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Je déclare la séance ouverte. Nous avons un léger retard ce matin, car l'autre comité a mis du temps à libérer la salle. Nous allons commencer immédiatement.
S'il vous plaît, regardez les documents qui sont devant vous. Vous en avez plusieurs. Il y a l'exposé de Vivita Rozenbergs adressé au Comité permanent de la condition féminine.
Vous devriez aussi avoir une note préparée par le Service d'information et de recherche parlementaires pour le Comité permanent de la Chambre des communes, sur la traite des personnes.
Vous avez aussi un document de discussion préparé par le Service d'information et de recherche parlementaires, intitulé « Définir les paramètres d'une étude sur la traite des personnes ».
Le Service d'information et de recherche parlementaires a également dressé la liste des témoins qui ont comparu ou ont été invités à comparaître, en date du 23 octobre 2006. Vous devriez l'avoir aussi.
De plus, il y a une liste d'autres témoins qui pourraient être invités et un avis de motion de Mme Minna. En dernier lieu, vous trouverez le calendrier des réunions.
Tout cela devrait se trouver devant vous ce matin.
Mme Sgro, notre présidente, sera en retard. Elle avait un autre engagement, mais elle doit arriver incessamment. Nous allons donc commencer par les déclarations des témoins sur la traite des personnes.
Il faut commencer. Nous avons déjà une quinzaine de minutes de retard et nous voulons entendre tous nos témoins.
Je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes très heureux de vous accueillir ici pour parler de cette question très importante pour la condition féminine. Nous accueillons d'abord les représentantes de l'Organisation internationale pour l'immigration. Vivita Rozenbergs est chef de l'unité de lutte contre la traite des personnes. Soyez la bienvenue.
Je ne sais pas si je peux prononcer votre nom. Je vais essayer. Niurka?
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Oui. Merci, madame la présidente, de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui devant le comité.
C'est un honneur pour moi de vous faire part des préoccupations de l'Organisation internationale pour les migrations en matière de traite des êtres humains.
La traite est un procédé de coercition et d'exploitation qui englobe, en plus des questions de migration, les questions relatives au sexe, à la main-d'oeuvre, aux droits de la personne et à la sécurité.
Permettez-moi aujourd'hui de mettre en évidence quelques-uns des programmes de l'OIM pour lutter contre la traite des êtres humains et de vous faire part de quelques-unes des leçons que nous avons apprises en apportant une assistance directe aux victimes, quant à la façon dont nous pouvons globalement mieux répondre à leurs besoins.
À titre d'organisation intergouvernementale et internationale, l'OIM préconise une migration ordonnée et humaine au profit de tous les migrants et collabore étroitement avec les partenaires gouvernementaux, intergouvernementaux et des ONG pour répondre aux besoins divers des populations de migrants à l'échelle mondiale.
L'OIM compte 118 États membres, dont le Canada. Notre structure organisationnelle est hautement décentralisée et axée sur le service. L'organisation a 280 bureaux régionaux dans le monde. La vaste présence géographique de l'OIM et sa mission d'aider les gouvernements à gérer la migration et à assurer la sécurité et le bien-être des migrants nous positionnent de façon unique pour donner des conseils stratégiques et pour apporter une aide directe aux victimes de la traite des êtres humains grâce au réseau mondial de l'OIM.
Depuis plus d'une décennie, l'OIM collabore avec ses partenaires pour élaborer des stratégies proactives axées sur les victimes. Nous cherchons à renforcer les outils et les ressources mis à la disposition des fournisseurs de services aux victimes et des organismes d'application de la loi pour faire condamner les trafiquants.
On estime qu'au moins un million d'hommes, de femmes et d'enfants font l'objet de traite interfrontalière et sont poussés dans une servitude involontaire. Bon nombre font l'objet de traite dans leur propre pays, à l'intérieur et à l'extérieur de leur communauté locale, ce qui permet aux malfaiteurs de réaliser d'énormes profits avec une impunité relative dans de nombreuses parties du monde.
C'est dans ce contexte que l'OIM réalise actuellement plus de 150 projets de lutte contre la traite dans quelque 70 pays d'origine, de transition et de destination. Jusqu'à maintenant l'OIM a aidé directement plus de 100 000 personnes. L'OIM peut lutter contre les activités de traite seulement grâce à l'appui financier que lui accordent les gouvernements et d'autres donateurs. Actuellement, la plus grande partie du financement des activités de lutte contre la traite de l'OIM provient d'organismes gouvernementaux américains, suivis par la Suède, l'UE et l'Australie. Au cours des cinq dernières années, l'OIM a reçu environ 488 000 $ du gouvernement canadien. Cela lui a permis de mettre en oeuvre des activités de lutte contre la traite dans 11 pays et régions.
Dans le cadre de l'intervention du Canada pour relever le défi de plus en plus grand que pose la traite des êtres humains à l'intérieur de ses frontières, des activités de formation en application de la loi ont été organisées avec la participation de l'OIM, à l'intention d'agents d'immigration, de responsables frontaliers, de policiers, de procureurs et de décideurs du Canada, afin de renforcer les capacités et les techniques utilisées pour faire enquête et intenter des poursuites dans les cas de traite d'êtres humains.
L'an dernier, un représentant de l'OIM au Costa Rica a présenté quelques pratiques communautaires efficaces pour lutter contre le problème à l'occasion d'une rencontre organisée par la Croix-Rouge canadienne, le Conseil canadien pour les réfugiés et d'autres particuliers et organisations intéressés de la Colombie-Britannique, pour mettre en lumière le phénomène.
Ce sont là quelques exemples d'efforts fédéraux, provinciaux et locaux en vue de mobiliser la société civile pour mieux comprendre et définir le rôle de chaque intervenant pour lutter de façon coordonnée.
D'après l'expérience de l'OIM, une telle collaboration est nécessaire pour traiter le problème globalement.
