:
Vous avez demandé une présentation rapide.
[Traduction]
Je suis criminologue. Voilà près de trois ans que je travaille pour Service correctionnel Canada (ou SCC). Auparavant, j'étais sous-ministre déléguée au ministère de la Sécurité publique chargé des services correctionnels du Québec. J'ai aussi travaillé près de 20 ans dans la collectivité et au Québec.
[Français]
Mesdames et messieurs, je vous remercie de cette invitation à comparaître devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
Vos travaux sur le thème de la santé mentale et de la toxicomanie vous ont permis, récemment, de visiter bon nombre d'établissements au pays, plus particulièrement au sein de la région du Québec. Vous êtes venus visiter le Centre régional de santé mentale situé à l'intérieur du pénitencier Archambault ainsi que l'Unité spéciale de détention située à l'intérieur du Centre régional de réception. L'ensemble de ces visites vous a permis de bien saisir nos efforts et réalisations en matière d'intervention dans les domaines de la toxicomanie et de la santé mentale auprès des délinquants incarcérés. Toutefois, la garde des détenus ne constitue qu'un volet de la mission du Service correctionnel du Canada, et nous sommes heureux de pouvoir vous parler aujourd'hui des moyens dont dispose le Service correctionnel du Canada au sein de la communauté afin de veiller à la réinsertion sociale sûre et sécuritaire de nos libérés conditionnels dont nous assurons la surveillance en communauté.
Le Service correctionnel du Canada accorde beaucoup d'importance au continuum de soins à apporter au délinquant dès son incarcération, et ce, jusqu'au terme de sa sentence. Dans certains cas, cela va même au-delà. La disponibilité et l'accessibilité à des ressources en communauté sont des facteurs importants de l'évaluation et de la gestion du risque associés à un délinquant, et le Service correctionnel du Canada les considère comme directement liés à la sécurité publique.
Initialement, trois autres intervenants de la communauté devaient participer à la réunion d'aujourd'hui pour vous faire connaître les services en communauté relativement aux problématiques de toxicomanie et de santé mentale. Bien qu'ils n'aient pas pu répondre à votre demande, nous appuyons le fait que vous vous intéressiez aux services en communauté, étant donnée l'importance du partenariat avec ces organismes qui nous permet d'assurer pleinement notre mandat dans la communauté.
Nous avons de nombreux partenaires dans la communauté et, avec eux, il est possible de former un véritable filet de sécurité autour des libérés conditionnels et ex-détenus, selon le niveau de risque estimé pour chacun d'eux. Évidemment, les forces policières contribuent à ce filet de sécurité, mais la présence d'organismes communautaires et de groupes bénévoles, de même que le travail de soutien en communauté sont des éléments tout aussi indispensables à une véritable sécurité du public. L'existence, le fonctionnement et l'efficacité de ce réseau de ressources sont malheureusement peu connus et c'est pourquoi nous insisterons principalement sur ces aspects au cours de cette courte présentation. Nous serons ensuite à votre disposition pour répondre à vos questions, et c'est pourquoi Mme Perreault, psychologue et responsable de l'Initiative sur la santé mentale en établissement, et Mme Andrée Gaudet, directrice associée et responsable de la surveillance des libérés conditionnels sur tout le territoire de Montréal et de la Rive-Sud, pourront compléter la présentation et répondre à vos questions.
Avant de donner des détails sur les mécanismes par lesquels le service correctionnel assure le continuum de soins dans la collectivité, je crois qu'il serait à propos de revenir rapidement sur l'organisation de nos services en santé mentale. Vous avez vu, au Centre régional de santé mentale, que nous offrons des services intensifs, spécialisés en santé mentale, pour des détenus en provenance de tous les établissements de la région du Québec. Ils y sont référés lorsque les services offerts dans chaque établissement ne sont plus à même de répondre aux besoins des détenus en santé mentale. Il peut s'agir de cas suicidaires ou automutilatoires particulièrement aigus, d'une situation d'urgence psychiatrique, d'un besoin d'évaluation psychiatrique ou de traitements spécialisés à long terme. Chaque établissement dispose donc de services pouvant répondre aux besoins de leurs détenus en matière de santé mentale.
