Je tiens à remercier le comité de me donner l'occasion d'expliquer pourquoi les agriculteurs sont en faveur de la poursuite du programme de prisons agricoles.
Je m'appelle Dianne Dowling. Je suis présidente, Syndicat national des cultivateurs, Section locale 316, à savoir la section de Kingston du syndicat.
Il y a environ un an, notre section locale a élaboré, en collaboration avec l'organisation Urban Agriculture Kingston et les Soeurs de la Providence de la Saint-Vincent de Paul, un énoncé de principe dans le cadre duquel nous demandions au gouvernement fédéral de prendre les mesures suivantes: suspendre ou arrêter le démantèlement des prisons agricoles pendant que nous avions encore l'occasion de discuter de la question; procéder à un examen exhaustif des coûts et des avantages du programme; enfin, plutôt que de mettre fin au programme, examiner comment il serait possible de l'améliorer ou de le bonifier.
Nous avons demandé à plusieurs organisations des secteurs agricole et alimentaire, de même qu'à des groupes de promotion de la justice sociale, à des syndicats et à des particuliers, de se rallier à notre position. Notre énoncé de principe a obtenu l'adhésion des Fédérations de l'agriculture à l'échelon régional, provincial et fédéral, du Syndicat national des cultivateurs, de la Fédération des agriculteurs chrétiens de l'Ontario et d'organisations du secteur alimentaire comme Sécurité alimentaire Canada et le Conseil de la politique alimentaire de Toronto. La liste est longue, et je peux vous la fournir si vous le souhaitez.
Par conséquent, la campagne visant à faire revivre le programme de prisons agricoles de Service correctionnel Canada a mobilisé des milliers d'agriculteurs et de citoyens qui souhaitent non seulement la poursuite du programme, mais également qu'on lui insuffle un dynamisme nouveau.
Vous vous demandez peut-être pourquoi les agriculteurs tiennent au programme de prisons agricoles. Notre préoccupation initiale concernait la perte éventuelle de terres agricoles. Il y a six prisons agricoles au Canada. Deux d'entre elles se trouvent dans la région de Kingston. Les résidents de Kingston sont bien au fait de l'existence de ces prisons, puisqu'elles sont situées en bordure de routes principales et qu'elles occupent de très vastes parcelles de terres agricoles à fort rendement et fructueuses, une denrée rare à Kingston, région où l'on trouve surtout des roches et des arbres.
Ces terres appartiennent à la Couronne depuis des décennies, et, encore aujourd'hui, elles sont préservées à titre de terres agricoles. Nous considérons ces terres agricoles comme un précieux bien public. Étant donné que nous faisons face à des problèmes d'envergure mondiale comme le pic pétrolier, les changements climatiques et l'incertitude sur le plan tant politique qu'économique, et par souci de la sécurité des Canadiens sur le plan alimentaire, nous devons conserver chaque parcelle de terre agricole que nous avons dans notre pays.
Nous sommes également préoccupés par la perte éventuelle d'infrastructures agricoles indispensables. Plusieurs prisons agricoles sont dotées d'abattoirs que les agriculteurs locaux, à tout le moins dans la région de Kingston, utilisent pour bonifier leurs activités. La présence d'un abattoir à proximité leur permet de vendre leur viande aux consommateurs de la région, et, par conséquent, d'accroître la rentabilité de leur entreprise.
En outre, les prisons agricoles ont été d'importants clients des entreprises du secteur agroalimentaire de notre région, qu'il s'agisse des meuneries, des vendeurs de matériel agricole, des autres fournisseurs et, bien sûr, des gens de métier du coin. On m'a dit que l'Établissement Frontenac dépensait environ 900 000 $ par année pour ces services agricoles. Évidemment, de tels investissements profitent à toutes les autres entreprises agricoles de la région; la perte d'un client d'une telle importance porterait un dur coup aux entreprises agroalimentaires de notre région, et cela pourrait être préjudiciable aux autres agriculteurs.
Nous travaillons depuis de nombreuses années à la mise en place d'un système de production alimentaire dans notre région. Nous croyons que chaque collectivité devrait accroître sa capacité de subvenir à ses propres besoins alimentaires. Les détenus forment une collectivité, et ils contribuent à leur propre alimentation. Nous saluons cela. Nous ne considérons pas que les détenus font concurrence à nos agriculteurs locaux. Par exemple, la ferme laitière de l'Établissement Frontenac compte 130 vaches laitières. En Ontario, les fermes laitières comptent en moyenne 60 vaches environ. La ferme de l'Établissement Frontenac représente donc l'équivalent de deux fermes familiales, ce qui ne constitue pas, selon moi, une source majeure de concurrence sur le marché du lait.
Il existe un autre sujet de préoccupation. Jeudi, le commissaire régional de SCC, Ross Toller, vous a dit que le SCC allait lancer des appels d'offres pour des quantités plus substantielles d'aliments de façon à réaliser de prétendues économies d'échelle. Si l'on ferme les prisons agricoles, celles-ci ne fourniront plus de lait, d'œufs et de viande au SCC, et nous ne croyons pas que l'agriculteur canadien moyen sera en mesure de combler ce vide.
Dans le secteur alimentaire, les appels d'offres sont lancées par le truchement d'un système appelé MERX. Les agriculteurs qui souhaitent soumissionner doivent être membres du MERX, ce qui suppose des frais, et les appels d'offres visent des millions et des centaines de milliers de livres d'un produit. À mon avis, les agriculteurs locaux seront incapables de tirer profit du vide laissé par la disparition des prisons agricoles. De plus, les marchés doivent être conclus en conformité avec l'ALENA, ce qui signifie que tout agriculteur nord-américain peut présenter une soumission.
Bien sûr, nous avons été très surpris d'entendre dire que les détenus participant au programme de prisons agricoles n'avaient pas acquis de compétences utiles sur le marché du travail. Nous estimons qu'ils ont acquis de solides compétences; ils ont notamment appris à faire fonctionner, à réparer et à entretenir du matériel, et ils ont également acquis des compétences, à l'Établissement Frontenac, par exemple, en ce qui concerne la transformation des aliments. Et, ce qui est probablement aussi important, voire davantage, ils ont appris à être ponctuels, à travailler en équipe, à être responsables, et ainsi de suite.
