nous avons continué à en discuter et à la travailler ensemble.
Je pense que ce que nous faisons, au Comité de la condition féminine, c'est reconnaître que ce type de relations est véritablement de l'exploitation sexuelle. La prostitution, c'est l'exploitation sexuelle des personnes, principalement des femmes. Nous sommes le Comité de la condition féminine, et la prostitution favorise des rapports d'inégalité.
Donc, la motion est sur la table. Tous ceux qui sont ici peuvent voter pour ou contre, comme bon leur semblera, mais je la présente et j'aimerais qu'on la mette aux voix aujourd'hui. C'est pour cela que je la soumets.
Merci.
D'après le procès-verbal de la séance du mardi 21 novembre 2006, la motion de Mme Mourani a été adoptée à l'unanimité. Elle se lit comme suit :
Que le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes reconnaît que la traite des personnes aux fins de leur exploitation sexuelle existe à l'intérieur du Canada et recommande au gouvernement de développer, en collaboration avec les provinces, une stratégie globale de lutte contre la traite des personnes au Canada.
Oui, madame Neville.
Merci.
Madame la présidente, j'ai beaucoup de difficulté à appuyer cette motion en ce moment. Je ne sais pas ce qu'elle signifie ni ce qu'elle implique.
Évidemment, je comprends très bien la première partie, mais j'ai des doutes quant à celle-ci :
Que le comité recommande par conséquent au gouvernement de prendre en considération cet avis pour orienter les travaux de Condition féminine Canada et des différents organismes gouvernementaux canadiens;
Est-ce que cela signifie que nous allons déterminer le montant du financement consacré à la recherche et quels programmes seront financés?
Je ne vois tout simplement pas le lien avec les critères d'autres programmes. En plus d'être très vague et générale, cette motion laisse beaucoup trop de place à l'interprétation pour que je puisse l'appuyer.
Je vais m'expliquer.
En fait, j'ai présenté cette motion telle quelle à sept différents groupes de discussion composés de femmes. Toutes ont compris l'objet de la motion et se réjouissaient du fait que notre comité considère la prostitution comme une activité d'exploitation sexuelle de personnes. Elles ont vraiment aimé l'idée et, en fait, m'ont aidée dans ce sens. Les inégalités dont sont victimes les femmes... Vous voulez peut-être en parler.
Sachez que nous pouvons en débattre, mais aujourd'hui, je demande un vote par appel nominal sur cette motion.
Madame Smith, je pense que tout le monde ici approuve la première partie de la motion. Elle se passe d'explications et je suis pour. Je ne vois d'ailleurs aucun inconvénient à l'adopter.
Par contre, là où je suis en désaccord, c'est lorsque vous dites, au deuxième paragraphe, que le gouvernement devrait prendre en considération cet avis dans l'élaboration des lois, car c'est ainsi que je le comprends. Mais je suppose qu'on peut s'entendre là-dessus. Toutefois, je n'en dirais pas autant du troisième paragraphe qui dit que cet avis devrait orienter, en quelque sorte, Condition féminine Canada dans son financement ou ses divers programmes.
Je suis désolée, mais cela relève du mandat de Condition féminine Canada, ce qui est tout autre chose. Pour reprendre les propos de Mme Neville, qu'est-ce que cela signifie réellement?
Je n'aime pas les recommandations vagues, surtout lorsqu'elles sont susceptibles d'entraîner des conséquences aussi importantes. Je n'ai aucune objection à déclarer catégoriquement que la prostitution est une forme d'exploitation des femmes, comme au premier paragraphe. Pour ce qui est du deuxième paragraphe, si nous voulons recommander au gouvernement de prendre cet avis en considération dans l'élaboration des lois et dans l'examen du Code criminel ou quelque chose du genre, j'imagine que c'est correct aussi. C'est plutôt le troisième paragraphe qui me pose problème, parce que je ne suis pas certaine de bien en saisir la portée.
De plus, je pense qu'il y a une recommandation semblable dans le rapport. N'avons-nous pas déjà formulé une recommandation à cet effet? Si c'est le cas, alors pourquoi faire une motion distincte, qui est maintenant hors contexte et a d'autres significations? Voilà ce qui me préoccupe.
Je demanderai à notre analyste de vérifier si le rapport renferme une telle recommandation.
Madame Mathyssen, allez-y.
Merci, madame la présidente.
J'aimerais donner mon avis là-dessus. Je comprends tout à fait pourquoi les groupes de femmes approuvent le premier paragraphe; il est on ne peut plus clair. Toutefois, j'ai certaines réserves quant au manque de clarté du troisième paragraphe.
Il me semble que le mot « orienter » restreint la liberté du comité, ce qu'il faut à tout prix éviter. Le comité doit pouvoir agir en toute indépendance et se pencher sur les problèmes et les préoccupations des femmes sans la moindre entrave, et je crains que cette liberté soit compromise par ce dernier paragraphe.
Notre analyste vient tout juste de me dire que le rapport contient bel et bien des recommandations et des commentaires qui vont dans le même sens que votre motion. De plus, on me dit que c'est plus clair que...
D'après ce que j'ai compris, madame Smith, ce qui dérange le comité, outre le fait que cette motion est redondante, c'est que le troisième paragraphe est plus ou moins clair. De plus, si nous empiétons sur le mandat de Condition féminine Canada, la motion ne sera pas acceptée. Est-ce que nous nous ingérons dans des questions de justice, etc.?
Vous avez une minute pour nous en parler. Si vous souhaitez modifier votre motion ou simplement clarifier certaines choses, je vous invite à le faire.
Merci.
Quant à Condition féminine Canada, c'est certainement dans le rapport, et de toute façon, la motion ne fait que refléter, voire même renforcer le rapport.
J'ai voulu présenter cette motion parce que le comité de la condition féminine veut montrer qu'il y a une autre façon de voir les choses, ici, sur la Colline. Nous nous penchons sur la traite des personnes. Tous les membres de ce comité, quelle que soit leur allégeance politique, dénoncent l'exploitation sexuelle et veulent que le gouvernement en tienne compte.
Comme vous le savez, madame la présidente, si des membres n'approuvent pas ma motion, ils n'ont qu'à voter contre, mais à mon avis, celle-ci appporte de l'eau à notre moulin.
Je ne modifierai pas ma motion. Je n'en vois pas l'utilité.
J'aimerais qu'on tienne un vote par appel nominal.
[Français]
Madame la présidente, je suis nouvelle à ce comité. Donc, ce qui s'est passé auparavant ne m'est pas très familier. Comme j'ai lu les témoignages en ce qui concerne le rapport, cela m'est davantage familier. C'est important d'assimiler tout ce qui s'est passé avant, afin de mieux comprendre.
Je regrette beaucoup qu'on ait à discuter de cette motion aujourd'hui. Je crois que l'intention de la motion est positive, mais je pense qu'on nous oblige présentement à voter sur une motion qui n'est pas claire pour nous. Cela démontre une intention autre, et je trouve cela malheureux.
Je viens ici de bonne foi et je suis en faveur de la première partie de la motion. Il y aurait seulement une modification à y apporter, soit l'ajout du mot « notably » dans la version anglaise, puisque le mot « notamment » se trouve dans la version française.
Je ne voudrais pas que les membres du comité soient restreints dans leur action parce qu'on a présenté une motion disant que le gouvernement pouvait diriger nos travaux. Ce n'est pas correct.
Merci beaucoup, madame la présidente.
[Traduction]
Si vous avez quelque chose à dire pour nous convaincre du bien-fondé de la motion, n'hésitez pas à le faire. Toutefois, comme notre temps est compté, si vous n'avez rien à ajouter, nous allons procéder au vote.
(La motion est rejetée par six voix contre cinq.)
Madame la présidente, avant que vous ne leviez la séance, au cours de cette discussion sur la motion — et je sais que nous sommes en séance publique — , on a fait référence au rapport. Je ne m'en suis pas rendu compte tout de suite, mais à mon avis, nous devrions tenir ce type de discussion à huis clos.
Je sais que ces commentaires ont été faits de façon générale, mais c'est quelque chose auquel il faudrait faire attention à l'avenir.
D'accord, monsieur Stanton.
J'aimerais rappeler au comité que le 8 février, nous discuterons de la sécurité économique des femmes. Notre analyste vient de m'informer que nous avions commencé par la sécurité économique des femmes âgées. La sécurité économique des femmes est un sujet très vaste. De plus, si nous voulons terminer le rapport avant juin, nous devrons nous retrousser les manches, parce que notre analyste et notre greffier doivent connaître la date avant la fin du rapport.
En ce qui concerne la sécurité économique des femmes, particulièrement des femmes âgées, j'imagine que les analystes pourront nous distribuer des documents provisoires afin de nous rafraîchir la mémoire sur ce qui a été dit. Nous en discuterons le 8 février, mais compte tenu des contraintes de temps, il ne faudra pas nous disperser. Nous tiendrons vingt séances au total, et nous devrons, entre autres, présenter les rapports préliminaires vers la douzième séance. Il faudra donc garder cela à l'esprit lorsque nous discuterons...
Le greffier vient de m'aviser que vous recevrez le rapport par courriel demain, en vue des discussions du 8 février. Je voulais seulement vous le rappeler.
Y a-t-il d'autres questions?
La séance est levée.