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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 018 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 octobre 2006

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Traduction]

    Il s'agit de la 18e réunion du Comité permanent de la condition féminine. Je souhaite la bienvenue aux membres du comité ainsi qu'à nos témoins ce matin.
    Je demande aux membres du comité de s'assurer qu'ils ont bien sur leur bureau les documents suivants: la réponse du gouvernement au Septième rapport qui a été envoyée par courriel à vos bureaux la semaine dernière; les notes d'information de la Bibliothèque du Parlement concernant la réponse au Septième rapport; un mémoire présenté par l'Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible du Canada, dont les représentants prendront la parole dans un instant; et vous devriez également avoir le calendrier mis à jour des réunions du comité dans lequel les témoins qui ont confirmé leur présence sont indiqués en gras. Le ministre Prentice viendra prendre la parole à midi.
    Je vais maintenant présenter nos témoins de ce matin. De l'Armée du Salut, nous avons Mme Danielle Strickland.
    Soyez la bienvenue, Danielle. Nous sommes très heureux que vous ayez pu vous joindre à nous aujourd'hui, surtout après un si court préavis, ce qui vaut pour tout le monde. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants.
    De l'Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible du Canada, nous accueillons Mme Mirjana Pobric et M. Shandip Saha, chercheurs. Merci beaucoup d'être ici ce matin.
    N'importe lequel d'entre vous peut commencer.
    Madame Strickland, voulez-vous commencer votre exposé?
    Mesdames et messieurs, le présent comité occupe une position stratégique pour offrir une réponse canadienne au mal que constitue le trafic sexuel. Je crois que vous pouvez renforcer la lutte pour les droits de la personne sur la planète et garantir la beauté, la liberté et la valeur pour tous ceux et celles qui vivent de sa sphère d'influence. Et je veux vous assurer que nous prions pour vous.
    Tous les dirigeants internationaux de l'Armée du Salut se sont réunis en 2004 et ils ont convenu que l'abolition de la traite des personnes à des fins d'exploitation sexuelle était une priorité internationale de l'Armée du Salut et du monde. Dans le cadre de cet engagement international, nous avons tourné notre regard vers le sol canadien et sur la façon dont nous pouvons lutter contre cette chose abominable dans notre propre pays. Et c'est ici que nos chemins se croisent.
    Nous avons entrepris de lutter contre le trafic sexuel sur le terrain. Plusieurs obstacles et problèmes persistants sont apparus dont j'aimerais discuter avec vous, et je voudrais peut-être suggérer certaines réponses potentielles au présent comité.
    Sur une note spéciale, j'ai remarqué que toutes les personnes que j'ai rencontrées et qui semblent travailler au niveau de la base et dans une politique pour mettre fin au trafic sexuel -- à la GRC, dans les services aux victimes, dans les ONG de la base sur le terrain -- souffrent d'une crise de paralysie lorsqu'il est question de ce problème. Il semble si complexe, caché et secret -- vraiment, le mal tout simplement -- et cette grande paralysie a tendance à s'installer. Je voulais vous assurer que le temps de la paralysie est terminé. Nous n'avons plus cette possibilité maintenant. Il s'agit d'un problème répandu dans le monde et c'est un mal que le Canada, je pense, est en mesure de stopper. Alors, je veux vous dire que je crois que nous pouvons faire des progrès dans ce domaine, que nous pouvons nous y attaquer, et qu'en fait, nous pouvons faire des gains. Je ne crois pas que c'est une lutte sans espoir.
    Alors, je veux vous dire que la lutte en soi vaut la peine d'être menée et je veux également me présenter devant vous avec une solide conviction. Je travaille souvent dans des endroits désespérés et j'ai cette solide conviction, que partage l'Armée du Salut, que la lumière est plus puissante que les ténèbres et que Dieu est de notre côté. Alors, courage; nous avons mobilisé le ciel. Je suis allée directement au plus haut échelon dans ce cas particulier et j'ai demandé à Dieu de nous prêter sa force. Vous n'êtes pas seuls dans cette aventure.
    Pour les détails précis, il y aura un mémoire formel, mais mes observations seront un peu plus informelles. Cela ressemble beaucoup à ce que je fais.
    Sans vouloir trop simplifier, je pense qu'il s'agit d'un monstre à deux têtes. Je pense que nous pouvons attaquer chacune de ces deux têtes séparément au moyen d'une combinaison gauche-droite.
    Alors, la première tête du monstre du trafic sexuel au Canada, ce sont les victimes réelles, les survivants de la traite des personnes et les mesures d'aide destinées à ces survivants, à l'échelle internationale et nationale. À l'heure actuelle, des victimes de la traite sont exploitées sexuellement tous les jours dans notre pays. C'est un fait reconnu; cela se fait en ce moment même.
    En raison de leur valeur intrinsèque, nous devons fournir un endroit où les survivants du trafic sexuel ont accès à leurs droits fondamentaux en tant qu'êtres humains. Le protocole de Palerme des Nations Unies, dont le Canada est signataire, a déjà expliqué clairement à quoi cela ressemble. L'article 6 recommande : « de mettre en oeuvre des mesures en vue d'assurer le rétablissement physique, psychologique et social des victimes de la traite des personnes », comprenant un logement convenable, des conseils et des informations concernant notamment les droits que la loi leur reconnaît, dans une langue qu'elles peuvent comprendre; une assistance médicale, psychologique et matérielle; et des possibilités d'emploi, d'éducation et de formation.
    Au Canada, nous ne respectons pas ce protocole. Mais il y a plusieurs façons que nous pouvons honorer le protocole et assurer ces droits de la personne fondamentaux avec expertise et rapidité. Ce n'est pas difficile.
    Le premier coup de poing à asséner à cette tête consiste à créer immédiatement un fonds fédéral pour financer des structures sûres pour venir en aide aux survivants du trafic sexuel. On ne peut tarder un seul instant. De nombreuses victimes du trafic n'ont pas la sécurité dont elles ont besoin au Canada, et cette situation a des effets multiples. Je ne vais pas tous les décrire, mais un des effets, c'est la revictimisation de la personne ayant fait l'objet de la traite de personnes. Un autre effet, c'est de donner du pouvoir aux trafiquants, parce qu'ils offrent ce que nous n'offrons pas. Alors, les trafiquants ont effectivement du pouvoir, et nous le leur donnons en ne fournissant pas des choses raisonnables.
    Sur le terrain à Vancouver, là où je travaille, par le biais de partenariats et d'initiatives provenant de la base, y compris -- et écoutez bien cela, car c'est excitant -- des communautés confessionnelles et des mouvements féministes, nous travaillons ensemble sur cette question. Cela démontre à quel point c'est important -- que nous soyons réunis ensemble autour de cette cause commune pour offrir de l'aide aux survivants de la traite de personnes au Canada.
    Il nous manque à l'heure actuelle les fonds pour assurer même la réponse la plus élémentaire. Nous avons la volonté, nous avons l'expertise, mais nous n'avons pas l'argent pour le faire. Ces victimes méritent mieux que cela.
(1115)
    À cause de la nature même du trafic sexuel et des effets catastrophiques qu'il a sur ses victimes, il est crucial de répondre par des soins spécialisés et culturellement adaptés. À l'heure actuelle, si une victime de la traite de personnes qui a été exploitée sexuellement se manifeste, ce qui est arrivé très souvent, la seule possibilité qui existe dans son cas, c'est de lui trouver un abri dans les centres existantes.
    Le problème dans ce cas, en particulier dans ma ville, Vancouver -- et je ne peux parler pour le reste Canada au niveau de la base --, c'est qu'il n'y a pas de place. Il n'y a tout simplement pas de place dans les abris. Il y a un manque de financement, de sorte que je ne peux même pas retenir un lit dans un abri parce que cela va à l'encontre de la vocation, et du financement, de cet abri. Alors, la victime ne peut aller nulle part. J'ai hébergé des victimes dans des maisons privées, littéralement, parce qu'il n'y a pas de place où peuvent aller les victimes. Les abris qui ont de la place ne conviennent pas aux victimes du trafic sexuel. Ils ne conviennent tout simplement pas.
    Alors, ce genre de choses fait qu'il est encore plus difficile de se rendre dans les endroits cachés du trafic. Ce qui arrive, c'est que ces victimes du trafic sexuel, en particulier, sont tellement traumatisées et ont été soumises à la peur et à la violence pendant si longtemps qu'elles ne font plus confiance à personne, et par nature, elles redoutent toute forme d'autorité, ou toute forme de structure, ou même toute forme d'aide gouvernementale. Si nous offrons des soins et des mesures d'aide appropriés à ces victimes, je crois que nous allons en libérer suffisamment pour qu'elles commencent à nous révéler certains des secrets du trafic, ce qui nous aiderait, plus qu'on peut l'imaginer, dans cette lutte contre le trafic sexuel.
    Alors, les mesures d'aide seraient le coup de poing de la gauche, si vous voulez.
    Le coup de poing de la droite asséné à ce monstre, et sur cette tête, c'est l'adoption d'une nouvelle loi fédérale conçue expressément pour donner aux victimes du trafic sexuel le droit d'obtenir un visa dans notre pays. En mars de cette année, CIC a annoncé que les personnes victimes de la traite de personnes étaient admissibles à un permis de séjour temporaire. Bien que nous soyons heureux que le ministère ait fait un effort, nous avons constaté, sur le terrain, que le PST n'était pas approprié.
    Premièrement, bien qu'il permette de régulariser la situation de la personne au pays, il ne lui donne accès a rien de plus qu'à l'aide fédérale provisoire. Alors, on donne à ces victimes un statut juridique, mais aucun moyen de survivre. Elles n'ont pas le droit de travailler, à moins qu'on leur accorde un permis de séjour prolongé de six mois, ce qui n'arrive jamais. Deuxièmement, la durée minimale de 120 jours que comporte le visa est trop courte pour permettre à une survivante de se rétablir et de planifier les prochaines étapes de sa vie.
    Troisièmement, en raison même de la classification de ce permis, les femmes sont encore considérées comme des criminelles. Ce permis est conçu pour ceux et celles qui ont violé la LIPR et il sert à les criminaliser comme des délinquantes plutôt que des victimes. Les victimes de la traite de personnes sont des victimes, et non des criminels, et nous devons reconnaître ce fait légalement. Pour cela, nous avons besoin d'une nouvelle loi qui crée un visa spécialisé pour les personnes victimes de la traite de personnes.
    De plus, sur le terrain -- ce n'est qu'un aparté --, il est à peu près impossible de trouver quelqu'un qui connaît les lignes directrices régissant les PST ou qui sait quoi faire pour obtenir un tel permis. Littéralement, on ne peut répondre à des questions élémentaires comme celles-ci : comment faire la demande, qu'est-ce qui est couvert et qui dois-je contacter. Et tout ceux que j'ai rencontrés ayant cette expertise, ce qui se résume jusqu'ici à une seule personne pour toute la ville de Vancouver, recommandent de ne pas utiliser le PST à cause de son manque inhérent de mesures d'aide. Je pense qu'il est clair que nous pouvons faire mieux, et que nous devons le faire.
    L'Armée du Salut s'est engagée à travailler en partenariat avec vous pour assurer la sécurité et venir en aide aux personnes qui ont survécu à la traite de personnes. C'est une des têtes du monstre, cette approche axée sur les victimes, les survivants et les mesures d'aide aux survivants. C'est une combinaison gauche-droite, n'est-ce pas? Le coup de la gauche, ce sont les mesures d'aide pour combler leurs besoins fondamentaux, comme l'indique le protocole, par l'attribution d'un financement fédéral; et le coup de la droite, c'est un statut juridique et une nouvelle loi fédérale.
    L'autre tête de ce monstre, c'est la demande. Ce que je veux dire par demande, ce sont les hommes qui achètent du sexe et profitent de l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants. Il y a deux combinaisons gauche-droite essentielles que l'on peut administrer à cette deuxième tête.