Toutes ces compétences peuvent être mises à profit dans le cadre d'autres emplois, et, de fait, il s'agit de qualités qu'il est indispensable de posséder pour conserver un emploi. Un diplôme en soudage vous permettra peut-être d'obtenir un emploi, mais vous ne conserverez pas votre emploi si vous êtes incapable de vous entendre avec votre employeur ou avec vos collègues.
J'oserai même dire que le Canada et, en fait, toutes les civilisations de l'histoire ont vu le jour grâce au travail des agriculteurs. À coup sûr, cette observation devrait suffire à elle seule à convaincre le SCC de maintenir le programme de prisons agricoles. D'après ce que j'ai entendu des centaines de personnes qui ont signé des pétitions et participé aux événements que nous avons organisés, les résidents de la région de Kingston, qu'ils soient agriculteurs ou non, ne sont pas du tout d'accord avec l'affirmation selon laquelle le travail agricole ne permet pas aux détenus d'acquérir des compétences monnayables sur le marché du travail. Nous appuyons assurément le retour de la formation professionnelle dans les prisons, et nous estimons que cela se concilierait très bien avec le programme de prisons agricoles, car les détenus pourraient mettre en pratique dans les exploitations agricoles les compétences qu'ils ont acquises en prison.
Le précédent ministre de la Sécurité publique a parlé du système de prisons agricoles comme d'un modèle datant des années 1950 et assorti d'une technologie désuète. Je suis moi-même une exploitante de ferme laitière, et j'ai visité les installations de la prison agricole l'automne dernier. À l'Établissement Frontenac, l'exploitation laitière est moderne et bien gérée. Elle participe à des programmes de gestion provinciale et collabore avec l'Université de Guelph à un programme d'alimentation des veaux. Il ne s'agit certainement pas d'un programme des années 1950.
Nous encourageons vivement le ministre et les membres du comité à se rendre dans les prisons agricoles de Kingston, vu qu'il s'agit des prisons agricoles les plus près d'Ottawa...
[Applaudissements]
Mme Dianne Dowling: ... pour qu'ils puissent observer comment fonctionne, dans les faits, ce programme de formation et de réadaptation efficace, humain et pragmatique. Je les invite à se rendre constater par eux-mêmes que ce programme fonctionne, à un coût que je considère comme modeste. J'exhorte le comité à examiner la valeur du programme, d'infirmer la décision d'y mettre fin et de collaborer avec les Canadiens intéressés à bonifier le programme en l'assortissant d'initiatives novatrices et utiles.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous.
Je m'appelle John Leeman. Je suis un délinquant qui s'est vu imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité, et je tenais à venir ici aujourd'hui pour prendre la parole au nom des détenus qui ont profité du programme de prisons agricoles.
Beaucoup de programmes de formation professionnelle étaient offerts dans les établissements à sécurité maximale où j'ai été incarcéré. J'étais très motivé par ces programmes, mais, comme nous le savons tous, les établissements à sécurité maximale mettent davantage l'accent sur le châtiment que sur la formation. Les ateliers ne sont ouverts que durant deux heures environ dans la matinée, et pendant à peu près une heure et demie en après-midi. Ils peuvent demeurer fermés pendant des périodes indéterminées.
Si je souligne cela, c'est que j'ai acquis les quatre certificats de compétence en soudage pendant mon incarcération. J'ai également obtenu une accréditation de tôlier pendant que je me trouvais dans un établissement à sécurité maximale. Auparavant, il y avait toutes sortes d'ateliers où les détenus pouvaient apprendre un métier. J'ai vu tous ces ateliers — ateliers de soudage, de menuiserie, de peinture et de maçonnerie — disparaître durant mon séjour en prison. Seul le programme agricole a échappé à la disparition. D'après moi, la réussite du programme agricole tient à ce qu'il constitue un processus de réinsertion sociale.
J'ai grandi sur une exploitation agricole, au sein d'une famille d'accueil. Je trayais les vaches à la main, et lorsque je suis arrivé à la prison agricole, je me suis tout de suite mis à la recherche d'un seau et d'un tabouret, mais je me suis rendu compte que les choses n'allaient pas se passer de cette façon. J'avais obtenu des certificats de compétence en soudage dans les ateliers d'usinage en prison, mais je n'étais jamais capable d'utiliser les compétences que j'avais acquises dans le métier lorsque venait le temps de réparer une machine. Le patron d'une exploitation agricole a dû m'enseigner comment ressouder certaines pièces, car le fait de savoir souder deux plaques vous permet d'obtenir un certificat de compétence, mais cela ne vous procure aucune expérience.
Chaque fois que je m'adresse à un auditoire, j'en profite pour rendre hommage aux agriculteurs: ce sont eux qui m'ont fourni les compétences dont on a besoin dans le vie de tous les jours. Ils m'ont appris beaucoup plus que le simple travail agricole; ils m'ont fait acquérir une éthique de travail. Le fait de se lever à 4 heures du matin est à proprement parler incroyable pour quiconque parvient à sortir du système carcéral. Cela fait maintenant 19 ans que je suis sorti de prison...
[Applaudissements]
M. John Leeman: ... et ce que j'ai appris constitue mon éthique de travail, que je mets en pratique chaque jour.
J'aimerais que quelques parlementaires se rendent dans les prisons agricoles pour voir simplement comment tout cela fonctionne. Il s'agit de quelque chose d'extraordinaire. Le programme agricole ne s'adresse pas seulement à un type de détenu; tant les détenus s'étant vu imposer une peine d'emprisonnement de deux ans que les condamnés à perpétuité y participent. Des patrons d'atelier ont réussi à apprendre à des gens qui ne s'étaient jamais entendus à travailler en équipe, et cela a eu pour effet de dissiper l'animosité qui régnait dans l'établissement. Aujourd'hui, j'ai lu les journaux, et je constate que le même message revient sans cesse: on récompense toujours les mêmes choses. Il y a eu une prise de conscience.
