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Bonjour tout le monde. C'est la séance n
o 54 du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous sommes le mardi 15 février 2011.
Avant de présenter nos invités d’aujourd’hui et le sujet que le comité va aborder, je tiens à dire que nous allons avoir l’occasion d’entendre beaucoup d’entre vous aujourd’hui. La séance se tiendra jusqu’à 11 heures, et celle prévue ce soir durera jusqu’à 23 heures. Un souper sera livré ici ce soir.
L’une des choses que notre greffier fera — vu que bon nombre de témoins ont été invités ce soir —, c'est de vous distribuer une liste des invités pour simplement vous tenir au courant des réponses que nous avons reçues jusqu’à maintenant à l’égard des invitations à témoigner devant le comité. Quelques personnes ont refusé, et, en attendant d’avoir le nombre final, je crois savoir que notre greffier continuera à effectuer un suivi à ce chapitre. Alors, les choses risquent de changer, mais la liste vous donnera au moins une petite idée des personnes qui témoigneront ce soir au sujet du projet de loi C-59.
Ce matin, nous allons avoir un compte rendu sur le Centre d'information de la police canadienne — couramment appelé le CIPC.
Nous allons entendre des témoins de la Gendarmerie royale du Canada, à savoir Peter Henschel, commissaire adjoint aux Services des sciences judiciaires et de l'identité; Charles Walker, directeur général du Centre d'information de la police canadienne des Services des sciences judiciaires et de l'identité; et Guylaine Dansereau, directrice générale des Services canadiens d'identification criminelle en temps réel des Services des sciences judiciaires et de l'identité.
Nous voulons vous remercier d'avoir accepté notre invitation à témoigner devant le comité. C'est le résultat d'une motion présentée —je crois — par Mme Mourani — ce n'était pas une motion, mais disons à tout le moins qu'elle a abordé le sujet. Et je crois que c'est un sujet qui intéresse toutes les personnes présentes aujourd'hui.
Nous apprécions votre présence. Je ne sais pas si vous avez des déclarations préliminaires que vous aimeriez présenter — un petit compte rendu du bon travail que vous faites. Et si vous pouvez répondre à des questions, nous vous en serions très reconnaissants.
Monsieur Henschel.
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Merci, monsieur le président.
[Français]
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
[Traduction]
Je suis heureux de comparaître devant le comité en tant que commissaire adjoint aux Services des sciences judiciaires et de l’identité. Mon secteur de responsabilité compte deux services clés qui sont les principaux sujets de la séance d’aujourd’hui, soit le Centre d’information de la police canadienne — couramment appelé le CIPC — et les Services canadiens d’identification criminelle en temps réel — qu’on appelle aussi les SCICTR.
M’accompagnent aujourd’hui le surintendant principal Charles Walker, directeur général du CIPC, et Mme Guylaine Dansereau, directrice générale des SCICTR.
Pour commencer, j’aimerais clarifier pour le bien du comité les rôles qui incombent au CIPC et aux SCICTR.
Le CIPC est un système qui permet de consigner et de récupérer l'information policière transmise par les services autorisés. Le CIPC permet aux services de police autorisés d’accéder à plusieurs bases de données, principalement à des fins d'application de la loi. L’une de ces bases de données est le dépôt national des casiers judiciaires de la GRC, qui renferme les données sur les casiers judiciaires tenus par les SCICTR. Le dépôt compte environ 4,1 millions de casiers judiciaires, et plus de 500 000 casiers judiciaires sont mis à jour chaque année par les SCICTR.
Les SCICTR fournissent aux organismes canadiens d’application de la loi et de l’appareil judiciaire des attestations de vérification de casier judiciaire qui répondent à des normes élevées de qualité et de certification. Puisque les casiers judiciaires font partie intégrante de l’appareil de justice pénale et de l’application de la loi, ils doivent être tenus à jour selon des normes d’exactitude et de sécurité rigoureuses.
En outre, depuis 10 ans, la vérification des casiers judiciaires est devenue un élément essentiel des vérifications d’antécédents à des fins civiles, qu’il s’agisse d’une demande d’emploi, de l’octroi d’un poste dans un secteur vulnérable, d’une demande d’adoption ou de titres de voyage — par exemple, un visa. Afin d’assurer une meilleure gestion des demandes et de faciliter la vérification des antécédents à des fins civiles, de nombreux organismes font appel aux services des tierces entreprises pour agir comme intermédiaires.
[Français]
Parce que l'on consulte davantage les casiers judiciaires à des fins judiciaires et à des fins civiles et qu'on en attend des résultats rapides, le dépôt national des casiers judiciaires subit des pressions énormes, d'autant plus qu'il s'agissait d'un système sur papier entièrement manuel. Un grand projet de l'État, appelé « Identification en temps réel (ITR) », a donc été entrepris afin d'automatiser le système des casiers judiciaires.
