Votre comité a reconnu que les immigrantes constituaient un groupe particulièrement vulnérable sur le plan de la sécurité économique. Merci à tous de me donner, ainsi qu'aux personnes qui offrent des services avec moi, l'occasion de parler de la question. Je ferai de mon mieux pour donner à ces femmes la voix dont elles ont désespérément besoin si elles veulent se prendre en main et se mobiliser davantage pour réussir au Canada.
Permettez-moi d'abord de situer AWIC dans son contexte. Les AWIC Community and Social Services ont vu le jour il y a 30 ans comme organisme d'aide aux femmes de l'Asie du Sud. L'organisme a évolué depuis et offre maintenant des services d'établissement, d'emploi et de soutien aux femmes et à leur famille sans égard à leur culture, à leur classe sociale ou à leur religion. L'organisme est relativement petit, car son effectif de première ligne se limite à trois personnes. Des bénévoles de la collectivité et parmi les nouveaux venus s'ajoutent à notre personnel réduit et nous permettent d'offrir nos services et programmes.
La plus grande force d'AWIC est sa capacité de créer un cadre accueillant et familial pour ceux qui reçoivent ses services. Nous pouvons ainsi établir un contact personnel avec les immigrantes et leur assurer un soutien durable. Beaucoup d'immigrantes que nous aidons sont issues de cultures où il n'est pas habituel de demander des conseils hors de l'unité familiale. À cause de ce tabou, beaucoup souffrent en silence. Nous faisons donc de grands efforts afin que les femmes se sentent assez en sécurité et à l'aise pour demander notre aide. En favorisant une relation de confiance avec chacune, nous pouvons répondre à leurs besoins de façon holistique.
Je travaille comme conseillère à AWIC et ma première responsabilité est d'aider les immigrantes à s'établir et de les défendre.
Pour ma part, je suis née au Canada d'immigrants qui sont arrivés ici dans les années 1970. Je m'efforce donc de faire preuve d'une grande empathie à l'égard de ce que vivent les immigrantes, et je songe souvent aux difficultés que ma mère a dû affronter dans mon enfance. C'était il y a une vingtaine d'années, mais je vois certaines de ces difficultés avec lesquelles sont aux prises, encore aujourd'hui, les immigrantes que j'aide, et je constate qu'il y a encore place pour des améliorations.
Un autre point essentiel à souligner, c'est que les immigrantes ne forment pas un groupe homogène. Au cours d'une semaine, il se peut, par exemple, que je travaille avec des femmes qui demandent le statut de réfugié, d'autres pour qui il y a eu rupture de l'engagement de parrainage, des femmes âgées dans le besoin, des femmes qui demandent de l'aide parce qu'elles n'arrivent pas à s'y retrouver dans le système canadien, des femmes maltraitées, des femmes sans soutien social.
Par ailleurs, un certain nombre d'immigrantes arrivent au Canada avec des compétences et des diplômes plus que suffisants et un bon soutien familial, mais elles sont incapables de décrocher un emploi.
Selon nous, il n'y a pas de solution unique au problème de la sécurité économique. Il est essentiel de recourir à une approche multidimensionnelle pour surmonter les obstacles à la sécurité économique qui se dressent devant les immigrantes. Un élément de cette approche est la priorité à accorder à la prestation de services attentifs aux différences culturelles. Cela veut dire qu'il faut réévaluer les idées reçues au sujet de la sécurité économique sur lesquelles se fonde la politique canadienne.
Par exemple, les REER et les REEE sont deux types d'investissement. On présume que, parce que ces programmes sont offerts, les contribuables s'en prévaudront. Ce n'est pas le cas. Bien des immigrantes sont incapables de saisir les avantages de ces programmes parce qu'elles ne les connaissent pas. Les immigrantes occupent le pus souvent des emplois peu rémunérés et elles ont moins de chances de gagner de bons salaires. Elles ne peuvent donc pas participer à ces programmes et, lorsqu'elles le font, elles ne peuvent faire les paiements minimums pour profiter des subventions additionnelles de l'État pour les REEE. Par exemple, si le revenu d'un ménage est inférieur à environ 38 000 $, ce ménage ne peut recevoir la subvention de 40 ¢ pour chaque dollar sur la première tranche de 500 $ placée dans le REEE de l'enfant. Toutefois, bien des immigrantes que nous rencontrons ne peuvent même pas économiser 500 $. Si le paiement initial était plus faible ou même s'il était réduit de moitié, elles pourraient peut-être atteindre le minimum et profiter de certains des avantages du programme.
Comme fournisseurs de services, il est essentiel que nous mettions l'accent sur une stratégie qui accroît notre visibilité dans cette population féminine et lui fait connaître les nombreux services que nous offrons pour les aider.
