Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bonjour à tous. La séance est ouverte. En ce jeudi 3 février 2011, nous entamons la 51e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
Aujourd'hui, nous allons procéder à l'étude article par article du projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur le transfèrement international des délinquants. Nos experts à la table m'ont fait savoir qu'il n'est pas nécessaire de faire cela à huis clos. En fait, ce genre d'examen ne se fait pas normalement à huis clos.
Pourrions-nous faire un essai du système d'interprétation? Nous ne recevons rien pour le moment.
Vous me dites que ça marche maintenant? Très bien. Nous sommes ravis de le savoir. Ainsi nous avons pu établir que ce n'est pas un complot, monsieur Gaudet…
Des voix: Oh, oh!
Le président: … mais vous devez tout de même vous brancher sur la bonne source.
Maintenant je voudrais inviter les hauts fonctionnaires à venir s'installer à la table. Nos discussions pourraient donner lieu à des questions de la part des membres.
Nous vous souhaitons de nouveau la bienvenue au comité. Si vous avez vos documents avec vous, ou l'annexe du projet de loi, je peux vous indiquer que nous allons garder pour la fin l'examen de l'article 1, soit le titre abrégé du projet de loi, et procéder immédiatement à l'étude de l'article 2.
Vous avez tous eu l'occasion d'examiner l'article 2. Il ne fait l'objet d'aucun amendement. L'article 2 est-il adopté?
(L'article 2 est adopté.)
(Article 3)
Le président: Nous passons maintenant à l'article 3. L'amendement NPD-1 se trouve dans votre liasse.
Mon premier amendement vise à conserver la formulation de la loi actuelle, qui exige que le ministre tienne compte de certains facteurs. D'après le libellé de la loi actuelle, le ministre « tient compte » d'une série de facteurs qui sont énumérés. Or, le projet de loi C-5 propose de remplacer l’expression ‘tient compte’ par l’expression ‘peut tenir compte’, un changement qui n’est pas souhaitable, selon moi.
Il me semble que, s'agissant d'une question aussi importante que le droit d'un Canadien de retourner dans son pays pour purger sa peine au Canada, par rapport à un autre pays, nous devrions au moins exiger qu'un ministre, quel que soit son parti politique, tienne compte de certains facteurs. En tant que parlementaires, il nous incombe d'énumérer une série raisonnable de facteurs à cette fin.
Je ne pense pas que ce soit excessif que de demander à tout ministre, face à une demande de ce genre de la part d'un citoyen canadien incarcéré à l'étranger, de tenir compte d'une série de facteurs qui nous semblent essentiels.
Par contre, si nous disons que le ministre « peut » tenir compte de certains facteurs, à ce moment-là, nous éliminons l'obligation légale qu'il aurait de le faire. Nous allons voir de quels facteurs il s'agit un peu plus tard; je n'ai donc pas l'intention d'en parler en détail pour le moment. Il reste qu'un des facteurs dans la liste est la possibilité que le retour au Canada du délinquant constitue une menace pour la sécurité du Canada. Je ne souhaite pas que ce soit facultatif pour le ministre d'en tenir compte. Je voudrais que ce soit obligatoire.
Le facteur suivant concerne la possibilité que, de l'avis du ministre, le retour au Canada du délinquant mette en péril la sécurité publique, et notamment la sécurité de toute personne qui est victime, la sécurité d'un membre de la famille du délinquant, ou la sécurité d'un enfant, au cas où le délinquant aurait été condamné pour une infraction d'ordre sexuel. Encore une fois, je ne souhaite pas que ce soit facultatif pour le ministre. Il faudrait que le ministre soit obligé d'en tenir compte.
Ce projet de loi ne prévoit aucunement que le ministre doit passer énormément de temps à examiner tous ces facteurs et, à mon avis, il doit au moins prendre le temps de se demander si ces facteurs sont en jeu ou non au moment d'étudier une demande de transfèrement.
Je sais que nous désirons tous faire adopter le projet de loi dès aujourd'hui, et je n'ai donc pas l'intention de trop m'étendre sur la question mais, à mon humble avis, le libellé actuel de la loi, qui oblige le ministre à tenir compte de ces facteurs, est plus approprié. J'exhorte donc mes collègues du comité à retenir ce libellé en remplaçant l'expression « peut tenir compte » par « tient compte des facteurs ci-après ».
J'ai un commentaire à faire sur la traduction française de l'amendement. Je pense qu'il faudrait écrire « le ministre doit tenir compte » et non pas « tient compte ». Ce n'est pas au présent. Il faut utiliser l'expression « doit tenir ». Je pense que cela circonscrit le sens qu'on veut donner au changement. C'est strictement une question de traduction.
Je voudrais simplement dire que, de façon générale, je partage les préoccupations de mon collègue concernant l'utilisation de l'expression « peut tenir compte », parce que c'est tout simplement trop ouvert. Si le projet de loi repose sur un objectif bien précis — c'est-à-dire, donner certaines instructions au ministre — à quoi cela peut bien servir d'énumérer toute une série de conditions si le ministre n'est aucunement tenu d'en tenir compte. Autant dire au ministre de faire exactement ce qu'il veut.
Je crois qu'on peut citer plusieurs exemples de facteurs où il convient de préciser que les dispositions du projet de loi doivent être respectées et que le ministre doit pouvoir s'appuyer sur certains des motifs qui y sont explicités avant de prendre des mesures.
Je suis contre l'amendement proposé par M. Davies. Il me semble que l'objet du projet de loi… et comme l'a dit lui-même M. Davies dans ses commentaires, chaque cas est bien spécifique, et il y a toute une liste de facteurs à prendre en compte. Il est évident que tous les facteurs ne vont pas être pertinents dans chaque cas — loin de là.
L'un des facteurs qu'ajoute le projet de loi est la santé du délinquant, par exemple, et la possibilité que ce dernier ait besoin de se faire soigner. Selon moi, c'est un facteur qui ne sera pas pertinent dans la plupart des cas. Par conséquent, il me semble plus approprié de dire « peut » que « doit », et j'encourage les membres de ce côté-ci de la table à voter contre l'amendement.
Tout d'abord, nous sommes en faveur de l'amendement parce que, tout simplement, « peut tenir compte » laisse la place à l'arbitraire, à la subjectivité et à toutes sortes de circonstances environnementales. Je vous ai donné des exemples. On en a déjà parlé au comité.
Je vais même aller très loin. On peut même ouvrir la porte à la corruption. On tient pour acquis que tout le monde a de bonnes intentions. Toutefois, supposons qu'un individu incarcéré à l'étranger demande son transfert et qu'il appartient à une famille qui donne beaucoup d'argent à un parti politique. Cela pourrait-il être un facteur? Non, mais on pourrait utiliser des éléments comme tous ceux qui ont été énumérés dans le projet de loi, par exemple le fait de pouvoir tenir compte des droits humains. On pourrait utiliser n'importe quel élément pour justifier le transfert de cette personne au Canada alors que, dans le fond, ce sont peut-être d'autres objectifs qui sont visés.
Enfin, dans l'expression « pouvoir tenir compte », le mot « pouvoir » est déjà un élément qui laisse la place à l'arbitraire, à la subjectivité et, parfois, à l'« humainerie ».
Monsieur le président, soyez assuré que nous voterons en faveur de l'amendement. Ma collègue Mme Mendes a tout à fait raison. Dans la traduction française, il faut utiliser l'expression « doit tenir compte ».
Je me demande si ces amendements sont vraiment recevables. Le projet de loi a déjà passé l'étape de la deuxième lecture; ainsi les amendements proposés ne doivent pas dépasser le champ d'application du projet de loi. La Chambre a entériné le principe selon lequel le ministre doit jouir d'un certain pouvoir discrétionnaire, puisqu'elle a approuvé l'inclusion des mots « à son avis » un peu partout dans le projet de loi, alors que les deux amendements proposés suppriment ce bout de phrase.
Il est légitime de vouloir discuter d'éléments qui devraient éventuellement être proposés comme facteurs à inclure sous forme d'amendements mais, à mon avis, l'élimination du pouvoir discrétionnaire du ministre dépasse le champ d'application du projet de loi. Si vous regardez les amendements, vous verrez que, pour tirer certaines conclusions par rapport aux résultats et accorder le transfèrement en fonction de ces conclusions… le problème, c'est qu'il n'y a pas de contestation possible. Il n'y a qu'une partie qui soit entendue, et c'est le demandeur. Donc, il n'y a personne qui puisse remettre en question les arguments du demandeur et personne n'a d'intérêt à présenter des faits contradictoires.
Selon les amendements qui sont proposés, un demandeur serait retourné au Canada en fonction d'une demande qui requiert un minimum d'information, étant donné que le ministère n'aurait pas suffisamment de faits pour supposer que telle chose pourrait se produire, et exiger que cela se fasse suppose que certains critères soient respectés.
De plus, monsieur le président, je me demande si nous ne pourrions pas demander aux fonctionnaires qui sont avec nous de nous parler du processus — c'est-à-dire, les modalités. Ce serait peut-être intéressant pour nous tous de savoir comment fonctionne le processus lorsqu'une demande est présentée au ministre.
Mon rappel au Règlement concerne justement celui qui vient d'être soulevé et nos délibérations. Je me demande si nous pourrions demander au président de prendre une décision au sujet de l'affirmation de M. MacKenzie. Je voudrais, moi aussi, me prononcer sur la question. Je pense qu'il est important que le président se prononce sur la recevabilité des amendements qui ont été déposés avant que nous n'allions plus loin. Pour moi, c'est un point assez important qu'il convient de clarifier avant de continuer. Monsieur le président, je ne sais pas si vous allez me permettre d'aborder cette question dès maintenant ou si vous voulez que l'ensemble du comité réfléchisse à la question.
Monsieur le président, à quoi sert une réunion de comité, si ce n'est à proposer ce que je considère comme des amendements relativement mineurs qui sont conformes à l'esprit du projet de loi? Si je comprends bien cette mesure législative, elle consiste à donner certaines instructions concernant les conditions dans lesquelles les délinquants doivent ou non être renvoyés au Canada. D'après le sommaire, le projet de loi a pour objet de renforcer la sécurité publique. La préoccupation exprimée par bon nombre de membres autour de cette table, me semble-t-il, concerne la possibilité que le ministre puisse agir de façon arbitraire — il ne s'agit pas au fond de pouvoir discrétionnaire. Si le ministre a des raisons solides et convaincantes, comme l'indique le projet de loi, de ne pas accorder le transfèrement du délinquant, à condition que ce dernier se conforme aux dispositions du projet de loi, il n'y a pas de problème.
Par contre, si le ministre décide, en s'appuyant sur des motifs arbitraires qui ne sont pas précisés dans le projet de loi, de refuser un tel transfèrement, nous voilà dans une situation tout à fait autre. C'est dans ce contexte que les amendements proposés me semblent tout à fait recevables et nécessaires parce que, sans vouloir prolonger indûment le débat… très rapidement, je me permets d'insister sur le fait qu'il ne s'agit pas de personnes qui sont transférées de prisons étrangères pour se retrouver dans les rues du Canada. Le gouvernement semble vouloir laisser entendre que ces délinquants vont finir dans les rues du Canada et que l'objet même du transfèrement est de les garder en prison. Or, il ne s'agit pas du tout de cela.
Il s'agit plutôt de savoir où ces délinquants vont purger leurs peines d'emprisonnement, où ils vont être incarcérés, et dans quelle mesure ils vont conserver un casier judiciaire au moment de sortir de prison. Nous savons que, si quelqu'un est emprisonné dans un pays étranger, le succès de sa réadaptation… disons que le taux de récidive est plus élevé lorsque le délinquant n'est pas incarcéré au Canada. Nous savons également qu'une personne transférée au Canada, qui purge sa peine dans une prison canadienne et qui est ensuite libérée aura un casier judiciaire, et qu'on pourra en conséquence faire le suivi nécessaire. Mais ce n'est pas le cas d'une personne qui n'a pas purgé sa peine au Canada.
Donc, si le véritable objectif du projet de loi consiste à renforcer la sécurité publique, nous devons nous intéresser de très près aux conditions dans lesquelles le ministre pourra exercer le pouvoir d'accorder un transfèrement. Pour cette raison-là, je prétends, monsieur le président, que ces amendements sont essentiels au respect de l'objectif du projet de loi, tel qu'il est énoncé, et que les amendements en question visent, non pas à éliminer le pouvoir discrétionnaire du ministre, mais plutôt à le limiter, pour qu'il ne s'exerce que par rapport à la véritable finalité du projet de loi, telle que l'exprime le titre du projet de loi.
Je sais que ce n'est pas nécessairement exhaustif, mais le sommaire du projet de loi dit ceci: « Le texte modifie la Loi sur le transfèrement international des délinquants pour prévoir que l'un des objets de la loi est de renforcer la sécurité publique et pour modifier les facteurs dont le ministre peut tenir compte pour décider s'il consent au transfèrement… ».
Donc, les deux principaux objectifs du projet de loi, d'après moi, consistent à renforcer la sécurité publique et à modifier les facteurs dont le ministre peut tenir compte.
S'agissant du premier objectif de la loi — et là je vous renvoie à l'affirmation de M. MacKenzie, selon laquelle mon amendement n'est pas conforme à l'objet du projet de loi — si l'un des objets du projet de loi, comme l'indique le sommaire, consiste à « renforcer la sécurité publique », eh bien, comment peut-on renforcer la sécurité publique en acceptant d'adopter un amendement qui permet au ministre de la Sécurité publique de ne pas tenir compte de la possibilité que le retour au Canada d'un délinquant constitue une menace pour la sécurité du Canada? En quoi la sécurité publique est-elle améliorée si l'on donne au ministre le pouvoir législatif de dire: « Je ne vais même pas réfléchir à cette question-là »? En quoi la sécurité publique est-elle améliorée si l'on donne au ministre le pouvoir législatif de ne pas tenir compte de la possibilité que le retour au Canada d'un délinquant mette en péril la sécurité d'une personne qui est victime?
Voilà ce que souhaitent les conservateurs. Ils voudraient qu'on fasse en sorte que le ministre n'ait pas à tenir compte de ces éléments-là.
C'est donc le NPD, et si je peux me permettre de reprendre le propos du Parti libéral et de mes collègues du Bloc… en réalité, nous sommes les trois partis politiques à dire non et à insister pour que le ministre tienne compte de ces facteurs-là. Il doit se demander si cela pourrait constituer une menace pour la sécurité du Canada et dans quelle mesure d'autres victimes pourraient être lésées par le transfèrement du détenu. Selon moi, notre amendement cadre tout à fait avec l'objet du projet de loi, qui consiste à renforcer la sécurité publique; en réalité, la position des conservateurs est contraire à l'objet du projet de loi, qui est de renforcer la sécurité publique.
Encore une fois, j'estime que le deuxième objet du projet de loi consiste à modifier la liste des facteurs à prendre en compte. Si nous devons modifier la liste des facteurs — si tel est l'objet du projet de loi — il convient d'aller un peu plus loin et de dire que ce n'est pas trop demander au ministre que de tenir compte obligatoirement des facteurs modifiés; voilà qui est également conforme à l'objet du projet de loi.
Enfin, je voudrais vous parler de ce qui va certainement ressortir de tous les amendements qui seront proposés par les néo-démocrates. D'après les témoignages que nous avons entendus devant le comité — et je ne crois pas que ces derniers aient été contredits — le transfèrement des délinquants vers notre pays est un atout pour la sécurité publique. D'après les témoignages que nous avons reçus, si un délinquant est obligé de purger la totalité de sa peine dans un autre pays, au moment où ce dernier reviendra au Canada, dans certains cas, nous ne saurons même pas qu'il fait peut-être l'objet d'une condamnation, et nous ne pourrons non plus le surveiller au sein de la collectivité.
