:
Chers membres du comité, la séance est ouverte.
Nous avons deux séries de témoins. Ils sont déjà là et ont fait l'effort de venir, et nous aimerions donc leur démontrer notre reconnaissance.
Normalement, le premier tour est de sept minutes, mais avec l'accord de tous les membres, je propose qu'il soit de cinq minutes, afin que chacun ait un deuxième tour.
Ensuite, les témoins auront chacun une minute pour faire une dernière observation. Nous avons un échéancier très serré aujourd'hui.
Aujourd'hui nous accueillons Ardith Toogood, de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités;
[Français]
Mme Nathalie Goulet, directrice du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail,
[Traduction]
et Brenda Murphy, de l'Urban Core Support Network.
Vous avez chacune cinq minutes pour faire vos remarques liminaires. Je vais surveiller votre temps de parole de façon très stricte.
Nous allons commencer par Ardith.
:
La Fédération canadienne des femmes diplômées des universités est très heureuse d'avoir aujourd'hui l'occasion de présenter son point de vue. Nous avons de graves préoccupations relativement à l'égalité des femmes au Canada.
En tant qu'organisme non partisan et autofinancé regroupant 10 000 femmes diplômées de l'ensemble des provinces, nous défendons la cause des droits de la personne, de la justice, de la paix, de l'éducation, de l'environnement, et de la condition des femmes et des enfants.
En tant qu'ONG, nous avons un statut consultatif auprès des Nations Unies et l'UNESCO.
La FCFDU représente l'une des 82 affiliées nationales de la Fédération internationale des femmes diplômées des universités. Pourquoi la FCFDU se préoccupe-t-elle de l'égalité des femmes au Canada? Eh bien, parce que nous reconnaissons tous que l'égalité des femmes constitue un droit humain, que notre Charte des droits et libertés proclame ce droit, et que la question de l'égalité des femmes transcende la politique partisane.
La question fondamentale est de savoir si les femmes canadiennes ont réalisé l'égalité? Le gouvernement actuel est de cet avis et a donc interdit aux groupes de femmes financés par le gouvernement de promouvoir et de défendre les droits des femmes.
Examinons donc un aspect particulier des droits des femmes: l'équité salariale. La FCFDU a commencé à revendiquer l'équité salariale en 1922. Où en sommes-nous actuellement? En 2007, les femmes canadiennes gagnent, en moyenne, 72 ¢ pour chaque dollar gagné par un homme, alors que le sort des femmes ayant fait des études postsecondaires, tout comme les femmes défavorisées, est encore plus grave. Ce désavantage économique suit une femme tout au long de sa vie.
Les femmes canadiennes devraient-elles accepter d'être inférieures aux hommes sur le plan économique? Devraient-elles étouffer en toute quiétude leur désir d'égalité? Voilà le message qu'on nous communiquait l'automne dernier, nous semble-t-il. Eh bien, nous disons non. Comme Geraldine Ferraro l'a si bien dit: « Nous avons choisi le chemin de l'égalité; ne leur permettez pas de nous faire rebrousser chemin. »
La FCFDU a commencé à revendiquer le rétablissement du Programme des contestations judiciaires en 1992. Il a effectivement été rétabli, mais où en sommes-nous maintenant? En 2006, le gouvernement a décidé, encore une fois, de supprimer le financement d'actions en justice pour les personnes défavorisées dont les droits en vertu de la Charte n'ont peut-être pas été respectés. Chacun mérite d'obtenir justice.
En supprimant l'objectif de l'égalité du mandat de Condition féminine Canada, le gouvernement se lave complètement les mains de sa responsabilité de concrétiser les droits à l'égalité. Il est essentiel que Condition féminine Canada continue d'être un organisme central de surveillance de l'analyse sexo-spécifique et d'être comptable envers les femmes du Canada, en s'assurant que l'égalité des sexes constitue une priorité pour notre société.
En interdisant le financement des activités de recherche et de promotion des droits des femmes, le gouvernement étouffe effectivement la voix des groupes de femmes financés qui fournissent des recherches de première qualité sur les questions liées à l'égalité — recherches dont la FCFDU bénéficie et qu'elle valorise. Un gouvernement démocratique tient compte des résultats de la recherche. Sinon, comment peut-il concevoir des programmes qui sont pertinents et permettent d'éliminer les causes structurelles de l'inégalité?
La fermeture de 12 bureaux sur 16 et le congédiement de la moitié de l'effectif de Condition féminine Canada affaiblit l'efficacité régionale de ce dernier, détruit de nombreux réseaux communautaires et limite l'accès des femmes aux soins de santé et aux conseils.
Les engagements pris par le Canada en vertu de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, du Programme d'action de Beijing, de l'examen « Beijing Plus 5 » et de l'examen « Beijing Plus 10 » et les OMD sont clairs: ils prévoient des mesures, un plan pour réaliser la justice sociale. Les affiliées de notre fédération internationale — les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Argentine, la Croatie, la Géorgie, la Turquie et le Rwanda — sont consternées de constater le manque d'égards du Canada pour les préoccupations féminines. Les femmes de la communauté internationale s'attendent à ce que le Canada adopte des politiques gouvernementales progressistes. La FCFDU exhorte donc le gouvernement à rétablir l'égalité parmi les éléments du mandat de Condition féminine Canada, à rétablir les anciennes lignes directrices en matière de financement, et à rétablir également les programmes et les bureaux régionaux qui ont été supprimés. Le Canada devrait être un chef de file dans le domaine de l'égalité des femmes.
Merci.
:
Bonjour à toutes et à tous.
Je tiens d'abord à remercier les membres du Comité permanent de la Chambre des communes de la condition féminine de leur invitation.
Il est très important pour nous de venir témoigner des répercussions des récents changements à Condition féminine Canada sur notre organisation. À cet égard, nous soutenons les actions de la Coalition spéciale pour l'égalité des femmes et les droits de la personne, qui a été créée l'an dernier pour dénoncer les coupures et les changements actuels. Le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, le CIAFT, a également rencontré en septembre dernier le ministre des Transports, l'honorable Lawrence Cannon, ainsi que le ministre du Travail, l'honorable Jean-Pierre Blackburn, en novembre pour les sensibiliser à ces changements inacceptables. Les deux ministres se sont montrés très attentifs et ont promis de faire un plaidoyer auprès de leur collègue responsable de la Condition féminine pour qu'elle revienne le plus rapidement possible sur ses décisions.
Dans ma courte allocution, je tiens à vous faire part des gains accomplis par le CIAFT ces dernières années grâce au financement du Programme de promotion de la femme et au soutien de Condition féminine Canada au Québec, et ensuite à vous décrire les conséquences désastreuses qu'auront, dès le mois d'avril prochain, ces changements sur notre organisation.
Qui est le CIAFT? Le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail existe depuis 25 ans. C'est la principale organisation de défense collective du droit au travail pour les femmes au Québec. Nos membres sont situés dans toutes les régions du Québec et sont en grande majorité des organismes d'employabilité pour les femmes. Des économistes, des spécialistes du développement régional, des conseillères en orientation professionnelle en sont également membres. Nous avons quatre grands secteurs d'intervention: le développement de la main-d'oeuvre féminine; l'équité salariale et l'équité en emploi; le développement régional; et les programmes sociaux liés à la conciliation travail-famille et au droit au travail pour les travailleuses vulnérables.
Nous sommes considérés par le gouvernement du Québec comme un partenaire à part entière du marché du travail. En effet, le CIAFT est mandataire, depuis 1998, du Comité aviseur Femmes en développement de la main-d'oeuvre d'Emploi-Québec, et il a mené les travaux de mise en place de la Stratégie d'intervention à l'égard de la main-d'oeuvre féminine. Nous avons été le porte-parole de la Coalition en faveur de l'équité salariale, qui a mené à l'adoption de la loi proactive au Québec en 1996, et nous suivons depuis avec attention l'application de la loi. Nous sommes aussi un interlocuteur des médias francophones et anglophones du Québec sur ces sujets, comme sur la conciliation travail-famille ou l'égalité des femmes au travail en général.
Quels gains avons-nous faits grâce au Programme de promotion de la femme ces dernières années? En tant qu'organisme de défense collective des droits, nous sommes soutenus par le gouvernement du Québec, par le biais de son programme de soutien à l'action communautaire autonome, et par le financement du Programme de promotion de la femme du fédéral.
