Monsieur le président, comme le savent, je crois, tous les députés et, en tout cas, tous les Canadiens, en juin dernier, le Parlement a pris des mesures rapides pour apporter des changements nécessaires et, selon moi, appropriés au régime d'octroi du pardon au pays. Si le Parlement a agi, c'était du fait d'une situation relativement urgente.
Deux cas ont en effet été portés à l'attention du public. La possibilité imminente, pour Karla Homolka, de faire une demande de pardon; et le pardon discret de Graham James, qui avait été reconnu coupable d'un certain nombre d'agressions sexuelles à l'encontre de jeunes hommes dont il avait la responsabilité en tant qu'entraîneur de hockey, pardon ayant suscité chez les Canadiens un émoi assez compréhensible.
C'est donc en juin dernier que le gouvernement a déposé un projet de loi sur le pardon en général. Il contenait des mesures positives, mais aussi des mesures qui, non seulement, requéraient une étude plus approfondie, un examen attentif et des délibérations, mais aussi, à première vue, constituaient une approche totalement inappropriée de la politique de pardon au Canada.
Toujours en juin, monsieur le président, les néo-démocrates ont collaboré avec le gouvernement pour remédier à l'imminent dégât qu'allait causer la législation sur le pardon, ce qui a été productif. Nous avons notamment traité des cas de Karla Homolka et de Graham James. Nous avons fait un certain nombre de choses, comme le savent les membres du comité.
Tout d'abord, et c'était très important, nous avons remédié au problème avec lequel devait composer l'instance octroyant les pardons. Elle avait très peu de latitude pour refuser un pardon si une demande était faite. Avant les changements que nous avons apportés en juin, il y avait deux périodes d'attente: une période de trois ans pour les condamnations sur déclaration de culpabilité sommaire et une période de cinq ans pour celles par voie de mise en accusation. Mais si une personne attendait la période prescrite après avoir purgé sa peine — pas seulement une période d'incarcération, mais aussi toute période de liberté conditionnelle ou de probation dans la collectivité — si elle ne commettait pas de nouvelle infraction et si une vérification policière sommaire indiquait qu'elle n'avait pas attiré l'attention de la police en quoi que ce soit, l'institution n'avait vraiment pas d'autre choix que d'accorder le pardon demandé.
Le gouvernement avait inclus dans le projet de loi de juin une disposition utile, permettant à la Commission des libérations conditionnelles de refuser un pardon dans les cas susceptibles de déconsidérer l'administration de la justice. Pour la première fois dans l'histoire canadienne, nous donnions à la commission les outils voulus pour refuser le pardon quand ce critère était satisfait.
Selon moi, alors et maintenant, cet outil suffit pour refuser une demande de pardon faite par Karla Homolka, si elle en prend l'initiative. Elle est peut-être aussi assez large pour permettre à la commission de refuser un pardon à Graham James, à supposer qu'il en fasse la demande aujourd'hui. C'est ce qu'a permis la coopération de tous les partis du Parlement, y compris le parti néo-démocrate. Les néo-démocrates ont, en outre, suggéré l'ajout de l'homicide involontaire coupable à la liste de délits requérant un délai de 10 ans avant l'obtention d'un pardon.
On se souviendra peut-être aussi que le Parlement a pris une autre mesure importante en juin: la prolongation des délais avant l'éventuelle obtention d'un pardon pour certains délits. Pour les agressions sexuelles à l'encontre d'enfants, le délai est ainsi passé de cinq ans à dix ans; et pour les infractions par déclaration de culpabilité sommaire, de trois ans à cinq ans.
Comme je l'ai dit, les néo-démocrates ont donc alors insisté pour que l'homicide involontaire coupable soit ajouté à la liste des délits requérant un délai de 10 ans d'attente. Nous l'avons fait précisément parce que c'était le délit dont Karla Homolka avait été reconnue coupable.
Laissez-moi ici faire une parenthèse que j'estime importante. L'ancien ministre de la Sécurité publique, Stockwell Day, avait procédé à un examen du système de pardon, il y a trois ou quatre ans. Le gouvernement avait effectué cet examen à l'époque où il était question de Graham James dans les nouvelles. Je crois, en fait, que c'était un autre délinquant sexuel faisant les manchettes qui a déclenché l'examen. Le gouvernement a donc examiné le système de pardon et y a apporté des changements minimes, à ce moment-là, soit en 2007, sauf erreur de ma part. Puis, nous avons effectué un examen vraiment en profondeur du système en juin dernier.
Je pense que la coopération de tous les partis en juin a permis une évolution importante et progressiste de notre système de pardon. Elle donnait aux décideurs la possibilité de refuser d'octroyer un pardon et la latitude pour ce faire. Elle mettait fin à ce qui, aux yeux des Canadiens et des Canadiennes, avait toujours semblé une simple formalité: une situation où, si l'on attendait les trois ou cinq ans voulus pour faire sa demande, on était quasiment assuré d'un pardon. C'est un problème auquel nous avons remédié en donnant un pouvoir discrétionnaire aux décideurs.
Nous avons aussi répondu, je crois, à une grande préoccupation des Canadiens, celle de savoir si trois à cinq ans suffisaient comme délai d'attente avant de faire une demande de pardon. Dans bien des cas, selon nous, c'était insuffisant. Souvent, surtout pour des agressions sexuelles, il serait bon de demander des preuves de réadaptation sur une période plus longue, une période de 10 ans. Je pense que c'était, là aussi, une mesure positive.
Des témoins ayant comparu devant le comité nous ont indiqué que, si une personne est susceptible de commettre un autre crime, elle le fait généralement cinq jours, cinq semaines ou cinq mois après sa libération. Si une personne reste cinq ou dix ans sans commettre d'autres infractions, d'après ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant, et peut-être conviendrait-il d'entendre d'autres témoins sur la question, il est vraiment peu probable qu'elle commette une autre infraction.
Voilà donc où nous en sommes. Le gouvernement nous est revenu cet automne avec d'autres propositions visant à changer le système de pardon. Certaines sont valables et méritent une délibération attentive. D'autres, je crois juste de l'indiquer, s'inscrivent dans la droite ligne d'aspects pervers du projet de loi présenté en juin. Toutes figurent, bien sûr, dans le projet de loi que nous avons sous les yeux, le projet de loi .
Comme je l'ai montré, le projet de loi de juin, projet de loi maintenant dénommé , a apporté des changements nécessaires et importants. Restent, dans le projet de loi , essentiellement des questions nécessitant selon moi une approche particulièrement prudente. Alors que nous n'avons pas apporté de changements au régime de pardon du pays depuis des décennies, alors que ce gouvernement a examiné le régime en 2007 sans souhaiter y apporter autre chose que quelques changements administratifs mineurs et alors que le Parlement y a apporté des changements importants en juin, l'urgence à ce stade n'est pas de mise.
Nous avons eu seulement trois jours d'audience, jusqu'à maintenant. Laissez-moi préciser, pour les Canadiens et les Canadiennes qui nous regardent, que trois jours d'audience ne constituent pas trois journées pleines, mais trois réunions de deux heures chacune, moins 15 minutes consacrées à chaque fois aux affaires du comité. Autrement dit, nous avons eu jusqu'à présent environ quatre heures et demie de discussions et de comparutions de quelques témoins sur la question des pardons au Canada. À la suite des deux séances où nous avons entendu des témoins — une poignée d'entre eux seulement — il me semble manifeste que le projet de loi est perçu comme présentant de graves insuffisances, voire même de graves défauts, selon certains. Or, chaque défaut exposé nous donne matière à réfléchir, en tant que parlementaires et que législateurs, et nous incite à procéder avec prudence.
Autrement dit, nous commençons juste l'étude du projet de loi qui comporte, manifestement, de nombreux problèmes à traiter. Pourtant, au lieu de tenir des audiences, le gouvernement veut mettre fin aux témoignages et passer en revue le projet de loi à vitesse grand V, sans la délibération attentive nécessaire. Selon moi, ce n'est pas une façon responsable de traiter une question très importante.
J'aimerais parler d'une de ces lacunes majeures. Le gouvernement a inclus dans ce projet de loi, il l'a fait au mois de juin et récidive cette fois-ci, ce que l'on appelle la règle des trois chances. Ce projet de loi comprend une disposition qui précise que tout délinquant ayant commis trois actes criminels ne pourra obtenir de pardon. Je répète. Le gouvernement conservateur veut adopter un projet de loi sur les pardons qui empêchera à jamais d'être admissibles à un pardon les individus ayant commis plus de trois actes criminels.
Les néo-démocrates ont fait le nécessaire pour que nous entendions les témoignages de quelques personnes qui seraient les plus touchées par ce projet de loi, d'anciens délinquants qui n'auraient pu obtenir leur pardon si le régime proposé avait été en place. Ce sont des gens qui ont commis plus de trois actes criminels. Ils sont venus ici et ont témoigné à cette table, devant le comité.
Nous avons aussi entendu des représentants d'organisations qui travaillent avec d'anciens délinquants. Voilà certaines choses que nous avons entendues jusqu'ici.
On nous a dit que l'adoption rapide de cette disposition pourrait en fait miner la sécurité publique. Nous avons entendu des témoignages, seulement quelques-uns jusqu'ici, qui montrent que le système de pardon et les mécanismes afférents constituent un outil du processus de réinsertion sociale. Il s'agit d'un outil très important. Nous avons entendu aussi le témoignage de gens qui travaillent avec des délinquants et celui de délinquants eux-mêmes. Ils ont affirmé que la perspective d'obtenir un pardon, de travailler pour l'obtenir, les aide à remettre leur vie sur le droit chemin et à éviter de commettre d'autres actes criminels.
Si le système carcéral a un but ultime, ce devrait être de travailler vers ce genre de choses, et tous les partis devraient être d'accord, c'est-à-dire que nous devrions toujours favoriser des politiques qui aident les délinquants à ne pas commettre d'autres infractions, non seulement parce que c'est bien pour les délinquants et leurs familles, mais aussi parce que c'est bien pour nos collectivités. Je veux que les personnes qui sont réintégrées dans la collectivité ne récidivent pas, qu'elles ne mettent pas en danger une autre famille, une autre personne ou d'autres biens. Je veux que nos citoyens soient capables de se promener dans nos rues en toute sécurité, ce qui signifie que moi, à titre de parlementaire, je prends très au sérieux les témoignages de gens qui me disent qu'une mesure en particulier les aide à ne pas récidiver. Ce projet de loi, cette disposition particulière, celle des trois chances, porterait atteinte à ce principe. Cette disposition éliminerait une source d'espoir, de motivation, une politique qui, comme certains témoignages le montrent, est clé puisqu'elle aide les gens à ne pas récidiver. On nous a parlé du rôle précieux que jouent les pardons dans l'amélioration de la sécurité des collectivités.
Les fonctionnaires nous ont aussi dit que 25 p. 100 des demandes de pardon étaient présentées par des gens qui avaient commis plus de trois actes criminels. Lorsque nous disons « plus de trois actes criminels », je suis certain que les Canadiens réagissent de la même façon que moi lorsque j'entends cette expression. Quelqu'un qui a commis plus de trois actes criminels ne devrait jamais obtenir de pardon. C'est ce que je pensais, jusqu'à ce que nous commencions à entamer un dialogue avec des gens qui connaissaient bien le processus et d'anciens délinquants eux-mêmes.
