Passer au contenu

SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 058 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 3 mars 2011

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    Bonjour tout le monde.
    Nous sommes le jeudi 3 mars 2011. C'est la 58e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous poursuivons notre étude sur l'agrandissement des pénitenciers.
    Nous entendrons Justin Piché, candidat au doctorat en sociologie à l'Université Carleton; Irvin Waller, professeur titulaire à l'Institut pour la prévention de la criminalité à l'Université d'Ottawa et président de l'International Organization for Victim Assistance; Asa Hutchinson, ex-membre du Congrès américain; et Ian Lee, professeur adjoint de gestion stratégique et de commerce international à la Sprott School of Business à l'Université Carleton.
    Nous vous remercions d'être venus témoigner aujourd'hui et de nous aider dans notre étude sur le système pénitencier canadien et l'agrandissement des pénitenciers.
    Nous aimerions souhaiter une bienvenue toute spéciale à notre collègue américain, qui est au Canada pour d'autres raisons, je crois. Bienvenue au comité.
    Je sais que vous avez chacun un exposé. Bon nombre d'entre vous ont déjà témoigné devant le comité; vous savez donc qu'il y a des séries de questions et que la première compte des périodes de sept minutes.
    J'aimerais simplement préciser que lorsque je parle d'une période de sept ou de cinq minutes, ce temps inclut les questions et les réponses. Donc, je rappelle aux députés qu'ils ne doivent pas prendre tout le temps pour formuler leur question.
    Nous aimerions peut-être inviter M. Hutchinson à commercer.
    Madame Mourani.

[Français]

    Monsieur le président, je vous remercie de me donner la parole. Je voudrais simplement souligner que certains documents sont en anglais seulement. Donc, s'ils n'ont pas été traduits, j'apprécierais que ces documents ne soient pas distribués. Merci.

[Traduction]

    L'une des lignes directrices des comités dit que si les documents ne sont pas déposés dans les deux langues officielles, nous ne pouvons pas les distribuer tant qu'ils ne sont pas traduits. Dans le cas présent, je sais que l'invitation a peut-être été lancée à la dernière minute, mais les gens ont travaillé d'arrache-pied dans la nuit d'hier à aujourd'hui pour essayer de traduire certains documents; ils n'y sont pas parvenus.
    Il y avait aussi une présentation PowerPoint, qui ne sera pas utilisée ce matin, à mon avis. Malheureusement, nous n'aurons peut-être pas l'intégralité des exposés que nos témoins avaient préparés, mais nous respecterons la ligne directrice.
    Merci, madame Mourani.
    Monsieur Hutchinson, veuillez commencer.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis heureux d'avoir été invité à témoigner devant votre comité. J'ai crû important en tant qu'ancien représentant américain de rendre hommage à notre grande amitié, et de venir témoigner devant votre comité et de vous parler de l'expérience américaine.
    Vous m'avez présenté en tant qu'ex-membre du Congrès américain et représentant de l'Arkansas. J'ai aussi été nommé administrateur de la Drug Enforcement Administration, la DEA, par le président George W. Bush. J'ai déjà été également sous-secrétaire de la Sécurité intérieure. J'ai donc une longue carrière dans l'application de la loi et dans la gestion de grandes agences, et j'ai été de plus procureur plaidant dans les années 1980 sous le président Ronald Reagan; cette période marque vraiment le début de la campagne américaine de répression de la criminalité et de la drogue.
    Je suis ici, parce que j'appuie la campagne Right on Crime: un mouvement mené par un groupe de conservateurs américains qui demandent une réévaluation des politiques nationales en matière d'incarcération. Je suis donc simplement ici pour vous parler de l'expérience américaine et en aucun temps pour commenter ce que vous faites au Canada.
    Au sujet de l'expérience américaine, deux principes m'ont convaincu d'appuyer la campagne Right on Crime: l'équité et le vieux principe conservateur du coût pour les contribuables. Ces deux facteurs ont motivé mon appui à la réévaluation de la politique nationale en matière d'incarcération.
    Vous connaissez la situation aux États-Unis. Un Américain adulte sur 100 est en prison, pour un total de 2,3 millions de prisonniers. En 1970, le taux était seulement de un sur 400. Les États-Unis ont 5 p. 100 de la population mondiale, mais 23 p. 100 de la population carcérale officielle dans le monde. Les coûts relatifs à l'incarcération d'un prisonnier sont ahurissants; ils jouent entre 18 000 et 50 000 $ par prisonnier annuellement, selon l'État et le niveau de sécurité de la prison. Ces coûts représentent un grand fardeau pour bon nombre d'États. Il s'agit donc d'une raison pour effectuer la réévaluation.
    Voici un résumé de ce qui s'est passé au cours des dernières années.
    Les leaders conservateurs ont appuyé cette réévaluation sur la scène fédérale et dans les États. Aux États-Unis, nous avions une politique fédérale de peine minimale obligatoire pour les infractions relatives au crack et à la cocaïne. Cette politique a causé un ratio de 100 pour 1 entre la durée des peines pour des infractions relatives au crack et la durée des peines pour des infractions relatives à la cocaïne en poudre. Par exemple, si un Afro-Américain était arrêté avec une certaine quantité de crack et qu'un Américain blanc était aussi arrêté avec la même quantité de cocaïne en poudre, la peine de l'Afro-Américain était beaucoup plus longue.
    En raison d'inquiétudes sur le manque d'équité, le Congrès a finalement décidé de réduire la peine minimale obligatoire pour les infractions relatives au crack et d'essayer d'éliminer cette disparité et cette inégalité. Le débat au sujet de la peine minimale obligatoire se poursuit à l'échelle fédérale, mais la plupart des mesures sont prises par les États. J'aimerais brièvement vous donner l'exemple de deux États. Le Texas est reconnu comme étant un État adoptant une ligne dure relativement à la criminalité. Au Texas, les républicains conservateurs se sont joints aux démocrates libéraux pour accorder du financement aux villes afin de renforcer le système de probation de l'État en 2005. Ensuite, en 2007, ils ont décidé de rejeter l'idée de construire de nouvelles prisons et ont plutôt décidé d'investir cet argent pour améliorer les approches du service correctionnel communautaire, comme les tribunaux de traitement de la toxicomanie, dont j'aimerais vous parler davantage.
    Nous évaluons que les réformes nous permettront de diminuer de 2 milliards de dollars sur cinq ans les coûts relatifs aux prisons. Le Texas a redistribué la majorité de l'argent ainsi économisé dans les programmes communautaires de traitement destinés aux personnes atteintes de maladie mentale et aux toxicomanes légers. Le taux de criminalité a diminué de 10 p. 100 entre 2004, l'année ayant précédé les réformes, et 2009.
(0855)
    L'année dernière, la Caroline du Sud a adopté des réformes pour réserver l'incarcération, une mesure dispendieuse, aux criminels dangereux et pour imposer des peines dans la collectivité, une mesure moins dispendieuse, aux délinquants à faible risque de récidive. Ces réformes étaient un effort des deux partis et ont joui d'un appui solide des libéraux, des conservateurs, des organismes responsables de l'application de la loi et des juges. L'État s'attend à économiser 175 millions de dollars cette année en coûts de construction de prisons, et 60 millions de dollars en coûts d'exploitation au cours des prochaines années.
    Dans mon exposé, je tiens à mettre l'accent sur le fait que nous sommes en période de réévaluation. Nous avons un haut taux d'incarcération, et ça coûte cher. Nous voulons aussi nous assurer que le système est équitable et que nous visons particulièrement les délinquants condamnés pour une infraction liée à la drogue.
    Encore une fois, j'ai déjà administré la DEA et je veux qu'on se souvienne de moi comme ayant une ligne dure en ce qui concerne les problèmes relatifs à la drogue. Toutefois, en même temps, nous voulons nous assurer que ces gens reçoivent des traitements efficaces s'ils souffrent de toxicomanie. Il s'agit d'un programme axé sur le traitement de la toxicomanie plutôt que simplement sur l'emprisonnement dans le cas de délinquants non violents.
    Ensuite, nous devons examiner qui sont nos prisonniers pour nous assurer de diriger nos ressources vers ceux qui constituent une menace pour la population.
    Merci, monsieur le président et les membres du comité, de m'avoir permis de témoigner devant vous aujourd'hui. J'ai hâte aux discussions.
(0900)
    Merci beaucoup, monsieur Hutchinson.
    Passons maintenant à M. Piché.
    Je m’appelle Justin Piché et je suis candidat au doctorat en sociologie à l’Université Carleton. Je travaille actuellement à la rédaction d’un mémoire sur les facteurs qui sous-tendent l’agrandissement des établissements carcéraux au Canada et sur l’ampleur de ce phénomène actuel.
    Mes observations d’aujourd’hui sont un aperçu des constatations que j’ai exposées en détail et étayées dans un rapport soumis au greffier de votre comité: « Le Canada à la croisée des chemins: Mémoire sur l’agrandissement des établissements ».
    Avant la campagne électorale fédérale de 2006, pendant laquelle tous les partis politiques fédéralistes se targuaient de leur attitude de répression sévère de la criminalité, au lendemain du fameux été des fusils, les services correctionnels du pays devaient déjà faire face à d’importants défis.
    Dans nos établissements correctionnels provinciaux et territoriaux, où se trouvent habituellement les personnes qui sont en attente d’un procès ou de la détermination de leur peine, ou qui purgent une peine de deux ans moins un jour, la plupart des cellules étaient occupées par un, deux ou parfois même trois détenus. Ces cellules ont souvent la superficie de la salle de toilettes d’une résidence moyenne.
     La tendance à la double occupation est surtout attribuable à l’augmentation des populations en détention préventive, qui ont augmenté de 83 p. 100 entre le milieu des années 1990 et l’exercice 2004-2005. À un moment donné au cours de cet exercice, la moitié de la population carcérale provinciale et territoriale était composée de personnes en détention préventive. En 2008-2009, dans nos établissements correctionnels provinciaux et territoriaux, près de 6 détenus sur 10 étaient en détention préventive.
    Dans nos pénitenciers fédéraux, où se trouvent habituellement les délinquants qui purgent une peine de deux ans plus un jour, le taux de double occupation des cellules pendant la dernière décennie a atteint 11,1 p. 100 en avril 2001, tandis qu’il n’était que de 6,1 p. 100 en juillet 2004. La double occupation continue d’être une réalité opérationnelle dans nos pénitenciers fédéraux, où le taux était de 9,4 p. 100 en août 2009; une hausse marquée de ce taux est prévue en raison de la mise en oeuvre de la Loi sur l’adéquation de la peine.
    Cette pratique est courante malgré l’existence de la directive no 550 du Service correctionnel du Canada, selon laquelle « la cellule individuelle est la forme de logement des détenus la plus souhaitable et la plus appropriée sur le plan correctionnel ». Cette directive a été suspendue dernièrement, en août 2010.
    La situation persiste aussi malgré le fait que le Canada soit un pays signataire de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies, qui décourage fortement la pratique de la double occupation. Enfin, la situation persiste malgré l’avertissement du sous-commissaire principal du SCC, Marc-Arthur Hyppolite, au ministre Toews émis dans la note d’information de février 2010: « L’utilisation sans cesse croissante de cellules à lits superposés augmente le risque pour la sécurité du personnel et des délinquants d’un établissement. »
    Il est largement reconnu par les spécialistes, les personnes qui travaillent en milieu carcéral et les hommes politiques que les établissements correctionnels sont devenus des lieux où on se débarrasse des personnes ayant des problèmes de toxicomanie ou une maladie mentale, des pauvres, des Autochtones colonisés et d’autres groupes marginalisés.
    Bon nombre des établissements où se trouvent les détenus étaient et sont toujours décrépis à tel point qu’ils ne conviennent pas à des animaux, encore moins aux êtres humains.
    Devant faire face à la situation, les autorités correctionnelles ont soutenu que de nouveaux établissements s’avéraient nécessaires non seulement pour les motifs exposés précédemment, mais aussi, parce qu'elles affirmaient que les établissements actuels ne sont pas propices aux pratiques modernes en matière de sécurité et à la réalisation des objectifs des programmes offerts en établissement.
    Des travaux, à divers stades de la planification ou de la construction, sont en cours dans les provinces et territoires du Canada dans le cadre de 23 nouveaux projets d’établissements correctionnels et de 16 ajouts à des établissements existants. Le coût des travaux de construction liés à ces projets est supérieur à 3 milliards de dollars et il est à la hausse, des annonces officielles au sujet de quelques projets et de leur financement étant toujours à venir.
    Si les quelque 7 000 nouvelles places pour détenus étaient comblées, chacune à un coût moyen de 162 $ par jour ou de 59 000 $ par année, les contribuables devraient payer un coût additionnel de plus de 400 millions de dollars par année, en plus des autres coûts de fonctionnement et de gestion.
    Il faudrait souligner que la plupart des gouvernements n'ont pas tenu compte des effets des lois fédérales lorsqu’ils ont planifié leurs propres initiatives en matière d’infrastructure carcérale, selon les documents que j’ai obtenus. Il est donc probable que d’autres travaux de construction d’établissements correctionnels par les provinces et les territoires s’imposent, si l’orientation actuelle en matière de politique pénale se maintient.
    En ce qui concerne les pénitenciers fédéraux, 34 unités additionnelles devant être construites sur les terrains d’établissements du SCC existants ont été annoncées à ce jour.
(0905)
    Dans le cas où les 2 552 places prévues étaient comblées, chacune à un coût moyen de 322 $ par jour ou de 118 000 $ par année, les contribuables devraient payer un coût additionnel de près de 300 millions de dollars par année, en plus des autres coûts de fonctionnement et de gestion. Et n’oublions pas qu’en mars 2011, SCC déposera sa stratégie de planification à long terme des locaux pour étude.
    En réponse aux pressions exercées par l’opposition, qui a déposé une question de privilège dans laquelle elle demandait la divulgation des coûts des mesures de détermination de la peine devant le Parlement, les conservateurs ont remis aux parlementaires une feuille Excel selon laquelle les coûts fédéraux des 18 projets de loi présentés pendant la session parlementaire en cours étaient estimés à 2,7 milliards de dollars sur cinq ans.
    Comme mentionné par le Bureau du directeur parlementaire du budget, le document ne fournit pas:
    « … l’analyse, les hypothèses clés, les facteurs ni les méthodes qui ont servi à établir les chiffres produits. De plus, des données statistiques de base comme le nombre de détenus, le nombre annuel d’arrivées, les coûts unitaires par détenu, par employé équivalent temps plein (ETP) et par nouvelle cellule ne sont pas disponibles ».
    Fait tout aussi important, les dépenses que les gouvernements provinciaux et territoriaux pourraient devoir engager en raison de ces mesures ne sont pas incluses non plus dans les prévisions du gouvernement fédéral.
    Cette approche de la transparence financière peut faciliter l’élaboration des objectifs, mais le fait d’exclure les citoyens et leurs représentants politiques de l’accès à l’information qui leur appartient mine la possibilité d’un débat public sur des enjeux qui touchent la vie de ces citoyens. Cette exclusion nuit au processus démocratique. Les Canadiens n’ont pas besoin qu’on leur dise qu’ils appuient les politiques pénales de leur gouvernement fédéral. Ils ont besoin d’avoir accès à l’information, de sorte qu’ils puissent choisir eux-mêmes les mesures qu’ils appuieront. Après tout, le processus d’imposition doit être représenté et non être masqué.
    Que la criminalité, déclarée ou non, soit à la hausse, à la baisse ou stable, personne ne nie que de nouvelles mesures s’imposent. Toutefois, ce qui fait l’objet d’un débat, c’est la façon dont les maigres ressources en matière de justice pénale devraient être dépensées pour répondre aux besoins des victimes et des délinquants d’une façon efficace et avantageuse pour les contribuables.
    Certaines des meilleures données disponibles peuvent être tirées du dernier numéro du journal Criminology and Public Policy. Il contient les articles de 22 chercheurs de pointe, y compris le criminologue conservateur James Q. Wilson. Selon ces données, l’augmentation du taux d’incarcération a un effet négligeable sur la criminalité, à moins qu’elle ne soit mise en application jusqu’à un point où tout avantage à court terme obtenu est de loin annulé par les conséquences à long terme; a un effet disproportionné sur les groupes marginalisés qui sont les plus susceptibles d’être pris dans les mailles du filet du système pénal; entraîne un détournement des ressources nécessaires pour répondre aux besoins des délinquants et des victimes; nuit à la réinsertion sociale des personnes qui ont contrevenu à la loi; a des conséquences négatives pour les collectivités et les êtres chers des détenus, à un coût économique déraisonnable, surtout si on le compare à des programmes de prévention efficaces et moins coûteux dont M. Waller vous parlera aujourd’hui.
    L’agrandissement des établissements correctionnels a été présenté comme inévitable, mais il ne constitue qu’un choix parmi de nombreuses autres possibilités.
    Quant aux prochaines mesures à prendre, nous recommandons fortement l’adoption d’un moratoire sur les lois fédérales de détermination des peines. Nous recommandons également que le Comité permanent de la sécurité publique et nationale lance immédiatement un groupe de travail qui réunirait toutes les parties touchées pour évaluer l’efficacité de la criminalisation dans la lutte contre les problèmes sociaux. Les membres du groupe examineraient les conséquences de la criminalisation et de la victimisation et les pratiques exemplaires — y compris la prévention et le réinvestissement dans la justice, reconnus efficaces pour réduire les conflits et les méfaits dans nos collectivités, à un coût moindre pour les contribuables — afin de définir la voie à suivre dans la lutte contre la criminalité au pays.
    Je vous remercie pour votre temps.
(0910)
    Merci beaucoup, monsieur Piché.
    Nous passons maintenant à M. Waller.