Nous avons participé à de nombreux changements législatifs et aux travaux du gouvernement ces dernières années. Je vais vous donner quelques exemples. Il y a d'abord l'amélioration de la Loi sur les normes du travail du Québec en 2002. On a entre autres fait inclure le harcèlement psychologique dans la loi, ainsi que des congés plus nombreux pour les responsabilités familiales. Nous avons participé aux consultations sur l'adoption d'une politique globale de conciliation famille-travail au Québec, il y a trois ans, et nous avons élaboré, grâce au PPF, une plateforme sur cette question au sein de notre organisation. Nous avons participé à la défense de l'universalité des services de garde à l'enfance. Nous participons à toutes les consultations prévues par la Loi sur l'équité salariale, aux échéances prévues par celle-ci. Nous participons à l'élaboration de plans quinquennaux dans les 19 régions du Québec. Nous avons fait d'énormes gains, notamment en matière d'équité salariale. Nous avons obtenu un programme de vérification dans les entreprises et un comité de travail pour les travailleuses en situation vulnérable. Nous avons participé à l'élaboration du Régime québécois d'assurance parentale. Bref, il y a beaucoup de choses auxquelles nous avons participé.
Les répercussions du changement sur la mission de notre organisation seront majeures. En effet, le CIAFT perdra 66 p. 100 de son financement dédié à sa mission de défense des droits, puisqu'il ne sera plus admissible au financement du programme pour faire ce travail politique.
D'ailleurs, nous appuyons la recommandation de ce comité qui prône le retour à un financement de base pour les groupes de femmes au Canada. Je pourrai y revenir dans une conclusion ultérieure.
Ai-je le temps de continuer?
:
J'aimerais vous remercier de l'occasion qui nous est donnée d'exprimer nos vues.
Je m'appelle Brenda Murphy, et je représente l'Urban Core Support Network de Saint John, au Nouveau Brunswick.
Nous sommes une coalition de personnes vivant dans la pauvreté et de représentants d'organismes à but non lucratif, de groupes confessionnels, du gouvernement et du monde des affaires qui travaillent systématiquement à réduire la pauvreté dans notre collectivité.
Nos activités visent principalement à influencer les décideurs provinciaux à l'aide de recherche, d'analyses de diverses politiques et d'activités de défense de nos droits relativement aux obstacles rencontrés par les femmes à faible revenu. L'UCSN contribue également à sensibiliser la collectivité grâce aux renseignements fournis par ses membres et les femmes marginalisées, qui ont peu d'occasions de s'exprimer.
Les changements apportés au mandat de Condition féminine Canada auront des répercussions profondes sur notre organisme. Une de nos stratégies clés consiste à établir et à entretenir des relations avec les décideurs. Grâce à ces relations et partenariats, nous avons témoigné de changements concrets qui influent directement sur les femmes à faible revenu et sur leur capacité de participer à la vie de notre société.
Dernièrement, un sous-ministre adjoint dans la province du Nouveau-Brunswick nous a dit à quel point il est difficile pour le gouvernement de recueillir les mêmes données que les organismes communautaires, parce qu'il lui est difficile, sinon impossible, de nouer des relations de confiance avec les femmes vivant dans la pauvreté. Ainsi le gouvernement du Nouveau-Brunswick reconnaît aisément qu'il dépend des groupes revendiquant l'égalité pour l'aider à orienter les politiques et pratiques qui permettront de répondre aux vrais besoins des milliers de femmes dans notre région qui n'ont pas voix au chapitre. Donc, enlever notre capacité de défendre nos droits crée des lacunes très importantes.
Les femmes vivant dans la pauvreté, qui essaient de survivre, de joindre les deux bouts et de s'assurer que leurs enfants ont de quoi manger, n'ont souvent guère la force physique ou émotionnelle de se rendre à Fredericton ou Ottawa, ou même au bureau d'un député, pour discuter des obstacles auxquels elles sont confrontées.
Un exemple de l'impact positif de notre travail de revendication est le rapport que nous venons de terminer et de remettre à la province. Nous recommandons essentiellement qu'une politique gouvernementale bien précise, qui constitue un obstacle aux femmes souhaitant passer du statut de bénéficiaire de programmes d'aide au revenu à celui de membre de la population active, soit modifiée. Nous recommandons également la création d'un programme de supplément de salaire afin d'aider les familles à faible revenu.
Afin d'illustrer l'incidence potentiellement positive de ces recommandations, je voudrais vous présenter Joanne. Joanne est une mère seule qui a commencé à travailler en novembre dans un centre d'appels où elle touche un peu plus que le salaire minimum. Elle tient absolument à continuer à travailler, même les jours où son quart de travail finit à 1 heure du matin et qu'elle doit faire une heure de marche dans le noir, dans les rues de Saint John, pour entrer chez elle, étant donné qu'il n'y a pas de service d'autobus et que son salaire ne lui permet pas de se payer un taxi.
Qui va parler pour Joanne? Elle arrive à peine à satisfaire aux exigences de son emploi et de ses deux enfants adolescents, sans parler de rencontres avec des élus ou décideurs afin de parler de sa situation et de demander des changements qui l'aideraient.
À certains égards, la vie de Joanne est une réussite. Elle participe pleinement à la vie de la société en ayant un emploi à plein temps. Mais si, grâce à nos efforts de promotion et de défense de nos droits, nous réussissons à obtenir un programme de supplément du revenu, Joanne serait en mesure de recevoir une rémunération supplémentaire afin qu'elle puisse atténuer son niveau de stress et d'anxiété en ayant la possibilité de rentrer chez elle en taxi, ce qui augmenterait ses chances de rester sur le marché du travail.
On m'a demandé comment ces changements influent sur les femmes sur le terrain. Eh bien, ça c'est l'une des nombreuses histoires de femmes qui doivent lutter tous les jours pour s'en sortir. Mais, malgré les défis qu'elles ont à relever, les femmes veulent participer au travail de notre organisme parce qu'elles savent que notre présence fera évoluer la situation. Nous leur offrons un endroit sécuritaire où elles peuvent raconter leurs histoires, parler de ce qui peut les aider, et passer aux étapes suivantes qu'il s'agisse de formation, de travail rémunéré, ou d'autres possibilités.
Nous voulons continuer d'avoir la possibilité de travailler avec et pour elles. À cette fin, il est essentiel que nous puissions recevoir des crédits de Condition féminine Canada en vue de continuer à revendiquer des changements qui permettront de garantir la pleine participation des femmes à la vie de notre société. Comme nous travaillons à éliminer les obstacles structurels à l'atténuation de la pauvreté, nous ne sommes pas jugés admissibles à d'autres types de financement visant à soutenir la prestation directe de services. Vu cette réalité, l'appui de Condition féminine Canada a été vital pour les organismes féminins revendiquant l'égalité.
Avant de conclure, je voudrais aborder également la question des compressions budgétaires en rendant hommage aux agents de projets régionaux pour leur aide inestimable. Ces personnes ont systématiquement aidé notre petit organisme à tirer au clair ses objectifs. Elles nous ont permis de nous mettre en rapport avec des organismes complémentaires ailleurs. Elles nous ont assuré un soutien technique dans des domaines tels que l'évaluation. Le personnel régional de CFC nous a permis de prendre de l'élan et d'assurer la continuité de nos activés, activités qui sont restées étroitement liées aux réalités du Canada atlantique. Cette perte constitue donc pour nous une catastrophe.
Merci encore une fois de m'avoir écoutée.
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Merci, madame la présidente.
Merci à vous toutes de votre présence cet après-midi. Vous avez abordé toutes sortes d'éléments qui trouvent certainement un écho dans la circonscription électorale de Kitchener-Centre.
Il me semble que l'argument avancé par le gouvernement afin de justifier cette réduction massive et draconienne du financement de CFC est le désir d'optimiser les ressources. On dirait que le gouvernement veut pouvoir dire: nous avons investi tant de dollars et voici le résultat que nous avons obtenu. D'après ce que je comprends de la façon de travailler de bon nombre d'organismes communautaires, ce n'est tout simplement pas possible.
Brenda, vous avez expliqué avec éloquence la situation de Joanne qui travaille et ne gagne pas assez d'argent pour pouvoir défendre ses propres intérêts.
Je voudrais également soulever la question du Programme des contestations judiciaires, qui a été mentionné par les artistes, car à mon sens, ce programme revêt une importance critique. Je ne suis pas membre régulière du comité, et je ne sais donc pas si vous en avez déjà discuté par le passé, mais pour ma part, j'ai beaucoup de mal à accepter que ce programme cesse d'être financé.
Je sais, par exemple, que FAEJ a intenté une action sur la question des cours d'anglais, langue seconde dispensés aux nouveaux arrivants, étant donné que ces cours étaient financés par le gouvernement fédéral si vous étiez de sexe masculin, car on supposait que les hommes iraient travailler, mais ne l'étaient pas pour les femmes, parce qu'on présumait qu'elles resteraient à la maison pour s'occuper de la famille. Or les recherches faites au niveau communautaire indique que, parmi les néo-Canadiens, c'est souvent les personnes qui restent à la maison qui sont les plus isolées et qui ont justement besoin de ce genre de services et de contacts avec la collectivité.
