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Bonjour à tous et à toutes. Bienvenue à la 56
e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale du jeudi 17 février 2011.
Aujourd'hui, nous entamons une étude sur l'agrandissement des pénitenciers. Nous accueillerons les témoignages du ministre de la Sécurité publique et d'un représentant du Service correctionnel du Canada un peu plus tard dans la matinée, mais au cours de cette première heure, nous entendrons un témoin de la Bibliothèque du Parlement.
Nous souhaitons la bienvenue à M. Kevin Page, directeur parlementaire du budget. Il est accompagné par ses fonctionnaires, dont M. Mostafa Askari, directeur parlementaire adjoint du budget, Analyse économique et financière, et de M. Sahir Khan, directeur parlementaire adjoint du budget, Analyse des dépenses et des revenus; et je pense que M. Ashutosh Rajekar, conseiller financier, sera également des nôtres.
Les membres du comité veulent vous remercier de témoigner devant eux aujourd'hui. Je pense que le directeur parlementaire du budget a une déclaration préliminaire. Nous procéderons par la suite à une série ou deux de questions.
Monsieur Page, je vous souhaite la bienvenue. La parole est à vous.
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Merci, monsieur le président.
[Français]
Bonjour, monsieur le président, messieurs les vice-présidents et mesdames et messieurs membres du comité.
[Traduction]
Merci de nous avoir invités, mes collègues et moi, à vous parler aujourd'hui de l'estimation des répercussions financières sur le système correctionnel fédéral des modifications apportées à la législation en matière criminelle, et plus particulièrement des travaux du DPB sur la Truth in Sentencing Act ou, en français, la Loi sur I'adéquation de la peine et du crime, ou la LAPC.
Je vais subdiviser mes observations en quatre parties: les messages clés, l'approche retenue par le DPB, un cadre d'analyse et des questions que les membres du comité pourraient souhaiter poser au ministre de la Sécurité publique.
J'ai quelques messages à livrer.
Premièrement, les modifications importantes apportées au Code criminel, qui ont une incidence sur le système correctionnel du Canada, comme la LAPC, entraînent des coûts financiers appréciables. L'estimation que le DPB fait des coûts au niveau fédéral se situe à environ un milliard de dollars par an au cours des cinq prochaines années, à supposer que les taux d'occupation demeurent inchangés: environ 620 millions de dollars par an en frais supplémentaires de fonctionnement et d'entretien et en immobilisations et 360 millions de dollars par an ou 1,8 milliard de dollars sur cinq ans pour de nouvelles constructions.
Deuxièmement, les parlementaires n'ont pas eu droit à une transparence suffisante, en matière financière, pour s'acquitter de leurs responsabilités de mandataires en ce qui concerne les modifications à la législation en matière criminelle. Dans le cas de la LAPC, le gouvernement a dit aux parlementaires, pendant l'étude du projet de loi, que les estimations des coûts étaient un secret du Cabinet. Le gouvernement n'a révélé ses estimations qu'une fois le projet de loi adopté, et les estimations ne révélaient rien de la méthodologie et des hypothèses retenues.
Les parlementaires ne savent pas si le cadre de planification financière reflète entièrement les pressions sur les coûts attribuables aux modifications de la législation en matière criminelle. Ni le budget de 2010, ni la mise à jour économique et financière de l'automne n'ont mis en évidence les répercussions financières. Le Rapport sur les plans et les priorités du Service correctionnel du Canada en 2010-2011 a indiqué une croissance supérieure à 10 p. 100 dans son niveau de référence pour les trois prochaines années et dit qu'il aurait besoin de 4 000 employés de plus, mais il n'a parlé de la LAPC que comme un risque de pression financière à gérer.
Troisièmement, des modifications au Code criminel comme celles qui sont prévues dans la LAPC auront une incidence appréciable sur le fonctionnement et les coûts des établissements et des services correctionnels de ressort provincial et fédéral. Le gouvernement fédéral voudra peut-être informer les autres administrations des effets financiers estimatifs pour elles.
[Français]
Le DPB a abordé l'estimation des besoins financiers et des impacts en élaborant des méthodes d'établissement des coûts et des modèles. Dans le cas de la LAPC, nous avons considéré la modification de la durée des séjours, les arrivées, le nombre de détenus et les coûts de fonctionnement et d'entretien, soit les coûts des immobilisations sur tout le cycle de vie et les coûts des nouvelles constructions. Tout comme le ministère des Finances, Ie DPB met l'accent sur les coûts statiques, c'est-à-dire que nous maintenons les facteurs existants comme les taux d'occupation, sans nous pencher sur les modifications possibles du type de comportement.