Beaucoup de témoins nous ont dit qu'en facilitant le transfèrement d'un délinquant canadien détenu à l'étranger et qu'en lui permettant…
Monsieur Davies, vos remarques continuent de porter surtout sur votre amendement, alors que nous sommes en train de débattre de la question de savoir dans quelle mesure cet amendement est recevable, par suite du rappel au Règlement soulevé par un autre membre.
Vous n'avez pas encore dépassé le contexte général de cette discussion, et je compte vous donner l'occasion de prendre la parole à la fin, pour faire quelques dernières observations, étant donné que c'est votre amendement.
Je vais donc simplement conclure ma phrase avant de céder la parole à d'autres. Pour moi, c'est une question de pouvoir discrétionnaire; je vous explique essentiellement qu'en obligeant le ministre à tenir compte de certains facteurs, vous l'obligez à tenir compte de l'ensemble des facteurs énumérés avant de décider de l'opportunité du transfèrement.
Je vous disais également que le transfèrement des délinquants est un atout pour la sécurité publique car, lors de leur retour au Canada et de leur incarcération dans un établissement canadien, nous sommes au courant de leur casier judiciaire et nous avons la possibilité de les faire profiter de certains programmes. Il nous est également possible de leur imposer certaines conditions et de les surveiller au sein de la collectivité, ce qui est préférable, à mon sens, à une situation où ils seraient entièrement libres de faire ce qu'ils veulent au sein de la collectivité sans qu'on leur impose la moindre condition.
Encore une fois, monsieur le président, je vous encourage à considérer avec le plus grand sérieux l'argument de M. MacKenzie, selon lequel cet amendement est irrecevable, et à demander éventuellement l'opinion de Mme Campbell à ce sujet.
Même s'il est bien intentionné, l'amendement de M. Davies va nécessairement donner lieu à une multiplicité de demandes de contrôle judiciaire, car le fait est que certains facteurs ne s'appliquent tout simplement pas dans bien des cas.
Encore une fois, je prends l'exemple du projet d'alinéa 10(1)g) où il est question de « la santé du délinquant ». Si le délinquant n'a pas de problème particulier de santé, le ministre ne peut absolument pas tenir compte de ce facteur. Voilà qui va invariablement donner lieu à une demande de contrôle judiciaire, sous prétexte que le ministre n'a pas tenu compte de tous les facteurs qu'il devait examiner. Mais, dans bon nombre de cas, il ne sera pas en mesure de le faire.
Donc, M. MacKenzie a raison, à mon avis. Cet amendement est irrecevable. J'aimerais vraiment qu'on demande l'opinion de Mme Campbell à ce sujet.
Pour ce qui est de demander l'opinion de Mme Campbell, c'est peut-être moins approprié du moment qu'on parle d'un rappel au Règlement touchant la recevabilité d'un amendement. Il est évident que, avant de mettre la question aux voix, vous pourrez demander l'opinion de Mme Campbell, car je suis tout à fait d'accord pour que vous le fassiez.
Mais, pour le moment, nous traitons le point soulevé par M. MacKenzie. Y a-t-il d'autres personnes qui voudraient se prononcer sur la question?
Monsieur Kania, voulez-vous vous prononcer sur le rappel au Règlement ou sur l'amendement?
Je suis d'accord avec M. Davies. Il est évident qu'il a raison. Son analyse est parfaitement lucide.
Monsieur Rathgeber, vous êtes avocat comme moi, et je dois dire que vos commentaires m'ont surpris. Il est évident qu'un juge qui se penche sur un dossier pourra déterminer dans quelle mesure le ministre a tenu compte de ces facteurs. S'il n'y a pas de preuves, si un élément quelconque de la loi n'est pas pertinent dans les circonstances, cela ne veut pas dire que le ministre sera dans l'eau chaude. Cela veut dire simplement que le ministre se sera demandé si un tel facteur était pertinent avant de déterminer qu'il n'y avait pas de preuves — ou rien de pertinent; il reste qu'il en aura tenu compte. Donc, je ne comprends aucunement votre analyse.
L'un des problèmes, selon moi, c'est que certains témoins ont admis pendant les audiences que ces amendements sont motivés en partie par la nécessité d'éviter des procédures judiciaires où l'une des parties prétend que le ministre n'a pas respecté la loi, si bien que le dossier est renvoyé aux autorités en raison d'un problème de ce genre. Le problème que posent ces amendements… et je crois que votre analyse est exacte pour ce qui est de ce qui a pu motiver cela. L'idée est d'éviter les procédures judiciaires. Ils essaient d'éviter les demandes de contrôle judiciaire dans des situations où il est tout à fait clair que le ministre n'a pas respecté la loi.
Donc, en ce qui me concerne, le rappel au Règlement porte sur une question tout à fait différente; par contre, nous avons absolument besoin de cet amendement afin d'être justes envers les gens et d'en arriver à une loi responsable.
Nous avons reçu plusieurs amendements et il est évident que je ne vais pas rendre une décision sur chacun d'entre eux. S'agissant de la recevabilité de l'amendement en question, après avoir écouté l'opinion de tous durant le débat de même que les conseillers ici présents — c'est-à-dire, non seulement le greffier mais aussi nos experts législatifs — je suis convaincu que les amendements sont recevables.
Il est possible que l'amendement actuellement à l'étude modifie quelque peu l'esprit du projet de loi. C'est peut-être cela votre argument: qu'il change de façon trop importante l'esprit du projet de loi. En même temps, il ne fait aucun doute que l'examen article par article d'un projet de loi donne justement l'occasion de le faire. Nous pouvons évidemment continuer à débattre de l'amendement et poursuivre notre travail mais, s'agissant de la recevabilité de cet amendement, je suis personnellement convaincu qu'il est recevable, si bien que nous allons maintenant… Telle est la décision du président, à moins que quelqu'un souhaite la contester. Nous allons donc reprendre le débat sur l'amendement.
Monsieur le président, pour que les membres du comité comprennent bien le contenu et le fonctionnement de la loi originale, je pense que ce serait instructif pour nous tous d'entendre les explications des hauts fonctionnaires qui font des recommandations à ce sujet au ministre. Pour que tout le monde comprenne la situation, je précise que le ministre ne se contente pas de dire oui ou non sans consulter ses hauts fonctionnaires et leur demander conseil. Selon moi, ils sont certainement au courant de l'ensemble des facteurs qui sont à prendre en compte et de ce qu'ils signifient. Donc, apporter des changements n'aura peut-être pas pour résultat d'améliorer…
Je vais demander aux représentants du ministère ou à nos experts d'analyser un peu cet amendement et de nous dire quelle incidence il aurait sur la loi.
Je voudrais faire un bref commentaire avant de céder la parole à M. Laprade, notre conseiller juridique, pour qu'il se prononce spécifiquement sur la différence entre « peut » et « tient compte ». Il est évident que nous traitons d'une liste de facteurs qui est plus exhaustive que celle qui figure actuellement dans la loi. Si d'autres éléments y ont été ajoutés, c'est en partie parce que nous avons voulu tenir compte de la jurisprudence actuelle et indiquer clairement dans la loi l'étendue du pouvoir discrétionnaire du ministre, conformément à ce qui a été accepté ou validé par les tribunaux.
Comme la liste est maintenant plus longue, si nous changeons la formulation pour dire « tient compte » ou « doit tenir compte », le tout dernier facteur inscrit dans la liste devient problématique, puisqu'on demande au ministre de tenir compte de « tout autre facteur qu'il juge pertinent ». À mon avis, cela pose un problème si vous dites que le ministre « tient compte » de tout autre facteur qu'il juge pertinent, alors que c'est un article un peu fourre-tout — ce qu'on appelle communément un article « omnibus ». Je sais également qu'a été déposé devant le comité un amendement qui vise justement cet article-là.
En ce qui concerne la nature de cette liste, je dirais que l'intention était de traduire dans la loi l'état actuel de la jurisprudence et d'énumérer des facteurs qui pourraient être pertinents, sans pour autant établir une liste à la fois très longue et rigide. Mais, sur la question de l'effet juridique d'un terme comme « peut » par rapport à « tient compte », je vais demander à M. Laprade s'il voudrait ajouter quelque chose.
Monsieur le président, comme Mary vient de le signaler, la formulation et le remplacement de l'expression « tient compte » par « peut tenir compte » ont été grandement influencés par le dernier alinéa du projet d'article 10, qui donne au ministre le pouvoir de tenir compte de tout autre facteur qu'il juge pertinent.
Cela n'aurait donc pas de sens de dire « tient compte » dans ce contexte-là. On ne peut pas rédiger un projet de loi en disant que le ministre doit tenir compte de tout facteur qu'il juge pertinent. Cela n'a pas de sens. C'est pour cela que nous avons cru bon d'ajouter cette expression au libellé de l'article.
Je voudrais d'ailleurs, vous faire remarquer quelque chose au sujet du libellé actuel, car on nous dit qu'il faut retenir le libellé actuel comme si l'expression « tient compte », dans la version actuelle de la loi, obligeait le ministre à tirer certaines conclusions lorsque le délinquant répond à tel ou tel autre critère, alors que ce n'est pas le cas.
À ce chapitre, le 2 février, une série de décisions a été rendue par la Cour fédérale, entre autres la décision du juge Phelan sur la demande de Holmes, où le juge se prononce sur la question. Je pense qu'il conviendrait que je vous lise cet extrait. Il vous permettra de comprendre comment la cour interprète l'expression « tient compte ». Voici ce qu'il dit:
En outre, aucun des facteurs dont il faut tenir compte, ni celui prévu à l'alinéa 10(2)a) n'est déterminant. Il ne s'agit que de facteurs devant être mis en balance par le ministre d'une façon raisonnable et transparente.
Donc, aucun de ces facteurs n'est déterminant par rapport à la conclusion qu'il faut tirer; ce sont tout simplement des facteurs dont tient compte le ministre. Par conséquent, au moment d'ajouter le dernier alinéa où on dit que le ministre tient compte de « tout autre facteur qu'il juge pertinent » il devenait nécessaire de modifier le libellé pour dire au départ « peut tenir compte ». Mais l'approche est toujours la même pour ce qui est de l'interprétation du processus permettant au ministre de prendre une décision. Elle continuera de s'appuyer sur ces mêmes considérations.
Et aucune de ces considérations n'est déterminante. Elles ne le seront pas davantage si nous disons « peut tenir compte » — pas plus qu'elles ne le sont à l'heure actuelle, alors que l'expression qu'on retrouve dans la loi est « tient compte ». Cela ne veut pas dire que si l'un des facteurs énumérés correspond à la situation du demandeur, le ministre devra inévitablement accepter ou refuser la demande. Ce n'est pas ce que cela veut dire.
Monsieur Laprade, je suis évidemment d'accord avec vous pour dire que les facteurs énumérés doivent d'ores et déjà être pris en compte par le ministre. Par définition, ils ne conduisent pas à un résultat particulier. Le tribunal veut simplement s'assurer que le ministre a réellement tenu compte des facteurs en question. C'est justement ce que je disais tout à l'heure.
Maintenant, quand vous parlez du « dernier alinéa », je voudrais simplement m'assurer, s du compte rendu, que tout le monde sait de quoi on parle. Il s'agit de l'alinéa 10(1)l) qui dit « tout autre facteur qu'il juge pertinent »; c'est bien cela?
Est-ce que quelqu'un assis à cette table aurait recommandé l'ajout de cet alinéa? Avez-vous rencontré un problème qui vous aurait convaincu de la nécessité d'ajouter cet alinéa à la loi?
J'accepte votre explication quand vous nous dites que vous ne vous en souvenez pas, car je serais très surpris que l'un d'entre vous ait recommandé une telle chose. En ce qui me concerne, cet alinéa n'a aucun sens. Selon la formulation, si on dit « tout autre facteur qu'il juge pertinent », cela pourrait désigner n'importe quoi, que ce soit la couleur des yeux d'une personne ou d'autre chose. C'est vraiment tout à fait ridicule…
Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Kania, mais je me permets d'intervenir pour apporter une petite précision. Ce libellé est tout de même circonscrit par la jurisprudence, et cette dernière indique très clairement que toute décision doit être prise en tenant compte de facteurs pertinents, de facteurs non pertinents tels que la couleur des cheveux ou des yeux du délinquant.
En vertu de l'ancienne loi, oui. Mais le projet de loi parle de « tout autre facteur qu'il juge pertinent ». Nous n'avons pas encore d'interprétation judiciaire de ce que cela peut signifier, car ce serait au ministre de déterminer ce qu'il juge pertinent.
Voilà la question que je voudrais vous poser: vous dites que le problème du choix de l'expression — « peut tenir compte » par rapport à « tient compte » — au premier paragraphe du projet de loi est lié au dernier alinéa, soit l'alinéa 10(1)l). Étant donné que je ne connais personne qui aurait pu signaler que cela pose problème ou que nous avons besoin de cet alinéa, je pense qu'il serait possible de régler assez facilement le problème de la terminologie, en supprimant tout simplement le projet d'alinéa 10l). Ainsi on n'aurait pas à se demander s'il convient ou non de conserver l'expression « tient compte », n'est-ce pas?
Tout ce que je peux vous dire, c'est que du point de vue d'un conseiller, les articles omnibus de ce genre ne sont pas inhabituels. Il n'est pas du tout étrange de retrouver ce type d'article dans un texte législatif, sachant que son application est toujours circonscrite par des liens rationnels et pertinents. Si je peux reprendre l'argument de M. Laprade, avec une liste élargie qui traduit l'état actuel de la jurisprudence et l'ajout d'un article qui permet potentiellement de tenir compte de nouveaux facteurs auxquels on n'a peut-être pas encore songé, étant donné que chaque dossier présente une situation légèrement différente qui dépasse peut-être ce qu'on peut imaginer…
Mais vous avez ajouté un autre argument sans jamais répondre à ma question. Ma question était la suivante: si nous éliminons l'alinéa l), je suppose que vous seriez d'accord pour que nous retenions l'expression originale, soit « tient compte », par opposition à « peut tenir compte », étant donné que cela fait disparaître le problème potentiel que vous avez évoqué. C'est bien cela?
Dans ce cas, M. Laprade peut peut-être répondre à la question.
Mais je voudrais également réagir à votre observation concernant les clauses omnibus. Je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'il n'est pas inhabituel de voir des articles omnibus dans un texte législatif, mais tout dépend du libellé de l'article en question. Celui dont on parle n'est pas typique, puisqu'il y est question de « tout autre facteur [pertinent] », car un juge pourrait alors savoir exactement ce qui a été pris en compte et décider dans quelle mesure le facteur en question était pertinent.
Donc, si le ministre décidait que la demande est acceptée ou rejetée parce que le délinquant a les yeux bleus, un juge dirait évidemment que ce facteur n'est pas pertinent. Mais le libellé qui est proposé ici — « ou on permet au ministre de tenir compte de tout autre facteur qu'il juge pertinent » accorde au ministre un pouvoir discrétionnaire absolu pour ce qui est de déterminer quels facteurs sont pertinents. Pour moi, cet article vise à contourner le contrôle judiciaire, comme l'ont affirmé justement d'autres témoins qui étaient d'avis que c'était la raison d'être du législateur — en d'autres termes, éviter les actions en justice que pourraient intenter des personnes qui seraient convaincues que le ministre n'avait pas respecté ses obligations et voudraient l'empêcher de le faire en toute impunité.
Je vous fais remarquer que les autres dispositions de la loi continuent de s'appliquer. Donc, si le ministre rejetait une demande en invoquant un facteur, en vertu de l'alinéa l), que d'autres jugeaient douteux, il serait obligé de fournir des motifs écrits à la personne dont la demande aurait été rejetée. Ces motifs seraient du domaine public et pourraient ensuite faire l'objet d'un contrôle judiciaire, si le demandeur estimait qu'un tel contrôle était justifié.