Je suppose que c'est plutôt une observation qu'une question, mais quand je songe à ces compressions budgétaires, je me demande qui en fait une analyse sexo-spécifique qui nous indiquerait à quel point elles nuisent à la condition féminine. Serait-il possible de discuter de la valeur de vos activités par rapport aux fonds qui sont investis, étant donné que cela semble être une obsession pour le gouvernement actuel, au sein de vos organismes? Il me semble que, finalement, on parle plutôt de l'absence de répercussions négatives. Donc, dire qu'il convient d'investir x millions de dollars dans telle activité, ou encore de financer des organismes à but lucratif plutôt qu'à but non lucratif… Êtes-vous en mesure de quantifier les répercussions positives de vos activités, en ce qui concerne vos organismes?
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Pourrais-je commencer, Karen?
À notre avis, ces compressions budgétaires correspondent à une somme dérisoire par rapport à l'ensemble du budget. Ce ministère, Condition féminine Canada, est l'un des ministères qui reçoit les affectations de fonds les moins importantes. Donc, ces compressions budgétaires ne vont pas nous ramener un tout petit peu en arrière, mais plusieurs décennies en arrière.
Au sein de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, nous travaillons depuis 88 ans à sensibiliser la population à ces questions, et par rapport aux questions précises que j'ai mentionnées tout à l'heure, depuis 30 ou 40 ans. Les conséquences pour les femmes sont très considérables car, dès lors qu'il y a un recul, il devient très difficile de se rattraper. En fait, depuis les années 1980, nous demandons que le budget de Condition féminine Canada soit doublé ou plus, et nous souhaitons que la ministre responsable de la Condition féminine soit une ministre de premier plan jouissant de pleins droits au sein du Cabinet. Donc, cette décision représente un grand recul en ce qui concerne nos efforts de revendication.
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Merci, madame la présidente.
Bienvenue. C'est toujours un plaisir pour nous de vous recevoir et de vérifier auprès de vos organismes tout le travail qui a été fait à ce jour. C'est un peu dans cette optique que j'aimerais vous entendre.
Dans votre témoignage, madame Goulet, vous nous avez fait part de toutes les avancées, de tous les gains ainsi que de toutes vos participations à différents comités et commissions.
J'aimerais savoir quel impact auront les coupes annoncées sur votre organisme.
Vous avez également parlé d'un élément concernant le développement régional. Vous savez que sur les 16 bureaux, 12 seront fermés. Que signifie pour vous la fermeture de ces bureaux?
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Les bureaux régionaux sont extrêmement importants parce que les agentes du Programme de promotion de la femme suivaient nos dossiers, à la fois dans l'élaboration de nos demandes et durant tout le suivi. C'était une relation extrêmement importante.
Il y avait aussi, dans les bureaux de Condition féminine Canada, une expertise en matière de condition des femmes qui disparaît actuellement. Les coupes faites au ministère lancent un message vraiment négatif. Nous avons besoin d'un ministère fort pour assurer la transversalité dans tout l'appareil de l'État fédéral, en ce qui a trait à la condition des femmes.
Au même titre qu'il y a le Secrétariat à la condition féminine au Québec, il en faut un au fédéral. Il faut aussi au fédéral un programme de recherche indépendant. Au même titre qu'il y a le Conseil du statut de la femme au Québec, il faut qu'il y ait la même chose au fédéral. On a donc besoin de toute la structure de l'appareil pour continuer, parce qu'il s'agit d'un travail de très longue haleine. Nous tous et toutes ici présents pouvons en témoigner.
Ce sera donc dramatique. On nous a dit qu'il resterait un bureau à Montréal, avec une directrice qui ne sera même pas une directrice régionale mais une coordonnatrice, une agente et une adjointe pour recevoir les demandes de centaines de groupes du Québec. C'est absolument incroyable.
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Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, nous sommes un tout petit organisme. Je suis l'unique membre du personnel et les autres sont des bénévoles — d'ailleurs, c'est un groupe assez diversifié.
Notre agente de programme nous a été tellement utile — elle acceptait de nous rencontrer quand nous étions en train de réfléchir aux prochaines étapes et à la définition de notre projet, justement pour nous aider à clarifier nos objectifs et à délimiter un peu notre action, pour éviter que nous éparpillions nos efforts. Il me semble que, même dans un petit groupe, on a parfois l'impression de pouvoir changer le monde. Elles ont donc été d'une grande utilité pour ce qui est de nous aider à nous concentrer sur l'essentiel et à clairement définir la nature de notre action, et elles nous ont également donné de très bons conseils techniques sur la question de l'évaluation. Ce ne sont pas des domaines dans lesquels nous avons de l'expertise.
D'après ce que j'ai pu comprendre, même si le bureau sera situé à Moncton, ce qui nous est bien utile, l'unique membre du personnel qui restera n'aura pas le temps de nous fournir le genre d'aide dont nous avons profité par le passé dans notre organisme. Son rôle consistera strictement à examiner les demandes, à les coter et à les transmettre ensuite à Ottawa. J'ai même l'impression que cette personne n'aura pas tellement son mot à dire pour ce qui est d'appuyer ou non une proposition particulière. Cela va donc avoir des répercussions importantes sur nous.
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Merci, madame la présidente.
Je voudrais remercier les témoins de leur présence aujourd'hui et des renseignements qu'elles nous ont transmis. Nous sommes honorées de vous accueillir. Ce dialogue est extrêmement important pour nous toutes.
J'ai de nombreuses questions à vous poser, et dans un premier temps, je voudrais parler d'équité salariale. C'est une question qui m'intéresse et m'inquiète, personnellement, de même que tous les membres du comité, depuis fort longtemps. J'ai une lettre devant moi qui remonte à 2005 et qui est adressée à Mme Anita Neville; elle est encore membre du comité. Elle n'est pas parmi nous aujourd'hui parce qu'elle doit certainement avoir un autre engagement. Parfois nous devons faire venir des remplaçantes si nous avons d'autres engagements.
Elle était présidente du comité en 2005, et nous avons mené une étude sur l'équité salariale. Le gouvernement de l'époque a clairement exprimé l'opinion que voici:
Le gouvernement reconnaît la contribution que représente le Rapport du groupe travail mais, après une étude considérée, le gouvernement est d'avis que ce rapport ne propose pas un plan suffisant pour l'application de l'équité salariale dans l'ensemble des lieux de travail sous régie fédérale.
Je n'ai pas le temps de vous lire toute la lettre, mais je peux vous en fournir une copie. Le gouvernement a dit essentiellement qu'il était en faveur de l'équité salariale, mais que d'autres études s'imposaient.
Pour en venir à Condition féminine Canada, nous étions très frustrées parce que nous voulions que le gouvernement agisse. Donc, quand notre parti a pris le pouvoir, nous avons réexaminé la question de l'équité salariale et décidé de travailler avec la loi actuelle, plutôt que de faire traîner encore les choses pendant deux ou trois ans. Le ministre a ensuite mis en place des procédures très strictes consistant à obliger les employeurs de l'ensemble du Canada à examiner de près la question de l'équité salariale. Nous attendons de savoir ce qu'il a constaté. Nous essayons de faire avancer ce dossier, parce que je suis d'accord pour dire que le problème de l'équité salariale doit absolument être réglé. De plus, tous les membres du Comité de la condition féminine sont d'accord là-dessus.
Pour ce qui est des nouvelles attributions de Condition féminine Canada, le fait est qu'aucun programme s'adressant aux femmes n'a fait l'objet de compressions budgétaires. Les 10,8 millions de dollars sont encore là, et 5 millions de dollars sont réservés spécifiquement pour le Programme de promotion de la femme. J'encourage tout le monde à présenter une demande en vertu de ce programme, parce que les crédits sont tout à fait disponibles. Ces 5 millions de dollars serviront exclusivement à approfondir les questions féminines. Tous les ministres, quel que soit leur portefeuille — y compris le ministre de la Justice — collaborent actuellement afin de s'attaquer aux questions féminines.
Est-ce qu'il y en a parmi vous qui avez présenté une demande en vertu de l'un ou l'autre des programmes qui soient actuellement disponibles?
Madame Murphy, vous avez parlé d'un certain nombre de programmes très intéressants dans votre région. Avez-vous présenté une demande de financement en vue d'aider les femmes avec lesquelles vous travaillez?
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Je dirais que les femmes n'auront plus voix au chapitre, étant donné qu'elles ne pourront plus s'exprimer par l'entremise d'organismes comme le nôtre.
