:
Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. C'est avec plaisir que je vous parlerai aujourd'hui des tendances que l'on observe actuellement sur le marché illicite des produits du tabac au Canada, ainsi que des efforts incessants que la GRC déploie dans la lutte contre cette forme de criminalité. Je vais également vous parler d'une question non moins importante: les partenariats consolidés et la coordination accrue, au pays comme à l'étranger, qui sont des éléments capitaux de la lutte contre la production et la distribution du tabac de contrebande au Canada.
Cela étant dit, je suis très heureux de pouvoir m'adresser aujourd'hui au comité, en compagnie de mes collègues de l'Agence du revenu du Canada, de Santé Canada, de Sécurité publique Canada et de l'Agence des services frontaliers du Canada.
[Français]
Pour vous situer dans le contexte, il faut dire que le Programme des douanes et de l'accise de la GRC a pour mission d'appliquer, sur le territoire canadien comme entre les bureaux d'entrée, les lois qui régissent la circulation internationale de marchandises taxables, contrôlées, prohibées ou frappées de droits de douane; et la fabrication, la distribution ou la possession de produits de contrebande, dont le tabac et les spiritueux. Il va continuer d'accorder une priorité élevée aux enquêtes sur la contrebande de tabac.
[Traduction]
Au fil du temps, le marché illicite des produits du tabac en est venu à s'approvisionner principalement de trois façons: par l'importation illégale en provenance des États-Unis, dans la région de Cornwall, en Ontario; par la fabrication illégale en territoire autochtone, dans le centre du Canada; et par l'importation illégale de cigarettes contrefaites et d'autres produits illicites, qui arrivent au pays dans des conteneurs maritimes, surtout en provenance d'Asie.
La tendance qui domine aujourd'hui dans la fabrication, la distribution et la vente de produits du tabac de contrebande — activités qui ont connu un essor exponentiel au cours des six dernières années — est le contrôle par des organisations criminelles, qui exploitent des zones névralgiques, d'un point de vue géopolitique. Longtemps perçue comme un crime sans victime, la contrebande de tabac est maintenant considérée comme une source de revenu majeure pour les organisations criminelles de tous les niveaux. En fait, certains groupes utilisent les produits substantiels qu'ils tirent de cette activité pour financer d'autres activités criminelles.
Selon des renseignements récents, environ 175 organisations criminelles sont impliquées à divers degrés dans la contrebande du tabac au Canada. Parmi elles, 74 p. 100 sont également impliquées dans toutes sortes d'autres activités illicites, comme le trafic de drogue ou le trafic d'armes. Près de la moitié de ces organisations criminelles sont établies dans la région du centre du Canada, c'est-à-dire la région d'où provient la plus grande partie du tabac de contrebande, et où les installations de fabrication illicites sont situées.
Bien que le nombre de fabricants qui produisent du tabac de contrebande fluctue constamment, la GRC estime qu'il y a environ 50 fabricants illicites au Canada. En outre, une collecte de renseignements et des enquêtes transfrontalières menées en collaboration avec des organismes d'application de la loi des États-Unis indiquent qu'il y aurait dix fabricants illicites et deux fabricants licenciés dans la partie américaine du territoire mohawk d'Akwesasne.
Le tabac de contrebande n'a jamais été aussi accessible qu'en ce moment. À preuve, en 2009, les saisies de la GRC et des organismes qui enquêtent avec elle ont dépassé de 114 p. 100 le niveau de référence de 1994. Environ 975 000 cartouches ou sacs refermables ont été saisis en 2009, ce qui représente une augmentation de 1 p. 100 par rapport à 2008. À cela s'ajoute un total d'environ 34 000 kilogrammes de tabac haché fin, et 10 kilogrammes de tabac brut, également saisis en 2009.
[Français]
Pour s'attaquer à ce fléau en pleine croissance, dans les prochaines années, la GRC a consulté plus de 70 partenaires et intervenants pour ensuite mettre sur pied sa Stratégie de lutte contre le tabac de contrebande. Lancée en mai 2008, celle-ci vise à réduire l'offre et la demande de tabac de contrebande dans tout le pays. Elle se veut aussi un guide d'orientation pour les agents sur le terrain. La démarche de la GRC repose sur quatre piliers: perturber le crime organisé et, par le fait même, la chaîne d'approvisionnement; renforcer la coordination et les partenariats; tendre la main aux collectivités autochtones et miser sur l'éducation et la sensibilisation.