[Français]

[Traduction]

    J'ai mis à la disposition du comité des documents en anglais et en français, tout d'abord, le livre Less Law, More Order: The Truth About Reducing Crime. Il cadre tout à fait avec ce que le sénateur Hutchinson vous a dit, mais il ajoute des renseignements tirés d'études qui ont été faites en Angleterre et aux États-Unis sur les mesures visant à réduire le taux de criminalité qui sont efficaces et financièrement avantageuses. Il traite également d'une stratégie qui consiste à compter non pas sur une justice pénale réactive, mais plutôt sur l'équilibre entre une justice pénale intelligente et une prévention efficace.
    J'ai également mis à la disposition du comité, un document disponible dans les deux langues officielles qui, en français, s'intitule Rendre les villes plus sûres: Pistes d'action pour les acteurs municipaux. Il a été financé par le Centre national de prévention du crime et on y a beaucoup recours. En fait, nous avons très vite manqué d'exemplaires après la publication par ville d'un océan à l'autre. Edmonton est probablement l'exemple le plus pertinent, mais le document traite également d'autres villes, comme Montréal et Waterloo.
    Je me suis exprimé en public sur un certain nombre de questions dont nous discutons aujourd'hui, et j'aimerais seulement vous rappeler brièvement mon parcours.
    Dans les années 1970, j'ai fait la première et la seule évaluation indépendante du système carcéral et du régime de libération conditionnelle du Canada. Toujours dans les années 1970, j'ai agi à titre de directeur général au ministère de la Sécurité publique. J'ai remporté des prix pour avoir amené l'ONU à adopter la déclaration des droits des victimes de crimes, qu'on appelle communément la grande charte des victimes de crimes, et j'ai agi à titre de directeur général fondateur du Centre international pour la prévention de la criminalité, qui est affilié à l'ONU et situé à Montréal.
    Toutefois, plus récemment je me suis tourné vers l'écriture de deux livres destinés aux législateurs, aux électeurs et aux contribuables, et une grande partie de leur contenu cadre avec celui du site Web Right on Crime, mais il porte également peut-être sur deux grands volets dont le sénateur Hutchinson n'a pas parlé. Tout d'abord, je suis un défenseur des victimes de crime et rien d'autre. J'ai dirigé la Société mondiale de victimologie. Je suis moi-même une victime de crime, et je suis présentement à la tête de l'International Organization for Victim Assistance. Ma principale contribution en ce qui a trait aux victimes, c'est que je suis également un spécialiste des sciences sociales qui examine les données et les normes et ce qui est dans le meilleur intérêt des victimes, et je tente de leur faire part de mon point de vue.
    C'est l'objectif du livre, et en fait, un de mes livres, Rights for Victims of Crime, a déjà été publié aux États-Unis et au cours des trois semaines qui ont suivi sa publication, il ne restait plus d'exemplaires.
    À mon avis, ce que vous n'avez pas dit aujourd'hui, c'est qu'il faut donner la priorité à... En visitant le site Web Right on Crime, vous verrez qu'on y traite de la protection des victimes, et je crois que nos politiques publiques canadiennes, tant fédérales que provinciales, devraient être axées complètement sur l'objectif de réduire les préjudices que subissent les victimes de crime, ce qui signifie réduire le nombre de victimes de crime et axer nos efforts sur ce qu'on peut faire au sujet des préjudices.
    Il y a environ une semaine, le ministère de la Justice du Canada a publié une étude mise à jour qui porte sur les coûts associés aux victimes de crime au Canada; on y explique que les coûts liés à la douleur et aux souffrances des victimes représentent 85 milliards de dollars. Soit dit en passant, le ministère évalue les coûts de la justice pénale à 15 milliards de dollars, et je suppose que c'est parce que les auteurs de l'étude font partie du ministère de la Justice qu'ils ne suivent pas ce qui se passe dans les services de police au Canada. Justin Piché ne parlait pas seulement des coûts associés aux prisons. Il y a également des coûts liés aux services policiers, qui ont des répercussions sur les taxes municipales dans notre pays. Je crois donc qu'il nous faut considérer la question de la construction de prisons dans le contexte de l'augmentation rapide des dépenses liées aux activités policières et des dépenses liées aux services correctionnels dans les provinces.
    À mon avis, on perd le contrôle des dépenses, et il faut faire preuve de leadership. La bonne nouvelle, c'est qu'il y a un leader au pays. En 2007, l'Alberta a mis en place un groupe de travail pour examiner les meilleures données provenant de partout au monde sur ce qui contribue à réduire les préjudices subis par les victimes. Le groupe de travail comptait, entre autres, le chef de police d'Edmonton, un doyen associé en droit et un Autochtone.
(0915)
    Le groupe de travail a fait 31 recommandations que je vais diviser en quatre volets. Premièrement, une partie d'entre elles portait sur la construction de cellules de détention provisoire parce que personne n'a vraiment trouvé de moyen de limiter le recours à l'emprisonnement. Le groupe a inclus l’ajout de policiers. L'Alberta compte moins de policiers par habitant que l'Ontario et le Québec. Deuxièmement, il a recommandé des mesures pour traiter les maladies mentales, l'alcoolisme et la toxicomanie. Troisièmement, il a mis en pratique le type d'éléments que l'on trouve dans le livre, et un certain nombre d’autres organismes. Soit dit en passant, une bonne partie de la recherche portant sur ce qui réduit la criminalité vient des États-Unis. Quatrièmement, et c'est le volet le plus important pour le comité, le groupe a établi une stratégie à long terme, qui se fonde non pas sur l’idée de devoir construire des prisons maintenant parce qu'il y aura deux détenus par cellule, etc., mais sur l’idée selon laquelle, oui, nous devons nous assurer qu’il y a suffisamment de capacité réactionnelle, mais nous devons aussi nous attaquer aux facteurs qui expliquent cette marée de gens dans notre système carcéral et faire de la prévention.
    Je sais que mon temps est limité, mais j'ai préparé un long mémoire que je serai heureux de vous remettre en temps voulu. Durant le très peu de temps qui m'est accordé, j'ai décidé de me concentrer sur un très bref historique. Je ne remonterai pas 30 ou 40 ans en arrière, ce que je pourrais faire.
    Je veux seulement m’exprimer sur deux choses que le sénateur Hutchinson vous a dites. Il a dit que les prisons coûtent cher. Cela signifie qu'un contribuable américain paie le double de ce que paie le contribuable canadien pour le privilège d'avoir un certain nombre de policiers et d'avocats et un nombre incroyable de personnes incarcérées. Il a parlé de 2,3 millions, mais selon moi, le nombre de personnes incarcérées correspond de très près à la population de Toronto. Il vous a dit que cela représentait 23 p. 100 de la population carcérale recensée dans le monde. Vous devez y réfléchir.
    Pendant que vous y réfléchissez, et c'est un taux de 750 par 100 000 habitants, le taux d'incarcération chez les Autochtones au Canada est plus élevé. Si vous décidez d'agrandir les pénitenciers, pensez seulement aux gens qui seront incarcérés: les Autochtones, de manière disproportionnée; les femmes, de manière très disproportionnée; les hommes, de manière disproportionnée.
    J'ai le privilège d'avoir un étudiant au doctorat qui examine la façon de résoudre le problème, et la solution, c'est la prévention. On examine plus particulièrement les raisons pour lesquelles il y a tant de violence, surtout chez les Autochtones vivant en milieu urbain, et nous savons exactement quoi faire. Soit dit en passant, dans une large mesure, nous le savions en 1993, lorsque le comité Horner s'est penché sur ces questions. Même chose en 1995, lorsque le comité O'Shaughnessy s'est penché sur ces questions. Depuis, l'Organisation mondiale de la Santé a rédigé un rapport en 2002 avec l'aide des Centers for Disease Control and Prevention aux États-Unis. Essentiellement, selon l'avant-propos de ce rapport, comme l’a dit Mandela, on peut prévenir la violence.
    Aucune recommandation de ce rapport n'appuie l'idée d'une augmentation de la population carcérale. On ne parle pas d'abolir les prisons. Il est clair que nous avons besoin de prisons pour les délinquants dangereux. Ce que j'ai fait notamment à titre de fonctionnaire fédéral, c'est présenter les premières mesures législatives sur les délinquants dangereux. Je ne veux pas qu'Olson me téléphone et je ne veux pas que Bernardo soit libéré, et je pourrais mentionner plusieurs autres affaires. Si vous visitez le site Web Right on Crime, on dit qu'il faut établir des priorités. Comme les prisons ont une certaine capacité, il faut les utiliser pour les gens dangereux — je crois que c'est ce que vous avez dit, mais il se peut que je ne cite pas bien vos propos.
    L'Organisation mondiale de la Santé a rédigé son rapport et aussi un important rapport sur le rendement des investissements. Selon moi, cette idée vient de l'Alberta. Hier, je faisais un exposé devant un groupe de justice pénale américain à Toronto avec le gouvernement albertain, et les gens ont parlé de rendement social des investissements.
(0920)
    Ces gens en Alberta sont intelligents. Ils ne restent pas là à rien faire pendant qu'on grossit les services de police et qu'on construit des prisons. Ils disent qu'ils vont protéger les victimes, qu'ils vont utiliser l'argent des contribuables de façon responsable, ce qui correspond bien à ce qu'on dit sur le site Web Right on Crime. L'OMS a réuni tous ces éléments.
    En 2007, le gouvernement fédéral actuel, le gouvernement conservateur, a doublé le budget alloué à la prévention, qui est passé de 25 ou 30 millions à 60 millions de dollars. Sur un budget de 4 milliards, c'est peu. Stockwell Day, qui connaît très bien les statistiques sur la victimisation, a laissé entendre que cela réglerait le problème de la criminalité. Ce petit montant d'argent destiné à un projet pilote ne résoudra pas le problème de la criminalité.
    Le gouvernement a maintenant réduit le financement. On ne pouvait pas dépenser l'argent. Il y a des gens qui pourraient utiliser cet argent, mais on ne pouvait pas le dépenser.
    C'est une honte épouvantable. Non seulement c'est trop peu — c'est limité à un projet pilote —, mais le gouvernement n'a pas dépensé l'argent. Il y a 14 villes dans ce pays qui veulent 300 000 $ par année pour développer ce qui fonctionne, et on leur a dit qu'il n'y avait plus d'argent disponible. Tout cela alors qu'on parle de 400 millions de dollars dans la presse.
    J'ai parlé du groupe de travail de l'Alberta. Je vais parler de quelques éléments de base...
    Monsieur Waller,12 minutes se sont maintenant écoulées, et nous tentons de ne réserver que 10 minutes par exposé. Pourriez-vous conclure brièvement, s'il vous plaît?
    Je serai très bref.
    Vous avez des recommandations devant vous. L'objectif des politiques fédérales et provinciales en matière de justice pénale au Canada devrait être de mettre fin aux préjudices que subissent les victimes de crime.
    Il faut que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership et qu'il élabore un plan d'action afin de réduire les préjudices. Il faut que 10 p. 100 du budget fédéral affecté à la justice pénale soit investi dans des moyens de prévention qui fonctionnent — pour les jeunes, les femmes et les Autochtones. Il faut subventionner les municipalités. Il faut obtenir de meilleures données pour pouvoir évaluer si ces politiques contribuent à réduire les préjudices.
    Je vous remercie de votre patience.
    Merci beaucoup, monsieur Waller.
    Nous passons maintenant à M. Lee. Bienvenue.
    Merci beaucoup de m'avoir invité.
    J'ai reçu l'invitation lundi après-midi, et je vous ai fait parvenir les diapositives de ma présentation hier matin, c'est-à-dire environ 36 heures après. Malheureusement, c'était trop tard pour les faire traduire. Je les ai quand même photocopiées, et vous en avez tous reçu une copie.
    Avant de commencer mon exposé, j'aimerais préciser qu'il sera très différent des trois précédents. En effet, je ne suis pas ici pour défendre une politique pénale ou une politique criminologique en particulier.
    Même si je travaille pour une école de commerce, je suis titulaire d'un doctorat en politique publique. J'ai l'habitude d'analyser des budgets. Je vais bientôt publier un article dans lequel j'analyse les problèmes que connaissent la Grèce, l'Espagne et le Portugal en Europe. Je suis en train d'en rédiger un autre qui porte sur les États-Unis, c'est-à-dire sur leur budget comparativement à celui du Canada. J'analyse des états financiers et des budgets parce que je suis un ancien banquier.
    Aujourd'hui, je vais vous parler de certaines données qui sont du domaine public; je n'utilise pas mes propres données. Ma méthode de travail consiste à n'utiliser que des données qui proviennent de sources officielles, comme Statistique Canada, les ministères du gouvernement fédéral, les ministères des États-Unis et ceux de leurs États, l'OCDE, l'International Centre for Prison Studies — ce genre de données. Je ne les change pas, je ne les manipule pas, je ne les normalise pas. Je ne fais que les photocopier, et c'est ce dont je vais vous parler dans quelques instants.
    Enfin, je veux préciser que je n'accepte aucun contrat de consultant, peu importe sa nature ou sa provenance.
    Monsieur Lee, nous avons un rappel au Règlement.