Nous en avons un exemple au Nouveau-Brunswick. Il y a deux ans, le premier ministre de l'époque, Bernard Lord, a organisé des consultations provinciales afin de parler des programmes sociaux au Nouveau-Brunswick. Nous avons été l'un des deux seuls groupes communautaires à être invités à participer à ces consultations provinciales, en raison de notre crédibilité, et parce que nous sommes considérés comme des porte-parole authentiques des femmes qui vivent dans la pauvreté, étant donné que nous connaissons leurs histoires et que nous pouvons parler avec elles et en leur nom. Nous ne pourrons plus faire cela, même si Mme Smith semblait dire que nous le pourrions.
J'ai regardé le formulaire de demande, et on dit bien sur ce formulaire qu'il ne faut pas être un organisme de défense oeuvrant aux niveaux municipal, provincial ou fédéral, ce qui nous bâillonne essentiellement, de même que les femmes vivant dans la pauvreté au sein de notre collectivité.
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Merci de votre présence.
Je vais vous poser trois questions. Je vous invite à les noter, afin que je puisse obtenir une réponse de chacune d'entre vous aux questions auxquelles vous souhaitez répondre.
Pour ce qui est de ma première question, nous nous battons depuis des mois pour obtenir que ce soit rétabli. On ne peut pas être contre cela; il est évident que vous devriez pouvoir réaliser l'égalité, mais ce message ne semble pas passer. Je voudrais donc que vous nous aidiez en nous donnant éventuellement des exemples.
L'exemple de Joanne était parfait. Mais nous avons besoin d'exemples des répercussions de ces compressions budgétaires sur certaines femmes en particulier… le gouvernement nous dit que c'est une mesure purement administrative qui n'a pas d'effets concrets.
Pour ce qui est de ma deuxième question, bon nombre de vos organismes comprennent des bénévoles, et comme vous nous l'avez fait remarquer, avec ces minuscules compressions budgétaires, nous allons en réalité perdre beaucoup plus d'argent, étant donné la valeur du travail des bénévoles. L'apport des bénévoles au PIB du Canada est de l'ordre de 2 milliards de dollars chaque année. Pourriez-vous donc commenter le fait qu'en supprimant cette dépense dérisoire, nous allons en réalité perdre le travail des bénévoles, qui correspond à une valeur beaucoup plus importante? Le fait est qu'ils ont également réduit le bénévolat, mais nous n'allons pas parler de cela pour le moment.
S'agissant de ma troisième question, dans cette lutte qu'elles mènent depuis des siècles en faveur de l'égalité, les femmes avaient une championne au Parlement, c'est-à-dire la ministre du Patrimoine canadien qui est également responsable de la Condition féminine. Je voudrais savoir si elle vous a aidées à poursuivre votre lutte.
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Je vais répondre à vos deux premières questions.
S'agissant du véritable impact de ces changements sur les femmes, je peux vous raconter l'histoire de Sally, qui vit actuellement dans une maison d'hébergement transitoire. Elle y est depuis plus d'un an, ce qui dépasse la période qui est normalement autorisée, étant donné qu'elle reçoit 490 $ par mois de prestations d'aide au revenu. Voilà son revenu global mensuel au Nouveau-Brunswick. Elle doit trouver un logement subventionné, mais elle n'a pas encore réussi à en trouver. Parmi les quelques possibilités qui s'offrent à elle, l'une consiste à retourner vivre avec son partenaire abusif, étant donné qu'il n'y a tout simplement pas assez de logements.
Au sein de notre collectivité, nous avons donc essayé d'obtenir davantage de logements subventionnés et de raconter ces histoires aux gens, afin qu'ils comprennent la situation dans laquelle se trouvent des femmes comme Sally, qui envisagent de retourner vivre avec un partenaire violent étant donné qu'elles ont si peu de possibilités.
Pour ce qui est des bénévoles, dans le cadre de notre dernier projet de 18 mois, le temps des bénévoles correspondait, d'après nos estimations — et je n'ai pas le chiffre exact avec moi — à une valeur d'environ 70 000 $ ou 80 000 $.
Donc, vous avez raison; si nous perdons cela parce que notre organisme doit fermer ses portes, cela va certainement avoir un impact.
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Nous avons rencontré la ministre pour la première fois le 3 octobre. Dix organismes ont été invités à participer. Notre organisme de 10 000 femmes devait être représenté par quelqu'un qui représentait également le Conseil national des femmes — autrement dit, deux groupes autofinancés. Lors de cette rencontre, la ministre a déclaré que les femmes ont déjà réalisé l'égalité. Eh bien, nous ne sommes pas de cet avis.
Depuis lors, nous n'avons pas vraiment eu de contacts avec elle. J'ai reçu une lettre en réponse à une lettre que moi-même j'avais écrite.
En ce qui concerne le premier ministre, la réponse qu'il m'a fait parvenir a été supprimée sans être lue, et aucun accusé de réception n'a été donné pour la copie papier — cela concernait le Programme des contestations judiciaires.
Notre organisme compte presque 10 000 bénévoles. Nous travaillons depuis si longtemps; toutes ces coupures, pas seulement celles qui concernent l'égalité, même s'il y en a tellement qui touchent l'égalité des femmes que c'est tout à fait étonnant — nous ont vraiment bouleversées. Le travail de revendication qu'a dû accomplir notre organisme cet automne est vraiment sans précédent.
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J'ai parlé de compressions budgétaires directes qui représentent 66 p. 100 du financement de base global de notre organisme.
Nous recevons du Programme de promotion de la femme, ou PPF, à peu près 75 000 $ par année par initiative. Je peux déposer à l'intention de ce comité la production des deux dernières années.
Nous avons mené une campagne dans le cadre des 10 ans de la Loi sur l'équité salariale du Québec. Nous avons fait élaborer une plateforme féministe sur la conciliation famille-travail et trois outils, un pour les groupes de femmes, un pour les travailleuses et l'autre pour les entreprises, sur la base de cette plateforme. Lors de notre campagne sur l'équité salariale, nous avons rejoint quelque 1 000 groupes communautaires de partout au Québec. Toutes ces activités ont été financées par le PPF, mais nous ne pourrons plus les répéter puisqu'il s'agit de travail politique.
Par ailleurs, j'aimerais ajouter que même les droits à l'égalité évoluent. Au Québec, il y a 10 ans, il n'existait pas de loi proactive sur l'équité salariale. Les lois changent également. Le droit des femmes à l'égalité est en évolution et en amélioration constante grâce à des groupes comme le nôtre.
De toute façon, les juristes, aujourd'hui, ne parlent plus d'égalité de droit. On parle d'égalité de fait. D'ailleurs, le nom de la nouvelle politique sur la condition féminine qui vient d'être adoptée au Québec s'intitule: « Pour que l’égalité de droit devienne une égalité de fait ». Il faut donc que l'égalité soit substantive, qu'elle soit réelle et qu'on soit capable de la mesurer. Par conséquent, le discours sur l'égalité de droit n'est même plus un discours qu'on entend parmi les juristes qui suivent les dossiers sur la condition féminine.
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Très bien. Je vais passer à autre chose. Merci, madame Toogood.
L'un des thèmes qui caractérisent les témoignages que nous avons reçus ici — et c'est encore le cas aujourd'hui — concerne les exemples très touchants qu'on nous cite de femmes vulnérables, de groupes féminins, de minorités visibles, de femmes immigrantes, et de femmes aînées qui ont certains besoins qui restent insatisfaits dans leurs collectivités. Vous nous avez dit aujourd'hui que votre rôle consiste à leur permettre de s'exprimer, à les défendre, etc.
Ceci dit, il me semble qu'il y a un manque de cohérence quelque part. Les modalités du Programme ont été établies de façon à favoriser la mise sur pied de programmes pratiques et concrets qui aideront justement ces femmes vulnérables, qui ont ces besoins que vous décrivez, à s'en sortir — c'est-à-dire de leur permettre de devenir des entrepreneurs ou de profiter de possibilités qui les aideront à s'en sortir et à améliorer leur situation.
Là où je vois un manque de cohérence, c'est qu'un groupe de revendication qui veut donner voix au chapitre aux femmes et qui parle de droits… d'ailleurs, je n'ai absolument rien contre. C'est une activité importante. Mais j'estime que, dès lors qu'il s'agit de fonds publics, il serait peut-être préférable que ces fonds publics servent à financer des programmes et des solutions concrètes qui vont vraiment aider les femmes et leur permettre d'améliorer concrètement leur situation de vie, tout en permettant aux organismes qui font ce travail de revendication de le poursuivre en obtenant des crédits auprès des sources de financement qui, comme vous nous l'avez fait remarquer vous-même, sont disponibles pour ce genre d'activités? Donc, si on parle de dépenses publiques, faisons en sorte que l'argent soit investi de façon à aider les personnes dont les besoins sont les plus impérieux.