[Traduction]
Nous avons publié la semaine dernière le rapport d'étape de la stratégie de lutte contre le tabac de contrebande. Ce rapport résume les opérations que nous avons menées depuis le lancement de cette stratégie, en mai 2008. Tout en reconnaissant que la partie n'est pas encore gagnée, ce rapport montre bien que la GRC est déterminée à lutter contre cette forme de criminalité, et il décrit les progrès que nous avons réalisés durant la première année de la mise en oeuvre de cette stratégie. Il faut également souligner que la GRC a nommé des coordonnateurs dans tout le pays afin de favoriser une meilleure application de la stratégie, aussi bien au niveau régional qu'au niveau national.
Je le répète, un des piliers de notre stratégie consiste à cibler le crime organisé et les têtes dirigeantes qui supervisent les activités et les réseaux de contrebande. Et la méthode de la GRC a porté ses fruits. Entre avril 2008 et mai 2009, nous avons entravé les activités de 25 organisations criminelles plus ou moins élaborées. En 2008, la GRC a porté contre environ 650 individus plus de 740 accusations au criminel, aux termes de la Loi sur l'accise de 2001, et deux bateaux et plus de 560 véhicules ont été saisis. En 2009, plus de 770 accusations ont été portées aux termes de la Loi sur l'accise de 2001, et 403 autres véhicules et 18 bateaux ont été saisis. Et le mois dernier, un homme que des agents de la GRC de Valleyfield avaient accusé d'avoir contrevenu au paragraphe 412.12(1) du Code criminel du Canada, soit la disposition sur le gangstérisme, a été déclaré coupable pour son implication dans les activités d'une organisation criminelle qui faisait la contrebande de tabac. C'était la première fois qu'une personne accusée de gangstérisme était condamnée pour une infraction liée au tabac.
Dans le cadre de sa stratégie, la GRC s'est également fixé comme objectif prioritaire d'améliorer la coordination et de raffermir ses partenariats. Partout au Canada et, dans une certaine mesure, aux États-Unis, la GRC a consolidé ses partenariats aux fins de la lutte contre la contrebande de tabac. Cela lui permet d'échanger des renseignements et de mieux cerner ses cibles. Citons, à titre d'exemple, l'Atelier canado-américain sur la réaffectation du tabac, qui regroupe des représentants de l'Agence du revenu du Canada, du U.S. Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearms, du U.S Tobacco and Taxation Bureau, de l'Agence des services frontaliers du Canada et de la GRC. Les participants à cet atelier se réunissent pour discuter de dossiers d'intérêt commun, de pratiques exemplaires et des répercussions globales de la contrebande des deux côtés de la frontière.
Parmi les autres partenariats dignes de mention, il y a le Groupe de travail régional de Cornwall, formé il y a deux semaines, et qui réunit des représentants de la GRC, de la Police provinciale de l'Ontario, du Service de police de Cornwall et du ministère du Revenu de l'Ontario. Je pourrais également mentionner la participation de la GRC au projet Access, un groupe de travail dirigé par la Sûreté du Québec qui a pour but de lutter contre les activités illicites comme la fabrication et la distribution de tabac de contrebande. Du 9 au 21 avril 2006, le Groupe de travail régional de Cornwall a procédé à onze saisies et à huit arrestations. Ces chiffres sont impressionnants. La GRC collabore également de près avec les services de police autochtone de l'Ontario et du Québec, et ces partenariats ont permis de mener à bien plusieurs opérations ciblant le marché illicite des produits du tabac.
[Français]
La stratégie de la GRC tient compte du fait que la répression ne suffit pas et que la réduction de la demande de produits du tabac illicites passe nécessairement par l'éducation et la sensibilisation du public.
Avec des partenaires comme Échec au crime, la GRC sensibilise aussi la population des différentes provinces aux conséquences de l'achat et de la possession de tabac de contrebande.
[Traduction]
Les efforts de la GRC ne sont qu'une facette d'une stratégie déployée à l'échelle du gouvernement pour réprimer l'industrie illicite du tabac. Tout comme les autres organismes représentés ici aujourd'hui, la GRC contribue activement aux activités du groupe de travail du gouvernement sur les produits illicites du tabac. Dirigé par Sécurité publique Canada, ce groupe de travail a pour mandat de proposer au ministre de la Sécurité publique des mesures concrètes pour réduire et entraver le commerce des produits du tabac.
Comme en témoigne le nombre de ministères et organismes représentés ici aujourd'hui, aucun organisme ne pourra régler ce problème à lui seul. La collaboration entre nos différents organismes et avec nos partenaires américains est essentielle pour réduire l'importance de la contrebande des produits du tabac au Canada. La GRC réaffirme sa détermination à lutter contre cette forme grave de criminalité organisée.
Je vous remercie. Nous sommes impatients de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Merci d'être présents aujourd'hui à ce comité.
Ma question s'adressera à MM. Oliver et MacKillop.