Trois êtres humains sont venus ici devant ce comité, seulement trois. Des dizaines de milliers de personnes qui pourraient être touchées par ce projet de loi, nous avons seulement entendu trois témoins. Nous les avons convoqués ici pour que notre côté de la table, et l'autre côté, celui du gouvernement, puissent leur poser des questions. Qu'avons-nous entendu? Nous avons entendu un témoin qui a été condamné pour avoir perpétré 24 actes criminels, ce qui semble horrible, jusqu'à ce qu'on connaisse son histoire. Il a été condamné pour avoir vendu des stéroïdes. Son épouse est morte du cancer lorsqu'il était tout jeune. Il avait une hypothèque, et il souffrait. Il avait des problèmes financiers, alors il a commencé à vendre des stéroïdes. Il nous a dit qu'une transaction de vente de stéroïdes entraîne des condamnations multiples: possession, trafic, conspiration et fraude.
Donc, quelqu'un qui semble être irrécupérable, un criminel invétéré, est en fait une personne qui a vendu des stéroïdes pendant six mois et qui s'est retrouvée avec 24 condamnations pour acte criminel parce qu'on peut être condamné plusieurs fois pour une seule transaction.
Qu'est-il devenu? J'espère que les Canadiens ont vu ce qu'il a accompli. Cet homme n'a pas récidivé pendant des années et est devenu cadre dans l'industrie médiatique. Il a une hypothèque, il s'est remarié et occupe un poste haut placé où il doit faire preuve de probité. Cette personne est un bel exemple de succès; son histoire illustre ce qui peut se produire lorsque le système carcéral fonctionne de la bonne façon. Ce n'était pas un crétin, un hooligan ou un criminel comme le gouvernement aime en brosser le tableau; ce n'était pas un monstre du crime aux cheveux longs, l'image que le gouvernement aime présenter lorsqu'il cherche un modèle pour ses politiques pénales. Il s'agit d'une vraie personne qui pendant un court moment de sa vie, avait un problème, et il s'est repris en main de façon admirable.
Notre deuxième témoin était un jeune Autochtone. Nous savons tous que les Autochtones sont terriblement surreprésentés dans notre système de justice pénale et dans nos pénitenciers. Cette personne nous a avoué être un ancien alcoolique qui avait commis des infractions contre les biens. Oui, elles étaient graves; je ne veux pas réduire l'importance des infractions. Il a commis des vols. Il a dit lui-même qu'il sait quelle douleur et quelle crainte il a causées lorsqu'il est entré dans les commerces pour commettre ces vols.
Mais c'est aussi quelqu'un qui a passé des années sans récidiver. Il a maintenant une famille et des enfants. Il a indiqué vouloir obtenir un pardon pour trouver un meilleur emploi afin de subvenir aux besoins de sa famille.
Ces trois personnes ont affirmé que le pardon constitue pour eux un incitatif et qu'il est une partie très importante de leur plan de réinsertion sociale, un élément les aidant à se reprendre en main.
J'irais même jusqu'à dire que certains témoins des conservateurs, des gens qui, à mon avis, ont beaucoup à raconter aux Canadiens au sujet du système de justice pénal, soit les groupes de victimes... Nous avons entendu Sharon Rosenfeldt et Sheldon Kennedy, deux victimes qui ont souffert aux mains de criminels d'une façon que personne ici ne peut vraiment comprendre. Mme Rosenfeldt a perdu un enfant à cause du meurtrier condamné Clifford Olson, et Sheldon Kennedy, lorsqu'il était adolescent, a souffert en raison des avances sexuelles de son entraîneur, quelqu'un qui était responsable de lui, qui aurait dû s'occuper de lui et le protéger, mais qui a violé cette confiance. Nous devons prendre ces témoignages au sérieux.
Nous avons entendu ces deux témoins. Aucun d'entre eux, à mon avis, ne serait terriblement favorable à l'idée d'éliminer la possibilité d'obtenir un pardon pour les gens qui ont seulement commis plus de trois actes criminels.
Dans son témoignage, le ministre a affirmé que ce chiffre de trois actes criminels ou plus était arbitraire. Nous lui avons demandé s'il avait des données à l'appui de ce chiffre. Y a-t-il des données qui montrent que quelqu'un qui a commis plus de trois actes criminels est moins susceptible d'être admissible à un pardon que quelqu'un qui en a commis deux? Le chiffre magique n'est-il pas quatre?
Sa réponse a été surprenante et très troublante, à mon avis. Il a indiqué simplement que ce chiffre semblait approprié. Il n'a pas de données, pas de données empiriques, rien du tout. Ça, c'est quelqu'un qui a accès aux ressources du ministère de la Sécurité publique et probablement à celles du ministère de la Justice, quelqu'un qui peut employer toutes les ressources du gouvernement pour effectuer des études et trouver des données et des faits. Il est venu au comité et il a dit qu'il n'avait rien; que trois, ça semblait être le chiffre approprié. Un, ça ne suffit pas, a-t-il affirmé; deux, ça ne convient probablement pas, mais trois, ça semblait être approprié.
Monsieur le président, ce sont là des politiques à la Boucle d'or. Ils élaborent des politiques comme le feraient les enfants: celle-ci est trop sévère, celle-ci est trop laxiste, et celle-ci semble convenir.
Cette politique empêcherait des dizaines de milliers de Canadiens d'obtenir un pardon pour le reste de leur vie. Et tout ça est fondé sur une impression, un pressentiment? Ce n'est pas ainsi qu'il faut élaborer des politiques carcérales dans ce pays et ce n'est pas ce pourquoi les Canadiens nous ont envoyés au Parlement. Je pense que les Canadiens nous envoient tous ici, au Parlement, pour examiner avec attention les faits et les preuves, pour faire tout en notre pouvoir pour élaborer des politiques informées et efficaces.
Encore une fois, le ministre a admis qu'il n'avait aucune preuve, aucune donnée, aucune étude montrant que l'adoption de cette loi accroîtrait la sécurité de nos collectivités de quelque façon que ce soit.
J'aimerais rester sur ce sujet pendant quelques instants. Les ministériels se sont levés à la Chambre à maintes reprises pour affirmer que le meilleur outil de sécurité sociale qu'une personne puisse avoir dans ce pays, c'est un emploi. Aucun député du gouvernement ne s'érigera aujourd'hui contre cette affirmation, parce qu'ils l'ont dit eux-mêmes, parce qu'ils y croient. Et d'une certaine façon, monsieur le président, c'est vrai. Les emplois jouent un rôle pivot dans les capacités des Canadiens de s'occuper d'eux-mêmes et de leurs familles.
Nous avons entendu des témoignages incontestables illustrant le fait que l'obtention d'un pardon est primordiale pour qu'une personne se réinsère dans la société et trouve un emploi. Nous savons tous que lorsque vous postulez un emploi, vous devez remplir un formulaire qui comporte une section où l'on vous demande: « Avez-vous déjà été condamné d'un acte criminel pour lequel un pardon n'a pas été accordé? » La capacité de cocher ou non cette case fait toute la différence et détermine si quelqu'un obtiendra ou non un emploi dans bien des cas. Si nous voulons que les délinquants sortent de prison, soient réinsérés dans la société et commencent à rembourser leur dette à la société, et si nous souhaitons qu'ils commencent à agir comme de bons citoyens et qu'ils cessent d'être un fardeau pour le contribuable et l'État, ne voulons-nous pas qu'ils obtiennent un emploi? Bien sûr, nous désirons qu'ils trouvent un emploi s'ils ont prouvé qu'on pouvait de nouveau leur faire confiance.
Les néo-démocrates sont totalement favorables à l'idée de resserrer le processus de pardon, pour qu'il soit possible de refuser de l'octroyer et pour que le délinquant prouve qu'il s'est vraiment réhabilité, avec une longue période de temps à l'appui. Nous ne voulons pas qu'il le prouve en paroles, mais en montrant que pendant une longue période de temps, il n'a pas récidivé, et l'on veut que cette période de temps soit respectable et substantielle, et dans certains cas, longue. Mais l'obtention d'un emploi est cruciale et cette proposition des trois chances minerait ce processus.
J'aimerais aussi aborder la question des temps d'attente qui se prolongent. Le projet de loi doublerait les périodes d'inadmissibilité à la présentation d'une demande de pardon. Cette période passerait de 5 à 10 ans dans certains cas, et de 3 à 5 ans pour les infractions par procédure sommaire.
Il vaut la peine de discuter davantage de ce concept, d'en apprendre plus à ce sujet. Pour quels genres d'infractions la période passerait-elle de 5 à 10 ans? Comme je l'ai déjà dit, les néo-démocrates ont indiqué qu'ils appuieraient le prolongement de la période d'inadmissibilité, qui passerait de 5 à 10 ans, dans le cas des délinquants qui commettent des infractions sexuelles à l'égard des enfants. Peut-être que dans certains cas, un délinquant qui commet des actes sexuels sur les enfants devrait-il ne jamais obtenir de pardon. Les néo-démocrates sont prêts à examiner cette possibilité.
Mais cette disposition ratisse large... le gouvernement affirme que la période d'inadmissibilité pour tous les actes criminels de tout type devrait passer de 5 à 10 ans. Le Code criminel est très épais et inclut tous les types d'actes criminels, de conduite avec facultés affaiblies, au vol à l'étalage en passant par la création de faux documents testamentaires ou de faux chèques. Les Canadiens sont conscients qu'il existe toutes sortes d'actes criminels dont la nature diffère. Ils s'inscrivent dans un continuum qui va des infractions minimalement sérieuses aux gestes carrément haineux, en passant par les actes modérément graves.
Je pense que nous pouvons tous convenir que pour certaines infractions, les criminels ne devraient jamais obtenir de pardon, mais assurément, la grande majorité des Canadiens seraient d'accord, parce que ce sont des gens responsables et sensés, que dans le cas de certains actes criminels, vous ne devriez pas avoir à attendre 10 ans pour obtenir un pardon. Ma collègue du Parti libéral a soulevé un très bon exemple à plusieurs reprises. Une jeune femme, peut-être une mère célibataire, se retrouve dans le pétrin. Elle est au début de la vingtaine et elle fait des faux chèques, ou peut-être commet-elle un vol à l'étalage parce que son revenu est faible et qu'elle doit trouver des vêtements pour ses enfants. Elle fait une erreur et commet un acte criminel.
Le gouvernement préférerait que vous attendiez 10 ans après que vous avez purgé votre peine, ce qui, dans nombre de cas, serait probablement 12, 13 ou 14 ans. De plus, monsieur le président, certaines entreprises qui aident les gens à obtenir un pardon ont affirmé que le processus d'obtention d'un pardon lui-même prend en général un ou deux ans.
Donc, cette jeune femme qui aurait commis une erreur à l'âge de 20 ans pourrait devoir attendre 15 ans avant d'obtenir un pardon en vertu de ce projet de loi. Sauf tout le respect que je vous dois, il ne s'agit pas d'une « mesure législative informée ».