Oui, mais cet alinéa donne un pouvoir absolu au ministre. C'est l'article où l'on dit: « Je suis le ministre et je juge bon de tenir compte de ceci ». On parle de « tout autre facteur qu'il juge pertinent ». Donc, il peut dire: « C'est moi le ministre, j'estime que tel facteur est pertinent, et il n'y aura donc pas de contrôle judiciaire. » Voilà ce dont il est question dans cet article.
Je me permets de préciser que si, au moment de prendre la décision, le ministre tient compte — c'est un scénario hypothétique — de la couleur de cheveux du délinquant et s'appuie là-dessus pour refuser le transfèrement, ses motifs seraient communiqués ouvertement et en toute transparence à l'intéressé, qui pourrait ensuite prendre les mesures qui lui semblent appropriées. Les décisions judiciaires qui ont été rendues jusqu'ici présentent néanmoins de nombreux conseils sur ce qui peut être jugé pertinent dans exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre.
Les cours ont déclaré que les facteurs énumérés ne sont pas exhaustifs. Ils ont également statué que, si le ministre tient compte d'un facteur qui n'est pas précisé dans la loi, ce facteur doit être en rapport avec l'objet de la LTID.
Le projet de loi repose sur un objectif précis. On ne peut pas simplement, en y incluant un article omnibus, comme celui qui est proposé, créer une disposition en vertu de laquelle le ministre ne serait pas assujetti à la loi, de sorte qu'il prenne des décisions qui ne cadrent pas du tout avec l'objet de la loi elle-même, qui est le transfèrement international des délinquants et le contexte dans lequel s'opèrent de tels transfèrements. Selon moi, votre préoccupation ne se concrétiserait pas.
Mme Campbell vous a demandé de répondre à ma question originale, qui était la suivante: « Si nous éliminons l'alinéa l)… parce que, d'après votre analyse, le problème de la terminologie “ peut tenir compte ” par opposition à “ tient compte ” — était causé par l'alinéa l). Donc, on peut supposer que, si l'on élimine l'alinéa l), après votre première analyse, le maintien de l'expression “ tient compte ” ne poserait pas de problème en ce qui vous concerne. »
Si vous éliminez l'alinéa l) dans la version actuelle du projet de loi, strictement parlant, vous pourriez conserver l'expression « tient compte », car les tribunaux vont toujours considérer que la liste qui figure dans la loi n'est pas exhaustive. Ils diront que, étant donné que la liste n'est pas exhaustive, le ministre peut tenir compte de tout facteur qu'il juge pertinent, dans la mesure où ce facteur cadre bien avec l'objet de la loi. C'est ce que les tribunaux ont déjà dit à propos de la loi telle qu'elle existe maintenant, et cela ne changera pas.
Cela me rappelle le vieil adage qui dit que lorsqu'on pose une question à trois avocats, on obtient 10 opinions différentes. En ce qui me concerne, le débat actuel est tout à fait productif, et j'estime que les arguments des uns et des autres sont valables jusqu'à un certain point.
Je tiens à rassurer M. Laprade — étant donné que c'est moi qui propose l'amendement en question — au sujet de mon intention: en proposant de remplacer « peut tenir compte » par « tient compte », je ne cherchais aucunement à forcer un résultat particulier. J'étais donc un peu perplexe en entendant vos premières remarques qui réagissaient à cette notion-là, car ce n'est pas du tout ce que nous cherchons à faire de ce côté-ci de la table.
La question fondamentale est d'ordre juridique, à savoir, en tant que législateurs, souhaitons-nous rédiger une mesure législative qui oblige le ministre à tenir compte de certains facteurs, ou préférons-nous laisser le soin au ministre de déterminer quels facteurs devraient être pris en compte? Voilà la question.
Voilà 20 ans que je traite cette question de la terminologie — « doit » par opposition à « peut » — en tant qu'avocat, et je considère que c'est une question tout à fait légitime dont le fondement est bien établi en droit. Encore une fois, j'insiste sur l'argument de M. Kania: exiger que le ministre tienne compte de certains facteurs ne signifie pas que sa décision peut être renversée pour n'importe quelle autre raison, à moins que le ministre néglige de tenir compte de ces facteurs. C'est simplement que les tribunaux devront assurer que le ministre a effectivement tenu compte des facteurs énumérés. Cela ne signifie pas que les facteurs sont nécessairement présents; il s'agit simplement pour le ministre d'en tenir compte.
Je tiens à préciser également, puisque vous avez soulevé la question du lien entre « tient compte » et l'alinéa l)… premièrement, je tiens à dire que le NPD a déposé un amendement visant à supprimer l'alinéa l). Deuxièmement, s'agissant de l'alinéa l) — et voilà un de mes arguments à ce sujet, que je ne compte pas vous exposer en détail…
D'accord, monsieur le président, mais M. MacKenzie a demandé au conseiller juridique de se prononcer sur la question, et comme il a soulevé ce point, je peux également l'aborder en passant.
À vrai dire, nous n'avons besoin d'aucun des autres facteurs; il suffirait de conserver l'alinéa l). Pourquoi ne pas dire tout simplement… Lorsque le ministre est appelé à examiner une demande de transfèrement — je propose un libellé: « Il peut tenir compte de tout facteur qu'il juge pertinent »? Voilà; c'est fait. On n'a besoin de rien d'autre.
Je voudrais également faire savoir à M. Kania que, même si je suis généralement d'accord avec lui, il y a un point sur lequel nous ne sommes pas d'accord. Je m'explique: il y a une légère différence — mais une différence profonde et critique — entre un article omnibus qui dit « et tout autre facteur pertinent » et un article qui dit « et tout autre facteur que le ministre juge pertinent ». Ce sont deux choses bien différentes car, dans le premier exemple, le critère de la pertinence, qui est bien établi en droit, crée justement un critère objectif et donne lieu à un examen objectif de la situation. Le deuxième exemple fait état d'un examen objectif dans le contexte d'une décision subjective.
J'ai acquis beaucoup d'expérience dans le domaine du droit administratif au cours de ma carrière, et je peux vous dire que vous avez raison: cela ne donne pas le droit à un arbitre d'inventer un facteur pervers et irrationnel en disant qu'il est pertinent. Les tribunaux auront toujours le droit de contrôler les décisions, mais disons que le critère est moindre s'il s'agit de déterminer que le facteur en question était pertinent pour le ministre, par rapport à une situation où quelqu'un doit simplement se demander si le facteur est pertinent ou non. On aura davantage tendance à s'incliner devant le jugement d'un ministre qui exerce son pouvoir discrétionnaire subjectif en déterminant ce qui est pertinent.
Bien sûr, je suis d'accord avec vous concernant la nécessité absolue de s'assurer que, dans le contexte de son examen, les facteurs qui influencent la décision ne sont ni pervers, ni irrationnels et qu'ils sont directement liés à la décision. J'ai apprécié vos observations devant nous aujourd'hui mais, sauf votre respect, je ne pense pas que tout cela change le fait que la question fondamentale que doit trancher le comité est celle-ci: Souhaitons-nous exiger que le ministre tienne compte de certains facteurs ou préférons-nous le laisser exercer son pouvoir discrétionnaire quant à l'opportunité d'en tenir compte?
Monsieur Laprade, lorsque j'évalue l'ensemble du projet de loi, je constate qu'il n'y a pas d'analyse criminologique. D'ailleurs, plusieurs projets de loi suivent cette tendance.
Lorsqu'il s'agit d'un transfert de détenus d'un État à un autre, ou même d'une institution à une autre au sein du Canada, l'analyse du risque n'est pas la même que celle effectuée lors d'un transfert de détenus d'une institution vers l'extérieur; elle n'est pas la même.
En étudiant le projet de loi, on s'aperçoit que, selon l'analyse du risque qui y est faite, c'est comme si on accordait une libération aux détenus des institutions étrangères. Prenons en exemple l'alinéa 10(1)h), soit « le refus du délinquant de participer à tout programme de réhabilitation ou de réinsertion sociale ». Il s'agit d'un critère d'évaluation du risque de la libération, et non pas d'un transfert d'une institution à une autre. Par ailleurs, « le fait que le délinquant a reconnu sa responsabilité » est un des critères typiques utilisés pour évaluer le risque lié à la libération.
Non seulement ce projet de loi cause-t-il des problèmes quant à la subjectivité du pouvoir et du devoir, mais certains des critères énoncés n'ont absolument rien à voir avec des critères à considérer, du point de vue criminologique, lors du transfert d'un détenu d'une institution carcérale à une autre. Pourtant, ces critères sont extrêmement pertinents pour une analyse du risque en vue d'une libération. Cela existe déjà dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Les agents le font tous les jours, en évaluant la reconnaissance du délit, la participation aux programmes, etc.
Selon moi, ce projet de loi a fondamentalement manqué sur le plan d'une analyse criminologique. Je ne vous en blâme pas du tout, peut-être cela n'a-t-il rien à voir avec vous. Vous ne faites sûrement qu'appliquer ce que l'on vous demande. Or, c'est systématique, monsieur Laprade. Ce manque d'analyse criminologique se retrouve dans tous les projets de loi déposés par le gouvernement. Peut-être serait-ce une bonne chose que d'avoir un criminologue parmi vous. Cela rendrait peut-être ces projets de loi bons non seulement sur le plan criminologique, mais aussi sur le plan législatif.
Personnellement, en tant que criminologue, j'estime que ce projet de loi requiert énormément d'amendements, notamment dans le fait de pouvoir et de devoir.
Ai-je vu une main se lever là-bas? Monsieur Rathgeber?
Je n'ai plus personne sur la liste d'intervenants. Êtes-vous prêts à vous prononcer sur la question?
Il y a néanmoins un élément à régler pour ce qui est du libellé. Il s'agit d'un sous-amendement à l'amendement, à savoir la proposition de Mme Mendes concernant la version française du texte qui vise, comme l'a dit Mme Mourani, à faire en sorte que cette dernière cadre davantage avec la version anglaise.
Donc, le premier vote portera sur ce sous-amendement, visant à faire en sorte que le libellé soit le même en français qu'en anglais. Êtes-vous tous en faveur du sous-amendement proposé par Mme Mendes à l'amendement de M. Davies?
(Le sous-amendement est adopté.)
Le président: Êtes-vous prêts à vous prononcer sur l'amendement? L'amendement est-il adopté?
(L'amendement est adopté avec dissidence.)
Le président: L'amendement NPD-2 est identique à l'amendement L-1.
Encore une fois, vous travaillez ensemble, d'après ce que je peux voir. Vous présentez essentiellement le même amendement, ce qui est bien.
Je vais demander à M. Davies de nous présenter l'amendement NPD-2.
Permettez-moi de vous corriger. Les libéraux et le NPD n'ont pas travaillé ensemble pour la préparation de cet amendement. Il se trouve que nous avons tout simplement tiré les mêmes conclusions.
Dans le même ordre d'idées des observations que j'ai faites précédemment, l'objet de cet amendement consiste à supprimer les mots « à son avis » que propose le gouvernement conservateur dans ce projet de loi, puisque ce dernier ajoute au texte l'expression « à son avis ».
Encore une fois, nous préférons que la norme soit objective, plutôt que subjective. En vertu du projet d'alinéa 10(1)a), qui est actuellement à l'étude, le ministre devrait tenir compte, selon le libellé actuel, du fait que « à son avis, le retour au Canada du délinquant constituera une menace pour la sécurité du Canada ». Sauf votre respect, j'estime qu'il s'agit là d'un amendement dangereux et inopportun, puisqu'il s'agirait de remplacer une norme objective par une norme subjective par rapport avec la prise en compte de certains facteurs.
Encore une fois, je me suis chargé d'un grand nombre de dossiers liés au droit administratif et au contrôle judiciaire au cours de ma carrière, et je sais que si ce changement que propose le gouvernement conservateur devrait être adopté, dans le contexte d'une demande de contrôle judiciaire, la première question que les gens se poseraient serait de savoir si le juge serait influencé ou non par la décision délibérée du Parlement d'inclure dans le texte ce bout de phrase « à son avis ». Je sais qu'il y a certains critères à respecter en matière de rédaction législative, dont celui qui consiste à s'assurer que les mots qu'on inscrit dans une loi ont un sens.
Une autre règle de la rédaction législative est que les textes correspondent bien à l'intention du Parlement. Si nous modifions la loi pour inclure les mots « à son avis », en réalité, nous édulcorons le critère objectif qui s'y trouve en y ajoutant un élément de subjectivité. À ce moment-là, la question est de savoir si l'opinion du ministre peut faire l'objet d'un contrôle.
Encore une fois, comme je vous l'ai déjà dit, cela n'inclut pas toute la gamme de possibilités. Cela n'ouvre pas la porte à l'inclusion de tout élément qui pourrait passer par la tête du ministre. Pour moi, ce serait toujours circonscrit, comme l'a dit M. Laprade, puisqu'il ne pourrait pas s'agir de facteurs pervers ou irrationnels; par contre, le critère applicable serait élargi de façon à inclure l'opinion subjective du ministre de l'époque, ce qui est injuste. Pour moi, cet ajout influerait également sur la capacité de nos tribunaux de déterminer si la décision est juste ou non.
J'exhorte donc mes collègues à conserver dans le texte une norme objective en droit, en vertu de laquelle le ministre prend la décision, mais cette dernière est ensuite contrôlée en fonction de faits et d'un raisonnement objectifs, et non en fonction de l'opinion d'une personne.
Monsieur le président, je sais que M. Davies est avocat spécialisé en droit du travail depuis longtemps et qu'il a sûrement plaidé devant de nombreux tribunaux. Mais, sans vouloir le contredire, je ne crois pas que ce soit à lui de déterminer quel serait ou non l'avis d'un juge. Pour ma part, j'ai été de l'autre côté à plusieurs reprises, et je sais que les avocats ont tendance à faire valoir les deux côtés pour que le juge puisse décider lui-même de ce qui convient. Mais il n'appartient pas à cet organe de déterminer à l'avance ce que diront les juges.
De même, je pense qu'il est tout à fait juste qu'un tribunal, s'il en arrive là, examine la pertinence des éléments retenus par le ministre. Dans ce contexte, les questions à trancher sont plus nuancées que cela. Il s'agit de questions qui sont tranchées en fonction de certaines opinions, mais ce sont les opinions de fonctionnaires qui étudient les demandes et appliquent la loi telle qu'elle existe.
Je sais que les membres de la coalition parleront de ce que font les conservateurs, mais ce sont des lois qu'appliqueront le gouvernement du Canada et le ministre qui sera au pouvoir. Il dit que ce sont les conservateurs qui imposent cela. Mais il est bien possible que ce soit son propre parti à un moment donné. Il pourrait s'agir aussi d'un parti de coalition.
Au moins ce sont autant d'éléments que les fonctionnaires qui font des recommandations au ministre auront dans leur boîte à outils, si vous voulez. Pour moi, c'est logique. À mon avis, tout n'est pas noir ou blanc dans ce contexte. Je pense que les fonctionnaires vous diront qu'ils tiennent compte de tous ces éléments avant de faire une recommandation au ministre.
Si nos amendements sont identiques, c'est moins parce que nous avons travaillé ensemble que parce que les défauts du texte sont tellement flagrants qu'on n'a guère d'effort à faire pour rédiger l'amendement qui s'impose…
De plus, quand M. MacKenzie parle de coalitions, je ne suis pas sûr de comprendre de quelle coalition il parle. Est-ce la coalition entre les conservateurs et le Bloc sur la question des pardons ou encore…?