J'ai lu beaucoup de documents là-dessus, j'ai rencontré des personnes, et il semble que l'on converge vers une espèce de consensus, à savoir que le plus gros du trafic de contrebande de tabac est concentré dans à peu près quatre ou cinq réserves du Québec et de l'Ontario. Cela concerne le marché illégal dans une proportion approximative de 80 à 90 p. 100. On m'a parlé d'environ une centaine d'usines de fabrication qui n'ont même pas de permis.
J'aimerais savoir concrètement pourquoi vous ne fermez pas ces usines illégales. Pourquoi des usines qui n'ont pas de permis peuvent-elles allègrement opérer? Comment se fait-il que des lois soient appliquées dans tout le Canada par les dépanneurs et les magasins, et qu'elles ne le soient pas dans les réserves? Par exemple, un article du Journal de Montréal mentionne qu'une jeune adolescente a pu aller s'acheter des cigarillos parfumés — des produits pour les jeunes —, alors que leur vente dans les dépanneurs est maintenant illégale.
Sommes-nous dans un pays où il y a deux poids et deux mesures: quand on vit dans une réserve, on fait ce qu'on veut, et la GRC et le ministère de la Sécurité publique ne peuvent rien faire; et quand on habite ailleurs au Canada, si on vend des cigarillos parfumés aux mineurs, on peut se faire attraper et sanctionner?
:
Je comprends ce que vous voulez dire.
Puisque vous avez répondu à presque toutes mes questions, M. Oliver, cette prochaine question va s'adresser à M. MacKillop.
Lorsqu'on a lancé la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme, M. Day, qui était le à l'époque, avait annoncé un investissement de 20 millions de dollars sur quatre ans en plus d'une Stratégie de lutte contre le tabac de contrebande.
Différentes causes ont été entendues opposant Sa Majesté la Reine du Canada et deux différentes compagnies: Imperial Tobacco Canada Ltd. et Rothmans, Benson & Hedges Inc., RBH, si je ne me trompe pas. Seulement pour ce qui est de ces deux compagnies, il est question de quelque 100 millions de dollars qui devraient être utilisés pour lutter contre la contrebande de tabac, si ma mémoire est bonne. C'est écrit ici. Cet argent devrait donc être utilisé pour enrayer la contrebande. J'essaie de supposer que les 20 millions de dollars viennent des 100 millions de dollars.
Pourquoi les 80 autres millions de dollars ne sont-ils pas justement investis pour donner un peu plus de ressources à la GRC afin qu'elle mène cette lutte contre la contrebande de tabac? Pourquoi, jusqu'à présent, le ministère de la Sécurité publique n'a-t-il toujours pas mis en avant une campagne de sensibilisation à la contrebande auprès du public? Car tous les sondages démontrent que...
Le projet de loi C-32 comporte trois volets. L'objectif le plus facile à atteindre est d'interdire les publicités de tabac dans toutes les publications hebdomadaires ou quotidiennes canadiennes que les jeunes pourraient acheter dans un distributeur au coin de la rue. Voilà l'étape simple.
Le deuxième objectif consiste à interdire l'ajout d'additifs aux propriétés aromatisantes dans les petits cigares vendus sur le marché. Ces produits aromatisés aux bleuets, à la vanille ou à une autre saveur étaient vendus individuellement. Les ventes de ces produits ont connu une hausse considérable: le nombre est passé de près d'un million à environ quatre millions en quelques années, et nous savons, grâce aux statistiques que nous avons recueillies par le biais de sondages, que les jeunes y avaient accès. Donc la deuxième étape consistait à interdire les substances aromatisantes.
Il visait également à emballer tous les produits qui restaient sur le marché en paquets de 20; donc, tous les petits produits qui ressemblaient à une cigarette étaient emballés comme les cigarettes ordinaires, c'est-à-dire en paquets de 20 ou de 25. Nous savons que le prix compte aux yeux des jeunes. Ils ne pourront pas seulement faire un achat d'un dollar; ils doivent dépenser cinq ou dix dollars, comme s'ils achetaient un paquet de cigarettes, si bien que le produit est légèrement au-dessus de leurs moyens.
Voilà les avantages que présente le projet de loi C-32, selon nous.
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Oui, bien sûr. Je vous remercie de cette question.
Indéniablement, la principale raison qui justifie l'adoption du nouveau timbre — et comme vous le savez sans doute, cette mesure est énoncée dans le projet de loi C-9 portant exécution de certaines dispositions du budget, qui est actuellement devant la Chambre — est d'empêcher l'entrée de contrefaçons provenant d'ailleurs.
