Nous sommes le jeudi 3 mars 2011. C'est la 58e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous poursuivons notre étude sur l'agrandissement des pénitenciers.
Nous entendrons Justin Piché, candidat au doctorat en sociologie à l'Université Carleton; Irvin Waller, professeur titulaire à l'Institut pour la prévention de la criminalité à l'Université d'Ottawa et président de l'International Organization for Victim Assistance; Asa Hutchinson, ex-membre du Congrès américain; et Ian Lee, professeur adjoint de gestion stratégique et de commerce international à la Sprott School of Business à l'Université Carleton.
Nous vous remercions d'être venus témoigner aujourd'hui et de nous aider dans notre étude sur le système pénitencier canadien et l'agrandissement des pénitenciers.
Nous aimerions souhaiter une bienvenue toute spéciale à notre collègue américain, qui est au Canada pour d'autres raisons, je crois. Bienvenue au comité.
Je sais que vous avez chacun un exposé. Bon nombre d'entre vous ont déjà témoigné devant le comité; vous savez donc qu'il y a des séries de questions et que la première compte des périodes de sept minutes.
J'aimerais simplement préciser que lorsque je parle d'une période de sept ou de cinq minutes, ce temps inclut les questions et les réponses. Donc, je rappelle aux députés qu'ils ne doivent pas prendre tout le temps pour formuler leur question.
Nous aimerions peut-être inviter M. Hutchinson à commercer.
Madame Mourani.
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Merci, monsieur le président.
Je suis heureux d'avoir été invité à témoigner devant votre comité. J'ai crû important en tant qu'ancien représentant américain de rendre hommage à notre grande amitié, et de venir témoigner devant votre comité et de vous parler de l'expérience américaine.
Vous m'avez présenté en tant qu'ex-membre du Congrès américain et représentant de l'Arkansas. J'ai aussi été nommé administrateur de la Drug Enforcement Administration, la DEA, par le président George W. Bush. J'ai déjà été également sous-secrétaire de la Sécurité intérieure. J'ai donc une longue carrière dans l'application de la loi et dans la gestion de grandes agences, et j'ai été de plus procureur plaidant dans les années 1980 sous le président Ronald Reagan; cette période marque vraiment le début de la campagne américaine de répression de la criminalité et de la drogue.
Je suis ici, parce que j'appuie la campagne Right on Crime: un mouvement mené par un groupe de conservateurs américains qui demandent une réévaluation des politiques nationales en matière d'incarcération. Je suis donc simplement ici pour vous parler de l'expérience américaine et en aucun temps pour commenter ce que vous faites au Canada.
Au sujet de l'expérience américaine, deux principes m'ont convaincu d'appuyer la campagne Right on Crime: l'équité et le vieux principe conservateur du coût pour les contribuables. Ces deux facteurs ont motivé mon appui à la réévaluation de la politique nationale en matière d'incarcération.
Vous connaissez la situation aux États-Unis. Un Américain adulte sur 100 est en prison, pour un total de 2,3 millions de prisonniers. En 1970, le taux était seulement de un sur 400. Les États-Unis ont 5 p. 100 de la population mondiale, mais 23 p. 100 de la population carcérale officielle dans le monde. Les coûts relatifs à l'incarcération d'un prisonnier sont ahurissants; ils jouent entre 18 000 et 50 000 $ par prisonnier annuellement, selon l'État et le niveau de sécurité de la prison. Ces coûts représentent un grand fardeau pour bon nombre d'États. Il s'agit donc d'une raison pour effectuer la réévaluation.
Voici un résumé de ce qui s'est passé au cours des dernières années.
Les leaders conservateurs ont appuyé cette réévaluation sur la scène fédérale et dans les États. Aux États-Unis, nous avions une politique fédérale de peine minimale obligatoire pour les infractions relatives au crack et à la cocaïne. Cette politique a causé un ratio de 100 pour 1 entre la durée des peines pour des infractions relatives au crack et la durée des peines pour des infractions relatives à la cocaïne en poudre. Par exemple, si un Afro-Américain était arrêté avec une certaine quantité de crack et qu'un Américain blanc était aussi arrêté avec la même quantité de cocaïne en poudre, la peine de l'Afro-Américain était beaucoup plus longue.
En raison d'inquiétudes sur le manque d'équité, le Congrès a finalement décidé de réduire la peine minimale obligatoire pour les infractions relatives au crack et d'essayer d'éliminer cette disparité et cette inégalité. Le débat au sujet de la peine minimale obligatoire se poursuit à l'échelle fédérale, mais la plupart des mesures sont prises par les États. J'aimerais brièvement vous donner l'exemple de deux États. Le Texas est reconnu comme étant un État adoptant une ligne dure relativement à la criminalité. Au Texas, les républicains conservateurs se sont joints aux démocrates libéraux pour accorder du financement aux villes afin de renforcer le système de probation de l'État en 2005. Ensuite, en 2007, ils ont décidé de rejeter l'idée de construire de nouvelles prisons et ont plutôt décidé d'investir cet argent pour améliorer les approches du service correctionnel communautaire, comme les tribunaux de traitement de la toxicomanie, dont j'aimerais vous parler davantage.
Nous évaluons que les réformes nous permettront de diminuer de 2 milliards de dollars sur cinq ans les coûts relatifs aux prisons. Le Texas a redistribué la majorité de l'argent ainsi économisé dans les programmes communautaires de traitement destinés aux personnes atteintes de maladie mentale et aux toxicomanes légers. Le taux de criminalité a diminué de 10 p. 100 entre 2004, l'année ayant précédé les réformes, et 2009.
L'année dernière, la Caroline du Sud a adopté des réformes pour réserver l'incarcération, une mesure dispendieuse, aux criminels dangereux et pour imposer des peines dans la collectivité, une mesure moins dispendieuse, aux délinquants à faible risque de récidive. Ces réformes étaient un effort des deux partis et ont joui d'un appui solide des libéraux, des conservateurs, des organismes responsables de l'application de la loi et des juges. L'État s'attend à économiser 175 millions de dollars cette année en coûts de construction de prisons, et 60 millions de dollars en coûts d'exploitation au cours des prochaines années.
Dans mon exposé, je tiens à mettre l'accent sur le fait que nous sommes en période de réévaluation. Nous avons un haut taux d'incarcération, et ça coûte cher. Nous voulons aussi nous assurer que le système est équitable et que nous visons particulièrement les délinquants condamnés pour une infraction liée à la drogue.