L'Initiative sur la santé mentale en établissement, mise en place sur le plan national il y a maintenant deux ans, a d'ailleurs mis l'accent sur le dépistage des troubles de santé mentale à l'admission. On a maintenant un système informatisé de dépistage de troubles mentaux à l'évaluation initiale et sur l'évaluation exhaustive des besoins en santé mentale subséquente, ainsi que sur la prestation des soins primaires en santé mentale. À cet égard, dans la région du Québec, cette initiative a permis concrètement de mettre en place des équipes de santé mentale dans tous les établissements, c'est-à-dire 12 équipes à plusieurs endroits au Québec. Ces équipes sont constituées de professionnels spécialisés en santé mentale, de psychologues et d'infirmières en santé mentale. Elle a également permis de formuler les premiers constats de la prévalence des besoins en santé mentale au sein de notre clientèle carcérale, soit 15 p. 100 à l'admission chez les hommes et 58 p. 100 à l'admission chez les femmes.
Elle a aussi permis d'offrir des services de soins primaires en santé mentale à 19 p. 100 de la clientèle masculine incarcérée, soit à 575 délinquants au Québec; d'assurer la formation de notre personnel de correction et de notre personnel spécialisé, au Centre régional de santé mentale ou à l'établissement pour femmes à Joliette; de développer des plans de gestion clinique interdisciplinaires dans les dossiers de cas complexes en santé mentale, notamment pour les cas automutilatoires à répétition, et d'assurer, bien entendu, le suivi et la mise en place de ces plans.
Enfin, grâce à l'Initiative sur la santé mentale en établissement, nous avons mis en place un système de suivi des services offerts en santé mentale, à titre pilote, dans deux établissements, soit Donnacona et Joliette, afin de mieux connaître nos besoins en matière de développement de nouveaux services.
À partir du 1er avril, tous les établissements de la région du Québec auront ce système, ce qui veut dire que l'on sera en mesure de dire exactement combien, quand et qui a bénéficié des services en santé mentale, ce que l'on ne pouvait pas faire jusqu'à tout récemment.
Reprenons maintenant le fil de notre continuum de services. Les établissements faisant face à des problématiques de santé mentale qui excèdent leur capacité locale peuvent donc référer ces cas au Centre régional de santé mentale. Là encore, bien que le service dispose d'une expertise et d'installations appropriées, certains cas requièrent des soins encore plus poussés et ils sont référés à l'Institut Philippe-Pinel de Montréal, un partenaire du Service correctionnel depuis près de 30 ans. Précisons également que l'Institut Philippe-Pinel constitue le second niveau de référence pour les femmes délinquantes. Il s'agit d'une unité nationale qui dessert l'ensemble des régions du Service correctionnel.
Selon l'entente contractuelle qui nous lie, l'Institut Philippe-Pinel offre une capacité de 12 lits pour les délinquants sexuels — traitement spécialisé pour des délinquants présentant des besoins particuliers en santé mentale —, 12 lits pour les femmes délinquantes et 3 lits pour les besoins aigus pour les hommes. Dans tous les cas, les détenus qui séjournent soit au Centre régional de santé mentale, soit à l'Institut Philippe-Pinel, retournent éventuellement dans leur unité d'origine. En fait, le lien n'est jamais rompu avec l'équipe de gestion de cas locale et l'équipe de soins de l'instance où est référé le détenu ou la délinquante, et ce, conformément au principe de partage de l'information au moment opportun et du continuum de soins.