Le DPB a recours à l'examen par les pairs et à leur assistance. Dans le cas de la LAPC, le groupe était formé de neuf experts de divers domaines : système correctionnel, gestion des installations et modélisation financière et statique.
Dans le cas de la LAPC, le DPB a élaboré et utilisé deux modèles. Un modèle financier simple permet de répondre à la question: « Que se serait-il passé si la Loi s'était appliquée en 2007-2008? » Les données existantes nous disent qu'environ 8 600 détenus ont été admis et qu'ils ont passé en moyenne 560 jours en détention. Nous estimons que la LAPC allongerait le séjour moyen d'environ 30 p. 100, soit 160 jours. Cela ferait augmenter Ie nombre de détenus de 3 800 en moyenne, un nombre analogue à l'estimation communiquée par Ie commissaire du Service correctionnel du Canada. Si nous utilisons les données du domaine public pour calculer les coûts de fonctionnement, d'entretien et des immobilisations par détenu, ainsi que les coûts de construction par cellule, nous pouvons arriver rapidement à un impact financier d'environ 1 milliard de dollars par année, en tenant compte à la fois du fonctionnement et de la construction au cours des cinq prochaines années, à supposer que les taux actuels d'occupation restent inchangés.
Le DPB a aussi élaboré un modèle de simulation probabiliste en trois phases pour estimer l'impact financier de l'augmentation de la durée des peines et du nombre de personnes incarcérées. Il décrit en détail le profil des détenus et les conséquences sur le plan opérationnel. Ce modèle a mis en évidence des conséquences financières semblables, ainsi que la nécessité de bâtir jusqu'à 13 nouveaux établissements avec des capacités cellulaires classiques.
[Traduction]
Le DPB a une petite équipe. Il nous faut donc choisir les priorités avec soin pour que notre travail soit pertinent et fasse autorité. Le bureau ne peut pas être la première source de données sur les coûts attribuables à toutes les nouvelles lois fédérales. En réponse à la demande d'un député, le DPB a centré ses efforts sur la LAPC parce qu'il existait un risque systémique puisqu'aucune analyse financière n'a été fournie au Parlement, et un risque important puisque les modifications législatives majeures en matière criminelle peuvent avoir une incidence financière considérable. Certes, le DPB est disposé à produire des méthodologies et estimations originales, mais il est mieux placé, compte tenu de la taille de ses effectifs, pour étudier les méthodologies, appliquer un critère de vraisemblance et évaluer le risque à partir des estimations du gouvernement. Pour analyser l'incidence de nouvelles mesures législatives en matière criminelle, les parlementaires trouveront peut-être utile de se servir du cadre d'analyse simple suivant.
D'abord, les parlementaires peuvent souhaiter connaître l'effet estimatif de tout projet de loi en matière criminelle sur le nombre de détenus dans les établissements correctionnels. Ce nombre est proportionnel aux taux des arrivées et des départs des détenus et à la durée de leur séjour.
Deuxièmement, les parlementaires peuvent souhaiter connaître l'effet estimatif de tout projet de loi en matière criminelle sur les coûts courants par détenu. Ces coûts varient selon le statut du détenu — par exemple, incarcéré ou en semi-liberté — et son classement selon le niveau de sécurité, par exemple, minimale, moyenne, maximale ou établissement pour femmes. D'après les documents publics des années précédentes, le coût moyen d'un détenu est d'environ 160 000 $ par an, mais ces coûts varient considérablement, entre quelque 40 000 $ pour un délinquant en liberté conditionnelle et environ 220 000 $ par année pour les hommes détenus en établissement à sécurité maximale.
Troisièmement, les parlementaires peuvent souhaiter connaître l'effet estimatif de tout projet de loi en matière criminelle sur les besoins accrus en nouvelles cellules. Ces coûts varient en fonction d'un certain nombre de facteurs: les coûts de construction qui ont cours sur le marché, le niveau de sécurité, le terrain, l'aménagement du site, les coûts des acquisitions, etc. Le commissaire du SCC, Don Head, a précisé dans son témoignage au comité sénatorial que le coût de construction de nouveaux établissements s'élève à 200 000 $, 400 000 $ et 600 000 $ par cellule, selon qu'il s'agisse d'un établissement à sécurité minimale, moyenne ou maximale.