[Français]

    Monsieur le président, je voudrais simplement vous signaler qu'il y a un document unilingue anglais sur les tables et je souhaiterais qu'il soit enlevé pour que ce soit équitable pour tous les collègues qui n'ont pas accès à cette information.

[Traduction]

    Vous pouvez les renvoyer si vous voulez. Je pense que c'est notre invité qui les a distribués. Si vous voulez, vous pouvez nous les remettre.
    Continuez, monsieur Lee. Vous allez devoir faire votre exposé à partir de votre document.
    Encore une fois, à moins que nous obtenions un consentement unanime... Vous les avez envoyées à la traduction hier, mais elles n'ont pas pu être traduites à temps. Nous vous remercions d'avoir essayé de suivre les règles, mais nous devons respecter le règlement.
(0925)
    J'aimerais juste préciser que je suis un simple citoyen et non un employé du Parlement du Canada; je pensais donc que j'avais le droit, en vertu de la Loi sur les langues officielles, de faire ma présentation en anglais.
    C'est correct, continuez.
    Je disais donc que je n'accepte pas de contrats de consultant, peu importe de qui ou d'où ils viennent dans le monde — que ce soit dans le domaine criminel, bancaire ou des services financiers. Je n'ai aucun revenu de placement de quelque nature que ce soit, nulle part dans le monde. Mes seuls revenus proviennent de mon emploi de professeur à l'Université Carleton et de mon travail d'enseignant pour les programmes d'éducation à l'étranger. Je voulais seulement apporter ces deux précisions.
    La publication annuelle How Ottawa Spends a fait paraître un de mes articles il y a trois ans; j'y analysais les politiques actuelles du gouvernement, mais en ne me servant que de données empiriques, encore une fois. Je vais donc les passer en revue très rapidement; je vais essayer de m'en tenir à 10 minutes.
    Il y a trois choses dont je veux parler aujourd'hui — et je les qualifie de mythes ou de légendes urbaines. La première est l'affirmation selon laquelle les crimes violents sont en baisse au Canada. Je vais bientôt parler des données de StatCan, qui montrent que ce n'est pas le cas comparativement aux données de 1962. La deuxième concerne la croyance selon laquelle un grand nombre de gens sont emprisonnés au Canada. Je vais, encore une fois, faire appel à ces données. Troisièmement, on croit que le budget du Service correctionnel du Canada est très élevé et qu'on en a perdu la maîtrise. Encore une fois, je vais vous présenter des données financières provenant du gouvernement du Canada.
    Examinons de plus près la première de ces légendes urbaines, comme je les appelle. On a commencé à tenir des statistiques sur les crimes rapportés par la police en 1962, et on a enregistré, cette année-là, 221 crimes violents par 100 000 personnes. Je me sers des statistiques normalisées de StatCan, car c'est la seule façon de comparer des données à travers le temps. De nos jours, ce nombre est passé à 950, ce qui est presque cinq fois plus. J'ai photocopié le graphique produit par StatCan et je l'ai inclus dans mes diapositives, en indiquant le numéro de catalogue. L'information est disponible et cataloguée; elle n'est donc pas secrète.
    Le sondage social général mené par StatCan en 2005 révélait que 34 p. 100 des victimes rapportent les crimes à la police. Je crois qu'il y a environ 2,5 millions de crimes; cela signifie qu'il y a énormément de crimes qui ne sont pas rapportés. Par exemple, 92 p. 100 des agressions sexuelles ne le sont pas. La criminalité demeure apparemment un problème.
    Sur la diapositive suivante, on peut voir que selon le célèbre entonnoir du crime, ces 2,5 millions de crimes ont valu la prison à 4 800 personnes — et il s'agit de données du ministère de la Sécurité publique. Un pourcentage extrêmement faible des individus qui commettent un crime se retrouve donc... Ce qui ressort de cette diapositive, c'est que vous devez déployer de gros efforts, dans ce pays, pour être condamné à une peine d'emprisonnement dans un pénitencier fédéral. On y a envoyé 4 800 individus en 2009, ce qui ne représente pas un pourcentage élevé en comparaison.
    On pourrait se demander ce qu'il en est pour les données provinciales et territoriales. Sur la diapositive suivante, on peut voir qu'au Canada — selon les données de 2009 —, 13 000 délinquants sous responsabilité fédérale et 108 000 autres délinquants se trouvaient dans les prisons des provinces et territoires. Il s'agit d'un très petit nombre de personnes. Si vous le convertissez en pourcentage de la population canadienne, vous obtenez un chiffre précédé d'environ sept zéros après la virgule, ce qui est très petit.
    Selon son rapport, le nombre d'admissions annuelles au SCC — et selon les données de 1999 — est de 4 800 individus et le SCC rapporte que 69 p. 100 d'entre eux sont des cas violents. Un simple calcul révèle que cela représente 3 312 individus. Ces diapositives sont comprises dans ma présentation. Selon le programme de déclaration uniforme de la criminalité de StatCan, la majorité des victimes sont âgées de moins de 30 ans, et comme le savent déjà certains députés, le taux de criminalité est, en proportion, beaucoup plus élevé dans l'Ouest et dans le Nord canadien, comme le montrent des données recueillies en 2008. Ces données sont corroborées par l'indice de gravité des crimes, qui indique que le taux de criminalité dans les villes du centre et de l'Est du Canada est très bas, et que dans l'Ouest du pays, des villes comme Winnipeg, Regina, Saskatoon, Calgary, Edmonton et d'autres ont des problèmes très graves de ce côté.
    J'ai ensuite examiné les taux d'incarcération en me servant des données internationales aux fins de comparaison. Au Canada, il y a 116 personnes en prison par 100 000 habitants, ce qui est beaucoup moins qu'aux États-Unis, qui ont un taux de 756 par 100 000; nous avons un taux vraiment beaucoup plus bas.
    Même si on nous faisait remarquer que notre taux est beaucoup plus élevé qu'en Europe, il ne faut pas oublier que la population de l'Europe est beaucoup plus homogène, en raison des faibles taux d'immigration, comparativement au Canada et aux États-Unis. Notre société est en effet beaucoup plus diversifiée. De plus, la population de l'Europe est, bien sûr, vieillissante, et les gens âgés sont moins susceptibles de commettre des crimes. Cela explique, en partie, nos taux d'incarcération plus élevés. Les données relatives aux prisons du monde sont listées, tel que les affiche la liste de la population des prisons du monde publiée par le Royaume-Uni.
    J'ai le profil du délinquant produit par le Service correctionnel en 2009. Vous pouvez l'étudier. Encore une fois, je l'ai reproduit à partir des dossiers.
(0930)
    Je veux maintenant parler du coût de la criminalité.
    L'an dernier, le budget du SCC était de 2,4 milliards de dollars, ce qui représente environ un pour cent du budget du gouvernement du Canada. Les dépenses annuelles du gouvernement du Canada s'élèvent à un peu plus de 250 milliards. Dans l'édition d'hier de l'Ottawa Citizen, on rapportait que le budget allait augmenter de 20 p. 100, ou 500 millions de dollars. En conséquence, la part du SCC dans le budget du gouvernement du Canada passera à 1,2 p. 100, ce qu'aucun analyste raisonnable ne qualifierait de montant gigantesque. En réalité, c'est un très petit montant. Ces données viennent d'un rapport du ministère de la Justice du Canada intitulé Les coûts de la criminalité au Canada, 2008. On parle de 15 milliards, comme l'a indiqué M. Waller. Les services policiers représentent 57 p. 100 de cette somme et les services correctionnels, 32 p. 100. Les tribunaux, les procureurs de la Couronne et les avocats représentent le reste.
    Pour ce qui est de la construction de nouvelles prisons, j'ai examiné le rapport sur les établissements du Service correctionnel du Canada parce que c'est un sujet dont les médias ont parlé et dont on discutera ici, je suppose. On n'a pas construit d'importants établissements correctionnels depuis celui de Port-Cartier, en 1988. On a construit de petites prisons régionales pour femmes et on a agrandi des prisons existantes, mais aucune prison importante n'a été construite en un quart de siècle. Le pénitencier de Kingston, que beaucoup considèrent comme désuet, a été construit en 1835. L'établissement Stony Mountain, au Manitoba, date de 1876 et le pénitencier de Dorchester, au Nouveau-Brunswick, a été construit en 1880.
    Lorsque les gens disent que nous dépensons trop et veulent savoir pourquoi nous dépensons autant pour les prisons, je poserais la question dans l'autre sens. Je chercherais à savoir pourquoi, pendant les 25 dernières années, le Parlement n'a pas réservé des fonds pour le programme de remplacement d'immobilisations plutôt que de remettre l'entretien à plus tard et de repousser le problème jusqu'à ce qu'on soit obligé de s'en occuper et d'avoir à construire une multitude de prisons. Vous ne les avez pas remplacées au fil du temps. Se doter d'un programme de remplacement d'immobilisations est une pratique budgétaire courante. Tout organisme important — les universités, les hôpitaux, le gouvernement et les grandes entreprises — prévoit mettre de l'argent de côté plutôt que de laisser les biens d'équipement, les usines, les locaux se détériorer sans les reconstruire au fil du temps. Voilà le problème, à mon avis.
    Je veux résumer. Les crimes violents ont presque quintuplé depuis 1962. Cette statistique vient de Statistique Canada, je ne l'ai pas inventée. Aujourd'hui, les crimes violents sont plus nombreux dans l'Ouest du Canada et beaucoup plus nombreux dans le Nord. Il y en a moins au Québec et en Ontario, incluant Toronto.
    Deuxièmement, 13 000 personnes sont incarcérées dans les prisons fédérales, ce qui est peu, et non beaucoup, et 108 000 personnes sont incarcérées dans des prisons provinciales, ce qui est peu, et non beaucoup.
    Troisièmement, le budget du SCC, qui représente un pour cent du budget du gouvernement du Canada augmentera à 1,2 p. 100, ce qui n'est pas un chiffre énorme. Ce que je peux en déduire ou conclure, c'est que les critiques refusent de reconnaître la gravité de la criminalité dans certaines collectivités.
    Je devrais souligner — et je vais probablement créer un malaise dans la salle — que les députés et les professeurs figurent parmi les 5 p. 100 des personnes avec les revenus les plus élevés au pays. Comme je l'ai souvent dit, et je ne m'exclus pas, nous vivons une vie très privilégiée. Nous vivons dans de très bonnes collectivités où la criminalité est inexistante. La criminalité touche de façon disproportionnée les endroits où vivent les personnes à faible revenu et les collectivités défavorisées. Ces personnes ne sont pas bien représentées par les députés ou les professeurs qui banalisent ou ignorent leurs problèmes, pourtant très réels.
    Incidemment, dans son livre Le gauchisme de Park Avenue, publié en 1970, Tom Wolfe, le célèbre écrivain américain, livre une satire de la fascination de l'élite envers les criminels violents. Il raconte l'histoire de Leonard Bernstein, qui vivait dans un milieu très favorisé, le quartier Upper West Side de New York, à Manhattan. Bernstein avait fait pression sur le gouverneur et la commission des libérations conditionnelles pour autoriser la sortie de prison d'un meurtrier violent, ce qui a été fait. Et Bernstein a invité le meurtrier à un cocktail. Tom Wolfe a écrit une fantastique oeuvre satirique sur les gens de milieux très favorisés qui montrent leurs bonnes intentions en s'associant au meurtrier.
    En terminant, je pense que la politique publique devrait se concentrer sur les droits de la personne des citoyens respectueux des lois plutôt que sur ceux qui ont démontré concrètement qu'ils sont capables de comportements violents envers les Canadiens.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Lee.
    Je veux remercier tous nos experts de leurs témoignages d'aujourd'hui.
    Nous passons maintenant à Mme Jennings. Bienvenue parmi nous, vous qui venez d'arriver du comité de la justice.
    J'aimerais remercier tous nos experts d'aujourd'hui d'avoir accepté de comparaître au comité et des renseignements qu'ils ont fournis. J'ai plusieurs questions.
    Monsieur Waller, vous m'avez vraiment étonnée quand vous avez parlé de rendement social des investissements. Vous avez dit qu'en Alberta, on se dirige clairement vers la reconnaissance qu'il s'agit là d'un principe fondamental dans toute politique en matière de justice pénale.
    J'aimerais que vous me disiez tous si vous croyez que l'agrandissement des prisons — je ne parle pas du remplacement des prisons désuètes, je parle d'augmenter le nombre et la capacité des prisons — est la politique en matière de justice pénale la plus rentable pour réduire le nombre de victimes et les préjudices qu'elles subissent. J'aimerais avoir l'avis de chacun de vous à ce sujet.
(0935)
    Nous allons commencer par M. Waller, suivi de M. Lee, de M. Hutchinson et enfin de M. Piché.
    C'est très évident qu'il s'agit d'un moyen très avantageux de lutter contre le crime. Quand vous avez 2,3 ou 2,4 millions de personnes incarcérées, comme aux États-Unis, vous avez, bien entendu, une incidence sur les infractions contre les biens. En réalité, la question est de savoir comment on pourrait utiliser ces fonds. En Californie, il y a eu une étude très intéressante qui a démontré que — je vais utiliser le tableau qui se trouve à la fin du chapitre 2 du livre — si vous voulez réduire la criminalité de 10 p. 100, vous devriez augmenter les impôts d'environ 220 $ par ménage, par année. Obtenir les mêmes résultats par l'intermédiaire d'un programme de formation pour les parents coûterait 50 $, et le faire en aidant les jeunes à terminer leurs études, 35 $. ce n'est qu'une des nombreuses études.
    Vous pouvez examiner le cas du Washington State Institute for Public Policy — qui ressemble à la Bibliothèque du Parlement — et on vous montrera le rapport coût-efficacité, où le rendement est à la fois la réduction des préjudices pour les victimes et la réduction des coûts pour le système. On démontre comment éviter la construction de prisons en investissant dans la prévention.
     Concernant la proposition 36, dont je parle dans mon livre et qui ressemble aux programmes de traitement dans la collectivité dont nous avons parlé, il y a une majorité de 61 p. 100. En Californie, quand on leur dit ce qui fonctionne réellement, les gens ne veulent pas payer pour les prisons. En fait, ils ont demandé des investissements de 120 millions de dollars par an pour la prévention, et ils ont demandé des évaluations, ce qui est très important. Lorsque le gouverneur Schwarzenegger est entré en fonctions, ils ont continué en ce sens parce que l’évaluation avait démontré que cela fonctionnait.
     Je pourrais poursuivre pendant un bon moment. Les preuves sont particulièrement éloquentes. Pour le programme Perry Preschool, le ratio est d’un sur dix-sept.
    M. Lee, suivi de M. Hutchinson et de M. Piché.
    Je serai bref et j’irai droit au but.
     Il me semble que nous pouvons mettre un terme à toutes ces disputes en établissant clairement la différence entre les crimes violents et les crimes non violents ou les infractions contre les biens. J’ai le sentiment — et c’est ce que j’ai conclu au fil des ans, pour avoir parlé à beaucoup de gens, dont les centaines d’étudiants que je vois passer chaque année — qu’au Canada, on ne veut pas incarcérer les gens pour avoir volé une pizza. Je pense que c’est la différence fondamentale entre le Canada et les États-Unis. Là-bas, on incarcère pour des infractions contre les biens, comme vient de l’indiquer M. Waller.
     Je pense que beaucoup de personnes, et j'en fais partie, sont très favorables à l’idée d’incarcérer les personnes violentes, qui sont prêtes à commettre un meurtre ou un viol — ou une agression sexuelle, comme on appelle cela aujourd'hui — parce que c’est considéré comme absolument inacceptable, inexcusable, point. Donc, on emprisonne les personnes violentes, mais on ne devrait pas emprisonner celles qui ne le sont pas, parce que le rendement du capital investi est effroyable.
    Allez-y, monsieur Hutchinson, s’il vous plaît.
    C’est un grand défi, et je vais y répondre simplement en vous parlant d’un des principes de notre campagne Right on Crime, qui est que le système de justice pénale doit être transparent et doit comprendre des mesures du rendement qui permettent de rendre compte des résultats en matière de protection du public, de baisse du taux de criminalité, de réduction du taux de récidive, de la collecte du dédommagement des victimes, et de l’utilisation raisonnable de l’argent des contribuables. Cela semble facile, mais vous devez déterminer les mesures du rendement que vous souhaitez obtenir et définir l’ordre de vos priorités en conséquence.
     Je vais vous donner un exemple des raisons qui expliquent pourquoi je pense que c’est si difficile. Vous dites que nous ne devrions pas incarcérer ceux qui sont engagés seulement dans les infractions contre les biens ou les crimes économiques. Je pense au cas de Bernie Madoff, aux États-Unis. Il a commis des infractions contre les biens. Il s’agissait de crimes économiques qui ont nui à tant de gens, et la société s’est indignée et a dit qu’il méritait d’aller en prison. Beaucoup de cas de ce genre sont traités au niveau fédéral, mais au niveau des États, les crimes liés à la drogue posent problème.
     Je suis d’accord pour dire qu’il faut réévaluer le tout afin de ne pas envoyer en prison une personne ordinaire qui a un problème de toxicomanie. Là n’est pas l’objectif. Mais si le motif est d’ordre économique, s’il est question de revente à des adolescents, et si la personne a une longue liste d’antécédents en la matière, on en arrive certainement à un point où l’incarcération devient nécessaire. Donc, vous devez définir vos mesures du rendement. C’est difficile, mais vous commencez par là, puis vous évaluez votre investissement en fonction de ces critères.
(0940)
    Merci, monsieur Hutchinson.
     Monsieur Piché, s’il vous plaît.
    Pour répondre à cette question, je vous renverrais à l’augmentation globale du budget du SCC depuis 2005-2006. Le budget était alors de 1,597 milliard de dollars. Le Budget principal des dépenses a été publié il y a quelques jours. Il s’élève à 2,981 milliards de dollars. C’est une augmentation de plus de 86 p. 100. Pendant cette même période, la construction d’immobilisations est passée de 138,2 millions à 517,5 millions de dollars pour la prochaine année financière. C’est une augmentation de 374 p. 100.
     Pendant cette période, la situation des victimes s’est-elle améliorée de 86 p. 100 au Canada? Je ne crois pas.
    Merci, monsieur Piché.
     Nous passons maintenant à Mme Mourani.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais tous vous remercier d'être présents aujourd'hui pour nous éclairer un peu sur les coûts des prisons et sur la criminalité en général. J'ai besoin de quelques précisions.
    Monsieur Piché, vous dites dans votre présentation que, dans les établissements provinciaux et territoriaux, en 2008-2009, près de six détenus sur dix étaient en détention préventive. Connaissez-vous la répartition des détenus par provinces et par territoires? D'autre part, avez-vous les chiffres par établissement?
    Je ne les ai pas ici.
    Mais les avez-vous?
    C'est tiré d'un document de la province de la Nouvelle-Écosse.
    Est-ce que vous pouvez déposer ce document auprès du comité ou nous le faire parvenir?
    Oui, je pourrai l'envoyer cet après-midi quand j'arriverai chez moi.
    J'ai une autre question. Dans votre présentation, vous dites que les occupations doubles ont augmenté. Vous parlez d'un chiffre de 9,4 p. 100 au mois d'août et vous attribuez cette hausse de l'occupation à une hausse marquée du taux prévu en raison de la mise en oeuvre de la Loi sur l’adéquation de la peine et du crime. Est-ce que j'ai bien compris?
    Non. Ce que j'ai dit, c'est qu'en août  2009, le taux de double bunking était de 9,4 p. 100. Six mois auparavant, je pense qu'il était de 9,7 p. 100, donc cela a diminué un peu. J'ai un document du Service correctionnel du Canada qui dit essentiellement qu'en raison de la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime, on prévoyait une hausse considérable en termes de double bunking. En août 2010, le service a suspendu la directive no 550 du commissaire parce qu'il prévoyait une hausse de double bunking pouvant atteindre 20 p. 100.
    En raison de quoi? Je ne n'ai pas compris.