La capacité des particuliers et des institutions est cruciale pour établir une intervention et une stratégie à long terme qui permettront de s'attaquer à la traite des êtres humains de façon globale et durable. La formation continue et l'échange d'information sont essentiels.
Malgré les vaillants efforts déployés à l'échelle internationale pour faire connaître le problème, la traite des êtres humains reste l'un des plus grands défis qu'aient à relever les décideurs et les praticiens en matière de politique de migration à l'échelle mondiale.
Lorsqu'une personne est la proie d'un trafiquant, les conséquences pour cette personne sont extrêmement graves. Souvent, les victimes ne savent pas où aller chercher de l'aide, ou elles ont trop peur pour le faire. Parfois, les victimes qui échappent aux trafiquants sont victimisées de nouveau par les autorités qui les expulsent à cause de l'irrégularité de leur statut d'immigration, plutôt que de leur accorder la protection qu'elles méritent.
Le personnel de l'OIM et des organismes partenaires locaux connaissent de première main la peine et la souffrance que subissent les victimes de traite, des personnes dont les espoirs d'emploi et de sécurité contre la persécution ou la violence ont été anéantis. Il est déchirant de penser aux personnes réduites à l'esclavage que nous n'avons pas jointes. Dans l'ensemble, les besoins des victimes de la traite dépassent grandement les ressources dont nous disposons actuellement pour les aider. C'est pourquoi il est d'autant plus important que les organisations échangent sur l'expérience qu'elles ont de la traite des êtres humains, car cette activité reste un phénomène en constante évolution.
Ces dernières années, l'OIM s'est efforcée de documenter et de partager son expérience de travail sur le terrain dans le contexte de la vie réelle. Par exemple, grâce à l'appui financier du United States Department of State, Bureau of Population, Refugees and Migration, l'OIM a mis sur pied des modules de formation sur la lutte contre la traite pour présenter les composantes essentielles des activités de lutte contre la traite, y compris les campagnes d'information, la coopération et le réseautage, le retour et la réinsertion, et le renforcement des capacités. Les trois prochains sujets qui seront traités sont l'assistance directe, les enfants, et les techniques de repérage et d'entrevue des victimes. Cette série de supports pédagogiques étroitement liés entre eux a été conçue pour s'adapter facilement aux divers contextes; ainsi, le gouvernement, les organismes non gouvernementaux et les donateurs ont un accès rapide et abordable à une formation sur la lutte contre la traite par l'entremise de l'OIM.
Mentionnons également le livret d'assistance interne de l'OIM, qui sera bientôt disponible dans une version adaptée pour les partenaires de l'extérieur, et notre base de données sur le module de lutte contre la traite, seule base de données mondiale contenant de l'information de sources primaires. Elle est très utilisée par les gouvernements, les organismes d'application de la loi, les ONG et d'autres entités, comme source de données importante.
D'autres intervenants dans la lutte contre la traite des êtres humains peuvent appliquer des stratégies et des approches également efficaces. Ce qui importe, c'est de partager les leçons qui ont été tirées de l'expérience commune. L'OIM a constaté qu'un processus bien établi pour le retour et la réinsertion des victimes de traite est au coeur de l'établissement d'une intervention globale pour lutter contre la traite. Dans le cadre de ce processus, le contact constant avec les victimes est essentiel; par conséquent, il est très important que les organismes de prestation de services soient connus et que leur capacité soit renforcée pour assurer la sécurité et la protection de la victime tout en maintenant une approche humaine de la prestation des soins et des services.
À la lumière de son expérience, l'OIM encourage les organismes à adopter les principes de base qui guident les mesures d'assistance directe, y compris le respect des droits de la personne de toutes les victimes aidées, le consentement informé de la victime, le droit à la vie privée, l'autodétermination et la participation volontaire, en particulier pour ce qui est du retour dans le pays ou la collectivité d'origine.
La prestation de services dans un environnement qui sauvegarde la dignité et donne un sentiment de bien-être et de confiance entre le fournisseur de soins et la victime peut aussi faciliter l'échange d'information qui pourrait aboutir à l'arrestation et à la condamnation des trafiquants et de personnes complices de la situation de traite. Surtout, un traitement adéquat des victimes de traite dans le processus de retour et de réinsertion entraîne le rétablissement des victimes et leur réinsertion dans la société. Cela réduit aussi grandement la possibilité qu'elles fassent de nouveau l'objet de traite.
Par exemple, le bureau de l'OIM à Washington, D.C., met en oeuvre un programme unique qui aide les victimes de traite étrangères repérées aux États-Unis. Le programme Return, Reintegration and Family Reunification de l'OIM facile le retour volontaire et la réinsertion des victimes de traite et leur permet de rentrer chez elles en toute sécurité. Ce programme réunit les victimes qui ont obtenu des visas et l'autorisation de demeurer aux États-Unis avec des membres de leur famille immédiate.
Les victimes étaient des hommes, des femmes et des enfants forcés de travailler comme domestiques, prostitués, ouvriers qualifiés et dans les secteurs de l'agriculture et de la restauration. Jusqu'à maintenant, 48 personnes provenant de 15 pays sont retournées chez elles ou ont été réunies avec les membres de leur famille. Nombre de celles qui ont été réunies avec les membres de leur famille sont des enfants qui n'avaient pas vu leurs parents depuis des années. Actuellement, nous aidons une cinquantaine d'autres personnes.
Peu importe leur niveau de développement socio-économique, de nombreux États s'efforcent continuellement d'améliorer leur capacité de gérer efficacement les mouvements de population et de trouver des mécanismes acceptables de lutte contre la traite.
L'OIM croit que cet engagement politique, conjugué au soutien d'organismes comme l'OIM, est le moyen le plus efficace de lutter contre la traite et de mettre fin à l'exploitation de ses victimes.
Madame la présidente, merci de nous avoir écoutés aujourd'hui.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs, bonjour.