Dans notre rencontre d'aujourd'hui, il faut aborder deux points. D'abord, pourquoi les immigrantes n'ont-elles pas recours aux services qui leur sont actuellement offerts? Deuxièmement, quelles sont les failles inhérentes à notre système actuel et comment peut-on les corriger pour cibler ce groupe marginalisé?
Il y a d'abord la barrière linguistique. L'anglais écrit et parlé des femmes que je rencontre n'est pas très bon. Cette incapacité de communiquer paralyse leur potentiel de réussite sur le plan financier.
Lorsqu'elles arrivent au Canada, il faut qu'il soit clair qu'elles doivent apprendre l'un des langues nationales. C'est obligatoire, pas facultatif. On pourrait aussi proposer des encouragements à celles qui s'inscrivent au CLIC. Cela ferait beaucoup pour régler les problèmes d'exploitation, de dépendance durable à l'égard de l'aide social, de non-participation au marché du travail et même d'isolement social. Par exemple, les citoyens canadiens et les demandeurs du statut de réfugié ne peuvent participer au CLIC. Seuls quelques centres qui offrent le CLIC ont des services de garde des enfants, mais il y a des listes d'attente.
Il faut revoir les critères d'admissibilité qui limitent l'accès des immigrantes à ce programme. Il ne faut ménager aucun effort pour les encourager à acquérir une langue nationale et à profiter de cet acquis. Il est possible de maximiser les communications avec les immigrantes en leur fournissant des versions traduites de l'information, en utilisant une langue et des présentations claires. On pourrait par exemple avoir l'interprétation sur place, lorsque c'est possible.
Deuxièmement, il y a le travail de parent. Le fait que cette charge repose le plus souvent sur la femme a des conséquences pour sa sécurité économique. J'ai rencontré des femmes qui renoncent à trouver un emploi parce qu'elles ne peuvent trouver des services de garde à un prix tel qu'il soit rentable de travailler.
Elles peuvent constater que, à cause de leur installation au Canada, elles doivent se perfectionner, mais elles ne peuvent étudier à cause des listes d'attente dans les garderies subventionnées. Les crédits d'impôt donnés aux entreprises pour créer des places en garderie pour les enfants de leurs employés n'aideront pas ces femmes.
Une stratégie nationale des garderies qui tient compte des besoins propres aux immigrantes est une nécessité. L'absence de stratégie et le nombre insuffisant des places dans les garderies à prix abordables frappent de plein fouet les familles à revenu faible ou moyen et nuisent à la participation féminine au marché du travail.
Troisièmement, il y a l'inégalité entre les sexes. À leur arrivée au Canada, beaucoup de familles d'immigrants gravitent autour de leur collectivité culturelle et s'y installent. Cela les aide à se sentir chez elles et à tisser des réseaux sociaux. Il peut être bénéfique de vivre dans ces enclaves culturelles, mais il y aussi de vrais inconvénients à le faire.
Parmi nos clientes, nous avons observé des pressions culturelles qui découragent souvent les immigrantes de chercher à établir leur autonomie économique. Elles deviennent donc dépendantes de leur conjoint, et il se peut aussi qu'elles arrivent au Canada sans les compétences utiles pour obtenir un emploi. Nous recommandons que soient reconnues les organisations qui combattent ces pressions intraculturelles et donnent à ces femmes les moyens d'obtenir leur indépendance financière.
Quatrièmement, il y a la participation au marché du travail. Le budget de 2007 parle des efforts qui seront consacrés au perfectionnement des travailleurs par des mesures relevant des accords Canada-Ontario sur le marché du travail. Les programmes de formation prévus par les accords sur le développement du marché du travail sont réservés aux travailleurs qui peuvent prouver qu'ils ont été sur le marché du travail, conformément à la Loi sur l'assurance-emploi.
La plupart des immigrantes qui travaillent dans le secteur non normalisé et précaire n'ont pas droit à ces programmes de formation. Les accords sur les Partenariats du marché du travail, dont les immigrants sont un groupe cible, ne sont pas encore entrés en vigueur, car il semble qu'on n'a pas prévu de fonds pour les mettre en oeuvre.
Cinquièmement, il y a les emplois de survie, ces situations dans lesquelles on survit de chèque de paie en chèque de paie. AWIC croit qu'il faudrait offrir des prêts à des conditions de faveur pour que les gens puissent se perfectionner et devenir des travailleurs qui contribuent à l'économie canadienne. Grâce à des taux d'intérêts faibles, ces travailleurs ne seraient pas piégés dans les emplois de survie qui sont mal payés. Il ne semble pas logique d'admettre des immigrants au Canada sur la foi de leur compétence et de ne pas leur donner ensuite les moyens d'utiliser ces compétences.
