Nous sommes le Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous tenons notre deuxième séance. Nous poursuivons notre étude du système correctionnel fédéral, en particulier la santé mentale et la toxicomanie.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins cet après-midi: Brenda Tole, directrice à la retraite; Ruth Martin, enseignante clinique; et Amber-Anne Christie, adjointe de recherche. Nous vous souhaitons à toutes la bienvenue au comité.
Avant de commencer vos déclarations, vous pouvez vous présenter un peu plus en détail. Ensuite vous aurez environ 10 minutes pour chacune de vos déclarations préliminaires.
Si vous n'avez jamais comparu devant le comité, sachez que c'est l'opposition officielle qui commence normalement la période de commentaires et de questions, puis la parole est accordée, tour à tour, à chacun des partis politiques. Voilà notre façon de fonctionner au comité.
Avez-vous décidé qui va commencer?
Madame Christie, allez-y.
:
Je vais vous lire ma biographie.
Je suis membre des premières nations cries. Incarcérée pour la première fois à l'âge de 20 ans, je suis retournée en prison 30 fois au cours des cinq années suivantes. La dernière fois, j'ai séjourné six mois au Centre correctionnel pour femmes Alouette. Avant cela, j'ai été détenue à l'établissement de détention avant-procès de Surrey ainsi qu'au Centre correctionnel pour femmes de Burnaby. J'ai été longtemps héroïnomane et j'ai vécu dans la rue dans les quartiers de l'est de Vancouver. Je ne prends plus de drogue ni d'alcool et je ne suis pas retournée en prison depuis quatre ans et demi. Je suis devenue mère et j'apporte ma contribution à la société.
J'occupe un poste d'adjointe de recherche à l'Université de la Colombie-Britannique, où je fais de la recherche participative axée sur la communauté. Je travaille dans le cadre du projet Doing Time, au sein d'une équipe appelée Women in 2 Healing. Mon travail consiste à interroger les femmes qui ont été incarcérées dans un établissement provincial au cours de la dernière année. Nous les rencontrons immédiatement après leur sortie de prison, puis trois, six, neuf et douze mois plus tard pour savoir si elles ont atteint leurs neuf objectifs de santé.
Nous participons également à un projet de recherche participative dans la collectivité intitulée Aboriginal Healing Outside Of The Gates, dont je vais vous parler plus en détail dans ma déclaration liminaire. Nous avons pour but d'aider à la réinsertion sociale sans encombre de ces femmes dans la collectivité.
Je vous remercie de m'accueillir ici aujourd'hui, et j'espère que vous allez écouter ce que j'ai à dire.
Lorsque j'ai passé en revue le montage documentaire sur l'incarcération d'Ashley Smith, je n'ai pas pu m'empêcher de voir un lien entre nous deux. J'ai été en prison 30 fois. Vingt-neuf fois sur 30, la peine a été purgée en isolement, du moins en partie. Je comprends entièrement la solitude et l'isolement ressentis quand on est confiné dans une cellule à ne rien faire toute la journée et aussi que l'on ait désespérément besoin d'avoir un contact humain. Je me souviens d'attendre impatiemment les repas pour pouvoir lire incessamment les étiquettes des bouteilles. Je n'étais pas en isolement pour des raisons de comportement ou de sécurité, mais parce que j'étais en sevrage d'héroïne.
Je ne pouvais pas encore avoir dans ma cellule quoi que ce soit pour me tenir occupée, comme un livre ou du papier et un stylo. J'attendais avec impatience que le garde fasse le compte des détenues en espérant que ce serait un garde assez gentil pour nous dire comment était sa journée. C'était une forme de contact humain.
Je suis restée plongée dans ce cercle vicieux jusqu'à ma dernière journée dans le système correctionnel en 2005. J'ai été envoyée pour la première fois au Centre correctionnel Alouette pour les femmes, et c'était aussi la première fois que je n'ai pas été mise en isolement. C'était à l'époque où Brenda Tole était la directrice et Ruth Martin le médecin de l'établissement. Lorsque je suis arrivée à Alouette, j'ai passé un examen médical, et à mon grand étonnement, on m'a assigné à une unité.
J'ai ensuite obtenu un emploi dans l'établissement, puisqu'il s'agissait d'un camp de travail, et j'ai repris contact avec des membres de ma famille à l'extérieur de l'établissement grâce à l'aide d'un médecin extraordinaire qui m'y avait encouragée. J'ai aussi reçu des soins de santé à l'établissement, ce que j'ai rarement obtenu dans d'autres établissements. J'étais très malade, et souffrais de nombreuses complications attribuables à ma consommation de drogues. J'étais en détention provisoire, alors je ne pouvais pas avoir accès au programme axé sur la toxicomanie ou la maîtrise de la colère.
Toutefois, il était difficile de ne pas remarquer un programme très présent. Il y avait des bébés en établissement. J'ai été surprise la première fois que j'ai vu les bébés. L'établissement fonctionnait plus comme un centre de réinsertion sociale qu'une prison. C'était extraordinaire. Non seulement y avait-il une bibliothèque et un gymnase, mais il y avait aussi une personne aînée à qui parler. On pouvait aussi jouer du tambour et danser tous les mardi soirs. Étant moi-même mère, je dois avouer que cela m'a permis de me souvenir de choses auxquelles je renonçais, et je sais que les autres détenues composaient avec leurs problèmes et réagissaient différemment parce qu'il y avait un bébé sur place.
J'ai été libérée de prison en octobre 2005, et je n'y suis pas retournée depuis. Je serais la première à vous dire que cet établissement a changé ma vie. J'ai été dans de nombreux autres établissements auparavant, mais dans cet établissement, j'ai été traitée comme une personne, et non comme un numéro.
Un an après ma mise en liberté, j'ai contacté sur Facebook un groupe appelé ACCW alumni. Nous nous sommes réunis à l'extérieur de la prison et avons commencé la recherche que Ruth avait entreprise pour nous à l'établissement. Aujourd'hui, je travaille à l'Université de la Colombie-Britannique comme adjointe de recherche, et ce depuis plus d'un an, et je suis membre de l'équipe Women in 2 Healing. Nous faisons de la recherche dans des domaines qui nous passionnent dans l'espoir de donner lieu à des changements.