Quoi qu'il en soit de façon générale, l'argument sur lequel il convient d'insister dans ce contexte concerne le fait que, si vous regardez le texte sans l'ajout des mots « à son avis », il est clair qu'on laisse le soin aux tribunaux de déterminer ce que ferait une personne raisonnable… Disons que le tribunal s'appuie alors sur ce que pourrait être l'opinion d'une personne ordinaire, moyenne et raisonnable concernant les conclusions à tirer à partir des faits qui sont devant elle concernant la possibilité que le délinquant présente un risque. Si vous proposez d'incorporer dans le texte les mots « à son avis », c'est uniquement pour baisser la barre; et c'est justement ce que vous faites si la norme devient, l'opinion, non pas d'une personne raisonnable, mais du ministre.
À partir de maintenant, vous demanderiez au tribunal de déterminer si le ministre considère que le transfèrement du délinquant constitue une menace. Pour prendre un exemple extrême, si vous avez affaire à un ministre paranoïaque qui a, de façon légitime, peur de tout — en fait, on n'a pas à chercher trop loin pour trouver un tel exemple — et qui voit des risques partout — tout d'un coup, les tribunaux pourraient décider que oui, effectivement, à son avis, tout fait peur et tout représente un risque. Il est évident que j'exagère pour illustrer mon propos, mais le fait est que cet ajout baisse la barre de manière importante.
Ce qui m'amène, de façon plus générale, à aborder le point soulevé par M. MacKenzie tout à l'heure au sujet de la recevabilité de nos amendements. Je commence à me demander si le véritable objet du projet de loi — contrairement à ce qui est annoncé — n'est pas tout simplement de baisser la barre, pour que vous n'ayez pas à vous préoccuper de multiples contestations judiciaires. Je me demande si le véritable objet du projet de loi n'est pas en fait de s'assurer que le ministre aura désormais les coudées plus franches de façon à faire exactement ce qu'il veut.
Pour en revenir à l'argument avancé par M. Kania tout à l'heure, et sans vouloir vous contredire, si le ministre a une idée derrière la tête, ce projet de loi lui permettra de faire semblant d'être préoccupé par un risque particulier, de fournir quelques éléments pour prouver que telle est la nature de sa préoccupation, et à ce moment-là, il sera presque impossible de contester sa décision. Cela crée une sorte de mur ou de forteresse autour de la décision du ministre, malgré le peu de preuves qui aurait été fourni. Cela permet au ministre de bénéficier d'une protection à toute épreuve par rapport à ce qu'il aurait jugé important ou inimportant. Pour moi, il s'agit là d'un objectif bien différent par rapport à ce qu'on nous a présenté comme étant l'objectif et c'est peut-être la raison pour laquelle nous n'avons pas le même point de vue en ce qui concerne la recevabilité ou non des amendements.
Si je peux me permettre un commentaire général par rapport au travail qu'il nous reste à faire — et je ne compte pas répéter cet argument — il est tout à fait critique, à mon avis, que nous ne baissions pas la barre. Gardons la barre là où elle est actuellement placée dans la loi actuelle, ou la norme et l'opinion « d'une personne raisonnable ». Une personne raisonnable serait-elle d'avis que tel ou tel autre facteur est pertinent et justifie le refus du transfert? Voilà une norme appropriée et intelligente à appliquer. Baisser la barre n'a absolument aucun sens, à mon avis.
Je tiens à informer les membres du comité que je compte voter contre tous les amendements que proposent le NPD et les libéraux, mais que je compte exposer mes objections une seule fois, pour les fins du compte rendu.
L'objet du projet de loi consiste à remplacer quatre critères que le ministre doit obligatoirement prendre en compte par 12 ou 13 critères facultatifs dont le ministre peut tenir compte s'il les juge pertinents. Presque tous les amendements proposés — ou peut-être même tous — éliminent le pouvoir discrétionnaire du ministre et rendent obligatoire la prise en compte des 12, 13 ou 14 différents éléments. À mon avis, les amendements qui ont été proposés sont tout à fait contraire à l'intention du projet de loi dont le comité a été saisi par la Chambre.
Par contre, étant donné que le président a déjà déterminé que le premier amendement est recevable, j'imagine que la décision sur les autres amendements sera semblable. Or, selon moi, tous ces amendements vont à l'encontre du premier objet du projet de loi, qui est de permettre au ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire quant aux 12 ou 13 facteurs énumérés. Ces amendements visent de toute évidence à éliminer ce pouvoir discrétionnaire, et je compte donc voter contre chacun d'entre eux.
Ayant exposé mes objections pour les fins du compte rendu, je m'en remets à la décision du président.
Par rapport à l'ajout du bout de phrase « le fait que, à son avis », qui est ajouté un peu partout — à la page 2, on retrouve cette expression au projet d'alinéa 10(1)d) et e) — il n'y a qu'une raison de vouloir inclure ces mots. Il s'agit simplement de protéger davantage le pouvoir discrétionnaire exercé par le ministre, en cas de contrôle judiciaire. Il s'agit d'une tentative pour éviter le contrôle judiciaire et pour empêcher les juges de dire au ministre qu'il a pris la mauvaise décision comme les tribunaux l'ont justement fait récemment par rapport à des décisions du gouvernement actuel.
Donc, en ce qui me concerne, relativement à l'objet du projet de loi, qui consiste à « renforcer la sécurité publique » — c'en est un, du moins —je considère que cela n'a pas de sens de… C'est ce que disait en partie mon collègue du NPD tout à l'heure, et il a raison. Élargir davantage le pouvoir discrétionnaire du ministre — lui permettre essentiellement de faire exactement ce qu'il veut — n'a aucunement aucun sens. Si vous supprimez le bout de phrase « à son avis » dans ces divers articles, vous allez simplement obliger le ministre à tenir compte des facteurs concernés au moment de prendre sa décision.
Pour situer ça à un autre niveau, en réalité, en ajoutant « à son avis » au texte législatif, vous permettez en réalité au ministre de ne pas tenir compte de ce facteur-là, ce qui pourrait être contraire à la protection de la sécurité publique et aux intérêts supérieurs des Canadiens; deuxièmement, vous éliminez — en tout cas, vous réduisez la possibilité de faire accepter une demande de contrôle judiciaire, et ce pour éviter les décisions judiciaires que le gouvernement n'aime pas, à cause des mesures qu'il a prises précédemment.
Donc, du point de vue de la réaction d'une « personne raisonnable », je dois dire que je ne comprends pas les modifications qui sont proposées à la loi.
Deuxièmement, je vois mal comment elles pourraient permettre de renforcer la sécurité publique. Deuxièmement, en ce qui me concerne, elles sont contraires à la primauté du droit.
Je voudrais rapidement soulever deux points. Premièrement, les conservateurs proposent de modifier la loi actuelle en y ajoutant les mots « à son avis », et on peut donc supposer que cette modification signifie quelque chose. Ils ont certainement une intention en proposant d'ajouter ces mots-là. Évidemment, comme M. Holland l'a expliqué avec éloquence, ils essaient de transformer une norme objective qui peut être examinée sur une base objective, de sorte qu'un tribunal détermine, par rapport au projet de paragraphe 10(1)a) dans quelle mesure le retour au Canada d'un délinquant constitue « une menace pour la sécurité du Canada ». Ils essaient d'y incorporer, comme critère, la mesure dans laquelle ce serait l'avis du ministre.
Voilà qui m'amène à mon deuxième point: cet article accorde beaucoup trop de pouvoir à une seule personne, à mon humble avis. À ce moment-là, c'est au ministre de la Sécurité publique en poste de déterminer — et il n'y a que lui qui puisse le décider — dans quelle mesure le retour au Canada d'un délinquant pourrait constituer une menace pour la sécurité du Canada. Encore une fois, je m'inquiète de ce que la norme de contrôle judiciaire soit modifiée pour le tribunal, qui ne pourrait plus déterminer s'il existe des éléments sur lesquels pourrait s'appuyer une personne raisonnable pour décider que le retour au Canada du délinquant constituerait effectivement une menace pour la sécurité du Canada. Le critère applicable est donc modifié, étant donné qu'il ajoute au texte certains mots — mots qui doivent nécessairement changer la donne. La situation ne peut plus être la même.
Je voudrais également vous signaler que, autant que je m'en souvienne, d'après les témoignages qu'a reçus le comité — et Mme Campbell ou quelqu'un d'autre pourra me corriger si je me trompe — la jurisprudence actuelle relative au contrôle des décisions ministérielles ne permet pas de conclure qu'il existe un problème grave pour ce qui est du renversement des décisions ministérielles au Canada. Je ne pense pas que ce soit le cas. À mon avis, un faible nombre de dossiers ont fait l'objet de contrôle judiciaire jusqu'ici et très peu de décisions ministérielle ont fini par être renversées. Voilà ce que j'ai retenu des témoignages que nous avons entendus.
Je désire également faire quelques remarques à l'intention de M. Rathgeber. Les propos de Herbert Spencer concernant les problèmes d'outrage avant l'enquête sont bien connus. Je modifierais légèrement sa formule pour dire qu'on devrait accuser d'outrage ceux qui indiquent la façon dont ils vont voter avant même d'avoir écouté le débat, puisque M. Rathgeber a déjà déclaré qu'il votera contre chacun des amendements, avant même de les avoir entendus.
Je sais d'ores et déjà que c'est une décision non éclairée, puisqu'il a déclaré que le projet de loi renferme 12 ou 13 facteurs à l'égard desquels le ministre pourra exercer son pouvoir discrétionnaire. Or, s'il avait réellement lu le texte des amendements, il saurait que ces derniers cherchent à supprimer au moins quatre des critères en question. Donc il ne s'agit pas de 12 ou 13 critères; nous essayons d'en réduire le nombre. Je l'exhorte donc à garder l'esprit ouvert, et à écouter le débat et les observations des uns et des autres sur chaque amendement, comme nous devrions tous le faire, à mon avis. Il convient, selon moi, d'écouter respectueusement tous les arguments qui sont avancés et d'examiner tous les amendements qui sont proposés.
Je voudrais dire encore une fois, et je conclus mes remarques au sujet de M. MacKenzie, que rien dans ce que j'ai dit jusqu'à présent ne doit laisser entendre que je sais ce qu'un juge va décider ou ne pas décider. Par contre, je sais que M. MacKenzie n'est pas avocat, alors que j'ai parlé tout à l'heure des critères relatifs à la réduction législative; je voudrais donc lui expliquer ce que cela signifie.
En droit, il existe des règles d'interprétation législative. C'est le genre de choses qu'on vous apprend à la faculté de droit; vous apprenez comment les juges interprètent les lois. Il existe une série de règles à ce sujet, et l'une d'entre elles est que chaque mot qu'on retrouve dans une loi doit avoir un sens. J'essaie simplement de vous faire comprendre par là que, si vous incorporez dans le texte de la loi les mots « à son avis », vous modifiez obligatoirement la façon dont un juge va interpréter cet article. Ce dernier va comparer ancien texte législatif au nouveau et il remarquera que le Parlement y a ajouté ce bout de phrase.
On peut facilement prévoir, tout comme on peut prévoir qu'il pleuvra à Vancouver en février, qu'un juge y verra, de la part du Parlement, une volonté concrète de modifier le critère actuel, c'est-à-dire de remplacer l'actuel critère objectif par un critère subjectif, soit l'opinion du ministre. Je maintiens qu'une disposition qui permet à une seule personne au Canada — en l'occurrence, le ministre de la Sécurité publique, et non le ministre de la Justice — de prendre la décision au sujet du lieu d'incarcération d'un délinquant et la mesure dans laquelle un citoyen canadien a le droit de revenir au Canada et de purger sa peine dans un établissement canadien, que ce soit souhaitable ou non, constitue un ajout à la fois malheureux et malavisé à notre droit canadien.
Je voudrais réagir aux propos de M. Davies. Premièrement, il va un peu loin lorsqu'il affirme que les gens ne lisent pas tous les amendements qu'il a proposés. Je lui fais remarquer qu'on pourrait en dire autant d'un budget: quand vous décidez de voter contre un budget avant de l'avoir lu, vous pouvez éventuellement vous tromper un peu.
Mais, il a parfaitement raison: je n'a pas fait d'études de droit. Par contre, je sais pertinemment qu'on n'apprend pas aux étudiants en droit de faire preuve de bon sens, alors que bon nombre de ces questions font justement appel au gros bon sens. Les tribunaux réussissent fréquemment à porter un jugement qui repose justement sur le bon sens.
Mais, ce que vous dites, me semble-t-il…
Une voix: Fréquemment…?
M. Dave MacKenzie: Écoutez, ne sous-estimez pas nos juges canadiens.
Ce que je voudrais faire, monsieur le président, c'est demander aux membres, aux fonctionnaires ici présents… Parce que, pour moi, ce débat n'a plus rien à voir avec le sujet à l'étude. Les membres de la coalition d'en face estiment qu'il s'agit là d'une mesure conservatrice purement partisane. Or, lorsque les libéraux étaient au pouvoir, ils approuvaient presque 100 p. 100 des demandes qui étaient déposées. Mais, au moment où nous commencerons à appliquer la loi, telle qu'elle est actuellement rédigée, il arrivera de temps à autre que des gens décident de soumettre leurs dossiers aux tribunaux. Si vous dites toujours « oui », il est évident qu'il ne peut jamais y avoir de contrôle judiciaire. Donc, quand nous avons commencé à appliquer les critères inscrits dans la loi… Ce projet de loi constitue une tentative, à mon avis — et les hauts fonctionnaires pourront vous en donner une bien meilleure analyse — pour établir le contexte dans lequel la société canadienne sera la mieux servie, en tenant compte des besoins des victimes.
Je n'ai rien entendu au sujet des victimes au Canada. Ce sont toujours les criminels à l'extérieur du Canada qui veulent revenir. Mais cette mesure répond aux préoccupations des victimes et des gens qui vivent au Canada. Je me demande si les fonctionnaires… On insiste beaucoup sur le rôle du ministre, mais c'est beaucoup plus large que cela. On ne doit considérer cette mesure législative, ni aucune autre mesure législative, comme étant rattachée au ministre actuel, un ancien ministre, ou un futur ministre… c'est une mesure appliquée par le gouvernement du Canada. Je me demande si les fonctionnaires ne pourraient pas nous expliquer un peu les antécédents de tout cela.
Je voudrais, tout d'abord, vous apporter un ou deux éclaircissements. S'agissant des contrôles judiciaires effectués jusqu'ici qui sont liés à des décisions du gouvernement ou des tribunaux, je pense que, d'après les chiffres que nous vous avons fournis à une séance précédente, il y a eu jusqu'à présent six demandes de contrôle judiciaire qui ont été rejetées, ce qui veut dire que le gouvernement a eu gain de cause, alors que dans quatre cas, la demande de transfèrement a été accordée. Ces chiffres concernent une dizaine de dossiers examinés par la Cour fédérale depuis 2004. Cinq décisions ont été rendues hier: deux demandes ont été rejetées, et trois demandes ont été accordées, ce qui donne sans doute comme résultat un nombre de rejets et d'acceptations à peu près équivalent.
S'agissant des décisions ministérielles, je suppose que mon point de vue à ce chapitre s'appuie sur le fait que je fais ce travail depuis 1985. Comme j'ai été responsable des transfèrements internationaux au ministère tout au long de cette période, je suis au courant de nombreuses décisions ou de discussions relatives à des transfèrements pendant ces années.
En tant que fonctionnaire, je reviens toujours sur l'article 6 de la loi actuelle, qui dit ceci: « Le ministre est chargé de l'application de la présente loi. » C'est donc le ministre qui en est responsable. Le ministre se fait toujours conseiller, bien entendu, mais il y a une différence, à mon humble avis, entre les opinions personnelles d'un ministre et une situation où le ministre agit au nom de la Couronne.