Encore une fois, j'ai déjà administré la DEA et je veux qu'on se souvienne de moi comme ayant une ligne dure en ce qui concerne les problèmes relatifs à la drogue. Toutefois, en même temps, nous voulons nous assurer que ces gens reçoivent des traitements efficaces s'ils souffrent de toxicomanie. Il s'agit d'un programme axé sur le traitement de la toxicomanie plutôt que simplement sur l'emprisonnement dans le cas de délinquants non violents.
Ensuite, nous devons examiner qui sont nos prisonniers pour nous assurer de diriger nos ressources vers ceux qui constituent une menace pour la population.
Merci, monsieur le président et les membres du comité, de m'avoir permis de témoigner devant vous aujourd'hui. J'ai hâte aux discussions.
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Je m’appelle Justin Piché et je suis candidat au doctorat en sociologie à l’Université Carleton. Je travaille actuellement à la rédaction d’un mémoire sur les facteurs qui sous-tendent l’agrandissement des établissements carcéraux au Canada et sur l’ampleur de ce phénomène actuel.
Mes observations d’aujourd’hui sont un aperçu des constatations que j’ai exposées en détail et étayées dans un rapport soumis au greffier de votre comité: « Le Canada à la croisée des chemins: Mémoire sur l’agrandissement des établissements ».
Avant la campagne électorale fédérale de 2006, pendant laquelle tous les partis politiques fédéralistes se targuaient de leur attitude de répression sévère de la criminalité, au lendemain du fameux été des fusils, les services correctionnels du pays devaient déjà faire face à d’importants défis.
Dans nos établissements correctionnels provinciaux et territoriaux, où se trouvent habituellement les personnes qui sont en attente d’un procès ou de la détermination de leur peine, ou qui purgent une peine de deux ans moins un jour, la plupart des cellules étaient occupées par un, deux ou parfois même trois détenus. Ces cellules ont souvent la superficie de la salle de toilettes d’une résidence moyenne.
La tendance à la double occupation est surtout attribuable à l’augmentation des populations en détention préventive, qui ont augmenté de 83 p. 100 entre le milieu des années 1990 et l’exercice 2004-2005. À un moment donné au cours de cet exercice, la moitié de la population carcérale provinciale et territoriale était composée de personnes en détention préventive. En 2008-2009, dans nos établissements correctionnels provinciaux et territoriaux, près de 6 détenus sur 10 étaient en détention préventive.
Dans nos pénitenciers fédéraux, où se trouvent habituellement les délinquants qui purgent une peine de deux ans plus un jour, le taux de double occupation des cellules pendant la dernière décennie a atteint 11,1 p. 100 en avril 2001, tandis qu’il n’était que de 6,1 p. 100 en juillet 2004. La double occupation continue d’être une réalité opérationnelle dans nos pénitenciers fédéraux, où le taux était de 9,4 p. 100 en août 2009; une hausse marquée de ce taux est prévue en raison de la mise en oeuvre de la Loi sur l’adéquation de la peine.
Cette pratique est courante malgré l’existence de la directive no 550 du Service correctionnel du Canada, selon laquelle « la cellule individuelle est la forme de logement des détenus la plus souhaitable et la plus appropriée sur le plan correctionnel ». Cette directive a été suspendue dernièrement, en août 2010.
La situation persiste aussi malgré le fait que le Canada soit un pays signataire de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies, qui décourage fortement la pratique de la double occupation. Enfin, la situation persiste malgré l’avertissement du sous-commissaire principal du SCC, Marc-Arthur Hyppolite, au ministre Toews émis dans la note d’information de février 2010: « L’utilisation sans cesse croissante de cellules à lits superposés augmente le risque pour la sécurité du personnel et des délinquants d’un établissement. »
Il est largement reconnu par les spécialistes, les personnes qui travaillent en milieu carcéral et les hommes politiques que les établissements correctionnels sont devenus des lieux où on se débarrasse des personnes ayant des problèmes de toxicomanie ou une maladie mentale, des pauvres, des Autochtones colonisés et d’autres groupes marginalisés.
Bon nombre des établissements où se trouvent les détenus étaient et sont toujours décrépis à tel point qu’ils ne conviennent pas à des animaux, encore moins aux êtres humains.
Devant faire face à la situation, les autorités correctionnelles ont soutenu que de nouveaux établissements s’avéraient nécessaires non seulement pour les motifs exposés précédemment, mais aussi, parce qu'elles affirmaient que les établissements actuels ne sont pas propices aux pratiques modernes en matière de sécurité et à la réalisation des objectifs des programmes offerts en établissement.
Des travaux, à divers stades de la planification ou de la construction, sont en cours dans les provinces et territoires du Canada dans le cadre de 23 nouveaux projets d’établissements correctionnels et de 16 ajouts à des établissements existants. Le coût des travaux de construction liés à ces projets est supérieur à 3 milliards de dollars et il est à la hausse, des annonces officielles au sujet de quelques projets et de leur financement étant toujours à venir.
Si les quelque 7 000 nouvelles places pour détenus étaient comblées, chacune à un coût moyen de 162 $ par jour ou de 59 000 $ par année, les contribuables devraient payer un coût additionnel de plus de 400 millions de dollars par année, en plus des autres coûts de fonctionnement et de gestion.
Il faudrait souligner que la plupart des gouvernements n'ont pas tenu compte des effets des lois fédérales lorsqu’ils ont planifié leurs propres initiatives en matière d’infrastructure carcérale, selon les documents que j’ai obtenus. Il est donc probable que d’autres travaux de construction d’établissements correctionnels par les provinces et les territoires s’imposent, si l’orientation actuelle en matière de politique pénale se maintient.
En ce qui concerne les pénitenciers fédéraux, 34 unités additionnelles devant être construites sur les terrains d’établissements du SCC existants ont été annoncées à ce jour.
Dans le cas où les 2 552 places prévues étaient comblées, chacune à un coût moyen de 322 $ par jour ou de 118 000 $ par année, les contribuables devraient payer un coût additionnel de près de 300 millions de dollars par année, en plus des autres coûts de fonctionnement et de gestion. Et n’oublions pas qu’en mars 2011, SCC déposera sa stratégie de planification à long terme des locaux pour étude.