Dans mon bref exposé d'aujourd'hui, je ne peux que résumer l'essentiel de ce que vous trouverez dans le document que j'ai rédigé pour la rencontre. Ce document donne un aperçu des grandes tendances et de l'évolution ainsi que de certaines lacunes et de quelques priorités, y compris en ce qui concerne les instruments et l'expérience de l'OIT.
L'OIT est une organisation tripartite. C'est la plus ancienne organisation du système de l'ONU, elle existe depuis 1919. Nous avons la particularité de réunir des représentants des gouvernements et d'organisations d'employeurs et de travailleurs, ce qui nous place parfois dans une position très particulière pour tenter de négocier des interventions et des ententes consensuelles. Nous disposons d'un certain nombre d'instruments, y compris des traités — dont deux portent sur le travail forcé — qui comprennent la traite. Ils revêtent une importance particulière dans le contexte de la lutte contre l'exploitation sexuelle et d'autres formes de travail forcé même si nous savons d'expérience que, selon les cadres législatifs nationaux, ils ne suffisent pas nécessairement puisque nous touchons au domaine de la criminalité et non plus seulement dans à celui du droit du travail.
Quoi qu'il en soit, ce n'est qu'une brève introduction.
D'entrée de jeu, j'aimerais dire qu'en effet, ensemble, nous pouvons lutter contre l'exploitation sexuelle et la traite connexe qui, dans le cas spécifique de l'exploitation sexuelle, ciblent en particulier les femmes et les jeunes filles. Lorsque je dis « ensemble », je veux dire que les parlementaires, les décideurs, les journalistes, les chercheurs, les fonctionnaires d'organismes internationaux et nationaux, les donateurs, les consommateurs et les organisations d'employeurs et de travailleurs peuvent tous intervenir.
Ces dernières années, nous avons été indignés et dégoûtés par les films et les informations sur la façon dont des bandes criminelles exploitent les femmes et les jeunes filles et, évidemment, en conséquence, nous avons élaboré un certain nombre d'initiatives pour lutter contre cette exploitation.
Oui, arrêtons les prédateurs. Mettons-les en prison. Mais il faut se demander pourquoi ils ne sont pas plus nombreux derrière les barreaux. Évidemment, c'est le point de départ. Nous tenons quelques personnes. Nous devons être plus efficaces pour boucler la boucle, combler les lacunes et les failles de la loi. Pour ce faire, nous devons savoir exactement ce que nous combattons.
Pour ce qui est de l'ampleur du problème, nous n'avons pas de chiffres fiables pour une quelconque région du monde. L'an dernier, dans le rapport mondial sur le travail forcé, l'OIT a présenté la première tentative pour établir des estimations à l'échelle internationale. Nous n'en sommes pas fiers, mais ces estimations révèlent quelques aspects clés, ce qui est très important pour mettre toute cette activité en perspective.
Nous parlons d'un nombre estimatif de 12,3 millions de victimes du travail forcé contemporain, dont 2,5 millions de victimes de traite des personnes. Cela signifie que la traite représente environ le cinquième de notre total estimatif. Nous parlons de chiffres très moyens. Nous savons aussi que près de 10 millions de ces victimes se trouvent en Asie-Pacifique. En Amérique latine, elles sont environ 1,3 million.
Notre préoccupation première est d'essayer de comprendre les caractéristiques du phénomène. Même si les victimes du travail forcé ne sont pas toutes victimes de traite, les victimes de traite finissent presque toujours en situation de travail forcé. La plupart des victimes de traite se retrouvent dans le domaine de l'exploitation sexuelle commerciale. Environ 95 p. 100 de ces victimes sont des femmes et des jeunes filles. Au moins un tiers sont aussi assujetties à d'autres formes d'exploitation économique, et le nombre de ces victimes est sous-estimé. Pour l'exploitation spécifiquement économique, autre que l'exploitation sexuelle, nous estimons qu'environ 56 p. 100 des victimes sont des femmes et des jeunes filles. Environ 40 p. 100 de toutes les victimes du travail forcé ont moins de 18 ans.
Il faut noter qu'au fil des ans, les responsables de l'exploitation ont changé. Par le passé, la majorité des bénéficiaires du travail forcé étaient des États, en raison du travail des prisonniers. Aujourd'hui, nous constatons que dans quatre cas sur cinq le bénéficiaire est le secteur privé. C'est un important changement. Nous constatons une augmentation de l'exploitation sexuelle. Par le passé nous n'en voyions pas autant, peut-être faute d'information.
À en juger par ces estimations, il faut lancer un appel à l'aide pour les femmes victimes de traite aux fins d'exploitation sexuelle. Il ne s'agit pas d'un phénomène isolé, mais plutôt d'un sous-ensemble du problème beaucoup plus vaste que représentent le travail forcé et la traite des personnes.
Plus nous examinons l'expérience de l'OIT, plus nous reconnaissons que la traite pour l'exploitation sexuelle forcée s'inscrit dans le contexte plus vaste du travail forcé et de la traite. Ces pratiques sont étroitement tributaires des lacunes des marchés du travail, de la migration et des lois et politiques connexes.
Pourquoi? Quel est le lien? La traite aux fins d'exploitation sexuelle repose essentiellement sur de fausses promesses et des illusion concernant les emplois, de meilleurs emplois. L'histoire se répète sans cesse. La jeune fille, la jeune femme se voit offrir un emploi précis, mais lorsqu'elle arrive elle constate qu'elle est piégée.
Ce phénomène ne touche pas seulement les femmes; il touche aussi les hommes. Les femmes ainsi prises ne se retrouvent pas nécessairement dans des situations d'exploitation sexuelle forcée; elles peuvent aussi être dans d'autres situations. Dans certains cas, elles peuvent être victimes de la traite, mais dans d'autres, elles ne le sont pas. Il peut s'agir de migration illégale: la personne est déjà sur place et elle est coincée. Qu'est-ce que cela signifie pour nous? Cela signifie que nous devrions cesser de mettre l'accent sur la traite et examiner l'ensemble du problème, au-delà de la traite. Nombre de personnes sont victimes de ces pratiques mais pas nécessairement de la traite.
