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La vingtième séance du Comité permanent de la condition féminine est ouverte.
J'aimerais d'abord m'excuser de l'exiguïté des lieux, mais nous avons dû nous en contenter pour siéger une heure de plus. Ça n'a pas été facile d'obtenir cette salle, toutes les autres étant occupées par les autres comités siégeant ce matin. C'est tout ce que notre greffière a pu obtenir pour nous loger pour le moment. Essayez quand même de vous mettre à votre aise. Si, à 11 heures, notre pièce habituelle est de nouveau disponible, nous nous y rendrons, mais cela dépendra aussi du travail que nous réussirons à terminer sans trop perdre de notre précieux temps.
Avant d'aller plus loin, j'aimerais aborder certaines questions de régie interne, qui devraient être inscrites dans les documents qu'on vous a distribués. D'ici le début de l'audition de nos témoins, à 11 heures, nous devons étudier deux motions, l'une de Mme Minna, l'autre de Mme Smith. Franchement, nous n'avons d'autre choix que de nous prononcer sur elles.
Après cela, nous aimerions traiter des travaux futurs. À cette fin, vous avez reçu un document de discussion, ou le recevrez dans un moment. Il orientera nos discussions au sujet de la traite des personnes, d'une liste de nouveaux témoins, d'un calendrier mis à jour et de la réunion du 6 novembre sur l'analyse différenciée selon le sexe. Il faut que nous discutions de tout cela d'ici l'audition des témoins à 11 heures. Par conséquent, je vous serais reconnaissante de vous écarter le moins possible du sujet.
Nous devons donner des points de repère à nos attachés de recherche et leur indiquer si nous devons nous limiter à la traite des personnes et à son volet d'exploitation sexuelle. Si tel est le cas, il faudra consulter la liste de nos témoins afin de voir si les personnes envisagées sont les mieux placées pour nous éclairer par rapport à ce travail. Il s'agit aussi de savoir si nous tenons à prolonger l'étude, plutôt que de nous arrêter en décembre comme cela avait été entendu, etc.
Comme vous pouvez le constater, nous devons discuter de toute une gamme de sujets aujourd'hui, et nous avons peu de temps à notre disposition.
J'aimerais que nous passions maintenant à la motion de Mme Minna. Elle a déjà suscité beaucoup de discussions lors de sa présentation. J'estime que nous devons maintenant absolument nous prononcer à son sujet. J'ignore s'il y a lieu d'en discuter plus longtemps, mais j'aimerais quand même faire une remarque qui s'y rapporte, afin que nous soyons au courant du règlement qui s'applique ici.
Lors de notre première réunion de comité, la motion présentée par Mme Smith comportait un préambule. Puisqu'elle était ainsi libellée, je n'ai pas voulu modifier le processus suivi, par souci d'équité envers tous. Toutefois, dorénavant, il faudra nous dispenser de tels préambules. De toute manière, règle générale, ces textes nous entraînent dans de longues discussions, quel que soit leur contenu. À cause d'eux, le comité s'enlise et ne réussit pas à s'exprimer clairement au sujet de la motion; autrement dit, c'est le préambule qui devient l'objet du débat et non la motion.
Par conséquent, dorénavant, nous nous concentrerons sur la motion en tant que telle. Pour ce qui est des préambules, vous pourrez toujours vous les lire à voix haute puis les faire consigner au procès-verbal, mais lorsque nous présenterons des motions, il faudra que nous parlions du texte même sur lequel portera la mise aux voix.
Bien entendu, vous pouvez faire consigner vos observations au procès-verbal, rien à redire là-dessus.
Pouvons-nous maintenant passer à la motion de Mme Minna? Elle se lit comme suit:
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité permanent de la condition féminine recommande que le gouvernement revienne sur sa décision de réduire de 5 millions de dollars le budget de fonctionnement de Condition féminine Canada et rétablisse les modalités initiales du Programme de promotion de la femme et que la présidente annonce l'adoption de cette motion à la Chambre sur-le-champ.
Voulez-vous un vote par appel nominal?
Des voix: Oui, s'il vous plaît.
La présidente: À titre de renseignement, lors de notre dernière réunion, nous avons convenu de conserver le préambule précédant la motion dont nous sommes saisis. Dorénavant cependant, nous ne permettrons plus que les motions soient précédées de préambule. J'espère que c'est clair pour tout le monde.
Monsieur Stanton.
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Oui. Je vous remercie, madame la présidente.
Vous avez en main l'avis de motion. Le texte de la motion se lit comme suit:
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, que le Comité permanent de la condition féminine reconnaisse que toutes les femmes sont égales au Canada au sens de la Constitution et de la Charte des droits et libertés et que le gouvernement tente d'éliminer les obstacles à la pleine participation des femmes dans la société canadienne, de façon à ce que la situation économique, sociale et culturelle s'améliore grâce à des projets ayant un impact direct sur les femmes partout au Canada.
Madame la présidente, nous ne faisons ici que nous conformer aux lois du pays. En vertu de la Constitution, toutes les femmes, tous les Canadiens sont égaux. Par conséquent, il me paraît très dangereux d'affirmer qu'un groupe de notre société n'a pas droit à l'égalité. N'oublions pas que grâce à notre Constitution, l'égalité au Canada est une des raisons pour lesquelles les gens viennent chez nous. Ils savent qu'ils sont égaux ici, qu'ils sont dans un pays où tout le monde a ses chances. C'est un tel régime et une telle nation que nous administrons.
Nous ne pouvons cependant contrôler les pensées et les sentiments des gens, car dans une société démocratique, ils peuvent vivre comme bon ils l'entendent, pourvu que ce soit dans le respect des lois. C'est justement ici qu'interviennent les obstacles, dont nous avons d'ailleurs discuté au Comité de la condition féminine.
Ainsi, par exemple, la traite des personnes est une véritable entrave à l'égalité des femmes, parce que ces dernières deviennent alors la proie de criminels qui les asservissent. En tant que parlementaires, il faut que nous tenions compte de tels obstacles en adoptant des lois qui accroissent la sécurité des femmes.
Aussi, lorsque les femmes se heurtent à des obstacles économiques ou à d'autres difficultés, il faut encore que nous adoptions des lois qui les aideront à les surmonter.
Madame la présidente, la motion a d'abord pour but de faire reconnaître l'égalité de toutes les femmes, mais en second lieu, de nous inciter à lutter contre les obstacles à leur pleine participation à la vie dans la société canadienne, afin que, sur les plans tant économique que social ou culturel, toutes les femmes soient reconnues pour leur qualité de chef.
Je demande au comité d'appuyer cette motion, car son objet reflète les efforts que nous déployons ici en faveur de la condition féminine.
Madame la présidente, je ne vois pas beaucoup à redire à la deuxième partie de cet amendement. Elle me paraît cohérente par rapport à ce qui a déjà été énoncé, ainsi que le mentionnait Mme Davidson, dans le Rapport sur les plans et les priorités de Condition féminine Canada.
Toutefois, ainsi que le disait aussi Mme Davidson, la première partie me paraît inutile. Le principe de l'égalité des sexes est déjà au coeur des activités de Condition féminine Canada, il en fait partie intégrante, grâce au Programme de promotion de la femme. En fait, si l'on se reporte au nouveau mandat de l'organisme qui va jusqu'en 2011, on y voit manifestement un lien entre le programme et les résultats stratégiques. L'égalité entre les sexes est donc le mode de fonctionnement retenu. C'est écrit noir sur blanc et c'est clair. Ce texte supplémentaire à mon avis n'ajoute rien au mandat.
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Madame la présidente, je ne pourrai malheureusement pas voter en faveur de l'amendement de Mme Stronach, parce que je trouve que c'est encore trop vague.
À mon avis, il faut apporter un amendement très précis et très clair, qui cerne vraiment les enjeux auxquels nous sommes confrontés. Voilà pourquoi je ne pourrai malheureusement pas voter en faveur de cet amendement. Il est encore trop vaste.
Je proposerais un autre amendement, beaucoup plus précis, qui souligne davantage des points exacts, qui reprend le sens de la motion et qui tient aussi compte des préoccupations de mes collègues Mmes Stronach, Minna et Mathyssen.
Voilà pourquoi j'aurais aimé vous présenter cet amendement.
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Oui, madame la présidente.
Je veux bien croire que, de ce côté de la table, on présente une motion qui dit que les femmes sont égales et que le gouvernement tente d'éliminer les obstacles. Cependant, je soumets un amendement qui, peut-être en substance, dit que ce n'est pas vrai. Parce que ce n'est pas vrai, madame la présidente, quant à moi. Je crois cela, c'est mon opinion. Je n'ai rien changé. J'ai enlevé cette partie de phrase: « au sens de la Constitution et de la Charte canadienne des droits et libertés ». J'en ai ajouté une autre et j'ai ajouté les mots « ne pas ». Je l'ai donc amendée.
Ce n'est pas une nouvelle proposition, c'est toujours le même sujet: l'égalité des femmes et les obstacles que l'on tente d'éliminer. C'est la même chose.
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Madame Smith, excusez-moi. Vous avez fait un rappel au Règlement. Je réserve ma décision là-dessus jusqu'à la réunion de jeudi. Tout amendement éventuel qu'on souhaitera présenter doit être soumis par écrit à la greffière le plus tôt possible. Nous en traiterons en priorité à la séance de jeudi matin.
Nous passons maintenant à la question de la traite des personnes. Nos discussions doivent être focalisées ici. Nous avons déjà entendu certains témoins et nous devons cerner la question de la traite des personnes de façon très précise et savoir sur quoi nous allons nous concentrer. On nous a parlé de l'exploitation des travailleurs domestiques, des travailleurs agricoles et des travailleurs dans le secteur de l'hôtellerie. La question est tellement vaste que, selon moi, d'après les témoignages que nous avons entendus, il nous faut décider quel aspect retiendra notre attention car il y a bien des mesures à prendre et que nous voulons tous voir concrétisées.
Mme Smith a dit très clairement qu'elle souhaiterait que nous nous attachions avant tout à la question de l'exploitation sexuelle. Les autres membres du comité sont-ils d'accord?