[Traduction]

    La Loi sur l’adéquation de la peine et du crime.

[Français]

    C'est à cause de la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime, c'est cela?
    Oui.
    Est-ce que vous avez des exemples de la situation dans d'autres pays? Monsieur Waller ou monsieur Piché, cette mesure qui fait que le temps compte double existe-t-elle dans d'autres pays ou est-ce seulement au Canada?
    Je n'en ai aucune idée.
    Vous ne le savez pas.
    Je ne suis pas au courant d'un exemple équivalent ailleurs.
    D'accord. Je me demandais si cela existait ailleurs et comment cela était géré.
    Je crois qu'il est très important de savoir que le recours à la détention préventive au Canada a augmenté bien au-delà des barèmes internationaux. Par exemple, j'ai fait du travail pour des think tanks en Angleterre et la proportion des détenus en détention préventive y est beaucoup plus basse. Au Canada, à l'exception de la Saskatchewan, il y a une crise parce qu'on n'a pas contrôlé le recours à cette mesure de détention.
(0945)
     Par contre, vous ne pouvez pas me confirmer si cette mesure existe dans d'autres pays. J'apprécierais d'obtenir cette information de la part des analystes. Pourrait-on faire une recherche à ce sujet pour déterminer si ça n'existe qu'au Canada ou si ça se fait ailleurs?
    D'autre part, vous disiez qu'il y a 18 projets de loi. Monsieur Piché, vous dites dans votre présentation que le gouvernement estime à 2,7 milliards de dollars en cinq ans le coût de 18 projets de loi. C'est cela? Vous-même, à combien estimez-vous les coûts de ces 18 projets de loi?
    Avez-vous de l'information à ce sujet, monsieur Waller?
    Dans le cadre de mes recherches, je ne fais pas de projections, mais je recueille des données des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral. Dans ce document Excel, il n'y a aucun chiffre en ce qui concerne les provinces et les territoires. Donc, peut-on dire à partir de ce document qu'il n'y pas de coûts associés à ce projet de loi? Je ne crois pas. À mon avis, ces chiffres devraient être inclus.
    Vous dites que la présentation ne contenait pas les coûts estimés pour les provinces et les territoires.
    Oui.
    Je comprends. Monsieur Waller, ma question fait appel à votre expertise.
    Vous parlez beaucoup de prévention. Personnellement, je crois beaucoup en la prévention. Je pense que si on s'attaque aux problèmes sociaux à la base, on peut arriver à avoir une société plus juste, donc avec un peu moins de criminalité. En tant que criminologue, je partage cette position.
    Au cours de toutes les recherches que vous avez faites, avez-vous déjà évalué le coût de la récidive? Y a-t-il eu des évaluations du coût financier, mais aussi humain, de la récidive en ce qui concerne tous les crimes commis au Canada, que ce soit les agressions sexuelles, les meurtres, les vols, les voies de fait, etc.? Avez-vous fait ce genre d'études qui pourrait nous éclairer?