Nous ne prétendons pas que ces activités concernent uniquement les marchés du travail. Elles peuvent se rapporter aux marchés du travail et à la migration, mais il faut reconnaître que les fausses promesses et les illusions s'ancrent essentiellement dans l'informalité croissante des marchés du travail, y compris les pratiques de travail illégales. Pourquoi? Parce que si on ne lui avait pas fait miroiter la possibilité d'un emploi meilleur, si elle n'y avait pas cru, cette jeune fille, cette femme, ne se serait pas retrouvée dans cette situation. Si elle est coincée lorsqu'elle arrive, elle trouvera fort probablement un emploi illégal, et elle le sait parce qu'elle a des cousins et des amis sans papiers qui ont trouvé des emplois illégaux. C'est un cercle vicieux; le problème est réel. Il combine les illusions et les promesses ancrées dans l'informalité croissante, les pratiques de travail illégales, et cela est en partie attribuable à la déréglementation excessive des marchés du travail.
Nous encourageons ainsi la migration illégale, nous encourageons la traite parce que sans migration illégale, il n'y a pas de place pour la traite. Nous devons donc boucler la boucle en examinant ces problèmes ensemble. C'est pourquoi il importe d'aborder la question de la traite du point de vue des marchés du travail, des migrations et des lois de l'immigration, de l'immigration légale et illégale et des pratiques de migration illégales.
Pour ce faire, nous devons d'abord mieux comprendre les causes, les modalités de la traite, tant pour l'exploitation sexuelle que pour d'autres formes de travail forcé. Un peu comme le trafic de drogues et d'armes, la traite de personnes à des fins d'exploitation sexuelle ou autres comprend un côté offre et un côté demande. Le problème, c'est que la plupart d'entre nous, ces dernières années, se sont souvent trop intéressés au côté offre et pas assez au côté demande. Nous n'avons donc pas une idée claire de la situation et nous tournons en rond. Parfois, les initiatives innovatrices ne permettent pas vraiment de combler les lacunes, et...
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Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, nous vous remercions de nous avoir invités à témoigner à ce comité dans le cadre de la recherche réalisée sur la question du trafic.
Permettez-moi d'abord de vous dire en deux mots ce qu'est le groupe CATHII. Il s'agit d'un comité d'action contre le trafic humain interne et international. On parle ici d'un regroupement de communautés religieuses représentées aux Nations Unies, de chercheurs du milieu universitaire — par exemple, Mme Aurélie Lebrun, qui m'accompagne aujourd'hui —, de représentantes et représentants d'ONG comme la Conférence religieuse canadienne, du Service de police de Montréal, de l'Association des religieuses pour la promotion des femmes, du Service Intercommunautaire d'Animation Franciscaine, du Centre justice et foi, bref de groupes qui ont pour but de lutter ensemble contre le trafic humain interne et international.
Nos objectifs sont entre autres de coordonner des initiatives permettant la sensibilisation. Par exemple, des sessions ont rejoint des centaines de personnes partout au Canada au cours des deux dernières années. En ce qui concerne l'information, nous sommes en contact avec plusieurs réseaux partout au pays. Enfin, pour ce qui est de la mobilisation, nous avons fait du lobbying. À cet égard, certains d'entre vous ont reçu des pétitions ou des lettres de la part des membres de CATHII ou des communautés religieuses ayant des liens avec nous.
En outre, nos partenaires sont très importants. Il s'agit entre autres du Centre national de coordination contre la traite de la Gendarmerie royale du Canada, de l'Association du personnel domestique et du Centre d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel.
Il est important de vous dire que CATHII a adopté l'approche néo-abolitionniste, celle que l'on retrouve notamment en Suède. Elle consiste à décriminaliser les personnes prostituées tout en criminalisant la prostitution et les clients, non sans avoir préalablement mis sur pied des programmes de prévention, de sensibilisation et d'accompagnement, notamment à l'intention des clients. Il est clair pour nous que la légalisation de la prostitution ouvrirait la porte à une croissance considérable de la traite des femmes. Il est clair également que la prostitution est de l'exploitation sexuelle et que si, pour un maximum de 5 p. 100 des personnes prostituées il s'agit d'un travail, pour 95 p. 100 d'entre elles, il s'agit d'une activité qui les détruit, qu'elles se sentent forcées de faire et qu'elles veulent abandonner.
Actuellement, CATHII se concentre principalement sur tout ce qui concerne la protection des victimes, par exemple l'application du Protocole de Palerme, le visa temporaire, le refuge d'urgence et la demande des clients. Mme Aurélie Lebrun vous parlera de l'aspect clients, la nouvelle priorité à laquelle nous voulons nous consacrer. Pour ma part, je parlerai des trois autres enjeux.
En mai 2002, comme vous le savez, le Canada a ratifié le Protocole de Palerme, qui incite les pays signataires à adopter des mesures de protection destinées aux victimes. Or, jusqu'à tout récemment, peu de mesures concrètes avaient été prises, sauf pour ce qui est d'offrir un permis de séjour temporaire aux présumées victimes de la traite. Nous comprenons qu'il est important de traduire en justice les trafiquants afin d'éliminer le problème à la source, mais nous croyons qu'il est aussi important d'appliquer des mesures de protection réelles, sans quoi les victimes n'accepteront jamais de collaborer avec la police et témoigner. Autant par respect pour les droits humanitaires des victimes que pour des raisons d'efficacité juridique, il est important de protéger les victimes.
En ce qui concerne l'octroi d'un permis de séjour temporaire, nous reconnaissons qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction. Nous croyons cependant qu'il comporte des faiblesses, notamment celle de ne pas dire clairement que les victimes ne seront pas obligées de témoigner si elles ne s'en sentent pas encore capables. Il ne prévoit pas non plus de permis de travail. De plus, il est précisé que si l'agent juge que la personne est victime de la traite, il doit la diriger vers son ambassade. Pour nous, il s'agit d'un aspect inquiétant des directives. En effet, nous avons connu un cas où la victime du trafic était en fait exploitée par son ambassade.