Je ne saurais assez insister sur le fait que, à titre d'ex-détenu, j'estime qu'il s'agit d'une grave erreur que l'on commet à l'égard des détenus. Il ne s'agit pas seulement de l'apprentissage d'un métier... Comme je l'ai dit, tous les participants au programme ne deviendront pas des agriculteurs, mais un agriculteur a bien d'autres choses à enseigner que le simple travail agricole. Beaucoup de métiers connexes se retrouvent aujourd'hui dans la collectivité.
Merci.
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Je m'appelle Bill Flanagan, et je suis le doyen de la Faculté de droit de l'Université Queen's.
Je tiens à remercier les membres du comité de me permettre de m'adresser à eux aujourd'hui.
Depuis maintenant bien plus de 30 ans, la Faculté de droit de l'Université Queen's est dotée d'un centre de droit correctionnel. Depuis de nombreuses années, nos étudiants participent à ce programme, dans le cadre duquel ils travaillent au sein des établissements et offrent des services de consultation aux détenus en ce qui concerne les appels interjetés par ces derniers et les questions relatives aux sanctions disciplinaires. Ainsi, notre faculté de droit s'intéresse de très près à la population carcérale locale, et entretient une relation de longue date avec les pénitenciers fédéraux.
Je ne connaissais pas grand-chose à propos des prisons agricoles avant décembre dernier. À ce moment-là, j'ai assisté à une réunion de la coalition Save Our Prison Farms à l'hôtel de ville de Kingston. Cette réunion a été extraordinaire. La coalition en question est unique en son genre: elle est constituée d'agriculteurs, d'employés d'établissements correctionnels, de résidents de la région, d'étudiants, d'aînés, de chefs autochtones et de groupes confessionnels. Tous se sont exprimés avec passion à propos de leur détermination à assurer la sauvegarde de nos prisons agricoles.
Personnellement, j'ai été très touché par ce que j'ai entendu durant la réunion, et cela m'a donné envie d'aller visiter la prison agricole de l'Établissement Frontenac. J'ai communiqué avec CORCAN et demandé l'autorisation de visiter l'installation.
À ce moment-là, on m'a répondu que, en raison de la controverse publique entourant les prisons agricoles, l'accès du public à ces installations avait été restreint. J'ai communiqué avec le bureau de Peter Milliken pour que l'on m'aide dans mes démarches auprès de CORCAN en vue d'obtenir l'autorisation de visiter l'installation. Ce n'est qu'après l'intervention des membres de l'équipe de Peter Milliken que j'ai finalement été autorisé à visiter la prison agricole.
J'ai été profondément impressionné par ce que j'ai vu au moment de ma visite. J'ai eu l'occasion de discuter avec les employés de l'établissement et avec plusieurs détenus, et tous m'ont parlé avec beaucoup de passion de la façon dont l'exploitation agricole aidait les détenus à acquérir des compétences utiles tant dans la vie quotidienne qu'en milieu de travail et contribuait à leur réinsertion sociale au moment de leur libération.
Je sais que le gouvernement est d'avis que ces programmes ne sont pas rentables parce que peu de détenus trouvent un emploi dans le secteur agricole après leur libération, mais il s'agit là d'une explication qui ne me convainc pas. Selon moi, il est évident que la politique du gouvernement est principalement motivée par les facteurs idéologiques, et qu'elle n'a que peu de choses à voir avec une question de rentabilité.
Nous savons que les taux de criminalité ont baissé de façon constante au Canada pendant de nombreuses années. Toutefois, on prévoit qu'au cours des quelques prochaines années, la population carcérale au Canada augmentera de plus de 10 p. 100, en raison du programme du gouvernement, axé sur la loi et l'ordre, et du nombre croissant de peines d'emprisonnement obligatoires.
Comme nous l'avons entendu durant les bulletins d'information d'hier, malgré l'astronomique déficit du gouvernement fédéral, il est prévu que le budget de Service correctionnel Canada augmentera de 27 p. 100 au cours des deux prochaines années pour atteindre plus de 3 milliards de dollars, et que le nombre d'employés augmentera de 25 p. 100. Ainsi, je suis tenté d'avancer que le gouvernement ne ferme pas les prisons agricoles pour épargner de l'argent. Au contraire, le gouvernement est prêt à dépenser inutilement des millions de dollars supplémentaires pour les prisons.
Dans ce cas, pourquoi le gouvernement est-il déterminé à fermer les prisons agricoles, en dépit de la vive opposition du public et du fait que l'utilité de ce programme a été prouvée hors de tout doute? À mes yeux, la seule explication raisonnable est que nous sommes en présence d'un gouvernement qui est résolu à mettre l'accent sur les sanctions et qui est de plus en plus indifférent à l'égard de la notion de réadaptation. Nous sommes en présence d'un gouvernement qui veut s'attaquer à la criminalité et faire la vie dure aux détenus parce qu'il estime que cela lui permettra de récolter des votes. Je peux vous assurer qu'une telle approche ne permettra pas au gouvernement de récolter le moindre vote dans Kingston et les Îles.
[Applaudissements]
M. Bill Flanagan: On peut plutôt observer que cela a donné lieu à la naissance d'une extraordinaire coalition de citoyens extrêmement motivés — bon nombre d'entre eux sont présents ici aujourd'hui — et à qui le mépris que manifeste le gouvernement à l'égard d'un programme de réadaptation des détenus fondé sur le travail agricole et l'indifférence du gouvernement à l'égard du bien-être de ces détenus inspirent de la répulsion.
Nous ne voulons pas que l'on nous enlève la prison agricole qui se trouve au coeur de Kingston et qu'on la remplace par une « super prison » bâtie sur mesure pour accueillir une population carcérale sans cesse croissante. Depuis longtemps, des prisons se trouvent au coeur de Kingston, et la population de la région veut que ces installations soient des endroits où les délinquants bénéficient d'un traitement équitable et se voient accorder toutes les occasions possibles d'acquérir les compétences qui leur permettront de réintégrer la société sans récidiver.