Nous formons un réseau de soutien composé de femmes qui doivent faire face aux défis de l'incarcération. Le fait de travailler avec Women in 2 Healing a changé ma vie de nombreuses façons. Aujourd'hui, je peux aider d'autres détenues à faire face à ces défis.
Je travaille également pour le projet Doing Time. Nous passons en entrevue des femmes à leur sortie de prison, puis trois, six, neuf et douze mois plus tard. Nous leur posons des questions sur l'accès aux soins de santé, le logement, les ressources communautaires, la consommation de drogue, la spiritualité, l'estime de soi et l'emploi, entre autres. Notre équipe a passé en entrevue plus de 500 femmes.
Nous sommes à mi-chemin de notre troisième projet financé par contributions, un autre projet de recherche participative communautaire, appelé Aboriginal Healing Outside of the Gates. Dans le cadre de ce projet, nous passons en entrevue des femmes autochtones qui ont été incarcérées dans des centres de correction provinciaux et fédéraux.
Ce projet a pour objectif d'identifier exactement les défis auxquels les femmes doivent faire face après avoir été dans la collectivité pendant un certain temps, l'impact de leur incarcération sur leur cheminement en matière de réinsertion sociale et les obstacles. Nous voulons aussi savoir quel pourcentage des femmes ont eu accès aux soins de santé et à des ressources communautaires après leur mise en liberté.
Ce qu'on voit jusqu'à maintenant, c'est qu'un pourcentage élevé de femmes ont recommencé à consommer de l'alcool et des drogues en raison de leur incapacité à pouvoir avoir un accès approprié à des ressources et à obtenir un emploi. Mais les femmes ont toujours espoir qu'elles pourront changer la situation.
Elles nous ont aussi dit qu'elles doivent être traitées avec dignité et respect. Ce n'est pas toujours le cas après l'incarcération. Elles sentent toutes le besoin de ne pas être poussées à faire n'importe quoi après leur incarcération. Ce n'est pas ce qu'elles veulent. Je dois dire qu'un emploi stable, un réseau de soutien composé de personnes sûres et le fait d'avoir quelqu'un qui écoute ont été les grands facteurs positifs dans ma vie jusqu'à maintenant.
Parmi les plus grands défis pour les femmes mises en liberté — et je veux mettre l'accent là-dessus, c'est que les femmes ne peuvent pas avoir de références pour un logement à leur mise en liberté; elles finissent donc par être sans-abri. Sur 500 femmes, 40 p. 100 étaient sans-abri au moment de leur mise en liberté — je dis bien 40 p. 100 — et beaucoup d'autres, la grande majorité, finissent par être sans-abri en l'espace de quelques mois. Cette situation doit changer.
Elles n'obtiennent pas non plus les traitements en matière de toxicomanie et de santé mentale dont elles ont besoin et qu'elles désirent. Aussi, on n'accorde pas assez de place aux femmes dans les centres de traitement qui acceptent les femmes sortant de prison. Les centres qui sont prêts à les accueillir ont de longues listes d'attente, et la majorité des centres n'acceptent pas ces femmes justement parce qu'elles ont été en prison.
Le fait de donner à une femme en prison un chèque de bien-être social et de lui dire « débrouille-toi » ne constitue pas une réinsertion sociale. Les lacunes dans le système doivent être comblées.
Je vous remercie de m'avoir écoutée.
:
Merci, monsieur le président et membres du comité de m'inviter à comparaître.
Aujourd'hui je porte trois chapeaux. Je jongle avec un bon nombre de chapeaux, mais aujourd'hui, j'en porte trois.
En tant que médecin de famille en milieu carcéral, j'ai travaillé dans le système correctionnel pendant 16 ans, essentiellement auprès des femmes et surtout dans le système provincial, mais j'ai tout de même de l'expérience dans les établissements pour hommes et le système fédéral.
En plus d'être médecin, je suis également enseignante clinique au département de médecine généraliste à l'Université de Colombie-Britannique. Amber a parlé de quelques recherches auxquelles je participe.
En troisième lieu, et c'est un poste plus récent, je suis directrice du Collaborating Centre for Prison Health and Education. C'est un groupe composé d'universitaires et d'organisations communautaires — en fait, nous accueillons quiconque veut se joindre à nous — qui cherchent à trouver des façons de faciliter les possibilités de collaboration touchant les services de recherche dans l'éducation en matière de santé et de défense des droits des détenus, de leurs familles et des collectivités.
J'aimerais vous faire part de cinq réflexions personnelles que j'ai formulées sur la santé mentale, essentiellement en ce qui a trait aux femmes détenues. Ces réflexions personnelles cadrent avec les publications sur la santé en milieu carcéral que j'ai indiquées dans les notes en bas de page du mémoire que je vous ai présenté. Je serais heureuse de vous fournir ces documents si vous souhaitez en prendre davantage connaissance ultérieurement. N'hésitez pas à me le demander.
Il est bien établi que les populations carcérales partout dans le monde sont en moins bonne santé que la population en général, et que les femmes détenues sont en moins bonne santé que les détenus du sexe opposé. En tant que médecin en milieu carcéral, j'ai pu le constater au fil des ans. En voyant les femmes entrer et sortir du système carcéral au fil des ans, j'ai pu constater que la plupart des femmes sont incarcérées en raison de crimes découlant de leurs problèmes de santé et de leur vie sociale désordonnée. Par conséquent, je me suis rendu compte que la clé de la réinsertion réussie des femmes dans la société repose sur la façon dont on peut habiliter les femmes détenues à améliorer leur santé.
La seconde réflexion porte sur les membres des peuples autochtones qui sont, de façon tragique, surreprésentés dans nos systèmes. Au fil des ans, j'ai écouté des patients autochtones et des collègues autochtones m'expliquer la façon dont ils perçoivent la santé. Ils m'ont appris que la santé mentale n'est pas un problème distinct. Elle fait partie intégrante de la santé physique, émotionnelle et spirituelle d'une personne. Je me suis rendu compte que j'ai commencé ma carrière avec un point de vue très eurocentrique ou occidental de la santé, et j'ai compris que si l'on veut que les détenus participent à l'amélioration de leur santé, nous devons tous améliorer nos connaissances culturelles et notre sensibilité à cet égard.