Quatrièmement, les parlementaires peuvent souhaiter connaître l'effet de tout projet de loi en matière criminelle sur la population visée: détentions provisoires par opposition aux condamnations, profil de sécurité minimal ou maximal, groupes d'âge particuliers, taux d'occupation selon la région, établissement fédéral par opposition aux établissements provinciaux et territoriaux, ainsi que l'incidence sur la charge de travail administratif. Tous ces éléments peuvent avoir une incidence sur les coûts financiers ou créer un risque par rapport aux objectifs correctionnels.
Pour ce qui est des questions à poser au ministre de la Sécurité publique, en guise de conclusion, je tiens à réaffirmer qu'il est essentiel, si on veut que les parlementaires s'acquittent de leurs responsabilités fiduciaires lorsqu'ils approuvent les autorisations financières, que le gouvernement fournisse une information adéquate et rapide ainsi que des analyses des effets de nouvelles lois, avant que celles-ci ne soient adoptées. Pour tous les nouveaux projets de loi en matière criminelle, les parlementaires souhaiteront peut-être demander au ministre de la Sécurité publique quelle sera l'incidence sur le nombre de détenus, les coûts courants par détenu, les besoins en nouvelles cellules et la population visée, ainsi que, au besoin, les coûts des provinces et des territoires.
[Français]
Merci de m'avoir donné l'occasion de servir le comité. C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions. Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Page, je tiens à présenter mes remerciements à votre bureau et à vous. Je ne pense pas que nous aurions un débat sur la loi que nous étudions actuellement si vous n'aviez pas joué un rôle pour lancer une discussion sur les coûts.
Cela me préoccupe particulièrement. Et je présente ceci à titre d'illustration.
Le 15 février 2010, le ministre de la Sécurité publique a dit ce qui suit relativement au projet de loi C-25 et à la pratique consistant à accorder un crédit de deux jours pour chaque jour passé en détention préventive:
Nous ne connaissons pas exactement les coûts. Certaines estimations sont faibles, tandis que l'autre prévoit des coûts plus élevés — mais pas plus de 90 millions de dollars.
Par ailleurs, comme vous le savez, deux jours plus tard, soit le 17 février, on a entendu dans les nouvelles que votre bureau allait entreprendre une étude du projet de loi C-25, à ma demande, et du jour au lendemain, le ministre a dit que ce ne sera pas vraiment 90 millions de dollars, mais plutôt deux milliards de dollars. Et par la suite, bien sûr, votre rapport publié huit mois plus tard environ stipulait qu'il ne s'agissait pas de coûts de deux milliards de dollars, mais de cinq milliards de dollars à l'échelle fédérale et peut-être entre cinq et huit milliards de dollars à l'échelle provinciale.
Nous somme saisis de 24 projets de loi à l'heure actuelle, et je pourrais vous présenter tous les chiffres, mais je pense que cela prendrait trop de temps sur les sept minutes qui me sont allouées. Selon vous, quelle est l'importance pour le Parlement, lorsqu'il soupèse ses décisions, de détenir l'information sur les coûts pour chacun de ces projets de loi, et plus particulièrement d'obtenir l'information contextuelle pour en évaluer la véracité, surtout compte tenu de l'expérience que nous avons eue avec le projet de loi C-25?
Merci aux témoins d'être venus. C'est toujours bien d'avoir ces échanges et ces joutes oratoires car il y a de nombreuses opinions, et vous vous occupez de dollars et de cents. Je pense qu'il y a de nombreux facteurs qui entrent en jeu. Il y a des questions socioéconomiques. Les coûts sont donc parfois cachés. Vous faites des hypothèses. Le premier ministre est un économiste, et vous connaissez la vieille blague au sujet de l'invention d'un nouvel ouvre-boîte. L'ingénieur étudie les aspects mécaniques puis il consulte l'économiste qui dit: « Eh bien, seulement si nous supposons qu'il existe une boîte de conserve ».
Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il nous faut des gens comme vous. Nous avons besoin d'économistes. Nous avons besoin de gens qui font des estimations. Mais il y a également d'autres coûts qui ne se mesurent pas en dollars, c'est le coût pour les victimes, la douleur et la souffrance qu'ils endurent lorsqu'un crime est commis, les soins médicaux et psychologiques pour le reste de leur vie qui, s'ils ne peuvent pas être attribués aux prisons, font néanmoins partie des coûts de la criminalité.
Les gouvernements doivent tenir compte de cela. Il y a un coût pour la société, et parfois il faut mettre les méchants en prison. La plupart des personnes dans notre société croient que ceux qui commettent certains crimes doivent être emprisonnés. Si le système ne rend pas justice, ils perdent confiance en ce système. Je pense que c'est ce que le gouvernement essaie de faire, et cela coûte de l'argent.