Je vous demande votre attention. Il nous faut déterminer ce qui retiendra notre attention dans ce dossier de la traite des personnes. Nous en sommes au point où nos analystes doivent savoir plus précisément ce qui retiendra notre attention. Convenons-nous tous que c'est l'exploitation sexuelle, dans ce dossier sur la traite des personnes, plutôt que les domestiques ou les travailleurs agricoles et les autres, qui retiendra notre attention? Plus tard, si les membres du comité le souhaitent, nous pourrons revenir à ces autres aspects, n'est-ce pas?
Si nous voulons que notre rapport soit prêt avant décembre, il ne faut pas oublier qu'il nous faut tenir compte des contraintes de temps et revoir notre liste de témoins afin que, si nous voulons faire d'abord rapport sur l'exploitation sexuelle, nous nous assurions d'entendre des témoins sur cet aspect-là.
Mme Minna et ensuite Mme Mourani.
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Madame la présidente, je n'y vois aucun inconvénient même si les abus et une partie de la traite des personnes se produisent dans le secteur manufacturier.
Je propose que nous nous concentrions sur ce qui se passe au Canada. Je sais qu'il nous faudra faire allusion aux pays où la traite prend son origine car jusqu'à présent, nous avons entendu des témoins relater la situation en Europe, en Afrique, en Asie et même si cela présente un intérêt, c'est un champ trop vaste. Nous ne pouvons pas nous occuper du monde entier. Nous ne pouvons pas résoudre tous les problèmes du monde.
Je souhaiterais que nous nous attachions à la traite des personnes au Canada même — à la façon dont cela touche le Canada, aux endroits concernés et à la façon de l'éradiquer. Nous pouvons aborder la question de façon que nos éventuelles recommandations — sous forme de mesures législatives ou autres — puissent être mises en oeuvre par notre gouvernement.
S'il s'agit d'une question qui implique d'autres pays, nous devons commencer à négocier. Il y a les Nations Unies. Il y a les autres pays. S'il est vrai que c'est un sujet qui nous amènera à parler de bien d'autres pays, il demeure que nous ne pouvons pas régler le sort du monde. Si nous essayions de le faire, étant donné le temps dont nous disposons, nous ne pourrions pas faire du bon travail.
Madame la présidente, si les autres membres du comité sont d'accord, je propose que nous portions notre attention exclusivement sur la traite des personnes en ce qu'elle touche le Canada, sur ce qui se passe au Canada. Nous devrions nous attacher à la situation canadienne. Dans ce contexte alors, nous allons aborder les problèmes qui touchent le secteur manufacturier, l'esclavage, ni plus ni moins, car cela existe.
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Madame la présidente, après avoir entendu un certain nombre de témoins, on se rend compte qu'il y a un problème fondamental quant à la traite des personnes, et ce problème relève de la définition.
Il serait important que nous repensions la définition. Après avoir entendu tous les témoins, il s'agirait pour nous de redéfinir la traite des personnes. Le fait de définir la traite des personnes aurait une valeur inestimable, même sur le plan mondial. De plus, si cette définition parvient jusqu'à l'ONU, ce sera aussi quelque chose d'inestimable.
J'estime que nous devons malheureusement examiner l'ensemble du phénomène. Ainsi, nous pourrons réunir le plus d'éléments possible de sorte que, dès le début des travaux, nous puissions définir nos balises quant à la définition de la traite des personnes. Il y a la traite des personnes en vue d'une exploitation sexuelle, la traite des personnes en vue d'une exploitation sur le plan du travail dans les domaines de l'agriculture, de l'aide domestique ou autre, etc.
Il est nécessaire qu'au bout du compte, ce comité produise un rapport expliquant notre vision de la condition féminine et de la traite des personnes et étayant nos recommandations à cet égard.
À mon avis, il faudrait examiner différemment la traite des personnes en vue d'une exploitation sur le plan du travail dans les domaines de l'agriculture ou de l'aide domestique, etc., et la traite des personnes en vue d'une exploitation sexuelle.
Il faut donc que nous examinions l'ensemble, pour en arriver à ce genre de conclusion. Si nous nous focalisons seulement sur l'exploitation sexuelle, nous risquons de nous faire demander comment nous pouvons en arriver à une telle définition. Nous n'aurons alors pas une aussi grande crédibilité que si nous avions tout examiné.
Chacun d'entre nous a des préoccupations différentes et peut poser des questions bien spécifiques aux témoins, qu'il s'agisse de l'exploitation sexuelle, de l'agriculture, de l'aide domestique ou de toute autre forme de travail.
Je souhaite que ressorte de ce comité une autre prémisse: la prostitution n'est pas un travail, mais bien de l'esclavage et de l'exploitation sexuelle. Aussi, sur la base de cette thématique, il faut que je distingue ce qui est du travail de ce qui n'en est pas.
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Merci, madame la présidente.
Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose. Je pense que Mme Minna était sur la bonne voie en essayant de limiter la discussion au contexte canadien. Il ne fait aucun doute que même au niveau canadien ça reste une vaste question, qui touche encore des secteurs de notre économie qui dépassent l'exploitation sexuelle, mais en nous concentrant sur la situation intérieure, nous allons être obligés de chercher quels remèdes, quels instruments nous pourrions utiliser par voie législative. En dernière analyse, nous voulons trouver une réponse.
Comme ce phénomène est véritablement planétaire, il échappe en grande partie à notre compétence. Je pense que nous aurions raison de nous concentrer sur l'exploitation sexuelle, mais je pense que dans notre rapport nous devons mentionner que ça va beaucoup plus loin que cela, puisque nous avons entendu de bons témoignages sur les aspects plus vastes de cette question. Mais d'après tout ce que j'ai entendu à ce jour, il semble que 90 p. 100 de la traite des personnes soit liée à l'exploitation sexuelle, particulièrement des femmes et des enfants, c'est donc l'élément majeur. Je dois dire que c'est l'aspect le plus dévastateur de ce phénomène du point de vue social et c'est là que nous devrions concentrer nos efforts dans le contexte canadien.
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Madame la présidente, je suis d'accord avec Mme Smith. Comme convenu, en décembre, nous devrions présenter un premier rapport sur la traite des personnes en vue d'une exploitation sexuelle et définir nos balises, en même temps que le Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage.
Ce dernier produira son rapport, et nous aussi. En tant que Comité permanent de la condition féminine, étant donné que les femmes sont les principales victimes de la traite en vue d'une exploitation sexuelle, nous avons intérêt à avoir une opinion à ce sujet.
À mon avis, ce rapport devrait paraître en décembre. Après, comme l'a dit Mme Mathyssen, il sera très important que nous examinions l'autre face de la traite des personnes, par l'étude et par l'écoute, de sorte qu'un deuxième rapport soit présenté. Car il s'agit de deux choses totalement différentes, j'en conviens tout à fait.
D'autre part, en ce qui concerne la nouvelle liste, je m'excuse, madame la présidente, mais une première liste sur laquelle figurent nos témoins a déjà été établie, et cela me semble bien beau. Nous n'allons pas encore ajouter à cette liste, sinon, nous n'en finirons plus et nous étudierons cela pendant encore 10 ans. Nous nous en tiendrons à la liste préétablie. Si nous ajoutons un ou deux témoins, cela ne me dérange pas, cela ne pose aucun problème, mais la liste est faite, et c'est ainsi.
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Madame la présidente, j'aimerais intervenir dans la discussion sur nos travaux futurs.
Nous avions décidé d'examiner la traite des personnes avant Noël. C'est évidemment ce que nous devrions faire. Cela étant, certains des organismes que j'ai proposé d'entendre...
Vous vous rappellerez peut-être que M. Poulin, je crois, a dit qu'on n'avait pas fait beaucoup de recherches au Canada. En fait, ce n'est pas vrai. J'ai communiqué avec des associations de femmes dans l'ensemble du Canada au cours des dernières semaines. Parmi les organismes que j'ai proposé d'entendre comme témoins il y a Stella; Analee Lepp a dressé un tableau pour l'ensemble du Canada et il y a beaucoup de recherches qui ont été faites; puis il y a Maggie qui travaille sur le terrain à Toronto. Ces organismes ont déjà fait de la recherche ou travaillent sur le terrain, en Colombie-Britannique, à Toronto, dans ce domaine précis. Il y a beaucoup d'information disponible sur la situation au Canada. C'est une information à jour et ces quatre ou cinq témoins pourraient nous brosser un tableau très clair. Je pense qu'il serait bon d'en profiter.
Sinon, nous n'aurons entendu que la GRC, les forces policières. C'est très bien, je ne dis pas le contraire, mais il faut aussi entendre les groupes qui travaillent sur le terrain et qui font de la recherche. C'est important.
Mais ce qui est plus important, c'est que nous en avons discuté la dernière fois et nous avons décidé de faire ceci maintenant et de faire une étude de la sécurité économique des femmes après Noël. Il me semble que ce qui arrive aux femmes — et Mme Mourani et Mme Mathyssen ont toutes deux raison — dans les secteurs de la fabrication, de l'agriculture, du travail domestique, est intimement lié à la condition économique des femmes. On ne peut séparer les deux questions — pourquoi les femmes se retrouvent dans ces situations.
Je pense donc qu'après Noël nous devrions vraiment examiner la sécurité économique des femmes. Cette étude pourrait inclure tous ces éléments, car laissez-moi vous dire que c'est pour cela qu'elles se trouvent... Pourquoi les femmes immigrantes sont-elles victimes d'exploitation, qu'elles travaillent en usine ou dans une résidence privée?
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Nous reprenons nos travaux.
Merci à vous tous de votre patience. J'essaie de tenir des réunions dans deux pièces différentes aujourd'hui. Ici, nous allons pouvoir respirer un peu plus librement et nous aurons un peu plus de place pour nos témoins.
Nous accueillons maintenant, du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, Brian Grant, directeur général, Relations internationales et intergouvernementales. De l'Agence des services frontaliers du Canada, Kimber Johnston, directrice générale, Direction du développement des politiques et des programmes. Du Service de police de Toronto, Kim Scanlan, sergent-détective, Section de la lutte contre l'exploitation des enfants; et Michel Hamel, directeur, Gestion des risques et Unité spéciale à l'intention des victimes. De la Vancouver Police Department, Matt Kelly, sergent, Escouade de la moralité; et Michelle Holm, gendarme-détective, Escouade de la moralité.