En réponse aux pressions exercées par l’opposition, qui a déposé une question de privilège dans laquelle elle demandait la divulgation des coûts des mesures de détermination de la peine devant le Parlement, les conservateurs ont remis aux parlementaires une feuille Excel selon laquelle les coûts fédéraux des 18 projets de loi présentés pendant la session parlementaire en cours étaient estimés à 2,7 milliards de dollars sur cinq ans.
Comme mentionné par le Bureau du directeur parlementaire du budget, le document ne fournit pas:
« … l’analyse, les hypothèses clés, les facteurs ni les méthodes qui ont servi à établir les chiffres produits. De plus, des données statistiques de base comme le nombre de détenus, le nombre annuel d’arrivées, les coûts unitaires par détenu, par employé équivalent temps plein (ETP) et par nouvelle cellule ne sont pas disponibles ».
Fait tout aussi important, les dépenses que les gouvernements provinciaux et territoriaux pourraient devoir engager en raison de ces mesures ne sont pas incluses non plus dans les prévisions du gouvernement fédéral.
Cette approche de la transparence financière peut faciliter l’élaboration des objectifs, mais le fait d’exclure les citoyens et leurs représentants politiques de l’accès à l’information qui leur appartient mine la possibilité d’un débat public sur des enjeux qui touchent la vie de ces citoyens. Cette exclusion nuit au processus démocratique. Les Canadiens n’ont pas besoin qu’on leur dise qu’ils appuient les politiques pénales de leur gouvernement fédéral. Ils ont besoin d’avoir accès à l’information, de sorte qu’ils puissent choisir eux-mêmes les mesures qu’ils appuieront. Après tout, le processus d’imposition doit être représenté et non être masqué.
Que la criminalité, déclarée ou non, soit à la hausse, à la baisse ou stable, personne ne nie que de nouvelles mesures s’imposent. Toutefois, ce qui fait l’objet d’un débat, c’est la façon dont les maigres ressources en matière de justice pénale devraient être dépensées pour répondre aux besoins des victimes et des délinquants d’une façon efficace et avantageuse pour les contribuables.
Certaines des meilleures données disponibles peuvent être tirées du dernier numéro du journal Criminology and Public Policy. Il contient les articles de 22 chercheurs de pointe, y compris le criminologue conservateur James Q. Wilson. Selon ces données, l’augmentation du taux d’incarcération a un effet négligeable sur la criminalité, à moins qu’elle ne soit mise en application jusqu’à un point où tout avantage à court terme obtenu est de loin annulé par les conséquences à long terme; a un effet disproportionné sur les groupes marginalisés qui sont les plus susceptibles d’être pris dans les mailles du filet du système pénal; entraîne un détournement des ressources nécessaires pour répondre aux besoins des délinquants et des victimes; nuit à la réinsertion sociale des personnes qui ont contrevenu à la loi; a des conséquences négatives pour les collectivités et les êtres chers des détenus, à un coût économique déraisonnable, surtout si on le compare à des programmes de prévention efficaces et moins coûteux dont M. Waller vous parlera aujourd’hui.
L’agrandissement des établissements correctionnels a été présenté comme inévitable, mais il ne constitue qu’un choix parmi de nombreuses autres possibilités.
Quant aux prochaines mesures à prendre, nous recommandons fortement l’adoption d’un moratoire sur les lois fédérales de détermination des peines. Nous recommandons également que le Comité permanent de la sécurité publique et nationale lance immédiatement un groupe de travail qui réunirait toutes les parties touchées pour évaluer l’efficacité de la criminalisation dans la lutte contre les problèmes sociaux. Les membres du groupe examineraient les conséquences de la criminalisation et de la victimisation et les pratiques exemplaires — y compris la prévention et le réinvestissement dans la justice, reconnus efficaces pour réduire les conflits et les méfaits dans nos collectivités, à un coût moindre pour les contribuables — afin de définir la voie à suivre dans la lutte contre la criminalité au pays.
Je vous remercie pour votre temps.
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Merci beaucoup de l'invitation à faire une présentation devant vous, ce matin.
[Traduction]
J'ai mis à la disposition du comité des documents en anglais et en français, tout d'abord, le livre Less Law, More Order: The Truth About Reducing Crime. Il cadre tout à fait avec ce que le sénateur Hutchinson vous a dit, mais il ajoute des renseignements tirés d'études qui ont été faites en Angleterre et aux États-Unis sur les mesures visant à réduire le taux de criminalité qui sont efficaces et financièrement avantageuses. Il traite également d'une stratégie qui consiste à compter non pas sur une justice pénale réactive, mais plutôt sur l'équilibre entre une justice pénale intelligente et une prévention efficace.
J'ai également mis à la disposition du comité, un document disponible dans les deux langues officielles qui, en français, s'intitule Rendre les villes plus sûres: Pistes d'action pour les acteurs municipaux. Il a été financé par le Centre national de prévention du crime et on y a beaucoup recours. En fait, nous avons très vite manqué d'exemplaires après la publication par ville d'un océan à l'autre. Edmonton est probablement l'exemple le plus pertinent, mais le document traite également d'autres villes, comme Montréal et Waterloo.
Je me suis exprimé en public sur un certain nombre de questions dont nous discutons aujourd'hui, et j'aimerais seulement vous rappeler brièvement mon parcours.
Dans les années 1970, j'ai fait la première et la seule évaluation indépendante du système carcéral et du régime de libération conditionnelle du Canada. Toujours dans les années 1970, j'ai agi à titre de directeur général au ministère de la Sécurité publique. J'ai remporté des prix pour avoir amené l'ONU à adopter la déclaration des droits des victimes de crimes, qu'on appelle communément la grande charte des victimes de crimes, et j'ai agi à titre de directeur général fondateur du Centre international pour la prévention de la criminalité, qui est affilié à l'ONU et situé à Montréal.
Toutefois, plus récemment je me suis tourné vers l'écriture de deux livres destinés aux législateurs, aux électeurs et aux contribuables, et une grande partie de leur contenu cadre avec celui du site Web Right on Crime, mais il porte également peut-être sur deux grands volets dont le sénateur Hutchinson n'a pas parlé. Tout d'abord, je suis un défenseur des victimes de crime et rien d'autre. J'ai dirigé la Société mondiale de victimologie. Je suis moi-même une victime de crime, et je suis présentement à la tête de l'International Organization for Victim Assistance. Ma principale contribution en ce qui a trait aux victimes, c'est que je suis également un spécialiste des sciences sociales qui examine les données et les normes et ce qui est dans le meilleur intérêt des victimes, et je tente de leur faire part de mon point de vue.