Pendant que la conception de l'ITR se poursuit, de nombreux composants du système des casiers judiciaires demeurent sur papier et leur consultation demande énormément de temps. De plus, un énorme arriéré de mises à jour à faire au dépôt national des casiers judiciaires ne fait qu'alourdir les retards que prennent certaines procédures. Malgré toutes les ressources possibles affectées par la GRC à cette fonction importante, l'arriéré continue de poser un problème considérable.
D'autres facteurs ont contribué au délai de vérification des antécédents à des fins civiles. Vers la fin de 2009, des vérifications effectuées par le CIPC ont mis au jour la divulgation non autorisée par certains services de police canadiens de renseignements tirés des casiers judiciaires obtenus du CIPC, ce qui contrevenait à la Loi sur le casier judiciaire, à la Loi sur le système de justice pénal pour les adolescents, à la directive ministérielle de 1987 sur la divulgation des renseignements sur les antécédents judiciaires et à la politique du CIPC.
Étant donné ces manquements, la GRC a envoyé à tous les services de police du Canada une directive les enjoignant de respecter les lois fédérales, les politiques et les directives. Cette directive a modifié les pratiques de plusieurs organisations et allongé le temps nécessaire pour procéder à certaines vérifications des antécédents à des fins civiles. Cette modification s'imposait pour garantir la conformité à la loi, la protection des renseignements personnels et l'exactitude des vérifications.
[Traduction]
En janvier 2010, la GRC a mis sur pied un groupe de travail auquel participent les services de police canadiens, les ministères fédéral et provinciaux de la Sécurité publique et le Commissariat à la protection de la vie privée. Le groupe de travail avait comme but d’élaborer des stratégies susceptibles de réduire le délai de traitement des vérifications des antécédents à des fins civiles. À la suite de ces consultations, le ministre de la Sécurité publique a publié le 4 août 2010 la Directive ministérielle concernant la divulgation par la Gendarmerie royale du Canada de renseignements sur les antécédents judiciaires qui vise à baliser la divulgation de renseignements sur les antécédents criminels tout en permettant aux services de police de travailler avec des tiers vérificateurs d’antécédents judiciaires à des fins civiles au moyen de protocoles d’entente.
En consultation avec le groupe de travail fédéral-provincial, la GRC a publié une nouvelle politique dans le but de mettre en oeuvre la nouvelle directive ministérielle. La politique comprend une nouvelle option qui permet aux personnes d’autodéclarer leurs antécédents criminels dans le cadre d’une demande d’une vérification de casier judiciaire fondée sur le nom et d’une vérification liée au travail auprès de personnes vulnérables. Cette mesure réduit considérablement l’exigence selon laquelle toute personne ayant un casier judiciaire est tenue de fournir ses empreintes digitales. II incombe au service de police local de l’administration où réside la personne d’effectuer la vérification liée au travail auprès de personnes vulnérables. Des processus normalisés permettent également de communiquer aux gens des renseignements tirés de casiers judiciaires. Et la politique prévoit l'exigence de présenter des empreintes digitales aux fins de l’obtention d’une attestation de vérification de casier judiciaire, de vérifications fondées sur le nom incomplètes et de vérifications liées au travail auprès de personnes vulnérables.
L'un des aspects les plus importants de la vérification à des fins civiles, c’est la sécurité des personnes vulnérables. Au sens où l’entend la Loi sur le casier judiciaire, une personne vulnérable est « en position de dépendance par rapport à d'autres personnes ou court un risque d’abus ou d’agression plus élevé que la population en général de la part d’une personne en position d’autorité ou de confiance par rapport à elle ». Par conséquent, les agents de la police et de la sécurité publique de partout au Canada ont la responsabilité spéciale d’assurer la sécurité de ces personnes.
En juillet 2010, la GRC a appris que des délinquants sexuels réhabilités qui ont procédé à un changement de nom officiel pourraient voir leurs infractions sexuelles échapper à une vérification liée au travail auprès de personnes vulnérables. Pour corriger cette situation, une modification a été ajoutée au CIPC pour exiger le prélèvement d’empreintes digitales dans le cadre d’une vérification liée au travail auprès de personnes vulnérables si le sexe et la date de naissance de la personne correspondent à ceux figurant dans le casier judiciaire d’un délinquant sexuel réhabilité. Cette mesure ne signifie pas que la personne a un casier judiciaire ni qu’elle a obtenu une réhabilitation pour une infraction sexuelle. Il s’agit plutôt d’un mécanisme qui vise à confirmer l’identité de la personne et à établir qu'elle n’a pas obtenu de réhabilitation pour une infraction sexuelle
II importe de préciser que ces empreintes sont utilisées par les SCICTR pour confirmer l’identité de la personne et qu’elles sont immédiatement détruites une fois la procédure de vérification terminée. Si cette procédure a suscité de la frustration, elle s'imposait néanmoins pour éviter qu’un délinquant sexuel réhabilité puisse avoir accès a des personnes vulnérables après un simple changement de nom officiel. La seule autre solution serait d’exiger la présentation d’empreintes digitales dans le cadre de chaque vérification liée au travail auprès de personnes vulnérables — procédure qui submergerait l'actuel système manuel.