    Le premier coup, c'est reconnaître que la prostitution est une forme d'esclavage sexuel qui permet au trafic sexuel d'être florissant et de croître. C'est un élément essentiel.
    Le dernier rapport spécial de l'ONU de la Rapporteuse spéciale sur les droits fondamentaux des victimes de la traite des êtres humains, Mme Sygma Huda, indique très clairement que la légalisation de la prostitution est intimement liée a l'augmentation vraisemblable de la traite de personnes. Je cite :
...nous devrions prendre en considération les liens entre la traite de personnes et la prostitution et reconnaître que la prostitution est en soi une forme de traite de personnes, comme le définit le protocole de Palerme, puisqu'il s'agit d'une forme d'exploitation sexuelle. Même si aucune force extérieure visible n'est utilisée, le consentement de la victime prévue à l'alinéa 3 b du protocole est non pertinent. On ne peut pas dire que la prostitution est une activité volontaire dénuée de facteurs contraignants ou moteurs, comme la question de la survie ou le fait que la femme n'a pas d'autre choix, dont profitent les recruteurs, trafiquants et proxénètes.
(1120)
    J'ai vécu et travaillé dans les rues de la partie est du centre-ville de Vancouver pendant plusieurs années. Avec d'autres organismes, nous venions en aide aux femmes, aux enfants et aux jeunes qui ont été victimes d'agressions sexuelles et qui se sont retrouvés un jour à vendre leur corps dans la rue. Je peux vous le dire, une histoire après l'autre, une femme après l'autre, il y a toujours des situations désespérées et horribles dans leur vie. Pour qu'elles continuent de faire ce qu'elles font, on les a forcées, dupées, persuadées, battues et menacées. Elles vivent tous les jours une réalité dégradante et horrible. Cessons d'utiliser des termes qui normalisent la prostitution et qui donnent de la prostitution l'image qu'il s'agit tout simplement d'une forme de travail. Est-ce que vous voulez que le travail du sexe soit quelque chose à laquelle les jeunes femmes aspirent? Est-ce que vous voulez que vos propres filles envisagent le travail du sexe comme une carrière de choix?
    S'il vous plaît, le comité ne doit pas faire l'erreur de séparer la prostitution de la question de l'égalité des femmes. La condition des femmes qui se retrouvent esclaves sexuelles dans nos rues ne s'améliorera pas si on les rentre à l'intérieur pour qu'elles fassent leur travail ou si on construit des cubicules à l'extérieur pour la même raison. Elles méritent mieux qu'un changement de terminologie et une solution superficielle rapide. Nous devons les rétablir dans leur dignité originale en décrivant la prostitution pour ce qu'elle est: un crime sexuel contre les femmes. Elles ont une valeur. Je leur dis cela tous les jours, mais je me demande si mon pays sera d'accord.
    Le rapport de l'ONU situe cette position dans le contexte des droits de la personne. Je cite :
Certains milieux ont cru comprendre, à tort, qu'une approche de la traite sous l'angle des droits de l'homme était quelque peu incompatible avec le recours à la loi pénale pour punir les consommateurs de services sexuels. Pour parvenir à cette conclusion, il faut nécessairement prendre pour hypothèse que les hommes ont le droit fondamental d'avoir recours aux services de personnes prostituées. Or, cette hypothèse doit être écartée : le recours à des personnes prostituées n'est pas un droit fondamental des hommes. Dans certains systèmes juridiques, les hommes se sont vu reconnaître le droit d'avoir recours aux services de personnes prostituées mais, comme indiqué plus haut, ce droit peut faire directement obstacle aux droits fondamentaux des personnes prostituées, dont la plupart ont fait l'objet des moyens illégaux énoncés à l'alinéa a du Protocole et, partant, sont des victimes de la traite.
    Pour combattre la demande, il est impératif de faire en sorte qu'il soit culturellement inacceptable d'acheter des femmes pour le sexe. Il faut arrêter les hommes qui achètent des femmes pour le sexe et il faut multiplier les programmes particulier à l'intention des délinquants sexuels masculins.
    Un tel programme existe déjà à l'Armée du Salut et ce, depuis 10 ans. Les programmes destinés aux délinquants de la prostitution sont communément appelés « john schools » dans les provinces anglophones du Canada. Nous les considérons comme un succès pour éduquer et, par conséquent, réduire la demande pour du sexe acheté de la part de ceux qui participent à ces programmes. C'est ici encore une fois que la prostitution et le trafic du sexe se rencontrent, étant donné que nous constatons que ceux qui achètent du sexe achètent des femmes qui viennent d'un endroit, soit au pays soit à l'étranger, où il y a eu traite de personnes. Il faut continuer de marteler le message qu'acheter du sexe contre de l'argent, des aliments ou un abri constitue de l'exploitation et que, par conséquent, cela est inacceptable à quelque niveau que ce soit.
    Les hommes qui ont une relation sexuelle avec des enfants dans le cadre de la prostitution commettent une agression sexuelle contre les enfants et doivent être poursuivi avec toute la rigueur de la loi. Si nous sommes sérieux à l'égard des droits des femmes et des enfants qui sont exploités sexuellement dans notre pays, nous devons faire passer l'âge du consentement de 14 à 16 ans, au strict minimum -- si nous sommes sérieux au sujet des droits de la personne au Canada.
    C'est là le premier coup de poing. C'en est un puissant; ce pourrait être la droite.
    Le deuxième coup de poing à asséner à ce monstre consiste à criminaliser les utilisateurs de prostituées et à décriminaliser les victimes de l'agression sexuelle. Ne vous y trompez pas, cette mesure est liée à l'égalité des femmes. L'ONU recommande que les utilisateurs de prostituées soient considérés comme des criminels, mais pas les prostituées; qu'elles doivent être traitées comme des victimes et non comme des criminelles. La Suède a adopté ce modèle à cause de son engagement face à la valeur des femmes et des enfants dans sa société, et le succès que ce pays a obtenu dans ce domaine est quelque chose que le Canada, en tant que nation progressiste, pourrait facilement aller chercher.
    Je cite Gunilla Ekberg, une Canadienne qui a aidé à façonner la politique suédoise :
Comme c'est le cas de toute loi, la loi a une fonction normative. C'est l'expression concrète et tangible de la croyance qu'en Suède, les femmes et les enfants ne sont pas à vendre. Cela dissipe effectivement le droit que se sont arrogé les hommes de pouvoir acheter des femmes et des enfants pour la prostitution....
    Prenez en considération cette affirmation d'une ancienne prostituée qui travaille maintenant à la défense des droits des femmes :
Nous, les survivantes de la prostitution et de la traite de personnes, sommes réunies aujourd'hui à cette conférence de presse pour déclarer que la prostitution constitue de la violence faite aux femmes.
Les femmes qui sont dans la prostitution ne se lèvent pas un bon matin pour « choisir » d'être prostituées. Le choix est fait pour elles, par la pauvreté, par les abus sexuels du passé, par les proxénètes qui prennent avantage de nos vulnérabilités, et par les hommes qui nous achètent pour le sexe de la prostitution.
    L'Armée du Salut est fortement engagée face à a valeur intrinsèque des femmes et s'est engagée à travailler pour l'abolition de l'esclavage sexuel.
(1125)
    Je termine par une dernière citation. À une certaine époque, Martin Luther King, jr., a enflammé une nation avec cette citation :
La lâcheté demande : "Est-ce que c'est sûr? " L'opportunisme demande : "Est-ce que c'est politique? " La vanité demande : "Est-ce que c'est populaire?" Mais la conscience demande : "Est-ce que c'est juste?" Et vient le temps où il faut prendre une position qui n'est ni sûre, ni politique, ni populaire, mais on doit la prendre simplement parce que notre conscience nous dit que c'est juste.
    Je crois que ce moment est venu pour le Canada. Nous pouvons décider de faire ce qui juste pour les survivants du trafic sexuel en leur assurant la sécurité, de l'aide et un asile légal au Canada. Faisons ce qui est bien pour le Canada en choisissant d'appeler la prostitution par ce qu'elle est: de la violence sexuelle faite aux femmes. Que le pays se lève pour dire que nous n'allons pas tolérer plus longtemps l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants dans notre pays. Plaise à Dieu que les femmes et les enfants ne soient pas à vendre au Canada.
    Merci beaucoup, madame Strickland.
    Votre exposé m'a plu et je dois vous dire que je suis la fondatrice du programme de « john school ». J'ai fait cela en partenariat avec l'Armée du Salut et nous continuons d'aller de l'avant avec ce programme. C'est un excellent programme.
    Madame Mirjana Pobric et monsieur Shandip Saha, je vous donne la parole. Essayez, s'il vous plaît, de ne pas dépasser 10 minutes pour vos exposés. Le comité à de nombreuses questions à poser et nous devons avoir suffisamment de temps pour le faire.
    Merci.
    Je m'appelle Mirjana Pobric et je suis coordonnatrice de projet pour l'Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible au Canada.
    Notre organisme a adopté une vue plus étendue de la traite de personnes, étant donné les expériences et les questions auxquelles doit faire face la population des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible au Canada, et les questions qui ont fait surface au cours des 20 années d'existence de notre organisme. Comme vous le savez, nous sommes une organisation visant à obtenir l'équité pour les femmes immigrantes et les femmes appartenant à une minorité visible dans un Canada officiellement bilingue et multiculturel. Nous avons des réseaux fonctionnelles dans toutes les provinces qui accueillent des immigrants et nous tentons de résoudre les problèmes auxquels font face les femmes immigrantes depuis plus de deux décennies.
    Nous avons une vue plus étendue de la traite de personnes. Nous nous intéressons particulièrement aux mariages arrangés frauduleux comme une forme de traite de personnes. Ces mariages se terminent très souvent par de la violence faite aux femmes qui ont été parrainées et qui sont venus au Canada en tant que conjoint parrainé.
    Notre définition de traite de personnes, comme je l'ai dit, est plus étendue. Nous la définissons comme toute action impliquant l'emploi de la force physique, de la fraude, de la tromperie ou de tout autre forme de coercition ou d'intimidation pour obtenir, recruter, retenir et transporter des personnes en vue d'en tirer profit. C'est pourquoi nous soutenons que les mariages frauduleusement constituent une forme de trafic de personnes.
    Mon collègue, M. Shandip Saha, qui est chercheur, vous donnera plus de détails sur ce point.
    Au Canada, la question des mariages frauduleux se manifeste souvent dans la communauté de l'Asie du Sud. Les mariages arrangés sont monnaie courante dans les communautés hindoues, sikhes et musulmanes en Inde. Il faut souligner que la pratique des mariages arrangés n'est pas synonyme de mariage forcé, même s'il y a toujours un danger que les femmes soient forcées d'accepter un mariage arrangé.
    La logique derrière cette pratique veut que des antécédents linguistiques, scolaires et religieux semblables garantiront un mariage solide. Les mariages en Asie du Sud sont considérés comme l'union non seulement de deux personnes, mais également de deux familles. Le choix de bons candidats est de la plus haute importance pour les familles, étant donné qu'il reflète directement leur statut social dans leur communauté.
    En Inde, on exige habituellement que les mariages soient enregistrés, mais cette pratique n'est pas toujours observée, notamment dans les petites villes et dans les régions rurales. En conséquence, aucune preuve valide n'existe du mariage hormis le témoignage oral des témoins, qui peuvent être soudoyés ou menacés. Parmi les autres formes de preuve du mariage figurent les photographies et les enregistrements vidéo, qui peuvent être endommagés, trafiqués, voire même effacés.