Pour ce qui est de la durée du permis, nous croyons qu'un permis de 120 jours permettrait difficilement à une victime de se rétablir réellement d'un traumatisme physique ou mental. Nous croyons que des dispositions législatives complètement nouvelles, qui permettraient aux victimes d'obtenir un visa, auraient l'avantage, outre celui d'accorder un statut légal à celles qui n'en auraient pas, de régler ces problèmes.
Enfin, nous constatons que l'octroi du permis de séjour temporaire ne prévoit pas d'hébergement pour les victimes du trafic. En fait, il ne prévoit aucun service, sauf des services de santé que le permis permettrait financièrement aux provinces d'offrir.
C'est la division de Vancouver de la GRC qui a d'abord demandé aux gens de CATHII s'ils pouvaient offrir un refuge d'urgence, leurs services ne disposant d'aucun budget à cet effet, pas plus que pour l'encadrement, l'interprétation ou la réhabilitation. Les communautés religieuses du Canada peuvent offrir un hébergement temporaire à ces victimes. Certaines ONG sont elles aussi prêtes à accueillir ce type de clientèle.
Cependant, qui assumera le financement des services connexes requis? C'est là le principal problème que nous devons résoudre. Compte tenu que le Canada a signé le Protocole de Palerme, il doit aussi, selon nous, accepter d'avaliser les budgets qui concrétiseront ses engagements envers les victimes.
Je cède maintenant la parole à Mme Lebrun.
Une des priorités de CATHII consiste à questionner la demande. Il faut comprendre que le phénomène de la prostitution et de la traite est organisé, développé et orienté à partir de la demande des clients, qu'on appelle de plus en plus les clients prostitueurs. Je commence une recherche à l'Université d'Ottawa dans le cadre d'un stage postdoctoral financé par le CATHII. Il s'agit d'une recherche sur les clients au Québec.
De nombreux chercheurs s'entendent pour dire que les clients prostitueurs sont le moteur qui fait tourner l'industrie du sexe. Sans cette demande, la présence de plus en plus importante de femmes et de jeunes filles dans le domaine de la prostitution ne serait pas nécessaire. C'est dans cette optique qu'il faut comprendre le phénomène de la traite d'êtres humains à des fins de prostitution.
En effet, la demande explicite des hommes canadiens pour des femmes et des jeunes filles dites exotiques, notamment des Asiatiques et des Russes qui se retrouvent dans les salons de massage et dans les agences d'escorte des grandes villes canadiennes, explique l'importation organisée, non seulement internationalement mais aussi localement, de femmes et de jeunes filles dans l'industrie du sexe canadienne.
Je parlais d'organisation locale parce que la demande de ce que l'on qualifie d'exotisme est également une des raisons pour lesquelles des Québécois se retrouvent dans des bars de danseuses en Ontario. C'est ce qu'on appelle de la traite domestique ou interne. L'invisibilité des clients prostitueurs lors des débats sur la traite des êtres humains à des fins de prostitution et sur la prostitution est étonnante. En effet, ils composent au moins 90 p. 100 du monde prostitutionnel.
Ce silence et cette invisibilité sont toutefois relatifs. Dans le cadre de nombreux forums qui se tiennent sur des sites Internet canadiens faisant la promotion de la prostitution, les clients prostitueurs échangent conseils et expériences concernant leurs achats : taille des seins, fermeté des fesses, couleur de la peau, diligence à s'exécuter, techniques utilisées, ardeur à la tâche. Toutes les « qualités » des femmes sont discutées pour être ensuite monnayées avec soin. Dans ces échanges de courriels, les stéréotypes raciaux sont légion : les massages thaïlandais sont les meilleurs, les Asiatiques sont les plus gentilles mais peuvent également être pingres, et les Russes aiment la chose. L'arrivée de nouveaux produits, donc de nouvelles femmes, est toujours une bonne nouvelle que les clients prostitueurs s'empressent de diffuser dans ces forums.
La présence de femmes et de jeunes filles recrutées et transportées de l'étranger pour répondre à la demande canadienne est une dimension de l'industrie du sexe. Selon nous, il est erroné de croire que la décriminalisation de la prostitution mettrait un frein à la traite des êtres humains, bien au contraire. Dans tous les pays où l'industrie du sexe à eu le feu vert, la traite des femmes a augmenté. En effet, plus on banalise l'achat de femmes, plus la marchandisation des femmes devient normale; plus l'industrie du sexe s'affiche dans les petites annonces des journaux, sur Internet ou dans les pages jaunes, plus la société canadienne en général, et les hommes en particulier, apprend à penser que payer une femme pour la soumettre à ses désirs est normal, voire même souhaitable.
L'acte prostitutionnel ne peut en aucun cas être pensé comme un échange entre deux adultes consentants. Lors des échanges entre clients prostitueurs sur Internet, les femmes sont rarement mentionnées comme des individus à part entière, mais plutôt comme des morceaux de corps ou une capacité à faire plaisir. En effet, ce que les clients achètent est la possibilité et le droit de soumettre une femme à leurs propres désirs. Ils payent pour qu'on leur dise oui. Or, le droit des femmes à dire non a été et est encore une revendication importante des mouvements féministes.