Le budget de 2007 dit aussi qu'il y aura reconnaissance des titres de compétence acquis à l'étranger. On parle maintenant de Bureau de reconnaissance des titres de compétence étrangers. Cela serait complémentaire des initiatives existantes de la province. Nous croyons savoir qu'il ne s'est rien fait pour créer cet organisme.
Pour conclure, je dirai qu'il est essentiel d'étudier les moyens de mieux utiliser concrètement la formation et les compétences des immigrantes. Elles ne pourront contribuer à la croissance économique que si ce processus est facilité.
En somme, je ne crois pas que le financement soit la seule réponse. Un changement de paradigme s'impose dans la façon d'aborder la question. Il faut intégrer l'ensemble des services disponibles en tenant compte de tous les facteurs qui contribueront à la sécurité économique des immigrantes.
Bonjour à tous. Merci encore d'avoir invité la National Alliance of Philippine Women in Canada à vous entretenir des conditions de vie de femmes qui sont membres de la société canadienne et de la collectivité philippine au Canada.
La National Alliance of Philippine Women in Canada, créée en mars 2002, est une alliance nationale d'organisations communautaires philippines au Canada. Les organisations membres, qui font depuis plus de 16 ans de l'éducation et du développement économique communautaires, ont fait entendre la voix des Philippines, fait connaître leur vécu et leurs luttes dans la collectivité au Canada en les aidant, en leur assurant une intégration réussie et la sécurité économique, en résistant à la marginalisation économique, sociale et politique et à l'inégalité.
Les membres du réseau de la NAPWC comprennent des groupes et des organisations des grandes villes : Montréal, Toronto, Ottawa, Winnipeg et Vancouver. Ces groupes sont issus de divers secteurs des collectivités — femmes, jeunes et étudiantes, groupes d'infirmières, immigrantes et migrantes ayant un statut temporaire. Le NAPWC cherche à donner aux Philippines les moyens de comprendre les causes profondes des obstacles qui se dressent devant les immigrantes, les femmes des minorités visibles et les travailleurs marginalisés et à affirmer collectivement leurs efforts soutenus pour les droits de la personne, une égalité vraie, la paix et le développement dans la société canadienne.
Comme nous sommes un groupe d'immigrantes et de femmes de minorités visibles, un élément central de notre travail porte sur l'immigration et d'autres politiques de l'État qui concernent nos problèmes économiques, l'établissement et l'intégration à une société multiculturelle. Outre nos études communautaires et d'autres études dont nous prenons l'initiative sur l'impact des politiques d'immigration du Canada sur les femmes et la collectivité philippines, nous faisons de la sensibilisation pour favoriser l'autonomisation et la participation à l'élaboration de la politique d'intérêt public. Nous préconisons aussi et réclamons des modifications précises en matière d'immigration et dans d'autres domaines afin d'améliorer la situation collective des femmes et de la collectivité philippines.
Par le passé, nous avons présenté notre analyse et notre position à divers comités parlementaires permanents, notamment le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, où nous avons présenté le seul mémoire sur le Programme des aides familiaux résidants, le PAFR. Nous sommes aussi intervenues auprès d'autres organismes gouvernementaux et de représentants élus et nous avons présenté des travaux de recherche à des conférences communautaires et universitaires et à des tribunes publiques. C'est grâce aux efforts d'un de ses membres, le Philippine Women Centre of B.C., que la NAPWC présente aujourd'hui cet exposé au Comité permanent de la condition féminine.
Depuis la fin des années 1960, il y a eu une augmentation très marquée du nombre de Philippins au Canada. On estime qu'il y en aurait maintenant plus de 400 000. La collectivité a augmenté de plus de 31 p. 100 depuis le recensement de 1996. Les Philippins sont maintenant au quatrième rang des plus importantes minorités visibles au Canada. Les données du recensement ont également montré que les Philippines ont été le troisième pays d'origine de l'immigration au cours des dix dernières années. Jusqu'au début des années 1970, le Canada recrutait directement beaucoup de Philippines pour travailler dans les soins de santé et l'éducation et dans d'autres domaines comme enseignantes, infirmières ou à d'autres titres pour combler une pénurie de main-d'oeuvre. Les premières immigrantes philippines ont donc été un élément indispensable à la croissance de l'économie canadienne.