Est-ce que l'un d'entre vous a lu le rapport commandé par l'ancien ministre de la Sécurité publique, Stockwell Day, intitulé Feuille de route pour une sécurité publique accrue? En raison de contraintes de temps et de certaines questions qu'il devait aborder, le comité a demandé à Deloitte & Touche de faire une étude très approfondie de certaines des questions que pose M. Lobb. Cela a causé beaucoup de consternation dans ma circonscription, car les auteurs du rapport ont formulé des hypothèses, tout comme le font les économistes. Sans même aller visiter un seul établissement, ils ont parlé d'en fermer, d'en construire de nouveaux, des coûts, des avantages et des inconvénients.
Monsieur Rajekar, avez-vous utilisé l'étude de Deloitte & Touche pour formuler les hypothèses de l'analyse que vous avez effectuée pour faire vos estimations?
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Merci, monsieur le président, et merci à vous, mesdames et messieurs les membres du comité. Cela me fait plaisir d'être ici. Je suis très heureux de pouvoir me présenter devant le comité aujourd'hui, pour vous aider avec votre examen de l'agrandissement des établissements correctionnels.
Comme vous l'avez déjà mentionné, je suis accompagné aujourd'hui de Don Head, commissaire du Service correctionnel du Canada.
Il y a également dans l'auditoire M. Shawn Tupper, sous-ministre adjoint du Secteur de la sécurité de la population et des partenariats. Je ne sais pas si nous aurons besoin de son aide, mais il est présent.
J'aimerais commencer en disant que, de toutes les responsabilités d'un gouvernement, et en fait de tous ses privilèges, aucune n'est plus grande que la protection de ses citoyens. Il ne peut pas y avoir de plus grande priorité que de veiller à ce que nos citoyens puissent vivre sans inquiétude pour leur sécurité et la sécurité des personnes qui leur sont chères.
Comme le savent les membres du comité, la sécurité des Canadiens et des Canadiennes est une des principales priorités du programme de sécurité publique de notre gouvernement, et ce, depuis notre entrée au pouvoir en 2006. Pour que notre économie et nos citoyens croissent et prospèrent, nous devons prendre les mesures qui s'imposent afin de veiller à ce que nos frontières soient sûres, que notre infrastructure essentielle et nos réseaux cybernétiques soient résilients, et à ce que nos rues et nos écoles soient sécuritaires.
Voilà pourquoi, monsieur le président, notre gouvernement a adopté une démarche à multiples facettes pour prévenir les activités criminelles et pour y intervenir. Nous avons mis en place toute une gamme d'initiatives en vue de renforcer les droits des victimes, de donner aux services de police les outils et les ressources dont ils ont besoin pour prévenir la criminalité et mener des enquêtes, et d'améliorer les systèmes judiciaires et correctionnels.
Nous avons également mis en place des mesures afin de veiller à ce que les délinquants — en particulier ceux qui commettent des crimes dangereux et violents — s'acquittent pleinement de la dette qu'ils ont envers la société. La pratique selon laquelle le temps passé en détention préventive compte en double a été abolie. Et, enfin, des peines minimales obligatoires ont été infligées pour des crimes graves, comme ceux commis au moyen d'une arme à feu par exemple, afin de refléter la gravité de ces crimes. Ces démarches, entre autres, démontrent que le gouvernement s'est engagé à renforcer les droits des victimes, à amener les délinquants à assumer la responsabilité de leurs actes et à rendre nos collectivités plus sûres.
Monsieur le président, j'ai écouté attentivement les discussions et les commentaires des membres du comité qui croient qu'il est trop dispendieux d'améliorer et d'agrandir les établissements correctionnels, et que cela n'en vaut pas la peine. Monsieur le président, notre gouvernement a été très clair et franc à ce sujet. Nous sommes conscients qu'il y aura un coût à payer pour les efforts déployés en vue de lutter contre le crime et d'assurer la protection des Canadiens et des Canadiennes. Nous comprenons qu'il y aura un coût à payer pour garder les criminels dangereux derrière les barreaux. Toutefois, nous sommes prêts à payer ce prix. Les mesures à prendre ont un prix, un prix que nous sommes prêts à payer puisque ce qu'il en coûte à la société est beaucoup plus élevé — et pas seulement en argent. Je parle du prix de la peur et de l'insécurité, du prix des blessures et des dommages causés aux biens, du prix des menaces, de l'intimidation et de la perte du moral dans les collectivités d'un bout à l'autre du pays.