Troisièmement, je voudrais également que vous sachiez que les femmes qui ont déjà été incarcérées, sont des expertes en ce qui a trait à leur propre santé. Et j'ai pu confirmer ce point de vue dans le cadre du projet participatif de recherche sur la santé que nous avons entrepris en milieu carcéral. Je pensais que nos recherches allaient cibler le VIH, l'hépatite C et la toxicomanie, mais en fait, lorsque nous avons demandé aux femmes détenues quels sujets de recherche pourraient les aider à améliorer leur santé, elles nous ont dit qu'elles voudraient devenir de meilleures mères. Elles voulaient participer à un travail pertinent. Elles voulaient améliorer le soutien des collectivités et obtenir des logements sûrs.
Les objectifs recensés par les détenues comme étant importants pour améliorer leur santé étaient très semblables à mes propres objectifs et, probablement, aux vôtres. Ils sont conformes aux documents publiés ayant trait à la santé mentale, à l'inclusion sociale et à la promotion de la santé. Tous ces documents s'entendent pour dire que, si l'on veut améliorer la santé mentale d'une population, il faut renforcer la confiance en soi, faire en sorte que les gens participent aux processus décisionnels et mettre l'accent sur leurs atouts plutôt que sur leurs lacunes. Ainsi, nous pourrons accroître leur sentiment d'espoir et les convaincre qu'ils peuvent réussir et apporter des changements.
La quatrième chose que j'ai apprise grâce à mon travail avec le centre de collaboration, c'est que bon nombre d'organisations plurisectorielles souhaitent vivement collaborer avec les établissements carcéraux pour promouvoir la santé. En fait, elles reconnaissent qu'elles devraient avoir un rôle à jouer, particulièrement en ce qui touche deux composantes des services.
D'abord, les détenues devraient avoir accès aux meilleurs services carcéraux multidisciplinaires axés sur les patients que nous pouvons leur offrir, y compris en santé. Ensuite, lors de la période de transition pour s'adapter au monde extérieur, les détenues devraient avoir accès à une continuité de soins bien coordonnés. Voici trois exemples de ce que je viens de dire: des collaborations interministérielles dans d'autres pays en matière de santé, des collaborations entre universitaires en matière de santé et des collaborations à l'échelle de l'établissement carcéral et de la collectivité, si on veut.
Et finalement, j'aimerais souligner que la plupart des détenus que j'ai rencontrés ne sont pas en bonne santé mentale. Comme vous le savez, le taux de prévalence varie selon la façon dont on diagnostique la maladie mentale ou bien selon la façon dont on la mesure. Dans la documentation, on voit qu'elle varie de 12 p. 100 jusqu'à entre 76 à 80 p. 100, et ce sont les chiffres que vous ont mentionnés les témoins précédents.
La plupart des femmes que je vois dans les cliniques en milieu carcéral ne peuvent pas être diagnostiquées comme étant atteintes d'une maladie mentale psychiatrique, et leur état de santé ne justifie pas qu'on les transfère dans un hôpital ou un centre de traitement psychiatrique. Toutefois, la plupart des personnes que j'ai vues en prison ont des problèmes de santé mentale comme l'anxiété, l'insomnie, des rappels de traumatisme antérieur, des épisodes dépressifs, des conflits interpersonnels et un mauvais contrôle de leurs pulsions. Ils ont également des problèmes de dépendance, qui sont associés aux problèmes de santé mentale. Certains peuvent être liés à un état sous-diagnostiqué ou sous-contrôlé, comme un problème d'apprentissage ou le syndrome d'alcoolisation foetale.
Peu importe, toutes les femmes en établissement carcéral m'ont dit que si elles pouvaient trouver une façon d'améliorer leur santé mentale pendant leur détention, elles auraient une meilleure chance de succès à leur sortie de prison. J'ai réfléchi sur environ six suggestions — et peut-être même davantage — découlant de mon expérience de travail avec les détenus et de la documentation sur le milieu carcéral.
Première suggestion. Au Canada il faudrait que l'incarcération soit perçue comme étant une possibilité pour les détenus d'améliorer leur santé mentale et de changer leur vie. Par conséquent, il faudrait faire tout en notre pouvoir pour favoriser les processus dans les établissements carcéraux qui ont obtenu du succès dans l'amélioration de la santé.
Deuxième suggestion. Il faudrait intégrer dans tous les systèmes correctionnels des processus participatifs permettant d'écouter ce que les anciens détenus ont à dire sur les façons d'améliorer la santé mentale dans ces établissements et d'agir sur leur recommandation.
Troisième suggestion. Les établissements carcéraux sont des milieux de travail très stressants. Le personnel carcéral ressent une véritable tension entre la prestation de soins et la sécurité, ce qui est très épuisant pour le personnel. Le moral du personnel de détention influe grandement sur la santé mentale des détenus. Par conséquent, les établissements carcéraux devraient adopter ce que la documentation décrit comme étant « une méthode visant l'ensemble de l'établissement », qui vise à promouvoir la santé tout en suscitant l'adhésion du personnel et des détenus. Ainsi, les établissements carcéraux deviendront plus efficaces dans l'amélioration de la santé mentale des détenus.
Quatrième suggestion. Il faut favoriser des milieux carcéraux sains, parce qu'ils permettent de renforcer les avantages obtenus par les détenus qui participent à des programmes d'éducation en milieu carcéral. À l'inverse, un milieu carcéral malsain neutralisera et sapera les avantages fournis par ces programmes.
Cinquième suggestion. Les établissements qui ont recours à des solutions de rechange créatives plutôt qu'à l'isolement cellulaire favorisent une meilleure santé mentale à la fois pour le personnel et pour les détenus. Le recours à l'isolement ne contribue pas à améliorer la santé mentale d'une personne. L'isolement est plutôt nocif à cet égard, surtout parmi les personnes ayant des difficultés préexistantes en matière de santé mentale. Par conséquent, au Canada, nous devrions soutenir et féliciter les équipes de gestion d'établissements carcéraux qui n'ont pas recours à l'isolement. En fait, nous devrions décourager le recours à l'isolement cellulaire au Canada.