    Les mariages arrangés en Asie du Sud font habituellement intervenir une transaction monétaire entre les deux familles. Par exemple, dans le cas des mariages musulmans, une des caractéristiques essentielles est la dot, un montant déterminé à l'avance donné par le mari à son épouse. Dans les mariages hindous, la transaction financière qui a lieu entre deux familles prend la forme d'une dot, qui est définie en vertu de la loi indienne comme toute propriété ou sécurité disponible accordée directement ou indirectement à la famille du marié par les parents de la mariée. Selon la loi indienne, le paiement de la dot est illégal et ceux qui le pratiquent sont passibles d'emprisonnement. Néanmoins, il arrive très souvent, la veille de la cérémonie, que les mariés et leur famille fassent pression sur les mariées et leur famille pour payer des dots pouvant s'élever à 20 000 ou 30 000 $ canadiens. Les mariées et leur famille acceptent fréquemment de payer cette somme, même au risque de s'endetter, pour éviter la honte qu'entraîne un mariage annulé.
    Les mariages arrangés frauduleux sont de plus en plus fréquents dans la communauté de l'Asie du Sud au Canada. L'ONFIFAMVC soutient que ces mariages devraient être considérés comme des actes de traite de personnes.
    Il y a deux raisons à cela. Premièrement, les membres des deux sexes contractent ces mariages uniquement pour obtenir un statut d'immigré au Canada afin d'obtenir les avantages associés au fait d'être immigrant reçu et, un jour, citoyen canadien. Les mariages sont arrangés entre les citoyens canadiens et les citoyens indiens en se fondant sur l'hypothèse que le mariage à un citoyen canadien entraînera un niveau de vie plus élevé et que les parents vivant en Inde pourront un jour immigrer au Canada. L'ONFIFAMVC est convaincue que, dans plusieurs cas, des hommes et des femmes se marient uniquement pour entrer au Canada.
    La deuxième raison pour laquelle l'ONFIFAMVC considère ces mariages frauduleux comme des cas de trafic humain, c'est que ces mariages sont arrangés par et pour les hommes, qui sont soit des citoyens canadiens soit des immigrants reçus, qui se rendent en Inde expressément pour se marier et qui demandent ensuite des dots astronomiques aux femmes et à leur famille la veille du mariage. Une fois le mariage consommé, l'homme retourne habituellement au Canada en affirmant qu'il parrainera l'entrée de sa femme au Canada le plus tôt possible pour ensuite couper tout contact avec cette dernière une fois de retour au Canada. Parfois, il fait parvenir des documents de divorce à son épouse et, parfois, il disparaît de sa vue. Étant donné qu'aucun enregistrement formel du mariage n'est requis en Inde, il n'y a jamais de preuve formelle qu'un mariage a eu lieu ou qu'une dot a été donnée ou reçue. Par conséquent, il devient impossible de prouver qu'il y a eu extorsion.
(1130)
    Même s'il était démontré devant les cours indiennes que la personne en question a commis un acte d'extorsion lié à la dot, cette dernière peut tout de même échapper à la justice en Inde parce que, à titre de citoyen canadien, elle n'a pas commis une offense passible d'extradition. Ce qui est commun à ces deux cas de mariage frauduleux, c'est que les lois canadiennes sont manipulées pour obtenir un avantage financier et que le Canada sert d'asile aux personnes qui ont enfreint la loi indienne.
    Il est difficile de déterminer la fréquence des mariage frauduleux dans la communauté de l'Asie du Sud au Canada. Bien que l'information de l'ONFIFAMVC soit anecdotique, la fréquence de ces mariages frauduleux est suffisamment alarmante. L'ONFIFAMVC a la capacité et la volonté d'aborder cette question positivement en effectuant des recherches sur les nombreux aspects du problème, en réalisant des consultations auprès de diverses communautés de l'Asie du Sud, par exemple, à Toronto ou à Vancouver. À partir de ce travail, l'ONFIFAMVC pourrait fournir de la formation aux agents d'immigration, aux travailleurs des services d'établissement et aux avocats, et offrir des conseils judicieux en matière de politique aux ministères concernés. Cependant, les restrictions budgétaires récentes qui ont frappé le budget de Condition féminine Canada et de Développement social Canada ont réduit la capacité de l'ONFIFAMVC d'aborder cette question de façon efficace.
    Nous sommes conscients qu'il s'agit d'une question difficile et c'est pourquoi nous croyons également qu'il doit y avoir une collaboration proactive entre CIC, Justice Canada, Affaires étrangères et Commerce international Canada, Condition féminine Canada et Développement social Canada pour résoudre ces deux problèmes liés aux mariages frauduleux.
    L'ONFIFAMVC croit que le gouvernement du Canada devrait prendre des mesures immédiates, à moyen et à long terme pour empêcher ces mariages frauduleux. Elles sont précisées dans notre mémoire et en voici quelques-unes: exiger un certificat d'enregistrement de mariage parmi les documents de parrainage; s'assurer que les agences de services aux émigrants et les dirigeants principaux des communautés religieuses sont au courant de cette exigence; accorder des visas de visiteur aux femmes qui pourraient vouloir poursuivre leurs maris en fuite qui sont de retour au Canada; conclure un traité d'extradition avec l'Inde pour retourner les hommes accusées d'abandon après avoir reçu une dot; et établir une meilleure coordination entre CIC, Justice Canada et les associations du barreau.
    Toute cette question de mariages frauduleux ne donne pas, je pense, une image nécessairement bonne du Canada pour deux raisons: premièrement, parce que nous sommes en train de devenir un asile pour un certain nombre de personnes qui enfreignent la loi indienne; et deuxièmement, parce qu'à notre avis, cela ternit l'image du Canada à l'échelle internationale en tant que défenseur des droits de la personne, de façon générale, et des droits des femmes en particulier.
    L'ONFIFAMVC croit que le Comité permanent de la condition féminine est dans une position unique pour parler au gouvernement de ces fameuses pratiques et ainsi, nous l'espérons, pour rétablir la confiance des femmes de l'Asie du Sud et de leurs familles dans le gouvernement comme défenseur des droits ici au Canada et dans le sous-continent.
    Merci.
(1135)
    Merci beaucoup. Vous avez certainement soulevé certaines questions extrêmement importantes qui sont également une source de préoccupation pour un grand nombre d'entre nous qui siégeons au comité.
    Nous allons commencer notre liste. Nous avons droit à seulement cinq minutes, plutôt que sept, pour nous assurer que tout le monde aura son tour.
    Nous allons commencer par Mme Minna.
    Merci, madame la présidente.
    Ce que je vais faire, si je peux compter sur l'indulgence des témoins, c'est poser certaines questions et, ensuite, obtenir des réponses rapides, de manière à pouvoir poser plus de questions. J'en ai beaucoup, alors, soyez indulgents.
    Madame Strickland, une des choses qui a été discutée ici avec des témoins précédents, c'est l'idée de fournir des visas. Dans votre exposé, vous avez parlé d'un visa pour les femmes qui viennent ici comme travailleuses du sexe ou comme danseuses, ou quoi que ce soit d'autre, qui leur permettrait de rester une fois qu'elles sont ici. La question que je vous pose est plus vaste que cela.
    Si nous devions revoir l'ensemble de notre processus d'immigration et effectivement permettre et modifier les exigences des visas pour les personnes qui viennent travailler... parce que la cause première est une cause économique. Les femmes viennent au Canada pour des raisons économiques, et elles prennent les moyens qu'elles peuvent, parce que le système de points actuel fait qu'il leur est très difficile d'entrer au pays. Je me demandais si vous pouviez, outre les visas pour celles qui sont déjà ici, plutôt que de les expulser, offrir des programmes et des services additionnels. Je suppose que vous dites que nous ne devons pas les expulser. Pour ce qui est de notre système de points, avez-vous examiné l'ensemble de la structure d'immigration et comment elle permet aux gens qui ont besoin d'aide économique d'entrer au pays?
    Non. La seule chose que j'ai examinée c'est, en particulier, les survivants du trafic sexuel et uniquement au niveau de la base, l'insuffisance de ce qui existe à l'heure actuelle. Alors, je ne suis pas un spécialiste des réfugiés ou de l'immigration, désolée.
(1140)
    Mais, au minimum, vous dites que nous devrions accorder des visas. C'est bon. Je m'en réjouis.
    Oui, et il se pourrait que ce ne soit pas des visas pour toujours, mais au moins d'une durée suffisante pour permettre que l'on puisse à tout le moins combler leurs besoins fondamentaux.
    J'aime votre observation selon laquelle on devrait considérer cela comme une forme d'esclavage, à la fois pour les enfants et les femmes, et qu'il s'agit d'un crime sexuel.
    La dernière fois, j'ai soulevé la question en ce qui concerne la mise en accusation des hommes, décriminaliser les femmes, mais criminaliser les utilisateurs, comme dans tout autre crime. Il s'agit d'un crime lié à la drogue, vous portez des accusations contre la personne qui en possède et contre la personne qui en fait le trafic, n'est-ce pas?
    Des témoins nous ont dit que cela ne fonctionnerait pas, parce que cette activité deviendra clandestine.
    J'aime tout de même l'idée que vous avez proposée. Vous voyez maintenant la même chose, mais en Suède, cela fonctionne bien.
    Oui, cela fonctionne de manière étonnante. En fait, c'est l'un des meilleurs modèles que nous ayons en termes de réduction de la prostitution et de la traite de personnes.
    Est-ce que ce n'est pas devenu une activité clandestine, cependant, jusqu'à un certain point?
    Eh bien, il y a toujours un élément clandestin, mais en termes d'utilisation de la prostitution et du nombre de prostituées qui sont sur la rue, à partir des chiffres qu'ils peuvent obtenir, il y a eu une diminution de moitié, 50 p. 100.
    Alors, vous envisagez de frapper à plusieurs endroits. Ce n'est pas une approche unique, mais une approche multiple...
    Exactement. Ils ont des sentences sévères pour les récidivistes, ce qui est un autre élément de leur plan.
    Et vous avez raison, c'est une question d'égalité et c'est une question de droits de la personne, parce qu'il s'agit d'enfants et de femmes. Je suis d'accord avec votre exposé. Merci beaucoup. Je vous en suis reconnaissante.
    Parce qu'il me reste peu de temps, je veux m'adresser à l'ONFIFAMVC une minute.
    J'ai quelques questions. Je comprends la question des mariages frauduleux. J'ai beaucoup de cas d'immigration dans ma circonscription et j'ai eu à traiter de cette question. La difficulté, c'est comment le prouver. Vous avez dit que peut-être nous devrions commencer à exiger des certificats, et que c'est, de manière proactive, ce que le Canada doit faire, mais j'ai une question. J'ai vu un documentaire dans lequel -- vous avez parlé de la communauté musulmane -- les mariages étaient consacrés par l'imam pour une courte période de temps. Peut-être que c'était trois mois ou peut-être 12 semaines. Dans un cas, je pense que c'était en Afghanistan, ils appelaient cela sigha. C'est à peu près cela. Quelque part ailleurs, en Irak, ils appellent cela autrement, mais ils le font. C'est une forme de prostitution; c'est simplement que cela se fait sous le déguisement d'un mariage.
    Savez-vous si cela se fait au Canada?
    Vous avez une minute pour répondre.
    Pas que je sache. C'est quelque chose qui, d'après ce que je crois savoir, survient beaucoup entre chiites, au sein de la branche chiite de l'islam. Ce sont des mariages temporaires. Il ne m'est pas encore arrivé d'en voir un exemple, ce qui ne veut pas dire que cela ne se produit pas, mais nous l'ignorons tout simplement
    J'ai une dernière question.
    Vous avez parlé de financement. Quelle a été la réduction? Votre financement a été réduit, vous avez dit, le financement de l'ONFIFAMVC.
    Oui, nous ne sommes pas dans une bonne situation pour l'instant, mais nous allons régler ce problème.
    Alors, c'est un problème?
    Oui.
    Très bien. Nous devons régler cette question.
    Nous avons besoin de cela pour aller de l'avant avec notre recherche sur cette question et de nombreuses autres, et également sur l'intégration des femmes immigrantes à la main-d'oeuvre canadienne de manière proportionnelle à leurs compétences.
    Merci beaucoup.
    Madame Mourani.