Sans vous révéler trop de choses — du moins, avant la publication du livre, je peux vous faire savoir qu'il est arrivé parfois qu'un ministre exprime une opinion davantage personnelle. Je peux vous garantir que les fonctionnaires ont l'obligation de rappeler au ministre — et n'hésitent aucunement à le faire — les paramètres qui doivent influencer sa décision. Donc, si je peux me permettre de m'exprimer clairement, nous ne parlons pas d'une situation où le ministre est assis tout seul à prendre une décision personnelle au sujet d'un dossier. Le ministre agit conformément à la loi en tant que ministre de la Couronne.
S'agissant de l'ajout des mots « à son avis », il est évident que des gens raisonnables peuvent ne pas être d'accord sur l'incidence de ces mots sur le critère applicable mais, selon moi, ce bout de phrase vise surtout à clarifier que c'est le ministre qui est chargé de l'application de la loi. C'est le ministre qui doit prendre les décisions et qui devra se laisser guider par les conseils qu'on lui donne. M. Laprade vous a fait remarquer un extrait d'un jugement d'hier qui dit ceci: « S'il est vrai que le ministre n'est pas lié par l'avis fourni par son ministère, il lui faut tout de même dire pourquoi il arrive à une conclusion contraire ».
Donc, même si le ministre adopte une position qui est contraire aux conseils qu'on lui a fournis — ce qui arrive à l'occasion — il reste que, dans le cadre de la LTID, selon les tribunaux, cette décision doit être raisonnable et rationnelle et être conforme à la jurisprudence. Donc, tout ce que je peux vous dire, d'après notre optique, est que les mesures proposées visent à clarifier la situation. Je comprends très bien l'argument selon lequel les tribunaux demandent à savoir pourquoi une loi a été modifiée — il doit y avoir une raison. Parfois la raison est une raison plutôt large qui concerne le font. À d'autres moments, la raison concerne tout simplement le désir de tirer au clair la situation, d'après mon expérience. Je ne sais pas si je peux vous dire autre chose d'utile à ce sujet.
Je reviens à l'un des objectifs de ces changements à la loi, qui est de renforcer la sécurité publique. Il me semble qu'une chose est prouvée et que ce n'est pas seulement un voeu pieux de partis plus libéraux, si on veut: la sécurité publique est de loin mieux servie si on garde la possibilité d'encadrer, de suivre et, surtout, de réhabiliter des délinquants. On parle ici de délinquants qui ont commis des crimes à l'étranger, pas au Canada, on s'entend. Les fameuses victimes dont parle M. MacKenzie ne sont pas au Canada, elles sont à l'étranger. On veut bien sympathiser avec les victimes, mais on doit se souvenir que notre gouvernement est responsable de nos citoyens, qu'ils soient délinquants ou pas. Si on les ramène au Canada pendant qu'ils sont encore en train de subir une peine de prison, on a une chance de pouvoir les réhabiliter et de les suivre. S'ils arrivent au Canada une fois qu'ils ont purgé la peine, on ne peut pas conserver la trace de ces personnes. On a répété cet argument à je ne sais combien de reprises. Je ne vois donc vraiment pas en quoi ces modifications proposées par le gouvernement vont renforcer la sécurité publique. Je ne le comprends pas du tout. Au contraire, elles vont éliminer toute chance d'avoir un suivi des délinquants qui commettent des crimes à l'étranger et qui reviennent au Canada.
Je voulais revenir sur un commentaire de M. Davies au sujet de M. MacKenzie.
En fait, monsieur MacKenzie, je vais défendre votre position car, même si vous n'êtes pas avocat, il est évident que vous avez eu une carrière distinguée comme agent de police et chef de police. Je suis donc convaincu que le principe de l'interprétation législative dans le contexte de la rédaction législative vous est familier.
Je dois dire — et c'est un compliment que je vous fais — que vous avez sans doute du mal à défendre et à appuyer des projets de loi de ce genre parce que vous êtes quelqu'un de raisonnable. Selon moi, ce projet de loi en fait partie.
S'agissant de votre observation que « personne ne parle des victimes au Canada », eh bien, dans le cas de ces délinquants, leurs victimes sont à l'étranger. Vous parlez des « victimes au Canada » en disant que nous ne tenons pas compte de leurs besoins… mais ces dernières ne sont pas au Canada.
Regardons de plus près l'analyse du projet de loi. Il s'agit ici de transférer un délinquant incarcéré à l'étranger dans une prison au Canada. Il ne s'agit pas de le libérer, de sorte qu'il soit dans la rue. Il s'agit d'un simple transfèrement d'une prison à une autre. Donc, au niveau de la sécurité publique, je ne vois vraiment pas en quoi cela puisse poser problème.
Pour ce qui est des avantages du transfèrement, notons le fait que la famille du délinquant peut à ce moment-là le voir et reprendre contact avec lui, ce qui contribue, selon moi, à l'atteinte de l'objectif plus général, c'est-à-dire la réadaptation et la réinsertion de ces personnes. Le fait est que presque toutes ces personnes finiront à un moment donné par être libérées et réintégrées dans la société canadienne. Donc, si elles vont être réintégrées dans la société canadienne, nous devons nous assurer qu'elles ont accès aux programmes de réadaptation nécessaires alors que de tels programmes ne sont pas disponibles dans bien des pays du monde.
L'autre point qui a été soulevé à maintes reprises concerne le casier judiciaire. Si le délinquant est incarcéré et purge sa peine à l'étranger, si bien qu'il n'a pas de casier judiciaire lors de son retour au Canada, il nous est impossible d'exercer quelque contrôle que ce soit sur lui. À mon avis, il est préférable que ces détenus — à moins qu'il n'y ait de très bonnes raisons de ne pas le faire — soient rapatriés au Canada, bénéficient de programmes de réadaptation et soient finalement libérés selon les conditions de notre système. Le délinquant est libéré conditionnellement et continue d'être contrôlé et, à ce moment-là, nous protégeons les Canadiens de façon responsable, à mon avis.
À vrai dire, la philosophie qui sous-tend ce projet de loi est la suivante: les députés d'un côté de la table souhaitent garder les délinquants à l'étranger au lieu de les rapatrier, alors que les députés de l'autre côté de la table estiment qu'il est préférable — sauf dans certains cas, évidemment, si le retour du délinquant peut donner lieu à des problèmes de sécurité publique — de les ramener au Canada, de les faire profiter de programmes de réadaptation et de s'assurer qu'ils peuvent être contrôlés au moment d'être réintégrés dans la société. Voilà la meilleure façon de protéger le public canadien. Pour moi, c'est ainsi que se caractérise le clivage philosophique entre les deux camps.
Vous avez parfaitement le droit de croire cela. Nous ne sommes pas du même avis, et vous le savez; or, quand on analyse les divers arguments avancés en faveur de votre position, ils ne me semblent pas rationnels, surtout quand vous parlez des victimes, étant donné que les victimes sont à l'étranger.
Je pense qu'il est temps de faire davantage porter le débat sur les éléments avec lesquels nous sommes tous d'accord. Je pense que tout le monde autour de cette table reconnaît qu'il faut une loi sur le transfèrement international des délinquants.
Au nom du parti néo-démocrate, je peux vous affirmer que nous estimons également que, lorsque quelqu'un a été déclaré coupable d'une infraction à l'étranger, il doit y avoir un processus permettant de déterminer si sa situation est telle que nous devrions envisager de le ramener au Canada pour purger sa peine ici. À ce chapitre, M. MacKenzie disait qu'on n'avait pas du tout parler des victimes, mais le fait est que j'ai abordé la question des victimes pendant le débat. Même aujourd'hui, dans mon préambule au sujet du projet de paragraphe 10(1)b), qui propose trois critères différents à prendre en compte lorsqu'on doit décider si le demandeur devrait pouvoir purger sa peine au Canada, je disais que cet alinéa concerne justement la possibilité que le transfèrement du délinquant à une prison canadienne mette en péril la sécurité des victimes.
Dans certains cas, il pourrait y avoir des victimes au Canada. Il me semble néanmoins que, en règle générale, les victimes devraient normalement se trouver à l'étranger, mais il pourrait également y avoir des victimes au Canada, même si la peine a été prononcée à l'étranger. Les néo-démocrates sont d'avis que c'est une considération légitime à prendre en compte, et si le délinquant constitue effectivement une menace pour la sécurité de ces victimes, à ce moment-là, je n'aurais pas de mal à accepter que le ministre refuse la demande de transfèrement.
En réalité, la question que nous avons à trancher concerne la structure qui convient et comment on peut s'assurer de définir une procédure juste et équitable permettant de répondre à la question. Je suis d'accord avec Mme Campbell et je reconnais mon erreur: c'est effectivement le ministre de la Sécurité publique qui est chargé de l'application de la loi. Je comprends qu'il en est ainsi mais, d'un point de vue structurel, les néo-démocrates estiment qu'il n'est ni sain ni souhaitable que le pouvoir décisionnel soit exercé par une seule personne en fonction de son opinion subjective.
Je voudrais conclure en vous disant que, encore une fois, les néo-démocrates sont d'avis que les délinquants qui constituent une menace pour la sécurité du Canada ou pour d'autres citoyens canadiens, qu'ils soient en prison ou ailleurs, peu importe que d'autres facteurs énumérés dans la loi les empêchent d'être considérés comme de bons candidats pour purger leur peine au Canada, devraient obligatoirement être exclus du programme de transfèrement. Mais, comme je l'expliquais plus tôt, il faut tout de même garder à l'esprit qu'une personne déclarée coupable d'une infraction à l'étranger finira par retourner au Canada, si elle est libérée.
J'ai été touché par les témoignages que j'ai entendus, qui m'ont permis de comprendre que, lorsque cela se produit, si le délinquant a purgé sa peine à l'étranger au lieu d'être transféré à une prison canadienne, nous courons le risque de les voir revenir au Canada sans que nous sachions qu'ils ont été condamnés à l'étranger. Nous courons le risque que ces personnes réapparaissent dans nos collectivités sans que nous sachions qu'elles sont là. Il pourrait s'agir de délinquants sexuels. Mais nous ne serions pas au courant de leur présence. De même, nous perdrions la capacité de nous assurer que de tels délinquants ont accès aux programmes de réhabilitation en prison. Enfin, nous n'aurions plus la possibilité, dans le contexte de la peine qu'ils purgent, de les surveiller dans la communauté.
Tous ces éléments nous amènent à la conclusion que voici: ne pas transférer les délinquants finira, dans bien des cas, par rendre nos collectivités moins sûres et sécuritaires et plus dangereuses. Voilà ce qui motive les néo-démocrates. Nous ne cherchions absolument pas à modifier de fond en comble quelque projet de loi que ce soit. Par contre, nous souhaitons renforcer la sécurité publique et nous assurer d'adopter une approche équitable et judicieuse qui permet au ministre de prendre la bonne décision, tout en garantissant que le processus décisionnel est administré de façon équitable et judicieuse.
Les modifications que le gouvernement propose d'apporter à la loi auront des résultats, selon les néo-démocrates: elles donneront lieu à des collectivités moins sécuritaires tout en remplaçant une norme équitable et judicieuse par une norme subjective qui concentre le pouvoir décisionnel entre les mains d'une seule personne.
Je ne suis pas avocat, et tout le monde le sait. Je suis entrepreneur et j'ai écouté avec intérêt le débat aujourd'hui et les commentaires des uns et des autres, comme celui que vient de faire M. Kania au sujet du clivage philosophique et du fait que nous voulons simplement garder tous les délinquants dans des prisons étrangères, une affirmation si loin de la vérité que cela ne vaut même pas la peine de l'analyser.
C'était intéressant d'écouter l'opinion des experts qui nous ont parlé du système judiciaire qui rend les décisions et de la nécessité de s'appuyer sur la jurisprudence en cherchant à accroître la capacité du ministre à traiter des situations de tous genres. Il faut se garder de l'esprit de clocher et suivre la jurisprudence et les décisions judiciaires, parce que ces décisions sont rendues par des gens impartiaux. Elles sont rendues par des juges qui ne peuvent pas — et, à ma connaissance, ne sont pas non plus censés le faire — adopter une attitude philosophique ou idéologique particulière; ils doivent au contraire évaluer la preuve et déterminer s'il est ou non dans les intérêts supérieurs du Canada de permettre à un délinquant de revenir. Nous avons donc la jurisprudence comme fondement.
En examinant la question aujourd'hui, je vois bien que le débat est effectivement caractérisé par la prise de positions idéologiques partisanes, peut-être en vue de marquer des points politiques — dans le cas de la coalition, peut-être — mais en examinant la façon dont je devrais voter, je me dois d'écouter les propos des personnes qui ont de l'expérience dans ce domaine. Nous avons une personne au bout de la table qui est en poste depuis 1985 et qui est au courant des décisions qui ont été rendues. On vient tout juste de nous faire état des plus récentes décisions, celles qui viennent d'être rendues: si je ne m'abuse, nos tribunaux impartiaux ont rejeté deux demandes et en ont approuvé trois par suite d'un contrôle judiciaire.
Donc, il ne s'agit aucunement de concentrer le pouvoir décisionnel discrétionnaire entre les mains d'une seule personne et de demander à cette dernière d'administrer seule tout ce processus; il s'agit plutôt de lui donner de meilleurs outils qui vont lui permettre de mieux s'acquitter de ses responsabilités. Ce serait un peu comme si moi, qui suis entrepreneur, décidais que je n'achèterai pas de scie circulaire et que tous les employés devraient simplement se contenter d'utiliser une scie à main.
Je compte donc voter en faveur du projet de loi, tel qu'il est actuellement rédigé, car j'ai écouté les propos de part et d'autre et chacun a voulu y apporter un éclairage correspondant à la position de son parti. En ce qui me concerne, la jurisprudence, l'expérience et les raisons qui ont motivé le projet de loi et les améliorations qui sont proposées, pour permettre au ministre et au ministère de mieux s'acquitter de leurs responsabilités, sont autant d'éléments qui me semblent logiques et fondés.
La personne à qui je voulais surtout adresser mes premières remarques n'est pas dans la salle pour le moment, mais ce n'est pas grave. Parfois nous nous faisons des compliments, mais les compliments que vient de faire M. Kania il y a quelques minutes étaient plutôt équivoques, voire même condescendants, même si telle n'était pas son intention.
Je suppose que je réagis avec une certaine susceptibilité quand quelqu'un dit qu'il est malheureux que je ne sois pas avocat. Il me semble, au contraire, que l'un des grands atouts de notre Parlement est le fait qu'il…
Je ne suis pas tout à fait sûr de ce que j'avance, mais je sais qu'à la Chambre, il est interdit de mentionner qu'un député n'est pas présent. Je ne sais pas si la règle est la même en comité…
M. Rick Norlock: Si c'est le cas, je m'en excuse.
M. Don Davies: … mais si la règle est la même, M. Norlock vient juste de l'enfreindre.
En tout cas… J'ai un peu perdu le fil de ma pensée, mais je crois pouvoir le retrouver. Je disais que l'un des grands atouts du Parlement canadien, c'est qu'il se compose d'un groupe éclectique de Canadiens venant de tous les milieux et, en ce qui me concerne, c'était ce à quoi s'attendaient les fondateurs du système démocratique.
Mais il est bon que nous ayons un grand nombre d'avocats au Parlement; je trouve que c'est approprié et j'estime également qu'il est bon que le ministre de la Justice soit presque toujours, sinon toujours, avocat de profession, et que bien souvent, mais pas toujours, le ministre de la Sécurité publique soit également avocat, parce que ces deux ministres traitent des questions qui reposent sur le droit. Une autre chose positive est le fait que nous avons accès à des personnes indépendantes qui peuvent nous conseiller. Ces experts sont parmi nous aujourd'hui. Ce sont les personnes en qui la population canadienne a raison d'avoir confiance, et que nous, les parlementaires, félicitons souvent, comme nous venons de le faire, même si nous ne sommes pas nécessairement toujours d'accord avec leurs conseils. Tel est notre droit; c'est ainsi que fonctionne notre système.