Sixième suggestion. Étant donné que la mentalité d'ensemble d'un milieu carcéral influe sur la santé mentale du personnel et des détenus, nous devrions tout faire, des plus hauts échelons ministériels jusqu'aux simples exécutants, pour soutenir les équipes de gestion d'établissements carcéraux qui mettent en place un système de valeurs sain.
Merci beaucoup d'avoir écouté mes réflexions. Je suis prête à répondre à vos questions.
:
Monsieur le président et membres du comité, je suis très heureuse d'être ici et d'avoir la possibilité de vous parler au sujet de questions très importantes en matière d'établissement carcéral.
Mon expérience a été acquise dans le système correctionnel de la Colombie-Britannique. J'ai travaillé pendant 36 ans dans ce secteur à la fois au sein des collectivités et dans les milieux carcéraux où j'ai collaboré avec des jeunes, des hommes et des femmes. Le dernier poste que j'ai occupé est celui de directrice de prison au centre correctionnel Alouette pour les femmes.
Au fil des ans, la Colombie-Britannique a tiré profit de ses relations avec Service correctionnel Canada. Ce ministère est généreux lorsqu'il s'agit de partager de l'information concernant les politiques, les programmes et la recherche. Le système provincial accueille les détenus en détention provisoire, ceux ayant reçu une peine d'emprisonnement ainsi que les détenus immigrants. La peine d'emprisonnement maximale dans le système provincial est de deux ans moins un jour. Toutefois, il arrive souvent que les personnes passent de longues périodes, voire quelquefois des années, en détention provisoire en attendant leur procès. Tous les délinquants qui sont admis à Service correctionnel Canada ont déjà été détenus dans un établissement provincial avant leur admission. En Colombie-Britannique, il y a environ 2 500 personnes en détention et 25 000 en supervision dans la communauté, qui ont été libérées sous caution ou qui sont en probation. La différence dans la durée des peines a d'énormes répercussions pour ce qui est des programmes et de la prestation de services ainsi que de la réinsertion sociale. Mais les deux systèmes font face à des défis semblables. Service correctionnel Canada a le mandat d'assurer la protection du public tout en exerçant un contrôle humain. Le processus visant à trouver un équilibre entre l'attitude du public vis-à-vis des contrevenants, la recherche et les meilleures pratiques correctionnelles est très difficile.
Ce comité met l'accent sur les délinquants ayant des troubles mentaux et la programmation qui leur est offerte. J'aimerais vous parler un peu des interventions et des initiatives qui, d'après moi, ont des résultats positifs pour le personnel, les entrepreneurs et les délinquants dans un milieu carcéral. Je vais mettre l'accent sur les délinquantes, puisque c'est le domaine où mon expérience est la plus récente, mais, bon nombre de ces questions sont pertinentes pour les deux types de population.
Les délinquantes représentent environ 10 p. 100 de la population carcérale, et en raison de ce petit nombre, elles ont été largement influencées par la plus vaste population carcérale mâle dans des domaines comme la conception des établissements, la sécurité, la classification, l'évaluation des risques et des besoins et les programmes. Lorsque nous avons ouvert le centre correctionnel Alouette pour les femmes, nous avons eu la possibilité de nous éloigner progressivement d'un modèle axé sur la sécurité et le contrôle vers un modèle prosocial plutôt axé sur la responsabilité de la délinquante. Il est très difficile de s'éloigner des attitudes et des idées de longue date en matière de sûreté et de sécurité. Toutefois, nous avons trouvé que l'environnement plus normal rendait le centre plus sûr pour le personnel et les délinquantes, et que la violence institutionnelle et que les incidents faisant usage de la force étaient grandement réduits.
Comme j'ai peu de temps, je vais brièvement dresser la liste de certains des facteurs qui selon moi ont contribué aux changements positifs dans ce centre.
L'aménagement physique des lieux et l'environnement du centre ont une répercussion considérable sur le personnel et les délinquantes, particulièrement pour celles qui sont atteintes de troubles mentaux. Tous et toutes peuvent profiter de la lumière naturelle, de l'air frais, d'activités physiques à intervalles réguliers ainsi que de la liberté de mouvement lorsque c'est possible. Il est important de signaler que ce type de bâtiment est habituellement beaucoup moins coûteux à construire et à entretenir. La classification des femmes dans des milieux les moins restrictifs possibles doit être une des plus hautes priorités. Les femmes, particulièrement les femmes autochtones, ont tendance à être classées dans des établissements de sécurité plus élevée que nécessaire. Il est beaucoup plus cohérent et efficace de placer les délinquantes dans un milieu le moins restrictif possible au moyen d'un bon processus de classification plutôt que de les obliger à faire une demande de classement ou à mériter un classement. Tous les délinquants, particulièrement ceux ayant des troubles de santé mentale, fonctionnent beaucoup mieux dans un milieu thérapeutique moins restrictif.
Par exemple, au centre Alouette, nous avions un certain nombre de délinquantes qui étaient en détention préventive avant leur transfert à Service correctionnel Canada. Elles fonctionnaient bien pendant des périodes de plus d'un an dans un centre à sécurité moyenne ouvert, c'est-à-dire dans notre centre. Lorsqu'elles recevaient leur peine, elles étaient transférées au système fédéral, et elles devaient rester dans un établissement à sécurité maximale pendant deux ans en raison de la politique. C'est un exemple qui, au plan de la classification, peut avoir d'immenses répercussions. La politique ne fait preuve d'aucune souplesse. Elle rend très difficile la mise en oeuvre de mesures visant l'intérêt de tous.
Les délinquantes s'intéressent beaucoup aux programmes et services d'un centre correctionnel, et si elles sont sollicitées, elles peuvent contribuer à définir leurs besoins. Les communications ouvertes avec le personnel et l'administration peuvent réduire le développement d'une sous-culture négative, qui existe souvent dans un établissement correctionnel. Les délinquantes, sous la surveillance du personnel, devraient être encouragées à assumer la responsabilité de certains aspects pertinents du programme et des opérations. Les femmes autochtones semblent davantage affectées par leur isolement par rapport à leur famille et leur collectivité. Les programmes qui facilitent le retour de ces femmes dans leur collectivité, sous la supervision de la bande ou des composantes d'initiatives de justice communautaire, lorsque c'est possible, semblent présenter les meilleurs résultats. La surreprésentation toujours croissante des femmes autochtones dans les établissements carcéraux continue de poser de graves préoccupations. C'est une tragédie. Et je ne pense pas que l'ajout de programmes et de services visant les Autochtones dans l'environnement correctionnel actuel nous permettra de changer la situation.