Les prisons agricoles jouent un rôle de premier plan au sein d'un système de justice criminelle à visage humain. Je vous demande de prêter l'oreille aux nombreuses et diverses voix de ceux qui, comme nous, sont profondément touchés par cette question, et de sauvegarder nos prisons agricoles.
Merci.
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Je m'appelle Pauline Lally. Je suis une soeur de la Providence de la Saint-Vincent-de-Paul de Kingston.
Je suis assise ici et je regarde cette belle photo là-haut et je songe à ce que Dianne a dit un peu plus tôt, à savoir que l'histoire du Canada prend sa source dans le travail des agriculteurs. C'est ce qu'illustre cette photo qui se trouve là, devant nos yeux.
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous à propos d'un sujet qui tient à coeur aux résidents de Kingston. Quand Monseigneur Horan a demandé aux soeurs de la Providence de quitter Montréal pour venir s'installer à Kingston en 1861, c'était dans le but d'établir une congrégation dont les membres se consacreraient à offrir un soutien à domicile aux gens malades, aux pauvres, aux personnes âgées et aux orphelins, de même qu'aux personnes détenues dans le plus vieux pénitencier du Canada. C'est ce que nous tentons de faire depuis près de 150 ans.
Dans les premières années de notre congrégation, la norme consistait à prendre des mesures punitives pour dissuader les criminels. Cependant, comme l'a expliqué Gandhi, si la loi du talion était appliquée à grande échelle, la majeure partie de la population mondiale se retrouverait aveugle et édentée.
Je ne prône pas le laxisme à l'égard de la criminalité. Certains délinquants dangereux doivent se retrouver derrière les barreaux. Cependant, je suis une fervente partisane de la réadaptation, et c'est là la mission des programmes agricoles: réadapter les détenus.
L'éducation et l'expérience nous ont appris que le fait de se consacrer à la réadaptation avait pour effet de réduire les taux de récidive. C'est pourquoi, au cours des 150 dernières années, notre système pénal a lentement évolué vers un système à tendance réparatrice, qualifié à juste titre de système «correctionnel ».
Mais dites-moi: qu'est-ce que les services « correctionnels » entendent corriger en fermant les prisons agricoles? Le reste du monde considère notre système pénal comme un exemple de système pénal qui fonctionne. Jusqu'à aujourd'hui, nous étions fiers de cela. Des gens de toutes les régions du monde sont venus visiter nos prisons agricoles parce qu'elles fonctionnent.
Pourquoi mettrions-nous fin à quelque chose qui fonctionne? Pourquoi mettrions-nous fin à un programme viable, qui permet d'approvisionner tous les pénitenciers fédéraux de la région en lait, en viande et en oeufs, et qui fournit ses excédents d'oeufs aux banques alimentaires?
Si nous sommes présents ici aujourd'hui, c'est parce que nous sommes très préoccupés par le fait que le gouvernement actuel s'apprête à mettre fin au programme le plus fructueux du système correctionnel. Si vous lisez la publication du Service correctionnel du Canada que je vous ai fournie aujourd'hui, intitulée « Entre nous », vous serez à même de comprendre que, et je cite, « la ferme pénitentiaire est reconnue pour les produits qu’elle fournit aux établissements fédéraux et aux banques alimentaires de la région ainsi que pour les compétences transmises aux détenus qui y travaillent à la sueur de leur front, assurant la production. »
Dans le même document, Craig Chinnery, gestionnaire de l'exploitation, explique que bon nombre de détenus n'avaient jamais occupé un emploi stable avant leur arrivée à la prison agricole. M. Chinnery affirme ce qui suit:
Nous cherchons à leur faire acquérir une éthique du travail, à les habituer à se lever le matin…
Comme vous l'avez dit plus tôt: se lever à 4 heures du matin.
…et à faire une journée de travail complète. Nous voulons leur transmettre des compétences reconnues qu’ils pourront utiliser sur le marché du travail.
Un peu plus loin dans le même article, on peut lire ce qui suit:
Les détenus semblent heureux et pressés de travailler. Ils sont ouvertement fiers de la ferme.
Les détenus acquièrent une véritable éthique de travail. Ils apprennent à être fiers d'un travail bien fait.
Le Service correctionnel du Canada a également compris que la zoothérapie pouvait contribuer à la réadaptation des détenus. Comme le dit M. Chinnery, toujours dans le document affiché sur le site Web du Service correctionnel du Canada:
Le lien entre l’animal et l’humain est une bonne chose…
…[cela] a un effet calmant pour nombre de détenus.
En mai dernier, j'ai visité l'exploitation agricole de l'Établissement de Collins Bay. Cette prison agricole n'est entourée d'aucun mur — seules des clôtures ont été installées pour les animaux. Une vache avait mis bas un veau. Celui-ci était mort. La vache était incapable de se relever, et, de toute évidence, elle allait mourir elle aussi. Puis, sous l'arbre où la vache avait mis bas, se trouvait un vieux détenu, de forte carrure, aux cheveux longs et aux avant-bras couverts de tatouages, qui dispensait des soins que je qualifierais de palliatifs à la vache en question.
Il était accroupi là, et il caressait le museau de la vache en lui parlant d'une voix douce. Cela démontre la véritable valeur de ce programme sur le plan de la réadaptation. Ce n'est pas en faisant travailler les détenus à la buanderie ou en les faisant assister à des cours que nous obtiendrons de tels résultats. Si nous sommes vraiment intéressés à accroître la sécurité dans les collectivités, nous devons accorder une attention particulière à tout programme qui, comme l'indique la publication du Service correctionnel du Canada, a un effet calmant sur les détenus.
Voici un autre extrait du document du SCC:
Le détenu qui, quotidiennement, prend soin des animaux d’élevage, acquiert un sens des responsabilités. Les détenus qui travaillent à la ferme et les instructeurs ont l’impression d’accomplir quelque chose par leur labeur.