Le système actuel utilise des bandelettes. Voici les différentes bandelettes; une couleur est associée à chaque province. Par exemple, sur la bandelette jaune, on peut lire: « Droit acquitté — Ontario — Canada Duty Paid ». Quiconque veut en produire peut le faire. Elles ne sont assorties d'aucune mesures de sécurité. C'est donc très facile pour un fabricant illégal de s'en procurer.
Nous avons décidé d'adopter le timbre — et ce que j'ai avec moi est un agrandissement, car le timbre en soi est très petit — parce qu'il est assorti de plusieurs caractéristiques de sécurité, à la fois manifestes et cachées. Nous avons réalisé plusieurs études; nous avons fait bien des recherches avant d'en arriver là. Nous avons lancé un appel d'offres, et c'est la soumission de la Compagnie canadienne des billets de banque limitée qui a été retenue, en partenariat avec SICPA, une société suisse spécialisée en encre de sécurité et engagée aux quatre coins du monde dans de nombreux projets visant l'utilisation d'un timbre semblable. Leurs timbres n'ont jamais été contrefaits. Ils sont identifiés par un numéro de série. Chaque paquet aura son numéro de série, ce qui nous permettra de savoir d'où vient le produit s'il est saisi dans un autre territoire.
Quant à savoir à qui profite le timbre, il est évident que l'Agence du revenu du Canada et le gouvernement en retirent un avantage. L'agence va mettre en place un comptoir de commande. Il faudra mettre en oeuvre un cadre de responsabilisation pour le timbre, qui tiendra compte de la production de chaque entreprise ou importateur et des droits acquittés par ces entités. C'est à la lumière de tout cela que nous déciderons si nous permettons au fournisseur des timbres de les offrir ou non aux fabricants.
Merci.
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Bonjour à tous. Je m'appelle Dave Bryans et je suis président de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation, l'ACDA, et un membre fondateur de la Coalition nationale contre le tabac de contrebande.
Je vais parler en premier, puis je laisserai la parole à mon collègue du Syndicat des Douanes et de l'immigration.
Notre organisation représente 14 entreprises et groupes de la société civile qui se sont rassemblés pour faire pression sur le gouvernement afin qu'il mette un terme au fléau du tabac de contrebande. En plus de l'ACDA, notre coalition représente la Chambre de commerce du Canada; le Syndicat des Douanes et de l'immigration, dont le premier vice-président me fait l'honneur de m'accompagner; la Fédération canadienne des contribuables; l'Office de commercialisation des producteurs de tabac jaune de l'Ontario; l'Association Frontière Hors Taxes; Toronto Crime Stoppers; le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac; la National Citizens Coalition; le Conseil du patronat du Québec; l'Association nationale des distributeurs aux petites surfaces alimentaires; la Fédération des chambres de commerce du Québec; l'Association des marchands dépanneurs et épiciers; et le Conseil canadien du commerce de détail.
Le problème du tabac de contrebande au Canada est très présent en Ontario et au Québec. Il gagne du terrain dans les provinces de l'Atlantique et se propage lentement dans l'Ouest du Canada. En 2008, la dernière année sur laquelle nous avons des statistiques fiables, 48,6 p. 100 de toutes les cigarettes achetées en Ontario provenaient de la contrebande. Au Québec, ce chiffre atteint 40 p. 100, et dans les provinces de l'Atlantique, 9,7 p. 100. À l'échelle du Canada, environ 32,7 p. 100 des cigarettes achetées proviennent de la contrebande, ce qui représente une augmentation de 98 p. 100 par rapport à 2006.
La contrebande de cigarettes est présente dans toutes les cours d'école où nous avons fait analyser des mégots l'été dernier, et les résultats ont montré que les cigarettes illégales représentent 41 p. 100 des cigarettes fumées à la Pickering High School et à d'autres établissements, 34 p. 100 à l'école secondaire St. Mary's, à Woodstock, et 50 p. 100 à l'école secondaire Huron Heights, à Newmarket.
Selon une analyse de données provenant de Statistique Canada, le tabagisme chez les jeunes a atteint un plateau dans le Centre du Canada, probablement en raison de l'accès facile aux cigarettes illégales bon marché, ce qui compromet les efforts déployés dans le domaine de la santé publique.
Selon la GRC, 90 p. 100 du tabac de contrebande disponible est fabriqué illégalement aux États-Unis, puis introduit en contrebande au Canada. Nous savons aussi que les produits qui entrent au Canada sont en grande partie transportés sur le fleuve Saint-Laurent, principalement entre Kingston et Montréal. Le point névralgique est à Cornwall, à l'île Cornwall, et sur le territoire mohawk d'Akwesasne.