[Français]

    Je vous remercie d'être présents aujourd'hui. J'aimerais poser deux questions: une à Mme Strickland, et l'autre à M. Saha.
    Madame Strickland, vous avez brossé un portrait de la situation qui est, à mon avis, très intéressant. Vous avez lié la prostitution à la traite des personnes. Comme l'a précisé un autre témoin, 92 p. 100 de la traite des personnes dans le monde est destiné à l'exploitation sexuelle. Autre fait intéressant: vous parlez de criminaliser les clients. Vous êtes la première à le faire. Vous avez mentionné à ce sujet le modèle suédois.
    Il est vrai que le marché noir est aussi présent dans les pays qui ont légalisé la prostitution que dans ceux qui l'ont criminalisée. Je pense ici au modèle suédois. Le marché noir est toujours là, quels que soient les codes employés. J'en parle en connaissance de cause, étant donné que je suis moi-même criminologue.
    J'aimerais que vous me donniez quelques précisions sur les visas. Je ne suis pas sûre d'avoir compris ce que vous avez dit à ce sujet. S'agit-il de visas destinés à aider les victimes, et non à les faire venir ici pour travailler dans l'industrie du sexe, ce qui ferait de notre pays un État prostitué? Est-il vraiment question d'aider ces gens qui été récupérés, trouvés, et de leur octroyer un visa spécial, de façon à les aider temporairement? Est-ce que j'ai bien compris?
(1145)

[Traduction]

    Oui, c'est tout à fait vrai.

[Français]

    On parle donc de ne pas créer un État où on laisse entrer des gens de toute sorte qui veulent s'adonner à l'exploitation sexuelle. C'est exact?

[Traduction]

    C'est exact. Une de mes recommandations, c'est que ce serait un acte criminel d'utiliser une prostituée, ce serait incompatible avec la loi.

[Français]

    Je vous remercie.
    Monsieur Saha, je vous avoue ne pas avoir bien compris vos propos, et je m'en excuse.
    Tout d'abord, il est important de souligner que les musulmans et les shiites ne font pas tous des mariages arrangés.
    Par ailleurs, je n'ai pas bien compris le lien que vous établissez entre la traite des personnes et les mariages arrangés. Je peux imaginer qu'il y ait de la fraude au niveau de l'immigration et du vol en ce qui concerne les dots, entre autres, mais quel est le lien avec la traite des personnes? Vous parlez de mariages arrangés frauduleux. Est-ce à dire que des soit-disant maris achètent des filles en Asie et qu'une fois arrivés ici, s'en débarrassent en les revendant aux motards, aux gangs de rue, bref à un réseau mafieux?

[Traduction]

    Pour ce qui est de la première question, vous avez absolument raison. Je ne veux pas laisser l'impression que tous les membres de la communauté musulmane pratiquent le mariage arrangé. J'ai parlé des chiites parce que c'est ce qui n'est venu à l'esprit sur le moment, à partir de ma propre recherche concernant les mariages temporaires.
    Encore une fois, je ne veux pas en faire une généralisation et je suis heureux que vous m'ayez corrigé. Merci beaucoup.
    Pour ce qui est de la deuxième question, je pense que de la façon que nous avons largement défini cette question, les gens se font promettre ou sont attirés au Canada, dans un sens, par la promesse d'une vie meilleure. Ils arrivent ici avec des attentes élevées, mais lorsque ces femmes arrivent ici, elles constatent qu'elles sont entièrement dépendantes de leur mari, qui commence à abuser d'elles physiquement, et, ensuite, elles sont jetées à la rue pour n'importe quelle raison. Elles n'ont aucun recours, mais ces messieurs, étant citoyens canadiens ou immigrants reçus, sont protégés, surtout s'ils ont empoché une dot de 30 000 $.
    Je ne suis pas un expert, loin s'en faut, sur la façon dont les mariages arrangés fonctionnent. Je sais que parfois il y a des agences qui agissent comme intermédiaires. Vous pouvez voir plein de choses de ce genre sur Internet. Quant à la légitimité potentielle de ces activités et dans quelle mesure elles ont lieu au Canada, je ne suis pas certain de pouvoir répondre.
    L'idée même que des personnes sont parfois attirées ici par duperie pour ensuite être abandonnées pour la seule raison qu'on veut avoir leur argent...
    Merci beaucoup.
    Madame Smith.
    J'aimerais remercier ceux qui ont présenté leurs exposés très informatifs aujourd'hui. Il s'agit effectivement d'un sujet très important que nous étudions ici sur la condition féminine.
    On entend souvent dire que la prostitution ou la traite est une industrie et que c'est quelque chose que nous devrions accepter au Canada -- cela existe. Je ne suis pas d'accord avec cela. Je pense que c'est quelque chose que nous devons stopper, et très rapidement. Mais j'ai de très bonnes raisons de croire que cette industrie est en croissance.
    Je veux entendre chacun d'entre vous, mais je demanderais à madame Strickland de répondre en premier. Ma question est la suivante: avez-vous entendu ce genre de choses dans vos voyages ou dans votre expérience, et si oui, pouvez-vous nous en parler?
(1150)
    Certainement, j'entends cela tout le temps. Je vis dans la partie est du centre-ville de Vancouver. C'était une voix forte là-bas et dans la presse, on défend beaucoup la légalisation de la prostitution. Personnellement, cela me déconcerte. Je vis là-bas. Je travaille là-bas. Je rencontre tout le temps des femmes qui vivent des situations épouvantables.
    Je pense qu'il y a beaucoup d'argent à faire à légaliser la prostitution et je pense qu'il y a des gens qui ont une certaine motivation, autre que la dignité et le droit des femmes au Canada, et que cette motivation est monétaire, je crois. Je ne vois aucune autre raison possible, et je pense qu'il suffit de rencontrer quelqu'un qui a été exploité sexuellement pour comprendre que ce n'est pas un travail raisonnable.
    Personnellement, j'en suis déconcertée, pour ce qui est de l'étroite proximité et de voir à quoi cela ressemble, non seulement dans les rues du centre-ville de Vancouver, mais également dans les bordels. J'ai visité quelques bordels, simplement pour visiter et prier avec des femmes prisonnières de ce genre de situation, et même à l'intérieur de ces endroits soi-disant raisonnables, c'est horrible. Je ne comprends pas.
    Madame Grewal.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leur temps et de leurs exposés. Je veux adresser des remerciements particuliers à la capitaine Strickland parce qu'elle travaille dans ma circonscription et qu'elle est venue ici après un si court préavis. Merci, capitaine, de faire cet excellent travail en notre nom et de faire de cet endroit un endroit meilleur pour nous tous.
    Que pensez-vous que le présent comité peut faire pour améliorer les efforts du Canada dans la lutte contre la traite de personnes?
    Libérer des fonds fédéraux pour la prestation de mesures d'aide aux victimes; créer un visa, un moyen légal au plan fédéral pour permettre aux victimes d'avoir les services appropriés au Canada pendant une période de temps suffisamment longue; reconnaître la prostitution comme une forme d'esclavage sexuel, ce qui comprend le fait de cesser d'en parler comme d'un métier -- c'est très important -- et de criminaliser l'utilisateur de prostituées et de décriminaliser les prostituées. Ce sont là des choses que vous pouvez faire dès maintenant qui permettraient vraiment de mener une lutte énergique contre ce problème au Canada.
    Il vous reste une minute et demie.
    Merci. Ma question s'adresse à M. Saha.
    Quelle est, à votre avis, la manière la plus rapide pour un gouvernement de faire face à cette question des mariages arrangés? Ce qui me préoccupe, c'est que vous dites qu'il n'y a pas d'enregistrement de ces mariages, alors quelqu'un pourrait penser qu'il est marié et, lorsque cette personne arrive au Canada, elle découvre qu'il n'y a pas de preuve là-bas. Pourtant, si quelque chose arrive à la femme concernée...
    Que devrait-on faire, à votre avis, pour résoudre rapidement cette question sans qu'il y ait d'autres victimes?
    Que ce soit Mirjana ou M. Saha, je serais très heureuse d'entendre votre réponse.
    J'essaie simplement de trouver mon document sur les mesure immédiates, à moyen et à long terme.
    Dans le passé, j'ai travaillé avec des femmes immigrantes maltraitées et la plupart d'entre elles étaient des épouses parrainées qui sont arrivées au pays en vertu du programme de parrainage pour se marier. Elles vivent dans une forme de ségrégation à l'extérieur de leur communauté ethnoculturelle -- une petite communauté -- dans une dépendance totale à l'égard de leur mari. Elles n'ont personne d'autre. Elles ne savent pas comment aller chercher de l'aide.
    Très souvent, nous avons dit de laisser le parrain payer. Il y a un problème, parce que les programmes d'immigration et de parrainage relèvent de la compétence fédérale alors que toute forme d'aide ou d'assistance relève des compétences provinciales. Parfois, il y a un conflit ou un écart. C'est pourquoi nous appelons cela une forme de trafic humain dans la définition plus étendue. Les femmes sont laissées...
(1155)
    Je suis désolée de devoir interrompre. Nous voulons encore avoir l'occasion de poser des questions. Le ministre vient nous rencontrer à midi aujourd'hui, alors notre temps est compté.
    Madame Charlton.
    Je vais me limiter à une question pour chacun d'entre vous, si vous le permettez.
    J'aimerais dire que nous innovons en reconnaissant que la traite de personnes est une question importante, mais nous ne sommes pas les premiers parlementaires à réfléchir sur cette question. Nous n'avons pas fait beaucoup de progrès. Nous avons un protocole de l'ONU. Nous avons des articles dans le Code criminel qui traitent de ce problème. Pourtant, comme vous l'avez dit, madame Strickland, il y a de la paralysie ici.
    Je me demande si vous pouvez explorer cette question un peu plus, parce qu'il me semble que certains des problèmes dont vous avez parlé, en particulier du côté des victimes, parlent vraiment d'une cassure entre ce que le gouvernement fédéral est et devrait faire, ce que les gouvernements provinciaux doivent faire et ce que les gouvernements municipaux doivent faire. Ce qui m'inquiète, c'est que chaque fois que nous traitons de cette question, nous permettons à différents paliers de gouvernements d'en accuser un autre.
    Alors, lorsque nous disons oui, nous avons besoin de changer la façon dont on conçoit les permis de séjour temporaire, et nous avons besoin d'une manière différente de conceptualiser ce que nous faisons pour la formation, pour l'éducation, pour le logement, jusqu'à la question de savoir ce que nous faisons avec les abris au niveau municipal, comment arrivons-nous à contourner la paralysie systémique de manière à faire notre part pour aider les victimes d'une manière plus efficace?
    Je pense que quelqu'un doit prendre la tête et que nous avons besoin de créer un modèle. Je pense que là où la cassure survient, c'est que nous n'avons pas vraiment traité de cette question de cette manière aussi spécialisée. Alors, bien que ce soit une question dont nous avons parlé, nous ne nous sommes pas rendues au niveau de la base là où il y a la prestation réelle des mesures d'aide. Alors, il n'y a pas d'abris pour les femmes qui ont fait l'objet d'un trafic sexuel, qui ont survécu à cela. Ces infrastructures n'existent pas; ce sont toutes des choses conceptuelles, sans qu'il y ait rien de tangible, et je pense que quelqu'un doit prendre la tête. Je propose que le gouvernement fédéral prenne la tête en créant un modèle et peut-être qu'une fois que le modèle aura été créé, qu'il commencera à le transférer aux provinces.
    C'est là une suggestion. Je suis peut-être naïve, je n'en sais rien, mais je vais la dire.
    Merci. J'aimerais vous poser bien d'autres questions, mais je reconnais que le temps est limité, alors je serai brève.
    Monsieur Saha, lorsque nous avons parlé des mariages arrangés frauduleux, corrigez-moi si je me trompe, mais vous avez dit d'abord qu'ils étaient à la hausse au Canada. J'avais ensuite l'impression que vous faisiez un lien étroit entre ces mariages et l'expérience des nouveaux arrivants au Canada. Vous avez dit que les mariages arrangés étaient un moyen d'immigrer et également un moyen de faire un gain monétaire.
    Alors quand on parle de l'expérience des nouveaux arrivants et de l'augmentation des mariages arrangés, peut-on dire que lorsque le Canada permet l'entrée des immigrants, il est également fautif en annonçant de manière frauduleuse ce que sera l'expérience de l'immigrant ici? Nous laissons les immigrants à leur sort sans qu'ils aient assez d'argent pour pouvoir faire du Canada leur nouveau chez-soi. Que devons-nous faire de nos politiques d'immigration pour favoriser davantage la réunification des familles, par exemple? Est-ce là certaines pistes où vous nous conduisez, ou me suis-je trompée en comprenant que vous faisiez un lien entre ceci et l'expérience du nouvel arrivant?
    Oui, c'est ce que nous demanderions pour protéger ces femmes. Si vous voulez immigrer au Canada, il y a d'autres façons de le faire, sans conclure un mariage frauduleux. De nombreux personnes immigrent en suivant des procédures régulières.
    Est-ce à dire que le problème disparaîtrait si nous réformions notre système d'immigration et si nous faisions en sorte que les nouveaux arrivants reçoivent l'aide financière nécessaire pour recommencer leur vie?
    C'est exact.
    Pour répondre brièvement à la question précédente, la façon la plus rapide de régler ce problème, à la lumière des recommandations formulées dans notre mémoire, serait de donner un pouvoir à ces femmes pour qu'elles sentent qu'elles ont des recours juridiques — processus d'extradition et visas —, pour poursuivre ces individus qui volent leur argent et les abandonnent par la suite.
    Merci beaucoup.
    À tous nos témoins, merci infiniment d'avoir pris le temps de venir ici et de nous avoir éclairés sur un sujet qui est extrêmement important pour nous tous ici et pour l'ensemble des Canadiens. Je vous remercie pour l'excellent travail que vous faites. Nous vous en sommes reconnaissants. Merci infiniment.
    Si vous avez un document écrit, madame Pobric — vous avez dit que vous aviez des recommandations à court et à long terme — pourriez-vous l'envoyer à la greffière et nous le distribuerons ensuite aux membres du comité?
(1200)
    Je l'ai déjà fait. Merci.
    Oh, c'est déjà fait. Très bien.
    Le comité va suspendre ses travaux pour quelques minutes, jusqu'à l'arrivée du ministre Prentice.
(1200)