Il est beaucoup plus prometteur de soutenir les gouvernements, les organisations, et les fournisseurs de service autochtones pour qu'ils assument davantage de responsabilités pour la gestion des délinquantes autochtones.
Le respect mutuel entre le personnel et les délinquantes est essentiel pour un environnement sûr et sécuritaire. Les membres du personnel qui s'adressent aux délinquantes avec respect et qui mettent l'accent sur le professionnalisme et l'aide qu'ils peuvent apporter contribuent à la création d'un environnement qui est prosocial. Un meilleur milieu de travail a une incidence sur le recrutement et le maintien en poste du personnel et permet de réduire le taux d'absentéisme du personnel. Les aspects positifs de bonnes relations entre le personnel et les délinquantes se reflètent dans l'intérêt marqué pour les programmes et dans la participation. Il faut reconnaître que les effets négatifs de l'incarcération augmentent avec la durée de l'incarcération.
Des services de santé de qualité constituent une des plus importantes composantes du centre correctionnel. Les professionnels en santé physique et mentale qui travaillent en coordination avec les services de correction pour offrir des services de santé uniformes et en temps voulu, y compris l'éducation préventive, sont essentiels. Il faut lutter constamment pour offrir des soins de santé comparables à ceux offerts dans la collectivité. Il est également nécessaire d'assurer la continuité des soins au moment de la réinsertion sociale. L'établissement de partenariats avec les autorités de santé provinciales permettrait d'assurer la continuité des soins et d'obtenir des normes égales à celles de la collectivité tout en préconisant une méthode axée sur « le patient d'abord, le délinquant après. » La formation offerte par les services de santé mentale dans le contexte judiciaire a été bénéfique pour notre personnel, par le passé. Les membres du personnel comprennent les symptômes de maladie mentale et les comportements non conformes parce qu'ils en ont un point de vue différent. Ça les a familiarisés au modèle d'interventions hospitalier pour traiter les délinquantes qui ont des problèmes de troubles mentaux.
Le recours à l'isolement pour des raisons autres que des questions disciplinaires sérieuses a un effet très négatif sur les délinquantes, particulièrement lorsqu'il s'agit de femmes ou bien de femmes ayant des troubles de santé mentale. Je n'ai vu aucun avantage à isoler une personne du soutien, du réconfort et du contact humain pendant de longues périodes de temps. Au contraire, l'isolement a plutôt tendance à accroître les problèmes de comportement. Ce qui est plutôt bénéfique pour les délinquantes, ce n'est pas l'isolement, mais plutôt l'embauche de personnel supplémentaire ou d'entrepreneurs qui peuvent communiquer avec eux ou bien davantage d'attention accordée par des professionnels de la santé.
L'automutilation est un problème complexe et difficile. En quatre ans au centre Alouette, nous avons été témoins d'un incident d'automutilation mineure, qui ne s'est pas répété. Je pense qu'il est important, lorsqu'on examine des problèmes d'automutilation d'en tenir compte non pas de façon isolée mais plutôt dans l'environnement dans lequel il se produit. C'est en fait un symptôme de détresse émotionnelle extrême.
Pour ce qui est des femmes et de leurs enfants. Un pourcentage élevé de femmes incarcérées ont des enfants à leur charge. Les délinquantes se trouvent souvent dans des centres très éloignés de leurs enfants et de leurs familles. Cela devrait être une considération majeure lors de tout transfert administratif. Les initiatives qui font la promotion et qui favorisent le contact entre les femmes et leurs enfants sont très avantageuses pour l'un et l'autre. Cela comprend un plus grand nombre de visites, de courriels, d'enregistrements, d'appels téléphoniques et de lettres. La recherche indique que les enfants dont la mère est incarcérée subissent davantage de répercussions négatives si le contact avec leur mère est réduit ou absent. Un des facteurs les plus motivants pour inciter les femmes à changer leur comportement ou leur style de vie est la grossesse et le fait d'avoir des enfants. Le fait d'avoir un programme de soutien mère-enfant au centre Alouette a eu une incroyable incidence positive sur les mères qui ont participé ainsi que sur les autres délinquantes et les membres du personnel. Cette initiative était essentiellement une initiative en matière de santé, et elle a été réalisée conjointement avec le Vancouver Women's Hospital, qui nous avait demandé d'y songer. L'hôpital a travaillé de très près avec nous sur ce programme.
Sur les 12 femmes qui ont ramené des bébés de l'hôpital et qui ont été libérées dans la collectivité avec leurs enfants, 11 d'entre elles n'ont pas été réincarcérées. Cette initiative était également le fruit d'un partenariat avec plusieurs autres ministères, organismes communautaires et des délinquantes et leur famille. Elle était fondée sur l'intérêt supérieur de l'enfant.
Il y a une chose qui n'est pas dans mes notes mais sur laquelle je voudrais présenter mes observations, c'est-à-dire la réinsertion sociale. La réinsertion est en fait la combinaison de la collectivité qui participe à l'intérieur du centre et par la suite avec les délinquantes à l'extérieur du centre. La collectivité est un groupe très intéressé qui est prêt à participer à l'intérieur du centre. Elle offre un savoir-faire et des normes qui lui sont propres. C'est valable pour un certain nombre de domaines, y compris ce dont le Dr Martin a parlé en matière de santé, mais également en matière d'éducation et de préparation à l'emploi et de cours professionnels. La collectivité renferme une source incroyable d'informations et de programmes qui sont offerts.
Je pense qu'il est très important pour la collectivité de participer à ce qui se passe dans les centres. C'est une façon pour le public de s'instruire sur ce qui fonctionne réellement pour les délinquantes, qui est quelquefois contraire à la perception du public, qui est plutôt négative. Ça réduit également le facteur de risque.
Quant à l'accroissement du nombre de permissions de sortir et de la possibilité pour les délinquantes de retourner dans la collectivité, je pense que les maisons de transition dans la collectivité, surtout les centres pour les femmes et les enfants, sont essentielles.