Les besoins particuliers des délinquants ayant une problématique de santé mentale sont donc pris en compte durant leur incarcération, incluant leur préparation à la réinsertion sociale. Au moment d'envisager concrètement la réinsertion, de nouveaux professionnels se joignent à l'équipe de gestion de cas. Ainsi, l'Initiative sur la santé mentale, cette fois appelée « en communauté », tient un rôle majeur dans la planification de la remise en liberté des délinquants et des délinquantes qui présentent des besoins en santé mentale. Les équipes cliniques de cette initiative, infirmières et travailleurs sociaux, s'impliquent dans l'organisation des soins transitoires en santé mentale plusieurs mois avant une première remise en liberté potentielle.
Les équipes de gestion des cas et les intervenants des deux initiatives sur la santé mentale travaillent de concert à l'identification des besoins en santé mentale et des besoins en matière de soutien afin d'assurer la remise en liberté sécuritaire. Essentiellement, leur travail consiste à déterminer le meilleur endroit pour qu'un délinquant entreprenne son retour à la société, et ce, en équilibrant d'une part l'intensité des besoins et, d'autre part, les ressources de l'individu et de son milieu. Une fois l'endroit — la ressource — déterminé, ils entreprennent alors une véritable préparation de terrain. Ils s'entretiennent avec les ressources communautaires, prennent contact avec les services environnants, la police, les organismes communautaires, les Centres locaux de santé communautaire et informent le délinquant, le préparant ainsi à sa transition en société.
Actuellement, l'Initiative sur la santé mentale dans la collectivité assure le suivi de 76 libérés conditionnels. Bien entendu, un nombre plus élevé de délinquants présentent des besoins de santé mentale lors de leur remise en liberté. Toutefois, seule une portion de ce nombre nécessite l'encadrement de l'Initiative sur la santé mentale dans la collectivité. Ces 76 délinquants actuellement suivis présentent des besoins d'encadrement qui excèdent ce que les modalités régulières de remise en liberté peuvent leur offrir. Les démarches entreprises par l'Initiative sur la santé mentale dans la collectivité sont donc de même nature, mais plus intenses que celles effectuées pour la réinsertion des cas ayant des besoins de santé mentale moindres ou n'en ayant pas du tout.
Afin de réaliser son mandat de soutien à une réinsertion sociale harmonieuse, l'Initiative sur la santé mentale dans la collectivité a construit des liens avec des partenaires communautaires dont le mandat est la prise en charge, le soutien et la défense des droits des personnes présentant des besoins en santé mentale. Ces liens visent à rendre disponibles des ressources aux délinquants et délinquantes présentant des besoins en santé mentale. Les domaines ciblés par ces liens entre le Service correctionnel et les ressources en santé mentale vont des suivis psychiatriques et de l’adhérence au traitement, pharmacologique ou psychosocial, aux besoins en hébergement, en passant par la réinsertion au travail par l'entremise d'ateliers supervisés et de soutien dans les activités quotidiennes.
[Français]
Je serai brève.
On vous a parlé de l'Initiative sur la santé mentale en établissement, du lien avec la communauté et le travail de partenariat réalisé avec plusieurs organismes communautaires afin d'assurer l'intégration des délinquants. On vous a parlé aussi des équipes qui existent dans la communauté, des travailleurs sociaux, des infirmières, etc. On fait aussi affaire avec des médecins et des psychiatres.
Au Québec, il y a quelque chose de particulier. Il s'agit du Centre correctionnel communautaire Martineau. Il s'agit d'une institution appartenant au Service correctionnel du Canada. Cet établissement est situé dans le Nord de Montréal et opère en collaboration avec la communauté. Il est important que les centres correctionnels communautaires s'assurent que leurs services ne sont pas offerts en rupture avec la communauté. On travaille avec des comités consultatifs de citoyens qui sont essentiellement composés de bénévoles de la communauté environnante où on opère. Ils nous permettent de mieux saisir les besoins de la communauté et d'ajuster nos services.