(1205)
    Le Comité permanent de la condition féminine reprend ses travaux dans le cadre de sa 18e séance.
    J'ai le grand plaisir d'accueillir ce matin l'honorable Jim Prentice, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.
    Monsieur Prentice, c'est la deuxième fois que vous comparaissez devant notre comité, et nous vous en remercions sincèrement. Chaque fois que nous vous avons invité, vous avez répondu dans les jours ou les semaines qui ont suivi. Sachant que vous êtes fort occupé, nous vous remercions beaucoup de votre disponibilité.
    D'autres représentants du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien vous accompagnent. Il s'agit de Sandra Ginnish, directrice générale, Direction générale des traités, de la recherche, des relations internationales et de l'égalité entre les sexes, et Holly King, directrice intérimaire, Direction des questions féminines et de l'égalité entre les sexes. Nous accueillons également Christine Aubin, conseillère juridique du ministère de la Justice, ainsi que Wendy Grant-John, représentante ministérielle des Affaires indiennes.
    Je crois que c'est la première fois que vous vous joignez à nous, madame Grant-John.
    Nous sommes ravis que vous soyez tous ici. Je vais maintenant donner la parole au ministre.
    Encore une fois, merci beaucoup de votre présence.
    Merci, madame la présidente, de m'accueillir aujourd'hui ainsi que de fières représentantes du ministère, Sandra Ginnish et Holly King, de même que Christine Aubin, du ministère de la Justice, qui s'occupent toutes de ce dossier.
    Je suis ravi d'être ici non seulement avec vous, les parlementaires, mais aussi avec Wendy Grant-John, avec laquelle vous aurez le plaisir de vous entretenir aujourd'hui. Elle est l'un des leaders les plus respectés parmi les collectivités des premières nations au Canada et certainement l'une des femmes les plus respectées au pays. J'ai été honoré lorsqu'elle a accepté de remplir cette fonction et de prêter non seulement son engagement personnel, mais aussi son intégrité et sa réputation à ce que nous essayons de faire. Vous aurez la chance de lui parler.
    Merci pour vos bons mots concernant le fait que je réponde rapidement à vos demandes. Vous le devez davantage à mon personnel qu'à moi, mais je suis ravi de venir ici en tout temps.
    Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de m'adresser au comité.
(1210)

[Français]

    Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de m'adresser au Comité permanent de la condition féminine.

[Traduction]

    Avant tout, permettez-moi de remercier les membres du comité pour leur excellent travail sur la question épineuse des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves.
    Le septième rapport du comité fait bien ressortir le problème; il apporte un éclairage utile sur ce qui doit être fait et met en évidence le vide juridique qui existe actuellement au pays.

[Français]

    Je partage entièrement l'opinion du comité, à savoir que ce vide équivaut en fait à une violation des droits de la personne pour beaucoup de membres des Premières nations, surtout les femmes. Le problème est aussi étroitement lié à d'autres maux sociaux, comme la violence dirigée contre les femmes.

[Traduction]

    Je sais que Wendy vous parlera de cette question.
    La nature complexe des biens immobiliers matrimoniaux est bien documentée dans de nombreux rapports produits par le Sénat, des comités parlementaires, des représentants de mon ministère et des groupes indépendants et internationaux qui se sont penchés sur ce dossier et ses différents aspects. Je suis du même avis que le comité quand il affirme que la question a été suffisamment étudiée et qu'il est grand temps de passer à l'action.
    En fait, le gouvernement actuel a déjà commencé à agir. Je suis heureux d'annoncer que nous avons entamé un processus de consultation, que Wendy dirige et qui mènera à une solution judicieuse, efficace et durable au problème des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Wendy vous entretiendra à ce sujet. Je crois que nous observons un très haut niveau d'engagement de la part des organisations autochtones nationales ainsi que des chefs et des conseils partout au pays.
    Les biens immobiliers matrimoniaux — ou le foyer familial — constituent normalement le bien le plus précieux que possède un couple dans une réserve. Dans ce sens, ils le sont aussi pour n'importe quelle famille canadienne. En cas de rupture d'un mariage, le partage de ce bien se répercute donc nécessairement sur toutes les personnes concernées, soit les deux conjoints, homme et femme, leurs enfants, leurs familles et, par extension, la collectivité toute entière.
    Notre engagement d'aller de l'avant et notre volonté de régler ce problème s'appuient sur des principes et des justifications très simples. Nous tenons à donner aux membres des premières nations vivant dans des réserves — hommes et femmes — les mêmes garanties juridiques et recours judiciaires que ceux offerts aux Canadiens hors réserve. Nous voulons qu'un cadre soit mis en place pour assurer un partage équitable des biens lorsqu'il y a malheureusement rupture de mariage.

[Français]

    Les récits malheureux que nous avons entendus au fil des ans nous touchent énormément et ne sont désormais que trop bien connus.

[Traduction]

    Nous devons trouver, pour combler ce vide juridique, une solution que les intéressés jugeront acceptable, ce qui, j'en conviens, est un enjeu complexe. Toutefois, les membres des premières nations — en particulier les femmes et les enfants —  et les collectivités des premières nations doivent être au coeur de cette initiative.

[Français]

    C'est pourquoi j'estime que le processus de consultation en cours amènera les résultats espérés, c'est-à-dire un équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs.