De toute évidence, cette exploitation agricole produit beaucoup plus qu'un seul bon résultat, mais le plus important est le changement positif qu'il crée dans la vie des détenus.
Ce n'est pas moi qui le dis: c'est ce qu'on peut lire sur le site Web du Service correctionnel du Canada, et cela témoigne de la grande valeur qu'on a déjà accordée aux exploitations agricoles de ce genre. À présent, on s'apprête à les fermer sans que le moindre examen d'expert n'ait été fait.
Des voix prophétiques réclament la justice. Il est juste de faire en sorte que les personnes ayant commis un acte criminel puissent réintégrer la société. Pour que cela se fasse en toute sécurité, nous devons nous concentrer sur la guérison et la réadaptation au sens de la philosophie de la justice réparatrice. Le pouvoir de guérison de la zoothérapie est admis, et, à vrai dire, on doit lui accorder une plus grande importance.
La réadaptation des détenus est la responsabilité de SCC, et cela reflète nos merveilleuses valeurs canadiennes. Ainsi, nous demandons l'imposition d'un moratoire sur tout démantèlement de prisons agricoles, et ce, jusqu'à ce que des experts indépendants aient eu l'occasion d'examiner la valeur du programme agricole.
Nous ne doutons pas que vous, membres du comité de la sécurité publique nationale, prendrez nos préoccupations au sérieux et mettrez fin à tout démantèlement et à toute transformation du système de prison agricole, et ce, jusqu'à ce que des experts indépendants, triés sur le volet en fonction de leurs compétences et de leur impartialité, aient eu l'occasion d'étudier la position adoptée par le gouvernement actuel et le document intitulé « Feuille de route pour une sécurité publique accrue ».
Merci.
[Applaudissements]
Je vous remercie de me permettre de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je m'appelle John Edmunds. Je suis le président national du Syndicat des employés du Solliciteur général. Je représente les personnes qui dispensent les formations aux délinquants dans les exploitations agricoles.
Je pourrais me présenter devant vous aujourd'hui et vous parler des bienfaits du programme de prisons agricoles. Toutefois, dans le cadre de mes activités quotidiennes, on ne me fournit pas les réponses dont j'ai besoin. Le gouvernement a déclaré publiquement et en grande pompe que les prisons agricoles lui faisaient perdre 4,1 millions de dollars par année. Cela ne m'a pas empêché, en septembre, de prendre part, avec quelque 2 000 autres personnes, à une manifestation tenue devant le 269, avenue Laurier, pour demander au ministre de la Sécurité publique de l'époque de rendre public le document en question et de mener une vérification afin de déterminer pourquoi le programme avait entraîné des pertes d'argent.
À l'heure actuelle, à titre de représentant de plus de 15 000 employés du système fédéral, pour l'essentiel des employés du secteur de l'application de la loi, j'estime qu'il y a beaucoup trop de questions qui demeurent sans réponse. Tout le monde cristallise son attention sur les pertes, mais quant à moi, je tente de découvrir le coût réel de la prison agricole et le coût qu'entraînera pour le Service correctionnel du Canada la perte de la prison agricole.
Examinons quelque chose d'aussi simple qu'un berlingot de lait de 250 millilitres dont la production a coûté de 23 ¢ à 28 ¢, et qui est vendu au gouvernement. Combien devrons-nous débourser pour obtenir la même quantité de lait sur le libre marché? Que se passera-t-il lorsque les prisons agricoles disparaîtront et qu'une émeute éclatera dans l'un de nos établissements? À l'heure actuelle, nous pouvons modifier nos commandes, et nous pouvons sélectionner ce dont nous avons besoin et nous le faire expédier.
Je demande aux membres du comité de bien vouloir prendre la parole et, d'une façon ou d'une autre, de poser les questions auxquelles je n'obtiens aucune réponse.
D'aucuns affirment que la formation que les détenus reçoivent sur les exploitations agricoles n'est plus pertinente à notre époque, et d'aucuns ont déclaré que les prisons agricoles étaient un concept qui datait des années 1950. Il y a environ deux ou trois ans, quelque 500 000 $ ont été réinvestis, si je ne m'abuse, à l'Établissement de Bowden. Qu'est-il advenu de ces dépenses avisées du gouvernement? Le gouvernement investit de l'argent dans les établissements, dans les prisons agricoles, mais à présent, d'un seul trait de plume, il les supprime.
Le rideau tombe bien rapidement sur toute cette aventure. Si je ne m'abuse, deux troupeaux seront mis aux enchères en juin et en juillet, l'un à Winnipeg, et l'autre, à Kingston. Ces troupeaux existent depuis des années. Ces bêtes sont de lignées de grande valeur. Ces vaches vont être séparées et vendues à la pièce.
Que devons-nous faire à ce moment-ci? Je ne dirai pas que je crois que des super prisons seront installées à Kingston ou sur tout autre site de prison agricole, mais je vous dirai que j'estime que la fermeture des prisons agricoles est une grave erreur. L'ensemble du monde civilisé regarde ce que fait le Canada. Même à certains endroits aux États-Unis — et je ne suis pas un grand partisan du système correctionnel américain —, on a donné une ampleur accrue au programme agricole pour prendre le virage vert, et les détenus américains concrétisent le message inscrit sur un panneau à l'Établissement Frontenac, à savoir « faire notre part grâce à l'agriculture ».
Selon moi, il y a des réponses que nous n'avons pas obtenues, et j'espère que les membres du comité réussiront à les obtenir, car il est très frustrant de poser des questions et de n'obtenir aucune réponse. Chaque fois que l'on pose la question, on se voit répondre qu'il s'agit d'un document confidentiel du Cabinet.
Vous êtes membres d'un comité du Cabinet. Vous faites partie d'un comité de la Chambre des communes. J'espère que vous avez le pouvoir et la capacité, d'une part, d'interrompre la fermeture des prisons agricoles, et, d'autre part, de poser des questions et de faire en sorte que les documents pertinents soient rendus publics.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier tous les membres du comité et les autres intervenants de partager avec moi la possibilité de m'exprimer ici.