Même si ce changement au CIPC était nécessaire pour mieux protéger les personnes vulnérables, il est clair que celui-ci a quand même eu des conséquences involontaires. Avant ce changement, les SCICTR recevaient en moyenne 130 demandes de vérification liée au travail auprès de personnes vulnérables fondées sur les empreintes chaque mois, et elles étaient toutes traitées surréception. Depuis la mise en oeuvre de ce changement, les SCICTR reçoivent en moyenne 7 675 demandes de vérification liée au travail auprès de personnes vulnérables fondées sur les empreintes chaque mois, soit une augmentation de 5 900 p. 100.
Malgré la réaffectation de personnel supplémentaire au traitement de ces demandes, il nous est impossible de maintenir nos délais de traitement antérieurs, car le volume de transactions dépasse notre capacité. Actuellement, il peut nous falloir jusqu’à neuf semaines pour traiter une vérification d’empreintes digitales sur papier. Nous croyons que ce délai est inacceptable, surtout lorsque l’embauche d’une personne dépend d’une vérification liée au travail auprès de personnes vulnérables et qu’il s'avère qu’elle n’est ni une personne ayant un casier judiciaire ni un délinquant sexuel réhabilité.
Nous avons donc examiné d’autres approches pour simplifier et accélérer le traitement. En octobre dernier, nous avons modifié le Système d’identification en temps réel — ou l’ITR — pour permettre à nos partenaires des services policiers de soumettre électroniquement les empreintes destinées aux vérifications liées au travail auprès de personnes vulnérables à l’aide d’un appareil Livescan et de recevoir les résultats électroniquement. Cette bonification de l’ITR a beaucoup réduit ou éliminé le temps d’attente. À titre d’exemple, lorsqu’une personne n’a aucun lien avec un casier judiciaire ou une infraction sexuelle pour laquelle elle aurait été réhabilitée — c'est-à-dire dans 85 à 90 p. 100 des cas — la transmission électronique des empreintes et de la réponse peut se faire en moins de cinq minutes. À l’heure actuelle, plus d’une vingtaine de services de police au Canada sont connectés au système d’ITR à des fins de vérification liée au travail auprès de personnes vulnérables, et le nombre de transmissions électroniques d’empreintes augmente constamment.
Néanmoins, à peine 15 p. 100 des transmissions d’empreintes à des fins de vérification liée au travail auprès de personnes vulnérables sont actuellement présentées par voie électronique. Nous continuons de travailler avec nos partenaires des services policiers afin de les encourager à adopter la technologie de l’ITR pour traiter électroniquement les demandes de vérification d’empreintes digitales à des fins civiles. Nous croyons que la solution à long terme à l'égard de la vérification à des fins civiles est d’exiger la prise d'empreintes digitales dans le cadre de vérifications liées au travail auprès de personnes vulnérables une fois que les services de police auront eu l’occasion de se connecter au système d’ITR.
[Français]
La GRC a à coeur de répondre aux besoins de sécurité de la population canadienne et de nos partenaires policiers. Nous poursuivrons nos efforts pour fournir à nos clients des produits certifiés de casiers judiciaires qui présenteront autant d'efficacité que de qualité.
Nous apprécions cette opportunité de rencontrer le comité sur ce sujet d'importance. Nous espérons avoir su clarifier un peu les mesures complexes que requièrent le traitement des casiers judiciaires et la vérification des antécédents à des fins civiles.
Nous sommes disponibles pour répondre à vos questions. Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie beaucoup d'être présents ici aujourd'hui pour essayer d'éclairer nos lanternes.
Mes questions porteront plus précisément sur la sécurité publique plutôt que sur l'employabilité, à laquelle je reviendrai plus tard.
Selon les informations que j'ai obtenues, quand quelqu'un est arrêté, peu importe la province canadienne, on remplit le formulaire C-216. Par la suite, vous recevez ce formulaire du poste de police qui a arrêté la personne. Ai-je bien raison?