Qu'en pensez-vous, madame Murphy? J'ai remarqué que vous avez cité de très bons exemples. D'après ce que j'ai pu voir, ces programmes seraient utiles.
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À mon avis, vous faites déjà cela par l'entremise des transferts aux provinces. Vous nous donnez des fonds qui servent ensuite à financer directement les services.
Si Condition féminine Canada a été d'une grande utilité pour notre organisme, c'est parce que nous n'avons pas pu nous adresser aux organismes qui représentent les sources de financement traditionnelles — c'est-à-dire, les fondations, par exemple, et même le gouvernement provincial — étant donné que nous n'assurons pas des services directs alors que c'est justement cela qui est normalement exigé, si on veut obtenir des fonds de ces sources-là.
Condition féminine Canada nous a expliqué sa position en termes très clairs: nous n'allons pas vous donner de financement si vous assurez des services directs, car nous voulons que vous travailliez en vue de faire évoluer les systèmes qui vont finir par aider les femmes.
Pour nous, c'était très avantageux, étant donné que nous ne pouvons obtenir des fonds d'autres sources. Environ 60 p. 100 de notre financement est versé par Condition féminine Canada, et cela représente donc une somme importante.
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Merci, madame la présidente.
Merci beaucoup, mesdames, d'être parmi nous aujourd'hui. Votre contribution nous est précieuse en regard des décisions que nous devons prendre à ce comité.
Madame Goulet — et c'est le cas également de Mme Murphy —, vous nous dites carrément qu'on est en train de tuer votre organisme, que celui-ci n'aura pas les fonds suffisants pour survivre. La ministre a déclaré vouloir offrir des services directs, ce qui relève de la compétence des provinces, plutôt que de transférer des fonds aux provinces et laisser l'argent aux organismes qui s'occupent de défense des droits.
Mon impression est la suivante: plutôt que d'accepter de remettre en question les politiques qui contribuent à maintenir les gens dans la pauvreté, la violence et ainsi de suite, on préfère imposer le silence à ces gens, de sorte qu'ils ne puissent plus parler de cette violence ou de cette pauvreté dans laquelle ils vivent.
Quand on parle de services directs, on parle de conditions minimales offertes aux femmes pour leur permettre de s'en sortir. On ne parle pas de services qui vont les aider à s'épanouir.
Que pensez-vous de cela?
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Mesdames et messieurs, membres du comité, nous accueillons trois témoins, dont une qui vient du Yukon. Je tiens à souligner ce fait; il lui a fallu trois jours pour venir ici.
Merci infiniment, Vous devez être bien dévouée pour avoir accepté de venir.
Malheureusement, je vais m'en tenir à la règle des cinq minutes pour chaque exposé liminaire.
Je précise également que nous avons déjà reçu le texte de vos mémoires, et par conséquent, si vous souhaitez nous faire part d'observations supplémentaires, elles devraient compléter celles que vous nous avez déjà faites. Ce serait mieux, vous aurez ainsi plus de temps pour discuter avec les membres du comité.
Chers membres du comité, nous allons nous en tenir à des tours de cinq minutes, de sorte que chaque parti ait deux tours. Ce sera équitable.
Nous avons des votes à 17 h 45, et par conséquent, nous n'avons pas de temps à perdre.
Madame Hrenchuk, voulez-vous commencer?
En fait, j'ai mis un seul jour à venir, et non trois. Mais, à cause des changements de fuseaux horaires, on aurait dit trois jours.
Premièrement, je voudrais vous remercier de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de présenter devant le comité les vues des femmes du Yukon. Il n'arrive pas souvent que les femmes du Yukon aient la possibilité de participer directement à des consultations nationales. Je suis là au nom de mon organisme, le Conseil de la condition féminine du Yukon, qui est un petit organisme à but non lucratif, et de nos organisations soeurs du Yukon.
La situation des femmes vivant au nord du 60e parallèle n'a rien à voir avec celle des femmes du sud, et ce, sur les plans à la fois économique, social et culturel. L'isolement, un climat rigoureux, le manque de ressources, le coût élevé de la vie, la fréquence élevée des problèmes sociaux, des possibilités d'emploi limitées, et l'héritage des pensionnats et de la colonisation sont autant d'éléments qui influent sur tous les aspects de la vie des femmes, qu'elles soient membres de premières nations ou non.
Notre population est composée à 23 p. 100 d'Autochtones, comparativement à 3,3 p. 100 pour le Canada. Dans les autres territoires, ce nombre est beaucoup plus élevé. L'héritage des sévices physiques, sexuels et affectifs infligés aux femmes autochtones, de même que l'aliénation culturelle et le manque de respect, ont de plus profondes conséquences dans le Nord. Il s'ensuit que les taux de violence conjugale, d'homicide et d'agression sexuelle sont plus élevés chez les femmes autochtones. En même temps, les femmes autochtones subissent l'iniquité de la Loi sur les Indiens. On ne peut certainement pas qualifier ça d'égalité.
Les femmes du Yukon sont 2,9 fois plus susceptibles de faire l'objet de sévices sexuels et sont également plus susceptibles d'être tuées par un conjoint. L'écart de revenu continue à se creuser, les mères seules étant le groupe le plus touché par ce phénomène. La pauvreté au Yukon augmente. De plus en plus de femmes et d'enfants ont recours aux soupes populaires et aux banques alimentaires d'urgence. Nous n'avons même pas de banques alimentaires permanentes. Et, dans notre environnement hostile, il y a de plus en plus de femmes et d'enfants qui sont des sans-abri. On ne peut certainement pas qualifier ça d'égalité.
Le Conseil de la condition féminine du Yukon permet aux femmes du Yukon de s'exprimer. Nous soulevons des questions critiques et nous établissons des coalitions en vue d'agir au nom des femmes. Nous avons la capacité d'expliquer les questions féminines et de représenter le point de vue des femmes à ce sujet. Nous fournissons des données et des renseignements, de même que des analyses de politiques à d'autres organismes et gouvernements. Le Conseil de la condition féminine du Yukon vient de terminer un projet de recherche participative panterritoriale sur l'itinérance chez les femmes du Nord, de concert avec des collègues des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut.
Jusqu'à présent, aucune recherche n'a été menée sur cette question. Des femmes qui sont des sans-abri, les personnes les plus marginalisées de notre société, m'ont dit que c'était la première fois quelqu'un avait cherché à connaître leur histoire et était prêt à croire ce qu'elles disaient au sujet de leurs expériences. Elles nous ont demandé de revendiquer des changements qui puissent influer sur les déterminants qui font qu'elles sont prisonnières d'un cycle de pauvreté et d'itinérance. Elles nous ont demandé de transmettre leurs messages et de les aider à faire évoluer la situation.
Pour cela, il nous faut des données. Il faut que nous puissions faire de la recherche. Il existe très peu de données sur le Nord. Le Nord est systématiquement exclu des études nationales. On nous dit que nous sommes si peu nombreux que nos chiffres ne sont pas statistiquement significatifs. Nous ne comptons pas. Ensuite on nous dit qu'il n'existe pas de données démontrant le besoin de refuges pour les femmes, de logements à loyer modéré, de programmes de formation, ou de modifications à certaines politiques gouvernementales qui permettraient de mettre plus d'argent dans les poches des femmes ou de donner certains droits aux locataires.
Donc, il nous faut pouvoir faire de la recherche localement à l'aide de recherchistes locales. Or Condition féminine Canada n'acceptera plus de financer les recherches indépendantes. En même temps, faire venir dans le Nord des recherchistes du Sud coûte cher et n'est pas efficace. Ces personnes ne connaissent pas les enjeux, les gens ou l'histoire. Ce que les femmes du Nord ont compris, c'est que le gouvernement ne veut plus financer les recherches parce qu'il ne s'intéresse aucunement aux injustices que nous subissons dans notre vie de tous les jours.
Le travail d'élaboration de politiques donne lieu à des changements positifs pour les femmes. Le Conseil de la condition féminine du Yukon a d'ailleurs travaillé avec des organismes féminins locaux et la Société du logement du Yukon pour élaborer une politique de logement prioritaire à l'intention des femmes qui fuient un conjoint violent. Ainsi les femmes et les enfants ont une autre option, à part celle de retourner vivre avec le conjoint violent. Cette initiative a un impact très positif sur la vie des femmes du Yukon.
Le travail que nous effectuons en vue d'accroître l'accès à l'aide sociale aura également un impact très positif sur les femmes qui doivent bien souvent choisir soit de payer leur loyer, soit d'acheter à manger pour leurs enfants.
Donc, l'incidence des compressions touchant le budget administratif de CFC sera catastrophique, en ce qui nous concerne. Nous entretenons des relations suivies avec le bureau de Vancouver depuis très longtemps. Le personnel de ce bureau comprend nos réalités et a toujours réussi à nous fournir l'aide requise en temps voulu.