J'ai été un représentant municipal élu pendant 28 ans. Je suis l'ancien président rural de la Fédération canadienne des municipalités. J'ai été, jusqu'à il y a quelques années seulement, le président fondateur de cet organisme. Je suis aussi conseiller auprès de la Première nation Shabot Obaadjiwan en plus d'être commissaire au sein de la Commission ontarienne des droits de la personne.
De fait, il y a tout juste un peu plus d'une semaine, j'ai parlé devant les membres de la Coalition canadienne des municipalités contre le racisme et la discrimination afin de leur faire part du point de vue des Autochtones et des gens des régions rurales. J'aimerais vous faire connaître certaines statistiques mentionnées dans cet exposé pour étayer les situations que j'aimerais décrire pendant les quelques minutes qui me sont accordées.
Je commencerai par dire quelque chose à propos du secteur rural, que vous savez probablement déjà: l'activité économique est difficile à trouver dans le Canada rural, en majeure partie, ce qui signifie que la disparition de quelques emplois et d'une petite activité économique qui peut avoir l'air minuscule à grande échelle peuvent avoir de profondes répercussions sur nos collectivités rurales.
Pour ce qui est des Autochtones, voici quelques-unes des statistiques que j'ai mentionnées: 87 p. 100 des femmes incarcérées en Saskatchewan sont autochtones. À l'échelle du pays, les statistiques révèlent que 30 p. 100 des femmes sont autochtones. En passant, ce pourcentage de 87 p. 100 en Saskatchewan signifie 87 p. 100 des femmes, pour être bien clair, mais ce sont des statistiques frappantes si on tient compte du fait que la population autochtone représente de fait 4 p. 100 de la population du Canada. C'est une part tout à fait disproportionnée.
Il faudrait que j'ajoute que les statistiques concernant les hommes et les jeunes ne sont guère plus réjouissantes. Nous pourrions discuter longuement des facteurs qui expliquent la situation, mais disons simplement que des années de politiques, de pensionnats et d'autres formes de discrimination ont entre autres contribué à cette part disproportionnée d'Autochtones dans nos prisons.
Je crois que l'honneur de la Couronne est en jeu. Nous devons tous ensemble nous demander comment nous en sommes arrivés là et trouver tous ensemble la solution à ce problème tragique.
Si vous le permettez, je vais citer un de mes amis, qui a mentionné un paradigme de guérison autochtone selon lequel la véritable essence de la création se trouve dans les liens entre les choses plutôt que dans les incidents en tant que tel. Quand la société ne s'attarde qu'aux incidents, comme le fait notre modèle de justice actuel, elle limite l'humanité du contrevenant à ses infractions plutôt que de s'attarder au rétablissement des liens, comme elle devrait le faire. Dans les prisons agricoles, le bétail et les récoltes apprennent aux contrevenants qu'ils dépendent tous les uns des autres. Ils ont tous une valeur. Ils ont tous de l'importance.
Je vais maintenant élargir le cercle afin d'inclure toutes les personnes incarcérées, quels que soient leurs antécédents. Ma femme a travaillé auprès des prisonniers dans de nombreux établissements fédéraux, et elle est catégorique: les prisons agricoles permettent aux prisonniers d'acquérir des connaissances pratiques importantes qui les préparent à devenir des membres à part entière de la société.
Il existe des statistiques concernant du travail effectué dans le même genre de milieu, par exemple dans des jardins communautaires. On a mentionné le cas des États-Unis. À Los Angeles, le taux de récidive a été amélioré de 50 p. 100 — cette étude est actuellement disponible — grâce à l'utilisation des jardins communautaires. Dans un milieu aussi dur que Los Angeles, on ne pense pas spontanément à l'agriculture ni même au jardinage; pourtant, ça a fonctionné.
En conclusion, j'aimerais dire que j'espère que le Parlement abordera cette question comme s'il faisait ce qu'un Aîné a appelé « le plus long voyage » — le voyage de notre tête jusqu'à notre coeur. J'espère que vous vous pencherez longuement et attentivement sur cette question puisque nous savons que les relations entre les êtres vivants qui existent dans une ferme apportent quelque chose que les solutions théoriques... Certaines idées que nous avons au sujet des services correctionnels et au sujet de la façon de véritablement transformer une personne et de la préparer à son retour dans la société ne tiennent tout simplement pas la comparaison avec la valeur qu'offrent les prisons agricoles et les répercussions qu'elles ont sur les gens. Et je veux insister sur le fait que ce que je dis est vrai pour les Autochtones, mais aussi pour tous les prisonniers.
Je vous remercie.
Merci. Meegwetch.
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J'aimerais remercier le comité de nous donner l'occasion de nous prononcer ici aujourd'hui.
Je représente une sixième génération d'agriculteurs, je suis président de l'Association des éleveurs de bovins de Frontenac, je fais partie des administrateurs du Syndicat national des cultivateurs, et je suis superviseur du volet agroalimentaire pour les prisons agricoles.
J'ai travaillé aux deux emplacements, à Kingston. J'ai supervisé les opérations laitières pendant un certain nombre d'années. Je supervise actuellement l'abattoir. Il s'agit du seul abattoir entre Toronto et Montréal qui fait la vente en gros de viande dans la collectivité. Il y a d'autres petits abattoirs où vous pouvez apporter un animal si vous êtes agriculteur pour qu'il y soit transformé et que vous puissiez le rapporter dans votre congélateur, mais vous ne pouvez pas vendre la viande dans la collectivité, tandis que nous le pouvons.