Merci infiniment à vous tous d'avoir pris le temps de venir ici aujourd'hui.
Nous aurons beaucoup de questions à vous poser. Nous vous serions reconnaissants d'être brefs et concis dans vos exposés et dans vos réponses aux questions des membres du comité.
Je vais passer la parole à celui ou celle qui souhaite commencer. Madame Holm, vous voulez être la première? Eh bien, allez-y.
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Oui, merci, madame la présidente.
Je suis le gendarme-détective Michelle Holm du Vancouver Police Department. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour parler des mesures prises par notre service pour lutter contre la traite des personnes et pour informer les membres du comité de certaines de nos expériences. Je suis ici pour vous donner un aperçu de ce que cela représente pour un policier de mener une enquête sur une éventuelle affaire de traite de personnes et des défis auxquels nous faisons face dans nos rapports avec les victimes qui sont forcées de travailler dans le monde répugnant du commerce du sexe.
Le 30 mars 2006, le journal The Province rapportait, et je cite:
Hier, dans le cadre du premier procès canadien pour une affaire de traite de la personne, on a appris qu'une femme chinoise a été forcée de travailler comme prostituée pendant de longues heures, sept jours par semaine, pour pouvoir verser 11 000 $ par mois à l'homme qui l'a fait venir à Vancouver.
La petite femme, âgée de 33 ans, a également expliqué que l'homme qui la tenait captive la battait, qu'il lui avait enlevé son faux passeport et lui avait procuré une fausse identité et qu'elle avait été pratiquement prisonnière pendant près de 18 mois. Elle a également raconté que ses « clients » la violaient et la battaient parfois.
La femme... a dit au tribunal qu'elle avait été attirée au Canada sous de faux prétextes... qu'on lui avait promis un travail de serveuse pour lequel elle toucherait dix fois ce qu'elle gagnait en Chine. Elle espérait envoyer de l'argent à son mari... et à leurs deux enfants ainsi qu'à ses parents et à ses frères et soeurs.
Quel dur réveil pour elle lorsque [l'accusé] l'a conduite de l'aéroport de Vancouver au salon de massage qu'il dirigeait... et qu'il lui a montré son nouveau logement, un local de rangement dans le sous-sol de sa maison située tout près.
...[La femme] s'est mise à sangloter sans pouvoir s'arrêter et le juge a dû suspendre l'audience.
Je vous ai lu cet extrait pour vous donner une idée du genre de victimes que nous rencontrons dans ces affaires, et des défis que nous devons surmonter lorsque nous menons nos enquêtes.
Notre première tâche consiste à trouver la victime et à assurer sa sécurité. Pour y parvenir, il faut que des agents sensibles au crime de la traite de personnes fassent un travail de police proactif et il faut fournir à la victime un logement au Canada où elle sera en sécurité. Souvent, les enquêteurs déterminent tous les éléments de l'infraction en communiquant avec les autorités du pays d'origine de la victime, où se trouve en général sa famille.
Notre seconde tâche est d'amener la victime à nous faire suffisamment confiance pour nous raconter son histoire et, ce qui est le plus important, nous dire la vérité. C'est un obstacle énorme à surmonter, puisque le trafiquant a souvent convaincu la victime qu'elle ne peut pas faire confiance aux policiers canadiens et qu'elle sera emprisonnée si elle se fait prendre. Malheureusement, les dires du trafiquant confortent souvent ce que la victime croyait déjà au sujet de la police de son pays d'origine, où il se peut que la corruption soit une triste réalité.
Notre troisième tâche, et souvent la plus difficile, est de gérer la victime-témoin, ce qui veut dire simplement s'assurer qu'elle sera au procès qui se tient souvent après un délai de plusieurs mois ou même d'années. Il est évident que l'enquête est importante, mais le témoin est capital. Au bout du compte, si la victime de la traite de personnes refuse de témoigner, la poursuite judiciaire n'a aucune chance de réussir et le trafiquant poursuivra ses activités.
Il faut que les témoins soient en bonne santé physiquement et psychologiquement, pas seulement parce que c'est ce qu'il faut faire pour aider ces victimes à refaire leur vie, mais également, de notre point de vue, parce qu'il nous faut des témoins en bonne santé et fortes qui pourront témoigner de manière crédible contre un trafiquant lors du procès. Il ne suffit pas de compiler des renseignements et de sauver les victimes; si nous voulons réduire un tant soit peu l'incidence de ce crime horrible, nous devons veiller à ce que les trafiquants soient traduits en justice. Pour cela, il faut demander aux victimes de ce trafic de témoigner en cour et de raconter leur histoire. C'est difficile pour n'importe qui, et encore plus pour une victime qui se sent déplacée dans notre culture, qui affronte des obstacles linguistiques et culturels et qui a été asservie pendant une longue période et qui a été agressée sexuellement à répétition.
La traite des personnes est un crime très lucratif. Pensez donc: les drogues peuvent être transportées et consommées une fois seulement; les femmes et les enfants utilisés dans le commerce du sexe peuvent être vendus à de maintes reprises. Ils sont un bien qui peut être utilisé indéfiniment par le trafiquant dans ce qu'on a appelé une « servitude pour dette ».
Pour aider les victimes, les services de police pourraient avoir recours aux groupes de services aux victimes qui sont sensibles aux besoins des victimes de la traite et qui doivent avoir les compétences linguistiques nécessaires pour répondre à leurs besoins. L'aide de ces groupes permettrait à la police de se concentrer sur l'enquête très compliquée et longue qui les attend souvent. Ainsi, les ONG et les services de police doivent apprendre à travailler ensemble et à se faire confiance afin de protéger les victimes de la traite.
Depuis l'enquête mettant en cause Michael Ng, la première personne accusée au Canada de traite de personnes, le Vancouver Police Department s'est donné comme priorité de trouver d'autres victimes de la traite de personnes. Pour ma part, je concentre mes efforts sur les maisons de débauche, y compris les bordels qui se cachent derrière les salons de massage et, de manière plus secrète, dans les quartiers résidentiels, un genre d'activité qui constitue un véritable problème dans la région de Vancouver.
Il est important de savoir que les femmes qui travaillent dans ces bordels clandestins ne sont pas toutes victimes de la traite de personnes. En août passé, nous avons exécuté un mandat de perquisition dans une maison très fermée du quartier ouest où huit Malaisiennes travaillaient comme prostituées. Les policiers ont accusé l'homme qui dirigeait cette maison de tenir une maison de débauche et de vivre des produits de la prostitution. Nous avons interviewé toutes les femmes trouvées dans cette maison et avons déterminé qu'il n'y en avait qu'une qui était peut-être vraiment victime de la traite de personnes.
Nous étions tellement convaincus de son histoire que nous l'avons immédiatement placée dans un refuge sûr et nous avons pris les dispositions nécessaires pour que les enquêteurs se rendent à Kuala Lumpur pour rencontrer les autorités locales afin d'assurer la sécurité de sa famille et également pour corroborer l'histoire de la victime en vue du procès. Grâce à notre enquête, nous avons déterminé que cette femme n'était pas du tout une victime, mais qu'elle participait à cette infraction qui rapportait beaucoup d'argent à de nombreux Malaisiens qui étaient mêlés au commerce du sexe à Vancouver.
Il nous a fallu aller là-bas pour terminer notre enquête et découvrir cette vérité. Je vous parle de cette enquête qui est encore devant les tribunaux afin que vous puissiez comprendre le coût et la complexité de ce genre d'enquête et de toute l'importance que les services de police accordent à ce problème.
Le permis de séjour temporaire qu'on offre aux victimes est une excellente mesure pour aider celles qui sont véritablement victimes de ce crime horrible. Je me contenterai de dire que chaque affaire doit faire l'objet d'une enquête approfondie, la sécurité de la victime étant toujours le premier souci des enquêteurs. À cause des obstacles que j'ai mentionnés, ces enquêtes coûtent cher et sont complexes.
Je vais maintenant passer la parole à mon sergent, le sergent Matt Kelly, qui vous parlera à son tour des problèmes et qui formulera des recommandations.
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Madame la présidente, membres du comité, comme la gendarme-détective Holm l'a mentionné, l'affaire Ng a été très frustrante pour les enquêteurs car il n'existait ni protocoles ni lignes directrices au Canada. Grâce au professionnalisme de tout le personnel de tous les organismes qui ont participé à l'enquête, nous avons réussi à surmonter chaque obstacle et chaque frustration jusqu'à ce que les victimes puissent rentrer en Chine en toute sécurité.
Nous avons appris des choses importantes pendant l'enquête et des mesures importantes ont déjà été prises. À l'heure actuelle, il y a plusieurs initiatives en cours visant à créer des protocoles afin que les enquêteurs de la Colombie-Britannique et des autres régions du Canada n'aient pas à faire face aux mêmes problèmes que nous avons rencontrés dans ce dossier.
Nous aimerions vous faire cinq recommandations qui découlent de notre expérience à ce jour. Premièrement, le Canada doit assurer une meilleure formation pour tous les services de police en ce qui a trait à la traite des personnes sur la scène internationale et au Canada. Cette formation s'adresserait à la GRC, aux services de police provinciaux et municipaux, et à d'autres organismes. Je suis heureux de pouvoir vous dire que la GRC et le service de police de Vancouver ont déjà commencé à préparer de telles formations.
Nous devrions inclure nos partenaires de Citoyenneté et Immigration Canada et de l'ASFC, et il est également essentiel que les procureurs de la Couronne provinciaux et fédéraux soient également sensibilisés à ce crime.
Nous pourrions commencer par une recommandation de votre comité proposant que le Collège canadien de police crée un cours de formation national qui serait prêt en 2007 ou 2008.
Deuxièmement, le Canada doit fournir aux services de police les fonds nécessaires pour traiter ces dossiers de traite de personnes qui coûtent cher afin que les problèmes budgétaires ministériels ne les empêchent pas de mener des enquêtes efficaces en raison de contraintes financières.