Lorsque vous recevez ce formulaire, vous créez un dossier avec un numéro SED et vous y mettez les empreintes digitales, etc. Normalement, il devrait y avoir les empreintes digitales et tout. D'une certaine manière, ce formulaire est retourné dans les postes de police pour qu'après ils vous le retournent, selon qu'il y ait eu des accusations ou non. Est-ce que je me trompe? Est-ce que ça fonctionne comme ça.
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Il serait important de distinguer plusieurs choses ici.
Tout d'abord, si la personne n'a jamais fourni d'empreintes digitales et qu'on présente la demande par voie électronique, cela se fera très rapidement — comme nous l'avons dit.
Je ne sais pas si nous pouvons vous donner une idée du délai moyen actuel, car, au chapitre des vérifications liées au travail auprès de personnes vulnérables, nous avons toutes ces empreintes sur papier qui ont été transmises, et — comme je l'ai dit — il faut actuellement neuf semaines avant de pouvoir les gérer.
Mais — encore une fois —, dans les 85 à 90 p. 100 des cas où les gens n'ont pas de casier judiciaire, le processus est en fait très rapide. D'ailleurs, dans la majorité des cas, les services policiers ne prendraient même pas la peine de fournir des empreintes digitales parce qu'ils peuvent effectuer une vérification fondée sur le nom. S'ils doivent fournir des empreintes digitales et qu'ils le font par voie électronique, ce sera très rapide. Toutefois, là où ce sera plus long et où le délai de 120 jours entre normalement en jeu, c'est lorsqu'une personne a un casier judiciaire. Cela signifie que nous devons procéder à des vérifications. Nous devons remonter au service de police d'origine, car il est possible que nous n'ayons pas reçu l'information; nous devrons peut-être consulter les tribunaux; et nous devrons également vérifier les données que nous possédons qui ne sont pas encore à jour.
Le processus sera plus long, et il est raisonnable de dire qu'on pourrait facilement mettre jusqu'à 120 jours. Mais — encore une fois — cela vise un pourcentage relativement modeste de la population et concerne des gens dont nous possédons les empreintes digitales.
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Merci, monsieur le président.
Je crois que nous pouvons tous convenir que cette question fait consensus. Nous voulons que vous réussissiez à gérer les casiers judiciaires et que vous vous assuriez que les Canadiens sont protégés. Alors, je vais simplement vous poser des questions pratiques.
Tout d'abord, à la page un de votre mémoire, vous indiquez que le dépôt national des casiers judiciaires était « un système entièrement manuel », et vous ajoutez:
Un grand projet de l’État appelé l’Identification en temps réel ou l’ITR a donc été entrepris afin d’automatiser le système des casiers judiciaires. Pendant que la conception de l’ITR se poursuit, de nombreux composants du système des casiers judiciaires demeurent sur papier et leur consultation demande énormément de temps.
Quel est votre plan d'action pour corriger cela? Et combien de temps faudra-t-il?
Voici d'autres questions plus pratiques. Vous témoignez aujourd'hui devant le comité de la sécurité publique, et, concernant beaucoup de domaines que je vais aborder en cinq minutes, je veux que vous me disiez comment nous pouvons vous aider. De quoi avez-vous besoin? Avez-vous besoin de plus d'effectifs? Avez-vous besoin de plus de ressources technologiques? Avez-vous besoin de plus d'argent? C'est notre travail de favoriser cela, alors, dites-moi ce dont vous avez besoin à la lumière de votre analyse de la question.
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Merci, monsieur le président, et merci aux libéraux de m'avoir cédé leur place.
Je vais rapidement parler de trois questions. La première concerne le temps. Je constate que le ministre va annoncer — aujourd'hui, je crois — certains changements, et qu'on envisage l'avenir avec beaucoup d'optimisme. Pourtant, dans les notes préparées à notre intention par notre analyste, on lit ceci:
Sur le site Internet de la GRC, on peut lire que le système d’identification en temps réel (ITR), initiative quinquennale qui a démarré en avril 2004, fait partie d’un grand projet de l’État visant l’accroissement de l’efficience du dépôt national des empreintes digitales et des casiers judiciaires du Canada. Ce système remplacera les processus papier et les systèmes existants par des flux de travail et une automatisation remaniés.
Ce que je comprends de cela, c'est que nous sommes en 2011, sept ans plus tard, et que nous parlons toujours du système d'ITR. En sept ans, nous n'avons pas réussi à le mettre en oeuvre à l'échelle du pays, de façon que les Canadiens, aujourd'hui, puissent compter sur une vérification rapide et efficace des casiers judiciaires.
Je veux donc tout simplement vous poser une question concernant les délais. Je vais vous poser une question bien précise. Si sept années se sont écoulées depuis le lancement de ce système, à quel point les Canadiens peuvent-ils avoir confiance en notre capacité de mettre ce système en place dans un délai raisonnable?