Ainsi, il semble faux de faire une distinction entre la prostitution volontaire et la prostitution forcée, cette dernière étant la traite des êtres humains et la prostitution des mineurs. Les femmes victimes de la traite à des fins de prostitution se retrouvent dans l'industrie du sexe au Canada. Elles côtoient des Canadiennes. Qu'elles viennent de Montréal, d'une réserve autochtone ou de la Chine, les femmes se retrouvent toutes ensemble dans l'industrie du sexe pour satisfaire à la demande des hommes canadiens. Il est vain de prétendre que ce sont deux réalités distinctes. Certaines expertes internationales dont le travail concerne la traite des êtres humains à des fins de prostitution vont parfois jusqu'à dire que les victimes de la traite sont mieux traitées que les femmes du pays de destination. À ce sujet, nous avons appris récemment que des Québécoises, par exemple, pouvaient être enchaînées dans des pièces et vivre des situations proches de l'esclavage. Pourtant, on parle ici de Québécoises.
Faire une distinction entre prostitution choisie et prostitution forcée équivaut à centrer sur les femmes toute l'analyse et la compréhension de la prostitution, sans jamais remettre en question ce que les clients veulent, expriment et font lorsqu'ils construisent leurs désirs sexuels sur la soumission et la violence.
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Bonjour à tous et merci de vos témoignages, qui sont d'ailleurs très intéressants.
On a rencontré et entendu plusieurs témoins. À la suite de plusieurs lectures — corrigez-moi si je fais erreur —, j'ai constaté un gros problème en ce qui touche la définition, au départ, de la traite de personnes. Le terme, tel que défini, pose problème, même au niveau international, si l'on se réfère au protocole. À l'article 3, on parle de travail, on parle de traite de personnes en vue d'un travail, car on considère la prostitution comme un travail. On dit qu'il est illégal de traiter quelqu'un en vue de le faire travailler en tant qu'esclave. Et on met tout là-dedans : l'agriculture, la prostitution, l'aide domestique; n'importe quel travail. Déjà, au départ, il y a un problème dans cette définition.
Humblement, ayant moi-même déjà fait des recherches, je donnerai l'exemple des gangs de rue. On sait combien il y a de gangs à Montréal. Pourtant, ce sont des individus qui pratiquent des activités illicites. Comment se fait-il que nous sommes incapables d'évaluer, de manière approximative, l'ampleur de la traite des personnes? Est-ce une question de définition, qui fait qu'on met tout dans un même sac et qu'on n'arrive pas à progresser devant un problème d'importance majeure? Déjà, si l'on regarde du côté des groupes criminels, la traite de personnes représente un marché très florissant pour les gangs de rue, pour les motards, etc. Ma première question porte donc sur la définition du terme.
Ma deuxième s'adresse à Madame Rozenbergs. Comment se fait-il que le Canada investisse si peu d'argent dans la lutte contre la traite des personnes? Il y a des pays qui collaborent énormément; vous parliez des États-Unis, de la Suède et de l'Australie.
Actuellement la plus grande partie du financement des activités mondiales de lutte provient, selon le mémoire que vous avez soumis, du gouvernement américain, de la Suède, de l'Union Européenne et de l'Australie. Le Canada est mentionné mais, à mon avis, sa contribution n'est pas très élevée.
Si on considère uniquement la lutte contre les gangs de rue à Montréal, on évalue que 40 millions de dollars permettraient d'éradiquer ce phénomène. Je n'utilise pas le mot « éradiquer » dans le sens de faire disparaître, mais plutôt dans le sens de contrôler. Donc, pourquoi le Canada consacre-t-il si peu d'argent à un problème d'envergure mondiale? C'est peut-être une question très politique à laquelle vous ne pourrez pas répondre. Ce sont mes deux questions.
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Je vais répondre à la première.
C'est sûr que le problème de définition est une abomination; personne ne perçoit de la même façon ce qu'est une victime de la traite, surtout quand on parle de prostitution. C'est ce que j'ai essayé d'aborder brièvement dans mon texte, c'est-à-dire que l'idée qu'il y ait une prostitution forcée et une prostitution volontaire, cela brouille les cartes, surtout quand la police n'a pas vraiment les moyens de mener des interrogatoires auprès des personnes. Il y a aussi toute la conception qu'on a de la victime et de ce que cela veut dire que d'être forcé à accomplir des actes. L'image que l'on se fait d'une personne retenue prisonnière, frappée, violentée, correspond en fait à des situations presque rares. La traite peut être très invisible, en fait, et une victime n'est pas nécessairement identifiable par des marques sur son corps ou à sa façon de parler.
Il y a aussi un autre problème : jusqu'à tout dernièrement, en autant qu'une femme ait eu un statut légal, elle n'aurait pas été interrogée par la police qui croise son chemin pour une raison ou pour une autre. A présent, je pense que cela a changé à la GRC. Une femme qui est victime va mettre des semaines, des mois, avant de se décider à parler. Il n'y a aucune raison pour que, tout d'un coup, elle s'ouvre à une personne qu'elle ne connaît pas et lui raconte sa vie et les violences qu'elle a peut-être vécues, dont elle n'a même pas pris conscience. Donc, en fait, c'est sûr que ce sont des questions qui demandent beaucoup d'enquête sur le terrain. C'est pourquoi, si l'on met uniquement l'accent sur les victimes, c'est déjà une cause perdue parce que, d'abord, il n'y a pas suffisamment de moyens sur le terrain pour rencontrer toutes les femmes et puis parce que, si l'on considère que la prostitution est un travail, il y a tout un secteur de la prostitution sur lequel on ne fera jamais enquête. En fait, ces femmes se retrouvent là et elles n'ont pas l'air forcément...
Un policier de Montréal me disait que du moment qu'elles sont bien exploitées, il n'est pas nécessaire de les violenter. En fait, le bon exploiteur, c'est celui qui va faire en sorte que sa victime apparaisse normale. Elle est exploitée dans sa tête, mais en fait... Et puis les définitions, les critères pour définir ce qu'est une victime... C'est très complexe quand on a affaire à une personne en situation de détresse qui se trouve dans un environnement qui ne lui est même pas familier. C'est pour cela, effectivement, que si l'on s'intéressait davantage à la demande de services de prostitution, cela pourrait permettre aux victimes de prendre leur temps. En fait, elles ne seraient pas celles qui doivent témoigner, à faire la preuve qu'elles sont vraiment victimes.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie tous de vos exposés. Le comité est vraiment heureux de pouvoir compter sur votre expérience, cela est très important.