Il y a environ 55 000 policiers au Canada et la GRC compte environ 15 000 membres, soit 27 p. 100 de la force policière. Les augmentations du financement et de la dotation à la GRC n'aideront en rien les autres services de police. Les 1 000 nouvelles recrues de la GRC n'aident pas Vancouver dans ces enquêtes qui nécessitent un grand nombre de personnes même si nous félicitons le gouvernement pour l'orientation qu'il prend en fournissant ces ressources additionnelles.
Troisièmement, le Canada doit avoir des lois musclées en matière d'infractions liées à la prostitution et il nous faut de escouades de la moralité pour appliquer ces lois, dénicher les victimes et poursuivre les délinquants. Le projet de loi qui a ajouté l'article 279 au Code criminel du Canada était un excellent début, surtout en ce qui concerne la traite de personnes au Canada. La décriminalisation de certains aspects du commerce du sexe affaiblira la réponse du Canada à la traite de personnes et rendra notre jeunesse plus vulnérable face aux consommateurs et aux prédateurs sexuels.
Il n'y a pas de garçon ou de fille de 14 ans qui choisissent d'entrer dans le commerce du sexe. Je le répète, car tous les experts s'entendent pour dire que l'âge moyen des nouveaux travailleurs du sexe est de 14 ans. Il n'y a pas de fille ou de garçon de 14 ans qui choisissent d'entrer dans le commerce du sexe. Ne décriminalisez pas, n'abandonnez pas nos jeunes.
Quatrième recommandation: le Canada doit tenir des procès rapides afin d'atténuer l'impact sur les victimes et d'envoyer un message clair aux criminels que ces crimes feront l'objet d'enquêtes et seront punis rapidement. Nous devons utiliser les mêmes procédures que nous utilisons dans les cas de violence familiale. Les victimes devraient pouvoir témoigner sans être vues de l'accusé afin d'éviter que la présence de cette personne qui les a tyrannisées ne les replonge dans le cauchemar du crime commis contre elles. Nous devons protéger les victimes.
Cinquièmement, le Canada doit encourager la tenue de conférences et de colloques sur les pratiques exemplaires et tirer les leçons de nos expériences collectives. Je suis heureux de pouvoir vous dire que la GRC, le service de police de Toronto et le service de police d'Edmonton ont pris les devants en organisant des conférences et des colloques et que Vancouver a l'intention de participer l'an prochain. Le Canada est un partenaire dans la lutte contre le problème mondial de la traite des personnes et nous devrions assumer un rôle de chef de file en tant que pays développé.
Le Parlement et le Comité permanent de la condition féminine ont un rôle important à jouer pour protéger les femmes et les enfants contre cette exploitation sinistre.
Enfin, le Canada a promis aux Nations Unies et au monde entier que ce genre de crime ne resterait pas caché et impuni. Nous devons maintenant mettre en place les procédures qui nous permettront de respecter ce bel idéal et nous pouvons influencer les choses, une victime à la fois.
Merci, madame la présidente. C'est le point de vue de Vancouver et la gendarme-détective Holm et moi-même serons heureux de répondre à toutes vos questions sur les lois en matière de prostitution, sur le travail de l'escouade de la moralité ou sur la traite des personnes.
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Bonjour et merci de nous accueillir ici.
Nous reconnaissons que nous sommes aux prises avec un problème de nature internationale et multidimensionnelle, mais nous nous concentrerons sur les aspects qui concernent principalement les femmes et en particulier sur le commerce du sexe.
Sous l'axe de la protection et de la prévention, le Service de police de Toronto a lancé plusieurs initiatives d'information et d'aide aux victimes. Dans ses priorités pour 2006 à 2008, le Service de police de Toronto a sélectionné six secteurs auxquels le Conseil des services de police de Toronto consacrera une attention et des activités particulières. Les priorités ont été fixées en consultation avec le Conseil des services de la police de Toronto, les membres du Service de police de Toronto et des représentants du milieu. Il s'agit notamment de concentrer nos ressources et nos activités sur la sécurité et la sûreté de la communauté, reconnaissant les inquiétudes des éléments les plus vulnérables de la société ainsi que les dangers auxquels ils font face et répondant aux besoins des victimes, femmes et enfants, dans une action multidimensionnelle menée de concert avec nos partenaires sociaux.
Nous sommes déterminés à transformer notre organisation grâce à une stratégie de mobilisation sociale qui encourage la communauté et les organismes à élaborer et mettre en oeuvre des solutions durables aux problèmes locaux. Cela suppose de travailler avec nos partenaires nationaux et des organismes non gouvernementaux afin de repérer les victimes de la traite des personnes, de les aider à obtenir de l'aide et à traduire devant la justice les auteurs des délits.
Le Service de police de Toronto fait surtout appel à des agents divisionnaires, en civil et de la brigade des moeurs pour enquêter sur les cas de prostitution, les boîtes de strip-tease et les maisons de débauche. Ces sections reçoivent l'aide des services du quartier général. L'un d'eux est l'Unité spéciale à l'intention des victimes, à l'intérieur de l'Unité des crimes sexuels, créée cette année pour lutter contre la prostitution de rue des mineurs. Les membres de l'unité vont à la rencontre des travailleurs et travailleuses du sexe pour trouver des moyens de les aider et de combattre la violence. Le sergent-détective Hamel nous en parlera un peu plus longuement dans quelques instants.
À ce jour, le Service de police de Toronto n'a porté aucune accusation en vertu des nouvelles dispositions du Code criminel concernant la traite des personnes. Il en va de même de la Police régionale de Peel et de la brigade des moeurs de la Police régionale de York, d'après l'information qui m'a été transmise.
Il faut diffuser davantage d'information au sujet de la traite des personnes, des nouvelles lois et des politiques d'immigration pour être capable de repérer les victimes et leur venir en aide. Fin novembre, la section des crimes sexuels du Service de police de Toronto tient sa conférence annuelle de formation. Le thème de cette année est les victimes vulnérables. Les préparatifs sont en cours depuis plus d'un an et un des exposés portera sur la traite des personnes. Nous nous réjouissons d'accueillir des représentants de la police de Vancouver et de la GRC, qui prendront la parole devant plus de 350 services de police et organismes de soutien.
Nous collaborons avec des membres de notre propre institut de police pour veiller à ce que la traite des personnes soit intégrée au programme d'études. Lors d'entretiens tenus récemment avec des représentants de la section de la traite des personnes de la GRC, nous avons convenu de tenir des séances de formation à l'intention de nos membres et des organismes de service social pour mettre la question de la traite des personnes à l'avant-plan. Les membres de la section de la traite des personnes de la GRC font des progrès dans ce domaine, ce pour quoi nous les soutenons et dont nous les félicitons.
La section de mobilisation du milieu du Service de police de Toronto vient d'instaurer un programme de familiarisation des nouveaux venus consultable sur notre site Web. On y trouve un plan de cours pour les formateurs, une explication du rôle de la police et des liens vers d'autres formes d'aide. Le programme de familiarisation des nouveaux est actuellement offert en 14 langues et fait partie du programme d'études d'un grand nombre de cours d'anglais langue seconde et de CLIC. Nous travaillons également à offrir le contenu du programme dans des trousses d'information destinées aux candidats à l'immigration.
En droit canadien, la traite des personnes peut survenir au pays comme à l'étranger. Il est bien connu que nous avons des âges de consentement les plus bas au monde, ce qui expose les 14-15 ans aux prédateurs sexuels. L'adoption du projet de loi sur l'âge de protection contribuera largement à protéger nos jeunes de cette exploitation.
Parmi les autres recommandations destinées à accroître le soutien aux victimes de la traite des personnes figure la création de sections et d'entités spécialisées et multiservices qui se consacrent à ce genre d'enquête. Nous avons besoin de l'aide d'organismes non gouvernementaux pour combler les vides et inciter les victimes à se faire connaître. Il nous faut plus de formation, d'information et de conférences multiservices pour discuter de la problématique de la traite des personnes. Je pense aux corps policiers, aux substituts du procureur, aux juges et aux ONG. Il faut des peines plus lourdes. Faute de solutions à long terme de meilleure qualité, le problème continuera d'exister: que faire des criminels une fois qu'on les a trouvés.
De meilleurs programmes d'immigration seraient aussi utiles. Il faudrait accorder de l'aide au-delà de la période de réflexion de 120 jours, l'accès ininterrompu aux soins médicaux, des logements et des centres d'immigration expressément conçus pour ces victimes; des possibilités d'apprentissage pour les victimes, y compris des cours d'anglais langue seconde et des cours de métier; des permis de travail, de l'aide juridique; une meilleure information ainsi que de l'aide soit en vue du rapatriement soit en vue de l'établissement au Canada.
Nous préconisons également des travaux de recherche supplémentaires et notamment mettre sous surveillance ceux qui font souvent venir de grands groupes de femmes et d'enfants au Canada. Il faut aussi surveiller les travailleurs migrants actifs dans des secteurs que l'on sait être problématiques: strip-tease et prostitution. Nous demandons que l'immigration fasse un meilleur suivi de ces secteurs et souhaitons une plus grande collaboration entre la police et l'immigration.
Enfin, il faut responsabiliser tous les Canadiens parce que ce problème n'existerait pas si le marché n'existait pas. Il existe bel et bien. Comment se fait-il alors qu'on n'en entende pas davantage parler? Il faut informer et sensibiliser la population au phénomène pour qu'elle puisse le repérer et le signaler et en maintenir la visibilité.
Je vais maintenant céder la parole au sergent-détective Hamel.
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Bonjour. Merci de nous accueillir aujourd'hui.
Mon exposé portera sur les difficultés que nous rencontrons à l'échelon local dans les poursuites contre la traite des personnes.
D'après les chiffres publiés par la GRC, on estime à 2 000 le nombre de personnes victimes de traite au Canada chaque année. À l'échelle nationale, la GRC se charge d'offrir des séances de sensibilisation et de formation relatives au projet de loi à d'autres corps policiers. Même s'il s'agit d'un problème mondial, le fait est que ce sont les services de police municipaux qui sont chargés d'appliquer la loi à l'échelon local. La plupart des victimes de la traite des personnes se trouvent dans les grands centres, comme Vancouver, Montréal, Toronto et les régions environnantes.