Selon une information que nous avons obtenue de la GRC, plus de 100 — aujourd'hui, ce chiffre est encore plus élevé — groupes criminels organisés seraient actuellement impliqués dans la contrebande du tabac au Canada. Nous savons que les contrebandiers ne traversent pas la frontière dans un seul sens et n'introduisent pas seulement un produit. Ils font passer de la drogue, des armes, de l'argent et des personnes en même temps que le tabac.
L'ampleur du manquement aux règles est pratiquement inimaginable aujourd'hui. S'il y a une chose que les membres du comité devraient retenir de la réunion d'aujourd'hui, c'est l'emplacement du point d'entrée de Cornwall. Il est impératif que le point d'entrée demeure sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, puisqu'il rend le passage de produits illégaux au Canada beaucoup plus difficile pour les contrebandiers. Si on rétablit le point d'entrée à l'île Cornwall ou sur la rive sud du Saint-Laurent, le scénario du printemps dernier se produira de nouveau et les contrebandiers auront le champ libre pour entrer au Canada.
J'ai hâte d'entendre vos questions tout à l'heure. Je laisse maintenant la parole à mon collègue, Jean-Pierre Fortin, du Syndicat des Douanes et de l'immigration.
Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je m'appelle Jean-Pierre Fortin et je suis président national par intérim du Syndicat des Douanes et de l'immigration, qui représente les agents frontaliers de l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC. Pour que ce soit clair, je précise que nos membres comprennent les agents affectés à tous les points d'entrée du Canada, les agents d'exécution de la loi en matière d'immigration et de contrôle sécuritaire des immigrants ainsi que les agents du renseignement et de l'application de la loi pour toutes les fonctions relatives aux douanes, à l'immigration et à l'inspection des aliments de l'ASFC.
Mes fonctions touchent à différents secteurs, y compris l'introduction illégale de la cigarette de contrefaçon en raison des activités transfrontalières illicites qui y sont rattachées. C'est particulièrement important pour nous, parce que ça met en évidence une vulnérabilité sur le plan de la sécurité à laquelle nous souhaitons remédier depuis plusieurs années, à savoir l'absence d'une patrouille frontalière mobile conjointe au Canada, axée sur le renseignement.
Nous croyons que la plupart des Canadiens seraient surpris d'apprendre que notre capacité de détecter et d'intercepter les personnes et les produits qui entrent illégalement au Canada entre des points d'entrée établis est insuffisante. Que ce soit par l'une des 200 routes non protégées — au moins — des Maritimes, du Québec ou des Prairies, les vastes plans d'eau du Saint-Laurent et des Grands Lacs ou les lacs intérieurs qui chevauchent la frontière canado-américaine, les personnes et produits qui entrent illégalement au Canada profitent toujours de la vulnérabilité frontalière du pays, et c'est ce problème que nous devons tenter d'éliminer.
La séance d'aujourd'hui porte essentiellement sur le commerce illégal de la cigarette et sur le tort qu'il cause aux Canadiens. Il ne fait aucun doute que cette activité illégale est associée au passage de ces produits nocifs d'un côté à l'autre de la frontière et que l'absence de patrouille mobile du côté canadien, combinée aux interdictions frontalières insuffisantes, ajoute à ce problème. J'ajouterais aussi que cette vulnérabilité va au-delà de la contrebande de cigarettes illégales au Canada. D'après des rapports des services du renseignement du Canada et des États-Unis, ces activités transfrontalières illégales incluent le transport vers le sud ou vers le nord de produits de contrefaçon, de drogues, d'armes et de personnes. Par exemple, la police de Toronto a établi qu'au moins 50 p. 100 des armes utilisées dans les crimes perpétrés dans la ville étaient issues de la contrebande aux États-Unis.
C'est également devant ce comité que M. Elliott, commissaire de la GRC, a admis, en 2007, que la surveillance de l'application de la loi sur le fleuve Saint-Laurent et les Grands Lacs était, pour reprendre le qualificatif utilisé, inadéquate. Comme l'a dit un agent de police supérieur, ce qui traverse la frontière se retrouve dans nos rues et dans nos collectivités, au Canada.
Le gouvernement actuel a apporté des améliorations importantes à la sécurité frontalière, mais en dépit de cela, et pour des raisons que nous espérons que vous approfondirez, le Canada ne possède toujours pas cette capacité de patrouille et d'interdiction, pourtant nécessaire.
Merci de l'attention que vous accordez à ces problèmes. Je serai heureux de tenter de répondre à vos questions.
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Je m'appelle François Damphousse. Depuis 1995, je suis directeur du bureau du Québec de l'Association pour les droits des non-fumeurs. J'aimerais aborder quelques points pour ensuite laisser la parole à mon collègue Rob Cunningham, de la Société canadienne du cancer. Il va vous parler des mesures que nous aimerions recommander pour contrôler le problème.