Il est important de reconnaître que les femmes ont tendance à être associées aux mêmes risques que posent les hommes relativement à la sécurité publique, ce qui est tout simplement faux. Lors de la mise en liberté, pour les délinquantes, je crois qu'il s'agit d'une possibilité de vraiment accroître l'accès des délinquantes à la collectivité.
Je vous remercie de m'avoir permis de vous présenter mes observations. Je serais heureuse de répondre aux questions du comité.
Merci.
:
Je crois en fait que nous avions un environnement physique qui était favorable. Il s'agissait d'un environnement de style campus entouré d'une clôture très élevée, alors le centre était certainement sécuritaire de ce point de vue. Nous avons eu la chance de commencer avec une petite population. Nous avions environ 45 détenues au début, et lorsque je suis partie, il y en avait 144. Il a fallu encourager le personnel et détendre progressivement un environnement qui était devenu très restrictif, comme on le voit dans les établissements provinciaux et fédéraux.
Le processus a été lent. Je dois vous dire qu'il est difficile pour un personnel ayant l'habitude de fonctionner dans un certain environnement de s'en éloigner. La réaction de la population a été entièrement positive — nous n'avions littéralement plus d'actes de violence contre le personnel. Je ne dirai pas que nous n'avions plus de violence. Il y avait à l'occasion des conflits entre les femmes sur place, mais le nombre a été considérablement réduit. Nous avons, comme je l'ai dit, presque plus de cas d'automutilation.
Il a donc simplement fallu un processus continu d'engagement de la part du personnel, ce qui a mené à une sécurité dynamique. Le personnel allait sur le terrain et dans les unités avec les femmes plutôt que de s'asseoir dans un bureau. Il s'agissait de faire participer les femmes à ce qui se passait au centre, de les écouter, de les faires participer à la recherche mentionnée par Mme Martin et de leur donner de plus en plus de responsabilité. Évidemment, nous avions occasionnellement des problèmes. Je ne dirai pas que la situation était parfaite, parce qu'elle ne l'était pas. Mais nous avons aussi remarqué que le taux d'absentéisme de notre personnel, qui était l'un des plus élevés dans la province, était le plus bas lorsque j'ai quitté l'établissement.
Il est faux de penser que plus un environnement est structuré, plus il est sécuritaire. Ce n'est pas vrai. Plus l'environnement est clos, structuré et autoritaire, plus il est difficile de vivre dans cet environnement, et plus on a tendance à avoir des problèmes de gestion. Il ne s'agit donc par conséquent pas d'un environnement sécuritaire. Il est malheureux de constater que de plus en plus d'établissements se dirigent vers cela: davantage de technologie, une sécurité accrue, mouvements de plus en plus limités — parce que ce qu'on génère en fait, c'est une population très dysfonctionnelle qui constitue une menace pour le personnel.
:
Oui, et j'aimerais apporter des précisions.
Il existe différents types d'isolements cellulaires. Il y a l'isolement administratif, qui est souvent utilisé dans le cas de problèmes de santé mentale ou d'automutilation, et il y a l'isolement que l'on emploie pour séparer les prisonniers en raison de comportements violents qui ne sont pas liés à la santé mentale.
Je dirais qu'il existe de nombreuses solutions créatives que l'on peut employer pour favoriser la santé mentale, et Mme Martin en a mentionné quelques-unes. Ce n'est pas qu'il ne faille pas, à l'occasion, séparer certains prisonniers. La question, c'est plutôt la façon de le faire et la durée de l'isolement parce qu'on ne peut pas s'attendre à ce que l'état des prisonniers s'améliore s'ils sont mis dans des situations extrêmement difficiles pendant de très longues périodes. Au bout du compte, on ne fera que générer des comportements beaucoup plus dangereux et violents.
Dans les établissements où j'ai travaillé, des prisons pour les hommes comme des prisons pour les femmes, oui, on emploie l'isolement cellulaire. Parfois, il faut séparer les prisonniers. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de mettre en place un environnement aussi strict que ceux que l'on voit habituellement car ce type d'environnement prive essentiellement les gens de leurs besoins élémentaires en tant qu'être humains.
L'autre aspect, c'est la durée. Si vous séparez un prisonnier en raison d'une mesure disciplinaire ou d'une manifestation de violence, vous n'avez pas à le mettre en isolement cellulaire pendant une longue période de temps. J'ai constaté que cette question, dans les prisons pour hommes, faisait l'objet d'un examen quotidien par la direction et que plus on peut sortir le prisonnier de l'isolement cellulaire rapidement pour l'intégrer dans un environnement normalisé, plus le personnel est en sécurité. Je sais que c'est quelque chose de très difficile à envisager lorsque vous regardez le produit final, le détenu qui est très violent et qui s'agite, mais en réalité, vous allez constater si vous vous reportez en arrière, que dans la plupart des cas, il s'agit d'un processus continu et que tout n'était pas ainsi au début. Lorsque vous isolez des gens pendant de très longues périodes vous vous retrouvez avec des détenus très violents et très dangereux. Leur état ne s'améliore pas.
Prenons l'exemple des enfants. Si vous les punissez de façon extrêmement sévère lorsqu'ils commettent des erreurs ou qu'ils sont contrariants, vous n'obtenez pas de réaction positive. Et lorsque vous persévérez dans cette voie pendant de longues périodes de temps, vous vous retrouvez avec une situation extrêmement malheureuse sur les bras.
:
Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins d'être venus ici aujourd'hui. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants.
Certaines de vos remarques sont intéressantes, madame Martin. Nous sommes allés en Norvège et en Grande-Bretagne. Vous parlez des études. Fait intéressant, nous avions reçu des renseignements précédemment au sujet de l'isolement cellulaire. Après avoir creusé un peu, nous avons constaté que l'isolement cellulaire était employé plus souvent que semblait indiquer le document fourni, ce qui concorde avec ce que Mme Tole affirme, soit que personne ne veut employer l'isolement, mais qu'il y a certaines circonstances dans lesquelles il est approprié.