Au Centre correctionnel communautaire Martineau, pour les 60 p. 100 de délinquants, il y a environ 28 places, sauf erreur. De celles-ci, 24 sont occupées par des hommes et 4 par des femmes. Certains de ces hommes ont des problèmes de mobilité réduite. Ils sont en fauteuil roulant et ils ont besoin de certains soins médicaux particuliers. Ces 24 places pour hommes sont pour des gens ayant des problèmes de santé mentale. C'est la même chose pour les femmes. Au CCC Martineau, 60 p. 100 de la clientèle masculine arrive du Centre régional de santé mentale. Nous avons assuré un suivi, intégré nos services et assuré ceux-ci grâce à un plan d'intervention clinique suivi jusque dans la communauté. Il faut aussi comprendre qu'au CCC Martineau, contrairement à d'autres CCC, il y a du personnel spécialisé sur place 24 heures sur 24, sept jours par semaine, pour assurer la prestation des services. On retrouve des infirmières, ce qu'on appelle des conseillers en comportement clinique, des agents de libération conditionnelle, des psychologues, des agents de correction. La clientèle est rencontrée régulièrement pour qu'on puisse la suivre, ajuster la médication et s'assurer que les plans de réinsertion sociale sont bien suivis.
Je n'irai pas plus loin, je n'aborderai pas la question de la toxicomanie. Si on se fie aux questions que le greffier nous a fait parvenir, la santé mentale semble être ce qui vous intéresse le plus. C'est un élément fondamental de la réussite du CCC Martineau, car c'est le seul endroit où on peut vraiment assurer une continuité. Il n'y a pas de rupture de services pour les cas de santé mentale. On développe aussi des liens avec d'autres organismes communautaires qui pourront poursuivre le travail au-delà de notre mandat.
Je vous remercie.
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Thank you. Merci beaucoup.
Heureux de vous revoir, madame Vallée. Vous pouvez me répondre en anglais ou en français, comme bon vous semblera.
Comme vous le savez, nous étudions les toxicomanies et la santé mentale. Je vais donc consacrer mes questions à ces sujets.
À la page 10 de vos remarques, vous donnez des statistiques sur les personnes qui suivent des programmes de traitement de leurs toxicomanies dans les établissements. À l'intérieur de la période que vous indiquez, de 2009 à 2010 — période qui se rapproche de l'exercice financier dans notre langage parlementaire —, 420 délinquants ont entrepris un programme correctionnel en toxicomanie et 326 l'ont mené à terme. Vous parlez d'un taux de réussite de 78 p. 100. Ce taux est mesuré à l'achèvement du programme, je suppose.
Une voix: C'est à la fin du programme.
M. Don Davies: Je me demande si vous rassemblez des statistiques sur la sobriété ou la non-utilisation à long terme, des statistiques qui nous permettent de mesurer, un an, trois ans ou cinq ans plus tard, l'efficacité des thérapies.
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J'ai assisté à sa démonstration. C'était fantastique. Je crois dans l'utilisation de toutes les ressources qui sont parties prenantes à ce problème et qui veulent aider les personnes qui souffrent de maladie mentale. Je vous recommande d'examiner ce logiciel.
Je veux passer à une autre question, parce que, pendant notre tournée, il s'est produit quelque chose de très intéressant. M. Davies et moi avons rencontré une femme, qui ne voulait pas comparaître devant tous les membres du comité, parce qu'elle était nerveuse: elle souffre de problèmes de santé mentale et, aussi, de toxicomanie. Nous avons passé quelque temps avec elle et nous lui avons demandé ce qu'elle pensait de son établissement. Elle a loué les programmes, et les services qui étaient disponibles.
Je lui ai demandé ce qu'elle aurait à dire aux parlementaires. Si nous pouvions améliorer les choses, quel serait son message? Sa réponse m'a étonnée: « C'est facile: Que les conséquences soient plus importantes pour les personnes qui, en dedans, fabriquent de l'alcool, parce que je suis toxicomane et que mon traitement, mes programmes et les choses que j'essaie de réaliser pour moi-même sont menacés par la conséquence, qui est une amende de 5 $ ».