Tout d'abord, si la communauté de l'assurance-santé est surtout intéressée à l'élimination de la contrebande du tabac, c'est que la taxation représente la mesure la plus efficace pour réduire le tabagisme. Dans le dossier que l'on vous a distribué se trouve un premier document intitulé « Une stratégie nationale pour la réduction du tabagisme au Canada ». À la section 5.3, on parle des priorités d'action visant à lutter contre le tabagisme au Canada. Dans la première section, qui porte sur les politiques et les lois, le premier point est la taxation. Voilà l'importance de la mesure destinée à lutter contre le tabagisme au Canada.
On veut surtout éviter que la réduction des taxes soit employée comme mesure pour contrôler la contrebande. Je vous invite à consulter le document intitulé « Enquête de surveillance de l'usage du tabac au Canada ». À la page 3, un graphique porte sur la prévalence du tabagisme au Canada de 1985 à 2008. Les colonnes bleues, qui représentent le groupe des 15 à 19 ans, indiquent que de 1985 à 1991, la prévalence du tabagisme a diminué. Par contre, en 1994, quand on a réduit les taxes au fédéral et dans plusieurs provinces, la consommation chez les jeunes de 15 à 19 ans a augmenté graduellement, et ce, jusqu'en 1997-1998, année où la loi fédérale sur le tabac a été mise en vigueur. On a alors recommencé à augmenter les taxes graduellement.
Si on poursuit la lecture du graphique, on voit que depuis 2005-2006, on a atteint un plateau. Ça démontre que la contrebande a recommencé au Canada. On veut surtout éviter que le fédéral réduise les taxes. Ce serait catastrophique, surtout pour le groupe le plus vulnérable, c'est-à-dire nos jeunes. On estime que le gouvernement devrait poursuivre sa stratégie actuelle, qui consiste à mettre en oeuvre des politiques pour contrôler la contrebande du tabac.
D'ailleurs, comme l'a mentionné le groupe précédent, certains indices démontrent que la contrebande commence à diminuer au Canada. Dans le dernier budget du gouvernement du Québec, on mentionne que les revenus provenant des taxes sur le tabac ont augmenté de 65 millions de dollars au cours de la dernière année. On attribue cette augmentation de revenu aux mesures mises en vigueur pour lutter contre la contrebande. Même les compagnies de tabac, dont Philip Morris International, qui s'est récemment porté acquéreur de Rothmans, Benson & Hedges Inc. au Canada, a mentionné dans son dernier rapport annuel une augmentation de 3 ou 4 p. 100 des ventes légales de produits du tabac. Là aussi, on attribue l'augmentation au renforcement des mesures mises en oeuvre par le gouvernement. C'est pourquoi nous vous recommandons fortement de poursuivre dans cette voie.
Cela étant dit, on a annoncé en 2008 la mise en oeuvre de la Stratégie de lutte contre le tabac de contrebande de la GRC, mais aussi la mise sur pied d'un groupe de travail chargé de faire des recommandations visant à contrôler davantage le problème. Ça fait deux ans que l'on attend ces recommandations, mais on n'a toujours pas de nouvelles. On a bien hâte que ce groupe de travail présente ses recommandations. Nous avons rencontré plusieurs personnes du gouvernement fédéral, mais on ne nous a donné aucune information à ce sujet. Cette situation requiert votre attention. En effet, il s'agit d'un grave problème de santé publique. On a bien hâte que ces mesures soient annoncées.
On a fait allusion aux 20 millions de dollars. Mme Mourani a posé une question à ce sujet. En 2008, le gouvernement a annoncé un investissement de 20 millions de dollars sur quatre ans pour lutter contre la contrebande. Pour un problème qui prive de milliards de dollars les gouvernements à la fois fédéral et provinciaux, on estime que cinq millions de dollars pour lutter contre la contrebande n'est pas un montant élevé.
J'aimerais revenir sur ce qu'a dit M. Bertrand à propos des ententes entre les gouvernements et les trois compagnies de tabac canadiennes relativement à leur rôle dans la contrebande des années 1990. Dans les ententes, un protocole spécifie à la fin que 50 millions de dollars devraient être consentis pour aider le gouvernement fédéral à lutter contre la contrebande.
C'est précisé dans l'entente d'Imperial Tobacco et de Rothmans, Benson & Hedges Inc. Pour une raison qu'on ignore, aucun montant n'est mentionné dans la dernière entente avec JTI-Macdonald Corp., qui vient tout juste d'être conclue. On peut supposer que plus de 100 millions de dollars devraient être consacrés à la lutte contre la contrebande. Ça aiderait énormément à mettre en vigueur les mesures du groupe de travail, qu'on attend.