[Traduction]

    Dans le cadre des consultations menées jusqu'à maintenant , certains membres des premières nations ont dit craindre que l'objectif sous-jacent de ce processus soit l'érosion des réserves. L'objectif poursuivi — et je veux que ce soit clair — est de régler l'éternelle question des droits de la personne. Le gouvernement du Canada n'a aucunement l'intention de faire disparaître le statut de réserve ou de compromettre le statut collectif des avoirs des réserves par une loi portant sur les biens immobiliers matrimoniaux.
    Un des principes réitérés par mon ministère tout au long de ce processus est que les terres de réserve ne sont pas aliénables. Je peux vous assurer que les réserves continueront d'être utilisées par et pour les membres des premières nations, pour qui elles ont été mises de côté. Ce processus est mené par Mme Grant-John, dirigeante respectée, entrepreneure prospère et habile négociatrice, en partenariat avec l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières nations. Je suis convaincu qu'il mènera à des solutions à la fois innovatrices et efficaces, qui assureront la protection des droits relatifs aux biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves, le respect des intérêts de la collectivité et la protection des terres de réserve pour les générations à venir.
    Christine Aubin pourra parler de cette question, mais la common law peut à la fois protéger les biens matrimoniaux et assurer la continuité des réserves des premières nations et le statut des terres de réserve.
    S'il est beaucoup trop tôt pour prédire la forme exacte que revêtiront les options législatives issues de ce processus, les importantes recherches et analyses déjà effectuées laissent entrevoir tout un éventail de possibilités. D'un côté, il pourrait s'agit de quelques modifications à la Loi sur les Indiens qui permettraient d'appliquer, dans les réserves, les lois provinciales actuelles sur la famille et les biens. À l'autre extrémité, il pourrait s'agir de mesures législatives qui conféreraient à chacune des premières nations toutes les compétences voulues en matière de droit de la famille et de droit des biens dans les réserves.
(1215)

[Français]

    Comme ces options opposées posent des difficultés, je crois qu'il doit exister une solution intermédiaire raisonnable.

[Traduction]

    J'ai bon espoir, à la lumière de l'engagement manifesté par tous les principaux intervenants, que le processus portera fruit. Mon optimisme repose aussi en bonne partie sur les grands talents de Mme Grant-John, notre représentante.

[Français]

    Madame la présidente, je suis persuadé que le processus en cours, en plus de mener à la solution législative qui convient, profitera du soutien nécessaire pour réaliser une mise en oeuvre efficace de cette solution.

[Traduction]

    En outre, afin de régler les situations souvent délicates dans lesquelles se retrouvent les femmes des premières nations, j'annonce qu'un investissement additionnel de 6 millions de dollars sera disponible cette année, montant qui permettra aux 35 refuges pour victimes de violence familiale financés par AINC d'être mieux équipés pour fournir les services indispensables aux femmes et aux enfants dans les réserves. Il permettra aussi de financer des ressources, notamment pour la formation du personnel, et d'offrir un soutien direct aux clients, entre autres sous forme de nourriture et de vêtements.
    Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de comparaître devant vous aujourd'hui. Je m'efforcerai de répondre à toutes vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous allons passer à la période des questions et réponses.
    Madame Neville, vous avez sept minutes dans le cadre de la première ronde.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur le ministre, je vous remercie infiniment d'être ici. Je suis particulièrement ravie que Mme Grant-John comparaisse devant le comité.
    Je souscris à ce que vous dites aujourd'hui. Je crois qu'il faut trouver une solution et je me réjouis que le processus de consultation soit en cours.
    J'ai un certain nombre de questions, dont quelques-unes portent sur le processus de consultation. J'aimerais vous entendre ou entendre Mme Grant-John au sujet du déroulement des consultations et des participants.
    Toutefois, j'ai également une question à laquelle j'aimerais qu'on réponde. J'ai lu sur le Web le document portant sur la consultation, et l'une des solutions que vous proposez à l'égard des biens matrimoniaux est la législation provinciale. Or, la Cour suprême a déjà rendu des décisions selon lesquelles les lois provinciales ne peuvent s'appliquer aux terres de réserve. Pourquoi proposez-vous pareille solution? Craignez-vous que des lois éventuelles puissent être contestées, et ne serait-il pas préférable de ne pas proposer des solutions qui ne pourraient être appliquées?
    Mes questions portent donc sur la compétence provinciale et le processus de consultation.
    Si vous me le permettez, madame Neville, je vais répondre de façon générale à la question sur la législation provinciale. Je crois que Wendy est mieux placée pour parler du processus de consultation, puisque c'est elle qui le dirige.
    Tout d'abord, j'ai demandé à Wendy, à titre de représentante ministérielle, de me présenter, à titre de ministre, une recommandation en matière de législation. Je n'ai préjugé de rien. En ma qualité de ministre, je ne privilégie personnellement aucune position. J'attends de voir ce que Wendy me recommandera.
    La législation provinciale a été l'une des options envisagées par le passé par d'autres comités.
(1220)
    Je le sais.
    Ce que je comprends, ce n'est pas que les lois des provinces en soi s'appliqueraient dans les réserves, parce qu'elles n'auraient pas de compétence à cet égard. On a plutôt laissé entendre que les lois provinciales pourraient être intégrées par renvoi, de façon provisoire, jusqu'à ce qu'une première nation règle la question.
    C'est une des solutions. Ce n'est pas celle que je préfère en particulier, mais il semble possible de faire en sorte qu'elle soit appliquée légalement. Ce n'est pas inhabituel. Il y a d'autres domaines de compétence, notamment le développement industriel sur les terres de réserve, où une collectivité de premières nations qui ne souhaite pas réinventer la roue choisit d'adopter les lois provinciales par renvoi et même les régimes administratifs provinciaux. Des précédents existent, et cette solution pourrait être appliquée. Encore une fois, ce n'est pas ce que je recommande ni ce que je préfère; c'est simplement une solution parmi d'autres.
    Si je peux faire un commentaire, cette mesure est présentée comme une solution de rechange alors qu'elle pourrait ne pas être applicable. Mais c'est là un autre débat.
    Eh bien, elle est applicable et c'est une option qui a été retenue par d'autres comités parlementaires.
    Merci.
    Concernant le processus de consultation, j'aimerais connaître la nature de ce processus et son échéancier. On nous a dit qu'un projet de loi sera présenté au début de 2007. Donne-t-on suffisamment de temps pour terminer les consultations? Que pouvez-vous nous dire d'autre, madame Grant-John?
    Je serais ravie de vous répondre. Nous avons lancé le processus de consultation le 29 septembre. L'Association des femmes autochtones du Canada, l'Assemblée des Premières nations et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien s'appliquent à la tâche au moment où nous nous parlons.
    L'Association des femmes autochtones a devancé tout le monde. Elle a déjà tenu trois séances de consultation au pays. Elle a divisé l'exercice en trois volets différents. Elle reçoit des groupes de discussion, puis elle tient des séances ouvertes, puis elle offre une séance de soutien à l'intention des femmes qui se présentent.
    L'Assemblée des Premières nations commence tout juste ses travaux. Elle va s'adresser aux 630 collectivités partout au pays. Elle a décentralisé les consultations, si bien que chaque région tiendra ces séances comme bon lui semble. Les consultations débuteront cette semaine à Vancouver.
    Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien consultera tous les autres groupes qui ne sont pas représentés ou qui ne veulent pas être représentés par l'APN ou l'AFAC. Il s'agit du Congrès des peuples autochtones, des gouvernements provinciaux et territoriaux, bien sûr, et de l'Association du barreau autochtone.
    Les séances auxquelles j'ai assisté jusqu'à présent ont été très productives. Évidemment, c'était toutes des séances de l'Association des femmes autochtones, puisque l'APN n'a pas encore commencé ses travaux. Toutefois, elles ont été très instructives et ont permis de discuter précisément des questions que vous soulevez. Un grand nombre de femmes bien informées viennent exprimer leurs opinions sur les trois options qui ont été présentées et proposent également d'autres solutions qui pourraient être envisagées.
    J'adresse ma prochaine question au ministre; elle porte sur l'aide juridique.
    Nous savons que de nombreux problèmes sont liés au fait que les personnes n'ont pas un revenu suffisant ou n'ont pas accès à l'aide juridique lorsqu'un litige doit être réglé. Vous savez comme moi que, dans de nombreux cas, des groupes de femmes et des femmes ont été abandonnés à leur sort. Comment, selon vous, cette question sera-t-elle réglée dans le processus de règlement des litiges? Croyez-vous qu'on trouvera une solution dans le cadre de ce processus de consultation?
    Le processus de consultation est axé sur la recherche d'une solution législative viable. Comment pareille mesure législative serait exécutée, comment elle serait appliquée et comment elle fonctionnerait d'un point de vue administratif — voilà autant d'aspects qui peuvent être débattus dans le cadre des consultations. Évidemment, celles-ci ne portent pas sur le système d'aide juridique et son fonctionnement, ni sur le partage des coûts entre les provinces et le reste; nous nous concentrons sur le débat et le dialogue qu'il faut tenir sur la forme que prendra une éventuelle solution législative, pour que nous puissions régler cette question. Lorsque la loi sera adoptée, il est clair que nous tous, les parlementaires, nous devrons nous assurer qu'elle fonctionne efficacement. Mais nous devons faire le premier pas, c'est-à-dire avoir une loi qui soit viable.
(1225)
    Madame Mourani.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie d'être présents aujourd'hui. Je remercie également toutes ces dames d'être venues nous donner leur point de vue sur la situation.
    Le Comité permanent de la condition féminine a mené une consultation sur cette question. Il en est ressorti que ce sujet était d'une grande complexité. Les perceptions et les points de vue variaient beaucoup. Certains ont dit que la Loi sur les Indiens était perçue comme une loi colonialiste et qu'elle n'était pas la bonne solution. D'autres ont dit que recourir aux lois provinciales n'était pas forcément la chose à faire. D'autres encore ont affirmé vouloir gérer eux-mêmes ce dossier au sein des Premières nations. Certaines femmes nous ont dit que procéder de cette manière équivaudrait à donner du pouvoir à des chefs qui, à leur avis, n'avaient pas nécessairement l'intention de favoriser les femmes. D'ailleurs, j'ai lu dans Le Devoir du 3 octobre que plusieurs chefs de bande ne voulaient pas donner plus de pouvoir aux femmes.
    Le dossier est très complexe, j'en conviens. Vous vous en rendez très bien compte aussi. Mais est-ce que cette solution intermédiaire sera une mesure visant à défendre les droits des femmes ou à contenter tout le monde? En quoi va-t-elle consister?

[Traduction]

    Merci.
    J'ai demandé au ministre si je pouvais répondre à cette question. Je suis moi-même une femme autochtone et je vis dans ma collectivité depuis 57 ans maintenant, alors je crois que j'ai l'expérience de ce que vous décrivez.
    J'ai également voyagé d'un bout à l'autre du pays depuis mon entrée en fonction et je me suis entretenue avec des personnes expérimentées et compétentes, que ce soit des avocats ou des juges des Premières nations, qui travaillent dans ce domaine depuis des années, et je dois dire que tous, sans exception, m'ont dit que cette question de lutte de pouvoir qu'on nous présente doit être abordée très prudemment. En fait, quand on regarde les formes traditionnelles de gouvernement dans les collectivités des Premières nations, on constate que les femmes ont occupé une place égale et équitable au sein de la collectivité. Lorsque nous proposons une quelconque approche législative, nous devons faire en sorte de conserver cela, de ne pas amoindrir d'aucune façon la capacité des femmes de prendre la place qui leur revient au sein de la collectivité, du point de vue d'un gouvernement traditionnel — et c'est lorsque nous parlons de nos droits collectifs — et être conscients que le problème a été créé par l'imposition d'un gouvernement avec lequel nous ne sommes pas à l'aise. Si nous voulons changer cette situation, nous devons reconnaître le travail qui doit être fait pour garantir que les valeurs traditionnelles seront maintenues.
    Permettez-moi de citer une femme, une personne passablement âgée d'une collectivité, qui nous a dit : «  Pourquoi voudrais-je d'une loi qui me garantirait mes droits dans la communauté, si ces droits font de moi une femme diminuée dans ma culture? »
    Je crois donc que nous devons être très sensibles à cette question et que nous devons bien comprendre que la question de la Loi sur les Indiens et du chef et du conseil élus n'est pas encore réglée au sein de la collectivité. Et lorsque nous en arriverons à une solution — un gouvernement autonome, une reconnaissance de cette compétence — nous devons garantir que ces communautés seront autorisées à mettre ces choses en place selon l'échéancier qu'elles jugeront nécessaire.