Nous formons aussi des détenus. Nous formons de 14 à 16 détenus — parfois 18 — dans l'abattoir, et tous les détenus qui terminent leur formation et qui souhaitent occuper un emploi dans le domaine arrivent à en trouver un. Ils ne souhaitent peut-être pas tous suivre cette voie ou désirent peut-être se diriger vers un autre secteur, mais s'ils le souhaitent, il y a des emplois pour eux. Nous les avons suivis nous-mêmes. Nous avons tout récemment visité un grand établissement de traitement des viandes dans le nord de Toronto, la Holly Park Meat Packers, et deux des détenus que nous avons formés y travaillent. Je connais quatre établissements de traitement des viandes et boucheries à Kingston qui ont placé des avis pour dire qu'ils cherchent des découpeurs de viande. Cela signifie que, une fois que les détenus ont terminé le programme, il y a des emplois qui les attendent s'ils souhaitent travailler dans ce domaine.
À l'abattoir, nous offrons des services à environ 350 agriculteurs de la région. Ils peuvent faire abattre et découper les animaux et en garder la viande ou vendre le tout à l'exploitant, qui distribuera la viande dans la collectivité. Il y a, dans la région de Kingston, un mouvement assez important en faveur des aliments locaux. Si l'abattoir disparaît, ce mouvement en faveur des aliments locaux disparaîtra aussi. Il n'y aura pas de viande locale distribuée dans la région. Elle viendra des États-Unis ou de l'ouest du Canada, ou de n'importe où, mais elle ne sera pas locale. Il y a 150 entreprises qui se fient à cet abattoir pour leur approvisionnement en viande.
Je propose qu'un comité consultatif agricole soit mis sur pied pour faciliter ces décisions. Il existe bien un comité consultatif des citoyens, alors pourquoi ne pas créer un comité consultatif agricole? Je crois que certaines des personnes qui ont pris cette décision ne comprennent pas l'agriculture. Peut-être que cela ne les intéresse pas; une chose est sûre, elles ne la comprennent pas. Nous pourrions les aider à ce sujet. Quand l'annonce a été faite, les agriculteurs l'ont reçue comme une gifle et ont compris que l'agriculture n'est plus importante dans la société actuelle. Comme je l'ai dit, je représente la sixième génération d'une famille d'agriculteurs, et je ne suis pas le seul dans la région.
Il y a deux jours, nous avons entendu dire, aux actualités, que le gouvernement canadien venait tout juste d'offrir 120 millions de dollars à l'Afghanistan pour la construction d'un barrage à des fins d'irrigation, tandis qu'on entend dire qu'il manque quatre millions de dollars ici. Si c'est le cas, je suis porté à penser qu'il aurait pu verser les quatre millions de dollars dont nous avons besoin, si ce chiffre est exact.
Certains membres du comité sont en faveur de la fermeture de ces exploitations agricoles. Je crois qu'ils savent maintenant qu'ils se trompent, et je leur demanderai avec insistance de prendre les mesures qui conviennent pour intervenir et sauver ces prisons agricoles. Elles sont très importantes. Chaque fois que je voyage en Ontario, je rencontre un détenu que j'ai formé à un moment ou à un autre. Cette personne vient à moi et me salue comme si j'étais son voisin parce qu'elle a été très heureuse que nous ayons l'occasion de travailler ensemble quand elle purgeait sa peine.
Tant que vous ne vous rendez pas sur place pour visiter les exploitations et voir ce qui s'y passe, vous ne pouvez pas comprendre la situation ni comprendre le travail des agriculteurs, que ce soit avec les animaux ou dans les champs. Bon nombre de ces détenus peuvent, s'ils le souhaitent, avoir leur propre potager à cultiver. Ils peuvent faire pousser des légumes, ce qui fait qu'ils n'ont pas à consommer ceux de la cafétéria ou à acheter des légumes par l'entremise des magasins des établissements, ce qui représente une économie. En outre, l'excédent de légumes est donné à des banques alimentaires.
Je demanderais donc aussi avec insistance au ministre actuel d'aller visiter ces sites.
En conclusion, je demande simplement à tous les membres du comité de faire le bon choix et de sauver ces prisons agricoles avant qu'il ne soit trop tard.
Merci.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Ron Amey. Je suis chef de production par intérim à l'Établissement Frontenac. Je suis responsable des activités au quotidien, du budget et des nouvelles initiatives.
Je supervise plus de 10 employés, lesquels, à leur tour, supervisent jusqu'à 70 délinquants qui s'occupent de toutes les opérations agricoles et de transformation des aliments.
J'ai constaté de nombreux changements au fil des ans. J'ai commencé comme instructeur à l'Établissement Frontenac en 1981. À l'époque, c'était un camp de travail, et les détenus devaient travailler à la ferme. Nous les escortions jusqu'à la ferme, où ils étaient sous surveillance constante.
Aujourd'hui, les délinquants ont leurs propres réveille-matin. Ils se lèvent, prennent leur déjeuner et se présentent au travail à 5 h 30. Ils accomplissent leurs tâches comme ils le feraient dans n'importe quel emploi. De nombreux délinquants suivent des cours pendant la journée et reviennent au travail par la suite, pour terminer à 18 heures, ce qui leur fait une journée de 12 heures de travail.
L'ambiance a changé du tout au tout. Il y a maintenant une relation employeur-employé. La production a augmenté à un tel point que notre troupeau est maintenant l'un des plus gros de la région. Maintenant, les délinquants souhaitent venir travailler à la ferme en raison des avantages qu'elle offre: de l'air frais, un sentiment d'accomplissement et l'acquisition de compétences. Le travail physique permet de réduire le stress.
Nous ne fonctionnons pas comme dans les années 1950. Les délinquants sont exposés à la technologie moderne. Nous avons des trayeuses informatisées et un mélangeur RTM. Nous venons tout juste de mettre en oeuvre un programme de lait acidifié par l'entremise de l'Université de Guelph; il s'agit d'une méthode élaborée en Suède que les délinquants ont découverte sur Internet. Ils nous ont beaucoup aidé à ce sujet.