Par exemple, beaucoup de Philippines ont travaillé dans des régions éloignées, notamment dans beaucoup de réserves des Premières nations parce que les infirmières et enseignantes canadiennes refusaient d'y aller. Ensuite, un grand nombre de Philippines ont été recrutées directement pour travailler dans l'industrie du vêtement du Manitoba. Bon nombre d'entre elles sont parvenues à un certain niveau de sécurité économique. Elles peuvent travailler dans la profession de leur choix parce que, à l'époque, leur éducation et leur formation reçues à l'étranger ont été reconnues dès leur arrivée au Canada. Une augmentation très marquée de l'afflux de Philippines au Canada s'est produite lorsqu'a été mis en place le Programme concernant les employés de maison étrangers, en 1981, qui a été remplacé en 1992 par le Programme des aides familiaux résidants. Ce programme a réglementé et institutionnalisé l'entrée de femmes comme employées de maison étrangères qui peuvent travailler temporairement pendant plusieurs années.
Des études montrent que les femmes constituent la majorité, soit environ 65 p. 100, de la collectivité philippine au Canada. Nous appelons cela la féminisation de l'immigration philippine. Autrefois, ce sont les hommes qui venaient habituellement avant leur famille; aujourd'hui, ce sont les femmes qui viennent d'abord, et qui parrainent leur famille lorsqu'elles en acquièrent le droit.
Près du tiers des Philippins au Canada sont entrés en vertu du Programme des aides familiaux résidants et du programme antérieur, le PEME. En 2005, selon les chiffres de l'ambassade du Canada à Manille, les Philippines représentaient 95,6 p. 100 des aides familiales résidantes, même si elles constituaient seulement 2,2 p. 100 des travailleurs domestiques philippins travaillant à l'étranger. Ce nombre exceptionnel de Philippines qui participent au PAFR montre à quel point le Canada profite du programme d'exportation de main-d'oeuvre des Philippines et aussi à quel point le PAFR est efficace pour fournir des services de garde relativement peu coûteux, des soins pour les personnes âgées et les handicapés et d'autres travaux domestiques.
Cette politique d'importation d'aides familiaux résidants est la conséquence directe de l'entrée des Canadiennes dans la population active. Lorsque les femmes des pays industrialisés quittent la maison pour travailler, l'embauche d'une bonne ou d'une aide familiale devient un choix abordable pour la plupart des familles de classe moyenne ou supérieure. Par ailleurs, le Canada répugne toujours à appliquer une politique nationale sur les garderies, préférant assumer la responsabilité sociale de la garde des enfants en offrant cette possibilité aux familles qui peuvent se permettre d'avoir une gardienne chez elles.
La mise en place du PEME a correspondu de façon idéale à l'intensification de la politique d'exportation de main-d'oeuvre du gouvernement philippin. Le PAFR a remplacé le PEME en 1992 et il demeure le programme officiel du gouvernement du Canada pour les aides familiaux résidants. Bien que des organisations d'aides familiaux résidants, dont des groupes de Philippines, aient réclamé publiquement des changements dans le programme pour qu'il soit plus difficile aux femmes des pays en développement d'immigrer — comme des exigences plus rigoureuses en matière d'études et de formation —, elles critiquent également les fondements des programmes qui perpétuent l'exploitation et l'insécurité économique de ces femmes.
Beaucoup d'aides familiales philippines font de longues heures, sont mal payées, sont victimes de mauvais traitements physiques et psychologiques, perdent leurs compétences, sont isolées et ont une faible estime de soi. Aux termes du programme, elles doivent être chez leur employeur en tout temps, ce qui les expose à faire plus d'heures que ce qui est prévu; elles viennent au Canada comme travailleuses temporaires, ce qui les expose à l'expulsion arbitraire; elles ont un permis de travail pour un employeur particulier, auquel elles sont donc liées en tout temps, ce qui les expose aux mauvais traitements et aux exigences arbitraires de cet employeur.
Tout en s'érigeant en défenseur des droits de la personne, le Canada ferme les yeux sur de nombreuses violations flagrantes des droits de ces femmes, comme travailleuses et comme femmes. Le Canada refuse toujours de signer la Convention internationale de l'ONU sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
Des études sur les femmes et l'immigration ont montré que, à un moment donné de leur vie, les immigrantes obtiennent un certain niveau de sécurité économique et de stabilité financière, ce qui aide à faciliter l'établissement et l'intégration à la société majoritaire. Mais beaucoup de Philippines au Canada n'ont pu y parvenir. Après avoir peiné surtout dans des emplois mal payés dans les maisons privées ou dans des emplois du secteur privé qui ne débouchent sur rien, elles sont toujours en marge de la société, piégées dans un bassin à part de main-d'oeuvre bon marché, même si elles ont une éducation et une formation relativement bonnes acquises à l'étranger.