[Français]

    J'apprécie votre question. Il s'agit d'un enjeu difficile et assez complexe. Je suis d'accord avec vous. Par contre, nous sommes en voie de trouver une solution efficace. J'entends par là un système qui va non seulement rétablir l'équilibre entre les femmes et les hommes, mais également protéger les femmes et les enfants au sein des familles.
(1230)
    J'aimerais poser une question à Mme Grant-John.
    Quand vous dites « tenir compte dans la loi », s'agit-il de la Loi sur les Indiens, ou d'une nouvelle loi qui serait créée?

[Traduction]

    Concernant ce dont je parle, le ministre dit qu'il va proposer une loi, et c'est là une chose que les communautés commencent à accepter. Toutefois, peu importe le modèle législatif choisi, il faut discuter de la mise en oeuvre d'une mesure qui soutient le système de gouvernement traditionnel dans les collectivités. Alors, allez-y et corrigez les lacunes de la Loi sur les Indiens, mais veillez à ne pas alimenter la lutte entre les hommes tout-puissants et les femmes qui ne peuvent supposément pas entrer dans ce système. Quand nous ferons cela, ce sera probablement à la fin du processus, quand nous parlerons de la mise en oeuvre. À quoi tout cela va ressembler lorsque ces communautés concevront leur modèles de gouvernement autonome?
    J'espère avoir répondu à votre question.

[Français]

    Je vais laisser mon collègue vous poser une question.

[Traduction]

    Vous n'avez qu'une minute.

[Français]

    Monsieur le ministre, je vais parler d'un cas très précis. J'aimerais que vous ou Mme Grant-John répondiez à mes questions.
    Un couple a ouvert une station-service dans une réserve. Ces gens, qui étaient mariés, se sont séparés par la suite et ont obtenu le divorce. Une fois le divorce prononcé, l'épouse n'a pas pu obtenir la moitié de l'immeuble. Ces événements se passaient au Québec.
    J'aimerais savoir si, dans le cadre de vos consultations et dans la perspective de l'éventuelle rédaction du projet de loi, vous aviez tenu ou tiendriez compte des lois s'appliquant au Québec.
    Dans votre présentation, vous dites : « C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ces terres ont été mises en réserve. » Qu'est-ce que vous entendez par là? Qu'est-ce que ça implique pour ma cliente? En effet, j'étais l'avocat qui défendait ce dossier. Ce dernier va-t-il être réglé d'ici 20 ans ou va-t-il falloir attendre encore et encore, comme le font ces gens depuis si longtemps?
    Ce sont là des questions difficiles. Quoi qu'il en soit, il est essentiel que nous discutions des lois du Québec et des autres provinces.

[Traduction]