J'ai eu un peu de difficulté à comprendre certaines choses. Mon estimée collègue, Mme Mourani, a posé la question. Pourquoi le Canada n'affecte-t-il pas plus de ressources pour lutter contre ce crime horrible? Vous sembliez avoir deux arguments, notamment que ce type d'activité est une industrie, ce que je refuse. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une industrie; c'est un crime. Je sais qu'un de nos témoins, hier, a dit qu'il fallait absolument relever l'âge du consentement dans notre pays, pour ainsi criminaliser le viol des enfants.
Actuellement, nous avons de la difficulté au Sénat, où sept projets de loi sur la criminalité sont discutés. Il s'agit toujours de ce qui est préférable pour les jeunes, pour le Canada. L'exploitation, d'après vos exposés, ne devrait pas être tolérée en sol canadien. Un point c'est tout. Je vous suis vraiment reconnaissante de dire qu'il nous faut des directives claires.
Qu'est-ce que vous pensez de ce qu'apporte à l'industrie du sexe, en tant qu'industrie, l'exploitation sexuelle des enfants? Veuillez me dire ce que vous en pensez. Un témoin a dit que la prostitution était plus payante que d'autres métiers. Je trouve cela scandaleux. Vous oeuvrez dans ce domaine depuis de nombreuses années, vous tous, alors brièvement, dites-moi ce que vous en pensez.
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Voilà ce que je dis. J'aimerais que les banques imposent une condition au prêt, plutôt que de lancer de belles campagnes indiquant qui appeler pour aider les filles, etc. Cela, les églises ou les ONG peuvent le faire.
On investit beaucoup dans le tourisme — dans les hôtels, le tourisme, ce genre de choses —, des activités qui peuvent promouvoir ou entériner le commerce du sexe. Parfois, cela peut encourager les pratiques illégales de traite de personnes, etc.
Les parlementaires pourraient par exemple inciter les banques, la communauté internationale, les banques internationales, à imposer des conditions, notamment en ce qui concerne les droits fondamentaux de la personne, et qui engloberaient toutes les questions dont nous parlons.
Pour ce faire, il faut bien définir ce qui constitue un crime — quelles pratiques sont criminelles du point de vue international et lesquelles ne le sont pas, que l'on parle d'enfants ou non, que l'on parle de traite en vue du travail forcé ou non, que l'on parle de consentement ou d'absence de consentement.
Je pense que lorsque nous parlons des marchés du travail, nous parlons aussi d'une norme minimale pour le commerce et la mondialisation. Nous avons au moins des normes universelles — des normes du travail de base — qui ont été définies. Elles se trouvent dans la déclaration de l'OIT sur les principes et droits fondamentaux au travail, et les parlementaires peuvent les promouvoir dans le cadre d'ententes commerciales. Certains des accords commerciaux en font mention, mais on n'insiste pas toujours sur cet aspect dans les accords bilatéraux, selon le pays, alors vous pourriez intervenir sur ce point.
L'OIT a deux conventions qui traitent du travail forcé et qui ont été ratifiées par une grande majorité des États membres: 170 États membres dans un cas et 166 dans l'autre.
Il faut apporter un certain nombre de changements aux lois nationales. Nous savons d'expérience qu'à notre époque, l'aide sociale est répandue, il existe des initiatives d'aide aux victimes. Dans nombre des projets de l'OIT, nous constatons que des solutions portent fruit pendant quelque temps, puis perdent leur utilité parce que les policiers locaux s'y intéressent et, tout à coup, nous n'avons plus l'appui des autorités ou, comme quelqu'un l'a dit, les demandeurs de services sexuels s'en tirent et rien ne se passe; l'impunité est totale. Ils rentrent chez eux. Parfois, ils sont pris par la police, mais ils sont libérés. Il faut travailler de façon intégrée à l'échelle nationale et internationale.
Mon principal conseil, c'est que quelles que soient les mesures envisagées par un pays donné il faut agir ensemble aux plans national et international — les acteurs sont différents —, parce que nous avons tous des avantages distincts dans ce domaine.
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Votre question est excellente. Elle pose seulement un problème: elle arrive peut-être un an trop tôt. C'est précisément sur ces questions que nous voulons commencer à travailler. Nous avons choisi, cette année, de travailler sur la demande au regard des mêmes préoccupations que vous avez. Nous avons embauché Mme Lebrun précisément pour travailler sur ces questions.
Nous savons qu'il y a moyen de faire quelque chose, parce qu'un pays comme la Suède a, il y a plusieurs années, travaillé en ce sens. Il est finalement parvenu à des législations et obtient des résultats. Naturellement, il n'y a rien de parfait, mais c'est probablement ce qu'il y a de meilleur parmi ce qui est moins parfait, et ce n'est certainement pas en légalisant la prostitution qu'on y est parvenu, au contraire. Maintenant, il faut apporter des nuances et il faut avoir des programmes qui soient bien dirigés. C'est là-dessus que nous voulons travailler.
Si vous me le permettez, j'aimerais prendre quelques secondes pour répondre à Mme Grewal. Si j'ai bien compris, une de ses questions portait sur les mineurs. Une de nos collaboratrices, une religieuse, travaille à Vancouver pour Citoyenneté et Immigration Canada et s'occupe des enfants non accompagnés. Elle connaît plusieurs enfants qui viennent de l'Amérique latine, du Salvador et du Honduras. Ces enfants travaillent à Vancouver, à la solde du crime organisé, pour transporter et livrer de la drogue aux clients. On utilise de jeunes enfants mineurs pour faire ce travail parce qu'ils ne sont pas dans la cible des policiers; ils ont l'air innocents, ils ont l'air de rien. Plusieurs sont dans la rue à faire ce type de travail, trafiqués par le crime organisé et exploités par lui sur une base régulière et quotidienne.