Un facteur majeur de cette insécurité économique est que beaucoup de ces femmes sont venues grâce au Programme d'aides familiaux résidants. Elles n'ont qu'un statut temporaire et d'autres conditions du programme les maintiennent dans une situation économique médiocre et la marginalisation. Par exemple, pendant les deux premières années, il leur est interdit d'acquérir des nouvelles compétences ou de se perfectionner. Lorsqu'elles terminent leur participation au programme, elles ont déjà perdu les compétences professionnelles et la formation qu'elles avaient et elles s'orientent donc vers d'autres emplois mal payés et sans issue. Beaucoup de ces femmes travaillent comme préposées aux soins et dans les services de conciergerie et de nettoyage. Elles occupent plusieurs emplois pour pouvoir gagner un revenu convenable et faire vivre leur famille.
L'autre grand facteur est le fait que l'éducation et la formation reçues à l'étranger ne sont pas reconnues. Qu'elles viennent —
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Je vous remercie beaucoup de me permettre de vous faire part de ce que je sais sur le rapport entre les responsabilités de dispensatrice de soins et la sécurité économique des femmes.
Je suis spécialiste de l'économie appliquée et dirige une équipe internationale qui compte maintenant quelque 70 chercheurs et partenaires spécialisés dans les politiques et pratiques. J'ai consacré plus de dix ans à l'étude du lien entre travail rémunéré et travail non rémunéré. Il me semble clair que les soins dispensés à la famille et aux amis dans le besoin ont des conséquences profondes pour la sécurité économique des femmes.
En quelques minutes, tout ce que je peux vraiment faire, c'est vous laisser quelques messages clés et dire qu'il est certain que la sécurité économique peut être menacée et l'est effectivement lorsqu'on assume la responsabilité de dispenser des soins. Et la menace est particulièrement importante pour les femmes. Bien entendu, l'ensemble de la situation est bien plus complexe que cela.
Les responsabilités dont nous parlons comprennent le soin des enfants, handicapés ou non, et le soin d'adultes de la famille et d'amis en situation de dépendance. Ce dernier groupe comprend des aînés et d'autres adultes qui ont une maladie chronique ou un handicap, et c'est de ce côté que se situe la majeure partie de mes compétences.
Les conséquences de ces responsabilités varient beaucoup. Conséquences sociales : restrictions sur les activités sociales, les congés et les vacances. Conséquences pour la santé : perturbation du sommeil et privation de sommeil, blessures physiques, fatigue, épuisement professionnel. Conséquences économiques découlant des dépenses à faire de sa poche et impacts sur l'emploi.
Bien sûr, ces catégories de coûts ne sont pas sans liens entre elles. Les conséquences pour la santé peuvent nuire à la capacité de la dispensatrice de soins de conserver un emploi ou à son rendement au travail. Les conséquences économiques peuvent ajouter au stress de la personne et nuire à ses relations avec des membres de la famille et des amis ainsi qu'à sa capacité de participer aux activités sociales et communautaires, etc.
Plus de 3,5 millions de Canadiens assurent des soins à une personne qui a des limites à long terme sur le plan physique ou en matière de santé. Ils donnent plus de 18 millions d'heures de soins aux personnes dont ils s'occupent. Il faudrait presque un demi-million d'employés à temps plein pour dispenser ces soins, et il en coûterait plus de 6 milliards de dollars s'il fallait payer ces services. Ces personnes sont le soutien principal des systèmes de santé et de soins.
La majorité de ces personnes sont des femmes, mais pas dans une proportion aussi forte qu'on le croirait. Selon les estimations, le partage serait de 40 : 60 à 45 : 55, selon les groupes de dispensateurs de soins.
Toutefois, ce n'est là qu'un petit élément de la situation des femmes. Une fois qu'elles deviennent des dispensatrices de soins, elles peuvent aussi passer beaucoup plus de temps, dans l'ensemble, à offrir des soins. Elles donnent plus d'aide pour les tâches concrètes et inévitables, comme les soins personnels et le ménage, et elles sont plus susceptibles de déclarer subir à peu près tous les genres de conséquences que j'ai énumérées, à une exception intéressante près, la culpabilité.
Quant aux coûts économiques proprement dits, les meilleures estimations disent que de 40 à 50 p. 100 des femmes font de leur poche des dépenses qu'elles n'auraient pas faites si elles n'avaient pas assumé ces responsabilités de dispensatrices de soins. Elles dépensent surtout pour le transport, les médicaments d'ordonnance et en vente libre et les fournitures médicales et le matériel et les fournitures pour le ménage. Selon un sondage, près du quart de ces femmes dépensent 300 $ ou plus chaque mois pour ces articles ou services.