La continuité et notre histoire seront perdues, et nous devrons concurrencer les Territoires du Nord-Ouest, les provinces des Prairies, et la Colombie-Britannique pour profiter du temps et de l'aide des agentes de programmes, qui seront devenues des ressources rares.
Le site Web n'est pas un outil bien utile pour les femmes qui habitent Beaver Creek, ou pour celles qui n'ont pas d'ordinateur, qui sont nombreuses dans le Nord.
La représentation régionale est importante; à preuve le système parlementaire. La centralisation isole et marginalise encore plus les femmes du Nord. Les femmes du Yukon ne sont pas nombreuses, et elles représentent une population fort diversifiée dont les difficultés et les besoins sont importants.
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J'aimerais tout d'abord vous remercier de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de présenter nos vues.
Je travaille à la Women's Health Clinic. Il s'agit d'un centre de santé communautaire à but non lucratif, situé à Winnipeg, qui s'appuie sur les principes du féminisme, de l'équité et de la diversité.
Depuis avril 2001, Condition féminine Canada verse à notre clinique des fonds pour un projet d'éducation et de modification des politiques visant à réduire les inégalités en matière de revenu en sensibilisant le public aux répercussions de ces inégalités et de l'exclusion sociale sur la santé des femmes. Ce projet a été couronné de succès, puisqu'il a permis d'opérer des changements qui n'auraient pas pu voir le jour si nous n'avions pas eu de ressources pour mener nos activités de recherche, de promotion et de défense des intérêts des femmes, et de lobbying, afin de faire modifier les politiques d'accroître la capacité des femmes à faible revenu.
Permettez-moi donc de parler directement de certains des changements qui sont proposés.
Premièrement, je voudrais vous parler de la nécessité de faire de la recherche. Un rapport de recherche a essentiellement été l'élément déclencheur de ce projet. La pauvreté est dangereuse pour la santé des femmes. La recherche a justement démontré que la pauvreté représente un danger pour la santé des femmes et a confirmé les raisons pour lesquelles la société doit envisager de modifier certaines politiques en vue de réduire la pauvreté, si nous souhaitons faire baisser les coûts des soins de santé. Les établissements d'enseignement et les médias ont utilisé les données de recherche pour informer le public de l'impact de la pauvreté sur les budgets dévolus aux soins de santé et pour demander au gouvernement de modifier certaines politiques.
Il est donc indispensable que nous continuions d'obtenir des fonds de Condition féminine Canada afin de poursuivre la recherche sur des questions touchant les femmes et de mettre en place des programmes de revendication et de sensibilisation du public fondés sur des données probantes. La recherche permet de tenir la société au courant des dossiers d'actualité et joue un rôle primordial dans l'élaboration des politiques gouvernementales.
Deuxièmement, il faut promouvoir l'égalité des femmes. Nous savons qu'il y a plus de femmes pauvres que d'hommes pauvres, et ce à tous les âges et à toutes les étapes de la vie. Le lien entre la pauvreté, l'exclusion sociale, un revenu modique et un mauvais état de santé, ainsi que la féminisation croissante de l'insuffisance des politiques gouvernementales du point de vue de leur capacité de répondre aux besoins des femmes. Il est donc essentiel que nous continuions d'obtenir des fonds de Condition féminine Canada afin de faire du lobbying et de promouvoir la modification des politiques.
Voici justement un exemple du résultat de nos efforts de revendication. Au Manitoba, comme la majorité des personnes rémunérées au salaire minimum sont des femmes, nous avons fondé la Coalition du salaire minimum. Depuis 2002, nous avons présenté des mémoires et des pétitions et organisé des manifestations afin de mousser le soutien à l'augmentation du salaire minimum. Grâce aux efforts de la Coalition, le salaire minimum a grimpé, en avril 2007, de 6,50 $ à 8 $ l'heure. Pour en arriver là, il a fallu déployer énormément d'efforts pour ce qui est de défendre nos intérêts et de revendiquer des changements à certaines politiques.
Parmi les autres résultats de nos efforts de revendication, citons la suppression des mesures de récupération de la prestation fiscale pour enfants, le versement d'une prestation de logement aux personnes handicapées, et l'inclusion d'une analyse sexo-spécifique dans le cadre de la préparation du budget provincial. De plus, le nombre de places dans les garderies a augmenté et le gouvernement provincial s'est engagé à examiner le niveau des subventions versées pour les frais de garde d'enfants. Mentionnons également les efforts qui sont déployés afin d'améliorer les conditions de logement des familles à faible revenu.
En dernier lieu, il faut renforcer la capacité des femmes. En règle générale, les femmes qui connaissent la pauvreté et l'inégalité ont rarement l'occasion de participer à l'orientation des programmes et politiques qui les touchent dans leur vie de tous les jours. Reconnaître leurs connaissances, leur expérience et leur vécu, et les mettre à contribution dans l'élaboration des recommandations visant à changer les politiques, voilà autant de moyens qui ont une incidence colossale, tant pour la qualité des changements qui s'opèrent que pour l'opinion ont les femmes d'elles-mêmes.
Avant de conclure, je voudrais parler de la réduction du budget administratif de Condition féminine Canada. La Women's Health Clinic tient à remercier de leur soutien les représentantes régionales de Condition féminine Canada en poste à Winnipeg et à Edmonton. Elles nous ont mis au courant d'études et de renseignements utiles et nous ont mis en relation avec des personnes engagées dans des projets qui visent des objectifs semblables, tant au Manitoba que dans le reste du Canada.
Leurs efforts nous ont été bien utiles et il convient de reconnaître que le succès que nous avons connu grâce aux crédits de Condition féminine Canada est dû en grande partie à leur contribution.
[Français]
Bonjour. J'aimerais d'abord vous remercier de m'avoir invitée ici aujourd'hui. Je m'appelle Joni Simpson et je représente le Conseil pan-canadien du développement économique communautaire des femmes.
Le développement économique communautaire centré sur les femmes est un moyen pour inclure les femmes dans les lieux décisionnels et le développement économique local afin de réduire la pauvreté et d'améliorer les conditions de vie des femmes, de leur famille et de leur communauté.
Nous sommes très inquiètes de la réduction du budget relatif aux programmes et à l'administration de Condition féminine Canada. Ces compressions budgétaires pourront avoir un impact direct sur la pérennité de nombreuses organisations avec lesquelles nous sommes affiliées. Nous avons même reçu du financement de Condition féminine Canada, ce qui nous a permis de travailler ensemble partout au Canada à améliorer les conditions de vie des femmes.
Si nos organisations centrées sur des femmes existent, c'est parce que l'égalité n'est pas encore atteinte entre les femmes et les hommes. Ceci est prouvé par des études et des statistiques amassées par différentes organisations comme l'OCDE et les Nations Unies. Si le gouvernement nie ce fait, les conditions des femmes et les conditions de pauvreté dans notre société se détérioreront encore davantage et le travail ardu fait par des milliers de femmes et d'hommes depuis des années sera perdu, ainsi que les investissements passés de Condition féminine Canada.
Pourquoi les femmes gagnent-elles seulement 71 cents pour chaque dollar gagné par les hommes? Pourtant, elles sont de plus en plus scolarisées, elles ont la capacité et elles sont compétentes. Toutefois, elles n'atteignent que rarement les lieux décisionnels et encore moins si elles appartiennent à un groupe d'une minorité visible. La pauvreté porte un visage féminin dans le monde et ici, au Canada. Regardons la pauvreté croissante, que ce soit chez les femmes âgées, les femmes autochtones, les mères chefs de famille monoparentale ou les femmes immigrantes et de minorités visibles.
En diminuant les budgets relatifs aux programmes pour les femmes, le gouvernement envoie le message que ces dernières ne constituent pas une priorité. Pourquoi est-il important d'investir dans des programmes pour les femmes? Parce que nous savons que lorsque les femmes améliorent leurs conditions, les conditions des familles et des enfants s'améliorent. Investir dans les femmes est un investissement durable et qui en vaut le coût, car les bénéfices sont grands pour toute la société.
[Traduction]
Condition féminine Canada est le seul organisme fédéral dont le travail est axé sur les questions économiques, sociales et culturelles cruciales qui empêchent les femmes de participer pleinement à la société canadienne. Il suffit d'examiner la vie quotidienne des femmes pour se rendre compte des inégalités persistantes entre leurs expériences et celles des hommes du point de vue de l'accès aux logements abordables, de l'emploi et de leur sécurité dans la vieillesse. Éliminer ces inégalités est primordial pour Condition féminine Canada et les organisations féminines qu'elle appuie.