Quelles sont les conséquences, en prison, dans vos établissements, dans toute l'organisation de Service correctionnel, pour les personnes qui, dans l'organisation, font de telles choses? Que pouvons-nous faire pour aider cette femme? Quelles sont les conséquences pour quelqu'un qui, par exemple, est surpris à fabriquer de l'alcool dans vos établissements?
Je voudrais revenir sur ce que disait plus tôt Mme Glover. D'ailleurs, je suis d'accord avec elle. J'ai fait des représentations auprès de mon arrondissement. Je me suis dit qu'il était inacceptable qu'une garderie soit située près d'un CCC. Or l'école existe depuis 1922.
Comment se fait-il que les autorités responsable de cela aient décidé de construire un CCC à côté d'une école qui existe depuis 1922? Je peux vous confirmer que la première aile de l'école existe bel et bien depuis cette année-là. L'école était donc déjà là avant l'établissement du CCC.
Je ne cherche pas vraiment à savoir lequel des deux établissements a été le premier à être créé. Mon but est plutôt de répondre à Mme Glover et de lui montrer que la question est toujours très pertinente vu que la protection des enfants semble un point important.
Nous connaissons la dynamique actuelle du quartier. Une école y a été construite bien avant la création du CCC et, de plus, il y a une garderie. Je ne remets pas en cause le fait que le CCC reçoive des personnes atteints de problèmes de santé mentale. Ce que je remets en cause et ce que la Commission scolaire de Montréal remet en question également, c'est uniquement la présence de pédophiles.
Pouvez-vous me confirmer, de même qu'aux parents de ce secteur dont les enfants fréquentent l'école, qu'il n'y aura jamais d'incident? Je parle ici des enfants de cette école, des jeunes filles qui passent par là, et ainsi de suite. Pouvez-vous me confirmer qu'il n'y aura jamais d'incident?
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J'apprécie votre honnêteté.
En définitive, vous dites que vous ne pouvez pas nous confirmer un risque zéro. Le risque est toujours là. Vous comprenez par conséquent la préoccupation des gens de vouloir avoir recours à la prévention. Tant mieux si des mesures sont prises pour éviter une catastrophe, mais allons-nous attendre qu'il s'en produise une pour agir? Je vous avoue bien franchement qu'à mon avis, ce n'est pas à votre niveau que ça se passe. Ce n'est pas vous qui émettrez une directive relativement au CCC. Ça va se faire à un niveau plus élevé, et je respecte cela.
Je vais donc passer à un autre point, si vous me le permettez, monsieur le président.
On a visité l'USD. J'ai trouvé l'endroit très intéressant et aussi très sécuritaire. C'est très bien comme cela. Je ne remets pas en doute cet état des choses. Par contre, nous avons demandé à voir la zone d'isolement, mais ça n'a pas été possible parce qu'un événement se passait. Une question me chicote. Dans un lieu aussi sécuritaire, les détenus sont seuls et ne se voient presque jamais les uns les autres. On m'a dit qu'ils passaient environ 23 heures sur 24 dans leur cellule. Quand ils suivent des programmes ou des cours, ils sont derrière une vitre pare-balles. Ils n'ont donc de contact avec personne, à part peut-être avec les gardiens qui les font entrer et sortir. Il y a même un mur au milieu, entre les cellules, qui les empêche de se voir.
Pourquoi les met-on en isolement alors qu'ils sont déjà si isolés? Je n'ai vraiment pas compris. L'USD est déjà un isolement en soi.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins d'être venus aujourd'hui. Merci pour le temps que vous nous accordez et merci pour vos connaissances.