Entre 30 et 50 p. 100 des dispensatrices de soins qui ont un emploi changent leurs horaires de travail, manquent des jours de travail en entier ou en partie, réorganisent ou réduisent leurs heures de travail, sont en télétravail à temps partiel, etc. pour pouvoir assumer leurs responsabilités. Celles qui dispensent des soins en fin de vie se situent au niveau le plus élevé, parmi ces 30 à 50 p. 100.
Selon certaines estimations, il pourrait y avoir jusqu'à 22 p. 100 des dispensatrices de soins qui quittent leur travail ou prennent une retraite anticipée pour pouvoir donner des soins. En Grande-Bretagne, on estime que 25 p. 100 des femmes ont arrêté de travailler pour dispenser des soins. C'est donc un phénomène observé au niveau international.
Ce sont le plus souvent des femmes jeunes qui doivent à s'occuper des enfants et les femmes qui doivent veiller aux besoins d'une personne atteinte de problèmes mentaux qui sont le plus susceptibles de quitter un emploi pour assurer des soins et qui sont le plus vulnérables.
Il est clair que ces effets sur le plan de l'emploi ont aussi des répercussions sur la sécurité économique à court et à long termes, puisque l'apport salarial est réduit. Nous avons estimé que, à 65 ans, pour toutes les femmes qui sont dans la population active, la perte moyenne de richesse attribuable à ces gains sacrifiés se situe entre 4 300 $ et 16 000 $ par année. Je le répète, il s'agit de toutes les femmes présentes dans la population active, et pas seulement des dispensatrices de soins, qui représentent seulement 15 p. 100 de toutes les femmes. La moyenne réelle est donc bien plus élevée. Selon une étude pilote américaine, les pertes salariales subies par les dispensatrices de soins pendant toute une vie sont estimées à plus de 566 000 $US.
La perte des avantages liés à l'emploi, par exemple les régimes de soins médicaux, fait aussi partie du coût des conséquences pour l'emploi.
Souvent, on ne tient pas compte des prestations de pension sacrifiées. Une étude britannique a révélé que moins de femmes qui ont arrêté de travailler pour dispenser des soins avaient une pension liée à un emploi que les membres d'autres groupes, et que les femmes qui avaient une pension avaient accumulé moins d'années de contributions que celles qui avaient continué de travailler. Il y a évidemment des répercussions directes sur les prestations de retraite.
Les femmes qui doivent modifier leurs conditions d'emploi sacrifient aussi des occasions d'investir pour leur retraite. Quand on n'a pas de revenus, on ne peut les investir.
De plus, le tiers des dispensatrices de soins qui ont déclaré avoir subi des conséquences dans leur emploi ont dit que leurs conditions de travail n'ont pas changé une fois ces responsabilités disparues. Les effets sur l'emploi sont à long terme. Ils se prolongent après la période de soins.
Autre élément important, plus de 45 p. 100 des dispensatrices de soins n'avait d'autre choix que d'offrir ces soins, soit parce qu'elles y voyaient une responsabilité familiale, parce que personne d'autre ne pouvait le faire ou, fait non négligeable, parce que les soins à domicile n'étaient pas disponibles ou laissaient à désirer.
De quoi l'avenir sera-t-il fait? Probablement de bonnes et de mauvaises nouvelles. Grâce aux progrès de la médecine et de la société et à la promotion d'une vie saine, les Canadiens vivent plus longtemps et un plus grand nombre survivent à ce qui, autrefois, aurait été une maladie ou une blessure fatales, et ils arrivent à la dernière étape de leur vie en meilleure santé, en moyenne, que les générations passées. Cela dit, nous pouvons prévoir que la demande de soins continuera d'augmenter pendant encore un certain temps, car c'est la cohorte la plus âgée des aînées qui augmente le plus vite et qui est le groupe le plus susceptible d'avoir besoin de soins.
Comment répondra-t-on à ces besoins? Les familles sont plus petites et mobiles, nous nous marions et avons des enfants plus tard, les taux de divorce et de remariage demeurent élevés, un plus grand nombre de femmes — celles qui, traditionnellement, assurent les soins — occupent des emplois rémunérés, et on a besoin d'elles plus que jamais dans la population active. Les faits montrent que cela ne veut pas dire que nous nous occuperons moins des soins à offrir. Les dispensatrices de soins ne se défilent pas lorsque les autres exigences de leur vie s'alourdissent, et elles ne se retirent pas lorsque le système offre des mesures de soutien. D'après les observations, la plupart de celles qui s'occupent de membres de la famille ou d'amis le font de plein gré, mais cela veut dire qu'un plus grand nombre d'entre nous ferons face à un ensemble de plus en plus complexe de demandes et que nous risquerons davantage de subir les conséquences que j'ai décrites. Il devient donc encore plus important de prendre des moyens efficaces.