Le rôle de recherche du Programme de promotion de la femme est un complément au Programme de subventions et la recherche constitue une mesure de soutien essentielle permettant de garantir le recours à des pratiques de développement durable. Par le passé, la recherche financée par le Programme de promotion de la femme a permis de traduire l'expérience communautaire individuelle en politiques valables favorisant l'égalité entre les femmes et les hommes à long terme. La réduction du financement de cette activité de Condition féminine Canada mine sa capacité à assumer son mandat d'aider le gouvernement du Canada à s'acquitter de ses responsabilités envers les femmes comme citoyennes à part entière, et à répondre convenablement à leurs besoins.
Le site Web de Condition féminine Canada comprend une grande collection d'études qui nous aident à comprendre pourquoi les femmes n'ont pas réalisé l'égalité au sein de notre société. Comment donc peut-on dire aux Canadiens que l'égalité est déjà une réalité et que les programmes féminins ne constituent plus une priorité?
La pleine participation des femmes et des hommes à la vie de leur société est positive pour l'ensemble des Canadiens. Les activités de Condition féminine Canada ont une incidence pratique sur la vie des femmes aux niveaux national, provincial et local depuis 30 ans. La communauté connaît des avantages socioéconomiques qui l'emportent de loin sur l'investissement financier du gouvernement fédéral de par la participation accrue des femmes à tous les aspects de la vie de notre société. Mais, même s'il y eu des gains positifs, les hommes et les femmes n'ont toujours pas atteint la véritable égalité au Canada.
J'aurai d'autres observations à faire par la suite.
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Merci beaucoup, monsieur Bagnell.
À cause des nouvelles lignes directrices en matière de financement, nous ne pouvons plus accéder aux crédits afin de promouvoir des changements structurels, parler pour celles qui n'ont pas voix au chapitre — comme toutes les femmes sans-abri que j'ai interrogées personnellement —, soulever des questions importantes et rassembler des coalitions, afin d'informer les élus des grands enjeux et des conséquences des règlements et des politiques pour la vie des femmes. Ces changements font que les organisations féminines du Yukon devront désormais se concurrencer pour obtenir du financement, ce qui leur laissera moins de temps pour effectuer le travail fort précieux qu'elles accomplissent, étant donné qu'elles devront chercher d'autres sources de financement.
Ce que comprennent les femmes du Yukon dans tout cela, c'est que le gouvernement fédéral ne veut pas financer les activités de défense et de promotion parce qu'il ne veut pas entendre parler des inégalités qui caractérisent la vie des femmes. Les sources de financement sont extrêmement rares au Yukon. Les organisations féminines du Yukon ne sont pas sur un pied d'égalité avec celles du Sud. Il existe peu d'entreprises qui puissent constituer une source de financement de remplacement. Sans numéro d'oeuvre de bienfaisance, nous sommes dans l'impossibilité d'obtenir des crédits de fondations et d'oeuvres de bienfaisance, et les sociétés exigent un reçu aux fins de l'impôt.
Or nous n'avons pas accès à d'autres sources de financement. Les femmes sans-abri nous font confiance pour leur venir en aide en cherchant à opérer des changements structurels. En l'absence des fonds affectés par Condition féminine Canada, on dirait que cette confiance devra être trahie.
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La première recommandation consiste à rétablir le terme « égalité » dans le mandat de Condition féminine Canada.
La deuxième consiste à établir un bureau de CFC dans le Nord, dans l'un des trois territoires. Ce serait une utilisation plus efficace de l'argent des contribuables. Ce ne serait pas rentable d'essayer de desservir la population d'une immense zone géographique à partir d'un bureau du Sud dont le personnel sera utilisé au maximum.
La troisième consiste à rétablir le financement du Programme de recherche indépendante.
La quatrième consiste à rétablir le financement des activités de revendication en vertu du Programme de promotion de la femme.
La cinquième recommandation consiste à permettre aux organismes de défense à but non lucratif d'obtenir le statut d'organisme de bienfaisance.
La sixième consiste à limiter le financement disponible en vertu du Programme de promotion de la femme aux groupes à but non lucratif seulement. Je trouve tout à fait ahurissant qu'un petit organisme comme le mien ou celui de Brenda Murphy soit obligé de concurrencer des organismes à but lucratif qui ont leurs propres ressources économiques, alors que nous n'avons à peu près que des bénévoles.
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Eh bien, pour toutes les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure dans mon exposé liminaire — c'est-à-dire que notre réalité est très différente. Nous habitons une immense région géographique composée d'un grand nombre de petites collectivités. Chacun des trois territoires dessert des groupes linguistiques différents dont les réalités culturelles sont également différentes. Nous avons déjà trouvé difficile d'être servies par le bureau de Vancouver, mais prévoir que la population de toute la moitié supérieure du Canada soit desservie par deux bureaux nous semble complètement ahurissant. Je ne sais vraiment pas comment nous réussirons à obtenir des services. Je ne sais même pas comment ils réussiront à examiner nos propositions de projets.
En ce qui concerne mes collègues des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, leur situation est encore plus grave que celle du Yukon. Le Yukon s'en tire relativement bien, comparativement au Nunavut. Là-bas, les femmes ne connaissent pas l'égalité. Elles ne la connaîtront pas avant encore longtemps, et en conséquence, elles ont besoin d'un maximum de ressources, à la fois matérielles et financières.
La situation du logement dans les trois territoires est tout à fait catastrophique. Les gens du Sud ne comprennent pas notre histoire et notre héritage, surtout celui des pensionnats et de la colonisation, et surtout ses répercussions sur l'ensemble des habitants du Nord. Quand les gens ne sont pas au courant de l'histoire d'une population, ils comprennent moins bien nos difficultés, et surtout les problèmes sociaux que connaissent les femmes. Les femmes autochtones se trouvent tout à fait en bas de l'échelle. Il faut donc redoubler d'effort pour les aider. S'il y avait un bureau dans le Nord dont le personnel comprenait notre réalité et était à même d'aider différentes organisations féminines dans le Nord de façon plus personnelle — car c'est cela qu'il faut, surtout pour des personnes ayant un faible niveau d'alphabétisation — ce serait vraiment très utile.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie, madame, d'être ici.
On sait qu'en plus de réduire le budget du Programme de promotion de la femme, de réduire les budgets liés à la condition féminine et de changer les règles du jeu, on a éliminé le Programme de contestation judiciaire. Le gouvernement a aussi réduit les budgets de l'Initiative canadienne sur le bénévolat et du programme Placement carrière-été.
Nous, du Bloc québécois, disons que la plupart de ces initiatives sont de compétence provinciale, mais on sait que les intrusions du gouvernement dans les champs de compétence des provinces ont entraîné des habitudes et que les organismes communautaires sont maintenant tributaires de ces habitudes et ont besoin de la participation d'Ottawa pour joindre les deux bouts.
Ces compressions budgétaires vous affectent-elles beaucoup, et de quelle façon? Diriez-vous que les femmes en sont les premières victimes?
Madame Hrenchuk, parlons spécifiquement du Yukon et de l'abolition du Programme de contestation judiciaire. Beaucoup de femmes autochtones qui ont bénéficié de ce programme ne pourront maintenant plus en bénéficier. Quelle est leur réaction à cet égard? Croyez-vous que le gouvernement s'est trompé en effectuant ces coupures? Si vous le croyez, croyez-vous que les femmes soient assez nombreuses pour l'amener à modifier sa position, et comment croyez-vous que nous puissions le faire si nous sommes assez nombreuses pour le faire?
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Nous entretenons des relations suivies avec le bureau de la Colombie-Britannique et du Yukon depuis longtemps, c'est-à-dire depuis 1973. Le bureau d'Edmonton aura beaucoup de mal à se substituer à celui de la Colombie-Britannique, étant donné cette histoire et cette continuité. Le personnel de ce bureau visite le Yukon au moins une ou deux fois chaque année pour rencontrer les représentantes de chaque organisation féminine, ce qui a contribué à maintenir ces contacts. Au fil des ans, cela nous a permis de nouer le genre de relations qui peut être bien utile. Par exemple, nous obtenons beaucoup de consultations téléphoniques qui sont bien utiles, et ce en temps opportun. Cela peut vous sembler un peu ridicule, mais ce bureau se trouve dans le même fuseau horaire que nous, et c'est une différence qui nous semble importante.
Comme je l'ai indiqué dans mes recommandations, ce serait formidable d'avoir un bureau dans le Nord. Cela nous permettrait de vraiment bien combler les besoins des organismes féminins du Nord. Mais, comme je vous l'ai déjà dit, nous entretenons depuis très longtemps des relations suivies avec le bureau de la Colombie-Britannique et du Yukon.