Qu'attend-on pour utiliser ces sommes? Nous trouvons que les 20 millions de dollars ne sont vraiment pas suffisants.
Merci. Je vais maintenant céder la parole à mon collègue.
Je m'appelle Rob Cunningham. Je suis avocat et analyste principal de la politique à la Société canadienne du cancer.
[Traduction]
J'aimerais présenter quatre points dans mon témoignage aujourd'hui.
Premièrement, nous sommes déçus que le gouvernement fédéral n'ait pas mis en application de nouvelles mesures — y compris au cours des deux dernières années — malgré l'urgence extrême de la situation et une annonce qui allait dans ce sens en mai 2008.
Deuxièmement, en ce qui concerne les recommandations prioritaires, le poste frontalier près de Cornwall ne devrait pas être déplacé à l'endroit où il se trouvait avant. Le changement d'emplacement fait une différence.
Troisièmement, le gouvernement fédéral doit insister pour que le gouvernement des États-Unis ferme les usines illégales du côté américain d'Akwesasne, la principale source de produits de contrebande.
Quatrièmement, le gouvernement fédéral doit prendre des mesures concernant la fabrication illégale non autorisée dans trois réserves canadiennes, particulièrement grâce à un meilleur contrôle de l'approvisionnement en matières premières de ces fabricants non autorisés.
Avant de continuer, j'aimerais reconnaître l'excellent travail accompli tous les jours par les agents frontaliers d'exécution de la loi et d'autres personnes au ministère. Sans ces efforts, la situation serait plus désastreuse qu'elle ne l'est.
J'aimerais aussi reconnaître que dans le projet de loi C-9, le gouvernement fédéral présente — même si c'est avec un certain retard — les nouvelles mesures visant à améliorer le régime d'estampillage, et nous les appuyons.
Bien sûr, nous sommes déçus parce que c'est une question de santé publique. J'ai en main plus de 300 études et rapports concernant l'incidence de l'accroissement des prix et des taxes sur la réduction de la consommation. Ils ont été présentés au Comité permanent des finances de la Chambre des communes.
C'est le document que nous vous présentons aujourd'hui. Je vous invite à regarder le premier onglet. Vous pouvez voir que l'Ontario, le Québec et le Nouveau-Brunswick possèdent les taxes les moins élevées sur le tabac au Canada, mais que c'est dans ces provinces que le taux de contrebande est le plus élevé. Cela démontre concrètement que la cause du problème n'est pas des taxes plus élevées, mais plutôt la proximité de la source de l'approvisionnement illégal. D'autres provinces maintiennent des taxes sur le tabac beaucoup plus élevées.
Dans nos documents, il y a une série de recommandations que nous présentons depuis de nombreuses années au sujet de solutions possibles qui n'ont pas encore été mises en oeuvre ou qui ne nécessitent pas d'activités d'application de la loi dans les réserves.
Un onglet présente également la motion sur la nécessité d'intervenir dans le dossier de la contrebande, qui a été adoptée à l'unanimité par la Chambre des communes il y a un an. Alors, dans ce contexte, tous les partis sont d'accord pour agir. Nous devons avoir une stratégie globale. La constitution d'un groupe de travail visant à présenter des mesures concrètes et précises a été annoncée en mai 2008. C'est pour cette raison que nous sommes déçus: rien n'a été fait à la suite de cette initiative.
En ce qui a trait au poste frontalier, je vous invite à examiner l'onglet 2, qui présente une carte. En plus d'être à cheval entre l'Ontario et le Québec, la réserve s'étend de l'autre côté de la frontière canado-américaine, dans l'État de New York. Le point rouge sur l'île Cornwall, qui est en jaune, indique où se situait le poste frontalier autrefois. Il arrivait que les contrebandiers contournent tout simplement le poste frontalier pour entrer au Canada. Une fois le poste frontalier à Cornwall, de l'autre côté du pont, il est devenu un point de passage obligé, ce qui a permis de corriger la situation; c'est pourquoi des progrès ont été constatés.
À l'onglet 4, vous trouverez des exemples rattachés aux gouvernements du Québec, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Selon Phillip Morris International, les recettes et les ventes taxées sont en hausse depuis le déplacement du poste.
Mais nous ne savons pas si l'établissement d'une voie rapide à ce poste frontalier créera un nouveau problème. C'est une mesure récente, et nous ne savons pas quelles en seront les conséquences.
Notre deuxième recommandation prioritaire vise à faire pression sur le gouvernement des États-Unis. Nous croyons que cela doit être fait au niveau politique, par le ministre de la Sécurité publique, en collaboration avec son homologue, le secrétaire à la Justice des États-Unis, responsable du Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearms. Ils disposent des instruments juridiques nécessaires.