Voilà pourquoi nous avons préparé un programme ambitieux afin d'améliorer notre stratégie en matière de logement des détenus. C'est aussi pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, pour vous parler de nos efforts en vue d'élargir et d'améliorer les établissements correctionnels. Comme les membres du comité le savent déjà, le Service correctionnel du Canada a un rôle important à jouer lorsqu'il s'agit d'assurer la sécurité publique. En tout temps, il peut compter sur plus de 16 000 employés qui travaillent dans 57 établissements correctionnels, 16 centres correctionnels communautaires et 84 bureaux de libération conditionnelle un peu partout au pays pour assurer la sécurité des Canadiens et des Canadiennes. En maintenant ces établissements correctionnels efficients et efficaces, le personnel du SCC pourra continuer à effectuer son important travail.
Il nous faut nous assurer de progresser au même rythme que les nouvelles formes de criminalité, et veiller à ce que nos méthodes et notre infrastructure ne prennent pas de recul. Monsieur le président, notre gouvernement est bien conscient de la réalité, et c'est pourquoi nous avons été de l'avant avec des mesures concrètes afin que le Service correctionnel du Canada dispose des installations appropriées pour que les délinquants dangereux ne soient pas relâchés dans nos rues. À cette fin, notre gouvernement a annoncé de nombreux versements de fonds en vue d'agrandir et d'améliorer nos pénitenciers fédéraux existants. En fait, le 20 janvier de cette année, notre gouvernement a annoncé qu'un financement de l'ordre de 601 millions de dollars serait versé afin de renouveler l'infrastructure, ce qui permettra d'ajouter 2 552 autres lits dans les pénitenciers fédéraux de partout au pays.
Comme le savent déjà les membres du comité, nous avons affirmé aux Canadiens et aux Canadiennes avoir l'intention d'adopter une démarche modérée pour effectuer ces élargissements. Oui, nous fournissons des fonds pour élargir des pénitenciers, mais nous le faisons d'une façon réfléchie et judicieuse sur le plan financier.
Nous avons commencé par examiner comment nous pouvons élargir et améliorer nos pénitenciers fédéraux existants, avant même d'envisager d'en construire de nouveaux. Une des façons dont nous pouvons accroître la capacité des infrastructures existantes est d'augmenter et de prolonger les mesures temporaires de logement, comme la double occupation des cellules. Certains honorables membres considèrent que la double occupation des cellules contribuera à accroître la violence dans nos pénitenciers. En fait, monsieur le président, la double occupation des cellules est une méthode raisonnable et responsable de loger des détenus dans des établissements correctionnels. Le SCC a déjà en place les politiques requises pour veiller à l'utilisation appropriée de cette méthode d'hébergement. Nous comptons également aller de l'avant avec nos plans visant à construire de nouvelles unités résidentielles dans de nombreux établissements pour hommes existants du SCC ainsi que dans chacun des établissements pour femmes.
La question suivante a été posée à maintes reprises, et elle est en fait la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui: combien coûtent le renforcement de notre système correctionnel et l'élargissement de nos établissements correctionnels? Même si je ne vois pas d'inconvénients à répéter, une fois de plus, le montant du financement accordé, comme je l'ai déjà fait à de nombreuses reprises pour les honorables membres et pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes, j'aimerais plutôt citer le commissaire du Service correctionnel du Canada, qui s'est présenté devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires en octobre dernier, où il a dit ce qui suit, et je cite: « Pour le moment, nous estimons avoir besoin d'environ 2 milliards de dollars sur cinq ans pour financer le recours accru à la double occupation des cellules de même que la construction et l'exploitation des nouvelles unités. Ces fonds nous permettront également de continuer à offrir des programmes aux délinquants qui sont sous notre responsabilité. »
J'aimerais également dire un mot au sujet de la somme de 90 millions de dollars toujours utilisée à tort par les députés et les médias. Ces 90 millions que j'ai mentionnés au début correspondent aux dépenses en immobilisations pour la première année. Le coût sera de 2 millions de dollars la première année puis de 88 millions la deuxième année, mais c'est la première affectation de fonds. Je n'ai jamais dit que ce serait la totalité de nos dépenses d'immobilisations. Depuis le début le chef des services correctionnels et moi-même avons toujours dit que le coût serait de 2 milliards de dollars sur cinq ans. Je sais que les députés vont continuer à induire en erreur le comité et la Chambre, mais je tenais à le répéter aux fins du compte rendu.