[Traduction]

    Je pense qu'aujourd’hui, un des aspects très navrants de la discussion sur les pénitenciers au Canada est l'absence d’évaluation indépendante du taux de récidive. Toutes les évaluations effectuées par le Service correctionnel du Canada sont faites à l’interne et ont tendance à brosser un tableau très positif par rapport à la probabilité de réduire le taux de récidive. Mais si vous consultez le rapport de l’enquêteur correctionnel, par exemple, on y inclut une évaluation de l’efficacité de ce que les Américains appellent des programmes de réinsertion.
     Il est clair que vous pouvez réduire à la fois le nombre de crimes violents et d'infractions contre les biens en investissant dans les programmes qui ont fait leurs preuves — dont certains ont été créés, en fait, à l’Université d’Ottawa —, mais qui ont été créés ailleurs. Dans mon livre, à la fin du chapitre 2, vous trouverez un tableau où l'on compare les résultats d'une méthode qui met beaucoup l'accent sur la réinsertion avec une autre où l'on mise sur la prévention.
    Prévention, prévention, prévention... Au cours des dix prochaines années, nous pourrions sans aucun doute réduire de 40 à 50 p. 100 les taux d’homicide, d’agressions sexuelles — signalées ou non —, de voies de fait, de vols de voiture, d’introduction par effraction — je ne sais pas quel crime vous voulez que je cite en exemple — en investissant les sommes dont on a parlé pour la construction de prisons fédérales. À mon avis, c’est là que nous devrions mettre notre argent. Oui, nous devrions mettre plus d’argent dans la réadaptation, mais si l’objectif est de réduire les préjudices, il faut investir dans la prévention.
     Je voudrais une fois de plus parler du Washington State Institute for Public Policy. Vous les verrez étudier cette question de réinsertion.
    Merci beaucoup, monsieur Waller.
     Nous passons maintenant à M. Davies.
    Merci, monsieur le président.
    Avant que nous commencions avec M. Davies, j’aimerais rappeler au comité que nous aurons deux heures, donc il y aura amplement de temps pour une deuxième série de questions.
     Poursuivez.
    J’aimerais remercier tous les témoins d’être venus.
     Je voudrais tout spécialement souhaiter la bienvenue à M. Hutchinson et le remercier d’être venu au Canada pour nous faire part de son expérience.
     Je veux commencer par vous, monsieur Hutchinson, parce que je pense que vous êtes une ressource précieuse, une ressource particulièrement précieuse pour nous aujourd’hui, compte tenu de l’expérience américaine.
     Je pense qu’il est juste de qualifier l’attitude actuelle du gouvernement à l’égard de la criminalité de répressive. Il a délibérément instauré plus de peines minimales obligatoires. Sans aucun doute, sa politique fera enfermer plus de gens pendant de plus longues périodes de temps. Le Service correctionnel du Canada a publié il y a quelques semaines des données indiquant qu’on s’attend à ce que le nombre de prisonniers dans le système carcéral fédéral augmente d’environ 30 p. 100 au cours des deux ou trois prochaines années.
     Maintenant, si je comprends bien votre témoignage et le but de votre campagne Right on Crime, c’est que vous avez de l’expérience avec cette approche, je pense, pendant le dernier quart de siècle, pendant les 25 dernières années; je me demande donc si vous pourriez nous en parler. De nombreux États américains ont essayé ces politiques pendant cette période. Dites-nous, se sont-elles montrées efficaces pour réduire le taux de récidive? Ces politiques ont-elles permis de réduire la criminalité?
(0950)
    Le taux de criminalité a baissé aux États-Unis. Je ferais probablement valoir que l’augmentation du taux d’incarcération a eu un effet positif sur la réduction du taux de criminalité. Chacun peut utiliser les statistiques à sa façon, mais c’est ainsi que je vois les choses. En même temps que nous avons eu cette répression, nous avons commis des erreurs, et j’espère que vous pourrez en tirer des leçons.
     Une erreur est l’établissement des peines minimales obligatoires. Cela a créé beaucoup d’injustice par rapport à la détermination de la peine. Il y a eu des cas où une personne — une petite amie, par exemple —, puisqu’elle était indirectement impliquée, a été arrêtée puis condamnée en vertu de la peine minimale obligatoire, et qui a reçu une peine d’incarcération de dix ans ou plus. Nous avons donc créé des exceptions. Ce n’est pas un terme très technique, mais cela octroie aux juges une plus grande discrétion afin d’éviter une peine minimale obligatoire si cela cause une injustice. Nous avons dû apporter quelques correctifs à la loi.
     Comme M. Waller l’a indiqué, notre deuxième erreur a été les programmes de réinsertion. Nous n’avons pas fait un très bon travail pour prévenir qu’à leur sortie de prison, les gens récidivent.
    Pourrais-je vous interrompre ici et vous demander de vous concentrer un peu sur la question des récidives?
    On m'a dit, par exemple, qu'au Texas, un des principaux défenseurs de ces politiques, le taux de récidive est aux environs de 50 p. 100. En fait, on a décrit cela comme une porte tournante. Au moins 50 p. 100 des détenus dans le système correctionnel du Texas ont quitté le pénitencier pour y revenir dans une période inférieure, je pense, à 36 mois. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que les taux de récidive sont demeurés pratiquement inchangés malgré cette politique?
    Je ne serais pas en désaccord avec vous. Ces données statistiques sont consternantes et le taux de récidive est beaucoup, beaucoup trop élevé.
    C'est pourquoi je félicite le Texas. En se fondant sur l'initiative Right on Crime, plutôt que de procéder à un autre agrandissement des pénitenciers, le Texas investit de l'argent pour essayer d'aider ceux qui sortent de prison pour prévenir les récidives et réduire le taux de récidive.
    Je pense qu'ils ont appris quelque chose et je serais d'accord avec vous.
    Très bien.
    Avant de vous laisser, je veux simplement comprendre votre position. Vous avez été un signataire de l'initiative Right on Crime, qui, si je comprends bien, propose que le gouvernement, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau des États dans votre pays, cesse d'agrandir les pénitenciers et qu'il investisse plutôt l'argent dans d'autres domaines, comme la prévention du crime, etc. Si ces politiques ont réduit le taux de criminalité, pourquoi ne militez-vous pas en faveur d'une continuation de ces politiques?
    C'est là que vous devez faire attention de ne pas aller trop loin.
    Permettez-moi de préciser clairement qu'il s'agit d'un ensemble de principes. Ce que l'initiative Right on Crime dit, c'est que c'est une bonne chose pour les conservateurs de réévaluer nos politiques d'incarcération aux États-Unis. Il s'agit d'une déclaration très importante, parce que, en tant que conservateurs, historiquement, nous avons dit qu'il fallait les mettre derrière les barreaux et qu'il ne fallait pas s'inquiéter du budget des pénitenciers parce que c'est quelque chose qu'il faut faire. En termes politiques, on dit que c'est couvert. Les dirigeants conservateurs disent que c'est correct pour les conservateurs partout aux États-Unis de réévaluer les politiques d'incarcération à la lumière de ces principes. Nous ne disons pas que tout ce que nous avons fait est mauvais, mais nous disons que c'est la bonne chose à faire du point de vue de l'équité que de jeter un nouveau coup d'oeil sur la question pour nous assurer que nous incarcérons les bonnes personnes et que nous avons les indicateurs de rendement nécessaires.
(0955)
    Oui, et si je cite Rick Perry, le gouverneur du Texas, il a dit:
Je crois que nous pouvons adopter une approche face au crime qui soit à la fois ferme et intelligente. … Il y a des milliers de contrevenants non violents dans le système dont nous ne pouvons ignorer l'avenir. Concentrons davantage de ressources sur la réadaptation de ces contrevenants de manière qu'au bout du compte, nous dépensions moins d'argent à les remettre derrière les barreaux.
    Je présume que vous donneriez votre appui à ce genre d'affirmation.
    Absolument.
    Monsieur Waller, vous avez passé votre vie, je pense, à défendre les victimes. Je pense que le gouvernement actuel affirme également que nous devons incarcérer plus de monde pendant plus longtemps dans notre pays et il fait appel à la notion de victime parce que c'est ce que les victimes veulent et c'est de cela dont elles ont besoin. J'aimerais avoir vos observations là-dessus.
    Une partie des lois adoptées par le présent gouvernement portait essentiellement sur des cas extrêmes, les cas sensationnels, exceptionnels et dangereux. Le recours plus répandu à la législation concernant les délinquants dangereux, par exemple, permettrait d'incarcérer plus de personnes potentiellement dangereuses. Ils ont fait des choses semblables dans d'autres domaines.
    Mais je pense que nous devons revenir aux éléments qui, comme nous le savons à partir des faits, entraînent effectivement une réduction des crimes violents. Il ne fait aucun doute que des gens comme Olson, et Bernardo, et d'autres doivent être emprisonnés, mais il ne fait également aucun doute que nous pourrions réduire considérablement le taux d'homicides au pays en investissant dans les conclusions de l'Organisation mondiale de la Santé et du Center for Disease Control.
    En passant, le site Web de Sécurité publique Canada vous montre que c'est le genre de choses que fait l'Alberta. L'Alberta s'intéresse aux victimes et veut réduire la violence à leur endroit. C'est uniquement de la prévention. Une autre partie de Right on Crime, c'est les droits des victimes.
    Oui, il y a maintenant un ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, mais c'est une farce à côté de ce qu'il faut faire pour amener les forces de police à se concentrer sur les victimes, pour obtenir que les services soient financés de manière appropriée, pour faire en sorte que les mesures de dédommagement soient appliquées — ce qui constitue la meilleure solution de rechange à l'incarcération.
    Merci beaucoup, monsieur Waller.
    C'est maintenant au tour de M. MacKenzie, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de leur présence.
    Monsieur Waller, vous avez fait un excellent discours sur la détention préventive et l'augmentation du recours à cette mesure. Pourriez-vous nous dire qui est responsable de l'administration de la justice? Nous parlons des pénitenciers fédéraux. Lorsque vous parlez de détention préventive, il me semble que vous êtes dans un champ de compétence différent. Pouvez-vous nous donner un lien entre la détention préventive et le système carcéral fédéral.
    Oui, absolument. Je suis parfaitement au courant que l'administration de la justice pénale, la police, les tribunaux et les services correctionnels pour les peines s'élevant à deux ans moins un jour sont du ressort provincial. Je sais également très clairement que l'éducation, les soins de santé, les services sociaux et les municipalités relèvent aussi du mandat provincial, et ce sont les moyens que l'Alberta utilise pour réduire la criminalité. Mais le système de détention préventive est affecté...
    Mais vous avez parlé des fortes augmentations en matière de détention préventive. Pouvez-vous nous dire comment cela est lié au gouvernement fédéral et à l'agrandissement des pénitenciers fédéraux?
    Oui. La forte augmentation du recours à la détention préventive est affectée par le Code criminel. Lorsque vous abolissez le calcul du double du temps passé en détention préventive, vous allez commencer à voir davantage de ces cas dans le système fédéral. Je pense que nous devons nous pencher sur la question de l'incarcération.
    Je suis un contribuable et je paie la municipalité pour les services de police et je paie les provinces et le gouvernement fédéral pour une variété de choses. Je pense que nous devons faire en sorte que ces choses soient mieux coordonnées. Je pense qu'un plan d'action national qui réunit les provinces et le gouvernement fédéral pour examiner ces questions est la chose à faire.
    Mais je vous dirais, monsieur, que l'élimination du calcul en double du temps passé en détention préventive devrait accélérer le processus. Cela devrait réduire les délais où les gens se font créditer le double ou le triple du temps. À mon avis, vous avez fait un lien entre deux choses qui ne sont pas semblables.
    Monsieur le membre du congrès Hutchinson, fait intéressant, lorsque nous avons vérifié sur le site Web, il y avait un autre document qui semblait un peu lié à votre document — que nous avons lu et que nous avons aimé. Il s'intitulait Crime and punishment et provenait de la John Locke Foundation.
    Un des points intéressants était: « De 1980 à 1992, selon le American Legislative Exchange Council, la Caroline du Nord était le seul État au pays dont le taux d'incarcération global avait diminué (de 6 p. 100). Le taux de criminalité de cet État a augmenté de 25 p. 100, ce qui place ce dernier au deuxième rang au pays au chapitre de l'augmentation du taux de criminalité. » Pourrait-il y avoir certaines corrélations?
    Parfois, nous essayons de tout corréler. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de comparer le système américain au système canadien, ou je suppose, et vous pourrez nous le dire, que votre participation concerne purement le système américain et le changement global là-bas.
(1000)
    C'est exact.
    Mais en Caroline du Nord — juste pour qu'on comprenne —, le taux de criminalité a augmenté. Est-ce que le taux d'incarcération a augmenté également, alors?
    Non, il a diminué.
    Le taux d'incarcération a diminué et le taux de criminalité...
    Il a diminué de 6 p. 100 et le taux de criminalité a augmenté de 25 p. 100.
    Eh bien, je vais revenir au point que j'ai fait valoir plus tôt. Je pense que la politique de « fermeté face au crime », l'augmentation du taux d'incarcération qui a débuté dans les années 1980, a eu un effet sur la diminution de la criminalité, en même temps que, peut-être, d'autres facteurs.
    Mais non, je suis ici pour parler de l'expérience américaine. Je ne suis pas un expert, comme ces messieurs, de la situation canadienne et les membres du groupe de témoins.
    Vous connaissez le système fédéral aux États-Unis. Est-ce que vous auriez encore en service des pénitenciers fédéraux construits en 1835, en 1876 et en 1880?
    Vous savez, j'ai été impressionné par ce fait qui a été soulevé. Je ne sais pas si l'âge est un facteur aussi important que le fait de respecter les normes minimales qui sont exigées aujourd'hui. Vous pouvez avoir un vieux pénitencier qui respecte les normes minimales et qui a été modernisé.
    Je ne suis qu'un vieux policier, et je sais que, parfois, le sens commun n'est pas aussi commun qu'on le dit, mais le sens commun ne vous dit-il pas qu'un jour ces installations devront être remplacées ou mises à niveau et que cela coûtera passablement cher?
    Les vieux bâtiments sont toujours des bâtiments coûteux.
    Monsieur Lee, j'ai certainement été impressionné par le fait que ce que vous avez utilisé, ce sont des données statistiques pures tirées de documents, sans avoir d'opinion à leur sujet, sans essayer de les manipuler. C'est intéressant et peut-être que si vous nous donniez simplement certains de ces chiffres... Vous avez parlé du changement survenu de 1962 à 2010, les taux de crimes violents et le pourcentage des crimes signalés par opposition aux crimes non signalés. Parce que cette question semble un problème dans les médias: tout le monde pense qu'il y a quelque chose d'étrange au sujet des crimes non signalés, mais il y a de bonnes raisons qui expliquent les crimes non signalés. Je me demande simplement si vous ne pourriez pas nous donner ces chiffres, en chiffres purs, de manière que nous puissions comprendre.
    Très bien. La raison pour laquelle je me suis concentré là-dessus, c'est que j'utilise toujours des données normalisées. Nous parlons du nombre de nouvelles entreprises par 100 000 habitants, du taux de natalité par 100 000 habitants, du taux de mortalité par 100 000 habitants, alors, non seulement cela vous permet de comparer la situation dans le temps dans votre propre pays, mais également, ce qui est très important, cela vous permet de faire des comparaisons avec d'autres pays, pour la recherche comparative, à des fins de comparaison. Alors, c'est une technique de normalisation très utile que Statistique Canada utilise, et c'est parfaitement légitime.
    Mais ce qui m'a frappé, c'est que je lis presque tous les jours dans les journaux que le taux de crimes violents a diminué et la raison pour laquelle les criminologistes disent cela, c'est parce qu'ils utilisent les données des 10 dernières années. Eh bien, évidemment, si vous ne remontez pas plus loin que 10 ans, il a diminué. En d'autres mots, je peux prendre les recettes des entreprises pour un mois et démontrer qu'elles ont fait beaucoup d'argent et dire que cette entreprise est fabuleusement rentable, même si elle a perdu de l'argent au cours des cinq dernières années. En d'autres mots, il s'agit d'une période de temps trop courte.
    Je veux répondre à votre question. La raison pour laquelle il est si important de remonter jusque dans les années 1960, c'est le capital humain: les gens changent très lentement. Dans notre pays, l'espérance de vie est maintenant de 85 ans pour une femme et de 81 ans pour un homme. Alors, retourner 40 ou 50 ans en arrière représente environ la moitié de l'espérance de vie moyenne.
    Le deuxième facteur, c'est que d'énormes changements ont eu lieu au Canada et aux États-Unis entre les années 1960 et aujourd'hui, ce que les criminologues et les sociologues appellent le déclin de la cohésion sociale. Cela signifie que nous sommes beaucoup moins homogènes. Nous sommes plus différents les uns des autres. La religion a perdu de l'importance. L'autorité a diminué. On a coupé une forêt entière pour écrire sur le déclin de l'autorité, le déclin de l'autorité des enseignants, de l'autorité des policiers, et ainsi de suite.
    Ce que ces chiffres révèlent, c'est un instantané des transformations survenues au cours des 40 ou 50 dernières années dans une société beaucoup plus libérale dans laquelle le taux de criminalité a grimpé en flèche. Si vous n'allez pas plus loin que les 10 dernières années, vous n'allez pas capter ces transformations touchant les attitudes, les valeurs et le comportement. Il est extrêmement trompeur, à mon sens, de ne remonter qu'à 10 ans dans le passé, parce que nous ne vivons pas 10 ans. Nous ne sommes pas des mouches à fruits qui ont une durée de vie très courte; nous avons une longue durée de vie.
(1005)
    Merci beaucoup, monsieur Lee.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Mendes.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Tout d'abord, merci à tous de vos présentations.
     Monsieur Piché, j'aimerais revenir à certaines statistiques dont on a parlé, tout particulièrement à la question de l'augmentation de la criminalité par opposition à la diversification de notre société. Il me semble qu'on est en train de généraliser de façon exagérée. La société a beaucoup changé, mais il s'agit de l'évolution normale d'une société qui progresse. Sur le plan technologique, on a énormément évolué depuis le début des années 1960. J'aimerais avoir vos commentaires au sujet du rapport que semble faire M. Lee entre l'augmentation présumée du taux de criminalité et la diversification de notre société. Auriez-vous des informations plus précises à ce sujet?