Par ailleurs, le projet de loi a été traité si rapidement que nous pouvons déterminer qu'il existe des lacunes dans son libellé. Nous avons ce soi-disant problème, dont nous avons finalement pris connaissance en extirpant des informations au ministre et à son personnel de soutien — je pense qu'ils ont reconnu qu'il y avait des lacunes dans le libellé du projet de loi — en lien avec les gens qui sont condamnés pour avoir commis une infraction de nature sexuelle à l'égard d'enfants. Voilà comment cela fonctionne pour les jeunes délinquants: un jeune de 16 ans et un autre de 14 ans, ou un jeune de 17 ans et un autre de 14 ans. La disposition précisant la fourchette d'âge est mal rédigée. Nous sommes donc même aux prises avec un problème de libellé ici.
J'aimerais aussi parler un peu de ce qui me semble, sauf votre respect, être une légère hypocrisie conservatrice. Nous avons convoqué ces trois délinquants pour qu'ils viennent témoigner afin de montrer aux Canadiens et au comité qui sont les personnes qui seraient directement touchées par ce projet de loi. Encore une fois, je pense qu'il n'est pas exagéré de dire que nous avons entendu des témoignages touchants et convaincants de la part de ces anciens criminels qui ont changé leur vie, qui se sont complètement pris en main. Les conservateurs leur ont dit qu'ils étaient très fiers de ce qu'ils avaient fait, qu'ils admiraient vraiment la façon dont ils s'étaient repris en main. Je pourrais me tromper, mais je pense que l'un ou deux d'entre eux a même dit aux témoins: « Ce n'est pas vous que nous voulons viser. Nous ne voulons pas vous empêcher à jamais d'obtenir un pardon. Nous voulons viser les autres. » Mais bien sûr, ces trois personnes seraient exactement celles qui seraient visées et qui ne pourraient obtenir de pardon en raison de ce projet de loi.
Pire encore, après avoir siégé ici, au comité, tous les conservateurs qui ont parlé à ces anciens délinquants, qui les ont traités avec respect et qui ont loué leurs efforts ont pris la parole à la Chambre le lendemain et ont prononcé des déclarations outrancières et désobligeantes au sujet de ces personnes très courageuses qui sont venues raconter leur histoire.
Je ne donnerai pas de nom, mais je citerai l'un des députés à la Chambre, un jour après que ces anciens délinquants soient venus témoigner bravement, à la télévision, pour raconter leur passé criminel et la façon dont ils ont pris leur vie en main. Cela prend un énorme courage, et j'ai vu peu de Canadiens faire preuve d'autant de bravoure. Le député conservateur a dit:
« ... hier, le Comité de la sécurité publique a entendu des appels de criminels condamnés qui ne veulent pas qu'on touche au système de réhabilitation du Canada. Comme il l'a déjà fait à maintes reprises, le porte-parole libéral en matière de sécurité publique a montré qu'il faisait passer les droits des criminels avant ceux des victimes. »
C'est faux, bien sûr. Tout cela fait partie des beaux discours insensés que l'on entend du côté du gouvernement, qui accuse tous ceux qui veulent invoquer des études, des points subtils, des renseignements et des faits pour étayer le débat sur la criminalité... ils nous accusent de faire passer les criminels avant les victimes. Baliverne! Mais ils l'ont fait, et pire encore, ils agissent de façon hypocrite et disent à ces gens en les regardant dans les yeux à quel point ils les admirent. Le lendemain, ils se rendent à la Chambre des communes, où ils jouissent de l'immunité parlementaire, et les dépeignent au public canadien comme une bande de criminels de bas étage qui veulent libéraliser le système de pardon. Il y a très longtemps que je n'ai vu une hypocrisie pareille.
J'aimerais revenir sur les preuves. Jusqu'ici, les conservateurs n'ont pas déposé une seule preuve, une seule statistique, une seule étude ou un seul ensemble de données au comité qui montre pourquoi ces modifications sont nécessaires ou dans quelle mesure elles accroîtraient la sécurité des collectivités.
J'aimerais revenir sur la façon dont les conservateurs effectuent des modifications législatives axées sur la politique et la crainte, et non pas sur des preuves.
Lorsque le projet de loi , sur le transfèrement international des délinquants, a été renvoyé au comité, tous les témoins l'ont descendu en flammes. Les conservateurs n'ont pas trouvé un seul témoin pour appuyer le projet de loi.
Ils ont déposé le projet de loi et nous avons entendu hier ce panel d'experts exprimer de graves préoccupations quant aux répercussions sur la liberté de parole...
:
Je le ferai, monsieur le président. Jusqu'à présent, tous mes propos ont porté sur le projet de loi touchant le pardon.
Je comprends votre argument, et je l'accepte. Toutefois, vous exprimez votre opinion en qualifiant injustement mes propos. Je vous parle du projet de loi C-23B et de la motion, et si j'en ai long à dire, cela ne veut pas dire qu'on tente de bloquer quoi ce soit. C'est tout simplement qu'il y a de nombreuses lacunes, et qu'il faut beaucoup de temps pour toutes les souligner.
Je souhaite vous parler des lacunes graves qui sont ressorties des témoignages que nous avons entendus. Souvenez-vous qu'en vertu de la loi actuelle, on peut toujours faire des recherches sur les casiers judiciaires des personnes condamnées pour infractions sexuelles. Les Canadiens doivent savoir que dans le cas des délinquants sexuels, une organisation — surtout si elle travaille auprès des enfants — peut toujours demander à la police de faire ce genre de recherche et de lui fournir ces renseignements.
On n'efface jamais les infractions sexuelles. Je le répète, il existe une base de données dans laquelle on peut faire, et l'on devrait faire, des recherches parce que nous devrions veiller à ce que les personnes reconnues coupables d'une infraction sexuelle ne travaillent jamais auprès des enfants, et ne se retrouvent jamais, au grand jamais, dans une situation où elles pourraient récidiver.
En outre, nous avons entendu les témoignages selon lesquels 96 p. 100 — si je ne m'abuse — de ceux à qui on a accordé le pardon au cours des 40 dernières années n'ont pas vu celui-ci leur être révoqué. Je vois que Mary Campbell est ici, et j'espère qu'elle pourra me corriger si j'ai tort, parce que c'est tiré de son témoignage. Je pense qu'il s'agissait bien de 96 p. 100. Cela signifie que ces gens ne récidivent jamais, ce qui nous indique que le système de réhabilitation, dans les faits, fonctionne relativement bien. N'oublions pas non plus que les gens bénéficiant d'un pardon voient celui-ci automatiquement révoqué s'ils récidivent, ce qui veut dire que la loi prévoit certaines garanties. Toutefois, le projet de loi créerait de vastes catégories d'infractions pour lesquelles les délinquants ne pourraient jamais présenter une demande de pardon.
Alors, monsieur le président, tout cela pour dire qu'avant d'apporter ces changements radicaux, je voudrais entendre plus de témoins. Je veux entendre plus d'ex-contrevenants, plus de victimes, plus de professionnels du secteur des services correctionnels, plus de gens qui travaillent dans les prisons.
Je veux entendre le point de vue des agents de libération conditionnelle, puisqu'aucun n'a témoigné devant nous. Nous n'avons donc reçu le témoignage d'aucune de ces personnes qui travaillent auprès des ex-délinquants et qui les connaissent le mieux. J'ai déjà dressé la liste d'une demi-douzaine de témoins que j'aimerais entendre, dont certains représentent le ministère du gouvernement. Je veux connaître le point de vue de chercheurs, qui peuvent comparaître devant le comité et nous donner des statistiques sur le fonctionnement du système de réhabilitation et nous indiquer quels changements pourraient être apportés pour l'améliorer de telle sorte que le pardon ne soit octroyé qu'à ceux qui le méritent.
Les lois et politiques judicieuses se basent sur les faits, pas sur des mythes; sur la connaissance, et non l'ignorance. Elles doivent servir à améliorer la sécurité publique, et non pas découler d'une réaction inconsidérée et hâtive qui aurait pour effet de moins bien nous protéger.
Le gouvernement a eu toute la session d'automne pour lancer le débat sur le projet de loi C-23B. Pourtant, il a déposé une motion vendredi dernier, la semaine avant l'ajournement des Fêtes; on l'a fait vendredi seulement, avant la dernière semaine. La Chambre va probablement ajourner demain ou peut-être jeudi. Le gouvernement a donc attendu jusqu'à cette semaine pour déposer une motion visant l'étude article par article du projet de loi C-23B, alors qu'il savait fort bien que notre étude n'était pas terminée et que nous devions entendre d'autres témoignages.
Pourquoi le gouvernement a-t-il procédé ainsi? Parce qu'il fait de la basse politique. Je ne doute pas une minute que les conservateurs vont sortir d'ici en disant aux Canadiens que l'opposition retarde l'adoption d'une mesure législative sur l'octroi du pardon. Ils ne vont transmettre aux Canadiens aucun des 10 faits que je viens d'énumérer, et n'iront pas leur dire qu'ils ont eu amplement le loisir de procéder cet automne, mais qu'ils ont déposé une motion à la dernière minute pour donner l'impression qu'ils s'attellent à la tâche alors que ce n'est pas le cas.
Ils ne vont pas dire aux Canadiens que nous n'avons entendu le témoignage d'aucun agent de libération conditionnelle ni de personne qui soit responsable d'une maison de transition, qui s'occupe d'anciens criminels. Ils ne vont pas dire aux Canadiens que nous avons entendu le témoignage de trois personnes qui se sont réhabilitées.
Monsieur le président, de quoi les conservateurs ont-ils peur? Craignent-ils que les Canadiens comprennent que leurs mesures et leurs projets de loi ne visent pas l'atteinte d'objectifs législatifs louables, mais plutôt des fins politiques? Veulent-ils que les Canadiens sachent que leurs projets de loi sont rédigés à la hâte, mal ficelés et conçus pour atteindre leurs visées politiques?
Je pense que les Canadiens veulent que nous établissions des politiques avisées, monsieur le président, et je vais m'opposer à cette motion pour une dernière raison.
Je veux une saine politique de réhabilitation dans ce pays. Je veux m'assurer que l'on octroie le pardon uniquement à ceux qui le méritent. Pour ce faire, il faut prendre notre temps. Il n'y a aucune urgence. Nous avons attendu des décennies pour apporter des modifications au régime. Encore une fois, Stockwell Day avait examiné la question il y a à peine trois ans et estimait que des changements n'étaient pas nécessaires.
Ce comité a apporté des modifications en juin. Le Parlement a alors apporté des changements qui étaient substantiels, profonds et nécessaires. Nous pouvons nous permettre de prendre notre temps sur cette question, et c'est ce que je propose que nous fassions.
Par conséquent, monsieur le président, je vais voter contre cette motion.
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Je pense que cela a tout à fait rapport à la discussion.
Monsieur Lobb, je m'adresse à vous directement. Ce que je dis a un rapport direct avec ce projet de loi. Il y a des députés qui prennent la parole, des députés conservateurs qui se lèvent en Chambre pour dire que je suis du côté des pédophiles et que je prends pour le parti des délinquants sexuels. C'est malhonnête d'agir ainsi lorsque les députés eux-mêmes lorsqu'ils parlent aux témoins dans le cadre des séances de comité expriment de la sympathie pour leur situation.