Il est nécessaire qu'une décision politique soit prise afin d'affecter des ressources liées à l'application de la loi dans cette partie du nord de l'État de New York. Nous recommandons de ne pas prendre de mesures, à moins que cette question soit traitée comme une priorité au cours de nos réunions bilatérales; tant que ça ne sera pas le cas, le gouvernement des États-Unis n'en fera pas une priorité.
Finalement, on compte maintenant 50 fabricants non autorisés au Canada, ce qui est préoccupant. Que faire à ce sujet? Nous devons avoir une stratégie, et nous recommandons de contrôler — d'une façon ou d'une autre — l'approvisionnement en matières premières.
Nous reconnaissons qu'il est délicat d'aller dans les réserves afin d'appliquer la loi. Ce n'est pas ce que nous recommandons de faire; nous recommandons plutôt d'interdire ce genre de pratique. Ça peut se faire de plusieurs façons: porter des accusations pour avoir appuyé ou encouragé l'approvisionnement en tabac en feuilles destiné à des usines non autorisées ou pour avoir fourni des filtres de cigarettes ou d'autres matériaux, ou encore modifier la loi afin de faciliter la tâche des autorités en matière d'application de la loi afin qu'elles puissent intercepter les produits avant qu'ils n'arrivent dans les réserves. Ce sont des mesures que nous recommandons dans le cadre d'une stratégie globale.
Nos documents renferment d'autres recommandations.
Merci beaucoup pour ce temps de parole. Nous sommes impatients d'entendre vos questions.
:
D'accord. C'est très bien. Je voulais vous donner la possibilité de vous exprimer là-dessus, parce que je sais que vous m'en avez parlé pendant notre rencontre.
J'ai deux ou trois commentaires à faire.
J'apprécie les remarques de M. Cunningham à propos de la matière première.
[Français]
Monsieur Damphousse, vous venez justement de répéter ce commentaire.
[Traduction]
Voici quel est le problème avec la matière première. Quand on parle de matière première, on parle par exemple du papier utilisé dans la production des cigarettes de contrebande, et ce papier sert également à la fabrication d'autres objets licites, tels que des emballages de pailles pour McDonald's ou Tim Hortons. C'est la même matière qui entre dans la fabrication de ces objets. Pour ce qui est de la matière servant à confectionner les filtres des cigarettes de contrebande, nous avons un problème, parce qu'elle sert également à la fabrication de pièces d'automobiles.
Nous devons faire preuve d'un peu de créativité dans notre façon de nous attaquer à ceux qui fournissent la matière première. Nous devons avoir suffisamment de preuves avant d'entreprendre quelque procédure que ce soit contre eux ou de procéder à des arrestations.
J'ai été policière pendant 18 ans et demi. J'ai enquêté sur ce genre de cas. J'ai toujours été frustrée du fait que je ne pouvais pas le faire seule. J'étais dans la police municipale, ce qui veut dire que je devais faire appel à l'aide et à la collaboration de mes amis de la Section des douanes et de l'accise de la GRC avant que nous puissions nous servir d'un mandat de perquisition.
Dans ce contexte, je crois que nous devrions envisager ce que vous avec suggéré, monsieur Cunningham, au sujet de la possibilité d'apporter des changements à la loi afin de faciliter les interceptions. J'ai aussi cette frustration. Je crois que ce que vous avez suggéré est un objectif que nous pourrions viser.
Nous avons toujours un problème: tant qu'il y a de la demande, l'offre va continuer d'augmenter, parce que c'est lucratif. Les membres du crime organisé participent à ces activités, ce qui veut dire qu'il y a des dangers. Je veux m'assurer aujourd'hui que le comité comprend qu'il y a des dangers. Ces individus sont armés, et je ne parle pas seulement d'armes de petit calibre. Ils possèdent des armes très puissantes. Des postes sont établis à différents endroits.
Nous avons mentionné précédemment, à une autre séance, qu'il y a un problème de sécurité publique et un problème de sécurité et de protection des policiers et des agents d'exécution de la loi. C'est extrêmement inquiétant. Certaines des suggestions présentées ici aujourd'hui n'en tiennent pas compte. Nous ne pouvons pas faire des choses simplement pour le profit sans tenir compte de la nécessité d'assurer notre sécurité et notre protection.
Monsieur Fortin, j'aimerais que vous répétiez les dangers associés à la contrebande de cigarettes. La GRC nous en a parlé. D'autres organismes nous en ont parlé. Pourriez-vous s'il vous plaît nous rappeler vos expériences et nous donner votre opinion sur les dangers de ce commerce?