Notre situation tient tellement à coeur à ce bureau qu'une fois, lorsqu'un groupe de femmes autochtones qui s'efforçait de faire inclure les femmes autochtones dans le processus de l'autonomie politique allait manquer de financement pour continuer à dispenser son programme, l'agente de programmes lui a versé les crédits qu'elle aurait normalement utilisés pour venir au Yukon dans le cadre d'une des visites bisannuelles qu'elle avait l'habitude d'effectuer.
Donc, le responsable de programmes dans ce bureau s'intéresse beaucoup à la situation des femmes et des organisations féminines du Yukon, et c'est une relation que nous entretenons depuis fort longtemps.
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C'est très difficile à dire. Étant donné notre climat rigoureux, la plupart des femmes qui sont des sans-abri ne le sont pas toujours en ce sens qu'elles sont obligées de dormir dans la rue — bien que certaines le fassent, même quand il fait moins 40 dehors. Disons que le problème de l'itinérance chez les femmes du Nord est relative, en ce sens que les femmes ont tendance à retourner vivre avec leur mari, conjoint ou partenaire violent. Elles ont recours à ce qu'on appelle poliment « le sexe de survie » pour s'en sortir. Elles sont prêtes à faire n'importe quoi pour trouver un endroit où dormir lorsqu'il fait moins 40. Donc, elles vivent avec des gens violents.
Au Nunavut, trois ou quatre familles peuvent partager une maison à deux chambres à coucher. Comme vous pouvez vous l'imaginer, si vous mettez autant de personnes dans un espace aussi exigu, la fréquence des agressions et des actes violents de tous types augmente.
Donc, il est difficile de vous donner un chiffre, et de toute façon, il y a des variations selon le territoire. Dans le cas de l'étude, nous avons interrogé les fournisseurs de services et, d'après certains d'entre eux, il y en a 100, alors que d'autres nous ont dit qu'il y en avait 500 au Yukon, un chiffre qui est tout de même élevé par rapport à une population de presque 30 000 personnes. J'ai interrogé 65 femmes, ce qui est très élevé, statistiquement parlant. Dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut — surtout au Nunavut — les chiffres augmentent.
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Merci à vous toutes de votre présence aujourd'hui.
J'ai deux questions à poser qui ne sont pas liées l'une à l'autre. Je vais vous les poser et vous laisser décider de la façon dont vous voulez répondre.
La première question est celle-ci: j'ai été frappée, dans chacun de vos exposés, par le fait que vous avez insisté sur l'importance de la recherche comme condition préalable à l'élaboration des politiques. Les recherches constituent le moteur du travail de revendication, travail qui donne lieu aux modifications apportées aux politiques. Je me demande si, parmi vous trois, il y en a qui souhaitent apporter d'autres éclaircissements à ce sujet.
Mon autre question, qui porte sur un tout autre sujet, est celle-ci: madame Watson, on vous a demandé ce que vous faites pour mobiliser les groupes féminins. Vous nous avez dit que vous présentez des mémoires, etc., et vous êtes trois à vous présenter devant nous aujourd'hui. Une de mes collègues a parlé avec éloquence du fait que les vieilles méthodes de promotion et de défense ne marchent plus. Le gouvernement actuel ne réagit pas aux activités traditionnelles de revendication et de lobbying. Ce que je cherche à savoir, je suppose, c'est dans quelle mesure chacune d'entre vous avez élaboré des stratégies de rechange, pour qu'on fasse ce travail de revendication en votre nom et au nom des femmes en général, ou si vous êtes en train d'élaborer de nouvelles stratégies afin que l'on réponde aux besoins de vos organismes et de vos collectivités.
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Quand vous avez dit que les recherches constituent le moteur du travail de revendication, dont découlent les changements apportés aux politiques, je me disais qu'il faut ajouter à cela que les recherches portent sur les femmes qui font ce travail. Nous savons pertinemment qu'il faut à la fois les recherches et les politiques, mais il faut également pouvoir discuter de ces politiques avec les femmes qui sont directement concernées. Voilà l'autre élément important. À mon avis, c'est le troisième élément qu'il convient d'ajouter. Pour y parvenir, il faut parler aux bonnes personnes. Je dirais que, selon ce que j'ai connu moi-même, les expériences les plus positives du lobbying auxquelles j'ai participé jusqu'à présent sont celles où j'ai pu parler directement à quelqu'un et avoir l'impression d'être traitée comme l'égale de mon interlocuteur.
À ce sujet, je voudrais parler brièvement des bureaux régionaux. Je suis à Montréal, et je me considère privilégiée d'être à Montréal. Il est tellement essentiel de pouvoir parler au personnel de ces bureaux. Nous parlons tout le temps. Vu la nature de notre travail, il y a toujours un élément politique. Voilà autre chose que nous avons appris grâce à notre travail sur le terrain. Nous avons beau assurer des services et travailler avec les femmes pour leur trouver solution après solution, mais si nous ne faisons pas de lobbying, si nous ne proposons pas des politiques, et si nous n'avons pas la possibilité de conscientiser les décideurs, de parler avec eux et de les convaincre d'opérer des changements, eh bien, rien ne changera et il n'y aura pas d'égalité.
Il est donc indispensable de pouvoir parler avec des gens. C'est dans ce contexte que le rôle des bureaux régionaux est important. Il faut pouvoir discuter avec quelqu'un des aspects problématiques.
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J'aimerais ajouter quelque chose. Il me semble que les ressources sont toujours limitées. En l'absence de bonnes informations, les décisions ne sont pas prises en fonction de données probantes, et nous sommes tous censés faire cela. Dans les domaines que je connais — c'est-à-dire la prestation des soins, les programmes et les services de santé, de même que dans le contexte de la modification d'une politique — les décisions sont prises en fonction de données probantes. Si vous n'avez pas cela pour justifier votre action, les autres ne vous écouteront pas.
J'ai eu beaucoup de chance de pouvoir m'appuyer sur un rapport de recherche très solide pour l'exécution d'un projet que je coordonne. Grâce à cette base d'information solide, les régies régionales de la santé au Manitoba incluent à présent une analyse sexo-spécifique dans leur évaluation des besoins. Elles tiennent compte de la problématique homme-femme en cherchant à déterminer comment les programmes et services devraient être fournis. Si cette information ne leur avait pas été donnée, elles n'auraient pas accepté cette façon de faire. Grâce à cette information, elles sont prêtes à l'accepter, si vous leur fournissez des renseignements fiables. Donc, ça c'est le premier élément important.
Deuxièmement, dans le cadre de ce travail de revendication, il faut justement avoir recours aux femmes qui sont privées de leurs droits afin de valider l'information et de les mobiliser pour qu'elles travaillent avec vous afin de revendiquer les changements qui s'imposent. Elles savent ce qu'il faut faire et quels sont les besoins.
Dans le même ordre d'idées, quand nous regardons les modalités du Programme de promotion de la femme, nous constatons que dans le texte même du document, il est question de « la pleine participation des femmes à la vie économique, sociale et culturelle du Canada ». Cela indique clairement que notre motivation est le désir d'éliminer les barrières à l'accès. Et c'est ce que nous ont dit les multiples témoins que nous avons reçus — à savoir que dans les actions qui sont intentées et l'objectif des activités de revendication, de recherche et de renforcement des capacités… disons que tout cela doit permettre d'éliminer ces barrières afin que les femmes qui se trouvent marginalisées, de par leur situation, où qu'elles soient au Canada, ont accès à ce qu'il leur faut pour atteindre ces objectifs.
Ne seriez-vous pas d'accord pour dire qu'un programme ou projet visant à fournir le genre d'aide qui permettra aux groupes communautaires de financer des projets, projets qui permettront de répondre directement à ces besoins essentiels…? Ne pensez-vous pas que c'est justement le genre de projet qui va garantir cet accès et, ce faisant, éliminer les barrières?
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Je pense qu'il faut se rappeler que l'égalité n'est pas simplement l'égalité individuelle — vous, vous êtes mon égale et moi je suis votre égale — c'est également l'égalité systémique.
Je vous fais remarquer qu'il y a actuellement à la Chambre moins de femmes députées qu'il n'y en avait par le passé. C'est donc un problème systémique; ce n'est pas le problème individuel des femmes.
Pour ce qui est de savoir ce qu'on peut faire pour faire évoluer les choses, j'estime que le fait d'être devant vous pour vous parler de la réalité de la vie des femmes du Nord est vraiment ce que je peux faire de mieux sur ce plan-là.
Si vous pouvez transmettre cette information à la Chambre au sujet des femmes individuelles qui dorment dans la rue, en plein froid, dans les rues de Whitehorse, qui n'ont pas accès aux programmes et qui nous ont demandé d'être leurs porte-parole, parce qu'elles ont déjà assez à faire pour trouver un logement ou nourrir leurs enfants… Il faut que nous puissions être leurs porte-parole.