Dans la plupart des cas, on découvre les victimes, de sexe féminin, à la suite d'enquêtes criminelles dans le secteur du commerce du sexe, les maisons de débauche, les services d'escorte, les salons de massage et les réseaux de prostitution. Cette année, la police de Toronto a créé un service appelé l'Unité spéciale à l'intention des victimes à l'intérieur de l'Unité des crimes sexuels; son mandat est de trouver et de sauver des jeunes mêlés au commerce sexuel, de constituer et de tenir une base de données sur les travailleurs et travailleuses du sexe et de communiquer l'information à d'autres corps policiers; de faire enquête sur les actes criminels commis à l'encontre de travailleurs du sexe et de venir en aide aux victimes, y compris aux victimes de la traite des personnes.
Une séance de sensibilisation d'une journée est actuellement en préparation. Elle sera donnée en décembre de cette année. Y participeront la GRC, l'Agence des services frontaliers du Canada et le Service de police de Toronto. Seront également invités les organismes du milieu qui fournissent aide et refuge aux travailleurs et travailleuses du sexe.
J'aimerais vous résumer brièvement la situation actuelle à Toronto. À titre de directeur de l'Unité spéciale à l'intention des victimes, j'ai pu rencontrer les chefs de file des travailleurs du sexe de Toronto. Ils connaissent des victimes de la traite des personnes dans la ville. Certains se sont déjà réfugiés dans des abris par le passé et certains y sont actuellement et c'est pourquoi nous voulons tenir une séance d'information: pour créer un lien de confiance entre nous et les refuges. Par crainte d'être expulsées, les victimes ne veulent pas se présenter. C'est pourquoi il est si important de créer cette confiance. Nous savons que cela va demander du temps.
Grâce à Échec au crime, nous avons obtenu des tuyaux qui nous ont avertis du cas de victimes de traite des personnes dans la ville exploitées par des services d'escorte. Faute de renseignements suffisants, ces enquêtes n'ont pas abouti. Un cas de boîte de strip-tease fait actuellement l'objet d'une enquête à Toronto. Le propriétaire s'était rendu aux Philippines pour embaucher 15 danseuses de boîtes de strip-tease de l'endroit. Nous avons vu des photos de lui et des jeunes femmes, prises dans les arrière-salles crasseuses de ces prétendues boîtes de strip-tease des Philippines. Le propriétaire est actuellement au Canada et attend que les formalités d'immigration soient remplies pour faire venir son nouveau personnel à Toronto.
J'ai évoqué certaines des difficultés que nous rencontrons lors des enquêtes sur la traite des personnes. La première est le logement. Rien ne semble exister pour accorder de l'aide immédiate aux victimes. Il y a bien des refuges, mais le séjour ne peut y être que de courte durée. De plus, s'il y a des problèmes de sécurité, le refuge devrait en être informé et la plupart d'entre eux refuseront leur aide. Il y a aussi de grands problèmes de responsabilité financière qui touchent tous les intéressés.
La section de l'application des lois de l'Agence des services frontaliers du Canada accepte d'apporter son aide, comme elle le fait habituellement, lorsqu'il y a des problèmes d'immigration. Si les victimes jouissent d'un statut en règle au Canada, il n'existe aucune politique, en tout cas pas à Toronto, visant à fournir un refuge à la victime. La victime qui n'est pas en règle peut être détenue pendant 48 heures dans un centre de surveillance. Comme la victime est traitée comme un suspect, les efforts pour gagner sa confiance sont réduits à néant.
L'Agence des services frontaliers du Canada travaille habituellement avec nous à Toronto au moment d'une enquête sur les personnes trouvées dans des salons de massage et des maisons de débauche. Elle a surtout pour rôle d'établir le statut des détenus au Canada et de nous apporter son aide dans les dossiers d'immigration.
La priorité de chaque intervenant devrait changer. On devrait d'abord considérer qu'il s'agit d'une victime de la traite des personnes au lieu de la soupçonner de l'infraction mineure d'habiter une maison de débauche.
La filière pour obtenir un permis de trois mois dans la région de Toronto n'est pas très claire.
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Je sais que vous n'avez pas beaucoup de temps; je vais donc essayer de paraphraser mon texte, moi aussi.
L'Agence des services frontaliers du Canada participe à la lutte contre le trafic des personnes en aidant à empêcher les trafiquants de transporter leurs victimes jusqu'au Canada, en aidant à identifier les ressortissants étrangers devenus victimes de trafic, parmi les nombreux cas de migrants que nous traitons, et en renforçant le renseignement au Canada sur la nature et la portée du trafic des personnes dans notre pays.
Notre contribution particulière consiste à déceler et à empêcher l'immigration clandestine de ressortissants étrangers au Canada. On confond parfois le trafic de personnes et le passage de clandestins. En effet, les personnes qui font l'objet de trafic et celles qu'on fait entrer clandestinement au Canada peuvent, à priori, se présenter dans des circonstances semblables à première vue, et les personnes qu'on a fait entrer clandestinement peuvent ensuite être victimes de trafic. La différence tient aux facteurs suivants, qui distinguent le passage de clandestins du trafic des personnes.
Premièrement, le passage de migrants clandestins met en cause des gens qui ont consenti à ce qu'on leur fasse passer illégalement une frontière internationale. Au contraire, les personnes qui sont victimes de trafic n'ont jamais donné leur consentement, ou alors tout consentement apparent ou préalable est vicié par les agissements trompeurs ou abusifs des trafiquants.
Deuxièmement, les personnes victimes de trafic peuvent être déplacées à l'intérieur de leur pays ou franchir des frontières, tandis que le passage de migrants clandestins est toujours transnational.
Enfin, les migrants clandestins sont libres de se déplacer à leur guise une fois arrivés à destination, quand le paiement a été fait, tandis que les personnes victimes de trafic sont séquestrées et exploitées par les trafiquants qui en tirent des profits illicites.
Les sources de l'Agence des services frontaliers du Canada croient que beaucoup de ressortissants étrangers qui deviennent victimes de trafic ont été à un moment donné des migrants entrés clandestinement au Canada. Cependant, ce ne sont pas tous les ressortissants étrangers entrant clandestinement au Canada qui deviennent victimes de trafic. L'Agence des services frontaliers du Canada peut contrer le trafic des personnes dans le cadre de sa lutte contre les migrations irrégulières et le passage clandestin de migrants. Ces efforts sont déployés de plusieurs manières dans le cadre de la stratégie des frontières multiples de l'Agence, qui vise à identifier les risques pour la sûreté et la sécurité du Canada et à procéder à l'interception le plus loin possible de nos frontières.
Par exemple, l'Agence dispose d'un réseau d'agents d'intégrité des mouvements migratoires dans 39 pays, qui donnent des conseils et des avis en matière de détection des documents de voyage frauduleux, contrefaits ou modifiés et qui travaillent avec nos partenaires internationaux responsables de l'application de la loi pour déceler les tendances en matière de migration irrégulière. Ce réseau s'est révélé efficace pour réduire le nombre de migrants clandestins au Canada. Le nombre de personnes qui arrivent sans papiers ou munies de documents inacceptables a diminué de façon spectaculaire depuis la mise en place de ce réseau. En 1990, seulement 30 p. 100 des personnes inadmissibles qui tentaient d'entrer au Canada avaient été interceptées à l'étranger. En 2005, cette proportion avait augmenté pour atteindre environ 71 p. 100.
L'Agence compte également sur des agents des services frontaliers en poste dans 245 points d'entrée; ceux-ci contrôlent chaque année environ 100 millions de voyageurs qui cherchent à entrer au Canada. Tous les ressortissants étrangers qui veulent entrer au Canada sont contrôlés pour vérifier qu'ils sont admissibles, qu'ils ont un visa ou les documents de voyage nécessaires, et qu'ils entrent au Canada pour une raison légitime et en toute légalité. Pour compléter les contrôles assurés par les agents des services frontaliers aux points d'entrée, des agents de l'ASFC travaillent avec nos partenaires canadiens et américains dans le cadre des équipes intégrées de la police des frontières.
Au Canada, les agents d'exécution de la loi de l'Agence font enquête sur les personnes qui sont inadmissibles au Canada afin de préserver l'intégrité de nos programmes d'immigration. Environ 30 000 enquêtes sont faites chaque année. Les agents de l'ASFC peuvent rencontrer des personnes qu'ils soupçonnent d'être victimes de trafic dans le cours d'enquêtes sur la migration clandestine ou, comme je l'ai dit tout à l'heure, dans le cadre de descentes policières dans des entreprises criminelles mettant en cause des migrants irréguliers. Pendant le cours de ces enquêtes, il est essentiel de faire la distinction entre une victime possible du trafic des personnes et un migrant irrégulier qui appartient à une autre catégorie.
C'est pourquoi l'Agence des services frontaliers du Canada élabore actuellement des lignes directrices et des modules de formation pour aider les agents de première ligne de l'ASFC à identifier les victimes du trafic des personnes et leur donner des conseils sur la manière de répondre aux besoins particuliers de ce groupe vulnérable. La formation et les lignes directrices traiteront aussi des procédures à suivre pour le partage des renseignements et la coopération avec nos agences partenaires dans le traitement des dossiers de personnes victimes du trafic. L'objectif est de sensibiliser davantage les agents de l'ASFC aux problèmes du trafic de personnes, d'aider à identifier les victimes potentielles et de donner aux agents des options pour veiller à ce qu'une éventuelle victime soit protégée; cela comprend aussi le renvoi du dossier d'une victime potentielle à CIC en vue de l'octroi éventuel d'un permis de séjour temporaire.
Les agents de l'ASFC à Vancouver et à Montréal ont mis au point des approches communautaires novatrices pour combattre le trafic des personnes grâce à des initiatives de sensibilisation et de relations communautaires. Ils ont procédé à des consultations poussées auprès de nos partenaires régionaux pour mettre au point des stratégies de protection des victimes dans leurs secteurs de responsabilité, ont établi des relations avec des organisations non gouvernementales locales, et ont assuré la coordination avec la GRC, la police municipale et Citoyenneté et Immigration Canada pour les enquêtes et la cueillette de renseignements. Leurs efforts ont été fructueux et ont permis d'acquérir des sources d'information en gagnant la confiance des ONG et en encourageant les victimes à faire connaître leur situation aux organismes d'application de la loi.