[Traduction]

    J'ai lu le chapitre rédigé par M. Lee. J'ai été étonné par les arguments qu'il a rassemblés, particulièrement celui qui veut que le fait d'allonger les peines d'emprisonnement a un effet dissuasif important et réduit la criminalité. Si nous appliquions la théorie de M. Lee au contexte canadien, une augmentation du recours à l'incarcération au Canada au cours des 50 dernières années aurait dû entraîner une réduction de la criminalité. Alors, je me suis livré à un petit exercice hier soir pour voir si sa théorie tenait la route.
    Nous disposons des taux de criminalité au Canada fondés sur les données de Statistique Canada, et il a raison de dire que la criminalité a augmenté de 1962 à 1991. Mais quelle serait la corrélation ou le lien que nous pourrions faire avec les taux d'incarcération? Eh bien, en 1962, le nombre de prisonniers fédéraux était de 7 000; le taux de criminalité était de 3 000 par 100 000. En 1972, le taux d'incarcération augmente à 7 800 et le taux de criminalité se situe à 5 000 par 100 000. En 1982, la population carcérale fédérale était de 9 700 et le taux de criminalité, de 9 000 par 100 000. En 1991, le taux d'incarcération monte à 13 800 et le taux de criminalité se situe à 10 000 par 100 000.
    Si vous voulez parler de données longitudinales et faire des observations sur le taux de criminalité, vous devez prendre en considération le fait que la population carcérale fédérale au pays a augmenté — le taux de criminalité a augmenté. Par la suite, le taux de criminalité a commencé à diminuer en 1991 — je parle du taux de criminalité global. Nous voyons une augmentation en 1996: population carcérale fédérale, 14 500; taux de criminalité, légèrement à la baisse. En 2002, la population carcérale a diminué à 13 000 et le taux de criminalité a continué à décliner. Alors, la situation n'est pas aussi simple que le laisse paraître M. Lee dans le chapitre de son livre.
    Est-ce que vous diriez que c'est parce que, entre 1996 et 2002, il y a eu plus d'investissements dans la réadaptation ou la prévention, comme M. Waller vient juste de le dire? La prévention est peut-être encore plus importante que la réadaptation. Est-ce que ce serait là la raison pour laquelle vous voyez un déclin entre 1996 et 2002?
    Ce que je fais en mettant ces chiffres à votre disposition, c'est montrer que la relation entre les taux de criminalité et l'incarcération n'est pas facile à établir. Vous devez prendre en considération un tas d'autres facteurs. Franchement, je ne sais pas quelle est la réponse à votre question, et j'ignore quels facteurs, à l'intérieur ou à l'extérieur du système, interviendraient ici. Mais c'est plus compliqué que de dire que les incarcérations augmentent, la criminalité diminue. C'est parfois le cas et, parfois, non. Nous avons besoin d'une analyse plus précise, et d'affirmations plus nuancées.
    Auriez-vous des observations à faire sur cette question, monsieur Waller
    M. Lee demandait...
    Allez-y.
    Je veux répondre. J'ai trois points à soulever rapidement.
    Premièrement, ce n'était pas ma théorie. Je citais Steven Levitt de l'Université de Chicago ainsi que Kessler de Stanford. Cela répond à une question antérieure: quel est l'état de la recherche sur les facteurs dissuasifs? Il s'agissait d'un des deux articles principaux, Kessler et Levitt. Dans un article distinct, Understanding Why Crime Fell in the 90's, Levitt n'a pas attribué cette situation à l'incarcération à 100 p. 100; le tiers seulement. Dans un article publié en 2004 dans le Journal of Economic Perspectives, il a dit: « L'incarcération dans les années 1990 aux États-Unis peut expliquer une réduction de la criminalité de 12 p. 100 dans le cas des homicides et des crimes violents, de 8 p. 100 dans le cas des crimes contre les biens ou environ 33 p. 100 de la diminution de la criminalité ».
    Je citais cela. Ce n'était pas ma théorie.
(1010)
    Monsieur Lee, je veux donner à M. Waller l'occasion de répondre.
    Deuxièmement, je n'utilise pas le taux de criminalité global. Je n'utilise que les taux touchant les crimes violents.
    Troisièmement, M. Piché a parlé de la population carcérale; il ne s'agit pas de données normalisées. Avec le temps, la population augmente. Si vous allez parler des crimes par 100 000, des crimes violents, vous devez normaliser la population carcérale, parce que la population du Canada change avec le temps à cause des naissances, des décès et de l'immigration.
    Monsieur Waller, nous avons déjà dépassé la limite de temps, mais je vais vous donner du temps parce que la question vous était adressée.
    Si l'un de vous a des observations à faire pour lesquelles nous n'avons pas le temps aujourd'hui, veuillez les envoyer par écrit à notre président.
    J'enjoindrais au comité de privilégier les documents qui font consensus, comme ceux produits par l'Organisation mondiale de la Santé ou le Conseil national de recherche des États-Unis, et de faire très attention aux auteurs indépendants. Je suis économiste et je ne fais pas confiance aux articles écrits par un économiste isolé.
    Il faut comprendre qu'aux États-Unis, plus le taux de crimes violents est élevé, plus les autorités ont recours à l'incarcération et plus il est probable qu'elles appliquent la peine de mort. Ce n'est jamais l'inverse. Si l'on veut manipuler les statistiques, c'est la façon de le faire. Quand leur taux de criminalité baisse, ils incarcèrent tout de même beaucoup de personnes, alors que nous utilisons peu l'incarcération quand notre taux de criminalité baisse. Il faut comprendre que d'injecter 30 ou 60 millions de dollars dans la prévention ne vous donnera pas les résultats que vous voulez et que d'injecter 400 millions de dollars dans la construction ne va certainement pas faire diminuer le nombre d'homicides ou de vols de voitures.
    Merci, monsieur Waller.
    Monsieur Norlock.
    Je remercie les témoins de comparaître aujourd'hui.
    À mon habitude, je vais adresser mes observations aux personnes à la maison, parce que c'est dans leurs poches que nous prenons l'argent pour financer notre réunion, et je ne voudrais pas que cela soit perçu comme un acte criminel. Le public a besoin de savoir que les statistiques ne sont que des statistiques et que n'importe qui — et je n'insinue personne en particulier — peut les manipuler pour qu'elles reflètent son opinion ou un point de vue de société.
    Certaines des statistiques que je m'apprête à vous citer viennent de CORCAN. Pour commencer, nous avons parlé de double occupation, et les gens ont l'impression qu'il y a des personnes qui doivent partager le même lit. C'est totalement faux. Ce sont deux personnes qui partagent une cellule, beaucoup comme on peut voir deux personnes partager la même chambre, comme on le voit dans l'armée canadienne. Il arrive souvent que deux personnes doivent partager une salle de bain, par exemple.
    Soit dit en passant, CORCAN respecte les normes de l'ONU en matière de double occupation, le chef du Service correctionnel du Canada nous l'a confirmé.
    Nous avons aussi entendu dire que l'augmentation du budget pour la création de chambres à double occupation dans nos pénitenciers était de 2,7 milliards. Ce que cette statistique ne dit pas, c'est qu'il s'agit de 2,7 milliards de dollars sur cinq ans. C'est essentiel de le préciser.
    Par ailleurs, quand le commissaire de CORCAN a comparu devant le comité, nous avons parlé de l'idée qui circule que les récentes modifications du gouvernement du Canada au Code criminel allaient faire augmenter le nombre de criminels. Dans les faits, si l'on analyse bien les modifications à la réglementation, nous ne créerons pas plus de criminels. Nous visons les personnes qui commettent des actes criminels violents en général, des crimes graves, des crimes en cols blancs, et nous faisons en sorte que les personnes qui commettent ces crimes graves passent un peu plus de temps en prison. Il ne s'agit donc pas de capturer de nouvelles personnes ni de créer des crimes, il s'agit d'emprisonner plus longtemps les personnes qui ont commis des crimes.
    J'ai aussi une question à poser à l'ex-membre du Congrès M. Hutchinson. L'une des réalisations de notre gouvernement, parce qu'il y avait un grave sous-investissement dans nos institutions pénales fédérales, c'est que l'ancien ministre de la Sécurité publique a commandé un rapport qui a été intitulé « Pour une sécurité publique accrue ». Ce rapport parle de la nécessité actuelle d'améliorer et de moderniser nos pénitenciers. Et non, monsieur Hutchinson, on ne peut pas prendre une institution vieille de 150 ans, qui a l'air d'un donjon, et en faire un lieu propre à la réhabilitation.
    On entend toujours parler des mauvaises peines obligatoires, et vous avez utilisé le mot « conservateur », que les gens de l'autre côté de la table adorent, mais je serais porté à vous dire qu'il y a beaucoup de démocrates aux États-Unis qui regardent le Parti conservateur du Canada et qui nous voient comme un groupe de virulents socialistes. J'ai un ami qui a représenté les démocrates aux États-Unis et qui m'appelait ainsi.
    Le Canada est un heureux mélange, et je pense que c'est un heureux mélange des Américains, parce que nous sommes exposés à la culture américaine, et des Européens de l'Ouest. C'est notre identité. Nous sommes un heureux mélange des deux. Je pense que si M. Waller étudiait la chose, il serait probablement d'accord que nous sommes un mélange des deux, que cela décrit bien notre système de gouvernance.
    L'une de nos peines minimales obligatoires est d'un an, monsieur, pour la vente de drogue par le crime organisé, et il y a aussi une peine minimale obligatoire de deux ans pour les personnes qui vendent de la drogue à nos enfants dans les écoles ou autour. Je vous demande donc quelle serait la comparaison aux États-Unis? Qu'en pensez-vous, monsieur?
(1015)
    En 20 secondes.
    Nos peines minimales obligatoires sont de cinq ans pour une infraction commise avec une arme à feu. Elles sont de cinq ans pour certains cas de distribution de cocaïne.
    Je répète toutefois que c'est à vous d'établir vos peines minimales obligatoires. D'après l'expérience américaine, cependant, je vous conseille fortement de tout faire pour qu'elles soient imposées justement, pour que le juge ait un certain pouvoir discrétionnaire ou pour qu'il y ait une commission des peines chargée de surveiller le processus, parce que même dans ces circonstances, il y a quelqu'un qui va se faire imposer la peine minimale obligatoire mais pour qui le pouvoir discrétionnaire se serait appliqué autrement. D'après notre expérience, les peines minimales obligatoires sont l'expression de la société que c'est une infraction vraiment terrible, mais il faut s'assurer de les appliquer équitablement.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Madame Mourani, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Piché, j'aimerais revenir sur un sujet. Dans votre présentation, vous parlez de la Loi sur l’adéquation de la peine et du crime et vous émettez l'hypothèse — vous me direz si je me trompe — que cette loi va contribuer à une augmentation de l'occupation dans les prisons. Parlez-vous de l'occupation dans les prisons fédérales ou provinciales?
    Je me réfère au rapport de M. Page. Donc, ce n'est pas mon hypothèse, mais celle de M. Page.
    M. Page fait aussi beaucoup d'hypothèses. Il nous l'a d'ailleurs confirmé, en comité, quand il a comparu le 17 février dernier. Donc, vous avez repris l'hypothèse de M. Page.
    Par ailleurs, il me semble un peu dommage que, dans le cadre de votre analyse, vous n'ayez pas tenu compte des façons de faire ailleurs. J'aurais bien aimé savoir si cela se fait ailleurs. Si cela a déjà été le cas, est-ce qu'on a abandonné cette mesure parce que, justement, elle contribuait à augmenter le coût des prisons, qu'elle était inutile et que, finalement, elle n'avait pour effet que de criminaliser les gens. Il n'y a absolument aucune évaluation de cela et cela m'apparaît un peu dommage.
    En fait, en prévision de cette présentation aujourd'hui, je devais écrire un rapport de 10 pages. Je viens tout juste de remettre une thèse de 350 pages à mon directeur de thèse. Si j'avais dû inclure les détails de la construction des prisons dans tout le pays dans un document de 10 pages, cela aurait été un exercice vraiment difficile. Ce que vous me demandez ne me semble pas vraiment...
    Dans votre analyse de 350 pages, vous parlez justement de ces éléments, n'est-ce pas?
    Je n'ai pas ce document devant moi.
    Dans votre analyse de 350 pages, vous n'évaluez pas les meilleures façons de faire ailleurs? C'est la question que je vous pose.
(1020)
    J'évalue les meilleures façons de faire, mais je n'ai pas cette information devant moi. Je n'étais pas préparé à parler de ce sujet.
    Vous serait-il possible de nous faire parvenir cette information?
    Oui, mais seulement quand j'aurai défendu ma thèse. Ce sera peut-être au mois d'août.
    Merci.
    Monsieur Waller, j'aimerais avoir quelques précisions. Tout à l'heure, on parlait des coûts de la récidive. D'après ce que vous m'avez dit, en définitive, il n'y a pas vraiment d'étude que vous estimez fiable ou exhaustive au sujet des coûts de la récidive. On a les chiffres du SCC qui nous parlent des récidives. Par contre, on n'a absolument rien sur les coûts de la récidive. Est-ce que je me trompe?