Comme préambule à ma question, sachez que nous ne sommes pas obsédés par le nombre de détenus. Ce qui nous obsède, c'est de nous assurer que nous fournissons aux détenus les meilleurs services possibles de santé mentale et de lutte contre les toxicomanies.
Sur ce point, j'aimerais faire une observation sur la page 11 de votre rapport. Les statistiques, telles qu'elles m'apparaissent, sont tout à fait impressionnantes, en ce qui concerne les résultats que vous obtenez avec le continuum de soins que vous exposez. Je me contenterai de vous renvoyer à la page 8 de votre rapport, où il est question des équipes qui y participent: des infirmiers, des conseillers en comportement, des agents de libération conditionnelle, des psychologues et des agents de correction qui examinent les cas aux deux semaines. Ces équipes doivent être louées pour les résultats qu'elles obtiennent.
Ma question concerne davantage ce que nous pouvons faire de plus. C'est la raison d'être de notre présence ici, de notre étude. Que pouvons-nous faire de plus pour obtenir des résultats positifs? Je pense que c'est une question qui, d'une certaine manière, est double. Ayant été un intervenant, dans ma communauté, sur des problèmes de santé mentale, je pense, que, tout compte fait, les services que nous fournissons pour réinsérer les gens dans la communauté, par rapport à la population ayant des problèmes de santé mentale et qui ne sont pas des délinquants... Dans une situation comparable, nous accomplissons un travail fantastique.
Vous arrive-t-il de comparer les résultats obtenus avec des criminels que l'on réinsère dans la communauté aux résultats obtenus avec des personnes ayant des problèmes de santé mentale et qui finissent bien dans la communauté?
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Monsieur Desnoyers, vous me mettez au défi. Ha, ha!
Je n'ai jamais fait le calcul des ressources de cette façon. Je peux vous dire qu'actuellement, dans la région du Québec, on a 3 331 détenus — et cela peut varier d'un jour à l'autre, selon le nombre qu'on a libérés et incarcérés — qui sont vraiment en établissement, dans les pénitenciers, et on a environ 2 100 libérés conditionnels dans tout le territoire du Québec. Pour superviser ces 5 000 et quelques individus, on a environ 4 105 employés au Québec répartis de la façon suivante : 1 882 agents correctionnels — et cela varie également de jour en jour, mais c'est toujours une moyenne —, 203 infirmières, 85 psychologues et 102 agents de programme, agents de libération conditionnelle. Je n'ai jamais fait le rapport de cette façon, mais c'est sûr que dans les pénitenciers, il faut comprendre une chose — et je le dis toujours aux gens qui ne les connaissent pas bien —: c'est comme un hôtel, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, avec les services alimentaires et tout ce que cela signifie en fait de garde, tant dans le pénitencier qu'à l'intérieur de son périmètre.
En centre correctionnel communautaire — outre le CCC Martineau pour les soins spécialisés où il y a du personnel spécialisé: une infirmière 24 heures sur 24, 7 jours sur 7—, c'est sûr que le rapport va être un peu plus bas. Par contre, il y a toujours une surveillance 24 heures sur 24 qui est assurée dans tous les centres correctionnels communautaires. On a des agents de libération conditionnelle, des agents de programme, dans les centres correctionnels communautaires. Quand je parle de « centres correctionnels communautaires », je parle vraiment de tout ce qui se fait en communauté, en surveillance.
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Oui, parce qu'il y a également de nombreuses possibilités de partenariat.
Lorsque vous avez des spécialistes, comme des psychologues, qui travaillent dans un établissement du Nord du Québec, il est important de les appuyer et de veiller à ce qu'ils ne soient pas isolés des autres spécialistes de leur domaine. Comme organisation, nous devons établir ce genre de partenariat pour les attirer et les conserver.
La situation du système de santé rend également les choses difficiles. La concurrence est très forte — par exemple, à Port-Cartier, nous avons un établissement et un hôpital qui, tous les deux, recherchent des médecins, du personnel infirmier, et des psychologues, ce qui fait qu'il y a concurrence sur le marché pour attirer ces gens.