Nous avons entendu un jeune Autochtone qui nous a parlé de l'horreur qu'il a vécu dans les pensionnats indiens et qui a dû faire face à la douleur d'être une victime et de subir le système des pensionnats. Malheureusement, il a réagi d'une manière qu'il juge probablement lui-même regrettable. Les membres du comité ont exprimé de la sympathie à son égard. Ils se sont réjouis et l'ont félicité d'avoir pu surmonter cette épreuve; il a maintenant réussi dans la vie et voilà un bon moment déjà qu'il n'a commis aucune infraction. Les membres du comité lui ont exprimé leur sympathie, ce qui n'a toutefois pas empêché certains d'entre eux de parler de lui dès le lendemain comme faisant partie des criminels endurcis pour lesquels nous ne devrions avoir aucune compassion. C'est difficile à avaler.
Lorsque j'ai exprimé des préoccupations relativement à ce projet de loi, je ne songeais pas aux délinquants sexuels sérieux; je pensais plutôt aux circonstances, comme je l'ai mentionné antérieurement, où une jeune mère, qui a de la difficulté à joindre les deux bouts, et qui prend de mauvaises décisions en signant des chèques frauduleux. Cette série de mauvaises décisions pourraient faire en sorte qu'elle se retrouve dans une situation où elle ne serait jamais admissible à un pardon.
Lorsque je pose des questions au ministre, il avoue lui-même que le projet de loi contient des faiblesses qui doivent être corrigées. Même si le ministre est d'accord avec moi à savoir que le projet de loi doit être modifié, lorsque je pose des questions semblables, le lendemain à la Chambre des communes et pendant bien des jours par la suite, on parle de moi comme étant indulgent face à la criminalité. Je comprends qu'il s'agit d'un objectif purement politique, mais je trouve que c'est quand même dommage, parce qu'au bout du compte, ces petits jeux ont des répercussions sur la vie des gens. Il y a des gens qui seront réellement touchés par les jeux politiques auxquels nous nous adonnons ici.
Lorsque nous siégeons à ce comité et que nous avons la possibilité de débattre de ce projet de loi, et que le gouvernement s'attaque à quiconque pose des questions réfléchies, et que le gouvernement s'en prend à nous et qu'il dénigre ceux qu'ils veulent tout simplement veiller à ce que nous adoptions un bon projet de loi; c'est carrément honteux. Vous rendez un très mauvais service à notre institution. Vous nuisez énormément à l'adoption de lois efficaces et à la tenue de débats éclairés.
Je pense que les membres doivent vraiment réfléchir à cette question, et se demander pourquoi ils sont nommés à des comités comme celui-ci. Lorsqu'on reçoit des témoins comme ceux que nous avons accueillis ici, c'est-à-dire des personnes qui sont souvent prises dans un cycle de victimisation, des victimes qui elles-mêmes propagent ensuite ce cycle de victimisation et de criminalité, et qui ont brisé le cycle et qui se sont personnellement amendées en laissant tout cela derrière elles...
Je me souviens d'un homme qui, je pense, nous a tous touchés. Pendant une mauvaise passe dans sa vie, il a vendu des stéroïdes. Il a reconnu que c'était une erreur et qu'il n'aurait pas dû agir ainsi. Chers collègues, cet homme à qui vous avez exprimé votre compassion et que vous avez félicité pour les améliorations qu'il a apportées dans sa vie, ne serait probablement jamais admissible à un pardon aux termes de ce projet de loi.
Il y a autre chose qui me chicote, monsieur le président, lorsque nous examinons les amendements qui ont été présentés au comité, on ne voit absolument pas... J'étais ici à environ 17 h 30 hier lorsque nous avons reçu ces amendements. Hier soir, nous avons eu un débat d'urgence sur Haïti. Je ne sais pas ce qui en est des autres membres, mais je n'ai pas quitté la Chambre avant 23 heures et j'ai fait environ 19 heures de route ce matin — c'est une façon de vous dire que les routes étaient vraiment très mauvaises. Mais dites-mois donc, monsieur le président, quand sommes-nous censés prendre connaissance de ces amendements? Je suppose que si je n'avais pas dormi du tout la nuit dernière, j'aurais eu la possibilité de prendre connaissance de ces amendements dont le gouvernement nous a si gentiment saisis hier, en fin de journée — et je peux voir que M. McColeman a beaucoup de compassion pour moi.
Voici la question que je me pose. Comment pouvons-nous débattre sérieusement d'amendements dont nous n'avons même pas pris connaissance?
Par ailleurs, j'ai une autre question à poser directement aux députés ministériels. Ce projet de loi pourrait être amendé, car comme le ministre l'a reconnu, et comme il ressort de vos propos, monsieur le président, il y a place à l'amélioration. Et pourtant, nous n'avons aucun amendement de ce genre en main. On nous a prévenu quelques jours à l'avance que nous allions être saisis de ce projet de loi. J'imagine que le gouvernement aurait voulu que nous l'amendions pendant ce temps, et que je travaille à la chandelle toute la nuit à rédiger des amendements législatifs. Ce qu'il y a de ridicule dans cette idée, c'est qu'il faudrait expédier le projet de loi tout de suite, alors que le gouvernement a lui-même reconnu qu'il doit être modifié et amendé.
Le gouvernement peut-il nous dire quels sont ces amendements? Les députés ministériels sont-ils prêts à les présenter? Sont-ils prêts à nous aider à les rédiger? Je peux leur indiquer très clairement les améliorations à apporter au projet de loi. Lorsque ces amendements seront prêts, j'accepterai volontiers de passer à l'examen article par article en temps opportun.
Lorsque nous aurons eu le temps d'examiner les 15 ou 16 pages d'amendements — je ne sais plus — que nous avons reçues tard hier soir, quand le gouvernement aura eu le temps de rédiger les amendements voulus et quand nous aurons terminé d'entendre les témoins, nous serons ravis de passer à la prochaine étape.
Il y a plusieurs témoins, toujours à la table, que nous n'avons pas entendus et que différents députés veulent entendre. Par exemple, nous n'avons pas entendu les groupes représentant les détenues. Or, de toute évidence, ce projet de loi va avoir des répercussions importantes sur les délinquantes. Pourtant, nous n'avons toujours pas eu la possibilité de les entendre.
Monsieur le président, j'aimerais entendre l'avis du gouvernement sur certaines de ces questions, pour voir si nous pouvons avancer. Si M. Mackenzie ne les a pas bien comprises, je peux les répéter volontiers. Quand recevrons-nous ces amendements? Pourrons-nous entendre d'autres témoins? Et si on nous donnait un peu de temps pour lire les 15 ou 16 pages d'amendements que vous nous avez remises?
Si vous tenez sérieusement à améliorer ce projet de loi, à adopter de bonnes lois plutôt qu'à jouer des petits jeux, pourriez-vous répondre à ces questions?
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Très bien, monsieur le président. Merci de me donner la parole pour parler de ce projet de loi. J'ai énormément de points à soulever.
Tout d'abord, je dois dire que c'est plutôt décevant. D'un point de vue très objectif, j'ai l'impression que ce gouvernement ne change pas de technique, qu'il veut faire des spectacles. Encore aujourd'hui, on est en train de faire un spectacle. Pourquoi? Malheureusement, ce gouvernement ne comprend pas que la sécurité publique est importante, voire fondamentale, et qu'on ne doit pas faire de spectacle avec la vie des gens.
Personnellement, je trouve aussi qu'il est extrêmement insultant de se faire « pitcher » ça en pleine face aujourd'hui, de se faire dire qu'il y a eu des amendements et qu'on veut étudier le projet de loi article par article. C'est d'autant plus insultant qu'on n'a pas encore entendu certains témoins. J'aimerais entendre ces témoins, comme ceux de l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes, un groupe qui, depuis plusieurs années, s'occupe quotidiennement des victimes. Malheureusement, ils n'ont pas pu venir en raison de contraintes de temps, mais ils souhaitent venir. J'aimerais entendre leur avis sur ce projet de loi. J'aimerais entendre la voix des victimes.
On a entendu le ministre nous parler de la notion des trois infractions. On dirait qu'il a inclus ça dans le projet de loi pour le simple plaisir de le faire. Cette idée ne semblait pas être très soutenue par des chiffres. Ça lui paraissait logique et c'était tout. J'aimerais entendre des gens qui soient capables de se baser sur des chiffres, qui connaissent les effets concrets de mesures pareilles dans la vie des gens. On a entendu des personnes qui étaient directement visées par ça et qui ont eu affaire à la justice. Toutefois, j'aimerais entendre des victimes.
Ce gouvernement se dit le champion de la cause des victimes. Or, jusqu'à présent, on n'a rien vu, et on attend toujours. On verra s'il appuiera notre projet de loi à l'étape de la troisième lecture — un projet de loi pour les victimes. Pardonnez-moi cette petite embardée, monsieur le président.
Le gouvernement se dit le champion de la cause des victimes, mais on n'a entendu aucune victime. Bien sûr, une personne est venue nous parler de ce qu'elle avait pu vivre, et ce fut très intéressant, d'ailleurs. Toutefois, j'aimerais aussi entendre des groupes qui représentent les victimes, et qui peuvent nous dire ce que les gens avec qui ils travaillent pensent de tout cela. Quand je parle des personnes avec qui ils travaillent, je parle bien sûr des victimes.
Par ailleurs, je trouve un peu dommage d'avoir à débattre aujourd'hui de l'avancement de ce projet de loi. Pourtant, tout le monde autour de cette table est de bonne foi, je le crois sincèrement, et veut faire avancer des projets de loi qui sont importants pour la sécurité publique. C'est du moins notre cas, au Bloc québécois.
À ce sujet, monsieur le président, je ne comprends pas qu'il y ait urgence d'agir. Soyons réalistes. Si on votait aujourd'hui en faveur de cette motion, quand pourrait-on étudier le projet de loi article par article? Cela se fera sans doute l'année prochaine, quand on reviendra. Tout le monde convient que même si on votait tous en faveur de cette motion, on ne pourrait pas l'étudier. On serait obligés de commencer à la rentrée. C'est donc un spectacle en soi, et c'est décevant.
Je me suis penchée sur cette question, et je me suis demandé ce qu'on pouvait faire pour rendre ce projet de loi meilleur, sachant qu'on n'a pas entendu tout le monde. Il se peut effectivement que les différents groupes nous suggèrent d'autres bonnes idées.
Pour la bonne compréhension des membres du comité, monsieur le président, je vais reprendre tous les points pour qu'on sache de quoi on parle.
Tout d'abord, lorsqu'on parle de pardon, à l'heure actuelle, on parle de la suspension du casier judiciaire. Qu'est-ce que ça veut dire, concrètement? Actuellement, après avoir été accusé pour un délit et avoir purgé l'entièreté de sa peine, qu'il s'agisse d'une incarcération, d'une amende, d'une probation ou d'autre chose, on peut faire une demande de pardon. En effet, ce n'est pas automatique. Cela ne nous est pas accordé automatiquement du seul fait qu'on y est admissible; il faut faire une demande. Or cette demande prend du temps. Compte tenu de toutes les étapes à suivre, ça peut prendre un an. Il faut se rendre dans une cour de justice pour obtenir la liste de délits, au poste de police pour faire prendre ses empreintes digitales, etc. C'est long, très long. Bref, ça peut prendre un an.
Il y a ensuite le traitement du dossier. On peut vous répondre que ce sera fait dans les six mois. Supposons alors que votre demande soit acceptée et votre casier judiciaire suspendu. Si vous entrez dans un dépanneur, que vous volez ne serait-ce qu'un sac de chips et que les policiers vous arrêtent, votre casier judiciaire est réactivé, comme ça, tout de suite, automatiquement. Aucune demande n'est nécessaire, dans ce cas. Il faut dire que le casier judiciaire n'était pas disparu dans les limbes.
Par ailleurs, même si vous obtenez un pardon — c'est en effet le terme qu'on emploie, pour le moment — et que votre casier judiciaire est suspendu, celui-ci n'est pas effacé aux États-Unis. On a connu des cas où des personnes ayant commis des délits — je crois qu'il s'agissait de participation à des manifestations, de voies de fait — pendant les années 1970 ou 1980 ont obtenu par la suite la suspension de leur casier judiciaire, mais se sont fait arrêter aux États-Unis, où leur casier judiciaire était toujours actif. Tout un système est réservé à ces personnes. Il leur faut alors suivre ce processus.
Maintenant, posons-nous la question et regardons les chiffres. Nous avons quand même quelques chiffres que le ministre n'avait pas. Ça va peut-être nous permettre de déterminer si le système actuel fonctionne.
D'ailleurs, monsieur le président, j'aimerais préciser une chose. Le projet de loi , qui était beaucoup plus gros, a été divisé en deux. Il s'agit ici du projet de loi . Je ne sais pas si vous vous en souvenez, monsieur le président, mais encore une fois, on nous a lancé ça juste avant de partir, en juin dernier. Ces gens en on fait une spécialité. Il y avait un spectacle à donner ce jour-là, et c'était le spectacle Homolka. Vous comprenez? Il fallait donc des acteurs, des médias, etc. Tout le spectacle Homolka a eu lieu.
On a néanmoins pris connaissance de ce fameux projet de loi . On s'est dit qu'il n'avait aucun sens, mais qu'on essayerait d'en faire ressortir les bons éléments. C'est ce qu'on a tous fait, de bonne foi. Ce qui suit est ce qu'on a ajouté à ce qui existait déjà.
Si elle veut faire une demande de pardon, une personne condamnée pour avoir infligé des sévices graves à quelqu'un, au sens de l'article 752 du Code criminel, va devoir attendre 10 ans à partir du moment où elle aura purgé toute sa peine, payé toutes ses amendes ou terminé toute sa période de probation.
Une personne qui a écopé d'une peine d'emprisonnement de cinq ans a trois ans de probation et une amende à payer. C'est un cas de figure typique. Il lui faut donc attendre huit ans. Après ces huit années, elle doit faire une demande. Attention, ce n'est en effet pas automatique. Pour faire la demande, il faut remplir un formulaire, fournir ses empreintes digitales, faire des démarches auprès de la police et de la cour de justice, etc. Disons que si la personne ne se décourage pas, ça prend un an. Après ces huit ans, soit cinq ans d'incarcération et trois ans de probation, il faut encore attendre 10 ans, ce qui fait 18 ans. Par contre, il ne faut pas oublier le fameux traitement dont je vous ai parlé, qui prend un an. Si on additionne à ces 18 ans le temps qu'il faut pour le traitement et l'acceptation de la demande, on arrive à un total de 20 ans. On parle ici de cas où la personne a commis un crime grave. Ça prend donc 20 ans pour que la personne obtienne enfin un document qui lui permettra de travailler. C'est la réalité.
Pourquoi les gens veulent-ils qu'on suspende leur casier judiciaire? Est-ce simplement pour avoir un petit papier de plus à classer dans leurs dossiers? Non. J'ai ici quelques exemples. La toute première raison est l'emploi. C'est ce qui permet de nourrir sa famille, mais aussi de ne pas retomber dans la criminalité. Tout bon criminologue, sociologue, intervenant, travailleur de rue, travailleur social ou policier, bref toute personne qui a déjà vu un délinquant en face comprend que celui-ci doit travailler. Je suis sûre que mes amis de l'autre côté le comprennent aussi. Pourquoi faut-il qu'il travaille? En travaillant, il paie des impôts plutôt que de vivre de l'aide sociale ou de l'assurance-emploi. De votre côté, ça vous permettrait de payer les milliards de dollars que vous devez investir dans les prisons. Comprenez-vous, monsieur le président?
Travailler permet non seulement de prendre le chemin de la réhabilitation, mais aussi de nourrir sa famille, de devenir un citoyen respectueux des lois. C'est de cette façon qu'on protège la société, et non pas en privant ces gens d'une suspension de leur casier judiciaire, en faisant en sorte qu'ils demeurent fichés toute leur vie et qu'ils ne puissent pas travailler. Il faut souligner que ces gens ne pourront pas être à l'emploi du gouvernement. Ils vont pouvoir travailler comme camionneurs, mais encore là, s'ils doivent couvrir un itinéraire de Montréal à New York ou ailleurs aux États-Unis, il va y avoir un problème majeur. En définitive, on ne peut tout simplement pas avoir de casier judiciaire. Vous voyez à quel point cette question est importante? Elle est fondamentale.
Pour ma part, je préfère voir ces gens travailler plutôt que de vivre de l'aide sociale ou de l'assurance-emploi. En fait, ils ne pourront sans doute pas obtenir d'assurance-emploi, vu qu'ils ne pourront pas travailler. Ils vont donc avoir recours à l'aide sociale ou encore reprendre leurs vieilles habitudes, soit voler, braquer les gens, être en colère, sentir la rage à l'intérieur d'eux et vouloir se venger de cette société qui les rejette, les traite avec discrimination. Le rejet, la discrimination, c'est fondamental.
Or, nous avons entendu ici des exemples de personnes qui se sont réhabilitées, qui ont des familles. Je suis sûre que si elles ne vous avaient pas dit qu'elles avaient un casier judiciaire, vous ne l'auriez même pas su, monsieur le président. Ce n'est pas inscrit nulle part que ces personnes ont un casier judiciaire. Vous comprenez? Ce sont des citoyens respectueux des lois, qui ont réussi, et je les en félicite. Et ils ne sont pas les seuls.
Regardons les chiffres dont je vous parlais tout à l'heure. Dans 97 p. 100 des cas, la suspension du casier judiciaire qui a été accordée aux personnes n'a pas été révoquée par la suite. Étonnamment, on a révoqué la suspension du casier judiciaire dans seulement 3 p. 100 des cas. De ce que je comprends, on l'a fait pour toutes sortes de raisons; ce n'est pas forcément à la suite d'une récidive. Il faudrait par contre explorer cette avenue. Je suis très intriguée. C'est à voir.
Que nous disent les chiffres? Selon les données de 2009-2010, environ 3,8 millions de Canadiens auraient un casier judiciaire, donc auraient été condamnés, et moins de 11 p. 100 d'entre eux auraient obtenu un pardon ou fait l'objet d'une réhabilitation.
Toujours en 2009-2010, la Commission des libérations conditionnelles du Canada a reçu 32 105 demandes de pardon. De ce nombre, elle a accepté de prendre en considération — ce qui ne veut pas dire qu'elle ait accordé le pardon — 24 844 demandes, ce qui équivaut à 77 p. 100 des demandes. Elle a procédé, toujours au courant de la même année, à l'examen de 24 559 demandes. Combien de pardons a-t-elle octroyés? Elle en a octroyé 16 247. Quant aux demandes de réhabilitation, 7 887 ont été agréées. Cela signifie que, sur tout le lot, quelque 97 p. 100 des personnes ont vu leur demande être acceptée. C'est extraordinaire.
Voici mon interprétation de ces chiffres. Tout d'abord, même si on fait une demande de pardon à l'heure où on se parle, il n'est pas sûr que la Commission des libérations conditionnelles du Canada va décider de se pencher sur la demande. Elle reçoit la demande, mais elle peut la rejeter sans même la considérer. C'est ce que je comprends des chiffres. En effet, des 32 105 demandes, elle a accepté d'en prendre en considération 24 844, puis a octroyé 16 247 pardons et agréé 7 887 demandes de réhabilitation.
Ces chiffres nous indiquent qu'il n'y a vraiment pas de quoi s'affoler. Il n'y a pas d'urgence.
Cela étant dit, la suspension du casier judiciaire demeure-t-elle importante? C'est fondamental. Ce qui est très important, c'est de ne pas mettre tout le monde dans le même bateau. Ce que nous voulons tous, c'est empêcher qu'on accorde un pardon aux gens qui agressent sexuellement des enfants. La situation est différente pour une dame ou un homme qui, ayant connu un parcours de vie un peu chaotique en tant que jeune adulte, a commis des vols à l'âge de 18 ou 19 ans. On conviendra que nous ne sommes pas tous des saints, que certaines personnes peuvent être contraintes de suivre, un jour ou l'autre, un parcours assez difficile. Cela n'empêche pas ces personnes de vouloir, par la suite, s'assagir et recommencer leur vie. En fait, si ces personnes veulent s'assagir, c'est qu'elles veulent recommencer leur vie.
Cela étant dit, examinons le projet de loi , dans lequel se trouve l'annexe 1. On dit que « en cas de condamnation à l’emprisonnement de deux ans ou plus ou pour une infraction visée à l’annexe 1 », il faut attendre 10 ans, après avoir purgé sa peine, avant de pouvoir obtenir une suspension du casier judiciaire. Il ne faut pas oublier qu'en réalité, cela ne représente pas 10 ans. On a fait le calcul ensemble et, au fond, c'est 20 ans.
J'ai devant moi l'annexe 1. Pour le commun des mortels, il faut dire qu'il y a de tout dans l'annexe 1. C'est une longue liste. Il y est question de « contact sexuel [auprès d'un] enfant de moins de 16 ans », d'« incitation à des contacts sexuels », d'« exploitation d'une personne âgée de 16 ans », de « bestialité en présence d'un enfant âgé de moins de 16 ans, ou incitation d'un enfant de moins de 16 ans à commettre la bestialité ». Écoutez, c'est dégueulasse. On s'entend tous là-dessus. Il est aussi question de « pornographie juvénile », de « père ou mère qui sert d'entremetteur », de « maître de maison qui permet des actes sexuels interdits ». Entre vous et moi, monsieur le président, le terme « maître de maison » nous donne l'impression d'être dans un royaume. Voir si ça a de l'allure de dire ça encore dans le Code criminel. Quoi qu'il en soit, l'annexe 1 inclut également la « corruption d'enfants », le « leurre », l'« exhibitionnisme », le fait de « vivre des produits de la prostitution d'une personne âgée de moins de 18 ans », et d'autres infractions graves. Je pourrais continuer comme ça longtemps.
Tout cela se trouve déjà dans le projet de loi . Je me demande donc quelle est l'urgence, monsieur le président. On a voté pour ça. Le projet de loi a passé en adoption rapide, comme on dit, en fast track. On s'était tous entendus sur ça.
Alors, quel est le problème? Pourquoi on vient nous « pitcher » ça dans la face aujourd'hui, par cette si belle matinée? Pouvez-vous me l'expliquer? Il n'y en a pas, d'explications. C'est pour le spectacle, monsieur le président. Tel était le but aujourd'hui. Je n'en démordrai pas, car je le crois fondamentalement.
Regardons maintenant le projet de loi . À première vue, qu'est-ce qui accroche? Est-ce le fait d'abolir le terme « pardon » pour le remplacer par « suspension du casier judiciaire »? Monsieur le président, à quoi riment ces obstinations épistémologiques sur les termes? Pour qu'on fasse un projet de loi dans le but de changer le mot « pardon » pour « suspension du casier judiciaire », il faut vraiment avoir du temps à perdre, n'est-ce pas? Vous êtes d'accord avec moi.
Posons-nous la question: pourquoi les conservateurs veulent-ils enlever ce mot « pardon » et le remplacer par « suspension du casier judiciaire »? De plus, monsieur le président, il faut faire attention à un point fondamental: ils veulent abolir le terme « réhabilitation ». Ce qu'ils n'aiment pas le mot « réhabilitation »! Ça, je peux vous dire que c'est la chose la plus terrible. Vous leur dites « réhabi... », vous ne terminez pas votre phrase qu'ils ont de l'urticaire. C'est incroyable.
Des voix: Ah, ah!
Mme Maria Mourani: Il y a une chose qu'ils ne comprennent pas, qui est pourtant un aspect fondamental et basic quand on étudie une mesure, du point de vue de la criminologie: la sécurité publique est basée sur la réhabilitation. Nous avons, au Canada, un système envié dans le monde entier. Savez-vous pourquoi? C'est parce que nous avons décidé que la protection du monde passait par la réhabilitation et par la prévention.
Je vous avoue que depuis l'arrivée de ce nouveau gouvernement, en 2006, je me pose des questions sur ces concepts, parce que, systématiquement, tous les projets de loi qu'il nous présente en la matière visent justement à casser cette réhabilitation. Que font-ils? Ils remplacent le mot « réhabilitation » par « sécurité publique » ou « protection du public ». Or, ce qu'ils ne comprennent pas, c'est que « réhabilitation » égale « protection du public ». Eux, ils comprennent: « incarcération » égale « protection du public ». Eh bien, ça n'a pas fonctionné, monsieur le président, ni aux États-Unis, ni dans les autres pays qui ont adopté cette technique.
Nous avons un bon système qui doit, certes, être amélioré de temps en temps. Cela dit, on ne jette pas le bébé avec l'eau du bain. On ne change pas une philosophie qui a fait ses preuves. La réhabilitation est fondamentale.
Si vous le voulez, monsieur le président, je suis prête à donner une formation à tous les gens du caucus conservateur. Je vais leur expliquer tous les concepts liés à la réhabilitation, et je vais leur dire comment la réhabilitation peut favoriser la protection du public.
Avant d'aborder le projet de loi , je veux vous parler d'un autre point. Vous pourrez vérifier les informations, monsieur le président. Vous verrez, c'est de toute beauté.
Il fut un temps où il n'y avait pas de casier judiciaire. On n'avait pas cette fameuse technologie qui nous permet d'avoir le nom, l'adresse, les empreintes digitales. Ça n'existait pas. Monsieur le président, savez-vous ce qu'on faisait au Moyen Âge pour identifier les personnes qui avaient volé, tué quelqu'un, etc.? Actuellement, on les identifie par l'entremise du casier judiciaire. Cependant, monsieur le président, à cette époque, on les marquait au fer rouge. On identifiait les voleurs de cette façon. Il y avait « V » pour « voleur », « M » pour « meurtrier », « A » pour — vous n'allez pas me croire — « adultère ». Dans certains pays, on lapide les femmes qui trompent leur mari, et croyez-le ou non, il fut un temps, au Moyen Âge, dans le monde occidental et non pas dans des pays exotiques, où on marquait les gens au fer rouge.
La société a évolué. Finis, les fers. Savez-vous comment on faisait ça? Dans ce temps, la torture était commune. On parlait de la question, et on torturait les gens jusqu'à ce qu'ils avouent qu'ils étaient coupables. Parfois, ils ne l'étaient pas. Vous savez, monsieur le président, si on vous torturait, vous avoueriez tout. Vous inventeriez même des choses pour que cesse la torture. C'est pour cette raison que j'ai toujours dit qu'il n'est pas bon d'utiliser des informations obtenues au moyen de la torture, comme le fait le SCRS. Ce n'est pas fiable.
Nous avons évolué, monsieur le président. Nous sommes une société évoluée, moderne, contemporaine. Nous ne sommes plus au Moyen Âge. Peut-être ne savez-vous pas très bien ce qu'est un fer rouge. Je vous explique. C'est la même chose qu'on fait pour savoir si le bétail — les vaches et les boeufs — appartiennent à tel ou tel fermier, monsieur le président. On doit les marquer. On prenait un bâton de fer, et on le marquait d'un numéro ou d'un signe: « M » pour « meurtrier », « V » pour « voleur ». Quand le fer était bien chaud, on faisait comme avec les vaches. Je vous explique: on attrapait la personne et on la marquait au dos. Ça ne sentait pas bon. Je n'étais pas là pour vérifier, monsieur le président, mais je me fie aux vaches.
Bref, la société a évolué, ce qui fait que nous avons inventé cette belle chose qu'on appelle le casier judiciaire. Toutes les informations s'y retrouvent. Ce qui est particulier, c'est qu'il n'y a que la police qui puisse y avoir accès. M. et Mme Tout-le-Monde ne peuvent pas y avoir accès, comme au temps du Moyen Âge, où le « V » était visible. On ne faisait pas travailler ces personnes, au Moyen Âge. C'est comme maintenant. Elles étaient carrément exclues et considérées comme des rebuts de la société. Pareillement, quand on sait qu'une personne a un casier judiciaire, aucun employeur ne veut l'embaucher.
Maintenant, on s'entend sur une chose, monsieur le président. Nous, les bloquistes, sommes d'accord pour ne pas suspendre le casier judiciaire des pédophiles. Je ne peux pas parler pour mes collègues, mais je suis certaine qu'ils partagent la même opinion. On est tous d'accord sur ça. Je ne voudrais pas voir mes enfants, mon fils, se retrouver dans une garderie ou dans un club de hockey à se faire taponner par un homme. Vous allez me dire qu'il y a aussi des dames qui le font, mais elles sont minoritaires. Ce sont généralement des hommes — que voulez-vous, c'est la réalité, les chiffres ne trompent pas. Je ne voudrais pas avoir à vivre cette situation, et je ne voudrais surtout pas que mon fils ait à vivre ça.
On est tous d'accord, mais est-ce que ça doit passer par le projet de loi C-23B tel qu'il est actuellement? Non, pas du tout. Voici ce qu'on dit ici:
De rendre inadmissibles à la « suspension du casier » les personnes reconnues coupables d’une infraction sexuelle contre un mineur [...]
On se dit que tout va bien, qu'on est d'accord sur ça, mais lorsqu'on regarde de plus près le contenu du projet de loi, on se rend compte qu'il comporte une série d'infractions autres que celle-là.
Monsieur le président, le Bloc québécois va présenter des amendements. Rendre inadmissible la suspension du casier judiciaire des personnes qui sont vraiment reconnues coupables d'infractions sexuelles contre des mineurs, c'est une chose, mais inclure une foule d'autres infractions, c'en est une autre, et c'est là que nous ne sommes pas d'accord.
Par ailleurs, il faut faire attention. Il faut à tout prix débattre de ces questions avant de passer à l'étude article par article. On doit encore entendre des témoins. Il est possible qu'on ajoute des éléments intéressants qui pourraient rendre ce projet de loi plus efficace encore. Notre but à tous est de protéger nos enfants, mais pas n'importe comment. Qui ne veut pas protéger ses enfants? Tout le monde le veut, c'est clair. Les enfants du Québec et du Canada sont nos enfants. Quand je vois à la télévision qu'un enfant a été agressé, ça m'écoeure. Croyez-vous que nous sommes faits de bois? Non. Nous voulons améliorer ce projet de loi. Je pense qu'en ce sens, nous sommes tous de bonne foi. Cependant, nous ne voulons pas l'améliorer d'une manière qui va pénaliser des gens réhabilitables.
Vous permettez que je prenne une gorgée d'eau, monsieur le président?
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Je vous souhaiterai un joyeux Noël plus tard. Ah, ah!
Excusez-moi, monsieur le président. Après ces merveilleux voeux, je vais continuer.
En ce qui concerne le projet de loi C-23B, il y a un aspect qui nous dérange énormément. Je pense que mon collègue M. Davies, en particulier, de même que M. Holland, a bien soulevé la question de rendre inadmissible la suspension du casier pour toute personne reconnue coupable de plus de trois infractions ayant entraîné des peines de plus d'un an de prison.
Où est mon Code criminel? Je pourrais vous faire l'énumération des infractions punissables par des peines d'un an.
Ah, merci, monsieur!
Une voix: Il est en anglais seulement.
Mme Maria Mourani: Je vais traduire pour vous, monsieur le président. Ah, ah!
Il y a des tonnes d'infractions punissables par une peine d'un an, dont le vol simple et le vol à l'étalage. Cela dépend de la valeur de ce qui est volé. Si une personne a pris quelque chose valant 5 000 $ et plus, une fois, elle peut recevoir une amende. Cependant, elle sera traitée au criminel, c'est-à-dire par voie de mise en accusation. Si l'objet du vol vaut moins de 5 000 $, la personne va recevoir une amende quand même. Par contre, elle sera traitée par voie sommaire.
Disons que l'objet volé vaut plus de 5 000 $ et que, plus tard, la personne se bat à la sortie d'un bar. Ce n'est pas le même délit, ils sont commis à quelques jours d'intervalle. Nous entendons-nous?
Par exemple, voici un scénario simple. Un homme s'en va dans un magasin et vole de la marchandise valant plus de 5 000 $. Il se fait prendre, il doit payer une amende et il se retrouve automatiquement avec un casier judiciaire. Deux ou trois jours plus tard, il sort avec sa blonde au bar, quelqu'un drague sa blonde et, mécontent, il se bagarre. C'est une situation typique qui se voit tous les jours et qui peut malheureusement mal finir parfois.
Pour le deuxième délit, il pourrait recevoir une peine de 3 à 4 mois, 5 mois, ou même plus, si le juge considère qu'une grande violence, ou une violence moyenne, a été utilisée. Comment fait-on, au juste, pour évaluer la violence? C'est une autre affaire. Ça dépend des juges. S'il écope d'une peine d'un an, on le prend et on le met en prison. S'il reçoit une peine d'un an dans une prison provinciale, on peut s'attendre, puisqu'il y a tellement de monde dans ces prisons, à ce qu'il en sorte après avoir purgé le sixième ou le tiers de sa peine. Disons qu'il sort après quelques mois. Il retrouve sa blonde qui l'a lâché. Ça va mal à la shop, dirais-je, et finalement il commet un autre vol, mais cette fois-ci avec voies de fait. Cela correspond à la troisième infraction. Il écope d'une peine d'un an ou d'un an et demi de prison, il ressort et c'est fini, il n'a plus droit à une suspension du casier judiciaire.
Toutefois, cet homme a eu la chance de rencontrer quelqu'un en prison, un bon aumônier qui l'a ramené sur le droit chemin. « Au fond, je vais me prendre en main, je vais travailler à gérer ma colère, je vais aller voir un psychologue qui va m'aider. Je dois reconnaître ce qui fait que j'ai une rage en moi. »
Je ne parle pas de moi, mais bien de cet homme dans mon exemple. Je fais du théâtre, monsieur le président. On est dans un spectacle conservateur, il faut bien continuer. Ah, ah!