Il y a actuellement peu de politiques et programmes publics qui portent expressément sur les conséquences de ces responsabilités et plus particulièrement les conséquences économiques, notamment des soins autres que la garde des enfants. Les quelques-uns qui existent, notamment le crédit d'impôt pour fournisseurs de soins et plus spécialement les prestations de compassion, ont eu un succès extrêmement limité. Il est particulièrement préoccupant de constater qu'on ne fait pas beaucoup d'efforts au sujet des conséquences à long terme, notamment économiques, de la perte de prestations de retraite publiques et privées et de la capacité d'investir pour sa propre retraite. Autre point inquiétant, les femmes qui s'occupent de jeunes adultes atteints d'une maladie chronique ou d'un handicap sont en grande partie oubliées dans les recherches et la politique. Il y a un grand vide, lorsqu'il s'agit des fournisseurs de soins à des personnes âgées, entre 18 et 65 ans.
En ce moment, les conditions sont en place pour que les fournisseurs de soins d'aujourd'hui deviennent les aînés malades et pauvres de demain.
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Merci, madame la présidente.
Vous avez toutes fait des exposés fabuleux. J'ai été très impressionnée, mais je dois avouer que, malgré la très grande qualité des exposés, ils m'ont laissée très démoralisée et déprimée. Je me suis occupée de programmes de services aux immigrantes — entre 1974 et 1992 —, et je constate qu'il n'y a pas eu des changements extraordinaires depuis. Voilà ce qui est vraiment déprimant. Il y a eu des changements, mais il semblerait que, à bien des égards, nous sommes au point mort en ce qui concerne les immigrantes.
Quant au problème de celles qui dispensent des soins, je suis d'accord avec Mme Fast. Ce que vous avez dit est phénoménal et, il est certain que nous commençons à peine à nous saisir de ce problème. Nous n'en avons même pas encore pris acte correctement.
J'ai une ou deux questions à poser à Mme Konanur pour commencer.
Vous avez signalé deux points. D'abord, on n'a pas encore affecté de fonds au programme de formation des immigrants. Je présume que vous voulez parler de l'assurance-emploi : lorsqu'on ne fait pas partie de la population active, on ne reçoit pas de formation. L'autre élément concerne le programme des immigrants, et on n'a pas encore accordé de fonds au programme des partenariats.
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Bien sûr. C'est logique. Je comprends que cela tombe sous le sens.
Je voudrais aborder quelques autres points, mais je veux aussi m'adresser un moment à Mme Diocson, si je peux, au sujet des aides familiales résidantes.
Je connais très bien le dossier et je le comprends. Je vais vous présenter quelques idées pour voir si, d'après vous, elles pourraient marcher. Vous avez fait certaines de ces propositions.
D'abord, un grand nombre d'entre elles sont infirmières. En ce moment, notre société a besoin d'infirmières. Il y a une pénurie d'infirmières professionnelles. Pour commencer, pourrions-nous nous assurer que les femmes qui viennent des Philippines n'ont plus à passer par le Programme d'aides familiaux résidants? Elles devraient pouvoir faire leur demande pour venir comme infirmières. Celles qui sont ici pourraient trouver un moyen de se recycler. Avez-vous examiné ces idées? Selon moi, ce sont deux solutions, deux façons d'aborder le problème.
Quant à la troisième solution, si je peux me permettre, je crois que vous y avez fait allusion. Le Programme des aides familiaux résidants est un gros problème parce que les femmes sont isolées. Elles ne peuvent pas apprendre l'anglais comme langue seconde ni prendre une formation.
Nous pourrions peut-être ouvrir leurs horizons et les accueillir plutôt comme des aides familiales non résidantes. Autrement dit, elles seraient des aides familiales, mais elles rentreraient chez elles, dans leur appartement, chez leur soeur ou chez ceux avec qui elle se trouve à la fin de la journée. Elles ne seraient pas piégées, et les employeurs n'auraient pas tant de pouvoir à leur égard. Il me semble que ces idées seraient extrêmement utiles. Est-ce une chose que vous nous recommanderiez?
Merci à vous toutes de votre présence. Vos exposés sont tous très solides.
Je vais vous adresser mes questions, madame Fast. L'information que vous avez communiquée m'était sans doute plus neuve que celle des autres témoins. Vous avez donné plus de détails sur ce que nous savons de façon anecdotique et à partir de ce que nous entendons sur le terrain. Ces chiffres concrets sont frappants.