[Traduction]

    Nous n'avons rien au Canada sur les coûts de la récidive, mais le Washington State Public Policy Institute, qui est le pendant de la Bibliothèque du Parlement et qui travaille pour les législateurs, a préparé des rapports détaillés concernant le rendement du capital investi dans une série de programmes destinés à réduire la récidive et à prévenir le crime. Il s'en dégage qu'il y a rendement du capital investi si l'on réduit le crime parce qu'on réduit alors les coûts des tribunaux et des services correctionnels. Cet institut utilise une méthode semblable à celle de Justice Canada pour évaluer les préjudices causés aux victimes. Ces documents montrent très clairement que la meilleure façon de réduire le besoin en matière de prisons, c'est d'investir dans ce qui fonctionne pour empêcher les préjudices aux victimes, bref, dans la prévention.

[Français]

    Je comprends. C'est un peu dommage que l'on n'ait pas cette évaluation.
    J'ai entre les mains un document intitulé « Les coûts de la criminalité au Canada, 2008 » publié par le ministère fédéral de la Justice. À la lecture de ce document, je vous avoue que je suis un peu estomaquée. On évalue combien coûte le système de justice, on évalue également combien coûte le système carcéral et on évalue le coût du crime commis sur la victime.
    De plus, il m'apparaît assez aberrant qu'on puisse évaluer le coût de la souffrance éprouvée par les victimes. Par exemple, la douleur et la souffrance ressenties par chaque victime d'introduction par infraction sont évaluées à 615 $. Je me pose des questions. En ce qui concerne la douleur et la souffrance ressenties par chaque victime de voies de fait, le montant est de 9 547 $. Je ne sais pas comment on peut faire pour évaluer la souffrance éprouvée par les proches et la famille de quelqu'un qui est victime d'un meurtre. Je vous avoue être un peu déçue que, depuis que le crime existe, depuis que l'on parle de criminalité, que le monde de la criminologie, on n'ait absolument rien sur la récidive.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Mourani.
    Malheureusement, nous ne pouvons pas obtenir de réponse, mais vous pourrez peut-être répondre à cette question en répondant à une autre question.
    Mais nous allons maintenant entendre M. McColeman. Allez-y.
    Je tiens moi aussi à remercier tous ces messieurs très chevronnés qui sont ici aujourd'hui pour nous faire part de leur expérience.
    Monsieur Piché, pendant votre étude, avez-vous eu l'occasion de visiter des pénitenciers fédéraux canadiens?
    Oui.
    Vous êtes-vous rendu dans l'un de ceux que nous avons mentionnés et qui ont été construits dans les années 1800? Je pense qu'il s'agit de ceux de Kingston, de Stony Mountain et de Dorchester.
    Non, mais je suis allé au centre de formation fédéral, qui a été construit dans les années 1950, si je ne me trompe pas, et je considérerais cet édifice décrépi et délabré lui aussi.
    Je vais faire une observation, mais ce n'est pas dans le but que vous y répondiez, parce que j'ai peu de temps et que je souhaite toucher plusieurs questions. Je trouve que votre utilisation des chiffres est assez déformée, en ce sens que... Nous avons fait le tour de nos prisons, soit dit en passant. Notre comité a fait une tournée pancanadienne. Quand on entre dans certaines des prisons que je qualifierais de médiévales, on voit tout de suite que le coût d'entretien des édifices à lui seul est astronomique, cela sans compter tout ce qu'il faudrait débourser pour les rendre conformes à une norme que la plupart des gens accepteraient dans le monde d'aujourd'hui.
    Notre gouvernement a donc reconnu le grand déficit qui existe, et nous investissons de l'argent non seulement dans l'expansion, mais dans la construction de nouveaux établissements, parce que ceux-là ont été laissés dans un état misérable. Il suffit de s'y rendre pour le constater.
    J'aimerais maintenant m'adresser à M. Hutchinson. Il y a quelque chose que j'aimerais comprendre. Vous avez soulevé un point, et je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps pour en discuter. Il s'agit du système judiciaire et des moyens que nous pourrions lui donner pour faire de la prévention. Je pense que vous avez parlé du système judiciaire pour les affaires de drogue. Je sais que nous n'avons pas le temps d'entendre toute votre explication, mais si vous le voulez bien, si vous avez de la documentation de référence ou s'il y a des documents que nous avons reçus qui l'expliquent, j'aimerais que vous nous expliquiez votre point de vue, parce que nous avons déjà dit que ce pourrait être une solution. Je pense qu'il n'y a personne ici qui ne croie pas qu'il faut trouver des moyens de favoriser la réhabilitation et d'aider les gens dès le début du processus.
    Enfin, je vais faire une dernière observation. Je trouve assez révélateur d'entendre quelles sont vos peines minimales obligatoires comparativement aux nôtres. L'un de vous a même dit aujourd'hui qu'il y a peut-être un toxicomane qui travaille dans une tour à bureau de Bay Street, à Toronto, qui pourrait être emprisonné pendant cinq ans s'il se faisait prendre avec une certaine quantité de drogue sur lui. Cela n'arrive tout simplement pas dans notre système, et nous ne voulons pas que cela arrive, ce n'est pas le but de notre loi. Nous visons les fournisseurs, les vendeurs sérieux qui nous fournissent ces drogues.
    Pouvez-vous réagir à mes observations sur ces deux sujets?
(1025)
    Je vous remercie de ces excellentes observations.
    Au fédéral, dans les affaires de drogue, ce sont surtout les grandes organisations de trafiquants qui sont ciblées. Dans les États, ce sont davantage les crimes de routine, et c'est là où l'essentiel de la réforme a lieu.
    Nous avons parlé des tribunaux de traitement de la toxicomanie. Je vous recommande de vous pencher sur la question. Ces affaires sont traitées dans les États, et l'histoire montre que c'est là où on envoie les gens en prison. Si la personne a un problème de toxicomanie et qu'elle est non violente, nous l'envoyons pendant un an devant un tribunal consacré à la toxicomanie, ce qui signifie que la personne ne sera pas emprisonnée, tant qu'elle se soumet à un test de dépistage chaque semaine, qu'elle conserve son emploi, qu'elle fait ses déclarations au tribunal et qu'elle fait ses déclarations à son agent de probation. Il s'agit de traitement et de responsabilisation, c'est ce qui permet vraiment de réduire la récidive. Cette mesure connaît un grand succès. Le juge, le procureur ne mettent pas l'accent sur la personnalité, mais sur l'engagement. Ils s'investissent pour que le système fonctionne. C'est sans contredit l'un de nos grands succès, et j'espère que vous vous y attarderez un peu plus.
    Je trouve curieux que le porte-parole des libéraux en matière de sécurité publique ne soit pas ici. Il a peut-être une bonne raison, mais il est très critique et nous ramène constamment l'exemple du système américain.
    Un instant, monsieur McColeman, il y a un rappel au Règlement.
    Depuis quand est-ce qu'on mentionne qu'une personne est présente ou non à la réunion du comité? Cela va totalement à l'encontre de l'esprit parlementaire.
    Monsieur McColeman, il a un remplaçant et...
    Je m'excuse. Cela va à l'encontre de l'esprit parlementaire.
    Cela dit, on nous rappelle constamment à quel point le système américain est terrible et que nous ne devrions jamais... Je rappelle encore une fois une chose que nous a dite le commissaire de CORCAN. Il avait prévu un budget pour 1 300 nouveaux détenus après l'adoption de certaines lois. En fin de compte, leur nombre pour 2010 est resté dans les 300, un peu en dessous de la barre des 400. Le budget avait donc été préparé pour un nombre beaucoup plus grand de détenus.
    Merci, monsieur McColeman.
    Nous allons maintenant entendre M. Kania, s'il vous plaît.
    Je n'ai que cinq minutes.
    Monsieur Waller, pour commencer, notre ministre de la Sécurité publique a déclaré que la double occupation n'était pas inappropriée, illégale ou anticonstitutionnelle, qu'elle ne violait aucune norme internationale et que franchement, elle se justifiait dans bien des cas.
    Nous savons que le Canada a signé l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies, qui dénoncent expressément la double occupation à moins qu'elle ne soit une mesure temporaire. Comment l'ONU en est-elle arrivée à cette norme? Y a-t-il eu une étude? Je présume qu'elle n'a pas été établie en 10 secondes.
(1030)
    Je ne peux pas vous répondre. Je n'ai rien à dire à ce sujet.
    Mais vous êtes sûrement d'accord pour dire que cette citation du ministre de la Sécurité publique ne respecte absolument pas l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies?
    Tout ce que je sais, c'est que le ministère de la Sécurité publique n'observe pas l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus de l'ONU.
    Ce que je veux surtout dire ici, c'est que j'ai visité la plupart de ces pénitenciers, bien que pas dernièrement, et que je crois fermement qu'il est bon de les remplacer. La difficulté, c'est de trouver le juste équilibre entre le remplacement de vieilles institutions et tout ce que les contribuables du Canada voudraient faire s'ils avaient toute l'information. Pour la proposition 36, les gens ont reçu l'information et ils sont passés au vote. Si le public était informé de ce qu'on peut faire pour réduire le nombre d'homicides, de vols de voiture...
    L'une des stratégies qui connaît le succès le plus spectaculaire au monde pour réduire le vol de voitures nous vient de Winnipeg. L'Alberta fait partie des États du monde qui réussit le mieux à réduire le crime. Nous avons des modèles. L'une des solutions les plus efficaces pour réduire la violence contre les femmes nous vient de l'Ontario. Je veux simplement qu'il y ait un équilibre.
    Selon la Fédération canadienne des municipalités, pour chaque dollar ajouté pour financer la réaction, il faudrait investir un dollar dans la prévention. Je pense que si nous le faisions partout au pays, nous n'aurions plus autant besoin à court terme de prisons et nous verrions le nombre de crimes violents diminuer, tout comme le nombre de crimes contre la propriété, et par le fait même, nos besoins d'un système réactionnel de maintien de l'ordre, de tribunaux et de services correctionnels, qui sont tous très coûteux, on s'entend, diminueraient aussi.
     Merci, monsieur Waller.
    Monsieur Kania.
    Monsieur Hutchinson, je vous remercie de venir nous voir au Canada. Je vous souhaite la bienvenue ici.
    Je vais résumer ce que je perçois comme l'essentiel de votre propos. Les conservateurs des États-Unis ont vécu différents épisodes où ils ont vu le taux de criminalité baisser, tout comme au Canada. Ils ont décidé de mettre l'accent sur la punition plutôt que sur la réintégration et la réadaptation. Ils ont construit de nouvelles prisons, ils ont changé leurs lois, et ce que vous nous dites, en gros, c'est qu'ils ont fait certaines erreurs en cours de route.
    Les conservateurs qui se sont joints à l'initiative Right on crime croient qu'il est bon de réévaluer où nous en sommes aux États-Unis sur le plan de la politique d'incarcération. Ils n'affirment pas que tout ce qu'ils ont fait était mauvais. Nous ne disons pas que cela n'a pas eu un effet positif. Nous disons que par souci d'équité et par respect pour les contribuables, il est juste de réévaluer la situation.
    C'est le fond de mon témoignage. Votre invitation est très généreuse, et je suis ravi d'être ici pour y répondre.
    Monsieur Piché, M. McColeman vous a fait un commentaire, mais à mon avis, il ne vous a pas donné la chance d'y répondre adéquatement. Quand M. Norlock nous a fait part de sa position, je vous ai vu vous tortiller. Je vous offre donc la chance de répondre à ces deux messieurs et de leur dire ce que vous voudriez leur dire.
    Une voix: Je dirais que le témoin bougeait avec beaucoup de grâce.
    Monsieur Piché.
    Si l'on regarde un peu les recommandations formulées par le Comité d'examen du SCC en 2007, l'une d'elles était de réduire au minimum les rénovations et les ajouts aux pénitenciers vieillissants.
    Tout l'argent que votre gouvernement a alloué aux projets d'infrastructure pénale jusqu'à maintenant a servi à rénover des établissements âgés vieillissants et à y ajouter de nouvelles unités.
    Il y a une certaine contradiction dans votre commentaire, j'aimerais le souligner.
    Vous avez 20 secondes.
    Vous avez indiqué à la page 2 de votre article que nous devions agir de manière responsable pour les contribuables qui nous regardent. Nous avons besoin d'information sur ce que tout cela va nous coûter.