Je voudrais maintenant vous parler des victimes qui sont ici. Je parle avec des Canadiens moyens. Je ne vais pas vous parler de cas précis, mais ces derniers entendent parler de personnes qui ont commis des crimes graves et répréhensibles à l'étranger que le gouvernement décide ensuite de ramener au Canada pour qu'elles purgent leurs peines ici. Je traite avec des gens qui vivent au jour le jour et qui ont du mal à garder un toit au-dessus de la tête. Quand ils entendent dire que cela coûte entre 100 000 $ et 120 000 $ par année pour garder quelqu'un en prison, ils me demandent pourquoi nous devons payer les frais de ces gens-là. Ils reviennent ici parce que la plupart des prisons dans les pays étrangers sont des endroits atroces. Pourquoi faut-il les rapatrier, me dit-on, et pourquoi devrais-je avoir à payer leurs frais?
Je vous assure que je leur fais valoir un certain nombre de très bons arguments en guise de justification. Dans bien des cas, c'est pour des raisons de réhabilitation. Dans bien des cas, c'est pour ceci, pour cela, ou pour autre chose. Mais ils acceptent mal ces arguments. C'est pour cela qu'il me semble important de permettre au ministre de la Sécurité publique, qu'il soit libéral ou conservateur — quel que soit le parti au pouvoir — d'avoir la capacité, moyennant certaines restrictions, de prendre de telles décisions.
En fin de compte, comme on vient de nous le dire, il arrive très fréquemment que ces décisions fassent l'objet d'un appel devant les tribunaux, voire même devant nos plus hautes instances judiciaires —, qui ont pour rôle de rappeler à l'ordre les élus — des ministres de la Couronne, éventuellement, et le ministre de la Sécurité publique — et de leur dire: « Vous avez tort ». Si l'intéressé continue à interjeter appel, la Cour suprême va peut-être finir par déclarer que: « Non, il faut ramener l'intéressé au Canada ». Et c'est cela qui va se faire à ce moment-là.
Je comprends que nous devrions avoir l'obligation de bien structurer les lois et de nous assurer qu'elles sont rédigées de telle façon qu'elles obtiennent le meilleur résultat en fonction de l'objectif fixé, pour que nous évitions les procédures judiciaires fort coûteuses qui sont à la disposition des citoyens. Je dirai simplement qu'il faut faire très attention.
Il faut également faire savoir à la population canadienne que tous les délinquants qui purgent une peine dans une prison étrangère ne souhaitent pas revenir au Canada. Je n'ai pas les chiffres, mais je soupçonne que, avant la fin de cette réunion, nous allons en obtenir. Il est probable que moins de 50 p. 100 des Canadiens incarcérés à l'étranger désirent revenir au Canada. Parmi ceux qui demandent à revenir, le ministre de la Sécurité publique rejette sans doute moins de 10 p. 100 de leurs demandes, voire même moins de 5 p. 100 de leurs demandes. Comme nous nous réunissons en public, je souhaite que les Canadiens soient au courant des arguments de part et d'autre et je pense que nous devions tous les garder à l'esprit, de même que ces statistiques.
Le Parlement est un lieu où règne l'esprit de parti. Les collègues qui se trouvent à mes côtés vont peut-être me gronder, mais le Parlement est un lieu où règne l'esprit de parti. Peut-être devrions-nous tout simplement prendre un autre café, une autre gorgée d'eau, ne pas être aussi soupçonneux des uns et des autres et tout simplement essayer de faire ce que nous dicte notre conscience.
Il se passe d'explication, monsieur le président. À mon avis, tous les arguments ont déjà été avancés dans le courant de discussions précédentes. Je n'ai pas l'intention de les répéter.
Je crois pouvoir dissiper la confusion. À la fois l'amendement LIB-2 et l'amendement NDP-3 suppriment le bout de phrase « à son avis », mais le NPD-3 ajoute également « pendant qu'il purge sa peine ». Je vais réexaminer mon amendement quand nous en serons là, mais je peux vous affirmer que les deux amendements ne sont pas identiques.
Pour faciliter les choses, faisons cela tout de suite. Si nous le proposons immédiatement, nous pourrons l'examiner et aller de l'avant. À mon avis, ce serait sans doute la solution la plus expéditive.
Dans ce cas, M. Davies va proposer son sous-amendement, qui consiste à ajouter les mots — il faut maintenant tourner la page et regarder l'amendement NPD-3 — « pendant qu'il purge sa peine ».
Y en a-t-il qui voudrait se prononcer sur le sous-amendement de M. Davies?
Je ne suis pas sûre que ça va dans le même sens que l'amendement NPD-3. Il y a des phrases qui manquent. Vous avez juste ajouté « pendant qu'il purge sa peine ». Il faut ajouter « après son transfèrement ».
Monsieur Davies, il faut que vous mettiez « après son transfèrement » dans votre amendement. Quand on dit « pendant qu'il purge sa peine », ça peut être à l'extérieur. Votre amendement est donc incomplet. Si vous voulez être conforme à NPD-3...
Madame Mourani, le sous-amendement vise essentiellement à ajouter une phrase…
C'est essentiellement la même chose. C'est la même chose que son amendement dans son ensemble, parce que l'amendement libéral dit bien « le fait que le retour au Canada », et ensuite « le fait que la présence du délinquant au Canada, après son transfèrement, pendant qu'il purge sa peine, mettra en péril ». Donc, c'est un simple ajout. Le texte sera le même, mais on s'appuie sur l'amendement libéral dans son sous-amendement…
Laissez-moi vous expliquer. J'ai compris que l'amendement de M. Davies va seulement ajouter « pendant qu'il purge sa peine ». Ajoutez-vous le mot « toute »?
Merci. Je voudrais simplement vous expliquer mon amendement. J'invite mes collègues à me faire part de leurs conseils à ce sujet.
Je vous explique mon raisonnement. S'il est adopté, le projet d'alinéa 10(1)b) exigerait… il est à tout le moins discrétionnaire. Mais quelle que soit notre façon de voter, cet alinéa inclut comme facteur à prendre en compte la possibilité que le retour au Canada du délinquant mette en péril la sécurité publique, y compris la sécurité de toute personne qui est victime, la sécurité d'un membre de la famille du délinquant — s'il a été trouvé coupable d'une infraction contre un membre de la famille — ou la sécurité d'un enfant dans le cas où le délinquant a été condamné pour une infraction d'ordre sexuel commise à l'égard d'un enfant… et les néo-démocrates sont en faveur de la prise en compte de tous ces facteurs.
Ce qui nous préoccupait, c'est que, si le ministre examine une demande, et s'il est question d'une menace… quand est-ce que le ministre… disons, quelle période de temps doit intéresser le ministre quand il fait son évaluation? Si vous regardez le projet d'alinéa j), vous allez voir qu'il dit « la manière dont le délinquant sera surveillé, après son transfèrement, pendant qu'il purge sa peine » donc, il y a déjà un certain nombre de facteurs énumérés qui indiquent ce qui doit être pris en compte, à savoir que, avant d'accepter le transfèrement de l'intéressé, vous devez réfléchir aux éventuelles conséquences pendant la période où il purgera sa peine.
Je me disais que ce serait sans doute notre raisonnement si nous acceptons le transfèrement d'une personne qui purge une peine pour agression sexuelle au Minnesota, mettons. Si nous transférons le délinquant au Canada, nous voudrons nous assurer, avant de le mettre dans une prison canadienne, qu'il ne constitue pas de menace pour des victimes, pour les membres de sa propre famille, ou pour des enfants, pendant qu'il est en prison. La raison pour laquelle c'est cette période-là qui doit les intéresser, c'est que…
Cela n'aurait pas de sens de demander au ministre de se demander si le délinquant risque de constituer une menace après sa sortie de prison. Si vous refusez le transfèrement et le délinquant quitte le Minnesota pour venir s'installer au Canada après avoir purgé sa peine, il peut toujours constituer une menace. Il n'y a pas de différence entre les deux situations. Par conséquent, nous nous sommes dit qu'il serait plus logique de demander au ministre de s'intéresser plutôt à la période pendant laquelle le délinquant sera en prison. Une fois qu'il aura purgé sa peine, cela ne changera absolument rien. Je m'excuse d'avance — je sais que ce concept est un peu difficile à expliquer.
Notre raisonnement était le suivant: comme l'alinéa j) demande au ministre de tenir compte de ces facteurs durant la période où le délinquant purge sa peine, nous nous sommes dit que, si nous n'incluons pas ce même bout de phrase plus haut, on pourrait supposer que le ministre ne saura pas vraiment s'il évalue la possibilité que le délinquant constitue une menace pendant qu'il est en prison ou après qu'il en soit sorti.
Même si je ne suis pas contre l'idée que le ministre tienne compte de cela, je ne comprends pas très bien l'effet que cela peut avoir car, si le ministre raisonne ainsi: « Si j'accepte le transfèrement du délinquant au Canada pour qu'il purge sa peine ici, alors que je crains qu'il constitue une menace pour une victime, un enfant ou quelqu'un d'autre après sa sortie de prison, je ne vais pas accorder le transfèrement… » Encore une fois, cela n'a pas de sens. Si la demande de transfèrement est refusée, le délinquant reste où il est pour purger sa peine, traverse la frontière après avoir purgé sa peine et, à ce moment-là, nous n'exerçons aucun contrôle sur lui.
Cela étant, j'estime qu'il est plus important que ce délinquant purge sa peine dans un établissement canadien, pour que nous ayons son dossier et toute l'information pertinente au sujet de sa condamnation; ainsi nous pouvons nous assurer qu'il aura accès à tous les programmes appropriés en prison et qu'il fera l'objet de la surveillance communautaire appropriée, dès sa sortie de prison.
Je crois qu'il serait plus sûr de demander au ministre de faire cette évaluation par rapport à la période pendant laquelle le délinquant est en prison, car nous voulons connaître les détails de son dossier et savoir à qui on a affaire, notamment s'il a commis une infraction d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant.
Monsieur le président, M. Norlock a soulevé cette question tout à l'heure. Pour que tout le monde comprenne de quoi il s'agit, quand on dit que ce serait plus sûr, du point de vue de la sécurité des Canadiens, de ramener tous ces délinquants au Canada pour qu'ils puissent recevoir certains traitements ou être surveillés à leur retour, etc. Pour que tout le monde comprenne bien, je précise qu'il y a plus de 2 000 Canadiens…
Excusez-moi, je ne veux pas qu'on perde notre temps. Je voulais soulever un élément fondamental. L'amendement de M. Davies, conjointement avec l'amendement de M. Holland, en français, ne veut absolument rien dire. Lorsqu'on le lit en français...
Madame Mourani, ce n'est pas nécessairement un rappel au Règlement qui concerne les propos de M. MacKenzie. C'est plutôt une observation sur le sous-amendement.
Monsieur le président, ça ne marche pas parce que si on le laisse tel quel, on est en train de débattre d'un amendement qui n'est pas bon.
Si vous regardez le texte, il devient: « [...] le retour au Canada du délinquant [...] ». Ça ne marche pas. Écrire « après son transfèrement », « pendant qu'il purge sa peine », « mettra en péril la sécurité », ce n'est pas congruent, en français. Ça ne marche pas.
Il aurait fallu que M. Holland retire son amendement et qu'on débatte de l'amendement de M. Davies en apportant un sous-amendement concernant le retour. On ajoute ceci: « le retour du délinquant au Canada, après son transfèrement, pendant qu'il purge sa peine ».
En fait, ce qui n'a pas de logique, c'est l'amendement de M. Davies. Si on écrit « le retour au Canada après son transfèrement », c'est sûr qu'il va s'en tirer et que personne ne le saura. Il faudrait le laisser tel qu'il est.
J'ai un rappel au Règlement, monsieur le président. M. MacKenzie avait la parole. Ensuite, Mme Mourani a fait un rappel au Règlement, qui était totalement…
Le président: D'accord, mais ce n'est pas un rappel au Règlement…
M. Rick Norlock: Un instant, monsieur le président, si vous voulez bien m'écouter. Vous avez commencé… Si ce n'est pas un rappel au Règlement, M. MacKenzie, qui avait la parole, ne sait plus où il en est…
Le président: Non.
M. Rick Norlock … alors que d'autres discussions sont en cours, les micros ne sont pas allumés, et on leur dit: « Poursuivez donc votre petite discussion, et nous allons tirer les choses au clair ».
Personne ne leur a dit de poursuivre leur petite discussion, monsieur Norlock. J'ai déclaré au contraire que ce n'était pas un rappel au Règlement.
J'écoutais Mme Mourani en vue de déterminer si elle faisait un rappel au Règlement sur quelque chose que M. MacKenzie avait fait ou plutôt sur une question d'ordre technique liée au sous-amendement. Mme Mendes essaie de son côté d'expliquer la situation à Mme Mourani, pour qu'elle soit sûre de bien comprendre le sous-amendement.
Pour que tout le monde soit sûr de bien comprendre la situation… D'ailleurs, cela rejoint ce que disait M. Davies, et nous comprenons très bien son argument. À tout moment, environ 2 000 Canadiens sont incarcérés dans des prisons se trouvant à l'extérieur du Canada. D'après les statistiques, environ 100 d'entre eux présentent une demande chaque année pour revenir au Canada, si bien que, en moyenne, il y a environ 1 900 Canadiens qui purgent la totalité de leurs peines dans un autre pays, sans jamais demander à revenir ici.
On nous dit qu'il serait préférable que nous soyons au courant de ces cas-là. En revanche, il y a déjà 1 900 cas dont nous ignorons l'existence. Peut-être devrions-nous à ce moment-là envisager d'adopter un projet de loi exigeant que tout le monde revienne ici, alors que personne ne serait en faveur d'une telle idée, à mon avis.
Selon moi, c'est une idée qui n'a aucune chance d'être acceptée, c'est-à-dire, l'idée que certains d'entre eux reviennent. Il est évident que, parmi ceux qui reviennent, ils doivent au préalable présenter une demande. La grande majorité des demandes sont approuvées. C'est tout de même un pourcentage assez élevé de demandes de transfèrement qui sont approuvées. Donc, il ne convient pas de parler du faible nombre…
Il ne convient pas de mettre l'accent sur les quelques personnes dont la demande a été rejetée, puisque le nombre est minime.
Mais, encore une fois, je me demande… Nous avons parmi nous des hauts fonctionnaires impartiaux. Pourraient-ils nous dire quelle serait l'incidence de ces amendements sur l'application de la loi dans la pratique?
Oui. S'agissant des statistiques, M. Churney et Mme Keryluk me disent que les chiffres de M. MacKenzie correspondent relativement bien aux proportions que nous avons établies, dans nos propres estimations, du nombre de Canadiens incarcérés à l'étranger, étant donné, bien entendu, que certains Canadiens ne nous mettent pas au courant de leur situation. Nous n'avons aucun moyen de nous renseigner.
En ce qui concerne l'amendement qui propose que le critère à retenir soit la période pendant laquelle le délinquant purge sa peine, je peux simplement vous dire que cela cadre avec la méthode décisionnelle de la Commission des libérations conditionnelles, par exemple. Dans ce cas, la loi précise que le jugement qu'on porte sur la dangerosité du délinquant doit se faire en fonction de certains paramètres. On ne s'attend pas à ce que les gens portent un jugement sur la dangerosité d'un délinquant dans un avenir lointain. C'est tout ce que je peux vous dire à ce sujet.