Comme peuvent le voir les honorables membres du comité, nous avons été très francs en ce qui a trait aux coûts de l'élargissement et de l'amélioration de notre système correctionnel. De plus, comme vous l'avez entendu du commissaire du SCC, nous comptons également sur ce montant pour veiller à ce que les délinquants puissent continuer à accéder au programme de réhabilitation. Je suis convaincu que les coûts de notre programme législatif ne seront pas plus élevés que ceux que M. Head et moi-même avons mentionnés à maintes reprises. Je vous dis cela parce que lorsque je suis devenu ministre de la Sécurité publique l'an dernier on m'a fourni les prévisions relatives à l'incidence des mesures législatives du gouvernement sur la population carcérale. Ces prévisions sont importantes car nous nous appuyons sur elles pour déterminer si de nouvelles installations sont nécessaires.
En février 2010, le SCC prévoyait que la population carcérale serait de 15 038 hommes et 573 femmes, pour un total de 15 611 détenus au 31 mars 2011. Ces prévisions tenaient compte de la croissance normale et de l'incidence de la Loi sur la lutte contre les crimes violents et de la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime. On prévoit une augmentation totale de la population carcérale de 1 280 personnes pour l'exercice se terminant le 31 mars 2011. C'est le montant total de l'augmentation prévue: 1 280. Notre gouvernement a préparé des plans de construction en se fondant sur ces prévisions. Cependant, je vous ferai remarquer qu'au 31 mars la population carcérale n'aura augmenté que de 390 détenus, soit un tiers de moins que les prévisions du SCC. Donc ils avaient prévu une augmentation de 1 280 mais l'augmentation réelle pour le reste de l'exercice sera de 390.
Si l'on tient compte de la différence entre les prévisions et les chiffres réels, on peut conclure que les coûts liés à la mise en oeuvre de notre projet de loi ne seront pas aussi élevés que nous l'estimions d'abord. Nous continuerons de suivre cette tendance, et si elle se maintient, nos plans d'exécution permettront au gouvernement de fermer certains de nos établissements les plus anciens et coûteux et les moins sûrs, au profit de nouveaux établissements correctionnels modernes.
Monsieur le président, notre gouvernement croit qu'il s'agit là d'un bien petit prix à payer pour s'assurer que les délinquants dangereux reconnus coupables d'avoir violé la loi se voient infliger la peine qui s'impose et soient incarcérés pour une durée appropriée. En adoptant une approche très ferme à l'égard du crime, notre gouvernement tient ses engagements envers les Canadiens et les Canadiennes, qui consistent à assurer la sécurité de nos rues.
En élargissant les capacités existantes du système pénitencier fédéral, nous pouvons veiller à fournir aux délinquants l'espace et les installations nécessaires où ils pourront purger une peine qui reflète mieux la gravité de leur crime. D'abord et avant tout, nous sommes déterminés à protéger les Canadiens et les Canadiennes. Nous devons veiller à ce que les délinquants violents ne se retrouvent pas dans nos rues. Les citoyens canadiens nous ont déjà dit qu'ils s'attendent à ce que nous protégions les personnes les plus vulnérables de la société, tout particulièrement les enfants, et c'est ce que nous faisons.
Pour conclure, monsieur le président, notre gouvernement croit que les peines imposées et le temps purgé devraient refléter adéquatement la gravité et les conséquences du crime. En renforçant notre système correctionnel, nous pouvons nous assurer que les délinquants sont tenus responsables de leurs actes criminels. Bien sûr, il y a un coût financier à la lutte contre le crime, mais nous devons également tenir compte des coûts sociaux que représente le crime pour la victime et la société. Nous ne nous excuserons pas de dépenser de l'argent dans notre système correctionnel pour assurer la protection des Canadiens et des Canadiennes. La protection de nos citoyens et citoyennes doit être mise au premier plan. Voilà pourquoi nous restons fermement déterminés à investir dans l'élargissement des pénitenciers et dans de meilleurs programmes de réhabilitation. Ces investissements permettront de veiller à ce que les délinquants dangereux purgent une peine qui reflète la gravité de leur crime.
Notre gouvernement est fier d'être du bon côté dans ce débat, du côté des Canadiens et des Canadiennes respectueux des lois et des victimes qui veulent que justice soit faite, et du côté de ceux qui comprennent que le prix à payer pour avoir une société sûre, sécuritaire et juste en vaut la peine.
Je vous remercie et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Je vous remercie monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre présence parmi nous aujourd'hui.
Monsieur Toews, vous n'ignorez sans doute pas que mon temps de parole est assez bref. Je vais donc vous poser un certain nombre de questions, en vous demandant de bien vouloir donner des réponses les plus concises possible. Je vous en serai reconnaissant.
Monsieur le ministre, ainsi que vous le savez sans doute, votre gouvernement a retenu les services du directeur parlementaire du budget. Il lui a confié le mandat d'éclairer le Parlement sur la situation financière de la nation afin que ce dernier puisse fonder ses décisions sur des renseignements exacts et clairs.
Ce même directeur parlementaire du budget a dit, et je cite, « On s'inquiète vraiment de la possibilité que le Parlement ne maîtrise plus ses responsabilités fiduciaires ». Il a aussi affirmé sans ambages que son propre service estime impossible d'obtenir des renseignements et qu'on lui a servi une fin de non-recevoir par rapport au projet de loi pendant quelque huit mois, ce qui l'a donc forcé à concevoir des modèles statistiques auxquels il ne pouvait pas avoir accès autrement. Après ces huit mois, le directeur parlementaire du budget, au sujet d'un seul projet de loi — et je vous rappelle ici que la Chambre des communes est présentement saisie de 24 de ces projets — la , a affirmé que, sur cinq ans, il en coûtera 5 milliards de dollars au gouvernement fédéral pour le mettre en oeuvre et quelque 5 à 8 milliards aux provinces.
Vous nous avez dit qu'il n'en coûterait à peu près rien aux provinces. Lorsqu'on vous a interrogé là-dessus le 15 février, vous avez dit, et je cite « Nous ne savons pas tout à fait combien cela nous coûtera... Certaines de nos prévisions sont modestes, d'autres sont plus élevées mais ne dépassent pas 90 millions de dollars ». C'est de là que nous tirons le montant de 90 millions de dollars.
Monsieur le ministre, vous avez par la suite affirmé que l'ensemble du projet coûtera 2 milliards de dollars, alors voici ma question: si le directeur du budget parlementaire se trompe, c'est de combien, et sur quelles données vous appuyez-vous?
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Soixante-dix milliards. Je n'ai jamais ventilé ces coûts, qu'ils soient attribuables aux services en santé mentale, à l'hospitalisation, aux services de police, ce genre de choses, mais c'est en général le chiffre qui est accepté. Je pense que ce rapport pourrait être dépassé; je ne me rappelle plus de la date exacte de sa publication. Mais c'est l'analyse qui avait été faite.
L'autre coût que j'ai mentionné est attribuable au dommage psychologique chez les personnes qui craignent de quitter leur domicile le soir — pas seulement le soir, mais aussi le jour. Vous avez entendu parler de tels cas, et la plupart de nous, députés, en avons aussi entendu parler. Les personnes âgées qui habitent dans des quartiers pauvres doivent marcher pour aller à l'épicerie; elles craignent de se faire voler leur argent en route et, tout aussi important, s'inquiètent de ne pouvoir revenir à la maison avec leur sac d'épicerie. Ce sont des coûts exorbitants dont on n'a pas la moindre idée.
Lorsque les gens affirment qu'entrer par effraction dans une habitation ne constitue pas un crime violent, ils représentent le fait criminel de la façon la plus erronée qui soit. Les dommages psychologiques chez les personnes victimes de ces entrées par effraction sont irréparables. Elles craignent constamment que dans leur propre maison, leur vie privée, leur propre personne, soit violée. On ne peut pas associer un coût à ce sentiment. Ce que nous pouvons faire, c'est emprisonner les gens qui décident d'entrer par effraction dans la maison des gens. Nous savons, pendant cette période, qu'ils ne se trouvent pas à l'extérieur, dans la rue en train d'entrer par effraction dans des habitations.
La plupart des entrées par effraction sont commises par un très petit groupe de criminels endurcis, et si vous enfermez ces gens, vous verrez le taux d'entrée par effraction chuter considérablement. Par exemple quand j'étais procureur de la Couronne du Manitoba et que nous avons arrêté les Warriors de la province, ils étaient environ 50, si je me rappelle bien, mais peut-être plus, dans le cadre d'une opération massive, le taux d'entrée par effraction au cours de cette période a chuté de façon très importante. Toutes les entrées par effraction, non seulement dans la ville de Winnipeg, mais aussi dans les zones adjacentes, étaient attribuables à un petit groupe de personnes au sein de cette organisation.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre, de vous être présenté aujourd'hui.
J'aimerais commencer par dire que je cherche tout autant que vous, autant que le gouvernement et autant que mes collègues de l'autre côté de la table à protéger les victimes et, comme vous l'avez dit, à sévir contre le crime. J'ai souvent exhorté le gouvernement à proposer des projets de loi plus stricts afin de protéger les Canadiens, par exemple, le projet de loi sur le registre des délinquants sexuels. Je vous attribue le mérite, à titre de gouvernement, pour avoir apporté des amendements à ce projet de loi, pour qu'il soit plus strict et logique. Je voulais vous en féliciter.
Les députés sont responsables de veiller à ce que les projets de loi qui sont adoptés soient logiques relativement aux sommes que le gouvernement demande au public, aux contribuables... Ce n'est pas mon argent, ce n'est pas votre argent, ce n'est pas l'argent du gouvernement. C'est l'argent des contribuables. Nous sommes tenus, nous tous, de veiller à ce que les projets de loi qui sont adoptés soient logiques et nécessaires et qu'ils règlent un problème parce qu'on ne devrait pas adopter des projets de loi pour le plaisir. Les projets de loi doivent régler un problème ou une question, et nous devons savoir quel coût ils engendreront.
Prenons par exemple le projet de loi . Il a maintenant été adopté par la Chambre. Des victimes sont venues témoigner quant à ce projet de loi et, manifestement, les victimes n'ont aucune tolérance pour des personnes comme Earl Jones et M. Lacroix. Moi non plus, et nous l'avons tous dit haut et fort. Nous sommes heureux de voir que des personnes comme ça ne seront pas capables d'obtenir une libération anticipée. Alors, bravo. Mais j'ai posé des questions sur ce genre de choses aux victimes qui étaient ici. Elles sont d'accord avec moi, elles auraient préféré témoigner devant le comité pour discuter de projets de loi qui aideraient réellement les victimes et que le projet de loi qui avait été adopté ne les aidait pas. Il aurait été préférable de discuter de propositions comme l'alourdissement des peines. Plutôt que d'imposer des peines minimales, comme on le fait aujourd'hui, de 14 ans, on aurait pu les porter à 20 ans. Alourdir les peines. Cette proposition n'a pas été envoyée au comité, qui n'en n'a pas discuté. Cela aurait été préférable, et les témoins étaient d'accord.
Certaines victimes ont des problèmes liés à leurs déclarations de revenu avec l'ARC et paient des impôts même si elles n'ont pas fait d'argent ou si elles en ont perdu. Elles auraient préféré nous voir discuter de la façon dont nous pourrions mettre en oeuvre des allègements fiscaux.
Je vous encourage donc à évaluer la possibilité de prêter main-forte. Il n'est pas juste qu'elles doivent payer des impôts, à mon avis, car elles ont perdu de l'argent à cause des fraudeurs.
Les victimes qui sont venues ici étaient d'accord avec moi; il aurait été préférable de discuter de la restitution obligatoire, afin que M. Jones, lorsqu'il sera libéré, ne pourra conserver cet argent. Comme vous le savez, en tant qu'avocat, comme moi, il n'existe aucun droit de restitution obligatoire à l'heure actuelle. Les gens doivent entamer des poursuites civiles, dépenser de l'argent pour les services d'un avocat, suivre le processus. Je ne vois pas en quoi cela est logique compte tenu du fait que le système de justice pénale prévoit un fardeau de la preuve.
Et il y a d'autres choses, comme...
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre Toews et monsieur Head.
Monsieur Head, au cours de la première heure de cette réunion, nous avons entendu le directeur parlementaire du budget, M. Page, témoigner au sujet de son estimation des coûts de la construction des prisons. Il avait des chiffres, et il a admis que son analyse était fondée sur des hypothèses et des modèles.
Il nous a dit — et c'est dans son mémoire — que le coût moyen d'un détenu était de 160 000 $ par année, mais que les chiffres à ce titre variaient grandement. L'annexe III de son allocution s'intitule « L'impact des projets de loi de nature juridique sur les pénitenciers ». Il présume que le coût par prisonnière par année se chiffre à 340 000 $. Le coût par prisonnier dans un établissement à sécurité maximale se chiffre à 220 000 $ par année.
Vous avez témoigné devant ce comité un certain nombre de fois, et je vous ai entendu parler ici du coût associé aux prisonniers. Si je me rappelle bien, le coût est d'environ 120 000 $ pour un homme dans un établissement à sécurité maximale. Pourriez-vous me rappeler quel est le coût réel?
Ensuite, savez-vous comment M. Page est arrivé à ces chiffres?