Cet homme, donc, se dit qu'il va essayer de gérer sa rage. Pour ce faire, il va participer à des programmes de gestion de la colère. Avec un peu de chance, il va rencontrer un psychologue — ce n'est pas certain, car la liste d'attente est si longue. Il va rencontrer une bonne personne qui le ramènera sur le droit chemin. Il va rencontrer une bonne femme, très gentille, qui va lui dire d'oublier son ancienne amie et d'arrêter de prendre de la coke. Elle va offrir de l'aider à soigner les séquelles des abus qu'il a pu subir, de l'inceste qu'il a pu vivre.
Vous savez, on ne devient pas criminel comme cela. Il y a toujours un background horrible. J'ai travaillé longtemps dans les prisons, monsieur le président, et je n'ai jamais vu de ma vie un prisonnier qui avait eu une belle vie.
Pour ce qui est du gars de notre exemple, il s'est repris en main, il travaille, il a une famille, tout va bien et il postule des jobs. On lui répond qu'on ne peut pas le prendre parce qu'il a un casier judiciaire. Il ne veut pas retourner dans le milieu criminel. Il occupe quand même des jobs de misère pour nourrir sa famille, et il retourne à l'école. Il obtient des diplômes et il pourrait avoir un bon travail. Mais on lui dit non, parce qu'un gouvernement conservateur a décidé que la suspension du casier judiciaire serait impossible après trois infractions, malheureusement.
Plusieurs personnes vivent un scénario semblable. Cet homme est allé à l'école, il s'est démené, et quand vient le moment où il peut faire sa demande de suspension du casier judiciaire, il est tout heureux. Il se dit que, finalement, il a étudié, il s'est pris en main, il a sa femme et ses enfants, tout va bien dans la vie. C'est vrai qu'il a un salaire de misère parce qu'il a des jobs de misère, mais il peut maintenant faire une demande de suspension du casier judiciaire et il va pouvoir travailler dans son domaine. Il est allé à l'école pour cela. Il se présente, prend le formulaire qu'on lui donne et le remplit, fait prendre ses empreintes digitales, mais ensuite on lui dit non, qu'il a commis trois infractions et qu'il ne peut donc plus avoir une suspension du casier judiciaire. Cela fait des années qu'il n'a pas commis un seul crime, aucun crime. Il est devenu un citoyen respectueux des lois. Il paye ses impôts, donc il permet au gouvernement conservateur d'investir dans les prisons. Il arrive à avancer. Maintenant on lui dit qu'il n'a plus le droit d'avoir une suspension du casier judiciaire parce qu'il a commis trois infractions. Attention, il ne s'agit pas d'infractions graves, mais d'infractions ayant entraîné des peines de moins d'un an.
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Non, monsieur le président. Je vous relis ce qui est écrit ici. C'est écrit « inadmissibles ». Qu'est-ce que ça veut dire? Je vais vous donner la définition du mot « inadmissible ». Qu'est-ce que c'est, selon vous? C'est très simple. Ça veut dire: « ne peut pas être admis ». C'est une chose qu'on ne peut pas accepter. C'est une non-admission de quelque chose.
Prenons l'exemple d'un individu qui veut faire une demande de suspension de son casier judiciaire et qui est inadmissible — c'est ce qu'on lui dira s'il ne peut pas la faire. J'aurais pu vous donner la définition exacte du mot. Malheureusement, je n'ai pas de dictionnaire près de moi. C'est un autre outil important que j'aurais dû apporter.
Bref, sont inadmissibles à la suspension du casier judiciaire les personnes qui ont été reconnues coupables de plus de trois actes — trois ou quatre; je ne pense pas qu'on puisse parler de trois actes et demi — ayant entraîné des peines de plus d'un an. Évidemment, parmi ceux qui commettent ce genre de délits, certains posent plusieurs gestes criminels en moins d'un mois. Ce peut être un moment de crise qui met la personne dans une situation de survie, de rage, ce qui l'amène finalement à commettre plusieurs actes criminels en moins d'un mois. Ou encore, certains peuvent traverser des hauts et des bas et en commettre plusieurs en l'espace d'un an.
Monsieur le président, il faut tirer de tout cela qu'au fond, cet élément du projet de loi est inadmissible. Pourquoi? C'est qu'il remet en cause tout ce qu'on a fait depuis plusieurs années au Québec. La réhabilitation n'est plus considérée. D'ailleurs, plusieurs personnes ayant commis des actes criminels et ayant obtenu le pardon sont venues nous voir. Parmi ces personnes, un homme qui est en processus de demande disait que si ce projet de loi était adopté, il ne pourrait pas faire sa demande. Ces gens ont très bien exprimé qu'il ne sert plus à rien de se réhabiliter, puisque dès que trois infractions ont été commises, il est impossible de demander la suspension de son casier judiciaire. On laisse entendre aux gens que c'est le marché libre, qu'il faut oublier la réhabilitation, qu'elle ne sert à rien. De toute façon, un individu a beau faire ce qu'il veut, se démener, ça ne sert à rien. Monsieur le président, ce point est important, même si tout ce qui a été dit est important aussi.
J'en arrive maintenant à vous démontrer, dans l'évolution humaine, le lien entre ce qu'on faisait au Moyen Âge et ça. On dira aux gens qu'ils auront beau se démener et faire ce qu'ils veulent pour se réhabiliter, ils seront tout de même marqués au fer rouge toute leur vie, il n'y aura pas de suspension du casier judiciaire. C'est carrément un marquage moderne, même s'il n'est pas au fer rouge. C'est un marquage à vie de milliers de personnes. On dit que 3,8 millions de Canadiens ont un casier judiciaire, dont près de 32 000 font des demandes de pardon. On leur dit maintenant de faire attention, qu'ils seront marqués toute leur vie à cause de ce projet de loi, comme au Moyen Âge alors qu'on marquait les gens au fer rouge. Par surcroît, dans une société de droit qui considère les droits de tout le monde, c'est inadmissible. Les termes « inadmissibilité » et « inadmissibles à la suspension du casier » sont pareils. Monsieur le président, ce point est inadmissible.
Nous, du Bloc québécois, serons contre. On compte apporter un amendement qui abolirait toute cette partie qui rend inadmissible la suspension du casier judiciaire pour les personnes reconnues coupables de plus de trois infractions criminelles ayant entraîné des peines de plus d'un an de prison. On conçoit qu'il ne s'agit pas ici de personnes qui ont tué des gens. Cela n'a vraiment rien à voir. Ça va toucher tous les délits d'ordre économique.
Il ne faut pas oublier une affaire. En effet, il y a un élément fondamental dont on n'a pas parlé. Avant qu'on ne lui accorde une suspension de casier judiciaire, la personne ne doit pas avoir commis d'autres actes criminels. Cela veut donc dire que la personne qui a commis...
Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
Mme Maria Mourani: Non, pas du tout. Il ne faut pas qu'elle ait commis le moindre acte criminel. On ne peut pas accorder une suspension de casier judiciaire à quelqu'un qui a récidivé. Pas du tout.
Qu'est-ce que cela signifie? Prenons le cas d'une personne qui a commis un acte criminel en 1995 et qui doit attendre 10 ans après avoir purgé sa peine avant de pouvoir faire sa demande de suspension. Si elle commet un autre acte criminel entre-temps, ça repousse l'échéancier. Elle doit purger sa peine pour le deuxième délit commis et attendre de nouveau le délai requis avant de pouvoir faire une demande de suspension de casier judiciaire. Tout compte fait, cette personne sera peut-être rendue à 90 ans et se demandera bien à quoi tout ça lui servirait.
La suspension du casier judiciaire ne fonctionne que pour les personnes qui ont une forte capacité de réhabilitation. Une personne foncièrement criminelle ne fera jamais de demande de suspension de casier judiciaire. Pourquoi, à votre avis? C'est parce qu'elle sait très bien qu'on ne la lui accordera pas, qu'elle n'y serait même pas admissible, du fait qu'elle est encore impliquée dans des activités criminelles.
Cette disposition prévoyant la suspension du casier judiciaire, ou le pardon, comme on l'appelle maintenant, touche les gens qui ont une forte capacité de réhabilitation. De toute manière, ces personnes sont déjà réhabilitées, après avoir respecté le délai requis avant de pouvoir faire une demande de pardon. Après tout ce temps, elles ont fait la démonstration qu'elles étaient capables d'être réhabilitées. En réalité, elles sont réhabilitées puisqu'elles n'ont pas commis d'autres actes criminels.
Ce projet de loi, en incluant les délits qui ne sont pas des délits graves contre la personne, va malheureusement cibler les fameux 97 p. 100 de gens qui obtiennent une suspension du casier judiciaire et qui ne récidivent jamais. Ces gens seront touchés par cela, du simple fait que le ministre trouve cela logique. Les conservateurs ne comprennent pas le mot « réhabilitation ». Il souffle comme une espèce de vent qui nous ramène au Moyen Âge.
L'important est de prendre notre temps, d'entendre des témoins — j'ai d'ailleurs soumis plusieurs noms —, d'apporter de bons amendements à ce projet de loi pour le rendre efficace par rapport à ce qu'on veut cibler. On veut cibler les pédophiles, alors ciblons les pédophiles. Ne ciblons pas la madame qui a commis un vol à l'étalage pour nourrir ses enfants, ou le monsieur qui a commis une erreur de jeunesse à 18 ans, à la sortie d'un bar, en se bagarrant avec celui qui a dragué sa blonde. Ciblons les bonnes affaires. On veut que les pédophiles n'aient plus droit à une suspension de casier judiciaire, alors faisons-le, mais faisons-le bien. Ciblons les bonnes personnes, ou plutôt ciblons les bons crimes.
Cela étant dit, monsieur le président, nous allons présenter des amendements. Ce sera une grande joie de pouvoir contribuer à rendre les agresseurs sexuels d'enfants inadmissibles au pardon. Tel qu'il est actuellement, ce projet de loi est inadmissible.
En terminant, je vous remercie beaucoup de votre amabilité, monsieur le président, et je souhaite un joyeux Noël à tout le monde.
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Eh bien, j'ai deux autres citations que j'aimerais présenter, alors, et elles concernent les victimes. Voici un extrait d'un témoignage que nous avons entendu:
... mon expérience dans le travail auprès des victimes m'a permis de constater qu'il est très important que les victimes aient l’occasion de comprendre ce qui s’est passé et de savoir pourquoi c'est arrivé. Et afin de se sentir en sécurité, elles veulent avoir l’assurance que cela ne va pas se reproduire. Je pense que c’est un point important. En fin de compte, elles veulent savoir qu'en quelque sorte, cette affaire a aussi eu des répercussions sur le délinquant. Elles aimeraient savoir si le délinquant deviendra une meilleure personne ou fera amende honorable, pas seulement pour elles, mais aussi pour la société. Voilà le genre de choses que j’ai entendu au cours des séances de médiation, lors des entrevues avec les victimes, dans le cadre de la préparation de la médiation, et que j’ai vu se produire.
En fait, je pense que le projet de loi ne ferait que rendre plus difficile pour les victimes d’avoir un sentiment de satisfaction, parce qu'elles n’auraient pas l’impression que la personne évolue, qu'en étant graciée, la personne a atteint un certain niveau, a répondu à certains critères, et n’a pas commis un crime. Je pense que ce serait perdu.
D'un autre côté, en toute équité envers d'autres victimes qui ont témoigné, elles appuient de certaines façons le principe de ce projet de loi et c'est pourquoi je crois que nous devons entendre plus de victimes.
Je voulais également citer brièvement — parce que nous avons parlé des délinquants qui ont comparu, et le genre de témoignage dont je parle m'aide, en tant que législateur, à déterminer quelle est la meilleure façon de procéder. Je vais citer brièvement un témoin, car je crois que c'est le type de témoignage que les Canadiens devraient entendre plus souvent.
Il a dit:
Je m'appelle Chris Courchene. Je suis membre de la Première nation Sagkeeng du Manitoba. Je vis maintenant à Winnipeg, où je suis apprenti charpentier. Je suis ici aujourd'hui pour vous raconter mon histoire et pour faire le lien entre mon histoire et le projet de loi que vous étudiez.
Il s'agit du projet de loi .
Pendant les 11 premières années de ma vie, j'ai vécu surtout avec mes grands-parents dans la réserve. J'allais à l'école, et c'était un milieu assez fonctionnel. Puis j'ai eu 11 ans, ma mère faisait de son mieux, mais elle souffrait des séquelles que les pensionnats ont laissées sur elle. Elle était toxicomane, alcoolique et elle était très dure. C'était sa blessure. Elle n'était pas capable de s'occuper de moi comme elle l'aurait dû si elle avait eu une éducation normale elle-même.
Elle m'a fait entrer dans un gang de rue local quand j'avais 11 ans. Je le répète: ma mère m'a fait entrer dans un gang de rue quand j'avais 11 ans. Le gang m'offrait un sentiment d'appartenance, des moyens de survie et la sécurité. Entre 11 et 24 ans, j'ai été arrêté plus de sept fois, mais j'ai commis plus de sept infractions.
J'ai passé plus de la moitié de ce temps en prison.
Cela représente environ six ans.
Chaque fois que j'en sortais, j'avais la bonne intention de commencer une nouvelle vie, mais je me retrouvais tout le temps dans des culs-de-sac, en partie parce que je n'arrivais pas à trouver d'emploi à cause de mes antécédents, en partie à cause de l'alcool et de la drogue. Ce cycle d'infraction, arrestation, condamnation, emprisonnement et libération s'est répété sans cesse jusqu'à mes 24 ans. C'est alors que j'ai été recruté par le programme BUILD, au centre-ville de Winnipeg.
BUILD est une entreprise sociale autochtone qui accepte des personnes ayant des antécédents comme les miens et qui leur donne de la formation, de l'expérience d'emploi et un environnement encourageant. Il nous permet de passer de l'impossibilité totale de trouver un emploi au statut d'atout sur le marché du travail.
Pendant que j'étais chez BUILD, j'ai pris un cours sur le rôle de parent et j'ai pris conscience des cycles que je devais briser pour être un bon parent pour mes deux enfants. J'ai également pris des cours sur l'établissement d'un budget, le SIMDUT, les premiers soins et la RCR, et j'ai même obtenu mon permis de conduire grâce à un programme spécial.
Je suis maintenant prêt à passer à mon deuxième niveau d'apprentissage. Je ne peux toutefois pas y arriver avec un casier judiciaire. Je ne peux pas obtenir de bon emploi auprès d'employeurs comme Manitoba Hydro. Je n'ai pas récidivé depuis bientôt cinq ans et j'avais l'intention d'obtenir un pardon, puisque cela fera bientôt cinq ans que je n'ai pas commis d'infraction.
J'ai terminé ma douzième année, mon niveau un d'apprenti, et j'ai mon permis de conduire. Je mets l'accent sur ma carrière et je suis un parent aimant, dévoué pour mes deux enfants.
Le premier ministre Harper a offert ses excuses aux peuples autochtones à la Chambre des communes. Ces excuses m'ont encouragé à me guérir et mettre le passé derrière moi. J'ai hâte de devenir un citoyen productif et un membre à part entière de la société.
J'ai l'impression que ce projet de loi met tout le monde dans le même bateau. Je pense que le pardon devrait s'adresser aux personnes qui montrent hors de tout doute qu'elles se sont transformées et qu'elles présentent un risque de récidive très négligeable. Je sais que vous espérez réduire le crime avec ce projet de loi. L'objectif est louable. Il doit y avoir des conséquences à nos gestes, mais de mettre tout le monde dans le même bateau ne vous aidera pas.
J'espère que vous allez me permettre de demander un pardon. Je veux refaire ma vie.
C'était le témoignage d'un délinquant que ce projet de loi empêcherait d'obtenir un pardon pour le reste de sa vie.
Comme vous pouvez le voir, voilà une personne qui n'a pas eu la vie normale à laquelle on songe pour la plupart des enfants du pays. Devenir membre d'un gang de rue à 11 ans à cause de sa mère, une mère qui souffre de toxicomanie, et vivre dans la rue en tant que jeune Autochtone dans ce pays, ne constitue pas exactement le genre de départ productif que l'on veut offrir à nos enfants.
À l'âge de 24 ans, ce jeune homme avait déjà plus de trois condamnations. Devrait-on l'abandonner? Est-ce le genre de personne que l'on devrait abandonner? C'est une personne qui a changé sa vie, et qui a fait des efforts louables — finir l'école secondaire, devenir apprenti, ne pas commettre de crimes pendant cinq ans, suivre des cours sur l'établissement d'un budget, prendre des cours de premiers soins, de RCR, et essayer d'être un bon parent pour ses deux enfants. Eh bien, ce projet de loi que le gouvernement veut faire adopter ferait en sorte que cette personne ne pourrait jamais obtenir de pardon pour le reste de sa vie. Il a déjà expliqué comment cela serait un obstacle à sa carrière. Il ne pourrait même pas terminer son apprentissage.
Je veux aussi parler brièvement de la sécurité publique. Nous avons entendu le témoignage suivant:
Tout au plus, 4 p. 100 seulement des personnes ayant obtenu la réhabilitation récidivent par la suite, ce qui démontre que les critères actuels sont plus que suffisants. La réhabilitation n’empêche pas non plus qu’une personne fasse l’objet d’une enquête à l’égard d’autres infractions et ne facilite pas non plus la perpétration par cette même personne d’une infraction à l’avenir. Quel avantage y a-t-il pour la sécurité de la population à doubler la période d’attente et à supprimer toute possibilité de réhabilitation pour ceux qui commettent certaines infractions ou qui ont commis plus de trois actes criminels? Au contraire, le fait de placer d'autres obstacles devant ceux qui essaient de progresser et de vivre en respectant la loi compromet la sécurité du public. Il est dans l'intérêt du public de permettre à un individu, grâce au processus de réhabilitation, de tourner le dos à un passé criminel.
Le projet de loi comporte également un élément d’injustice pour ce qui est des personnes qui seraient les plus touchées. Il est bien connu que les Autochtones sont surreprésentés dans le système correctionnel. Au Manitoba, les Autochtones représentent seulement 12 p. 100 de la population générale, mais près de 70 p. 100 des détenus.
Voilà des gens qui seraient touchés et ciblés de façon disproportionnée par ce projet de loi s'il était adopté.
Monsieur le président, on nous a dit qu'il y a un certain nombre de crimes à caractère sexuel dans ce projet de loi dans la catégorie des crimes qui empêchent une personne d'obtenir un pardon. Je crois qu'il y a des crimes à caractère sexuel qui ne devraient jamais être pardonnés, mais nous n'avons pas entendu une seule minute de témoignage de qui que ce soit qui connaît les crimes à caractère sexuel. Nous n'avons pas entendu de chercheurs, de thérapeutes, de gens travaillant dans les institutions correctionnelles ou de personnes de Service correctionnel Canada. Je veux que Service correctionnel Canada vienne nous expliquer quelles sont les données, quelles sont les attentes et quelle est l'expérience réelle de ceux qui travaillent avec les délinquants sexuels.
Cet été, j'ai visité le Centre psychiatrique régional de Saskatoon, et j'ai parlé avec certaines des personnes très spéciales qui travaillent avec les délinquants sexuels là-bas. Le Centre psychiatrique régional est l'endroit où les délinquants sexuels fédéraux qui ne sont pas admissibles à des programmes sont envoyés pour qu'ils puissent avoir accès à certains programmes. J'ai rencontré un médecin qui m'a expliqué que nombre de ces personnes qui étaient analphabètes, avaient un âge mental de 5 à 15 ans et ne pouvaient avoir accès aux programmes normaux pour les délinquants sexuels. Elle m'a dit qu'il y avait une grande variété de personnalités et de personnes qui sont des délinquants sexuels. Il y en a qui seront peut-être dangereux leur vie entière et ne devraient jamais obtenir de pardon. Il y en a d'autres qui sont capables de réadaptation et qui ne commettront plus de crimes.
Je ne sais pas quels sont les pourcentages. Je ne sais pas jusqu'où nous devrions aller dans cette direction. Mais je sais ceci: je sais que personne à ce comité ne connaît les faits pour prendre une telle décision, y compris moi, parce que nous n'avons entendu aucun témoin.
Je n'ai pas encore pris position. En tant que législateurs je pense qu'il est important pour nous d'aborder chacune de ces questions en gardant l'esprit ouvert, et avant de retirer le droit à une vaste catégorie de délinquants sexuels de demander le pardon pour le reste de leur vie, nous devrions connaître les faits.
Je sais ce que les conservateurs vont faire. Pour tous les Canadiens qui nous regardent, ils vont sortir en courant et dire: « L'opposition dit que des personnes reconnues coupables de crimes sexuels contre des enfants devraient recevoir un pardon ». C'est cela qu'ils vont dire et, bien sûr, c'est faux. Ce n'est pas du tout ce que souhaite l'opposition. Ce n'est certainement pas ce que je dis.
Ce que disent les néo-démocrates c'est que nous devons examiner cette question attentivement, car le fait est qu'il y a une grande diversité de personnes qui sont trouvées coupables de crimes sexuels. Certaines des infractions visées par ce projet de loi ne devraient peut-être jamais pardonnées, particulièrement lorsqu'il s'agit de crimes sexuels contre des enfants. Mais il y a d'autres infractions visées par ce projet de loi qui demandent peut-être une approche plus nuancée et je pense qu'il faudrait examiner la vaste gamme d'infractions visées.
Je voudrais entendre des représentants du ministère. Je voudrais entendre le Service correctionnel du Canada. Je voudrais entendre des personnes qui travaillent dans nos prisons avec des délinquants coupables de ces crimes pour que nous puissions bénéficier de leur témoignage et de leur expertise.
Lorsqu'ils comparaissent devant ce comité... Nous payons leur salaire et nous leur confions le soin de ces délinquants. Ils travaillent chaque jour avec eux: gardiens de pénitencier, psychologues travaillant dans les pénitenciers, travailleurs sociaux, directeurs de prison, agents de libération conditionnelle, employés des maisons de transition, des gens qui travaillent avec des délinquants et avec d'anciens délinquants. Nous devons entendre leur perspective.