Avant de terminer, madame la présidente, je voudrais mentionner des difficultés auxquelles l'agence est confrontée dans ce dossier.
Tout d'abord, il est clairement difficile pour l'ASFC d'identifier les victimes du trafic de personnes au point d'entrée. Comme je l'ai dit tout à l'heure, les victimes potentielles ne sont pas nécessairement au courant de ce qui les attend, ou bien, si elles savent qu'elles sont exploitées, elles sont peut-être déjà suffisamment intimidées par le trafiquant, au point qu'elles refusent de demander l'aide des autorités. Dans un cas comme dans l'autre, les victimes peuvent refuser catégoriquement d'admettre qu'elles sont victimes de trafic.
Une autre difficulté, que d'autres témoins ont déjà soulevée, est d'obtenir des renseignements sûrs et fiables sur la nature et l'étendue des activités de trafic de personnes au Canada. Cette difficulté est attribuable à plusieurs facteurs: la difficulté d'identifier les victimes, les différences dans les méthodes de signalement utilisées, et la nature constamment changeante des activités de trafic elles-mêmes. L'ASFC est déterminée à travailler avec ses partenaires pour obtenir une évaluation exacte et quantifiable du nombre de personnes qui font l'objet de trafic à destination ou en provenance du Canada, du pays d'origine de ces personnes, des méthodes et itinéraires utilisés, des activités pour lesquelles ces personnes font l'objet de trafic, et de leurs destinations finales.
En conclusion, madame la présidente, je peux vous assurer que nous sommes déterminés à travailler avec nos partenaires dans la lutte contre ce crime afin de veiller à ce que les ressortissants étrangers qui sont victimes de trafic soient traités comme des victimes de crimes d'abord et avant tout et comme des migrants irréguliers en deuxième lieu.
Merci.
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Merci, madame la présidente. Je vais moi aussi abréger mon allocution pour gagner du temps.
Je suis heureux de comparaître aujourd'hui pour répondre à vos questions au sujet de la façon dont CIC concourt aux efforts de l'ensemble du gouvernement pour lutter contre le trafic des personnes.
Ma première observation est que la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui est entrée en vigueur en 2002, est la première au Canada à considérer le trafic des personnes comme une infraction. Les individus qui en sont reconnus coupables sont passibles d'un emprisonnement maximal à vie ou d'une amende maximale d'un million de dollars, pénalité la plus élevée prévue par la Loi sur l'immigration. En comparaison, la pénalité prévue pour les personnes reconnues coupables d'avoir fait entrer clandestinement des gens au Canada n'est que la moitié de cette somme.
Deuxièmement, nous avons participé à un certain nombre d'initiatives, notamment une campagne d'affiches et une brochure. Je pense que les représentants du ministère de la Justice vous en ont montré des exemples. Nous continuons à distribuer ces affiches par l'entremise des bureaux des visas à l'étranger et lors des conférences internationales auxquelles nous participons.
L'une des priorités que s'est données CIC, au sein du groupe de travail, a été de trouver des moyens d'aider les victimes de trafic dans les limites de son mandat. Comme vous le savez, en mai 2006, le a diffusé aux agents d'immigration de nouvelles directives qui tiennent compte du besoin tout à fait particulier des victimes de trafic de posséder un statut d'immigrant.
Ces directives prévoient notamment que les victimes de trafic peuvent obtenir un permis de séjour temporaire les autorisant à demeurer au Canada pendant un maximum de 120 jours. Cette nouvelle mesure est destinée à aider les victimes à échapper à l'influence de leurs trafiquants, à établir leur besoin de protection à ce moment-là et à se remettre de leurs épreuves.
Le rajustement du statut d'immigrant ne règle certes pas entièrement le problème du trafic et de la victime de trafic, mais il s'agit tout de même d'une mesure importante. Il enlève en effet à la victime au moins un facteur d'angoisse et nous supprimons ainsi une source de victimisation potentielle continue. Les personnes en question ne seront pas renvoyées du Canada et on ne pourra pas les menacer de renvoi.
Le permis de séjour temporaire donne à la victime un temps de réflexion pour décider de la voie à suivre. Elle peut ainsi se remettre au Canada de tout traumatisme physique ou mental. Le permis lui permet également d'envisager les options qui s'offrent à elle pour regagner son foyer et lui donnent le temps nécessaire pour décider si elle veut participer à l'enquête menée sur le trafiquant ou à la poursuite criminelle intentée contre lui.
Il convient toutefois de noter que, au Canada, les victimes de trafic ne sont pas tenues de témoigner contre leurs trafiquants pour obtenir leur statut d'immigrant. Les procédures sont très différentes de celles en vigueur dans certains pays qui ont légiféré en la matière.
Le permis de séjour temporaire donne également accès au Programme fédéral de santé intérimaire qui couvre des soins de santé d'urgence et des services de counselling, au besoin.
Les agents d'immigration de CIC peuvent délivrer un permis de séjour temporaire à plus long terme ou un autre permis de séjour temporaire dans les cas où il est établi qu'il est dans l'intérêt supérieur de la victime et du Canada que celle-ci demeure plus longtemps au Canada.
Les directives prévoient la tenue de consultations entre le bureau de l'immigration et les agents d'exécution de la loi. Je crois que certains commentateurs ont mal compris la nature de ces consultations et je voudrais donc apporter des précisions à cet égard. Ces consultations ont pour but d'aider l'agent d'immigration à prendre une décision quant à l'octroi du permis.
La consigne que nous avons donnée aux agents d'immigration est qu'ils n'ont pas besoin d'être convaincus au-delà de tout doute raisonnable. S'il y a le moindre doute que la personne est une victime, nous leur donnons pour consigne de délivrer le permis, mais tout renseignement qu'ils peuvent recueillir à cette étape les aidera à comprendre les tenants et aboutissants du dossier.
CIC est heureux de signaler que les nouvelles directives sur le trafic des personnes ont été au départ très bien reçues par les ONG, notamment par le Conseil canadien pour les réfugiés, le Future Group, et la Stop the Trafficking Coalition. Nous avons diffusé ces directives au moment où elles ont été émises et nous attendons les commentaires de la communauté des ONG. Nous sommes très heureux de travailler avec celle-ci pour voir si nous pourrions améliorer ces directives à l'avenir. Nous sommes tout disposés à les rencontrer pour en discuter.
Nous estimons que la délivrance de permis de séjour temporaires est une mesure importante car elle garantit qu'une protection est rapidement accordée. Les directives constituent toutefois un aspect complémentaire d'une réponse fédérale globale. L'octroi du permis permet à la victime de recevoir d'autres services qui ne lui seraient pas offerts si elle était dépourvue du statut d'immigrant au Canada.
Pendant les cinq premiers mois qui ont suivi l'adoption des directives, un permis de séjour temporaire a été délivré à une victime. Quatre autres victimes ayant été repérées et auxquelles on avait offert un permis ont décidé de retourner dans leur pays. À notre connaissance, aucun permis n'a été refusé à une personne qui en aurait fait la demande.
Nous surveillons de très près la mise en oeuvre de cette mesure et nous avons demandé à tous les bureaux d'immigration de renvoyer chaque cas de victime potentielle à l'administration centrale du ministère, de manière à suivre de près les dossiers de toutes les personnes visées.
En terminant, je joins ma voix aux autres intervenants pour dire qu'il est extrêmement difficile de connaître la véritable ampleur du problème. Nous faisons ce que nous pouvons pour mettre en place des systèmes qui vont permettre de faire un suivi des données, pour que nous ayons une meilleure idée de l'ampleur de ce problème.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Premièrement, je vous remercie tous. Vous nous avez donné d'excellents renseignements, et vous aussi, monsieur Hamel, au sujet de la section spéciale pour les victimes que vous avez créée. Il semble que vous ayez la situation bien en main et que vous cherchiez des manières novatrices de vous attaquer au problème.
De mon point de vue, je vois tout cela comme... Malheureusement, aux yeux de la loi, les victimes sont criminalisées également. Personnellement, j'aimerais que les victimes ne soient pas criminalisées, parce que je pense que c'est un élément du problème. En criminalisant les victimes, nous utilisons un double langage, en un sens. Nous utilisons le mot « victime », après quoi nous criminalisons la personne en question. Nous les appelons aussi des criminels, en ce sens que des accusations peuvent être portées contre ces personnes à cause de la situation dans laquelle elles se trouvent.
J'ai deux ou trois questions et je les pose à l'ensemble du groupe, pour sauver du temps.
Ma première question découle de l'exposé de la personne de Vancouver. Constatez-vous que la totalité du trafic met en cause l'exploitation sexuelle? Vous avez commencé à dire que la femme était forcée de travailler, qu'elle était gardée en prison, qu'elle était violée et battue, mais au départ, l'intention semblait être d'exploiter sa force de travail. Ai-je bien compris cela?
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Cela m'amène à vous poser quelques autres questions, monsieur Hamel.
Vous avez longuement parlé de l'immigration. Mes questions s'adressent également à M. Grant. J'ai l'impression qu'un permis de trois mois, ce n'est pas assez long et que certaines victimes ne portent pas plainte parce qu'elles craignent d'être expulsées. J'ai proposé, lors d'une réunion précédente, que le permis corresponde à un permis de travail temporaire, ce qui permettrait aux victimes de demander le statut d'immigrante reçue à un moment donné, comme tout autre détenteur de tels permis, et elles pourraient alors... En outre, vous avez parlé du problème du logement et du counseling traumatologique, ce dont vous vous occupez déjà jusqu'à un certain point, je le sais.
Dans l'ensemble, est-ce que ce sont là des mesures qui aideraient à créer un climat de sécurité? Monsieur Grant, votre ministère a-t-il envisagé de telles mesures? Vous pouvez répondre tous les deux.
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Je remercie toutes les personnes ici présentes pour leur témoignage. Je vais poser des questions en vrac et, par la suite, vous pourrez y répondre.