    Sur les détails de l'affaire, depuis que je suis ministre, j'ai entendu parler de diverses situations semblables d'entreprises exploitées par des familles propriétaires, des entreprises qui, après la dissolution du mariage, reviennent entièrement aux hommes. En fait, c'est exactement ce qu'a vécu l'une des femmes qui a parlé le 29 septembre au lancement officiel. Cette réalité fait donc partie du problème auquel nous tentons de remédier.
    Merci, monsieur Prentice.
    Mme Smith est la suivante.
    Je vais partager mon temps avec M. Stanton.
    Très brièvement, monsieur le ministre, nous sommes extrêmement contents que vous soyez ici aujourd'hui et que les droits liés aux biens matrimoniaux aient enfin leur place dans la loi canadienne.
    Ce que Wendy Grant-John avait à dire sur les valeurs traditionnelles m'a beaucoup touchée. Notre fils est marié à une fille ojibway (il est dans la GRC), et ce type de culture est très importante dans les racines et les fondements de toute famille autochtone.
    Le ministre ou Wendy Grant-John pourraient-ils nous parler un peu plus de l'importance de tout cela et des raisons pour lesquelles nous devons être très attentifs à certains des éléments qui nous seront présentés dans le projet de loi qui s'en vient.
    Je vais vous répondre avec grand plaisir.
    Si l'on observe nos collectivités aujourd'hui, on y constate de grandes batailles parce que la collectivité non autochtone ne comprend pas bien d'où nos collectivités sont parties et comment nous voyons la propriété du territoire. Je ne vais parler que de la propriété du territoire, parce que je ne peux pas vous décrire toute la situation.
    En fait, avant l'imposition de la Loi sur les Indiens, les femmes détenaient des terres collectivement, mais ce n'était pas de la propriété comme nous l'entendons aujourd'hui, qui se résume à un prix et qu'on peut acheter ou vendre. La propriété et sa valeur appartenaient à la famille, et les femmes avaient leur mot à dire comme quiconque sur la façon dont les terres seraient réparties, divisées et utilisées. Après l'entrée en vigueur de la Loi sur les Indiens, bien entendu, c'est le modèle britannique qui s'est imposé, et les terres ont été divisées. Je sais que dans beaucoup de collectivités, on ne les a données qu'aux chefs de famille masculins.
    J'aimerais vous parler un peu de la place des femmes. J'ai fait beaucoup de recherches sur le sujet, et mes constatations vont dans le sens de ce que nous disent les aînés, c'est-à-dire que les femmes avaient... en réalité, je pense que les femmes avaient une place plus grande que les hommes dans nos collectivités à bien des endroits.
    Lorsqu'on fait des recherches, on constate dans de nombreux écrits que lorsque les non-Autochtones sont arrivés dans nos collectivités, l'une des premières choses qu'ils ont dites est que ce qu'il faut faire pour (et je ne suis pas d'accord avec cette affirmation) civiliser les Indiens, c'est de briser les relations entre les hommes et les femmes. Il faut instruire les hommes sur la façon de traiter leurs femmes, parce que leurs femmes ont trop de pouvoir. Les femmes ont trop de place dans la collectivité et la prise de décisions; par conséquent, nous devons veiller à ce que les hommes européens apprennent aux hommes indiens la façon de traiter les femmes.
    Les femmes de nos collectivités le savent, et elles tiennent bon dans toute la culture, toute l'histoire, toutes les histoires. Les femmes se maintiennent dans ces domaines, en tant que donneuses de vie, elles conservent une position très élevée. C'est ce de quoi nous parlons lorsque nous disons qu'il faut retourner aux valeurs traditionnelles et faire en sorte qu'en reconstruisant nos collectivités à partir de zéro, comme nous voulons le faire, nous réservions une place aux femmes, une place beaucoup plus grande que dans la société non autochtone, je dois dire.
(1235)
    Merci.
    M. Stanton est le suivant.
    Merci, madame la présidente.
    D'un point de vue très pratique, dans le monde non autochtone et selon les lois provinciales, lorsqu'il y a rupture de mariage, les biens sont souvent vendus, et la valeur de ce qu'on considère comme les biens immobiliers ou autres de la famille sont partagés pour que les membres du couple puissent profiter de la valeur de ces biens et continuer leur vie.
    Dans les cas où il faut tenir compte de choses comme l'occupation des terres dans une réserve, lorsqu'il y a rupture de mariage et que la femme souhaite partir pour refaire sa vie (ou l'homme, pour la même raison) il doit y avoir un accord sur la valeur des biens. Dans ce processus, y a-t-il eu des discussions jusqu'à maintenant sur le règlement financier? Si un règlement financier est envisagé dans un cas comme celui-ci, comment est-il financé si les biens immobiliers ne peuvent pas être vendus?
    Christine Aubin, avocate au ministère de la Justice, travaille à ce dossier.
    La Cour suprême du Canada nous éclaire par deux jugements qu'elle a rendus, celui dans l'affaire Derrickson c. Derrickson et l'autre dans l'affaire Paul c. Paul. C'étaient des affaires identiques.
    Prenons l'affaire Derrickson. Elle portait sur la situation de M. et de Mme Derrickson, qui correspondait exactement à ce que vous venez de décrire. Pour commencer, le tribunal a conclu que les lois provinciales en vigueur régissant les biens immobiliers matrimoniaux en droit de la famille ne pouvaient pas s'appliquer au territoire des réserves. Ensuite, après analyse du conflit qu'il y aurait avec la Loi sur les Indiens, le tribunal a changé son fusil d'épaule et a proposé comme solution le paiement d'une indemnité, le paiement tenant lieu de partage des biens. Il a conclu qu'il n'y aurait pas de conflit, puisque la Loi sur les Indiens ne comprenait aucune disposition sur les paiements d'indemnité et que cette solution pourrait s'appliquer à l'affaire Derrickson c. Derrickson.
    Si l'on juge qu'il faut verser une indemnité en cas de rupture du mariage ou s'il y a une résolution selon laquelle une indemnité est due à l'un ou à l'autre — si une personne reste dans la réserve, par exemple — comment est-elle financée? Dans ce cas-ci, la bande doit-elle investir des ressources ? Dans la pratique, d'où vient l'argent?
(1240)
    Lorsqu'il y a rupture de mariage, le partage des biens ou le paiement tenant lieu de partage des biens constitue un litige entre deux personnes selon lequel si un conjoint doit, dans le cadre du paiement d'indemnité, une somme d'argent à l'autre conjoint, il revient à cette personne de lui remettre ces fonds. Cependant, il y aura une évaluation de l'actif de ce conjoint d'abord pour déterminer le montant du paiement d'indemnité et ensuite, pour en régir l'exécution.
    Merci beaucoup.
    Madame Crowder.
    Je remercie le ministre, son personnel, ainsi que Wendy Grant-John d'être ici aujourd'hui.
    J'ai regardé le site Web du MAINC, et je vois qu'on a tiré des leçons de l'expérience des États-Unis. En gros, il y est question du règlement des litiges sur les biens immobiliers par application du droit tribal devant des tribunaux tribaux, des règlements qui semblent plus réussis que les règlements conclus dans le cadre d'autres régimes. C'est beaucoup plus compliqué que cela, mais je vous résume l'information. J'ai entendu Wendy Grant-John dire qu'il devient de plus en plus acceptable dans les collectivités d'examiner les lois, je présume donc qu'il est implicite que les collectivités n'en sont pas toutes là.
    Ma question porte en deux volets. Le premier s'adresse au ministre et l'autre, à Mme Grant-John.
    Au ministre, compte tenu de l'éventail des propositions que vous faites dans votre exposé, y a-t-il des normes minimales que vous voudriez proposer et que les lois ou règlements devraient respecter? Dans l'affirmative, quels seraient-elles?
    Madame Grant-John, pouvez-vous nous parler un peu plus du fait que cela devient plus acceptable? Je suppose qu'il y a des personnes qui disent que les lois du gouvernement canadien ne sont pas acceptables.
    Je vais faire de mon mieux, madame Crowder, pour répondre à cette question.
    Concernant ce qui se passe concrètement et le vide législatif, j'ai remarqué dans la couverture médiatique entourant l'annonce du 29 septembre que nous allions commencer des consultations, qu'il y a au moins une station qui a décrit la situation comme une échappatoire dans la loi. Je pense que c'est bien plus qu'une échappatoire dans les circonstances, parce qu'il y a 250 000 citoyennes canadiennes des premières nations, des femmes, qui vivent sans la protection des mêmes lois sur les biens matrimoniaux que les autres femmes du Canada. J'y vois un très grave problème de droits de la personne qu'il faut résoudre rapidement. Je l'ai déjà dit lors d'une comparution ici et je le répète: j'exhorte tous les parlementaires de tous les partis rassemblés ici à la table à nous aider à faire en sorte que cette initiative fonctionne, parce qu'il n'est pas acceptable qu'au Canada, en 2006, il y ait un quart de million de femmes qui n'ont pas les mêmes droits que les autres femmes vivant à l'extérieur des réserves au Canada.
    À l'heure actuelle, on constate de légers progrès. Il y a 630 premières nations au Canada, et si je me rappelle bien, 11 ont adopté des régimes sur les biens immobiliers matrimoniaux conformes aux lois de compétence provinciale. La plupart des régimes d'autonomie gouvernementale modernes négociés actuellement dans le cadre des règlements en matière de revendications territoriales tiennent compte de la questions des biens immobiliers matrimoniaux, mais ce n'est pas systématique. Certaines premières nations renvoient à des lois provinciales, d'autres restent muettes, honnêtement, et d'autres, enfin, adoptent des codes propres à leurs premières nations.
    Il y a donc tout un éventail de solutions choisies, mais en gros, nous voulons une loi d'application générale qui s'appliquera le temps que les premières nations se dotent de leurs propres régimes sur les biens matrimoniaux, en conformité avec la charte et l'équilibre général qu'on observe dans les lois provinciales sur les biens matrimoniaux.
    Je vous remercie de soulever cette question et de me demander de préciser mes propos.
    Concernant l'acceptation de modèles législatifs, ce que je disais (et je ne l'ai pas souligné), c'est que lorsqu'on analyse cette lacune ou ce vide, comme on le dit souvent, on accepterait l'ajout de dispositions à Loi sur les Indiens elle-même. Les gens veulent être certains qu'il y a des dispositions là-dessus, mais l'essentiel, c'est que ce n'est qu'un pas vers la reconnaissance juridique de leurs propres modèles. C'est très clair partout où nous allons: nous allons accepter de respecter ce modèle législatif jusqu'à ce que nous ayons le nôtre.
(1245)
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste une minute.
    Madame Grant-John: d'après ce que je comprends de vos propos, il semble que ce soit une solution provisoire jusqu'à ce que les premières nations soient prêtes à adopter leurs propres codes.
    Il faut faire quelque chose immédiatement, et c'est un outil que nous avons à portée de la main. Les gens sont d'accord qu'il faut veiller à ce que... parce que ce sont surtout les femmes et les enfants qui sont touchés, même s'il y a des hommes aussi, et je peux vous en donner des exemples. Tout revient à l'autorité compétente en bout de ligne, mais pour l'instant, nous devons faire tout ce que nous pouvons pour que ces femmes et ces enfants soient protégés dans ces circonstances.
    Vous avez fait mention de modifications à la Loi sur les Indiens plutôt qu'aux lois provinciales.
    Eh bien, il y a trois modèles qui existent en ce moment, mais il y aurait aussi d'autres façons de faire. Il pourrait y avoir d'autres options.
    Madame Minna.
    Merci, madame la présidente.
    Pour commencer, je sais que la pénurie de logements dans les réserves aggrave le problème, et je me demande si cela fait partie de l'équation. Je sais que nous parlons de consultations et d'un projet de loi possible, mais je me demande si la cause sous-jacente qui aggrave la situation dans les réserves fait également partie des réflexions en vue de l'élaboration d'une politique.
    Cela fait certainement partie des réflexions en vue de l'élaboration d'une politique au ministère, mais les consultations portent sur le modèle législatif que nous pouvons adopter pour protéger les femmes et les enfants grâce aux droits sur les biens matrimoniaux. Il ne s'agit pas de régler tous les autres enjeux que l'ancien gouvernement a examinés, que nous examinons.
    Je comprends. Je suppose que ce que je vous dis, c'est que la pénurie de logements est le principal problème qui complique celui-là. Je demande au ministre quels sont les plans qui existent concernant le logement dans les réserves pour atténuer le problème.
    Pour commencer, je ne suis pas d'accord que la pénurie de logements est le problème. J'accepte votre opinion qu'il aggrave la situation, mais le problème fondamental qui nous occupe, c'est qu'il y a des femmes au Canada, en 2006, qui n'ont pas de droits sur les biens matrimoniaux, et il faut remédier à la situation. Il faut y remédier dans le respect des compétences à long terme des premières nations d'adopter des lois pour régler le problème, mais il faut une solution immédiate, comme Wendy le dit, pour que les femmes indiennes des premières nations, ainsi que leurs enfants, jouissent des mêmes protections que les autres Canadiennes.
    Une partie du problème en ce moment, c'est que bien souvent, lorsqu'il y a rupture de mariage, honnêtement, la mère autochtone part avec ses enfants, quitte la réserve et s'installe en ville, où elle vit dans la pauvreté. C'est la conséquence de tout cela et elle n'est pas acceptable, donc nous devons régler le problème.
    Je comprends évidemment l'importance des droits matrimoniaux et du débat que nous avons actuellement et je ne la diminue pas, mais le problème du manque de logement n'est pas réglé pour autant.
    J'aimerais aborder un autre sujet, monsieur le ministre. Lorsque vous avez comparu devant notre comité le 22 juin, vous avez dit : « La consultation est un processus qui mène à la prise d'une décision. Ce n'est pas un processus visant à faire l'unanimité. » En gros, vous parlez de déposer un projet de loi à la Chambre des communes et de vous battre pour qu'il y soit adopté, et c'est tout en ce qui concerne la législation. Qu'arrivera-t-il s'il y a consensus que ce projet de loi n'est pas la meilleure solution? Est-ce déjà tout décidé?
    Voici ce que je vous demande. S'il se dégage des consultations en cours que la solution législative n'est pas la solution idéale, y a-t-il un plan B?
(1250)
    Tous les comités qui se sont penchés sur la question, y compris ce comité et le comité du Sénat, ont dit, en gros, qu'il était inacceptable que les femmes des premières nations n'aient pas de droits sur la propriété. La seule façon de remédier à ce problème est de créer un mécanisme législatif. Il n'y a pas d'autre moyen de conférer des droits de la personne ou des droits de propriété à des femmes que volonté de l'assemblée législative, du Parlement du Canada, de prendre des mesures pour corriger la situation.
    Ce que j'ai dit, en tant que ministre, c'est que j'avais l'intention de m'en occuper. J'ai l'intention de présenter un projet de loi. S'il y en a qui votent contre, ils devront en répondre. Pour ma part, j'ai l'intention de prendre des mesures pour protéger les femmes des premières nations et leurs enfants et leur accorder les mêmes droits qu'aux autres Canadiens. Ce projet de loi sera déposé au Parlement, et les gens pourront faire leur propre choix en tant que parlementaires à ce moment-là. Il y aura toutefois une solution. La consultation vise à étudier les différentes options à moyen et à long termes, mais il va y avoir un projet de loi.
    Je présume qu'en cours de route...
    Madame Minna, votre temps est écoulé.
    Madame Smith.
    Ma question s'adresse au ministre. Je suis ravie d'entendre que ce gouvernement prend les choses en mains pour régler le problème. Depuis si longtemps, on multiplie les études des différents partis sur le sujet. Je vous félicite et suis d'accord avec vous de tout coeur qu'il faut régler le problème des droits matrimoniaux. Le ministre pourrait-il donner au comité une idée du moment où ce projet de loi pourrait être déposé et les consultations avoir lieu?
    Wendy va mener ses consultations pendant l'automne de la façon décrite. Elle et moi allons discuter. Nous parlons périodiquement des progrès réalisés, et les consultations vont se poursuivre jusqu'à Noël et au cours de la prochaine année. Nous espérons que dès que possible, au printemps, Wendy sera assez avancée dans ses consultations pour proposer une recommandation en toute confiance. Nous allons prendre le temps qu'il faudra pour nous asseoir, digérer ce que nous avons entendu, formuler la recommandation de Wendy et déposer un projet de loi au printemps.
    Je pense bien parler au nom de nous tous en vous disant que ce sont d'excellentes nouvelles. Peut-être suis-je un peu biaisée, puisqu'il y a une femme ojibway dans ma famille. Il y a toutefois si longtemps que j'entends parler de tout cela. Nous parlons de l'égalité des femmes et de moyens pour aplanir les obstacles, et il est clair que c'est l'un des obstacles que nous avons hâte de voir disparaître.
    Voulez-vous ajouter quelque chose? Avez-vous autre chose à dire, monsieur Prentice?
    Je fais pleinement confiance à Mme Grant-John. Je suis certain que vous allez la revoir, mais je crois que vous avez tous une bonne idée de la qualité de la personne qui va diriger ce processus. Je sais qu'elle va faire de l'excellent travail et qu'il se traduira par une solution législative qui protège les femmes et les enfants.
    J'implore tous les députés de toutes allégeances à travailler avec nous. Lorsque j'étais dans l'opposition au Parlement et depuis que je suis ministre, l'un des groupes qui me touchent le plus est l'Association des femmes autochtones du Canada, qui se décrit comme un organisme qui représente les pauvres parmi les pauvres dans notre société. L'Association des femmes autochtones du Canada, de même que l'APN et les membres des collectivités veulent vraiment qu'on règle ce problème. Il faut penser à eux. De plus, Il faut que ce Parlement ait le courage de prendre des mesures et d'adopter une loi qui prescrit la protection des droits de la personne des femmes et des enfants des premières nations.
(1255)
    Monsieur Prentice, nous vous remercions, vous et votre personnel, d'avoir pris le temps de venir discuter avec nous d'un problème que nous voudrions tous voir résolu.
    Nous allons lever la séance dans un instant. J'avise les membres du comité que Mme Minna a déposé un avis de motion. Prenez-en bonne note pour la prochaine réunion.
    Madame Mourani.

[Français]

    Madame la présidente, je veux savoir si, au prochain comité, on pourra obtenir l'ordre du jour et la liste des nouveaux témoins. J'aimerais voir, sur le calendrier, le jour où ils viendront témoigner. Je vous ai soumis des noms et j'aimerais voir ce qu'il en est.

[Traduction]

    Oui, merci, madame Mourani.
    Je vous remercie tous et toutes. La séance est levée.