Il y a un autre élément. Les Canadiens qui ont la double nationalité sont considérés comme étant Canadiens pour les fins de cette loi. Il y a peut-être un certain nombre de personnes qui sont incarcérées dans un pays qui est, soit le pays où ils ont choisi de vivre, soit leur pays d'origine; elles s'y sont installées et ont commis des infractions. Il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas nécessairement de personnes qui ont la citoyenneté canadienne qui sont citoyens canadiens seulement; il peut aussi s'agir de personnes qui ont la double nationalité.
Madame Campbell, est-ce que l'affirmation de M. MacKenzie est exacte? Est-ce le cas que la citoyenneté canadienne l'emporte sur les autres, aux termes de cette loi, quand il s'agit de personnes ayant la double nationalité?
D'après mon expérience, non. Nous traitons chaque année deux ou trois cas de personnes ayant la double nationalité. C'est un nombre relativement minime. Nous examinons les faits du dossier et, s'ils ont la double nationalité, nous essayons de voir avec quel pays leurs liens sont les plus forts éventuellement, au lieu de décider que l'une des nationalités l'emporte sur l'autre. Ce n'est pas ainsi que nous analysons de telles situations normalement.
Je crois avoir compris l'objection de Mme Mourani. Je crois qu'elle a raison. Je crois aussi pouvoir tirer la situation au clair. Le problème de l'amendement que nous avons rédigé est la présence d'une redondance. C'est tout simplement parce que nous avons retenu le libellé du projet d'alinéa 10(1)j) pour ensuite l'incorporer au projet d'alinéa 10(1)b), qui comporte déjà les mots « le retour au Canada ».
Quant à mon amendement, il se lit ainsi: « le fait que la présence du délinquant au Canada, après son transfèrement, pendant qu'il purge sa peine ». Il y a donc une redondance. À mon avis, pour que nous soyons en mesure de bien examiner cet amendement, il suffirait que le projet d'alinéa 10(1)b) se lise ainsi: « le fait que, à son avis, le retour au Canada du délinquant, pendant qu'il purge sa peine ».
Oui: « le retour au Canada du délinquant, pendant qu'il purge sa peine… ». Ce que je voulais recommander, c'est qu'on inclue le bout de phrase « pendant qu'il purge sa peine ». À mon avis, il faudrait l'inclure dans les versions française et anglaise, et à ce moment-là…
Je remercie Mme Mourani et Mme Mendes de nous avoir signalé ce problème.
Je vais demander à notre analyste de vous relire le texte pour qu'on voit si c'est bien cela qui est prévu, surtout que nous parlons à présent d'un sous-amendement à un sous-amendement; c'est donc de plus en plus compliqué.
Madame Mourani, merci beaucoup d'avoir soulevé la question.
Au départ, nous avions uniquement les mots « le fait que ». Maintenant, par suite du sous-amendement, au lieu de remplacer seulement la première ligne, nous allons remplacer les deux premières lignes. Le texte se lira donc ainsi: « le fait que le retour au Canada du délinquant, pendant qu'il purge sa peine, mettra en péril ».
[Français]
Et en français, c'est: « le fait que le retour au Canada du délinquant pendant qu'il purge sa peine ».
C'est ce que nous avons par écrit devant nous. Parfois l'interprétation ne correspond pas parfaitement à ce qu'on retrouve dans le texte, même si nous apprécions le travail de nos excellents interprètes.
Maintenant nous devons mettre aux voix le sous-amendement… modifié?
En fait, monsieur le président, je reviens sur la question de la double nationalité. Je dis que la nationalité de naissance prévaut lorsque le crime est commis dans le pays d'origine. C'est sûr que si vous êtes d'origine colombienne, que vous avez la nationalité canadienne et que vous commettez un crime en France, oui, la nationalité canadienne peut être celle dont on tiendra compte. Cependant, si vous commettez un crime en Colombie, c'est votre nationalité colombienne, votre nationalité de naissance, qui va prévaloir.
[Traduction]
Je suis désolée, mais c'est un fait d'après la loi. Si vous commettez un crime dans votre pays de naissance et vous en êtes encore citoyen, c'est cette citoyenneté-là qui va prévaloir, si bien que vous ne pourrez pas invoquer votre citoyenneté canadienne pour purger votre peine au Canada, parce que les prisons sont meilleures.
J'ai été un peu interpellée par toute la question de la double nationalité. Comme Mme Mendes, j'ai eu énormément de cas de personnes qui ont une double nationalité.
Votre point ne porte pas spécifiquement sur le sous-amendement. Je voudrais qu'on s'en tienne au sous-amendement. Nous sommes en train de vraiment nous écarter du sujet. Poursuivez, mais soyez très brève.
Comme je le disais, en ce qui concerne la double nationalité, j'aimerais que l'on me cite des cas de personnes où c'est la citoyenneté canadienne qui a prévalu. Lorsque le crime est commis dans le pays d'origine et, on peut aller plus loin, même s'il n'y a pas de crime — je parle de questions de divorce, de relations entre le mari et sa femme —, c'est encore le pouvoir de l'homme qui domine, dans certains pays. Des femmes peuvent donc se retrouver dans des situations où on leur arrache leurs enfants. Ce ne sont même pas des questions de crimes, ce sont des questions de droits civils. C'est fondamental. Des citoyens canadiens ayant une double nationalité sont, à l'heure actuelle, des citoyens de deuxième catégorie. Ils n'ont pas les mêmes droits que des citoyens nés au Canada et qui disposent d'une citoyenneté unique.
D'autre part, des enfants qui sont nés au Canada mais qui sont d'une autre origine à cause de leurs parents peuvent vivre la même situation dans leur pays d'origine. C'est grave, monsieur le président, c'est très grave. Je crois que le Canada a le devoir de protéger tous ses citoyens, qu'ils soient nés au Canada et d'une autre origine ou qu'ils soient venus de l'étranger et ne soient pas nés au Canada. La citoyenneté doit être la même pour tout le monde. Il n'y a pas de demi-citoyenneté.
J'attache énormément d'importance à l'opinion des fonctionnaires du ministère de la Sécurité publique. Je me souviens d'avoir discuté de citoyenneté avec plus d'un ministre. On m'a dit sans ambages qu'il n'y a pas deux catégories de citoyens canadiens; il n'y en a qu'une.
Donc, si vous êtes citoyen du Dominion du Canada, vous êtes citoyen canadien tout simplement, avec tous les droits et privilèges que cela suppose — pas plus, mais pas moins. Ai-je raison de caractériser ainsi votre opinion collective ou, si vous préférez, votre opinion personnelle?
Je ne peux que me fonder sur notre expérience relative à l'administration de cette loi. Si une personne a la double nationalité, l'une des nationalités ne l'emporte pas sur l'autre. Il s'agit plutôt d'analyser les antécédents de l'intéressé pour déterminer dans quel pays il maintient le plus grand nombre de contacts personnels ou dans quel pays il a vécu pendant la majeure partie de sa vie. Je suis au courant du cas d'un Canadien qui a commis une infraction au Canada, qui avait également la citoyenneté britannique, et qui a été transféré au Royaume-Uni. Je suis également au courant du cas d'un Canadien qui était citoyen d'un pays d'Europe de l'Est, avait commis un crime en Europe de l'Est, et qui était néanmoins admissible à un transfèrement au Canada.
Je parle uniquement de l'admissibilité au transfèrement dans ce contexte limité. Il ne s'agit pas d'exclure une citoyenneté plutôt qu'une autre lorsqu'une personne a la double nationalité. Si un citoyen canadien habite aux États-Unis, par exemple, a commis un crime aux États-Unis et désire revenir au Canada, même s'il n'a pas vécu au Canada depuis l'époque où il était enfant en bas âge, aux termes de la loi, le ministre doit se demander s'il a de véritables liens avec le Canada. La citoyenneté n'entre pas en ligne de compte. Le fait d'être citoyen canadien lui permet d'être transféré au Canada mais, dans la pratique, il s'agit surtout de savoir s'il a maintenu des liens étroits avec ce pays.
C'est maintenant le tour de M. Davies, après quoi nous allons conclure le débat, à moins que quelqu'un d'autre ne demande la parole. On me rappelle que le débat sur tous ces amendements n'en finit plus. Je ne peux pas interrompre le débat, mais je peux remettre en question la pertinence de certaines interventions. Je vous donne pas mal de latitude pour ce qui est des sujets qu'on peut aborder dans le contexte du débat, mais je vais également surveiller la discussion.
Il ne faut pas y voir un coup de semonce, puisque c'est votre tour. Il est évident que cela ne pourrait jamais être le cas.
Très bien. Êtes-vous prêts à vous prononcer sur le sous-amendement qu'on vous a déjà lu?
(Le sous-amendement est adopté avec dissidence. [Voir le Procès-verbal])
Le président: Êtes-vous prêts à vous prononcer sur l'amendement, modifié?
(L'amendement, modifié, est adopté avec dissidence. [Voir le Procès-verbal])
Le président: Ceux-là sont maintenant terminés.
Nous passons à l'amendement NPD-4, monsieur Davies. Cet amendement est identique à l'amendement LIB-3. Si les membres votent sur le NPD-4, il ne sera pas possible de proposer le LIB-3.
Monsieur le président, encore une fois, pour accélérer les choses, je me contente de dire que j'ai déjà expliqué ce qui est proposé. Il s'agit simplement de supprimer le bout de phrase « à son avis ». J'exhorte les membres du comité à voter en faveur, pour la même raison qui a déjà été évoquée avec éloquence par les membres de ce côté-ci de la table.
Très rapidement, je me permets de préciser que cet amendement est semblable à celui qui a précédé le dernier, et qui ajoute les mots « après son transfèrement, pendant qu'il purge sa peine ». Encore une fois, le projet d'alinéa, tel qu'il est actuellement libellé, laisse supposer que, en analysant la demande, le ministre devrait se demander si le délinquant est susceptible de continuer à commettre des activités criminelles après le transfèrement. Encore une fois, nous souhaitons que le ministre s'intéresse plutôt à la période pendant laquelle le délinquant purge sa peine.
Pour des raisons semblables à celles que j'ai déjà évoquées, si nous estimons que le délinquant, après avoir été transféré dans une prison canadienne, est susceptible de continuer à commettre des activités criminelles en prison — il pourrait s'agir de trafic de drogues, de consommation de la drogue, de violence contre d'autres détenus, ou d'agressions sexuelles — c'est une raison valable de ne pas approuver la demande de transfèrement. Mais, si nous croyons que le délinquant est susceptible de commettre des activités criminelles après avoir purgé sa peine, encore une fois, je suis d'avis qu'il est préférable, du point de vue de la sécurité communautaire, d'approuver la demande de transfèrement, parce que nous voulons être informés.
Si nous croyons qu'un délinquant est susceptible de commettre des activités criminelles après son retour au Canada, il est de loin préférable de le savoir et d'approuver son transfèrement, pour que nous soyons au courant de son casier judiciaire, que nous puissions au moins essayer de le faire participer à des programmes en prison et — c'est là ce qui est le plus important — pour être en mesure d'organiser la surveillance communautaire pour au moins une partie de la période pendant laquelle il purge sa peine, ou au moins être à même de le surveiller pendant qu'il purge sa peine.
Si nous laissons le texte tel quel, si bien que le ministre refuse la demande de transfèrement parce qu'il pense que l'intéressé participera à des activités criminelles après avoir purgé sa peine, encore une fois, nous allons permettre à quelqu'un de revenir au Canada sans que nous soyons au courant de son casier judiciaire. Cette personne réintégrera une de nos collectivités, alors que la police et les résidents ne sauront pas qu'il a un casier judiciaire, pas plus que les organisations auprès desquelles il présente une demande d'emploi, et une vérification des antécédents ne va peut-être pas permettre de le savoir. De plus, il n'y aurait aucune possibilité de surveillance communautaire.
Mon argument repose sur la sécurité communautaire. Il est important de faire porter l'attention du ministre, comme nous l'avons fait pour le projet d'alinéa 10(1)j), et comme le gouvernement l'a compris, sur la période pendant laquelle le délinquant purge sa peine.
Monsieur le président, je soulève encore une petite question grammaticale. Je ne comprends pas ce que le mot « les » remplace. J'aimerais qu'on me l'explique.
Cela vient s'ajouter au libellé du projet de loi actuel, ce qui donne le mot « criminelles », au pluriel. Dans la loi, ce mot-là est-il au singulier, de sorte que nous en faisons un pluriel…?
Ah, oui; je vois. C'est la suite du mot qui figure à la ligne précédente.
Je me demande, encore une fois… Je m'en remets constamment à l'opinion des fonctionnaires impartiaux. Pourraient-ils nous donner leur interprétation de l'incidence que cela pourrait avoir sur l'application de la loi?
À mon avis, l'effet serait tout à fait semblable à celui de l'autre amendement qui établissait des paramètres temporaux relativement à l'évaluation du risque d'activités criminelles. Tout ce que je peux vous dire, c'est que cela cadrerait avec la méthode décisionnelle de la Commission des libérations conditionnelles qui fixe des limites temporelles relativement à la période qui est prise en compte.
Êtes-vous prêts à vous prononcer sur l'amendement NPD-5?
(L'amendement est adopté avec dissidence.)
Le président: L'amendement NPD-6 est identique au LIB-4. Si les membres votent sur le NPD-6, il ne sera pas possible de proposer le LIB-4. Tous ceux qui sont en faveur du NPD-6?
(L'amendement est adopté avec dissidence.)
Le président: Très bien. Voilà qui nous permet de nous débarrasser du LIB-4. J'aime tout ce qui permet d'éliminer tout ce qui est libéral.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Nous passons maintenant à l'amendement NPD-7.
Il s'agit simplement de supprimer l'alinéa 10(1)h) proposé. D'ailleurs, c'est aussi un peu en congruence avec les dispositions i) que mes collègues vont proposer d'enlever ultérieurement.
Je m'explique. À partir du moment où la personne est innocente, comme vous le savez, dans certains pays, le système de justice, qu'on le veuille ou non, est plutôt déficient, plutôt corrompu. Je ne veux pas nommer de pays, mais il y a des systèmes de justice où on ne voit même pas le juge. Ce que je veux dire, c'est qu'on n'est pas tous pareils partout dans le monde. Les systèmes de justice ne sont pas partout pareils, équitables. La corruption peut aussi s'incruster dans ces milieux.
Lorsqu'une personne dit qu'elle est innocente et que son procès n'était pas équitable mais qu'elle est quand même accusée et reconnue coupable, puis qu'elle refuse de reconnaître sa culpabilité et, donc, de participer à des programmes parce qu'elle est innocente, allons-nous empêcher son transfèrement sous prétexte qu'elle refuse des programmes? Ce n'est pas logique, dans l'évaluation du risque. N'oublions pas qu'on transfère une personne d'une institution à une autre; elle n'est pas transférée à l'extérieur. C'est un point.
N'oubliez pas, monsieur le président, que les lois servent à protéger la société. Si ces lois sont discriminatoires ou mal faites au point où une personne innocente est incarcérée, c'est inacceptable. Nous devons tout faire pour que la loi soit le plus juste possible, c'est notre rôle. L'innocence était mon premier point.
Je passe à mon point suivant. Vous savez que lorsqu'on ne transfère pas un détenu, pour toutes sortes de raisons — d'ailleurs, plusieurs témoins nous l'ont dit —, on se retrouve, par exemple, avec une personne qui est coupable, qui a terminé sa sentence, qui ne veut rien savoir des programmes, qui est un criminel dangereux et qui n'est pas transférée au Canada. La conséquence de cela est que nous ne sommes au courant de rien à propos de cette personne. Nous n'avons pas le contrôle sur cette personne. Donc, c'est à notre avantage de pouvoir transférer ces gens, de pouvoir les contrôler à l'intérieur des murs. Si certains ne veulent pas suivre des programmes, nous avons déjà une loi, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui établit déjà les critères. Si un détenu ne participe pas aux programmes, tant pis pour lui, il devra « faire son temps », le plus longtemps possible. On peut même les maintenir en incarcération. Comme vous le savez, la disposition de maintien en incarcération fait en sorte qu'une personne dangereuse qui ne veut rien savoir va « faire son temps » jusqu'à la fin.