Vous avez parlé de la clause d'exclusion du Régime de pensions du Canada pour les femmes qui ont des enfants. Je comprends que vous recommandez le même genre de disposition pour les dispensatrices de soins également. J'ai un certain nombre de questions. Je vais les poser et vous laisser répondre ensuite.
Que penseriez-vous de cotisations volontaires au Régime de pensions du Canada pour les femmes qui sont forcées de quitter la population active ou décident de ne pas s'y joindre pour des raisons comme celles dont nous avons parlé aujourd'hui? Première question.
Deuxièmement, je sais que vous étudiez les conséquences économiques pour le milieu de travail, lorsque des femmes partent ou modifient leurs horaires. Pourriez-vous en dire un mot?
Pourriez-vous également parler de modèles de milieux de travail où l'employeur, seul ou en partenariat avec des programmes gouvernementaux, s'efforce de faciliter les congés pour le soin de membres de la famille? Je m'intéresse sans doute aux soins aux adultes de la famille, mais, si vous avez le temps, vous pourriez parler aussi de la garde des enfants. Je reviendrai à la charge si nous avons le temps.
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Merci, madame la présidente. Je crois que M. Norlock va aussi utiliser un peu de mon temps de parole.
Je reviens rapidement sur un ou deux points. Nous pourrons peut-être le faire plus tard, mais le comité devrait s'intéresser à l'accord sur les Partenariats du marché du travail. Il me semble qu'il a fait l'objet d'une annonce. Je n'ai pas pu l'obtenir aussi rapidement. Merci de cette information.
Les exposés de cet après-midi ont été magnifiques. Vous avez parlé de questions déjà abordées par d'autres témoins, mais vous l'avez très bien fait. Je songe en particulier à Mme Fast et à Mme Diocson.
Ce que vous nous avez présenté aujourd'hui est très convaincant. Je sais que nous aurons votre témoignage dans la transcription des délibérations d'aujourd'hui, mais allez-vous nous remettre à la fin un mémoire écrit correspondant à votre exposé? J'espérais que vous fassiez un résumé. Peut-être pourriez-vous le faire très brièvement. Votre texte a été très convaincant et intéressant, aujourd'hui, mais je n'ai pas pu saisir avec exactitude ce que vous souhaitez.
Madame Diocson, vous avez dit des choses très précises sur le Programme des aides familiaux résidants, par exemple. Le programme pose des problèmes. Quelles solutions voulez-vous qu'on y apporte?
Madame Fast, de la même manière, à propos des problèmes des dispensatrices de soins, si on vous demandait deux choses que vous souhaitez vraiment, quelles seraient-elles?
Nous manquerons peut-être de temps, mais pourriez-vous me répondre en 30 secondes chacune, puis nous passerons à M. Norlock — je ne voulais pas vous laisser de côté, mais c'était très bien fait.
Merci.
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J'ajouterais qu'il faut reconnaître leurs compétences, leurs connaissances et leurs études. C'est très important pour les femmes au Canada. Ce que nous voulons pour elles, c'est la sécurité économique, l'égalité et l'indépendance que, comme féministes, nous souhaitons pour les femmes de notre pays. Si nous ne trouvons pas d'abord des solutions aux problèmes économiques, nous ne pourrons pas avoir une société qui est à l'écoute des besoins des femmes.
Concrètement, nous voudrions aussi que les infirmières philippines soient reconnues, car nous avons apporté quelque chose à ce pays. Dans les années 1970, je suis venue comme infirmière. Il y avait un accord de réciprocité entre les Philippines et le Canada, et j'ai exercé ma profession d'infirmière. Je dois dire que j'ai eu de meilleures perspectives économiques que les infirmières arrivées récemment et qui participent au Programme des aides familiaux résidants.
Évidemment, cela crée un clivage entre les femmes et entre celles qui exercent une profession, car nous venons d'un pays du tiers monde, et c'est la situation dans laquelle nous sommes plongées. Il faut étudier la question.
Nous devons considérer les conditions de la prochaine génération de notre collectivité. Elle est déjà vulnérable. À Vancouver, nous avons le taux le plus élevé de décrochage scolaire. À Montréal, nous sommes au deuxième rang. Vous pouvez imaginer les souffrances de cette collectivité. Mais nous avons aussi beaucoup à apporter à la société canadienne, car nous sommes une collectivité de professionnels. Il est vraiment important de le dire.
Encore une fois, il faut respecter les droits de ces femmes. Nous voudrions que le Canada signe la Convention internationale de l'ONU sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il faut soutenir nos programmes communautaires, et nous devrions avoir accès à des ressources, car nous contribuons également à l'économie du Canada.