C'est l'objectif du livre, et en fait, un de mes livres, Rights for Victims of Crime, a déjà été publié aux États-Unis et au cours des trois semaines qui ont suivi sa publication, il ne restait plus d'exemplaires.
À mon avis, ce que vous n'avez pas dit aujourd'hui, c'est qu'il faut donner la priorité à... En visitant le site Web Right on Crime, vous verrez qu'on y traite de la protection des victimes, et je crois que nos politiques publiques canadiennes, tant fédérales que provinciales, devraient être axées complètement sur l'objectif de réduire les préjudices que subissent les victimes de crime, ce qui signifie réduire le nombre de victimes de crime et axer nos efforts sur ce qu'on peut faire au sujet des préjudices.
Il y a environ une semaine, le ministère de la Justice du Canada a publié une étude mise à jour qui porte sur les coûts associés aux victimes de crime au Canada; on y explique que les coûts liés à la douleur et aux souffrances des victimes représentent 85 milliards de dollars. Soit dit en passant, le ministère évalue les coûts de la justice pénale à 15 milliards de dollars, et je suppose que c'est parce que les auteurs de l'étude font partie du ministère de la Justice qu'ils ne suivent pas ce qui se passe dans les services de police au Canada. Justin Piché ne parlait pas seulement des coûts associés aux prisons. Il y a également des coûts liés aux services policiers, qui ont des répercussions sur les taxes municipales dans notre pays. Je crois donc qu'il nous faut considérer la question de la construction de prisons dans le contexte de l'augmentation rapide des dépenses liées aux activités policières et des dépenses liées aux services correctionnels dans les provinces.
À mon avis, on perd le contrôle des dépenses, et il faut faire preuve de leadership. La bonne nouvelle, c'est qu'il y a un leader au pays. En 2007, l'Alberta a mis en place un groupe de travail pour examiner les meilleures données provenant de partout au monde sur ce qui contribue à réduire les préjudices subis par les victimes. Le groupe de travail comptait, entre autres, le chef de police d'Edmonton, un doyen associé en droit et un Autochtone.
Le groupe de travail a fait 31 recommandations que je vais diviser en quatre volets. Premièrement, une partie d'entre elles portait sur la construction de cellules de détention provisoire parce que personne n'a vraiment trouvé de moyen de limiter le recours à l'emprisonnement. Le groupe a inclus l’ajout de policiers. L'Alberta compte moins de policiers par habitant que l'Ontario et le Québec. Deuxièmement, il a recommandé des mesures pour traiter les maladies mentales, l'alcoolisme et la toxicomanie. Troisièmement, il a mis en pratique le type d'éléments que l'on trouve dans le livre, et un certain nombre d’autres organismes. Soit dit en passant, une bonne partie de la recherche portant sur ce qui réduit la criminalité vient des États-Unis. Quatrièmement, et c'est le volet le plus important pour le comité, le groupe a établi une stratégie à long terme, qui se fonde non pas sur l’idée de devoir construire des prisons maintenant parce qu'il y aura deux détenus par cellule, etc., mais sur l’idée selon laquelle, oui, nous devons nous assurer qu’il y a suffisamment de capacité réactionnelle, mais nous devons aussi nous attaquer aux facteurs qui expliquent cette marée de gens dans notre système carcéral et faire de la prévention.
Je sais que mon temps est limité, mais j'ai préparé un long mémoire que je serai heureux de vous remettre en temps voulu. Durant le très peu de temps qui m'est accordé, j'ai décidé de me concentrer sur un très bref historique. Je ne remonterai pas 30 ou 40 ans en arrière, ce que je pourrais faire.
Je veux seulement m’exprimer sur deux choses que le sénateur Hutchinson vous a dites. Il a dit que les prisons coûtent cher. Cela signifie qu'un contribuable américain paie le double de ce que paie le contribuable canadien pour le privilège d'avoir un certain nombre de policiers et d'avocats et un nombre incroyable de personnes incarcérées. Il a parlé de 2,3 millions, mais selon moi, le nombre de personnes incarcérées correspond de très près à la population de Toronto. Il vous a dit que cela représentait 23 p. 100 de la population carcérale recensée dans le monde. Vous devez y réfléchir.
Pendant que vous y réfléchissez, et c'est un taux de 750 par 100 000 habitants, le taux d'incarcération chez les Autochtones au Canada est plus élevé. Si vous décidez d'agrandir les pénitenciers, pensez seulement aux gens qui seront incarcérés: les Autochtones, de manière disproportionnée; les femmes, de manière très disproportionnée; les hommes, de manière disproportionnée.
J'ai le privilège d'avoir un étudiant au doctorat qui examine la façon de résoudre le problème, et la solution, c'est la prévention. On examine plus particulièrement les raisons pour lesquelles il y a tant de violence, surtout chez les Autochtones vivant en milieu urbain, et nous savons exactement quoi faire. Soit dit en passant, dans une large mesure, nous le savions en 1993, lorsque le comité Horner s'est penché sur ces questions. Même chose en 1995, lorsque le comité O'Shaughnessy s'est penché sur ces questions. Depuis, l'Organisation mondiale de la Santé a rédigé un rapport en 2002 avec l'aide des Centers for Disease Control and Prevention aux États-Unis. Essentiellement, selon l'avant-propos de ce rapport, comme l’a dit Mandela, on peut prévenir la violence.
Aucune recommandation de ce rapport n'appuie l'idée d'une augmentation de la population carcérale. On ne parle pas d'abolir les prisons. Il est clair que nous avons besoin de prisons pour les délinquants dangereux. Ce que j'ai fait notamment à titre de fonctionnaire fédéral, c'est présenter les premières mesures législatives sur les délinquants dangereux. Je ne veux pas qu'Olson me téléphone et je ne veux pas que Bernardo soit libéré, et je pourrais mentionner plusieurs autres affaires. Si vous visitez le site Web Right on Crime, on dit qu'il faut établir des priorités. Comme les prisons ont une certaine capacité, il faut les utiliser pour les gens dangereux — je crois que c'est ce que vous avez dit, mais il se peut que je ne cite pas bien vos propos.
L'Organisation mondiale de la Santé a rédigé son rapport et aussi un important rapport sur le rendement des investissements. Selon moi, cette idée vient de l'Alberta. Hier, je faisais un exposé devant un groupe de justice pénale américain à Toronto avec le gouvernement albertain, et les gens ont parlé de rendement social des investissements.
Ces gens en Alberta sont intelligents. Ils ne restent pas là à rien faire pendant qu'on grossit les services de police et qu'on construit des prisons. Ils disent qu'ils vont protéger les victimes, qu'ils vont utiliser l'argent des contribuables de façon responsable, ce qui correspond bien à ce qu'on dit sur le site Web Right on Crime. L'OMS a réuni tous ces éléments.
En 2007, le gouvernement fédéral actuel, le gouvernement conservateur, a doublé le budget alloué à la prévention, qui est passé de 25 ou 30 millions à 60 millions de dollars. Sur un budget de 4 milliards, c'est peu. Stockwell Day, qui connaît très bien les statistiques sur la victimisation, a laissé entendre que cela réglerait le problème de la criminalité. Ce petit montant d'argent destiné à un projet pilote ne résoudra pas le problème de la criminalité.
Le gouvernement a maintenant réduit le financement. On ne pouvait pas dépenser l'argent. Il y a des gens qui pourraient utiliser cet argent, mais on ne pouvait pas le dépenser.
C'est une honte épouvantable. Non seulement c'est trop peu — c'est limité à un projet pilote —, mais le gouvernement n'a pas dépensé l'argent. Il y a 14 villes dans ce pays qui veulent 300 000 $ par année pour développer ce qui fonctionne, et on leur a dit qu'il n'y avait plus d'argent disponible. Tout cela alors qu'on parle de 400 millions de dollars dans la presse.
J'ai parlé du groupe de travail de l'Alberta. Je vais parler de quelques éléments de base...
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Merci beaucoup de m'avoir invité.
J'ai reçu l'invitation lundi après-midi, et je vous ai fait parvenir les diapositives de ma présentation hier matin, c'est-à-dire environ 36 heures après. Malheureusement, c'était trop tard pour les faire traduire. Je les ai quand même photocopiées, et vous en avez tous reçu une copie.
Avant de commencer mon exposé, j'aimerais préciser qu'il sera très différent des trois précédents. En effet, je ne suis pas ici pour défendre une politique pénale ou une politique criminologique en particulier.
Même si je travaille pour une école de commerce, je suis titulaire d'un doctorat en politique publique. J'ai l'habitude d'analyser des budgets. Je vais bientôt publier un article dans lequel j'analyse les problèmes que connaissent la Grèce, l'Espagne et le Portugal en Europe. Je suis en train d'en rédiger un autre qui porte sur les États-Unis, c'est-à-dire sur leur budget comparativement à celui du Canada. J'analyse des états financiers et des budgets parce que je suis un ancien banquier.
Aujourd'hui, je vais vous parler de certaines données qui sont du domaine public; je n'utilise pas mes propres données. Ma méthode de travail consiste à n'utiliser que des données qui proviennent de sources officielles, comme Statistique Canada, les ministères du gouvernement fédéral, les ministères des États-Unis et ceux de leurs États, l'OCDE, l'International Centre for Prison Studies — ce genre de données. Je ne les change pas, je ne les manipule pas, je ne les normalise pas. Je ne fais que les photocopier, et c'est ce dont je vais vous parler dans quelques instants.
Enfin, je veux préciser que je n'accepte aucun contrat de consultant, peu importe sa nature ou sa provenance.
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Je disais donc que je n'accepte pas de contrats de consultant, peu importe de qui ou d'où ils viennent dans le monde — que ce soit dans le domaine criminel, bancaire ou des services financiers. Je n'ai aucun revenu de placement de quelque nature que ce soit, nulle part dans le monde. Mes seuls revenus proviennent de mon emploi de professeur à l'Université Carleton et de mon travail d'enseignant pour les programmes d'éducation à l'étranger. Je voulais seulement apporter ces deux précisions.
La publication annuelle How Ottawa Spends a fait paraître un de mes articles il y a trois ans; j'y analysais les politiques actuelles du gouvernement, mais en ne me servant que de données empiriques, encore une fois. Je vais donc les passer en revue très rapidement; je vais essayer de m'en tenir à 10 minutes.
Il y a trois choses dont je veux parler aujourd'hui — et je les qualifie de mythes ou de légendes urbaines. La première est l'affirmation selon laquelle les crimes violents sont en baisse au Canada. Je vais bientôt parler des données de StatCan, qui montrent que ce n'est pas le cas comparativement aux données de 1962. La deuxième concerne la croyance selon laquelle un grand nombre de gens sont emprisonnés au Canada. Je vais, encore une fois, faire appel à ces données. Troisièmement, on croit que le budget du Service correctionnel du Canada est très élevé et qu'on en a perdu la maîtrise. Encore une fois, je vais vous présenter des données financières provenant du gouvernement du Canada.
Examinons de plus près la première de ces légendes urbaines, comme je les appelle. On a commencé à tenir des statistiques sur les crimes rapportés par la police en 1962, et on a enregistré, cette année-là, 221 crimes violents par 100 000 personnes. Je me sers des statistiques normalisées de StatCan, car c'est la seule façon de comparer des données à travers le temps. De nos jours, ce nombre est passé à 950, ce qui est presque cinq fois plus. J'ai photocopié le graphique produit par StatCan et je l'ai inclus dans mes diapositives, en indiquant le numéro de catalogue. L'information est disponible et cataloguée; elle n'est donc pas secrète.
Le sondage social général mené par StatCan en 2005 révélait que 34 p. 100 des victimes rapportent les crimes à la police. Je crois qu'il y a environ 2,5 millions de crimes; cela signifie qu'il y a énormément de crimes qui ne sont pas rapportés. Par exemple, 92 p. 100 des agressions sexuelles ne le sont pas. La criminalité demeure apparemment un problème.
Sur la diapositive suivante, on peut voir que selon le célèbre entonnoir du crime, ces 2,5 millions de crimes ont valu la prison à 4 800 personnes — et il s'agit de données du ministère de la Sécurité publique. Un pourcentage extrêmement faible des individus qui commettent un crime se retrouve donc... Ce qui ressort de cette diapositive, c'est que vous devez déployer de gros efforts, dans ce pays, pour être condamné à une peine d'emprisonnement dans un pénitencier fédéral. On y a envoyé 4 800 individus en 2009, ce qui ne représente pas un pourcentage élevé en comparaison.
On pourrait se demander ce qu'il en est pour les données provinciales et territoriales. Sur la diapositive suivante, on peut voir qu'au Canada — selon les données de 2009 —, 13 000 délinquants sous responsabilité fédérale et 108 000 autres délinquants se trouvaient dans les prisons des provinces et territoires. Il s'agit d'un très petit nombre de personnes. Si vous le convertissez en pourcentage de la population canadienne, vous obtenez un chiffre précédé d'environ sept zéros après la virgule, ce qui est très petit.
Selon son rapport, le nombre d'admissions annuelles au SCC — et selon les données de 1999 — est de 4 800 individus et le SCC rapporte que 69 p. 100 d'entre eux sont des cas violents. Un simple calcul révèle que cela représente 3 312 individus. Ces diapositives sont comprises dans ma présentation. Selon le programme de déclaration uniforme de la criminalité de StatCan, la majorité des victimes sont âgées de moins de 30 ans, et comme le savent déjà certains députés, le taux de criminalité est, en proportion, beaucoup plus élevé dans l'Ouest et dans le Nord canadien, comme le montrent des données recueillies en 2008. Ces données sont corroborées par l'indice de gravité des crimes, qui indique que le taux de criminalité dans les villes du centre et de l'Est du Canada est très bas, et que dans l'Ouest du pays, des villes comme Winnipeg, Regina, Saskatoon, Calgary, Edmonton et d'autres ont des problèmes très graves de ce côté.
J'ai ensuite examiné les taux d'incarcération en me servant des données internationales aux fins de comparaison. Au Canada, il y a 116 personnes en prison par 100 000 habitants, ce qui est beaucoup moins qu'aux États-Unis, qui ont un taux de 756 par 100 000; nous avons un taux vraiment beaucoup plus bas.
Même si on nous faisait remarquer que notre taux est beaucoup plus élevé qu'en Europe, il ne faut pas oublier que la population de l'Europe est beaucoup plus homogène, en raison des faibles taux d'immigration, comparativement au Canada et aux États-Unis. Notre société est en effet beaucoup plus diversifiée. De plus, la population de l'Europe est, bien sûr, vieillissante, et les gens âgés sont moins susceptibles de commettre des crimes. Cela explique, en partie, nos taux d'incarcération plus élevés. Les données relatives aux prisons du monde sont listées, tel que les affiche la liste de la population des prisons du monde publiée par le Royaume-Uni.
J'ai le profil du délinquant produit par le Service correctionnel en 2009. Vous pouvez l'étudier. Encore une fois, je l'ai reproduit à partir des dossiers.
Je veux maintenant parler du coût de la criminalité.
L'an dernier, le budget du SCC était de 2,4 milliards de dollars, ce qui représente environ un pour cent du budget du gouvernement du Canada. Les dépenses annuelles du gouvernement du Canada s'élèvent à un peu plus de 250 milliards. Dans l'édition d'hier de l'Ottawa Citizen, on rapportait que le budget allait augmenter de 20 p. 100, ou 500 millions de dollars. En conséquence, la part du SCC dans le budget du gouvernement du Canada passera à 1,2 p. 100, ce qu'aucun analyste raisonnable ne qualifierait de montant gigantesque. En réalité, c'est un très petit montant. Ces données viennent d'un rapport du ministère de la Justice du Canada intitulé Les coûts de la criminalité au Canada, 2008. On parle de 15 milliards, comme l'a indiqué M. Waller. Les services policiers représentent 57 p. 100 de cette somme et les services correctionnels, 32 p. 100. Les tribunaux, les procureurs de la Couronne et les avocats représentent le reste.
Pour ce qui est de la construction de nouvelles prisons, j'ai examiné le rapport sur les établissements du Service correctionnel du Canada parce que c'est un sujet dont les médias ont parlé et dont on discutera ici, je suppose. On n'a pas construit d'importants établissements correctionnels depuis celui de Port-Cartier, en 1988. On a construit de petites prisons régionales pour femmes et on a agrandi des prisons existantes, mais aucune prison importante n'a été construite en un quart de siècle. Le pénitencier de Kingston, que beaucoup considèrent comme désuet, a été construit en 1835. L'établissement Stony Mountain, au Manitoba, date de 1876 et le pénitencier de Dorchester, au Nouveau-Brunswick, a été construit en 1880.
Lorsque les gens disent que nous dépensons trop et veulent savoir pourquoi nous dépensons autant pour les prisons, je poserais la question dans l'autre sens. Je chercherais à savoir pourquoi, pendant les 25 dernières années, le Parlement n'a pas réservé des fonds pour le programme de remplacement d'immobilisations plutôt que de remettre l'entretien à plus tard et de repousser le problème jusqu'à ce qu'on soit obligé de s'en occuper et d'avoir à construire une multitude de prisons. Vous ne les avez pas remplacées au fil du temps. Se doter d'un programme de remplacement d'immobilisations est une pratique budgétaire courante. Tout organisme important — les universités, les hôpitaux, le gouvernement et les grandes entreprises — prévoit mettre de l'argent de côté plutôt que de laisser les biens d'équipement, les usines, les locaux se détériorer sans les reconstruire au fil du temps. Voilà le problème, à mon avis.
Je veux résumer. Les crimes violents ont presque quintuplé depuis 1962. Cette statistique vient de Statistique Canada, je ne l'ai pas inventée. Aujourd'hui, les crimes violents sont plus nombreux dans l'Ouest du Canada et beaucoup plus nombreux dans le Nord. Il y en a moins au Québec et en Ontario, incluant Toronto.
Deuxièmement, 13 000 personnes sont incarcérées dans les prisons fédérales, ce qui est peu, et non beaucoup, et 108 000 personnes sont incarcérées dans des prisons provinciales, ce qui est peu, et non beaucoup.
Troisièmement, le budget du SCC, qui représente un pour cent du budget du gouvernement du Canada augmentera à 1,2 p. 100, ce qui n'est pas un chiffre énorme. Ce que je peux en déduire ou conclure, c'est que les critiques refusent de reconnaître la gravité de la criminalité dans certaines collectivités.
Je devrais souligner — et je vais probablement créer un malaise dans la salle — que les députés et les professeurs figurent parmi les 5 p. 100 des personnes avec les revenus les plus élevés au pays. Comme je l'ai souvent dit, et je ne m'exclus pas, nous vivons une vie très privilégiée. Nous vivons dans de très bonnes collectivités où la criminalité est inexistante. La criminalité touche de façon disproportionnée les endroits où vivent les personnes à faible revenu et les collectivités défavorisées. Ces personnes ne sont pas bien représentées par les députés ou les professeurs qui banalisent ou ignorent leurs problèmes, pourtant très réels.
Incidemment, dans son livre Le gauchisme de Park Avenue, publié en 1970, Tom Wolfe, le célèbre écrivain américain, livre une satire de la fascination de l'élite envers les criminels violents. Il raconte l'histoire de Leonard Bernstein, qui vivait dans un milieu très favorisé, le quartier Upper West Side de New York, à Manhattan. Bernstein avait fait pression sur le gouverneur et la commission des libérations conditionnelles pour autoriser la sortie de prison d'un meurtrier violent, ce qui a été fait. Et Bernstein a invité le meurtrier à un cocktail. Tom Wolfe a écrit une fantastique oeuvre satirique sur les gens de milieux très favorisés qui montrent leurs bonnes intentions en s'associant au meurtrier.
En terminant, je pense que la politique publique devrait se concentrer sur les droits de la personne des citoyens respectueux des lois plutôt que sur ceux qui ont démontré concrètement qu'ils sont capables de comportements violents envers les Canadiens.
Merci.
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Très bien. La raison pour laquelle je me suis concentré là-dessus, c'est que j'utilise toujours des données normalisées. Nous parlons du nombre de nouvelles entreprises par 100 000 habitants, du taux de natalité par 100 000 habitants, du taux de mortalité par 100 000 habitants, alors, non seulement cela vous permet de comparer la situation dans le temps dans votre propre pays, mais également, ce qui est très important, cela vous permet de faire des comparaisons avec d'autres pays, pour la recherche comparative, à des fins de comparaison. Alors, c'est une technique de normalisation très utile que Statistique Canada utilise, et c'est parfaitement légitime.
Mais ce qui m'a frappé, c'est que je lis presque tous les jours dans les journaux que le taux de crimes violents a diminué et la raison pour laquelle les criminologistes disent cela, c'est parce qu'ils utilisent les données des 10 dernières années. Eh bien, évidemment, si vous ne remontez pas plus loin que 10 ans, il a diminué. En d'autres mots, je peux prendre les recettes des entreprises pour un mois et démontrer qu'elles ont fait beaucoup d'argent et dire que cette entreprise est fabuleusement rentable, même si elle a perdu de l'argent au cours des cinq dernières années. En d'autres mots, il s'agit d'une période de temps trop courte.
Je veux répondre à votre question. La raison pour laquelle il est si important de remonter jusque dans les années 1960, c'est le capital humain: les gens changent très lentement. Dans notre pays, l'espérance de vie est maintenant de 85 ans pour une femme et de 81 ans pour un homme. Alors, retourner 40 ou 50 ans en arrière représente environ la moitié de l'espérance de vie moyenne.
Le deuxième facteur, c'est que d'énormes changements ont eu lieu au Canada et aux États-Unis entre les années 1960 et aujourd'hui, ce que les criminologues et les sociologues appellent le déclin de la cohésion sociale. Cela signifie que nous sommes beaucoup moins homogènes. Nous sommes plus différents les uns des autres. La religion a perdu de l'importance. L'autorité a diminué. On a coupé une forêt entière pour écrire sur le déclin de l'autorité, le déclin de l'autorité des enseignants, de l'autorité des policiers, et ainsi de suite.
Ce que ces chiffres révèlent, c'est un instantané des transformations survenues au cours des 40 ou 50 dernières années dans une société beaucoup plus libérale dans laquelle le taux de criminalité a grimpé en flèche. Si vous n'allez pas plus loin que les 10 dernières années, vous n'allez pas capter ces transformations touchant les attitudes, les valeurs et le comportement. Il est extrêmement trompeur, à mon sens, de ne remonter qu'à 10 ans dans le passé, parce que nous ne vivons pas 10 ans. Nous ne sommes pas des mouches à fruits qui ont une durée de vie très courte; nous avons une longue durée de vie.
Je remercie les témoins de comparaître aujourd'hui.
À mon habitude, je vais adresser mes observations aux personnes à la maison, parce que c'est dans leurs poches que nous prenons l'argent pour financer notre réunion, et je ne voudrais pas que cela soit perçu comme un acte criminel. Le public a besoin de savoir que les statistiques ne sont que des statistiques et que n'importe qui — et je n'insinue personne en particulier — peut les manipuler pour qu'elles reflètent son opinion ou un point de vue de société.
Certaines des statistiques que je m'apprête à vous citer viennent de CORCAN. Pour commencer, nous avons parlé de double occupation, et les gens ont l'impression qu'il y a des personnes qui doivent partager le même lit. C'est totalement faux. Ce sont deux personnes qui partagent une cellule, beaucoup comme on peut voir deux personnes partager la même chambre, comme on le voit dans l'armée canadienne. Il arrive souvent que deux personnes doivent partager une salle de bain, par exemple.
Soit dit en passant, CORCAN respecte les normes de l'ONU en matière de double occupation, le chef du Service correctionnel du Canada nous l'a confirmé.
Nous avons aussi entendu dire que l'augmentation du budget pour la création de chambres à double occupation dans nos pénitenciers était de 2,7 milliards. Ce que cette statistique ne dit pas, c'est qu'il s'agit de 2,7 milliards de dollars sur cinq ans. C'est essentiel de le préciser.
Par ailleurs, quand le commissaire de CORCAN a comparu devant le comité, nous avons parlé de l'idée qui circule que les récentes modifications du gouvernement du Canada au Code criminel allaient faire augmenter le nombre de criminels. Dans les faits, si l'on analyse bien les modifications à la réglementation, nous ne créerons pas plus de criminels. Nous visons les personnes qui commettent des actes criminels violents en général, des crimes graves, des crimes en cols blancs, et nous faisons en sorte que les personnes qui commettent ces crimes graves passent un peu plus de temps en prison. Il ne s'agit donc pas de capturer de nouvelles personnes ni de créer des crimes, il s'agit d'emprisonner plus longtemps les personnes qui ont commis des crimes.