Cela dit, comme tout le monde ici, je suis impressionné par le fait que Mme Christie soit venue ici aujourd'hui nous raconter ce qu'elle a vécu. Nous pouvons apprendre énormément. À mon avis, dès qu'on envoie tous ces gens en pénitencier, on est perdant. Quelque chose a mal tourné lorsque ces gens étaient enfants, jeunes adultes ou emprisonnés dans des établissements provinciaux. Dans certains cas, c'est le système de soins de santé qui n'a pas été à la hauteur. Puis, ces gens se retrouvent dans les pénitenciers ce qui indique que tous ces éléments ont flanché. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond?
Je suis consterné. Vous avez été incarcérée à 30 reprises en cinq ans, soit une fois tous les deux mois, et vous nous dites que vous avez été mise en isolement cellulaire et qu'à votre sortie, vous étiez prête à changer. Vous nous avez parlé de deux filles qui se bagarraient et qui ont été mises en isolement cellulaire. Elles ne voulaient pas retourner dans un établissement à sécurité maximale alors elles ont pris leurs vies en main. C'est tout comme si elles avaient eu besoin de se faire dire par quelqu'un au sein du système carcéral: « Ce n'est pas la voie que vous devez emprunter. Vous devez chercher de l'aide ou en trouver. » Ai-je tort? De toute évidence, à 29 reprises, vous n'avez pas reçu l'aide dont vous aviez besoin ou le système n'a pas réussi à vous dissuader de récidiver.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis un peu le petit nouveau au sein du comité et je trouve fascinant ce que j'entends par rapport à l'aspect de la prévention et à la façon dont on travaille dans cet établissement. Je vais poser trois ou quatre questions et vous pourrez y répondre par la suite. J'en ai une plus particulièrement pour Mme Christie.
Cette façon de faire est-elle transférable autant chez les hommes que chez les femmes? Il est certain qu'au niveau provincial, il y a peut-être des prisons à sécurité intermédiaire — comme vous l'avez mentionné plus tôt — où il est plus facile de faire ces choses, comparativement au fédéral. Tout à l'heure, on parlait de coûts. Selon moi, il n'y a pas de coûts à cela lorsqu'on a des projets intéressants qui peuvent amener quelqu'un, sur le plan de la santé mentale, à un niveau de santé où, lorsqu'il retournera dans la société, il sera quelqu'un de productif. Ce sont des points majeurs et importants dont on devrait être fiers, en tant que société, si on réussit en ce sens.
J'aimerais également entendre Mme Christie sur le projet Doing Time. On rencontre régulièrement les femmes. En même temps, il semble y avoir un problème — de la façon dont vous en avez parlé — quant aux services dans la communauté qui ne sont pas toujours disponibles, entre autres pour le logement social. Vous avez beaucoup parlé des femmes qui sortent de prison et qui n'ont pas de logement. Même elles se retrouvent sans logement éventuellement.
Bref, sauf erreur, notre société crée de la pauvreté alors qu'on a beaucoup de richesses. On met les gens en prison et il arrive qu'on fasse de la ségrégation à leur égard. En revanche, vous avez une nouvelle formule qui permet de les réinsérer dans la société, grâce à des partenariats importants. Je trouve cela fascinant et j'aimerais vous entendre, entre autres, sur le projet Doing Time et savoir si ce projet est transférable.
Et merci à nos témoins de s'être présentés aujourd'hui. Les échanges ont été très instructifs.
Quand nous avons visité les prisons en Grande-Bretagne — vous avez parlé de la Grande-Bretagne —, je peux vous dire que les gens à qui nous avons parlé avaient des opinions diverses quant au coût et au caractère abordable de certains des programmes. J'ai un défi pour vous: me dire, vu les réalités du monde où l'on vit et le fait qu'on ne peut pas simplement se servir dans la caisse, étant donné qu'il ne suffit pas d'établir une liste de desiderata pour que l'argent tombe du ciel... C'est un défi qui se posait dans mon ancien emploi, où le patron arrivait et disait: « Compte tenu des ressources que nous avons, je veux que vous reconstruisiez ou que vous changiez certaines choses. » Vu, toutefois, que le gouvernement fédéral... Vous savez que nous fonctionnons en vase clos et, sauf erreur, madame Tole, vous avez fait allusion au fait que nous ne pouvons pas régler seuls certains des problèmes que nous affrontons. Vous avez donc la responsabilité du gouvernement fédéral, celle des gouvernements provinciaux — on parlait de logement social — ainsi que celle des municipalités parfois.
Vous parliez de certaines de vos expériences dans un lieu de détention local et vous avez laissé entendre que le gouvernement fédéral n'a pas fait sa part. Nous avons augmenté de 3 p. 100 les paiements de transfert au titre des programmes sociaux versés aux provinces et continueront à le faire chaque année. Pour l'Ontario, le total est de neuf milliards de dollars en transferts divers. Mais je pense qu'il faut mieux s'y prendre.
Je vais vous poser des questions vite fait sur certaines des choses dont je vais parler. Nous avons visité Okimaw Ochi en Saskatchewan, et les traitements pour les premières nations sont une vraie réussite, à ce que je comprends, pour enchaîner sur ce que disait Mme Christie. Nous nous sommes rendus en Saskatchewan et l'intégration... Il y a là-bas une prison qui fonctionne essentiellement comme un hôpital, plutôt que comme une prison.
Puis nous avons visité Dorchester et avons parlé à certains des détenus. L'un des détenus atteint de maladie mentale nous a dit demander lui-même à être mis en isolement lorsqu'il ressent le besoin d'être seul. J'oublie ce dont il souffrait — de schizophrénie, me semble-t-il —, mais être seul contribue grandement à soulager sa maladie mentale. Alors, si nous avions une baguette magique et que nous pouvions, admettons, faire disparaître d'un coup l'isolement, je crois qu'il faudrait être prudents. L'isolement a son utilité car parfois les gens ont besoin d'être seuls et ont besoin qu'on leur en donne la chance.
Il y a le logement social, auquel ont été affectés deux milliards de dollars. Dans ma collectivité, 400 000 $ vont à un foyer pour les femmes victimes d'abus.
Je me demandais si chacun de vous pourrait commenter le fait qu'il faut peut-être de nouveaux rapports entre le gouvernement fédéral et les provinces, pour permettre une mise en commun des pratiques exemplaires et des choses de ce genre.