La situation est très difficile. Je pense qu'en nouant des partenariats, nous serons dans une meilleure position pour fidéliser les gens et stabiliser la qualité des services fournis aux délinquants. C'est là une des grandes priorités que nous avons.
Nous devons stabiliser l'équipe. Nous avons eu une discussion avant de venir ici et il en est ressorti que le défi consiste non seulement à embaucher des gens mais également à stabiliser l'équipe. En raison du vieillissement de la population, beaucoup de gens quittent l'organisation à l'heure actuelle et nous avons embauché beaucoup de nouveaux employés. Les jeunes savent qu'ils peuvent travailler là-bas et qu'ils ont toutes sortes de possibilités.
Voilà le genre de discussion que nous avons parfois avec les gens des ressources humaines — ce que nous pouvons faire, ce qu'ils peuvent faire pour nous aider, les façons novatrices de gérer les ressources humaines.
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Ce que je veux dire, c'est que parfois, la personne concernée ne veut pas quitter la cellule d'isolement. C'est ce que je voulais dire.
Nous sommes confrontés à divers défis sur le plan de l'isolement. Il s'agit parfois de personnes ayant une maladie mentale. Dans ces cas, on ne parle pas de cellule d'isolement, mais bien d'isolement clinique, parce que la personne doit pouvoir se reposer et être laissée seule, à l'écart du reste de la population. C'est une situation qui peut se présenter.
Parfois, nous recourons à l'isolement pour gérer des problèmes de comportement ou de discipline. C'est une situation différente, assujettie à d'autres règles. Nous devons également nous assurer de pouvoir gérer la situation, même si la personne est agressive. Nous ne pouvons laisser les personnes en isolement à long terme sans les surveiller. Nous devons gérer la situation et chercher des solutions de rechange. Devrions-nous envisager un transfert, une réintégration graduelle dans une aile de l'établissement, un changement de secteur? Il faut trouver d'autres solutions.
Il y a ensuite un petit nombre de prisonniers qui, pour diverses raisons, ne veulent pas être en contact avec le reste de la population, et ils resteront en isolement. Nous devons aller vers eux et essayer de comprendre pourquoi ils ont si peur de rester avec le reste des prisonniers. Que pouvons-nous faire? Parfois, nous trouvons un autre prisonnier qui pourra agir en qualité de pair; nous tenterons alors de convaincre la personne d'aller vivre avec le reste de la population. Nous continuerons de suivre cette personne.
J'aimerais également parler de l'isolement.
Nous savons que bien des gens qui ne travaillent pas dans les établissements ont une opinion sur ce que nous devrions faire au sujet de l'isolement, de la ségrégation ou peu importe comment cela s'appelle. Chose certaine, nous nous sommes rendus en Norvège et en Grande-Bretagne, deux pays qui, selon d'aucuns, font bien mieux que nous à cet égard. Je doute fort que ce soit le cas. Lorsque nous nous y sommes rendus et avons commencé à examiner les choses plus en profondeur, nous avons constaté qu'on y utilise des installations semblables aux nôtres, et c'est souvent pour les mêmes raisons que nous.
Je sais que dans les établissements que nous avons visités au Canada, certaines personnes souhaitent demeurer en isolement pour garantir leur sécurité. Je crois qu'il y en avait plusieurs à Kingston. Si ces prisonniers se retrouvaient avec le reste de la population carcérale, je ne sais pas comment nous réussirions à les protéger, et je crois que, de toute évidence, ils se le demandent aussi. J'ai appris tout récemment qu'un prisonnier a intenté des poursuites parce qu'il n'avait pas été bien protégé.
Savez-vous ce que nous pourrions faire pour réintégrer certaines de ces personnes au sein de la population carcérale, alors qu'elles ne veulent pas y aller pour des raisons de sécurité?