J'ai aussi une question à poser à l'ex-membre du Congrès M. Hutchinson. L'une des réalisations de notre gouvernement, parce qu'il y avait un grave sous-investissement dans nos institutions pénales fédérales, c'est que l'ancien ministre de la Sécurité publique a commandé un rapport qui a été intitulé « Pour une sécurité publique accrue ». Ce rapport parle de la nécessité actuelle d'améliorer et de moderniser nos pénitenciers. Et non, monsieur Hutchinson, on ne peut pas prendre une institution vieille de 150 ans, qui a l'air d'un donjon, et en faire un lieu propre à la réhabilitation.
On entend toujours parler des mauvaises peines obligatoires, et vous avez utilisé le mot « conservateur », que les gens de l'autre côté de la table adorent, mais je serais porté à vous dire qu'il y a beaucoup de démocrates aux États-Unis qui regardent le Parti conservateur du Canada et qui nous voient comme un groupe de virulents socialistes. J'ai un ami qui a représenté les démocrates aux États-Unis et qui m'appelait ainsi.
Le Canada est un heureux mélange, et je pense que c'est un heureux mélange des Américains, parce que nous sommes exposés à la culture américaine, et des Européens de l'Ouest. C'est notre identité. Nous sommes un heureux mélange des deux. Je pense que si M. Waller étudiait la chose, il serait probablement d'accord que nous sommes un mélange des deux, que cela décrit bien notre système de gouvernance.
L'une de nos peines minimales obligatoires est d'un an, monsieur, pour la vente de drogue par le crime organisé, et il y a aussi une peine minimale obligatoire de deux ans pour les personnes qui vendent de la drogue à nos enfants dans les écoles ou autour. Je vous demande donc quelle serait la comparaison aux États-Unis? Qu'en pensez-vous, monsieur?
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Je vous répondrai avec plaisir.
Permettez-moi cependant de prendre du recul. J'espère que le comité examinera ce document de l'International Centre for Prison Studies, qui indique que les populations carcérales sont à la hausse dans 71 p. 100 des pays dans le monde; alors le Canada n'est certainement pas très différent des autres à cet égard. Ce chiffre est tiré de la liste de la population carcérale mondiale publiée par l'International Centre for Prison Studies du King's College, à Londres. C'est la tendance actuelle.
Pour répondre à votre question, j'ai lu le témoignage fait par Kevin Page — que je respecte énormément — devant votre comité. J'ai lu les questions posées, et j'ai trouvé cela très intéressant. Mais il m'a semblé y avoir beaucoup de confusion entre les coûts d'immobilisations et les coûts de fonctionnement. Les coûts d'immobilisations ne sont pas passés en charges; ils sont amortis sur une très, très longue période. Après tout, le fait qu'on ait des prisons qui datent de 1835 ou 1870 permet de croire qu'elles ont une longue espérance de vie. Certains lancent des chiffres tels que deux milliards de dollars en coûts de construction, ou quelque chose du genre, et il est fallacieux de confondre coûts d'immobilisations et coûts de fonctionnement.
En ce qui touche aux coûts de fonctionnement dont Kevin Page a parlé, différents chiffres circulent, dont un montant de 2,7 milliards de dollars sur cinq ans. Cela fait environ 600 millions de dollars par année, soit une augmentation de 20 p. 100, ce qui, comme je l'ai déjà noté, amènera la part du SCC à 1,2, et peut-être même 1,4 p. 100. Ces chiffres demeurent très minimes. Cela me rappelle ce qu'a déclaré Dan Gardner hier, dans l'Ottawa Citizen. Ce débat porte sur de très petites choses, et il a cité Freud en ce qui a trait au narcissisme des petites différences. Car il s'agit bien là de différences minimes, empiriquement parlant.
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Libre à vous d'apporter des éclaircissements, bien sûr, mais je pense que l'un des arguments invoqués implicitement est que si nous avons des prisons vieillissantes ou conditions carcérales médiocres, nous devrions en construire de nouvelles. J'aimerais faire remarquer que les réformes pénales bien intentionnées ont toujours été le principal moteur de l'expansion des prisons dans ce pays, comme c'est le cas en ce moment dans bon nombre de nos provinces et territoires. L'histoire est parsemée d'appels à la construction de nouvelles prisons pour remédier au problème de surpeuplement, améliorer les conditions d'hygiène et accroître les efforts de réadaptation à l'intérieur des prisons.
Toutefois, j'aimerais également dire au comité que la course aux soi-disant prisons améliorées mène à un désengagement encore plus grand de la société, ce qui est d'autant plus flagrant lorsque les installations qui devaient être fermées demeurent ouvertes. Prenez par exemple le pénitencier de Kingston, qui a été construit en 1835, comme le député l'a souligné. On a prévu le fermer plusieurs fois, mais il est resté ouvert, malgré qu'il ait été endommagé au point d'en être méconnaissable lors d'une émeute en 1971.
Dans ce pays, nous avons tendance à mettre l'accent sur l'offre carcérale, plutôt que de nous efforcer de trouver des moyens de modérer la demande pour des prisons supplémentaires et de réduire la victimisation. C'est pourquoi je préconise des solutions de rechange.
Si vous êtes en train de faire la vaisselle dans la cuisine, et que l'eau déborde, que ferez-vous? Fermerez-vous le robinet? Enlèverez-vous la crépine, ou courrez-vous chez Home Dépôt pour acheter un évier plus grand? Je suis certain que la plupart d'entre vous ne se précipitera pas chez Home Dépôt. Or, c'est l'approche que nous adoptons en ce moment, en ajoutant 2 500 lits, en réalisant des travaux de rénovation et en agrandissant les établissements vieillissants qui existent.
En me basant sur l'histoire, je prédis — et les prédictions sont connues pour être parfois mauvaises, parfois bonnes — que si nous construisons les nouveaux complexes régionaux recommandés par le groupe de travail en 2007, à juger par la façon dont ces politiques pénales sont présentées, ils ne remplaceront pas les pénitenciers de Kingston et de Dorchester, ni le pénitencier Stony Mountain et autres établissements vieillissants que nous avons.
Quant à l'idée que les prévisions de Kevin Page et du SCC puissent être complètement à côté de la plaque, si, sous l'effet de la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime, seulement 400 prisonniers s'ajoutent à la population carcérale fédérale, quelle sera l'incidence de cette loi, et où iront tous ces prisonniers? Demeureront-ils dans les prisons provinciales et territoriales, dont on était censé les sortir pour diminuer la détention préventive dans les provinces? Je l'ignore, mais je crois que nous devons nous poser ces questions.