Mon ancien adjoint exécutif était en congé de Services correctionnels Canada; il travaille à présent dans l'un des plus gros établissements du Canada, Warkworth. Parfois, on a affaire à du personnel et à des syndicats qui exigent en fait certaines de ces mesures. On ne peut pas donc dire que l'on va tout faire disparaître d'un coup de baguette magique, pas quand les syndicats réclament plus de mesures de ce type.
J'aimerais entendre vos commentaires, s'il vous plaît.
:
En écoutant ce qui se disait, je me rappelais de quelque chose que nous avions dit à midi en mangeant. Je crois que c'est Amber qui l'a dit: la gentillesse ne coûte rien.
Vous dites que certaines difficultés se présentent avec le personnel, parfois, ou de l'opposition. Je crois, pour dire vrai, que votre comité a une chance à saisir pour influencer véritablement le futur du service correctionnel. Nous avons tous été atterrés par la mort d'Ashley Smith. Il serait erroné de dire que ce sont des événements qui se produisent sans arrêt. Hélas, je crains que beaucoup de gens soient maltraités à cause du système que nous avons.
Nous avons une occasion en or de faire des recommandations qui, sans nécessairement coûter beaucoup d'argent, pourraient entraîner des changements profonds. Améliorer chez le personnel la compétence culturelle, la connaissance culturelle et la sensibilisation aux réalités culturelles et aux différences entre les sexes coûte sans doute moins que d'essayer d'améliorer leurs habiletés en matière de sécurité.
Féliciter les directeurs et les récompenser quand ils assurent un cadre sûr et sain coûterait sans doute peu, mais amènerait d'énormes avantages pour la satisfaction du personnel et le goût du métier. Je vois mal comment un employé qui a affaire avec des individus hostiles et fâchés et qui doit les mettre en isolement peut vraiment apprécier sa journée. J'estime que, si le personnel participait de façon véritable à la vie des gens dont il s'occupe et s'il avait le sentiment que toute la prison fonctionne selon la même vision, ce serait un bien meilleur endroit où travailler.
Donc, effectivement, il faudra un changement de paradigme et des recommandations, mais ce n'est pas une tâche impossible.
:
C'est probablement l'ensemble de ces choses. La pauvreté joue un rôle, ainsi qu'une série de problèmes systémiques endurés par la population.
Généralement parlant, selon mon expérience, la population des premières nations, ou la population autochtone, est loin de prospérer dans notre système carcéral, qu'il soit provincial ou fédéral. Si on appuyait le processus de transfert des programmes et de la responsabilité aux bandes et aux nations qui sont en mesure de les assumer, et si on apportait un soutien à ce processus, on aurait sans doute beaucoup plus de succès. En tout cas, il est difficile de faire pire que ce que nous faisons actuellement. Quand il s'agit de gérer cette population, nous en sommes vraiment incapables.
J'aurais juste un commentaire sur les façons dont on peut empêcher les gens de finir en prison, comme vous l'avez dit. Au Canada, aux États-Unis, en Australie et en Grande-Bretagne, la population des femmes a enregistré une augmentation marquée, vraiment spectaculaire, au cours des cinq dernières années. Or, ce sont des pays où il y a eu des réductions dans les programmes sociaux. Ces compressions touchent toutes les populations, mais les femmes d'abord.
En fait, l'orientation vers une espèce de guerre contre les drogues et la criminalité, accompagnée d'une réduction dans les programmes sociaux, a fait augmenter le nombre de membres de cette population dans notre système.
:
Tout d'abord, laissez-moi vous remercier de votre présence parmi nous aujourd'hui. Vous nous avez fourni des renseignements précieux et je vous remercie d'avoir pris le temps de vous déplacer jusqu'ici et d'avoir le courage de comparaître devant nous également.
Je veux d'abord parler du commentaire selon lequel nous nous préoccupons de la mise en isolement et préciser que, si nous voulons vraiment être partisans, c'est de l'autre bord de la table que la question a été soulevée. Nous pensons également que c'est un problème. Nous voulons tous tâcher de mieux comprendre la question.
J'aimerais entendre vos réactions à mes commentaires. Dans le système fédéral, on a généralement des condamnations plus longues et plus de temps pour différents types de réadaptation. Quand nous avons voyagé et visité divers établissements, nous avons constaté qu'il existait certains programmes, mais, selon moi, c'est loin d'être suffisant pour former les détenus afin qu'ils puissent occuper un emploi décent à leur sortie. Cela joue-t-il un rôle?
Madame Tole, puisque vous avez été directrice, vous pourriez peut-être répondre à ma question. Je sais que, dans le système provincial, où les contrevenants purgent des peines maximales de deux ans moins un jour, vous ne disposez pas de beaucoup de temps. Permettez-moi quand même d'explorer la question un peu et de vous demander si, selon vous, il serait utile qu'on mette l'accent sur l'éducation et la formation à de nouveaux métiers pour les gens dans les établissements, afin qu'ils puissent mieux se réintégrer à leur sortie et avoir un véritable travail.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis très heureux que M. McColeman ait soulevé cette question importante, qui fait actuellement l'objet d'un débat de société et qui porte sur les peines d'emprisonnement plus longues. Il a dit que les sentences devraient être assez longues pour qu'on puisse aider les contrevenants à réintégrer la société. Je suis content qu'il ait placé la question dans ce contexte, car, malheureusement, la plupart du temps le débat tourne autour de slogans, tels que « Vous commettez un crime, vous devez payer ». C'est donc basé sur une approche punitive. Un autre argument invoqué pour justifier les peines plus longues est basé sur la sécurité: nous avons peur de ces personnes, donc mettons-les en prison pour aussi longtemps que possible.
Madame Christie, vous auriez pu être l'enfant-modèle pour ces arguments il y a cinq ans. Vous avez été incarcérée puis libérée trente fois.
Mais quelque chose a changé. Nous avons appris ce qui a changé: les programmes. Une nouvelle approche vous a aidée à changer votre vie, et vous nous avez dit que vous pourriez nous donner beaucoup d'autres exemples de femmes qui ont pu changer leurs vies grâce à ces programmes.
Auparavant, pendant la période où vous avez été en prison puis libérée d'innombrables fois, si on vous avait incarcérée pendant une longue période de temps, est-ce que cela vous aurait aidée à vous en sortir? Répondez par oui ou par non, s'il vous plaît.