    Le directeur parlementaire du budget a besoin de le savoir. Son bureau a publié son rapport le 25 février 2011 et l'a intitulé Transparence fiscale. Son bureau est indépendant. Il affirme ne pas avoir l'information voulue pour agir de manière responsable, c'est écrit à la page 2 du rapport. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce manque d'information.
    Merci. Malheureusement, il ne reste pas de temps pour les réactions.
    Nous allons passer à M. Lobb.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Piché, ma première question porte sur votre document. Tout en bas de la page 11, en bas de page, vous parlez d'un coût. Vous donnez une citation du ministre Toews à la Presse canadienne (c'est la note de bas de page 78). Il dit que ce ne sera pas plus de 90 millions de dollars. C'est ce qu'il avait dit au départ, mais il s'agit en fait du Budget supplémentaire des dépenses pour les dépassements de coûts pour l'application de la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime en 2009-2010 et 2010-2011.
    N'avez-vous pas l'impression que c'est un peu hors contexte, la façon dont vous l'avez inscrit dans ce document?
(1035)
    Un membre de la Presse canadienne avait demandé à M. Toews combien la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime allait coûter. J'ai l'article ici, et je peux le déposer. Voici sa réponse:
Nous ne savons pas exactement combien elle va nous coûter. [...] Il y a des estimations assez basses et d'autres, plus élevées, ce ne sera pas plus de 90 millions de dollars.
    C'est ce qu'il a dit le 27. Le lendemain, il a dit 2 milliards de dollars. C'est mon interprétation. Les chiffres ont changé. Vous pouvez me les expliquer si vous le voulez.
    Je viens de le faire. Ces 90 millions étaient pour...
    Mais ce n'est pas ce qu'il a dit.
    ... l'exercice, et le reste était pour les années suivantes.
    Je pense que ce n'est pas ce qu'il a dit.
    Je pense que c'est assez facile à comprendre. Merci beaucoup.
    Monsieur Lee, vous êtes issu tant du milieu de l'éducation que de celui des affaires. Vous avez ces deux points de vue. Vous citez les données factuelles.
    On peut dire, sans craindre de se tromper, que les prisons s'accompagnent de coûts d'immobilisations et de maintenance élevés, surtout lorsque le taux de réinvestissement ou de réserves n'a pas été maintenu au niveau optimal. L'histoire nous montre que le pourcentage tournait autour de 1 p. 100. On dit ici que la cible optimale, selon le directeur parlementaire du budget, serait de 4 p. 100.
    Voudriez-vous commenter? Une bonne partie des coûts supplémentaires sont certainement des fonds de rattrapage pour amener les installations pénitentiaires au moins au niveau où elles devraient être.
    Je vous répondrai avec plaisir.
    Permettez-moi cependant de prendre du recul. J'espère que le comité examinera ce document de l'International Centre for Prison Studies, qui indique que les populations carcérales sont à la hausse dans 71 p. 100 des pays dans le monde; alors le Canada n'est certainement pas très différent des autres à cet égard. Ce chiffre est tiré de la liste de la population carcérale mondiale publiée par l'International Centre for Prison Studies du King's College, à Londres. C'est la tendance actuelle.
    Pour répondre à votre question, j'ai lu le témoignage fait par Kevin Page — que je respecte énormément — devant votre comité. J'ai lu les questions posées, et j'ai trouvé cela très intéressant. Mais il m'a semblé y avoir beaucoup de confusion entre les coûts d'immobilisations et les coûts de fonctionnement. Les coûts d'immobilisations ne sont pas passés en charges; ils sont amortis sur une très, très longue période. Après tout, le fait qu'on ait des prisons qui datent de 1835 ou 1870 permet de croire qu'elles ont une longue espérance de vie. Certains lancent des chiffres tels que deux milliards de dollars en coûts de construction, ou quelque chose du genre, et il est fallacieux de confondre coûts d'immobilisations et coûts de fonctionnement.
    En ce qui touche aux coûts de fonctionnement dont Kevin Page a parlé, différents chiffres circulent, dont un montant de 2,7 milliards de dollars sur cinq ans. Cela fait environ 600 millions de dollars par année, soit une augmentation de 20 p. 100, ce qui, comme je l'ai déjà noté, amènera la part du SCC à 1,2, et peut-être même 1,4 p. 100. Ces chiffres demeurent très minimes. Cela me rappelle ce qu'a déclaré Dan Gardner hier, dans l'Ottawa Citizen. Ce débat porte sur de très petites choses, et il a cité Freud en ce qui a trait au narcissisme des petites différences. Car il s'agit bien là de différences minimes, empiriquement parlant.
    Je suis d'accord en ce qui concerne la différence. Nous avons un problème avec le taux d'amortissement d'un édifice sur 150 ans.
    Oui. Soit dit en passant, je n'ai pas de données sur les coûts d'immobilisations, mais j'aimerais beaucoup en avoir, car je suis un grand amateur de données. Je suis certain que vos coûts diminueront. Il vous coûtera bien moins cher d'administrer une nouvelle prison qui date de moins de 20 ans que, je présume, d'administrer une prison qui a 100 ans. Les coûts de fonctionnement associés au vieil équipement, aux vieilles installations, sont plus élevés. C'est une décision prudente que de remplacer ces installations et cet équipement vétustes et dépassés par de l'équipement moderne.
    Merci.
    Vous avez 30 secondes.
    Monsieur Piché, j'ai une question à vous poser. Je ne sais pas si vous connaissez bien le projet de loi C-59, le projet de loi sur la procédure d'examen expéditif de la mise en libération conditionnelle. Êtes-vous favorable à ce projet de loi? Avez-vous une opinion là-dessus?
    En ce qui a trait à l'abolition de la procédure d'examen expéditif?
    Croyez-vous que les fraudeurs, les passeurs de drogue et les gens qui ont des installations de culture de marijuana chez eux devraient être admissibles à la procédure d'examen expéditif?
    Pour ce qui est des fraudeurs, je crois que je poserais la question suivante: mettre un individu en prison permettra-t-il de récupérer les 100 millions de dollars qu'il a volés à des gens? Plutôt que de nous concentrer là-dessus, je pense que nous devrions nous efforcer de rendre à ces personnes leur argent.
(1040)
    Merci. Je pense qu'il est clair que vous croyez que des gens comme...
    Merci.
    Nous allons maintenant entendre Mme Jennings. Allez-y, s'il vous plaît.
    Monsieur Piché, je pense que vous auriez peut-être aimé poursuivre votre réponse lorsque le président vous a coupé en raison des contraintes de temps; je vous invite donc à utiliser une partie de mon temps.
    Je dispose de combien de minutes?
    Cinq minutes.
    Prenez une partie de mes cinq minutes. À mon avis, une minute et demie suffira.
    Monsieur Hutchinson, j'aimerais revenir sur la position adoptée au premier chef par des conservateurs — et aux États-Unis, on les appelle les Républicains — à l'égard des politiques d'incarcération. Vous avez dit que pour les personnes qui, par exemple, en étaient à leur première condamnation pour consommation ou trafic de drogue, l'incarcération n'était peut-être pas la meilleure option. Il existe, entre autres, des tribunaux de traitement de la toxicomanie qui les redirigent dans la collectivité. J'aimerais que vous m'en disiez davantage au sujet de ce genre de programmes communautaires bien supervisés.
    Monsieur Piché.
    Libre à vous d'apporter des éclaircissements, bien sûr, mais je pense que l'un des arguments invoqués implicitement est que si nous avons des prisons vieillissantes ou conditions carcérales médiocres, nous devrions en construire de nouvelles. J'aimerais faire remarquer que les réformes pénales bien intentionnées ont toujours été le principal moteur de l'expansion des prisons dans ce pays, comme c'est le cas en ce moment dans bon nombre de nos provinces et territoires. L'histoire est parsemée d'appels à la construction de nouvelles prisons pour remédier au problème de surpeuplement, améliorer les conditions d'hygiène et accroître les efforts de réadaptation à l'intérieur des prisons.
    Toutefois, j'aimerais également dire au comité que la course aux soi-disant prisons améliorées mène à un désengagement encore plus grand de la société, ce qui est d'autant plus flagrant lorsque les installations qui devaient être fermées demeurent ouvertes. Prenez par exemple le pénitencier de Kingston, qui a été construit en 1835, comme le député l'a souligné. On a prévu le fermer plusieurs fois, mais il est resté ouvert, malgré qu'il ait été endommagé au point d'en être méconnaissable lors d'une émeute en 1971.
    Dans ce pays, nous avons tendance à mettre l'accent sur l'offre carcérale, plutôt que de nous efforcer de trouver des moyens de modérer la demande pour des prisons supplémentaires et de réduire la victimisation. C'est pourquoi je préconise des solutions de rechange.
    Si vous êtes en train de faire la vaisselle dans la cuisine, et que l'eau déborde, que ferez-vous? Fermerez-vous le robinet? Enlèverez-vous la crépine, ou courrez-vous chez Home Dépôt pour acheter un évier plus grand? Je suis certain que la plupart d'entre vous ne se précipitera pas chez Home Dépôt. Or, c'est l'approche que nous adoptons en ce moment, en ajoutant 2 500 lits, en réalisant des travaux de rénovation et en agrandissant les établissements vieillissants qui existent.
    En me basant sur l'histoire, je prédis — et les prédictions sont connues pour être parfois mauvaises, parfois bonnes — que si nous construisons les nouveaux complexes régionaux recommandés par le groupe de travail en 2007, à juger par la façon dont ces politiques pénales sont présentées, ils ne remplaceront pas les pénitenciers de Kingston et de Dorchester, ni le pénitencier Stony Mountain et autres établissements vieillissants que nous avons.
    Quant à l'idée que les prévisions de Kevin Page et du SCC puissent être complètement à côté de la plaque, si, sous l'effet de la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime, seulement 400 prisonniers s'ajoutent à la population carcérale fédérale, quelle sera l'incidence de cette loi, et où iront tous ces prisonniers? Demeureront-ils dans les prisons provinciales et territoriales, dont on était censé les sortir pour diminuer la détention préventive dans les provinces? Je l'ignore, mais je crois que nous devons nous poser ces questions.
    Merci.
    Monsieur Hutchinson, vous aurez le dernier mot aujourd'hui. Allez-y, je vous prie.
    Merci de me donner l'occasion de parler davantage de l'initiative Right on Crime, qui est motivée par une vision conservatrice des fonds publics et de l'équité. Parmi les gens impliqués dans la fraternité des prisons, on trouve des organisations confessionnelles qui se préoccupent réellement des délinquants et de la façon dont nous nous acquittons de notre responsabilité à l'égard des détenus.
    Je pense que les tribunaux de traitement de la toxicomanie sont un bon exemple d'un programme qui, comme nous l'avons constaté, fonctionne bien. D'abord, il n'y a pas d'approche unique en la matière. Les États s'y prennent de diverses façons et appliquent des critères différents quant aux personnes admissibles.
    Il s'agit généralement de délinquants non violents. Je ne saurais dire qu'un trafiquant de drogue répond généralement à cette description. Ils ont commis des infractions graves, mais ils ne sont pas violents. Il peut aussi s'agir d'une personne arrêtée pour avoir libellé de faux chèques ou volé de l'argent, mais le fond du problème est la toxicomanie. Ces délinquants pourront avoir commis des crimes contre les biens, mais on considérera qu'il s'agit d'un problème de toxicomanie. Leur incarcération sera reportée, et ils n'auront pas à aller en prison tant qu'ils respecteront les conditions d'un programme d'un an, comme se présenter en personne, subir des tests de dépistage de drogue, etc. Grâce à cette responsabilisation, et avec la menace de prison qui plane au-dessus de leurs têtes, ils mettent de l'ordre dans leur vie.
    Cela commence par une arrestation, et c'est ce qui est intéressant. J'ai assisté à une remise de diplômes d'un tribunal de traitement de la toxicomanie, où l'agent qui a procédé à l'arrestation est la première personne à être remerciée par le diplômé. C'est quelque chose à voir.
(1045)
    Merci beaucoup, monsieur Hutchinson.
    Merci à tous de votre présence aujourd'hui. MM. Lee, Waller, Piché et Hutchinson, notre comité est heureux d'avoir pu profiter de votre expertise dans le domaine. Nous vous remercions d'avoir été parmi nous aujourd'hui.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU