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Bonjour à tous. Il s'agit de la 49
e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous sommes le mercredi 15 décembre 2010.
Je veux rappeler à tous que la séance d'aujourd'hui est télédiffusée. Nous continuons notre étude du projet de loi C-17, Loi modifiant le Code criminel, investigation et engagement assorti de conditions.
Nous sommes heureux d'accueillir le ministre de la Justice, l'honorable Rob Nicholson, qui comparaît devant nous aujourd'hui. Il est accompagné de deux fonctionnaires du ministère de la Justice: Donald Piragoff, sous-ministre adjoint principal au Secteur des politiques, et Douglas Breithaupt, directeur et avocat général à la Section de la politique en matière de droit pénal.
Durant la deuxième heure, nous accueillerons d'autres représentants du ministère — Glenn Gilmour, avocat à la Section de la politique en matière de droit pénal. Certains d'entre eux comparaîtront au cours de la deuxième heure. Nous nous excusons auprès de notre ministre et des autres personnes. Comme vous le savez, des votes ont eu lieu à la Chambre un peu plus tôt.
Nous avons hâte d'entendre votre point de vue, monsieur le ministre, et nous vous donnons la parole. Nous passerons ensuite à des séries de questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis ravi de comparaître devant le comité. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, je crois qu'il y a longtemps que je n'ai pas comparu devant votre comité.
Bien entendu, je suis ici pour parler du projet de loi , un projet de loi qui rétablira les dispositions sur l'investigation et l'engagement assorti de conditions du Code criminel. Comme vous le savez, ces dispositions ont fait partie du Code criminel à partir de la fin de l'année 2001 jusqu'à ce qu'elles cessent d'avoir effet le 1er mars 2007, conformément à une disposition de temporisation. Elles ont fait l'objet d'un examen important dans le cadre de l'examen obligatoire de la Loi antiterroriste ainsi que du projet de loi qui a précédé le projet de loi C-17 au cours de la législature précédente. Notre gouvernement est d'avis que le projet de loi répond aux questions soulevées durant ces examens et ces débats.
Monsieur le président, permettez-moi de donner un aperçu de ce que propose le projet de loi C-17.
Premièrement, la disposition sur l'investigation donnerait au juge, lorsqu'un agent de la paix lui en ferait la demande, le pouvoir d'obliger une personne qui a des renseignements sur une infraction de terrorisme passée ou éventuelle à comparaître devant lui pour répondre à des questions et lui remettre toute chose qu'elle a en sa possession ou à sa disposition. La personne comparaîtra en tant que témoin et non en tant qu'accusée.
Deuxièmement, la disposition sur l'engagement assorti de conditions permettra à un agent de la paix — qui a des motifs raisonnables de croire qu'une activité terroriste sera entreprise et de soupçonner que l'imposition, à une personne, d'un engagement assorti de conditions est nécessaire pour éviter que l'activité terroriste ne soit entreprise — de s'adresser à un juge pour lui demander d'obliger cette personne à comparaître devant le juge, où l'on déterminera si des conditions raisonnables devraient être imposées à la personne afin d'empêcher que l'activité terroriste soit entreprise.
Troisièmement, en plus de l'exigence de produire un rapport annuel, le projet de loi exige que ces deux outils fassent l'objet d'un examen parlementaire obligatoire. Au cours du débat de deuxième lecture, on a proposé qu'un examen des deux Chambres serait adéquat. Je tiens à souligner que le projet de loi prévoit que l'examen puisse être entrepris par un comité établi par l'une des deux Chambres ou par les deux. Au bout du compte, c'est le Parlement qui prendra la décision.
Monsieur le président, je crois qu'il est important de présenter certaines garanties essentielles qui ont été ajoutées aux dispositions originales sur l'investigation.
Premièrement, le projet de loi prévoit que dans tous les cas, un juge devra être convaincu qu'une investigation est justifiée, en se fondant sur le fait que des efforts raisonnables ont déjà été déployés pour obtenir les renseignements. Auparavant, cette disposition ne s'appliquait qu'aux infractions appréhendées et non à celles déjà commises.
Deuxièmement, les dispositions originales de 2001 exigeaient que des autorités provinciales et fédérales, y compris le procureur général du Canada, produisent des rapports annuels sur le recours aux dispositions sur l'investigation et l'engagement assorti de conditions. Toutefois, le Comité sénatorial spécial chargé de réviser la Loi antiterroriste a recommandé que le procureur général du Canada énonce clairement dans le rapport annuel si les dispositions demeurent nécessaires. Le présent projet de loi met en oeuvre cette recommandation, tout en exigeant que le ministre de la Sécurité publique exprime un énoncé similaire dans son rapport annuel.
Troisièmement, en 2006, le Sous-comité sur la revue de la Loi antiterroriste de la Chambre des communes a exprimé des préoccupations sur la question de savoir si une personne mise sous garde pour une investigation aurait droit d'être mise en liberté en vertu des moyens énoncés dans le Code criminel. En réponse à ces préoccupations, le projet de loi propose, grâce à l'application de l'article 707 du Code criminel, de plafonner la période au cours de laquelle une personne arrêtée peut être mise sous garde pour une investigation.
Monsieur le président, je crois qu'il est important de dire que le projet de loi permettra toujours la tenue d'une investigation liée à un acte terroriste passé. Le gouvernement est d'avis que les infractions passées en soi méritent une enquête. Il ne fait aucun doute qu'elle peut fournir des renseignements cruciaux sur la planification d'autres actes terroristes.
Je vais maintenant parler de certaines des dispositions clés qui ont été ajoutées aux dispositions originales sur l'engagement assorti de conditions.
Premièrement, au cours de l'examen que le comité sénatorial a fait de l'ancien projet de loi S-3, le gouvernement a accepté la recommandation du sénateur Baker d'aligner l'engagement assorti de conditions sur la décision de la Cour suprême dans l'affaire R. c. Hall, dans laquelle un passage de l'un des motifs de détention dans les dispositions sur les cautions du Code criminel a été jugé inconstitutionnel. Nous étions d'accord à ce moment-là, et nous le sommes toujours. Le projet de loi C-17 prévoit ce changement par souci de cohérence avec la décision rendue dans l'affaire Hall.
Bien entendu, je dois parler des quelques questions qui ont été soulevées au cours des débats précédents. Certains ont fait valoir que les dispositions ne sont pas nécessaires, car on y a rarement eu recours. Toutefois, dire qu'on a rarement recours à des dispositions et dire que les situations qui exigeraient son recours ne surviendront jamais, ce sont deux choses différentes. Les outils prévus dans le projet de loi C-17 sont modestes et limités si on les compare aux mesures antiterroristes qui existent dans d'autres démocraties importantes.
Monsieur le président, concernant l'investigation, certains ont dit qu'elle élimine le droit de garder le silence, mais comme vous le savez, les dispositions originales incluent la protection contre les éléments de preuve ayant un effet auto-incriminant en couvrant l'immunité contre l'utilisation de la preuve ou de la preuve dérivée. Vous serez contents d'apprendre que le projet de loi prévoit ces solides protections.
Il est important de dire qu'en 2004, dans une décision majoritaire, dans le cadre d'une contestation constitutionnelle contre le projet de recours à une investigation qui est survenue durant l'affaire Air India, la Cour suprême a mis l'accent sur la solide protection contre les éléments de preuve ayant un effet auto-incriminant que la loi fournissait aux gens, et qui en fait allait au-delà des exigences et de la jurisprudence pour protéger les gens contre l'auto-incrimination.
Monsieur le président, la dernière question, c'est de savoir si le Code criminel contient déjà des dispositions qui pourraient être utilisées pour des infractions relatives au terrorisme comme les articles 495 et 810.01. Le paragraphe 495(1) permet à un agent de la paix d'arrêter une personne, sans mandat, s'il existe des motifs raisonnables de croire qu'elle est sur le point de commettre un acte criminel. Cependant, un agent de la paix peut, au moment de l'arrestation possible, ne pas atteindre ce seuil. Étant donné la gravité du tort que pourrait causer une activité terroriste, il est nécessaire de pouvoir agir rapidement pour contrer la menace.
Dans mon exposé d'aujourd'hui, j'ai tenté de présenter quelques garanties et améliorations concernant l'investigation et l'engagement assorti de conditions, tout en traitant de quelques questions qui ont été soulevées.
À mon avis, la mesure législative proposée est équilibrée, juste et nécessaire.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je vous remercie de comparaître devant le comité aujourd'hui.
Monsieur le ministre, je suis préoccupé entre autres par la question de la surveillance. Si nous devions adopter les dispositions, nous le ferions sans que le gouvernement n'ait donné suite à une série de recommandations qu'avaient faites le juge O'Connor il y a longtemps, qui ont été bien entendues renforcées par le juge Iacobucci, et ensuite réitérées dans le rapport Brown sur le scandale des pensions à la GRC, répétées par le Comité permanent de la sécurité publique et nationale, et répétées par Paul Kennedy, lorsqu’il était commissaire aux plaintes du public contre la GRC.
Monsieur le ministre, où en sommes-nous à cet égard? On nous a dit que la raison pour laquelle le gouvernement n’a pas donné suite à ces recommandations sur la surveillance… Comme vous devez le savoir, dans beaucoup de ministères, y compris Emploi et Immigration Canada, il n'y a pas de surveillance. On nous a dit que vous ne donniez pas suite aux recommandations en raison du rapport du juge Major. Le rapport du juge Major a été publié il y a plus de six mois, et le gouvernement ne donne toujours pas suite aux recommandations, dont un grand nombre ont été faites il y a cinq ans.
Pouvez-vous tout d’abord nous dire où nous en sommes en ce qui a trait aux dispositions sur la surveillance?
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Ce que je veux dire, c'est que depuis cinq ans, on nous fait des déclarations vagues et ambitieuses, on nous dit que vous allez faire quelque chose au sujet de la surveillance, mais rien n'a été fait.
Permettez-moi d'utiliser un exemple très précis. L'enquête du juge Iacobucci sur M. El Maati, M. Almalki et M. Nureddin, qui, en raison de l'échec des services de sécurité et de renseignement, ont affronté des épreuves horribles à l'étranger, où ils ont été détenus et torturés... Le gouvernement leur doit encore des excuses et il n'a pas encore agi selon les conclusions du juge Iacobucci. Nous savons qu'à ce jour, ces messieurs ne peuvent toujours pas prendre l'avion ou se déplacer librement dans bien des cas, parce que le gouvernement refuse de donner suite aux recommandations.
Monsieur le ministre, si depuis des années, le gouvernement ne donne pas suite aux recommandations ou aux abus commis dans ces affaires, comment pouvons-nous aller de l'avant avec ces mesures, surtout lorsqu'on nous fait seulement de vagues promesses qu'un jour, quelque part, et à un moment donné, nous obtiendrons la surveillance que l'on demande depuis plus de cinq ans?
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Monsieur Holland, encore une fois, je vous ai dit que des garanties sont prévues dans le projet de loi en ce qui concerne son utilisation, mais je vous ai également dit que le procureur général et le ministre de la Sécurité publique présenteront leurs observations et un examen sur le recours à ces dispositions. Ainsi, cette surveillance fera partie de la compétence du Parlement pour ce qui est de décider si ces dispositions sont toujours nécessaires. Donc, il y aura cela.
Comme je l'ai dit, nous sommes allés plus loin que ce qui était prévu au départ. À l'origine, le procureur général du Canada devait présenter tous les ans un examen sur les dispositions et la nécessité d'y avoir recours; nous sommes allés au-delà de cela. Le ministre de la Sécurité publique le fera. Donc, pour ce qui est de votre question sur la surveillance ou l'analyse, on analysera et on surveillera considérablement ces deux dispositions qui, en toute honnêteté, vont nettement plus loin que bien d'autres dispositions.
Encore une fois, je crois que c'est très adéquat en bout de ligne, après qu'elles seront mises en place, leur examen... Mais au début, lorsque les organismes d'application de la loi auront besoin de ces outils pour lutter contre le terrorisme au Canada, vous trouverez, comme vous l'avez sûrement découvert, toute une gamme de garanties qui protégeront les gens concernés.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre, d'être venu aujourd'hui.
L'une des sections importantes de ce projet de loi concerne les témoignages obtenus sous la contrainte. J'aimerais vous lire le nouveau paragraphe 83.28(10) du projet de loi:
Nul n'est dispensé de répondre aux questions ou de reproduire une chose aux termes du paragraphe (8) pour la raison que la réponse ou la chose peut tendre à l'incriminer ou à l'exposer à quelque procédure ou pénalité, mais
Ensuite, l'alinéa 83.28(10)b) se lit:
aucun élément de preuve découlant de la preuve obtenue de la personne ne peut être utilisé ou admise contre elle dans le cadre de poursuites criminelles autres que celles prévues aux articles 132 ou 136
Je crois qu'il est ici question de faux témoignages.
Lundi, nous avons entendu le témoignage du professeur Craig Forcese. Monsieur le ministre, voici ce qu'il nous a dit:
La Cour suprême en est toutefois arrivée à cette conclusion en imposant certaines conditions au recours aux enquêtes, la principale étant l’élargissement de l’immunité fondée sur l’usage connexe, garanti dans le projet de loi actuel par le paragraphe 83.28(10).
Cette disposition étend l’immunité aux poursuites pénales ultérieures, mais la Cour suprême a déclaré qu’elle devait aller plus loin. Les éléments de preuve obtenus ne devraient pouvoir être utilisés dans aucune autre instance, y compris les instances en extradition et en immigration. C’est une obligation constitutionnelle qui devrait figurer, pour cette raison, dans le projet de loi.
Monsieur le ministre, vous avez mentionné la surveillance judiciaire. Vous en avez parlé à quelques reprises. Nous avons déjà assisté à un certain contrôle judiciaire lorsque la Cour suprême du Canada nous a dit que nous devions codifier cette situation pour éviter que les preuves dérivées soient utilisées dans les instances en immigration ou en extradition. Or, rien de cela ne se trouve dans le projet de loi.
Monsieur le ministre, seriez-vous d'accord pour amender le projet de loi afin de respecter les directives émises par la Cour suprême du Canada?
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Monsieur Lobb, je vous en remercie beaucoup et je vous remercie de votre intérêt et de votre dévouement à protéger les Canadiens et à défendre les victimes au Canada. Je vous l'ai déjà dit auparavant. Disons-le carrément; je vous en suis très reconnaissant.
Vous soulevez un très bon point, à savoir que des garanties sont intégrées tout au long du processus. J'ai mentionné à Mme Mourani et à d'autres que le consentement préalable du procureur général du Canada ou des provinces et le fait que les tribunaux exercent une surveillance sont très importants et font partie intégrante de ce que nous essayons d'accomplir. Comme je leur ai dit, les différents milieux coopèrent entre eux: les organismes d'application de la loi, les tribunaux et même le monde politique s'occupent de la surveillance. Je ne crois pas que nous pouvons demander mieux.
Quand vous étudierez le projet de loi, je vous demanderais d'examiner ce que les autres — j'ai parlé des grandes démocraties... Je suis conscient que le Bloc a été assez critique des moyens pris par les Américains, mais vous pouvez regarder ailleurs qu'aux États-Unis. Penchez-vous sur ce que le Royaume-Uni a fait.
Je crois que le Royaume-Uni a un régime beaucoup plus sévère en place. Encore une fois, lorsque nous examinons notre droit pénal, une grande partie est fondée sur le modèle britannique, mais si vous jetez un coup d'oeil sur la manière dont la Grande-Bretagne traite de la question, les Britanniques ont une bonne longueur d'avance sur nous, et je ne vous parle même pas de ce qui se déroule dans le vieux continent.
En ce qui concerne la position du Canada, selon moi, vous verrez en comparant le Canada que... Même ceux qui n'aiment pas les États-Unis ou la manière dont ils agissent — je ne tiens pas à en parler... Je ne lancerai pas le débat; je vous dis seulement d'examiner les autres grandes démocraties dans le monde, et je crois que vous serez assez impressionnés. Vous direz que c'est vrai que le Canada adopte une approche très équilibrée et très raisonnable pour faire face à un problème qui nous concerne tous, et j'ai nommé le terrorisme.
Les pays qui sont victimes d'actes terroristes, qui sont visés par les groupes terroristes... Je crois que vous devriez étudier ce que ces pays font, et je suis assez certain que tous les députés en viendront à la conclusion que, conformément à leur précédente recommandation d'aller de l'avant avec ces mesures, ces dispositions forment une approche raisonnable et équilibrée.
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Oui. Vous avez soulevé un point très pertinent.
Il arrive très souvent, au cours de discussions, que les attaques du 11 septembre soient mentionnées. Mais vous avez bien raison, monsieur MacKenzie. Le récent rapport sur Air India a souligné que notre pays était visé par des activités liées au terrorisme, des activités d'envergure en fait, et ce, des années avant le 11 septembre 2001. Et je répète que pour y faire face, nous devons disposer d'outils comme ceux que vous avez devant vous.
Comme je l'ai dit, ce n'est pas seulement le gouvernement ou moi-même ou le premier ministre qui le croyons. L'approbation de ces outils reçoit un appui généralisé. Le gouvernement précédent savait et comprenait que nous devions disposer de ces outils, c'est pourquoi il en a fait un projet de loi. Les organismes d'application de la loi leur donnent leur appui. Nous avons obtenu l'approbation judiciaire pour une partie des propositions que nous avons présentées.
J'espère bien, et je ne suis pas le seul, que nous n'aurons pas à nous en servir. Malgré tout, nous vivons dans un monde menacé par les activités liées au terrorisme, car aucun pays n'en est à l'abri. Il faut donc se doter des lois appropriées.
J'ai demandé aux gens qui se penchaient sur la question de vérifier ce que d'autres démocraties avaient mis en place, pour qu'ils puissent confirmer que l'approche canadienne est très raisonnable. Ces précautions sont très importantes et raisonnables, et c'est exactement le genre de mesure législative que nous devons adopter au Canada pour protéger les citoyens.
Selon la loi en vigueur, l'article 495, qui autorise un agent de la paix à arrêter une personne qui est « sur le point de commettre » une infraction, stipule que l'agent en question doit avoir des motifs raisonnables de croire deux choses: premièrement, qu'une infraction sera commise, donc qu'une infraction est « sur le point » d'être commise; deuxièmement, que la personne qui sera arrêtée est bien la personne qui est sur le point de commettre l'infraction. C'est un critère élevé: il doit exister des motifs raisonnables de croire les deux critères ou faits, c'est-à-dire que l'infraction sera commise et que la personne arrêtée est potentiellement celle qui la commettra.
Selon les dispositions concernant l'engagement de ne pas troubler l'ordre public, le critère, encore une fois, est la crainte raisonnable qu'une personne commettra un acte terroriste ou une autre infraction à l'article 810, c'est-à-dire une infraction d'ordre sexuel ou une infraction d’organisation criminelle. Encore une fois, il existe des motifs raisonnables de craindre ou de croire que la personne commettra l'acte en question.
Selon le projet de loi...
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je commence toujours par expliquer aux gens à la maison ce que nous faisons et pourquoi. Puisque j'ai siégé au sous-comité de l'antiterrorisme après que la disposition de temporarisation soit entrée en vigueur et que notre gouvernement ait pris le pouvoir, je peux vous dire, pour ceux qui l'ignorent, que notre loi antiterroriste découle directement d'une résolution des Nations Unies. Je crois qu'il s'agissait de la résolution 1373, adoptée en 2001 en réaction à l'acte terroriste du 11 septembre, auquel le monde entier a réagi.
La résolution exigeait que les pays membres prennent certaines mesures dans un délai de 90 jours dans le but de prévenir le financement du terrorisme, de protéger leurs citoyens, de sécuriser leurs frontières contre les terroristes, etc. C'est pour cette raison que le Parlement a adopté par la suite la Loi antiterroriste sous le gouvernement précédent.
Ma question se rapporte à la réglementation concernée. Des dispositions de la Loi antiterroriste conféraient des pouvoirs auxquels on n'avait jamais eu recours auparavant ou même qu'on n'avait jamais envisagés, des pouvoirs qui, selon certains, contrevenaient à la Charte canadienne des droits et libertés. Par la suite, la Cour suprême a déclaré — je crois que c'était avant 2007 — que la partie en question devait être améliorée, et elle a imposé un délai au gouvernement.
En raison de ce délai — corrigez-moi si j'ai tort, et certains détails devront peut-être être repris —, si vous êtes ici aujourd'hui, c'est parce que le gouvernement du Canada répond aux directives de la Cour suprême pour faire en sorte que la mesure législative dont nous traitons, la Loi antiterroriste, soit conforme à la Charte. Par ailleurs, la Cour suprême a mentionné — sentez-vous libre d'en dire plus à ce sujet — que bien que la mesure législative contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés, on la tolère jusqu'à un certain point en raison de l'histoire et de la nature du terrorisme.
Elle contient des dispositions et des mesures de protection, et le ministre en a décrites quelques-unes. Ce que j'essaie de dire, c'est que les dispositions proposées ont été rédigées dans le respect de la Charte des droits et libertés.
Pourriez-vous nous parler encore une fois des mécanismes qui ont été mis en place pour faire en sorte qu'une personne qui a été détenue ou qui pourrait être assujettie à un engagement assorti de conditions ou à des audiences d'investigation jouit de protections qui ont été intégrées à la loi pour donner suite à la déclaration de la Cour suprême?
Permettez-moi de commencer par répondre à la dernière question, celle de Mme Mourani, parce qu'elle mène à la vôtre.
Est-ce que les dispositions ont déjà été utilisées? Oui, l'une d'entre elles a servi, celle qui porte sur les audiences d'investigation. On y a eu recours dans le cadre du procès d'Air India; une audience d'investigation a été entreprise. Or, pendant l'audience, on a contesté la constitutionnalité de la disposition. La question s'est rendue jusqu'à la Cour suprême du Canada, qui a statué que les dispositions à cet effet étaient bien constitutionnelles.
Je crois que l'affaire dont vous parliez portait sur les attestations de sécurité. C'est la Cour suprême qui a déclaré, à ce sujet, que la loi était inconstitutionnelle, mais elle a accordé du temps au Parlement.
Par ailleurs, la Cour suprême a aussi décidé que la disposition du projet de loi relative aux audiences d'investigation est constitutionnelle. Elle a formulé des suggestions — comme M. Davies l'a souligné, je crois — au sujet de l'interprétation, et ces suggestions ont force de loi. Elles pourraient être codifiées, mais qu'elles le soient ou non, elles ont force de loi.
En ce qui concerne les mesures de protection, le ministre en a nommé quelques-unes.
Parmi celles qui précèdent le recours aux pouvoirs, mentionnons d'abord le contrôle politique: l'exigence relative au consentement du procureur général du Canada ou d'une province. Ces pouvoirs sont assujettis au contrôle judiciaire; ils nécessitent le consentement d'un juge, soit avant ou après qu'ils aient été exercés. En outre, ils sont tous visés par une disposition de temporarisation.
De plus, ils devront faire l'objet d'un examen qui sera entrepris par un comité de la Chambre des communes ou du Sénat à n'importe quel moment pendant la période de cinq ans. Le ministre a aussi souligné qu'un rapport portant sur l'exercice de ces pouvoirs devait être remis au Parlement chaque année, et puisque le rapport est soumis au Parlement, n'importe quel comité parlementaire pourrait ensuite enquêter sur un ministre au sujet de l'utilisation de ces pouvoirs.
Ce sont donc là les mesures de protection judiciaires et relatives à la reddition de comptes.
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Merci, monsieur le président. Dans ce cas, nous sommes entre bonnes mains.
Moi aussi, je veux expliquer un peu notre position à la population canadienne. Je pense qu'il est évident pour tout le monde qui examine le projet de loi qu'on y propose d'apporter deux modifications importantes au système judiciaire que les Canadiens connaissent aujourd'hui, à savoir, premièrement, le droit de ne pas être obligé à fournir de preuves, qui pourraient ensuite être utilisées contre la personne, et deuxièmement, le droit de ne pas être détenu par l'État pendant ce qui, dans ce cas-ci, comme je vais vous le montrer, pourrait être au moins quatre jours, puis d'être relâché sans qu'il y ait arrestation ou accusation.
Je vais traiter de ce dernier point d'abord.
Monsieur Piragoff, je crois que vous avez dit à plusieurs reprises qu'une personne devait être conduite devant un juge de la cour provinciale dans un délai de 24 heures, ce qui, à mon avis, est faux, monsieur. En fait, la mesure législative stipule qu'une personne doit être conduite devant un juge de la cour provinciale dans un délai de 24 heures ou le plus tôt possible après ce délai si un juge de la cour provinciale n'est pas disponible.
Ma première question est donc la suivante: n'est-il pas possible, monsieur, qu'une personne soit conduite devant un juge de la cour provinciale après plus de 24 heures? C'est possible, n'est-ce pas?
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Merci, monsieur le président.
J’ai de nombreuses questions, mais j’aimerais d’abord préciser que mon domaine est la construction et non le droit.
Nous avons vu, de l’autre côté, un avocat du travail agressif essayer de vous mettre dans l’embarras par rapport à certaines choses qui peuvent ou non être incluses dans la loi actuelle. J'adopte la démarche qui consiste à vous poser quelques questions qui ont été soulevées dans les témoignages du groupe de témoins précédent. Le professeur Forcese, de l’Université d’Ottawa, a écrit un article et réalisé une étude approfondie sur la question de savoir si le projet de loi tient compte ou non de quelques-uns des scénarios possibles par rapport à la menace du terrorisme. Il admet que le projet de loi permettrait de combler une lacune du cadre juridique actuel en matière de mesures d’application de la loi. Il dit qu’il s’agit d’une lacune, bien que petite, mais qu'elle existe. Puis, quand on a demandé aux autres membres du groupe d’experts si, selon leur analyse, il y avait une lacune, tous ont répondu qu'il n'y en avait pas.
De plus, lorsqu’on leur a demandé s’ils pensaient que le terrorisme était une menace réelle au Canada, tous sauf un ont convenu que oui. Souvent, la menace que nous avons vue — par exemple, avec les 18 de Toronto — c’est que des gens ont déjà commis des actes. Les policiers étaient au courant de ces actes pour cette raison, mais si, dans une certaine mesure, les policiers en avaient eu connaissance au préalable et avaient pu vérifier les faits plus tôt, ils auraient pu les contrer.
Cela dit, à titre de votre gouvernement et de votre ministère, nous avons évidemment examiné les lois des autres principaux pays du monde qui ont connu des attaques terroristes réelles, dont la Grande-Bretagne et les États-Unis. Comme vous le savez, le temps de détention en Grande-Bretagne est de 28 jours.
Monsieur, j’aimerais avoir vos commentaires généraux au sujet de notre loi, en comparaison à celles des autres démocraties occidentales modernes, quant à savoir si elle donne aux policiers les outils dont ils ont besoin pour combler l’écart dont a parlé un de nos derniers témoins. Aussi, lorsque le ministère a déterminé le genre de dispositions qui seraient incluses, les a-t-il comparées aux autres pays et à leurs lois actuelles?
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Comme vous l’avez indiqué, la loi du Royaume-Uni prévoit une détention préventive pouvant aller jusqu'à 28 jours. En Australie, le droit pénal relève des États et non du gouvernement fédéral. Cela varie d'un État à l'autre, mais dans de nombreux États d'Australie, la détention préventive peut aller jusqu’à 14 jours.
Notre projet de loi n’est pas axé sur la détention. On a mis l’accent sur l’arrestation de la personne, la traduire devant les tribunaux, puis la libérer, avec ou sans condition. On ne présume pas qu’une personne sera détenue pendant une longue période de temps, c’est donc une différence importante.
Pour ce qui est de l’audience d'investigation, les États-Unis ont un système de grand jury. Le Canada en avait un jusqu’au milieu des années 1960. Cela permet à une personne de comparaître devant un juge pour être interrogée sous serment afin de témoigner avant le dépôt d'une accusation. Cela n’est plus possible en droit canadien, même si ce l'était à l'époque où nous avions un tel système.
En droit canadien, la seule exception est celle de la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle. Cette loi permet à un juge de citer une personne à comparaître afin qu'elle témoigne sous serment, aux fins de l’obtention de preuves qui seront envoyées à un pays étranger en vertu de leur demande judiciaire de recours à l’entraide judiciaire.
Ce sont là les comparaisons avec d’autres lois, de même que quelques autres précédents que nous avons au Canada.
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Dans la préparation du projet de loi, comme je l’ai indiqué... et cela remonte à 2001. Nous avons examiné les lois d’autres pays. Nous nous sommes également penchés sur notre propre système juridique, la Charte canadienne des droits et libertés, la jurisprudence, ainsi que les dispositions actuelles du Code criminel sur le sort réservé aux accusés, soit les dispositions relatives aux peines d'emprisonnement et aux périodes de détention préventive.
Nous avons essayé le plus possible d’harmoniser ces dispositions avec les pouvoirs existants et les mesures de protection qui s’appliquent aux accusés; en conséquence, comme le démontre le projet de loi, il y a beaucoup plus de mesures de protection concernant les personnes qui seraient visées par cette loi qu’il y en a pour les personnes qui sont accusées. Par exemple, pour les personnes qui sont accusées, il n'est pas nécessaire d'obtenir le consentement du procureur général avant leur arrestation. Dans leur cas, il n'y a pas de supervision, il n'y a pas de supervision parlementaire. Il n'y a pas, dans leur cas, de ministres qui sont tenus de présenter des rapports annuels.
Donc, même s'il s'agit de nouveaux pouvoirs qui s'appliquent avant l'entrée en scène de la procédure judiciaire habituelle, nous avons essayé de mettre plus de mesures de protection pour tenir compte du fait que nous sommes dans une zone, une lacune, qui n’a pas encore fait l'objet d'une loi.
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Merci beaucoup, monsieur Davies, d’avoir terminé votre intervention de cette manière.
Nous voulons vous féliciter d’être restés pendant la dernière heure et d’avoir contribué à nos discussions concernant cette très importante mesure législative.
Je pense que tous les partis veulent trouver un équilibre et donner à nos autorités les ressources dont elles ont besoin pour prévenir des attaques terroristes, mais nous voulons également faire très attention de ne pas porter atteinte aux droits de la personne et à l’équilibre établi.
Quoi qu’il en soit, merci beaucoup.
Avant de lever la séance, je tiens à signaler qu'il s'agit de notre dernière réunion cette année. Je veux souhaiter à chacun d’entre vous un très joyeux Noël, une joyeuse Hannoucah et de merveilleuses fêtes, quelles qu’elles soient. Passez un joyeux Noël et, avec un peu de chance, nous nous reverrons ici en février, et pas avant.
La séance est levée.