J'ai deux questions qui s'adressent à M. Kelly. J'aimerais savoir quels sont les liens entre Toronto et Montréal relativement à la traite des personnes en vue de l'exploitation sexuelle. Peut-on parler de trafic interprovincial d'exploitation sexuelle? Je sais que récemment, on a beaucoup parlé des gangs de rue qui exportaient en quelque sorte des filles du Québec vers certaines zones de Toronto. On a aussi beaucoup parlé de Niagara Falls. Je voudrais savoir quels sont les liens interprovinciaux.
D'autre part, vous avez aussi parlé de l'augmentation de l'âge du consentement et des peines plus sévères.
C'est bien vous qui en avez parlé?
C'était vous, madame? D'accord. Vous pourrez donc également répondre à ma question concernant l'augmentation de l'âge du consentement et des peines plus sévères.
Pourquoi pensez-vous que des peines plus sévères et l'augmentation de l'âge du consentement sont des solutions? Quelle est la logique derrière cela? Pourquoi ces mesures seraient-elles efficaces?
Monsieur Hamel, j'ai quelques questions à vous poser. Vous avez soulevé un point important concernant le programme de protection des témoins. Vous avez dit qu'on ne tenait pas compte des victimes de l'industrie du sexe. J'aimerais savoir pourquoi, car je trouve cela assez étrange.
Vous avez dit également qu'il fallait abolir les visas d'artiste. Ne pensez-vous pas plutôt qu'il faudrait les améliorer? Il y a quand même de vrais artistes qui viennent se produire en spectacle ici. Comment pourrait-on améliorer ces visas?
J'ai une dernière question d'ordre plus général qui s'adresse à tous. Je ne parle pas de prostitution, car celle-ci n'est pas illégale et n'est pas criminalisée au Canada, mais de proxénétisme. Pensez-vous qu'en décriminalisant ou en légalisant le proxénétisme, on risquerait de se retrouver avec un système qui serait encore pire que le système actuel? Ou pensez-vous plutôt que la légalisation du proxénétisme est une bonne solution, de sorte qu'on aurait, comme dans certains pays, des vitrines pleines de femmes, etc.?
Merci.
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Je vais répondre à celles que vous m'avez adressées et à celle-là également.
Il faut savoir que les femmes qui servent au commerce du sexe sont déplacées assez souvent pour éviter d'être repérées par la police. Ainsi, on les déplace de Montréal à Toronto à Niagara Falls — vers des grands centres urbains où les clients les attendent.
Vous avez parlé de sanctions plus lourdes. Alourdir les sanctions devrait avoir un effet dissuasif. Du côté de l'exploitation des enfants, les peines ne sont pas très lourdes. Je pense que nous progresserions énormément si elles l'étaient davantage.
Quant à l'âge du consentement, l'âge exigeant une protection, nous avons affaire à des jeunes de 14 et 15 ans, jeunes garçons et jeunes filles, qui sont... Les clients viennent au Canada parce qu'ils savent que l'âge du consentement ici est très bas. Ainsi, nous rendons ces jeunes très vulnérables. Par rapport aux autres pays du monde, nous avons un des âges de consentement le plus bas, il serait important de le modifier, pour protéger les jeunes contre les prédateurs.
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Je vous remercie, et je tiens à remercier tous les témoins qui ont comparu aujourd'hui, parce que vos exposés ont été très utiles. Nous nous battons depuis deux ans pour que cette question soit examinée par le comité de la condition féminine. Nous sommes extrêmement heureuses qu'on l'examine aujourd'hui, et je dois vous dire que j'ai un léger parti pris, parce que mon fils travaille pour la GRC, et je suis une ancienne députée provinciale qui était porte-parole en matière de justice pour la province du Manitoba, j'ai beaucoup contribué à la création du groupe intégré de lutte contre l'exploitation des enfants au Manitoba. Vous avez probablement entendu parler de ce groupe.
Cela dit, ce qui m'étonne vraiment à propos du problème de la traite des personnes, et j'aimerais que l'un d'entre vous fasse des commentaires à ce sujet — c'est à quel point le public est peu au courant de l'existence du problème. À mon avis, les gouvernements doivent adopter des lois pour soutenir les policiers. Prévoir un millier d'agents de la GRC à cette fin représente un début; il faut en faire plus. La période de 120 jours est un début. Le projet de loi C-49 est un début.
Vous avez fait des commentaires à propos de l'âge du consentement. Hier, j'ai prononcé un discours de 20 minutes à la Chambre des communes afin d'implorer mes collègues de hausser l'âge du consentement. Nous sommes arrivés à un stade où, je l'espère, les députés adopteront le projet de loi à l'unanimité.
Pouvez-vous faire des commentaires sur la sensibilisation, parce que j'ai travaillé de près avec les ONG et la police entre autres. J'étais censée prendre la parole à Sydney, en Nouvelle-Écosse, mais le whip ne m'a pas laissée y aller parce qu'il y a des votes; il s'agit de mardi soir. Mais il faut mettre davantage l'accent sur la sensibilisation. Les policiers eux-mêmes souvent ne sont pas au courant de l'existence des victimes de traite. Les représentants aux frontières ignorent souvent les caractéristiques qu'ils doivent rechercher pour repérer les victimes de la traite qui traversent les frontières. Je sais que la GRC vient de préparer un nouveau vidéo qui est très efficace et très utile. Mais pourriez-vous commenter tout d'abord sur la question de la sensibilisation et deuxièmement sur les solutions que vous proposez, car comme vous êtes sur le terrain, vous êtes ceux à qui nous devons faire appel pour faire en sorte que l'on mette fin à ces terribles crimes et que l'on intervienne rapidement.
Vous pourriez peut-être faire des commentaires à ce sujet. Nous allons commencer par le service de police de Vancouver, ensuite celui de Toronto et enfin les représentants de l'Agence des services frontaliers.
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Si vous pensez que la population canadienne n'est pas au courant du phénomène de la traite des personnes, attendez qu'un service de police des Prairies ou du Québec reçoive un appel d'une victime de traite des personnes qui compose le 911. Ce sera le chaos total aux environs de deux heures du matin. Ils n'auront aucun endroit ou accueillir cette victime. Dans notre cas, d'après notre expérience, nous avions un détective qui a utilisé sa propre carte de crédit pour loger quelqu'un jusqu'à ce que je puisse obtenir de l'argent du service, et par la suite personne ne voulait intervenir parce que c'est une entreprise vaste et coûteuse.
Il n'existe aucun guide mis à part celui que produit Yvon Dandurand, et je crois qu'un deuxième tirage est en préparation. Donc la formation est essentielle, et je dois vous dire que les membres de mon propre service de police ne sont absolument pas au courant de ce phénomène, ni de la loi, ni de l'article 279, parce qu'aucune accusation n'a encore été portée. Nous avons essayé de présenter notre première accusation, mais nous n'avons pas réussi à le faire parce que l'avocat de la Couronne refuse de coopérer avec nous.
Donc, personne n'est au courant du problème et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons insisté — et les collègues qui m'accompagnent l'ont fait également — sur la formation. Cela comprend la formation à l'intention des policiers, avant tout. Le Collège canadien de police devrait offrir un cours sur la traite des personnes et nous devrions tous le suivre, de même que les procureurs de la Couronne, les membres de l'Agence des services frontaliers du Canada et les fonctionnaires du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, afin que nous puissions tous travailler en collaboration — que l'on tienne également des conférences et des colloques qui nous permettront de faire du réseautage et de savoir avec qui on peut communiquer dans quelle ville. Nous sommes en train de nous occuper d'un dossier en collaboration avec la police régionale de York, et la coopération que nous recevons est excellente, mais effectivement, la méconnaissance de ce phénomène est répandue.
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Je sais qu'il me reste simplement quelques minutes, madame la présidente.
Très brièvement, après avoir entendu ce que vous venez de dire, le fait est que j'ai parlé à des victimes de traite. Comme elles maîtrisent très mal la langue du pays où elles arrivent et comme elles subissent de l'intimidation de la part de ceux qui les exploitent, elles vivent dans la peur. Et je crois que la raison pour laquelle des procès n'ont pas été intentés, et pour laquelle on n'a pas réussi à obtenir de condamnation, c'est que ces victimes innocentes ont très peur.
Je m'occupe d'une femme à Toronto à l'heure actuelle qui a été terriblement maltraitée, et qui refuse de témoigner. Pourriez-vous nous donner des indications sur ce que le gouvernement pourrait faire pour s'assurer que ces victimes savent qu'elles ne seront pas accusées, qu'elles recevront de l'aide?
Je tiens à remercier chacun d'entre vous de vos exposés. Ils étaient vraiment éloquents.
J'ai un certain nombre de questions que j'aimerais poser. Je m'adresse au service de police de Vancouver, vous avez indiqué que Vancouver était — je ne me souviens pas bien de l'expression — une destination sexuelle. Pourtant, parallèlement, vous avez dit qu'un grand nombre des membres de votre propre force policière ne sont absolument pas au courant des problèmes concernant la traite des personnes. J'aimerais donc savoir ce que vous faites pour y remédier.
Mon autre question concerne un aspect qui n'a pas été abordé ici. J'ai posé cette question à deux témoins qui ont déjà comparu devant nous, et elle découle d'une présentation à laquelle j'ai assisté la semaine dernière de la part d'un membre du service de police de Toronto qui portait sur l'utilisation d'Internet pour l'exploitation des enfants à des fins pornographiques. J'aimerais que vous m'indiquiez l'utilisation qui est faite d'Internet, tant au niveau du recrutement que des communications, et du rôle des fournisseurs de services Internet dans ce domaine. S'agit-il d'un rôle important? Il est difficile d'imaginer le contraire. À votre avis, existe-t-il un moyen d'empêcher ce genre de choses?
Je suppose que je demanderai d'abord au service de police de Vancouver d'y répondre.
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Oui. J'ai parlé d'une ville où on fait du tourisme sexuel, c'est ainsi que parlent ceux qui viennent à Vancouver pour s'y livrer à des activités sexuelles. Il y a des gens qui traversent la frontière pour venir à Vancouver dans ce but.