Stratégiquement, donc, est-ce mieux de laisser une personne dangereuse à l'étranger, dans un pays où, après qu'elle aura terminé sa sentence, elle se retrouvera dans la nature et reviendra au Canada sans dossier judiciaire comme si de rien était, ou bien est-ce dans notre intérêt de l'avoir sous notre contrôle, en prison? Quand elle sortira, nous pourrons continuer à la contrôler par d'autres moyens, comme la probation et, si ma mémoire est bonne, l'article 810, qui prévoit de garder la paix, etc.
D'une part, il est à notre avantage de contrôler ces gens dangereux. D'autre part, nous ne devons pas créer une loi qui va pénaliser des innocents. Pour toutes ces raisons, le fait de tenir compte de la participation ou non à une réhabilitation n'est pas un critère probant pour un transfert. D'autant plus que certains pays n'offrent pas de programme de réhabilitation, n'offrent absolument rien, sauf peut-être un petit peu de torture par-ci par-là, si vous voyez ce que je veux dire. On ne peut pas dire que le système correctionnel est partout le même et on ne peut pas dire que le système de justice est partout le même.
En terminant, je vous dirai que si nous voulons être logiques avec nous-mêmes, nous devons enlever l'alinéa 10(1)h). Vous verrez que les autres amendements qui seront présentés par mes collègues s'inspirent de la même philosophie, qui est, notamment, celle de la culpabilité.
Monsieur le président, j'ai un rappel au Règlement. Je reviens sur ce que j'ai dit au départ, à savoir que ce genre de choses dépassent le mandat du comité. Ceci est contraire à l'intention du projet de loi, qui était de permettre au ministre et aux fonctionnaires de se laisser guider par ces facteurs en prenant leurs décisions.
Si nous nous mettons à réduire… à supprimer des éléments dont il était clair, d'après le projet de loi, que le ministre et les fonctionnaires qui le conseillent devaient les prendre en compte, eh bien, ça, c'est à part la question de savoir si c'est logique, par rapport à ce qu'a dit Mme Mourani. S'il est question de supprimer des articles entiers du projet de loi, à mon avis, cela dépasse le mandat du comité. Je demande donc au président de rendre sa décision sur la question.
Encore une fois, je suppose qu'on peut contester la décision du président. J'ai été témoin de situations où, dans le cadre de l'étude article par article du projet de loi, le projet de loi dans son ensemble a essentiellement été rejeté et le comité en a fait rapport à la Chambre par la suite. Dans ce cas, cela a été jugé admissible.
Cela peut être différent à d'autres moments, ou non. Par rapport au contenu original du projet de loi, force est de constater qu'il en reste encore une bonne partie qui n'a pas été modifiée, comparativement aux amendements qui ont été proposés. Donc, s'agissant de modifier un ou deux articles ou celui-ci… Je suppose que c'est aux membres du comité de décider.
Ma décision est la suivante: l'amendement est présenté sous une forme qui est tout à fait recevable. Vous pouvez toujours contester la décision du président, si vous souhaitez que votre opposition soit inscrite au compte rendu. Nos experts ici me disent qu'ils sont recevables. Si je me fonde sur ma propre expérience, je peux vous dire que j'ai déjà vu des projets de loi qui avaient été modifiés ou réduits de façon beaucoup plus importante, alors que les changements en question étaient jugés recevables. Qu'on le veuille… ou nous pouvons aussi présenter un rapport au Parlement sur le fait que le projet de loi a été vidé de sa substance… il faudrait que quelqu'un décide de le faire. Mais pour ce qui est de savoir si nous devrions même examiner ces amendements…
Et j'ai une autre chose à dire. Il y a un problème. Le problème est que vous discutez d'un projet de loi trois mois avant d'en faire l'étude article par article. Ainsi bon nombre des questions dont nous parlons aujourd'hui n'ont pas été soulevées la semaine dernière, ni même il y a trois semaines. Elles ont été soulevées la dernière fois que nous avons discuté du projet de loi; je n'ai pas la date précise à l'esprit, mais cela a dû être en novembre, peut-être même en octobre.
Encore une fois, c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons déjà discuté de ce problème-là. Nous examinons le projet de loi, nous en faisons l'étude article par article, et ensuite nous en faisons rapport à la Chambre ou non. Mais, attendre trois mois pour ensuite débattre de nouveau de tous ces points… Une bonne partie de la discussion que nous avons eue aujourd'hui, à l'étape de l'étude article par article, est identique au débat qui s'est tenu en comité en octobre, quand nous en avons discuté au début.
J'insiste simplement sur le fait que bon nombre de ces projets de loi sont retardés, si bien que nous sommes dans l'impossibilité de procéder à l'étude article par article. Et quand vient le moment de le faire, les projets de loi sont modifiés de façon substantielle — là, vous avez raison — mais ces changements sont néanmoins recevables.
Monsieur le président, je n'ai pas l'intention de contester votre décision, parce que vu le nombre de personnes autour de cette table, cela ne servirait à strictement rien, mais je voudrais tout de même réagir à certains commentaires de Mme Mourani.
Si nous allons au bout de sa logique, nous ramènerions au Canada tous les délinquants qui sont à l'étranger, qu'ils présentent une demande de transfèrement ou non, pour qu'ils tirent profit de notre système ici au Canada. Mais s'ils refusent la réhabilitation, les soins, et tout ce qui peut leur être nécessaire là où ils se trouvent, qu'est-ce qui nous fait croire que, si nous les ramenions au Canada, ils profiteraient de ce qui est disponible ici? Nous ne leur offrons pas un nouveau procès. Nous ne leur disons pas: « Écoutez, comme nous sommes d'avis que vous avez été maltraité ou que votre condamnation était injustifiée, nous allons l'infirmer ». Ce n'est pas du tout ce qui se produit dans le cadre de ce processus.
L'un des critères auxquels tiendraient certainement les Canadiens serait, si nous comptons rapatrier un certain nombre de Canadiens qui sont incarcérés à l'étranger, que ces derniers aient accepté de participer à des programmes de réhabilitation ailleurs. Ce n'est pas le seul critère, mais c'est l'un des critères qui seraient certainement évalués par les fonctionnaires, à mon avis, avant de faire une recommandation au ministre.
On peut toujours parler de régimes totalitaires dans d'autres pays, mais ces personnes présentent également une demande dans des pays démocratiques comme la Grande-Bretagne, les États-Unis, et d'autres encore. Donc, il ne convient pas de dire qu'il ne faut pas en tenir compte; en fait, c'est justement l'un des éléments qui devraient être pris en compte.
Si vous prétendez qu'on devrait leur permettre de revenir au Canada pour bénéficier de nos programmes de réhabilitation et de réinsertion, vous pourrez difficilement convaincre la population canadienne qu'il ne faut pas tenir compte du fait qu'ils ont refusé de se prévaloir de ces programmes ailleurs, avant qu'on les ramène au Canada. Tous les délinquants incarcérés dans un autre pays y passent un certain temps. Ce n'est pas comme si on avait prononcé la peine hier et qu'ils aient tout de suite présenté une demande de transfèrement… Ils sont obligés de purger une partie de leur peine là-bas. Donc, si de tels programmes existent là où ils sont incarcérés, nous devrions sûrement en tenir compte en décidant si, oui ou non, nous voulons les ramener au Canada.
Puisque personne d'autre n'a demandé la parole, pourriez-vous m'indiquer si vous êtes en faveur de l'amendement de Mme Mourani? Cet amendement prévoit que le projet de loi C-5 soit modifié en supprimant les lignes 33 à 35 à la page 2, c'est-à-dire, l'alinéa h), me semble-t-il.
(L'amendement est adopté avec dissidence. [Voir le Procès-verbal])
Le président: Ce sera donc inclus comme amendement proposé par le Bloc.
Il me semble clair, même si ce processus n'est pas très familier, que l'abus le plus flagrant qui pourrait être associé à cet article serait la possibilité que, de temps à autre, une personne qui est innocente, qui a déclaré qu'elle est innocente et qui continue à déclarer son innocence, puisse être considérée comme ayant enfreint l'article en question. Je suis donc favorable à l'amendement visant à supprimer cet article.
L'amendement vise à supprimer l'article ou à le modifier en supprimant les lignes 33 à 37? S'agit-il d'enlever tout l'article?
Une voix: Non, juste un alinéa.
Le président: Les lignes en question se lisent ainsi: « le fait que le délinquant a reconnu sa responsabilité par rapport à l'infraction pour laquelle il a été condamné, notamment en reconnaissant le tort qu'il a causé aux victimes et à la société ». Votre motion vise à supprimer ces lignes. Il s'agit du projet d'alinéa 10(1)i) qui se trouve à l'article 3 du projet de loi.
Je soupçonne que cet amendement sera adopté, un peu comme tous les autres, mais je voudrais faire remarquer aux membres et à d'autres personnes qui pourraient suivre ce débat, qu'en supprimant le projet d'alinéa 10(1)i), nous allons éliminer toute mention du terme « victimes » dans ce projet de loi.
Il me semble tout aussi clair que ni le Canada, ni le ministre, ne sont en mesure d'évaluer objectivement la mesure dans laquelle le délinquant a coopéré avec des agents chargés de l'application de la loi. Je suis donc favorable à la suppression du projet d'alinéa 10(1)k).
J'aimerais simplement faire remarquer à M. Hyer que le Canada a effectivement la capacité de savoir cela. Dans ce contexte, il y a un échange d'information entre le pays où le délinquant est détenu et le Canada. Les fonctionnaires ne seraient pas en mesure de faire les recommandations au ministre s'ils ne possèdent pas les informations pertinentes sur ce qui s'est produit pendant que le délinquant était incarcéré dans un autre pays. C'est assez simple, en réalité, en ce sens que les fonctionnaires qui conseillent le ministre ont effectivement accès à ce genre de renseignements.
La raison que vous avez évoquée pour justifier l'élimination de cet alinéa ne me semble pas bien logique. Encore une fois, vous essayez de détruire le projet de loi en éliminant progressivement les facteurs que le ministre, par l'entremise de ses fonctionnaires, devra évaluer en prévision de rendre une décision qui se tient.
Y a-t-il d'autres interventions au sujet de l'amendement NPD-9?
(L'amendement est rejeté.)
Le président: L'amendement NPD-9 est rejeté. Nous passons donc à l'amendement NPD-10, qui propose que le projet de loi C-5, à l'article 3, soit modifié par suppression de la ligne 4.
Cela n'a pas encore été fait, n'est-ce pas?
Monsieur Hyer, ce point a déjà fait l'objet d'une discussion, avant votre présence au comité.
Y a-t-il d'autres interventions concernant l'amendement NPD-9?
Le président: Je suis désolé. Nous en sommes plutôt à l'amendement NPD-10.
M. Dave MacKenzie: Est-ce la même chose que l'amendement LIB-6?
Il me semble que c'est la même chose, monsieur le président. Pour ce qui est de « tout autre facteur pertinent », encore une fois, le ministre serait obligé d'expliquer de quels facteurs il s'est agi, tout comme les fonctionnaires qui auraient à faire une recommandation au ministre. Ils pourraient s'appuyer là-dessus pour déterminer si d'autres facteurs pertinents existaient, et je ne suis pas convaincu que nous qui délibérons aujourd'hui sommes en mesure de savoir de quels facteurs il pourrait s'agir et de les énumérer; peut-être s'agit-il de choses que nous n'avons pas envisagées.
Parfois mes amis d'en face disent qu'il n'y a pas de « victimes au Canada », si l'infraction a été commise dans un autre pays. Mais ce n'est pas tout à fait vrai. Je sais pertinemment que les fonctionnaires et beaucoup d'autres personnes que je connais sont au courant de situations… et même d'une situation particulière, où ils n'ont pas été considérés comme des victimes canadiennes parce que l'infraction avait été commise dans un pays étranger. Il se trouve que l'auteur de l'infraction est revenu ici au Canada, où il y avait effectivement des victimes, mais aucune accusation n'avait été déposée contre lui par rapport à ce pourquoi il voulait revenir.
Voilà les autres facteurs pertinents, ou du moins, certains des autres facteurs qui devraient être pris en compte. Sauf votre respect, ce n'est guère différent pour les personnes condamnées pour pédophilie dans d'autres pays. Même si de tels individus ont été condamnés là-bas et qu'aucune accusation n'a été déposée contre eux ici au Canada, le fait est qu'il peut y avoir de nombreuses victimes canadiennes de délinquants condamnés pour pédophilie en Thaïlande, aux États-Unis ou en Grande-Bretagne.
Je comprends leur raisonnement quand ils ont proposé de le supprimer, mais le fait est qu'il existe d'autres facteurs dont on devrait vraiment tenir compte. Je pense que si mes collègues d'en face acceptaient d'y réfléchir sérieusement, ils se diraient: « Il peut y avoir des facteurs auxquels nous n'avons pas songé mais dont les fonctionnaires voudraient tenir compte ».
À ce moment-là, ils pourraient en tenir compte. Cela ne veut pas dire qu'ils recommanderaient nécessairement au ministre que l'intéressé ne soit pas transféré au Canada, mais au moins ils pourraient aborder ces différents éléments dans leurs recommandations au ministre. Le ministre, de son côté, examinerait tout cela et dire: « Je suis d'accord; c'est approprié. Vous en avez tenu compte. Je conviens également que ce ne sont pas des facteurs qui vont modifier ma décision au sujet du retour de l'intéressé, vu les informations que vous avez fournies. » Mais supprimer cet alinéa a un résultat bien plus concret, selon moi — qui pourrait même être le rejet de la demande de transfèrement.
Mais, ce qui est encore plus important, c'est que cet alinéa constitue une protection pour les victimes qui sont au Canada qui peuvent ne pas être victimes du crime en question. La pédophilie est évidemment l'exemple qui nous vient à l'esprit, me semble-t-il, comme c'est un problème tellement international, des Canadiens participant au tourisme sexuel dans le monde entier. Mais nous savons également qu'un certain nombre de Canadiens sont incarcérés pour ce crime, tout comme le sont les ressortissants d'autres pays qui ont été condamnés pour pédophilie. Les victimes ne se trouvent pas uniquement au Canada; elles ne se trouvent pas dans un seul pays.
C'est un de ces éléments… s'il y a une chose sur laquelle nous devrions insister, c'est bien la nécessité de conserver cet alinéa dans le projet de loi, pour que les fonctionnaires aient l'occasion d'en tenir compte dans leurs recommandations au ministre.
Le président: Le projet de loi, modifié, est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Une voix: Avec dissidence.
Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi, modifié, à la Chambre?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
Le président: Le comité souhaite-t-il ordonner la réimpression du projet de loi modifié?
Des voix: D'accord.
Le président: Voilà qui termine notre travail.
Je vous remercie de votre présence.
Je tiens également à remercier les hauts fonctionnaires ministériels pour leur présence aujourd'hui: Mme Campbell, directrice générale, Direction générale des affaires correctionnelles et de la justice pénale; Daryl Churney, directeur par intérim, Division des politiques correctionnelles; Liliane Keryluk, analyste principale des politiques, Division des politiques correctionnelles; et Michel Laprade, avocat-conseil, Service correctionnel du Canada.
Merci beaucoup à vous tous.
Merci également à tous les membres pour leur travail aujourd'hui.