:
Je déclare cette séance ouverte.
Nous sommes le Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-391, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les armes à feu (abrogation du registre des armes d'épaule)
Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins cet après-midi. De la province de Québec, nous accueillons un regroupement de maisons pour femmes victimes de violence conjugale.
Comparaissent également à titre personnel, M. Jack Tinsley, M. David Shipman et M. Mitch McCormick, de même que les représentants d'un groupe d'étudiants et de diplômés de l'École Polytechnique.
Nous allons donc commencer par entendre les porte-parole du regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, et nous passerons aux autres témoins par la suite.
Veuillez vous présenter, nous indiquer le poste que vous occupez et nous parler un peu de votre organisation. Vous disposez d'environ 10 minutes pour votre exposé liminaire. D'ailleurs, cela s'applique à tout le monde. L'exposé liminaire doit être d'environ 10 minutes, et j'essaierai de vous faire signe quand le moment sera venu de conclure vos remarques.
Bienvenue donc au comité. Vous pouvez commencer dès que vous serez prêtes.
Je ne sais pas exactement qui va faire l'exposé.
:
Je vais commencer. Merci beaucoup.
D'entrée de jeu, j'aimerais dire qu'un mémoire écrit sera présenté. Il sera traduit et remis vendredi.
Mesdames et messieurs les députés, bonjour. Je suis Nathalie Villeneuve, présidente du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. Je suis aussi coordonnatrice de la Maison Hina, située à Saint-Jean-sur-Richelieu. Je suis accompagnée de Mme Louise Riendeau, coordonnatrice des dossiers politiques au regroupement. Nous prenons aujourd'hui la parole au nom de nos 48 maisons membres, réparties dans 16 des 17 régions du Québec.
Fondé il y a 30 ans, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale vise la prise de conscience collective de la problématique des femmes et des enfants victimes de violence. La mission spécifique des maisons d'aide et d'hébergement est de travailler avec et pour les femmes violentées, afin que cesse cette violence. Les maisons travaillent sur les plans individuel et collectif pour assurer la sécurité des femmes et des enfants, et plus largement pour contrer la violence conjugale. C'est à partir de l'expérience de ces femmes et de ces enfants, et de celle des intervenants des maisons qui les accompagnent dans leur démarche, que le regroupement prend ici position au sujet du projet de loi .
Pour nous, les mesures entourant le contrôle des armes à feu font partie d'un ensemble de mesures et doivent demeurer cohérentes avec d'autres instruments législatifs ou politiques, québécois ou canadiens. Ces instruments visent à permettre aux femmes victimes de violence conjugale et à leurs enfants d'exercer leurs droits à la vie, à la liberté et à la sécurité, comme c'est stipulé dans la Charte canadienne des droits et libertés.
La question de l'homicide conjugal et de l'infanticide commis par un conjoint ou par un ex-conjoint est un enjeu de première importance au coeur de l'intervention auprès de la clientèle des maisons d'hébergement, sur les plans de la sécurité et de la prévention. C'est pourquoi le maintien du Registre canadien des armes à feu est fondamental et crucial pour le regroupement et ses maisons membres.
Lutter contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes signifie mettre en place des systèmes de contrôle et de suivi qui permettent de responsabiliser les propriétaires d'armes et, par conséquent, de diminuer le nombre de décès et de blessures par armes à feu. C'est ce que le registre concourt à faire.
Il faut aussi tenter de prévenir l'intimidation par armes à feu, peu mentionnée dans les débats actuels. C'est une forme de violence pernicieuse qui touche des centaines de femmes au Québec. Le respect du droit de vivre dans un climat exempt de violence exige la mise en oeuvre de lois et de programmes efficaces assortis des ressources financières adéquates pour lutter contre toutes les formes de violence envers les femmes.
Or, depuis la mise en oeuvre des lois plus sévères sur les armes à feu adoptées depuis 1991, le nombre de décès et de blessures par armes a diminué. L'exemple des homicides conjugaux est particulièrement évocateur. Le nombre de femmes tuées par armes à feu, au pays, est passé de 74, en 1989, à 32, en 2005. Les contrôles sur toutes les armes à feu sont donc une façon efficace de lutter contre la violence.
Or, le projet de loi propose maintenant d'abroger l'enregistrement des armes sans restriction, qui sont les armes à feu le plus souvent utilisées pour tuer les femmes et les enfants, au Canada. Il vise à démanteler le contrôle des armes à feu au Canada, en dépit du fait que la loi a fait ses preuves et est considérée comme un outil essentiel au travail des policiers.
À notre avis, le projet de loi C-391 fait peu de cas de la Charte canadienne des droits et libertés qui stipule que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. De plus, le projet de loi est totalement contraire à l'esprit et à la lettre d'une récente déclaration contre la violence faite aux femmes, adoptée le 1er mars 2010 par les pays membres de l'Organisation internationale de la Francophonie, dans le cadre d'une séance présidée par le gouvernement du Canada en la personne de la ministre Josée Verner.
En signant cette déclaration, le Canada s'est engagé à assurer le respect des droits fondamentaux des femmes et des filles, notamment leur droit à la liberté, à la sûreté de leur personne, à l'intégrité, à l'égalité et à la dignité; à mettre en place des politiques publiques assorties de stratégies appropriées définies en réponse à ces violences; à accorder l'action contre la violence, aussi bien au palier national qu'aux paliers régional et international; et à sensibiliser et mobiliser les hommes et les garçons dans toutes les initiatives de prévention de la violence faite aux femmes et aux filles.
Le contrôle des armes fait sans contredit partie des stratégies appropriées pour répondre à ces violences. Qui plus est, le débat entourant ces mesures fournit au gouvernement une occasion de sensibiliser les opposants au registre à la nécessité de prévenir la violence faite aux femmes. Le contrôle des armes à feu sauve des vies.
On ne peut que constater que le contrôle sur toutes les armes à feu fonctionne. Le taux d'homicide avec fusil ou carabine a diminué de 52 p. 100, depuis 1991, alors que le taux d'homicide sans arme à feu n'a chuté que de 28 p. 100. Le nombre de meurtres de femmes tuées par balle a chuté de plus de 50 p. 100, passant de 85, en 1991, à 32, en 2004. Quant au taux de meurtres de conjoints avec une carabine et un fusil de chasse, il a diminué de 70 p. 100. Il est à noter que la grande majorité des propriétaires d'armes s'est conformée aux exigences du contrôle des armes. En effet, 1,89 million de propriétaires d'armes à feu détiennent un permis et plus de sept millions d'armes à feu sont enregistrées. La plupart, soit 90 p. 100, sont des carabines et fusils de chasse.
Sans le registre, il n'y a aucun moyen pour les policiers de garder les armes hors de portée de personnes dangereuses, d'associer les armes à feu à leur propriétaire et de les tenir responsables, ou de mettre en application les ordonnances d'interdiction. Les policiers, au Canada, consultent le registre 11 000 fois par jour et les renseignements que ces outils comprennent servent aussi à prévenir le crime et contribuent à faire avancer les enquêtes criminelles. Ainsi, au Québec, lorsque les services policiers reçoivent une demande d'intervention pour une situation de violence conjugale, le centre d'appels vérifie au registre si l'agresseur possède une arme et les policiers peuvent ainsi adopter le mode d'intervention le plus sécuritaire pour eux et pour la ou les victimes.
Ensuite, selon l'urgence de la situation, ils saisissent immédiatement l'arme ou demandent un mandat de perquisition pour le faire. Que le contrevenant possède ou non des armes, une demande d'interdiction de posséder une arme doit être présentée au tribunal. Généralement, il s'agit d'une condition de remise en liberté. Éliminer le registre ou le rendre inefficace a pour conséquence directe de priver les policiers d'un outil essentiel d'intervention et de prévention.
Le lobby canadien des armes à feu vaut-il plus aux yeux du Parlement que la sécurité des femmes, des enfants et des policiers?
:
Au chapitre des résultats et des constatations, le contrôle des armes à feu a permis de sauver des vies. Les homicides de femmes par armes à feu ont chuté de 63 p. 100 de 1991 à 2005. La Loi sur les armes à feu a conduit à d'importants progrès, notamment la diminution du nombre d'agressions armées dans un contexte de violence conjugale ou familiale. En 1989, année du drame de l'École Polytechnique, 40 p. 100 des femmes victimes d'un meurtre étaient tuées par armes à feu. En 2005, ce nombre avait chuté à 15 p. 100. Malheureusement, aujourd'hui, encore une femme sur trois tuée par son mari est tuée par une arme à feu. Les progrès sont encourageants, mais il faut continuer sans relâcher les contrôles, alors que beaucoup reste à faire.
Les carabines et les fusils de chasse sont les armes les plus souvent utilisées lors d'homicides conjugaux, pour la simple raison que les armes d'épaule sont le plus souvent présentes dans les foyers québécois, particulièrement en milieu rural. Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale considère que le projet de loi envoie un message dangereux. Si les armes d'épaule ne doivent pas être enregistrées, on dit alors qu'elles ne correspondent pas à un danger. Or, ces armes, comme les autres, doivent être considérées comme des armes à feu dangereuses. Les carabines et les fusils de chasse sont également les armes le plus souvent utilisées pour menacer les femmes et les enfants. Les menaces par armes à feu ne sont pas dans les statistiques, pourtant elles font des ravages importants, on le constate chaque jour dans les maisons. L'enregistrement est le seul moyen permettant aux policiers de garder toutes les armes hors de portée des personnes constituant un danger pour leurs proches et pour elles-mêmes. Autrement, les policiers n'ont pas d'autre mécanisme que la déclaration de la personne dangereuse pour connaître combien d'armes doivent être retirées.
La Rapporteur spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes et le Rapporteur spécial sur la prévention des violations des droits de l'homme commises à l'aide d'armes de petit calibre et d'armes légères ont tous deux souligné que les États qui ne réglementent pas adéquatement les armes à feu ne respectent pas leurs obligations en vertu du droit international, en particulier en ce qui concerne la sécurité des femmes et des enfants.
Nous croyons fermement que la sécurité des Canadiennes et des Québécoises doit prévaloir sur ce que certains considèrent comme des tracasseries administratives, tracasseries qui nous apparaissent comme étant des formalités essentielles et faisant partie intégrante d'une démocratie fonctionnelle. Des tracasseries pour sauver des vies? La question ne devrait pas se poser. C'est pourquoi le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale recommande au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de rejeter le projet de loi dans son entièreté.
Tous les éléments du programme d'octroi des permis aux propriétaires et d'enregistrement des armes doivent être sauvegardés. Le dépistage présentement effectué par une série de questions, notamment sur la santé mentale, les comportements violents et la toxicomanie, permet de cibler les requérants susceptibles de violence conjugale. De plus, le fait que les conjoints et ex-conjoints soient avisés de la demande d'enregistrement et puissent faire valoir leurs inquiétudes joue un rôle primordial dans la capacité des femmes de faire en sorte qu'un partenaire à risque de commettre un geste violent n'ait pas accès à une arme à feu.
Le fait qu'il y a présentement 254 000 ordonnances d'interdiction de posséder des armes nous en montre la nécessité. Il est clair que, au Canada, au Québec, il y a un appui très fort au registre des armes. Voilà pourquoi notre regroupement demande que le projet de loi ne devienne pas loi et soit rejeté dans son entièreté.
:
Mesdames et messieurs les députés, bonjour. Je suis Nathalie Provost, une enfant née à l’ère de tous les possibles. L’Homme marche sur la Lune. Les femmes peuvent choisir leur vie. Je suis ingénieure et mère de quatre enfants. Je suis heureuse de mettre mes talents au service de l’État. Je suis convaincue que nous, citoyens, sommes responsables de faire de notre communauté un lieu où il fait bon vivre et grandir ensemble. Mais je suis aussi une des victimes de Marc Lépine.
Il y a 20 ans, le 6 décembre 1989, cet homme qui croyait les femmes responsables de son malheur est entré dans mon école. Il est entré dans ma classe. Il a demandé aux hommes de sortir. Il a tiré sur mes collègues et moi, tuant mes amies et me blessant de quatre balles. Marc Lépine a utilisé un Ruger Mini-14, une arme très dangereuse, une arme qui fait des ravages que j’ai vus et que j’ai subis. Une chance inouïe m’a accompagnée au cours de cette funeste journée. Je n’en ai gardé que des séquelles mineures sur le plan physique. Mais cette chance me donne aujourd’hui la responsabilité de vous parler de l’importance du contrôle des armes à feu.
Depuis 20 ans, j’ai beaucoup réfléchi aux événements de Polytechnique. J’ai lu le rapport du coroner, j’ai pris connaissance d’analyses qui portent sur l’événement, sur les motivations de Marc Lépine, sur les causes immédiates et sur les enjeux sociaux de l’époque. Je comprends qu'il n’est pas simple de cerner entièrement tous les enjeux et que de nombreux facteurs doivent être considérés pour espérer éviter une autre tuerie. C'est un faible espoir, malheureusement, comme l’ont démontré les événements du Collège Dawson. Marc Lépine comme Kimveer Gill portaient en eux un certain bagage et avaient toutes sortes de motivations. Je sais qu'ils sont les principaux acteurs de ces drames.
Par contre, une chose est certaine: sans une arme, leur capacité de destruction aurait été infiniment plus réduite. Nous ne pouvons, comme société, ignorer l’instrument par lequel Marc Lépine s’est exprimé. Cette arme à feu m’a marquée pour toujours. C’est sur cette question que je porterai mon attention aujourd’hui. Je crois que le Canada doit demeurer le plus vigilant possible à l'égard de la question du contrôle des armes à feu, de toutes les armes à feu. Nous avons, au fil des années, bâti un mécanisme qui reconnaît que le port d’une arme est un privilège et non un droit. Ce mécanisme responsabilise les personnes souhaitant se prévaloir de celui-ci et bannit la possession de certaines armes dont les risques surpassent tout bénéfice pour la société. Pour moi, il est important de ne pas assouplir ce mécanisme, notamment à l’égard des armes d’épaule, qui représentent la grande majorité des armes en circulation.
Mesdames et messieurs les membres du comité, je suis ici pour témoigner du fait que toutes les armes à feu sont dangereuses. Le Ruger Mini-14 est une arme d’épaule présentement non restreinte. En vertu du projet de loi C-391, cette arme qui a tué 14 femmes et gravement blessé 13 autres victimes en moins de 30 minutes ne serait plus enregistrée dorénavant. Pour moi, il n’y a aucune logique derrière une telle orientation. Chaque jour, dans le miroir, je me rappelle la capacité de destruction de cette arme.
Une arme à feu est un objet dangereux qui doit être manipulé avec soin et attention. En avoir une en sa possession est un grand privilège qui entraîne une grande responsabilité que l’État se doit de reconnaître et d’encadrer. Vous êtes, comme moi, au service des Canadiens. En tant que citoyenne, je vote et je compte sur vous pour défendre l’intérêt du public en matière de sécurité. C’est de votre devoir et de votre responsabilité de légiférer pour diminuer les risques qu’une tuerie comme celle du 6 décembre 1989 se reproduise.
Selon tous les experts crédibles en la matière, autant les forces policières que les experts en prévention du suicide et de la violence conjugale, le Registre des armes à feu est nécessaire pour réduire ces risques. Je suis ici aujourd’hui pour ajouter ma voix à celle de ces groupes: maintenez le Registre des armes à feu et maintenez sa portée actuelle. Parce que je veux vivre dans un pays où les personnes sont responsables de leurs gestes et de leurs choix. Parce que je veux vivre dans un pays où il est possible de vivre sans avoir peur d’une arme.
Merci.
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.
On nous accuse souvent, en tant qu'étudiants et diplômés de Polytechnique, d'être émotifs, d'avoir réagi de façon impulsive et émotive, d'avoir de bonnes intentions, mais... Trop souvent, avec un ton paternaliste, on nous dit — et on nous l'a justement redit aujourd'hui — qu'on nous comprend, qu'il s'agit d'une croisade émotionnelle symbolique contre les armes à feu.
Alors soyons clairs. Oui, nous avons pleuré nos consoeurs. Oui, nous détestons la violence et oui, nous voulons changer le monde pour le mieux. Nous ne sommes pas les seuls. Les familles des victimes de Polytechnique ont travaillé avec nous pendant des années dans ce but. Or, notre démarche a aussi été rationnelle. Nous sommes des ingénieurs, après tout.
Permettez-moi de vous présenter les groupes que nous représentons ici aujourd'hui et dont les représentants sont présents. L'Association des étudiants de Polytechnique de 1989-1990, l'Association actuelle des étudiants de Polytechnique, l'Association des étudiants des cycles supérieurs de 1987-1988, l'Association actuelle des cycles supérieurs de Polytechnique, l'Association des diplômés de Polytechnique et la 114e promotion de Polytechnique, donc les étudiants qui ont obtenu leur diplôme l'année où le massacre s'est produit.
Comme nous sommes des personnes formées dans le domaine du génie, les faits et l'opinion des experts sont ce qui compte pour nous. Par contre, il faut s'entendre: je parle ici de l'opinion des véritables experts en sécurité publique, en santé publique, en prévention du suicide. Nous considérons que ni les groupes de propriétaires d'armes ni les politiciens ne sont des experts en matière de prévention du crime. Ce sont les policiers, les groupes de femmes et les autres experts de ce type. Or, nous faisons face aux arguments des députés et du lobby des armes à feu. Ils ont une grande influence et disent, en somme, soit que les armes d'épaule ne sont pas dangereuses, soit que le Registre des armes à feu est inefficace, d'où le projet de loi .
Rappelons quelques faits. Les armes d'épaule sont celles qui tuent le plus de policiers dans le cadre de leurs fonctions. Les armes d'épaule sont le plus utilisées lors de drames familiaux et de suicides par balle. Au moins six enquêtes de coroner ont recommandé l'enregistrement des armes à feu. Les principales organisations policières du pays sont unanimes pour dire que le registre est efficace. Les principales organisations de santé publique et de prévention du suicide appuient le registre. La Cour suprême du Canada a statué que l'enregistrement est une partie intégrante et nécessaire du régime de contrôle des armes à feu. De plus, les décès par armes à feu ont diminué de 43 p. 100 en général, qu'il s'agisse de suicides, d'homicides ou d'accidents, depuis la mise en vigueur des mesures. Les meurtres par armes à feu ont diminué de 40 p. 100 et les meurtres par armes d'épaule, soit les armes couvertes par les nouvelles mesures, ont diminué de 70 p. 100. Le nombre de femmes tuées par armes à feu a diminué de 66 p. 100 et le nombre de vols qualifiés a diminué de près de 50 p. 100. Enfin, les suicides par armes à feu ont diminué de 35 p. 100.
Finalement, en ce qui concerne le coût, le démantèlement du registre n'économiserait que trois millions de dollars par année. Pour ce qui est de tout l'argent qui a été dépensé pour mettre en oeuvre le système, on ne pourra pas le récupérer en abolissant le registre.
Pour nous, il n'y a pas de doute. L'ensemble de ces faits démontre clairement, logiquement et rationnellement que le Registre des armes à feu est nécessaire et efficace. Malheureusement, tous ces faits n'ont pas amoindri l'intention du gouvernement conservateur de démolir le registre. Il serait peut-être utile d'aborder la question du point de vue de ceux qui font la promotion du projet de loi C-391. Souhaitent-ils vraiment que la police ne puisse pas lier une arme à feu à son propriétaire légal, qu'elle ne puisse pas faire la distinction entre les armes d'épaule légales et les armes d'épaule illégales, qu'elle ne sache pas quelles armes et combien de celles-ci doivent être confisquées lorsque les tribunaux imposent une interdiction de possession à un individu à risque? Veulent-ils que les propriétaires d'armes puissent vendre leurs armes illégalement à n'importe qui, sans qu'il y ait de conséquences? En effet, on ne pourrait pas retracer les armes.
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je m'appelle Jack Tinsley. Je suis né et j'ai grandi à Winnipeg, et j'y vis depuis toujours.
Si vous me permettez, je voudrais prendre une minute pour vous parler de mes antécédents et des raisons pour lesquelles je suis, selon moi, la personne tout indiquée pour venir à Ottawa et se présenter devant vous aujourd'hui. Je tiens à vous remercier de me permettre de prendre la parole devant vous.
J'ai été policier à Winnipeg pendant plus de 33 ans et, au moment de ma retraite, j'avais le grade d'inspecteur. J'ai été membre d'une équipe d'armes spéciales et tactique pendant plus de 11 ans, et pendant la majeure partie de cette période, j'ai été chef d'équipe rattaché à l'unité des tireurs d'élite. J'ai donc eu à employer la force meurtrière pour défendre ma vie. Je comprends bien ce concept. J'ai passé plusieurs années à faire des patrouilles comme policier en uniforme avant de me spécialiser dans les enquêtes, au sein de l'escouade antidrogue. Ainsi il m'est arrivé des dizaines de fois d'acheter, comme agent d'infiltration, de la drogue à des narcotrafiquants ou encore des armes de poing volées ou non enregistrées à des libérés conditionnels qui avaient bénéficié d'une libération anticipée. Je suis considéré comme un expert, à tous les paliers du système judiciaire du Manitoba, pour ce qui est des drogues illicites du trafic de la drogue. Ces expériences et de nombreuses autres que j'ai connues en gravissant les échelons de la hiérarchie au cours de ma carrière, m'ont amené à tirer trois conclusions.
Premièrement, la drogue constitue — et c'est le cas depuis les 25 dernières années ou plus — la cause directe ou sous-jacente de la grande majorité des crimes qui sont commis. La majorité des meurtres et des crimes violents y compris les infractions comme le vol qualifié, l'introduction par effraction, le vol à l'étalage à grande échelle et d'autres crimes contre les biens — sont commis à l'heure actuelle par des personnes qui font le trafic de la drogue ou encore par des toxicomanes. Le crime organisé doit une bonne partie de sa prospérité au narcotrafic, ce dernier dépassant toutes ces autres activités du point de vue de l'immensité des profits qu'il rapporte.
Deuxièmement, les criminels ne se procurent pas un permis d'armes à feu et n'enregistrent pas leurs armes à feu, dont ils peuvent facilement se débarrasser. Ils se fichent complètement des règlements. À cet égard, il est intéressant de noter que le FBI a récemment publié ses plus récentes statistiques sur la criminalité, et selon cet organisme, 95 p. 100 de tous les crimes commis à l'aide d'une arme à feu sont liés à l'activité de bandes criminelles. Ce sont ces mêmes bandes criminelles qui sont à l'origine de ce narcotrafic. Pour moi, il s'agit d'une information crédible, et on ne peut pas la rejeter du revers de la main en disant qu'elle ne s'applique pas au Canada. Nous pouvons tous supposer que la majorité ou même la totalité de trafiquants de drogue sont armés. Les sommes considérables qui sont en jeu et la nature même des acteurs dans ce cercle de commerce illicite, qui sont souvent prêts à tout, d'ailleurs, sont telles que c'est une réalité tout à fait inévitable.
Troisièmement, le registre canadien des armes d'épaule, qui existe depuis environ 10 ans, ne s'est pas révélé un moyen de dissuasion efficace contre les crimes violents. À part l'avantage minime, et bien souvent, peu fiable, de nous permettre de compter les armes à feu — encore qu'il s'agisse seulement de celles qui ont été enregistrées par des propriétaires honnêtes — le registre ne constitue pas un outil d'enquête particulièrement utile pour les policiers, alors qu'il avait pour objectif de prévenir les crimes commis à l'aide d'une arme à feu et donc de sauver des vies.
Ce sont des affirmations audacieuses, mais elles ne sauraient être plus vraies. Malheureusement, vous n'allez pas entendre parler — du moins, pas en grand nombre, et peut-être pas du tout — des centaines de policiers qui sont actuellement de service, dont certains qui ont été blessés par balle dans l'exercice de leurs fonctions, ni des chefs de police, qui ne sont pas si peu nombreux que cela, qui vous diraient exactement la même chose. Il y a une raison à cela: on les a effectivement réduits au silence, étant donné qu'ils ont fait savoir que, selon eux, le registre des armes d'épaule est inefficace et qu'ils avaient fait savoir précédemment qu'ils seraient prêts à en témoigner de vive voix dans le cadre de ces audiences. Pour être franc, leur chef de police respectif leur a ordonné de ne pas comparaître dans le contexte de ces audiences, et donc de ne pas parler en écoutant leur coeur et leur conscience et ce afin de promouvoir des solutions de rechange efficaces qui permettraient de réduire la fréquence des crimes violents contre les femmes et contre toute autre personne au Canada.
D'autres, comme plusieurs responsables d'associations de policiers au Canada, qui ont exprimé par le passé leur opposition au maintien du registre des armes d'épaule, ont décidé, pour les mêmes bonnes raisons, de ne pas comparaître devant vous pour vous dire la vérité, ayant compris que cela pourrait avoir des conséquences pour eux à l'avenir au moment de briguer certains postes au sein de l'Association canadienne des policiers ou d'autres organismes.
Lundi, un directeur de l'Association des policiers de Winnipeg qui est actuellement en fonction m'a passé un coup de fil. George Van Mackelbergh est un policier respecté qui a passé de nombreuses années à réprimer l'activité criminelle des membres des Hells Angels et d'autres criminels organisés violents. Il m'a fait savoir en termes très énergiques qu'il n'est pas du tout d'accord pour maintenir le registre des armes d'épaule. Et il n'est pas seul. J'en ai discuté avec un grand nombre de policiers expérimentés, dont plusieurs au cours de cette semaine, qui m'ont tout dit exactement la même chose. Les avantages qu'ils en retirent sur le plan de l'information sont trop rares et trop peu fiables. Le coût est trop élevé et, en fin de compte, le fait est que les propriétaires d'armes à feu respectueux des lois sont les seuls à avoir enregistré leurs armes à feu. La majorité des criminels ne l'ont pas fait.
Les faits sont-ils à ce point dangereux que l'Association nationale des chefs de police a dû envoyer un représentant à chaque chef de police du Canada afin de faire pression sur ceux qui ne sont pas d'accord et qui continuent à demander l'élimination du registre, pour que ces derniers se rangent du bon côté? Qu'est-il donc arrivé à la liberté d'expression? J'ai entendu au moins deux ou trois chefs de police répéter le même cliché en cherchant à exprimer leur appui pour le registre: « Nous favorisons toute initiative qui nous facilite notre travail. » Cela devrait-il inclure toute initiative inefficace? Je ne pense pas, surtout qu'il existe de meilleures options — par exemple, l'arrêt de la détention à domicile et de la mise en liberté moyennant un engagement de ne pas commettre de crimes violents, étant donné que les criminels n'en tiennent pas compte et ont la possibilité de commettre d'autres crimes comme bon leur semble.
Est-il normal qu'un dirigeant profite de sa charge pour atteindre ses propres objectifs politiques en refusant à tous les policiers qui n'ont pas un poste de dirigeant d'avoir voix au chapitre, si jamais ils ne sont pas d'accord?
Vous vous dites peut-être que je ne sais pas de quoi je parle. Mais je peux vous garantir que j'ai l'expérience directe de ce que je vous décris.
Après l'adoption de la loi créant le registre des armes d'épaule, j'ai rédigé un article qui présentait mon point de vue, qui s'appuyait sur 26 années d'expérience — sur le potentiel du registre des armes d'épaule, surtout qu'à l'époque, j'étais un policier qui avait travaillé dans la rue. Bref, j'ai dit que ce registre ne permettrait pas de réprimer les crimes violents, qu'il coûterait extrêmement cher, que bon nombre de citoyens ne se conformeraient pas à la loi et que, si, en tant que pays, nous souhaitions vraiment réduire les crimes violents, il fallait plutôt garder les criminels en prison en exigeant que nos tribunaux infligent des peines plus sérieuses. J'ai également dit que les lois qui étaient en vigueur avant la création du registre étaient des lois efficaces et qu'il fallait simplement s'assurer de les appliquer. Dix ans plus tard, tout cela est tout aussi vrai.
Dans cet article, j'ai également répété l'argument irréfutable selon lequel ce ne sont pas les armes à feu qui tuent, mais plutôt les gens. J'ai dit que c'était une bonne idée, et c'est encore le cas aujourd'hui, d'exiger que tous ceux qui désirent acheter une arme à feu respectent certains critères avant d'obtenir ce droit. L'ancien système des autorisations d'acquisition d'armes à feu, qui était en vigueur précédemment, prévoyait que la demande de chaque personne cherchant à obtenir une AAAF soit examinée par un policier, ce qui est justement essentiel. Ainsi le policier se mettait en rapport avec le ou les conjoints pour leur poser des questions directes au sujet de problèmes potentiels de sécurité ou d'autres préoccupations de ce genre. Ainsi très peu de personnes potentiellement dangereuses arrivaient à cette époque à obtenir une AAAF. C'était une approche éminemment proactive. Aujourd'hui, nous sommes paralysés par une bureaucratie qui ne prévoit aucune interaction directe entre les demandeurs et des policiers expérimentés qui vérifieraient normalement les antécédents de chaque demandeur.
Quoi qu'il en soit, quand j'ai fini de rédiger cet article, je l'ai remis au chef adjoint de l'époque, dont je respectais l'opinion, pour qu'il me fasse part de ses réflexions au sujet de ce que j'avais écrit. Il m'a indiqué qu'il était du même avis que moi, avis partagé par de nombreux autres policiers à l'époque. Mais il m'a dit, et je le cite: « Si cet article est publié, ce sera pour toi le suicide professionnel. » Le nom de ce chef adjoint était Lawrence Klippenstein, et quand je lui ai parlé il y a quelques jours, il m'a fait comprendre qu'il est favorable à l'abrogation du registre des armes d'épaule.
En fait, l'article en question a bel et bien été publié en 1999 dans le Winnipeg Sun. Assez longtemps avant que cela se produise, j'en ai fourni une copie au chef de police, par simple politesse, qui m'a répondu du disant: « Je respecte ton opinion, mais je ne suis pas d'accord avec toi. » Dans sa réponse, il me demande de ne pas associer le Service de police de Winnipeg de quelque façon que ce soit à l'opinion que j'exprime dans cet article. Par la suite, j'ai passé les neuf dernières années de ma carrière comme inspecteur, à l'exception de deux ou trois mois où j'ai été agent de service en district pendant lesquels j'ai travaillé par postes. Autant que je sache, c'est sept ans de plus que n'importe quel autre inspecteur.
S'agissait-il d'une mesure disciplinaire — le suicide professionnel contre lequel on m'avait mis en garde? Je suppose que oui, mais j'ai dit ce que je devais dire, à mon avis, et je ne l'ai jamais regretté.
Je n'ai donc rien à gagner ni à perdre en me présentant devant vous aujourd'hui. J'aurai la conscience tranquille en vous quittant tout à l'heure. Encore une fois, je me serai exprimé sans ambages devant ce comité et devant le public canadien. Il est temps qu'on abandonne ce registre des armes d'épaule. Je suis sûr que ceux qui l'ont créé avaient les meilleures intentions, mais il nous a coûté jusqu'ici presque 2 milliards de dollars, sans pour autant constituer un moyen de dissuasion efficace contre les crimes violents. Il n'y a pas de raison d'avoir honte de le dire. La Nouvelle-Zélande a fait la même constatation après sept ans d'expérience avec un registre à peu près identique au nôtre. Cette dernière a donc décidé de l'éliminer parce que — et c'est une citation directe: « Il semble… correspondre à un système de calcul fort compliqué qui ne repose sur aucun objectif concret. »
L'Australie a lancé en 1997 une initiative qui lui a coûté 500 millions de dollars; il s'agissait d'une loi obligeant les Australiens à remettre aux autorités leurs armes à feu personnelles, qui étaient au nombre de 640 381. Un an plus tard, la fréquence des homicides, des agressions et des cas de vol qualifié avait augmenté. Ce sont des crimes violents. Des crimes non violents comme les introductions par effraction ont également augmenté en flèche. Je suis généreux en disant que son programme n'a pas donné les résultats escomptés.
Il y a donc un certain nombre de faits intéressants et tout à fait pertinents dont je voudrais faire part au comité, notamment en ce qui concerne la fréquence d'utilisation par la police des renseignements que fournit le registre.
:
Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est donnée de vous faire part de mes vues sur cette question importante.
Je m'appelle Dave Shipman. Je suis né et j'ai grandi à Winnipeg, et à l'heure actuelle, je vis en milieu rural à l'extérieur de la ville. J'estime que mon expérience de la vie et mes activités de policier depuis l'âge de 19 ans indiquent bien que j'ai les qualités requises pour intervenir aujourd'hui devant le comité.
J'ai passé 25 ans au sein du Service de police de Winnipeg, dont presque 19 au sein de la division des homicides et des vols, où mon travail consistait à faire enquête sur des crimes violents. Pendant 16 ans, j'ai également été membre de l'équipe d'armes spéciales et chef d'équipe de l'équipe d'entrée.
J'ai pris ma retraite il y a une dizaine d'années et j'ai tout de suite accepté un poste d'enquêteur responsable de l'unité du crime organisé et des bandes criminelles à la Société d'assurance publique du Manitoba, où je travaille toujours.
De plus, je suis rattaché au Service de renseignements criminels du Manitoba depuis une dizaine d'années, et pour ceux qui ne seraient pas au courant, chaque province dispose de son propre service de renseignements criminels, qui relève de l'organe fédéral, soit le Service canadien de renseignements criminels.
Le SRCM chapeaute l'ensemble des organismes policiers et d'enquête du Manitoba et du nord-ouest de l'Ontario. La nature de mon travail, qui consiste à faire enquête sur le crime organisé et l'activité des bandes criminelles relativement aux fraudes à l'assurance, de même que les activités au SRCM, m'amène à entretenir de très fréquents contacts avec les agents de police.
J'ai sans doute une expérience beaucoup plus vaste que le policier moyen pour ce qui est de mes contacts avec des criminels violents et des membres de bandes criminelles. Je n'exagère pas en vous affirmant que mes efforts ont permis d'emprisonner des centaines et des centaines d'hommes violents et dangereux au fil des années, souvent pour des crimes atroces, y compris le viol, le vol qualifié, le braquage à domicile et le meurtre.
C'est le fait d'avoir arrêté et interrogé ces hommes et leurs acolytes qui m'a permis de bien connaître leur mentalité. D'abord, je devrais préciser que la grande majorité des attaques violentes, des tentatives d'homicide et des homicides qui sont commis au Canada le sont à l'aide d'armes autres que des armes à feu — l'arme préféré étant le couteau.
Parmi les rares cas d'homicides conjugaux dont je me souviens où des armes d'épaule avaient été utilisées — homicides entre conjoints commis par l'homme ou la femme — il s'agissait d'armes d'épaule dont les intéressés étaient les propriétaires légaux qui n'avaient jamais eu de démêlés avec la justice. Un registre d'armes à feu, quel qu'il soit, n'aurait donc jamais permis de sauver les victimes.
J'ai suivi avec intérêt l'évolution du registre des armes d'épaule, à la fois en tant que policier en exercice et que propriétaire d'armes et de chasseur. Premièrement — et cela a été affirmé à maintes reprises — les criminels n'enregistrent pas leurs armes à feu. Les armes qu'ils obtiennent et dont ils se servent pour commettre des crimes violents sont le plus souvent des armes introduites en contrebande ou volées, ou encore — à un degré moindre — des fusils de chasse ou carabines à canon tronçonné qui ont été volés. Les armes à feu qui tirent des coups à la vitesse d'une arme automatique sont introduites en contrebande depuis les États-Unis, et les trafiquants de drogue et bandes criminelles — les deux sont liés — constituent les meilleurs clients. La présence d'un registre d'armes à feu ne permet de corriger aucune de ces situations.
Les armes de poing ont toujours été des armes à autorisation restreinte, si bien que les propriétaires faisaient l'objet de restrictions importantes concernant la façon de les utiliser et les circonstances dans lesquelles on peut les utiliser. Les armes automatiques ont toujours été illégales, la seule exception étant les policiers et les collecteurs légitimes ayant des droits acquis. Le registre national des armes à feu n'a donc aucunement permis de dissuader la possession illégale de ces armes.
Encore une fois, les criminels qui tiennent à s'en procurer et à les posséder ne vont pas les enregistrer. Donc, comment le registre des armes à feu aide-t-il les policiers à prévenir les crimes commis à l'aide d'une arme à feu? La réponse est simple: il ne les aide pas du tout et il n'offre absolument aucune protection à nos citoyens contre les criminels bien armés qui commettent des crimes à l'aide d'une arme à feu.
Je ne suis pas contre l'idée de délivrer un permis aux propriétaires d'armes à feu. La possession et l'acquisition d'armes à feu devraient se faire dans le contexte d'une procédure d'octroi de permis bien contrôlée, de façon à ce que les criminels et d'autres personnes instables ou dangereuses ne puissent pas légalement obtenir et posséder une arme à feu. Mais, en réalité, le registre nous permet simplement de compter les armes à feu — celles des gens qui ont accepté de participer au système.
Face au registre, la désobéissance civile est devenue endémique, des provinces entières ayant refusé de sévir contre ceux qui n'enregistraient pas leurs armes à feu et certains procureurs généraux ayant emboîté le pas en refusant de les poursuivre. Des amnisties qui ont duré quatre ans ont été déclarées. Mais des milliers et des milliers d'armes légales continuent d'exister au Canada sans être enregistrées, et autant d'armes illégales sont volées ou introduites en contrebande et finissent entre les mains de criminels dont la dernière des préoccupations est le registre des armes à feu.
Les défenseurs du registre prétendent que ce dernier aide les policiers parce qu'ils peuvent y avoir recours pour déterminer si des armes à feu sont enregistrées au nom de la personne qui les intéresse ou encore à la résidence ou au lieu où ils sont appelés à intervenir. Même s'il est certainement possible de faire ce genre de vérification, je n'ai encore jamais parlé à un policier de rue en exercice — je vous parle de l'agent de police moyen qui répond à une multiplicité d'appels d'urgence, jour après jour — qui a eu recours au registre, ne serait-ce qu'une seule fois, ou qui sait même s'en servir. Après vérification auprès du superviseur de l'unité des crimes majeurs, de l'unité des homicides et de l'unité du crime organisé, je peux vous affirmer qu'aucun d'entre eux ne se souvient d'avoir déjà fait une vérification au registre avant de faire une arrestation.
J'ai également parlé, au Service de police de Winnipeg, au responsable de l'équipe d'appui tactique, qui est la nouvelle appellation du groupe d'armes spéciales et tactiques dont nous étions tous les deux membres précédemment. Il s'agit d'une unité d'appui qui est de service 24 heures sur 24 et sept jours par semaine et qui, depuis sa création, il y a deux ans, a participé à plusieurs centaines d'opérations planifiées, surtout à des opérations de signification de mandats à haut risque, y compris des mandats de perquisition liés à la drogue, des mandats de perquisition liés aux armes à feu en vertu du Code criminel, etc. Il m'a indiqué que le registre est parfaitement inutile pour ce qui est de prévenir les crimes à l'aide d'une arme à feu. Il m'a aussi dit que, pour des raisons de protocole, les membres de son unité ont recours au registre au moment de planifier leurs opérations tactiques mais, selon leur expérience, le registre ne fournit des renseignements exacts et à jour que de temps à autre, si bien qu'il est essentiellement inutile — et là je le cite: « parce que nous savons tous que les criminels n'enregistrent pas leurs armes à feu ».
Si vous me permettez de vous brosser un peu l'historique de la question, lors de l'adoption du projet de loi C-68, les membres de l'Association des policiers de Winnipeg se sont prononcés par voie référendaire sur la question, en indiquant qu'ils étaient vivement opposés à la création du registre des armes d'épaule. De même, l'Association des policiers du Manitoba a exprimé son opposition au registre des armes à canon long, après avoir sollicité les vues de ses membres au moyen d'un vote. Il en était de même pour les associations de policiers en Saskatchewan et en Alberta. Le président de l'Association des policiers de Winnipeg de l'époque, Loren Schinkel, qui travaille actuellement au ministère de la Justice du Manitoba à titre de coordonnateur de l'application des lois et règlements dans les collectivités autochtones et les municipalités, répétait souvent les propos du premier ministre de la province, Gary Doer, concernant l'opposition du gouvernement du Manitoba et la nécessité de réprimer avec énergie l'activité des bandes criminelles et l'accès aux armes à utilisation restreinte, plutôt que de transformer les chasseurs d'oies en criminel.
Si le registre des armes d'épaule constituait un outil à ce point important de répression de la criminalité, pensez-vous vraiment que des forces policières entières refuseraient de l'appuyer avec enthousiasme? Il est vrai que certaines unités au sein de forces policières ont recours au registre parce que c'est ce que prévoit le protocole, mais comme les criminels n'enregistrent pas leurs armes de poing volées ou introduites en contrebande ou encore des armes à feu à canon scié volées, qu'elles aient été enregistrées légalement ou non précédemment, il est d'une utilité extrêmement limité. Comme l'enregistrement par le propriétaire d'une arme obtenue légalement est assez aléatoire, comme le registre ne suit pas le mouvement des gens d'un endroit à l'autre, et comme les criminels n'enregistrent pas leurs armes à feu, aucun agent de police ne pourrait jamais tenir pour acquis que l'information du registre était suffisamment exacte pour lui permettre de conclure ou non à l'existence d'un danger. Un policier doit toujours être vigilant, quelles que soient les circonstances, et le fait que le registre indique qu'une personne possède ou non des armes à feu enregistrées ou qu'il existe des armes à feu enregistrées ou non à telle adresse n'est guère utile, compte tenu de tous les autres facteurs pertinents. L'ancien système de certificats de possession et d'acquisition était tout aussi utile, sans imposer un tel exercice de dénombrement des armes à feu.
L'aspect le plus inquiétant du recours accru aux armes à feu concerne la montée constante de l'activité des bandes criminelles, activité liée directement au narcotrafic. Étant donné que je traite tous les jours avec les membres de bandes criminelles dans mon poste actuel, et que je suis appelé à surveiller leurs autres activités criminelles par l'entremise de mes contacts avec d'autres policiers en exercice qui sont rattachés au Service des renseignements criminels, je suis en mesure de vous affirmer moi-même que nous assistons à une intensification des crimes commis à l'aide d'une arme à feu et que les armes de poing sont de loin celles que préfèrent les narcotrafiquants désirant protéger leur part du gâteau. Chaque fois qu'il y a un membre d'une bande criminelle dans mon bureau, je soulève à un moment donné la question des armes à feu, et il n'est pas inhabituel de l'entendre dire, en se vantant: « J'ai un neuf millimètres; j'ai un Glock. »
Des coups de feu dans certains quartiers de Winnipeg sont devenus courants, de même que les fusillades en voiture qui visent des personnes ou des résidences. Ce n'est pas le registre qui va nous permettre de mettre fin à ce genre d'activités.
Le registre des armes d'épaule a vu le jour lorsqu'une loi inconsidérée a été adoptée par suite des événements tragiques qui sont survenus à l'École Polytechnique en 1989. Or, il n'a pas empêché une tragédie semblable de se produire au Collège Dawson en 2006. Et il n'empêchera pas non plus une autre personne au cerveau dérangé de monter une attaque semblable à l'avenir.
Prétendre que le registre des armes d'épaule permet de protéger les femmes ne tient pas debout. Il s'agit tout simplement d'un mensonge. Nous devons mieux protéger les femmes et les citoyens de ce pays en prévoyant des conséquences sérieuses pour les auteurs d'infractions criminelles et surtout prendre tous les moyens possibles de stopper le trafic d'armes à feu illégales à la frontière, armes qui finissent entre les mains de criminels.
Une peine minimale pour des crimes commis à l'aide d'une arme à feu, assortie d'une peine d'emprisonnement minimale, constituerait une bien meilleure solution que le registre des armes d'épaule. On dit que l'abolition du crédit double dans le contexte de la détermination de la peine aura pour effet d'augmenter les périodes d'incarcération, ce qui coûtera 2 milliards de dollars de plus — c'est-à-dire la somme que nous avons déjà consacrée au registre. Étant donné que seulement 6 ou 7 millions d'armes ont été enregistrées jusqu'à présent alors que, selon les estimations, il y en a 17 millions en tout au Canada, je me demande, si cette estimation est exacte, combien de plus ce registre risque de nous coûter. Pour ma part, je préfère consacrer ces 2 milliards de dollars au maintien en prison des criminels, afin que ces derniers ne puissent pas nuire à leur prochain.
Merci encore une fois de m'avoir donné l'occasion de vous présenter mon point de vue. J'espère sincèrement que mes propos vous aideront à prendre une décision éclairée.
:
Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs.
Comme vous le savez, je m'appelle Mitchell McCormick. Je voudrais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de mes vues sur cette question très importante.
Si vous me permettez, je voudrais prendre quelques instants pour vous parler de mes antécédents, pour que vous compreniez les raisons pour lesquelles je suis favorable à l'adoption du projet de loi C-391 et à l'abrogation du registre des armes d'épaule.
Moi, aussi, je suis né et j'ai grandi à Winnipeg, au Manitoba, où je continue de vivre avec ma femme et mes deux filles. J'ai travaillé pour le Service de police de Winnipeg comme agent de police pendant 27 ans et demi. J'ai travaillé en uniforme au cours de cette période, mais ma carrière s'est surtout déroulée dans des unités spécialisées où je travaillais comme détective. En tant que détective, j'ai donc été rattaché à la brigade des moeurs, à l'équipe chargée d'enquêter sur les introductions par effraction et à l'unité des crimes majeurs.
En plus de ces fonctions-là, j'ai été membre, pendant une quinzaine d'années, de l'unité d'intervention d'urgence du Service de police de Winnipeg, soit le groupe d'armes spéciales et tactique dont vous ont déjà parlé M. Shipman et M. Tinsley. À l'époque où j'en étais membre, il s'agissait d'une équipe qui remplissait ces fonctions-là à temps partiel et qui était donc appelée à intervenir lors d'incidents impliquant des acteurs armés ou l'érection de barricades, ou encore pour exécuter des mandats dans des situations à haut risque — par exemple, où l'on soupçonnait que les intéressés possédaient des armes et notamment des armes à feu. Avant de quitter l'unité, j'étais chef de l'équipe d'attaque. Ainsi une de mes responsabilités était d'élaborer le plan d'entrée au lieu où devait se dérouler l'intervention.
Avant de prendre ma retraite, j'étais superviseur au sein de l'unité des crimes majeurs. L'unité des crimes majeurs est chargée de mener des enquêtes sur les vols qualifiés touchant les commerces, les voies de fait graves, les tentatives de meurtre, les rapts et, à l'occasion, elle peut également être chargée de mener des enquêtes dans des cas délicats ou susceptibles de faire l'objet de publicité, selon ce qui est jugé approprié par le chef ou les cadres supérieurs.
En 2005, alors que j'étais encore attaché à l'unité des crimes majeurs, on m'a demandé, étant donné que j'étais superviseur, de me charger d'un dossier de ce genre. Il s'agissait d'une introduction par effraction, pendant laquelle l'auteur du crime avait volé un demi-million de dollars, et les enquêteurs de départ avaient déterminé que le suspect était un dénommé Gerald Blanchard. Cette personne a fait couler beaucoup d'encre. Il y a eu de nombreux articles à son sujet dans les revues. L'émission the fifth estate du réseau de langue anglaise de la SRC a produit un documentaire au sujet de notre enquête. Il a fait l'objet de poursuites criminelles et a été trouvé coupable d'avoir participé aux activités d'une organisation criminelle et d'avoir été à l'origine de nombreuses introductions par effraction dans des banques de l'Ontario, de Winnipeg, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique.
Si je vous parle de cette personne, c'est parce que, dès le début de notre enquête, nous avons appris que, en 1995, il avait été arrêté aux États-Unis pour avoir volé l'arme de poing et la voiture d'un policier. Il a par la suite été condamné pour possession d'une arme à feu par un criminel, pour vol et pour évasion d'un lieu de détention. Il a donc été condamné à cinq ans d'emprisonnement dans un établissement du Nebraska. Lors de sa libération, il a été déporté au Canada, étant donné qu'il était citoyen canadien. En 2003, il a demandé et obtenu un permis d'arme à feu. En 2004, il a donc pu enregistrer trois carabines semi-automatiques et deux fusils de chasse.
En 2007, aux termes de notre enquête et de notre écoute électronique, nous avons arrêté M. Blanchard et plusieurs de ses acolytes. Nous avons également exécuté des mandats de perquisition en Colombie-Britannique, où il avait cinq résidences et un casier d'entreposage. Il avait des casiers à la fois en Alberta et en Ontario, qu'il avait loué à l'aide d'un de ses plus de 32 faux noms. Dans l'une des résidences et dans chacun des casiers, nous avons trouvé des armes à feu et des munitions qu'il n'avait pas enregistrées.
M. Blanchard s'était procuré un permis et a donc pu enregistrer des armes à feu. Or, à ma connaissance, aucune des armes à feu que nous avons saisies correspondait à celles qu'il avait enregistrées. Il semble qu'on n'ait jamais découvert qu'il avait un casier judiciaire aux États-Unis. Et même s'il avait un casier judiciaire pour des infractions mineures contre les biens ici au Canada, il a été autorisé à enregistrer des armes à feu, comme je le disais tout à l'heure.
Je serais d'accord avec quiconque dirait que M. Blanchard n'était pas un criminel typique. Il était différent de la plupart des criminels du fait d'avoir enregistré des armes à feu, ce qui faisait de lui une exception rare. La plupart des criminels n'enregistrent jamais leurs armes à feu.
Cette enquête et les détails dont je vous ai fait part sont des raisons parmi d'autres qui expliquent la réticence de certains policiers — peut-être pas tous — à recourir au registre, étant donné qu'on ne peut pas se fier aux renseignements qui s'y retrouvent. Le fait de savoir qu'un individu possède des armes à feu est bénéfique lorsqu'on essaie de voir à qui on a affaire, mais cette information était sans doute disponible avant la création du registre des armes d'épaule. Je dirais même que si M. Blanchard avait demandé une autorisation d'acquisition d'armes à feu par le biais de l'ancien système, on ne lui aurait sans doute jamais accordé un permis. Il aurait été obligé de passer par un agent de police qui aurait fait une vérification beaucoup plus approfondie, ce qui ne semble pas avoir été le cas ici.
Que Gerard Blanchard ait ou non eu un permis ou enregistré des armes à feu, cela n'aurait absolument rien changé en ce qui concerne notre méthode d'arrestation ou d'exécution des nombreux mandats de perquisition qui l'ont concerné, car l'information que nous avions recueillie sur lui nous a permis de constater qu'il avait le potentiel de posséder des armes à feu.
Ce sont les antécédents d'une personne, et non pas le nombre de rapports de police ou d'armes à feu que possède une personne, qui déterminent notre façon de nous acquitter de nos tâches. Il a été mentionné à maintes reprises — et M. Tinsley l'a répété — que les armes à feu ne tuent pas; ce sont les gens qui tuent.
En tant qu'agent de police, de sergent détective, de responsable des détectives et de chef d'équipe d'une unité d'intervention d'urgence, je peux vous dire que je n'ai jamais eu recours une seule fois au registre des armes d'épaule, et que je ne connais personne parmi mes collègues ou les subalternes dont j'étais responsable, qui y ait eu recours non plus.
Si nous voulons travailler efficacement et en toute sécurité, nous ne pouvons rien tenir pour acquis. Chaque fois que je procédais à une arrestation et chaque fois que j'entrais dans un bâtiment, je soupçonnais qu'il y avait à l'intérieur une personne munie d'une arme à feu ou d'une arme qui pourrait me nuire. L'information au sujet des antécédents de l'individu en question était celle qui comptait le plus pour moi. Je n'aurais jamais fait confiance à l'information que m'offrait un registre pour confirmer ou non la présence d'une arme ou de plusieurs armes dans le bâtiment dans lequel je devais pénétrer. Comme je vous l'ai déjà dit, pour définir mon plan, ce qui comptait le plus pour moi était les antécédents de l'intéressé, et non le nombre d'armes à feu qui pourraient ou non être présentes à l'adresse en question.
Si je fais cela, c'est parce que je ne tiens rien pour acquis. C'est sans doute parce que j'ai failli être tué moi-même. Comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure, j'ai été rattaché, entre autres, à la brigade des moeurs. Au cours de l'été de 1986, on m'a affecté, comme agent d'infiltration, de même que mon partenaire, à une opération de surveillance. On nous avait fait savoir que le bâtiment en question allait faire l'objet d'une introduction par effraction. Pendant que nous étions assis dans notre voiture de police, en attendant que les suspects se manifestent, j'ai observé la présence de deux personnes qui n'avaient rien à voir avec tout cela, dont l'une agressait l'autre avec une longue et lourde barre de fer. J'étais convaincu qu'elle finirait par tuer l'autre, si bien que j'ai quitté la voiture pour intervenir, alors que mon partenaire a lancé un appel à l'aide à la radio. En m'approchant du type qui était muni de la barre, j'ai dégainé mon arme à feu. Je me suis identifié et je lui ai dit de laisser tomber la barre. Il a fait volte-face et s'est enfui, en faisant tomber la barre pendant sa fuite, et je lui ai couru après, en me disant que je n'aurais jamais dû dégainer mon arme à feu parce qu'il ne me serait plus possible de la remettre dans l'étui qui se trouvait sur ma ceinture, dans mon dos, alors que la personne que je poursuivais n'était pas armée.
Après avoir poursuivi cet individu encore un peu, il s'est retourné tout d'un coup et, au moment où j'allais l'attraper, il a foncé sur moi pour me donner un coup de poing, me semble-t-il, que j'ai bloqué avec ma jambe. J'ai immédiatement ressenti une douleur cuisante à la jambe et je me suis rendu compte plus tard que cette douleur avait été causée par un couteau dentelé de type Rambo de six pouces que l'agresseur avait planté jusqu'au manche dans le haut de ma jambe gauche. Je n'oublierai jamais le mouvement de l'avant vers l'arrière qu'il faisait avec son bras pour retirer le couteau de ma jambe. Une fois qu'il a retiré son couteau, je suis tombé par terre. L'individu en question s'est encore lancé sur moi à ce moment-là, mais j'ai réussi à tirer deux coups de feu au-dessus de sa tête avant qu'il ne s'enfuie.
J'ai failli perdre la vie ce jour-là. Je suis convaincu que, si je n'avais pas pu bloquer cette première attaque avec ma jambe, les résultats auraient été différents. Ma femme était enceinte de huit mois de notre premier enfant. La simple pensée que j'aurais pu ne jamais la connaître… ni mon deuxième enfant non plus, me dérange encore.
Le fait est — et j'en suis fermement convaincu — que beaucoup plus de gens sont tués par des couteaux que par des armes d'épaule. Tout comme l'enregistrement de tous les couteaux n'empêcherait pas les agressions ou les meurtres violents, l'enregistrement des armes d'épaule ne permet aucunement d'empêcher les gens de commettre des actes violents.
Je suis sûr que les membres du comité auront déjà entendu cela, mais je me dois de le répéter: les armes à feu ne tuent pas; ce sont les gens qui tuent. Le registre des armes d'épaule, même s'il était bien intentionné, n'empêchera jamais les actes violents commis à l'aide d'armes à feu.
Le Programme canadien des armes à feu comporte certains éléments positifs en matière d'éducation — par exemple, le fait de permettre et de promouvoir la manutention et l'entreposage responsables des armes à feu. Par contre, le registre est généralement inefficace et comporte des renseignements inexacts, si bien qu'il pourrait constituer un danger s'il donne aux policiers un faux sentiment de sécurité.
Mes filles sont maintenant âgées de 24 et de 20 ans. La plus jeune étudie à l'Université de Winnipeg, située au coeur de la ville, à quelques pâtés de maisons à peine de l'endroit où j'ai failli perdre la vie.
Je ne pense pas que l'enregistrement du couteau qui a failli me tuer aurait empêché la situation que j'ai vécu de se produire, et je ne crois pas non plus que l'enregistrement des armes à feu permettra de prévenir les crimes commis avec des armes à feu. Il faut cibler les auteurs de ces actes, plutôt que les armes dont ils se servent. Il convient de bien vérifier les antécédents des demandeurs avant de les autoriser à utiliser des armes à feu. Nous pouvons agir de façon proactive pour sauver les vies en nous assurant que les ressources policières sont investies de façon à cibler les criminels.
Merci beaucoup.
:
Je ne suis pas d'accord avec l'affirmation des chefs…
Nous savons que l'Association canadienne des chefs de police a déclaré que le registre revêt une importance critique pour la sécurité de nos collectivités. Sur les 430 chefs de police, seulement trois ont déclaré leur opposition au registre.
Mais parlons plutôt des associations de policiers, qui représentent et dont les dirigeants sont élus par les membres. Nous avons un système de démocratie représentative. Autant que je sache, il n'y a pour le moment qu'une association qui ait pris officiellement position contre le registre, et il s'agit justement de l'Association des policiers de Saskatchewan, qui représente six associations de policiers. Il s'agit donc de six sur 156. Sur ces six associations, la personne qui les représente — le président — a déclaré récemment que, étant donné l'information qui lui a été fournie par la GRC, il retire ce qu'il a dit à ce sujet et réexamine sa position.
Il est évident qu'il va y avoir une divergence d'opinions. Mais si cette divergence était réelle, on pourrait s'attendre à ce qu'il y ait plus de six associations sur 156 qui soient contre le registre, alors que ces six associations sont maintenant en train de se raviser.
Je voudrais vous poser une question. Monsieur McCormick, vous avez déclaré aujourd'hui que les policiers ne se servent pas du registre. Or, certains policiers — pas uniquement les associations mais toutes sortes de policiers — nous disent que c'est une ressource critique relativement aux armes à feu volées, qui les aide à déterminer si une personne possède un grand nombre d'armes à feu, qu'il est essentiel à l'exécution des ordonnances d'interdiction et qu'ils s'en servent dans le contexte d'un différend conjugal. Si vous nous dites qu'il est utilisé, même s'il existe une divergence d'opinions parmi les policiers, étant donné que la vérificatrice générale et la GRC nous ont fait savoir que sa disparition donnerait lieu à une économie de seulement 3,1 millions de dollars par an, à votre avis, est-il approprié de fixer comme priorité en matière de sécurité publique l'abrogation d'un programme qui est nécessaire et utile, selon la majorité des principaux intéressés, pour protéger nos collectivités? Convient-il que ce soit une priorité?
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais tout d'abord remercier tous les témoins présents aujourd'hui d'avoir partagé leurs expériences personnelles, que ce soit M. McCormick, Mme Rathjen ou Mme Provost. J'apprécie également l'expertise que vous avez démontrée dans les présentations que vous avez faites, Je suis heureuse d'avoir entendu ces informations difficiles en provenance de Statistique Canada, par exemple, ou encore du Service canadien de renseignements criminels. J'aurais quelques questions.
Ma circonscription compte des maisons d'hébergement pour les femmes et enfants victimes de violence conjugale. Avant même de devenir politicienne, j'étais commissaire adjointe à la déontologie policière du Québec et, avant ça, membre de la Commission de police du Québec. J'ai présidé des enquêtes publiques où il y avait des cas de violence conjugale. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, la réaction de nos services de police et de notre société face à ce genre de problèmes n'était pas la même qu'aujourd'hui: on ne dit plus que c'est une question de vie privée.
Alors, j'aimerais que le comité puisse profiter un peu de votre expertise, Mme Riendeau et Mme Villeneuve.
Premièrement, quel pourcentage approximatif des femmes et enfants qui se présentent pour être hébergés dans les maisons d'accueil du Québec sont victimes de violence impliquant des armes à feu — et surtout les armes d'épaule —, qu'il s'agisse de menaces ou d'un passage aux actes qui a failli?
Ma deuxième question s'adresse à n'importe qui d'entre vous. Monsieur Shipman, je pense vous avoir déjà rencontré au Manitoba. Vous parlez de l'ancien...
[Traduction]
Je vais vous dire cela en anglais. L'autorisation d'acquisition d'armes à feu et toute la procédure établie afin de garantir qu'une personne qui recevait une autorisation n'était pas dangereuse, etc. … selon vous, c'est un meilleur système que l'actuel registre des armes à feu.
Donc, si je suis bien votre logique, il y avait nécessairement moins d'homicides commis avec des armes à feu en vertu de l'ancien système, d'une part, et par rapport au nombre de ces homicides, il y en avait moins à l'époque qui étaient commis à l'aide d'armes d'épaule qu'à l'heure actuelle. Je crois avoir compris votre argument. Ou alors je le comprends mal, ou alors ma conclusion est exacte, si je vous ai bien suivi. Je vais en rester là.
J'aimerais simplement dire que n'importe lequel des témoins qui désire ajouter quelque chose mais n'a pas le temps de le faire aujourd'hui peut nous faire parvenir ses observations écrites en les adressant directement au président. Elles seront ensuite distribuées et seront annexées au compte rendu officiel de la réunion.
Je vous remercie.
:
D'abord, merci d'être venus témoigner devant nous. Je sais que c'est pénible pour vous, mais c'est également difficile pour nous d'entendre combien ça vous affecte encore aujourd'hui, 20 ans plus tard.
J'aimerais clarifier quelques petites choses qui ont été dites aujourd'hui. On parle beaucoup de statistiques. Je crois que les statistiques ne sont pas complètes, c'est évident.
On a parlé des statistiques de meurtres de femmes. Ce ne sont pas les armes d'épaule qui sont le plus souvent utilisées pour tuer des femmes; ce sont des couteaux — comme ce qu'a subi M. McCormick. Trente pour cent des meurtres de femmes sont commis avec des couteaux. Par contre, seulement 9 p. 100 des meurtres de femmes sont commis avec des armes à feu. Donc, je voulais juste clarifier les statistiques, mais encore une fois, elles ne sont pas complètes.
[Traduction]
Si je vous dis cela, c'est parce que 580 femmes autochtones sont toujours portées disparues aujourd'hui ou ont été tuées. Ces femmes-là ne sont pas comptées. La majorité d'entre elles sont toujours portées disparues. Elles ne sont donc pas incluses dans ces statistiques. Et il y en a beaucoup d'autres qui ne sont pas Autochtones, et qui ont également disparu.
Si nous trouvions toutes ces femmes disparues demain et nous découvrions qu'elles avaient toutes été tuées par une arme d'épaule, diriez-vous toujours que le registre des armes d'épaule est efficace? Les statistiques dont vous parlez seraient alors exagérément élevées, à un point tel que vous ne pourriez plus vous en servir pour étayer vos arguments.
Je vous dis cela parce que les statistiques sont incomplètes et qu'il est impossible de s'y fier. Par contre, on peut se fier à la preuve concernant la mesure dans laquelle le registre des armes d'épaule a permis de faire ce qu'il devait faire au moment où il a été créé. A-t-il empêché d'autres meurtres ou d'autres actes de violence d'être commis à l'aide d'armes à feu? La réponse à cela est un non définitif; il n'a pas fait ce qu'il devait faire.
[Français]
J'ai une question pour Mme Rathjen.
Pourriez-vous me dire la différence entre un permis d'acquisition et l'enregistrement d'une arme à feu?
:
Merci, monsieur le président. Comme on a peu de temps, je vais procéder de façon rapide.
Dans un premier temps, les trois policiers ont fait une déclaration importante, à savoir qu'ils n'ont jamais utilisé le fameux registre canadien des armes à feu. Vous l'avez dit, et je ne peux pas comprendre comment quelqu'un peut juger de l'utilité d'un registre sans s'en être servi. Jusqu'à maintenant, plus de 150 autres groupes policiers l'ont utilisé. Il y a eu 7 000 révocations de permis d'enregistrement. C'est quand même important. Je comprends que vous ne soyez pas au courant de cela puisque vous ne l'avez pas utilisé.
De plus, en ce qui concerne les mythes, vous en avez soulevé plusieurs que soulèvent également les conservateurs. J'aimerais que vous me répondiez à ce sujet parce que c'est important. Premier mythe: le registre est coûteux et c'est pourquoi il faut s'en débarrasser. Deuxième mythe: le registre ne sert à rien, des policiers l'ont dit, ils ne s'en sont jamais servi. Troisième mythe: l'enregistrement des armes est un processus long et coûteux. Quatrième mythe: les crimes ne sont pas commis avec des armes de chasse mais avec des armes de poing. Je suis certain que vous allez me répondre à ce sujet, mesdames. Cinquième mythe: ce qui inquiète le plus, ce ne sont pas les armes légales mais plutôt les armes de contrebande.
C'est sûr qu'il existe des armes de contrebande, mais si on peut enregistrer toutes les armes légales, un pas important sera déjà franchi.
Ce matin, on a lu dans le journal les propos d'un député conservateur selon lequel il n'y a pas de lien entre le registre et ce qui s'est produit à la Polytechnique. C'est un autre mythe. On semble dire que des événements importants sont arrivés, mais que, finalement, cela n'a aucun rapport avec le registre canadien des armes à feu.
Mesdames, j'aimerais donc que vous nous parliez des ces mythes pour que certaines personnes puissent en apprendre un peu plus.
:
En effet; je suis un ancien guide accrédité pour la chasse au gros gibier au Manitoba, membre du Temple de la renommée des tireurs d'Ashern, au Manitoba, ancien tireur dans le cadre de la chasse aux oies organisée à Lundar, au Manitoba, ancien membre du club du pistolet, et ancien instructeur adjoint du programme manitobain de sécurité à l'intention des chasseurs. Cette année marque la 46
e année consécutive où je détiens des permis de chasse au Manitoba.
J'ai pu constaté, selon des optiques différentes, l'effet du registre canadien des armes d'épaule sur les nombreuses personnes que j'ai fréquentées au cours de ma vie. Qu'on parle de mes amis autochtones du Nord qui pratiquent la chasse de subsistance, et avec qui j'ai chassé le caribou, ou des professionnels des grandes villes avec qui je tire aux pigeons d'argile, je peux vous assurer qu'aucune de ces personnes n'est en faveur du registre, et qu'aucune n'en a bénéficié de quelque façon que ce soit.
Je voudrais faire quelques dernières observations qui m'ont toujours semblé particulièrement importantes, chaque fois que j'examinais des questions liées aux lois sur les armes à feu. En réalité, l'enregistrement n'est qu'une étape vers l'abolition totale du droit de posséder des armes à feu. Cette mesure a été proposée pour la première fois en 1918 par le British Home Office, dans un document intitulé « Committee on the Control of Firearms ». Donc, ce n'est pas nouveau. La plupart des pays étrangers qui ont adopté de telles lois l'ont fait afin de prévenir des soulèvements populaires, comme ceux qui se sont produits en Russie. Mais je ne crois pas que ce danger existe au Canada à l'heure actuelle.
C'est à la suite du désarmement du public britannique par de telles lois, au moment où les Allemands étaient sur le point d'envahir et d'occuper leur pays, que les citoyens britanniques se sont trouvés essentiellement sans défense. Ils ont donc lancé un appel aux États-Unis, qui ont généreusement et sans hésitation donné des dizaines de milliers d'armes d'époque faisant partie de l'héritage des familles, de fusils de chasse et de munitions au peuple britannique, pour que les citoyens et leur Home Guard puissent s'armer.
Donc, quoi qu'on dise au sujet de l'effet néfaste du droit qu'ont les gens de posséder des armes à feu, les faits que je viens de vous présenter sont véridiques.
Nous sommes une nation de citoyens libres. Trop de personnes ont déjà fait le sacrifice ultime pour garantir cette liberté, pour que nous ayons le droit de posséder une arme à feu si nous le désirons, de dire ce que nous croyons, de choisir la religion qui nous convient et de ne pas craindre notre gouvernement. Je demande donc à chacun d'entre vous d'écouter votre propre conscience et de fonder votre décision sur l'intérêt supérieur des Canadiens partout.
Je vous remercie.
Cette question-ci s'adresse aux trois policiers retraités.
Je vais vous dire pourquoi, selon moi, le système d'enregistrement est utile et je vais vous en citer des exemples; après je vais demander si je n'ai pas raison à ce sujet.
Premièrement, il facilite l'exécution des ordonnances judiciaires car, si un juge a rendu une ordonnance vous autorisant à entrer chez quelqu'un pour confisquer toutes les armes à feu, et vous savez qu'il y a 13 armes à feu enregistrées dans cette maison-là, cela va vous aider à exécuter cette ordonnance judiciaire de confiscation parce que certaines armes à feu pourraient être cachées, et vous ne le sauriez pas.
Je vais donc vous énumérer tous les éléments, d'abord.
Deuxièmement, si vous vous présentez chez quelqu'un, parce qu'on vous a demandé d'intervenir pour un problème de violence conjugale, vous savez nécessairement qu'il y a un risque que quelqu'un fasse du mal à quelqu'un d'autres, et vous savez également, grâce au système d'enregistrement, qu'il y a 13 armes à feu dans cette maison, vous avez la possibilité de les chercher. Si vous ne le savez pas, vous ne saurez pas du tout s'il y en a un certain nombre qui sont cachées ou que vous n'avez tout simplement pas réussi à retrouver.
Troisièmement, les personnes qui risquent de se suicider sont instables. C'est le même principe encore: si vous êtes au courant des circonstances — supposons qu'il y ait eu une ordonnance du tribunal ou du médecin qui exige votre intervention, éventuellement pour incarcérer ou enfermer quelqu'un — et vous savez également qu'il y a 13 armes à feu dans cette maison, vous pourrez essayer de retrouver ces 13 armes à feu.
Quatrièmement, l'enregistrement vous aide à établir la preuve qu'une personne possède des armes à feu volées ou introduites en contrebande car, si elles ont été enregistrées et finissent entre les mains de personnes qui n'y ont pas droit, vous saurez qui est autorisé à les posséder et vous pourrez agir.
Ensuite, il y a la question de la responsabilisation. Prenons le cas d'une personne qui possède 13 armes à feu qui sont enregistrées à son nom; je peux vous dire que certains propriétaires d'armes à feu agiront de façon plus responsable s'ils savent que ces dernières sont enregistrées à leur nom. Ils vont peut-être éviter de les prêter ou de les vendre, et ils ne vont peut-être pas refuser de les entreposer correctement s'ils sont responsables et s'ils savent que la non-conformité pourrait donner lieu à des conséquences.
Ensuite il y a la question des enquêtes policières. Si vous arrivez sur les lieux du crime et vous découvrez une arme à feu qui est enregistrée et que vous pouvez rattacher à quelqu'un, cela vous aidera à mener votre enquête — par opposition à une situation où vous ne trouvez rien du tout. Et s'il n'y a rien du tout, vous devrez retrouver cet arme, ce qui vous obligera à investir les ressources et l'argent des forces policières afin de remonter à la source en ce qui concerne cette arme à feu.
Donc, pour toutes ces raisons, je pense que vous conviendrez avec moi que, sans être parfait — et je ne prétends pas du tout qu'il soit parfait — le système d'enregistrement rend nos rues plus sécuritaires. J'ai du mal à croire que vous trois affirmiez, malgré tous ces exemples, que le système actuel ne permet aucunement d'améliorer notre sécurité.