En ce qui concerne le commerce sexuel, les membres de notre unité sont tout à fait au courant de ce qui se passe dans les rues, de la situation dans les salons de massage, etc. Ils ignorent ce qu'ils doivent faire pour ce qui est d'enquêter sur des cas de traite des personnes. C'est là la différence. Tous les services policiers sont bien au courant des crimes sexuels, et comme mes collègues de Toronto l'ont indiqué, ce n'est rien de nouveau. Donc, ils en sont conscients. Ils ne sont tout simplement pas au courant de nos nouvelles lois. Ils ne savent pas comment faire enquête. Ils ne savent pas comment s'occuper du dossier. C'est là que notre escouade de la moralité intervient.
En ce qui concerne Internet, nous avons deux enquêteurs qui consacrent tout leur temps aux dossiers de pornographie juvénile sur Internet. Ils parcourent le monde entier. Nous avons participé à des enquêtes, comme l'ont fait certainement mes collègues de Toronto, partout dans le monde. On a arrêté des gens en Nouvelle-Zélande, en Argentine et en Allemagne à partir de dossiers basés à Vancouver.
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Il faut des lois plus strictes. Je céderai la parole à mes amis de Toronto, parce qu'ils ont fait un commentaire sur la loi.
Aux États-Unis, ce type qui a traversé la frontière et qui avait en sa possession de la pornographie juvénile, recevra une peine d'emprisonnement de 10 à 15 ans dans l'État de Washington. Si cela s'était produit au 222, rue Main, il ne serait certainement pas emprisonné aussi longtemps. C'est une force de dissuasion très importante lorsque vous emprisonnez quelqu'un pendant aussi longtemps pour un crime très grave. Des petits enfants à l'étranger ont été victimes d'attaques à caractère sexuel, ils ont été battus, violés, certains d'entre eux des nouveau-nés, pour produire ces documents. Nous devons prendre ce genre d'activité beaucoup plus au sérieux et incarcérer les coupables pendant beaucoup plus longtemps.
Nous, les enquêteurs, avons vu des choses très inquiétantes sur Internet, des choses que je ne peux oublier. On nous offre des services de counselling pour composer avec ce que nous avons vu. Ce sont des choses grotesques, et les gens essaient d'en diminuer l'importance en utilisant l'expression anglaise « kiddie porn ». Ce n'est pas ça, il n'y a rien de mignon là-dedans. C'est de la pornographie juvénile, et pour réaliser ces images, on a gâché la vie d'une jeune victime à l'étranger.
Il faut donc que les lois soient beaucoup plus strictes.
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En ce qui concerne la traite des personnes, mon ami M. Grant, de CIC, a parlé de l'emprisonnement à perpétuité et d'une amende d'un million de dollars. Notre cause est devant les tribunaux, devant la cour provinciale de la Colombie-Britannique, au 222, rue Main, et nous verrons quelle sentence sera infligée dans cette affaire, mais en général il s'agit d'un tribunal très libéral.
Nous espérons que cet individu se verra infliger une peine sévère, surtout après tout le travail que nous avons fait et le traumatisme subi par ces victimes, mais nous allons devoir attendre.
Pour ce qui est de la traite des personnes au Canada, nous n'avons pas encore intenté de poursuites devant les tribunaux. Comme je le disais, nous essayons de pousser une affaire, mais mon enquêteur est sorti du bureau du procureur de la Couronne la semaine dernière en lui disant: « Vous ne comprenez rien; c'est comme parler à un mur ». C'est exactement ce qu'il lui a dit. Il était très bouleversé. Puis il est revenu à mon bureau. J'ai dû le faire parler, le calmer et le renvoyer chez lui, surtout après tout le travail qu'il a fait dans ce dossier.
Je ne sais pas si les peines seront aussi sévères que nous le souhaitons. Je l'espère. J'espère que tout le monde reconnaît le problème et j'espère que les tribunaux traiteront cette affaire comme elle le mérite, car s'ils ne le font pas, ils vont créer un très mauvais précédent, et nous n'en avons pas besoin ici. Il faut que la barre soit haute.
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Madame la présidente, mes questions vont plutôt porter sur l'immigration.
Je siège au Comité de la citoyenneté et de l'immigration, et on y discute beaucoup actuellement des réfugiés sans papiers. On dit que le nombre de demandeurs du statut de réfugié a diminué de façon très constante depuis 2001, année au cours de laquelle le gouvernement a doublé les budgets consacrés aux agents de répression en poste à l'étranger.
Pouvez-vous décrire la formation que reçoivent les agents à l'étranger? Comment s'y prennent-ils pour détecter les cas possibles de traite de personnes?
En 2004, pour faire suite à la diminution des demandes de statut de réfugié, le Canada et les États-Unis ont conclu une entente sur les tiers pays sûrs. Plusieurs témoins qui ont comparu devant le Comité de la citoyenneté et de l'immigration, entre autres des représentants d'ONG, nous ont fait part de quelques préoccupations au sujet de cette entente. Ils signalaient notamment un manque de formation et d'information, de même que le peu de renseignements émanant de l'agence sur place. Bien entendu, des statistiques montrent que l'entente sur les tiers pays a contribué à faire chuter de façon radicale le nombre des demandes de statut de réfugié.
Cette entente n'a-t-elle pas comme effet pervers d'accroître la vulnérabilité des demandeurs d'asile aux abus des passeurs clandestins ou des gens qui pratiquent ce genre de trafic?
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Je suppose qu'on pourrait dire que les victimes constituent le principal obstacle. La gendarme-détective Holm et mes amis de Toronto en ont fait mention. Il faut établir un lien de confiance avec les victimes et faire connaître la réputation de votre escouade de la moralité pour que les ONG et les autres fournisseurs de services encouragent les femmes à abandonner le commerce du sexe. Il faut établir de bonnes relations afin que tous aient confiance dans le professionnalisme des intervenants. Ensuite, quand la victime est prête, nous pouvons agir.
À l'heure actuelle, toutefois, quand vous arrivez de l'étranger avec de faux documents, que vous êtes emprisonné dans une cage dans une cave, quand vous ne travaillez pas et qu'on vous dit que, si vous vous adressez à la police, vous serez mis en prison ou renvoyé dans votre pays d'origine où vous serez incarcéré, vous le croyez. Ces femmes très jeunes, sans aucune expérience de la vie, qu'on déplace d'un endroit à l'autre dans le monde, n'ont aucun réseau de soutien. C'est d'ailleurs la première chose que fait le proxénète: il isole les jeunes femmes de leur famille et de leur réseau de soutien.
Ces jeunes femmes doivent donc faire preuve d'énormément de courage pour faire ce saut vers l'inconnu, comme cela a été le cas dans le dossier que nous vous avons décrit.
Sgt Matt Kelly: Vous sympathisez donc avec moi.
Mme Patricia Davidson: Mais je crois que tous ici présents savent qu'une mesure législative a été déposée qui permettra de réduire la criminalité. Sans vouloir faire de la partisanerie, et sans vous demander de vous prononcer pour ou contre les mesures préconisées par un parti politique ou un autre, je veux que l'on sache que nous prenons très au sérieux la protection des femmes et des enfants. On a tenté de modifier et de diluer certaines propositions de sorte que la protection que nous voulons accorder aux femmes et aux enfants n'est pas celle qu'elle pourrait être, à mon avis.
Toute cette question est à mon avis extrêmement importante et nous devons y donner suite. Avez-vous des idées précises sur ce que pourrait faire le gouvernement en matière de loi, non seulement pour protéger les femmes et les enfants, mais pour vous aider, vous, de la police, à mieux faire votre travail?
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La création de l'article 279 du Code criminel sur la traite des personnes au Canada et de toutes les dispositions qui en découlent est un excellent départ. Ces dispositions permettent même d'indemniser les victimes. C'est une excellente mesure parce que, comme l'a indiqué M. Grant, la LIPR ne s'applique qu'à l'étranger. C'est donc un excellent départ.
Ne vous laissez pas tenter par la décriminalisation. On peut dire d'une voiture qu'elle est d'occasion, mais cela ne change pas le fait qu'elle est usagée. Quand une activité est décriminalisée, cela signifie que la police ne peut plus s'y attaquer car cela ne fait plus partie de son mandat. Si vous supprimez l'article 213, la disposition sur la communication aux fins de prostitution, vous nous empêcherez de viser les clients dans le commerce du sexe.
Le tueur de Green River, dans l'État de Washington aux États-Unis, était un homme qui achetait des services de prostituées tout comme Jack the Ripper. Si vous nous enlevez notre pouvoir d'arrêter les clients qui entrent en contact avec les prostituées dans la rue, vous ne rendrez pas service au Canada.
La décriminalisation de l'article 213 n'est pas la solution. Plutôt, il serait préférable de prévoir des peines minimales pour les clients ou d'améliorer les lois visant les proxénètes. Il est extrêmement difficile de faire condamner un proxénète. Pour ce faire, il faut qu'une de ses prostituées le dénonce. Or, toutes les prostituées ont une bien plus grande crainte de leur proxénète que des lois ou des peines qui existent à l'heure actuelle au Canada.
Ce serait donc un pas dans la bonne direction. Nous avons l'article 279, et c'est bien. Il faut maintenant resserrer nos autres dispositions législatives. Et plutôt que d'écouter ceux qui vous parlent de l'expérience des Pays-Bas, écoutez plutôt ceux qui vous parlent de l'expérience de la Suède, où on s'est attaqué aux clients. Mon père, mon oncle, mes frères n'achètent pas de services sexuels. Ce n'est pas normal pour un homme de faire cela. Attaquons-nous donc à ceux qui ont ce comportement anormal.
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Merci, madame la présidente.
Comme vous le savez, j'avais demandé que ma motion soit traitée à cette séance-ci. Malheureusement, je ne m'attendais pas à ce qu'elle ait lieu lundi.
Or, j'ai un rendez-vous avec un médecin spécialiste, et vous savez comme il est difficile d'obtenir rendez-vous avec un spécialiste. La réalité, c'est que je souffre de migraines. Mes migraines ont considérablement augmenté depuis un mois et, j'ignore pourquoi, mais pendant la semaine de relâche, j'ai eu quatre migraines en trois jours.
Je dois donc voir un spécialiste et j'espérais beaucoup participer à cette discussion. Je sais que d'autres membres du comité ne sont pas disponibles non plus et je me demandais si le comité accepterait de tenir cette séance un autre lundi. Tout autre lundi me conviendrait, seulement, pas le 6 novembre.