Il existe d'autres phénomènes. Personnellement, j'ai été témoin d'un fait: une jeune fille de 12 ans est arrivée à Montréal avec de « supposés » parents qui l'ont laissée à Montréal chez une tante qui voulait l'utiliser pour l'aider à s'occuper de ses enfants. Connaissant la situation, rapidement, nous sommes parvenus à faire en sorte qu'elle aille à l'école, qu'elle puisse avoir une vie normale et qu'on respecte ses droits. Cependant, elle était venue s'occuper de jeunes enfants, un peu comme une esclave, mais enfin, elle venait aider sa tante. Peut-être que dans sa culture, c'était une chose qui pouvait être acceptable, mais c'était une forme de trafic et d'exploitation. C'est souvent arrivé à ce type d'enfants devenus orphelins à la suite de toutes les guerres qu'a connues l'Afrique centrale.
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Si je lis bien la motion — évidemment, le climat est survolté à la Chambre actuellement, et nous sommes tous politiciens, ici —, elle est très partiale, bien sûr, très politique. Je crois que le seul but de la motion est de faire croire que nous, les députés du gouvernement, mais aussi tout le Parti conservateur, sommes contre les femmes. Honnêtement, je trouve cela insultant.
Je suis une femme, et de nombreuses femmes canadiennes qui sont membres du Parti conservateur du Canada jugeraient elles aussi cette motion insultante. Je ne saurais dire à quel point cette motion me pique par sa partialité. Vraiment, je me sens personnellement attaquée.
Je sais que l'opposition s'attend peut-être à ce que les Canadiens croient sincèrement que chaque programme gouvernemental en place à l'époque des libéraux fonctionnait harmonieusement et donnait exactement les résultats escomptés, qu'il n'y avait aucun problème. Ce n'est pas du tout réaliste, et je sais que les Canadiens savent parfaitement qu'on ne peut pas laisser entendre que tout allait très bien et que les programmes donnaient aux Canadiens les résultats qu'ils attendaient et méritaient.
Cela ne reflète pas la réalité, même dans nos affaires personnelles, dans nos finances personnelles. Nous ne prenons pas toujours les meilleures décisions et nous ne faisons pas toujours les meilleurs achats chez nous, alors je ne crois pas que cela reflète bien la situation.
Au cours des 13 dernières années, comme je vous l'ai signalé précédemment, les choses ont beaucoup changé pour les femmes dans certains secteurs. Je peux vous garantir que notre parti tente de trouver d'autres domaines où nous pouvons améliorer la situation avec une stratégie différente. Toutes mes collègues féminines participent étroitement à l'élaboration de ce processus. Je vous assure que c'est l'objectif du parti. L'approche est peut-être différente, mais il y a une approche. Je souligne que les 11,8 millions de dollars, évidemment, seront encore affectés aux programmes. Il n'y a pas de changement prévu à cet égard.
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Oui. Merci, madame la présidente.
Je dois dire que je suis opposée à l'amendement, parce qu'il n'a absolument rien à voir avec la motion. Tout le monde sait que les femmes ont obtenu l'égalité, que ce soit parce qu'elles se sont battues pour l'obtenir dans la Charte des droits... Cela ne leur donne cependant pas automatiquement l'égalité ou signifie qu'elles en jouissent. C'est ce que dit le document, ce qui ne signifie pas que l'égalité des femmes est une réalité.
La raison pour laquelle Condition féminine Canada a été créée était de s'assurer que la Charte des droits devienne une réalité dans la vie des femmes au Canada, grâce aux programmes de Condition féminine Canada.
Le mandat de Condition féminine Canada a été modifié. Dire que les femmes jouissent de l'égalité dans cet amendement est donc quelque peu redondant. Cela n'a aucun sens car ce n'est pas du tout le but de ma motion.
Certes, bien des femmes sont fortes dans notre pays, madame Guergis. Ma mère l'était. Mais elle a beaucoup souffert de discrimination et a été payée des clopinettes pour nous élever; et elle a été maltraitée et gravement exploitée dans son usine. Le fait qu'elle avait des droits ne comptait pas beaucoup. Mais le fait qu'elle était forte, comptait, lui. Donc, effectivement, les femmes au Canada sont fortes, mais cela ne change rien au fait que cette motion vise un problème particulier.
Je n'accepte pas la motion parce qu'elle ne change pas... L'objet de la motion n'a rien à voir avec le fait que les femmes sont fortes ou ne le sont pas.
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C'est parce que j'essaie de prendre le temps qui m'est imparti, comme tout le monde. Je ferme la parenthèse. J'espère que vous prenez en compte mes doléances.
La présidente: Yes, madam.
Mme Maria Mourani: Merci beaucoup, madame la présidente.
Maintenant, en ce qui concerne l'amendement de madame : « Attendu que nous reconnaissons que toutes les femmes sont égales au Canada », déjà lorsqu'on parle du mot « égalité », on compare, on fait des comparatifs. Or, quand on compare, que compare-t-on? Compare-t-on des hommes et des femmes? Ou des femmes et des femmes? On compare quoi? Je ne comprends pas cet amendement. Je suis désolée.
« Toutes les femmes sont égales au Canada en vertu de la Charte ». Elles sont égales entre elles? Est-ce là ce qu'on veut dire? Ce qui n'est pas vrai. Toutes les femmes ne sont pas égales, sinon nous n'existerions pas. En effet, ce comité n'existerait pas si toutes les femmes étaient égales. D'autre part, tous les hommes ne sont pas égaux, et les femmes ne sont pas égales aux hommes. « Nous reconnaissons toutes les forces des femmes ». Qu'est-ce que cela veut dire, « reconnaître la force des femmes »? Est-ce que c'est la force musculaire, la force intellectuelle, psychique? Je ne comprends donc rien à cet amendement, madame la présidente, et il est 13 h 5.
Merci, madame la présidente.