Ils sont exposés à de nombreux secteurs d'activités, comme la construction, l'entretien mécanique, la soudure, la fabrication et le travail administratif. Les agriculteurs ne nous coûtent pas très cher; nous utilisons les talents de chacun et nous construisons nous-mêmes notre équipement. Nous travaillons en équipe et interagissons les uns avec les autres pour accomplir nos tâches. Bon nombre de ces types ne collaborent habituellement pas très bien mais, quand ils se retrouvent dans un milieu à sécurité minimale comme celui-là et qu'ils voient ce qui se passe, ils interagissent mieux. Ils dépendent davantage les uns des autres, ce qui signifie que, quand un gars est absent, l'autre sait qu'il doit faire le travail. Ils acquièrent le sens des responsabilités, apprennent comment s'occuper des animaux, apprennent ce que cela signifie quand quelqu'un dépend d'eux et apprennent à respecter des délais.
Je vais aborder la question de l'éthique professionnelle, c'est-à-dire du fait de se rendre au travail et de conserver un emploi. Nombre de détenus n'ont jamais même eu un emploi. Le lien qui se crée entre les êtres humains et les animaux aide à sortir les délinquants du milieu des établissements, comme nous l'avons entendu plus tôt aujourd'hui. Je pense au cas d'un délinquant qui, quand il est arrivé parmi nous, avait des problèmes de toxicomanie et de maîtrise de la colère, en plus d'avoir des antécédents de violence. À nos côtés, il a tissé des liens avec le bétail, a réussi à fonctionner en groupe, a fait face à ses problèmes et a réussi, au bout du compte, à faire son chemin jusqu'à l'un des postes les plus importants de la ferme. Ce détenu est maintenant en libération conditionnelle dans le centre-ville d'Ottawa.
L'intention n'est pas, et n'a jamais été, de former les détenus pour qu'ils deviennent des agriculteurs. Ce que nous voulons, c'est libérer de meilleurs citoyens dans la collectivité. Depuis plus de 100 ans, nous fournissons de la nourriture aux établissements carcéraux de la région et nous faisons notre place dans le secteur de l'agriculture.
J'espère que je pourrai apporter des réponses à vos questions.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais commencer par remercier les témoins.
Quand on regarde les milieux diversifiés d'où vous provenez et la diversité de vos points de vue, il est difficile d'imaginer de meilleurs arguments en faveur du maintien des prisons agricoles que ceux que vous nous avez donnés aujourd'hui. J'espère que tous les membres du comité sont attentifs et feront preuve d'ouverture en ce qui concerne le sujet qui nous occupe.
Je vais continuer là où nous étions rendus à la fin de la dernière réunion, quand des représentants ministériels étaient parmi nous. Ce que nous avons découvert, c'est qu'ils ne détenaient aucune statistique. Ils n'avaient, par exemple, rien concernant la réadaptation ou la récidive. Ils n'avaient aucune statistique permettant de comparer le programme de prisons agricoles à d'autres programmes pour que nous puissions en connaître l'efficacité relative.
Aujourd'hui, nous entendons des personnes qui se présentent devant nous et nous racontent de quelle façon, concrètement, le programme est positif et fonctionne bien. J'ai demandé aux représentants ministériels s'ils avaient des exemples prouvant que le programme ne fonctionne pas. Étant donné que le principal objectif des services correctionnels est la réadaptation, on pourrait penser que, si le gouvernement abolit le programme alors que c'est l'un des plus efficaces que j'ai vus...
Je dois dire, monsieur Leeman, que c'est grâce au regard de gens comme vous et d'autres détenus que je me passionne pour ce projet puisque je n'ai jamais vu auparavant un programme qui avait des répercussions si frappantes sur les détenus et sur leur réadaptation.
Je vais laisser tomber la réadaptation. Ils n'ont aucune information à ce sujet, et je crois que l'on a suffisamment abordé la question des cas isolés.
Le point qui a été soulevé ensuite concerne les compétences requises en emploi.
J'aimerais d'abord dire à MM. Perry et Amey que je suis heureux que tous les témoins aient eu le courage de se présenter ici aujourd'hui. Je sais qu'ils ont subi beaucoup de pressions afin qu'ils ne témoignent pas. Je sais que nous vous avons demandé de venir aujourd'hui. Je vous suis vraiment très reconnaissant.
Pouvez-vous m'en dire plus à propos du fait que, comme ils l'ont dit, un certain nombre de personnes ne travaillent pas directement dans le secteur de l'agriculture à la suite du programme? J'ai visité l'établissement de Pittsburgh et celui de Dorchester; en réalité, j'ai visité à peu près toutes les prisons agricoles du pays. J'ai aussi vu d'autres programmes dans le cadre desquels les détenus construisaient des cabanes à oiseaux ou cousaient des poches dans des vestes destinées à des véhicules militaires. Personne n'a demandé combien d'entre eux ont par la suite occupé des emplois où ils devaient construire des cabanes à oiseaux ou coudre des poches sur de la toile; pourtant, quand il est question d'agriculture, on semble se préoccuper seulement des emplois directement dans ce secteur. Nous n'avons tout simplement aucune statistique concernant le nombre de détenus qui réussissent à se trouver un emploi, dans quelque secteur que ce soit. En d'autres termes, nous n'avons aucune statistique concernant la réussite relative de ce programme par rapport aux autres programmes.
Ce que nous savons toutefois — l'information figure sur le site Web de CORCAN —, c'est quelles sont les dix professions où il y a le plus de débouchés au Canada. Je vais vous lire la liste de ces professions, et j'aimerais que vous me disiez, vous qui avez fait fonctionner ces programmes et étiez en première ligne, s'il y a des liens entre ces programmes et les dix professions qui comptent le plus de débouchés. La liste inclut des emplois de camionneurs, des emplois dans le secteur de la vente, de la vente en gros, de la vente au détail et de la livraison, des emplois de conducteurs de véhicules de service de messagerie, de cuisiniers, de serveurs d'aliments et de boissons, de commis au service à la clientèle, d'esthéticiennes et de concierges.
Pouvez-vous nous dire quelles sont les compétences que les détenus acquièrent dans le cadre de ce programme et qui peuvent être directement appliquées dans ces emplois? Ensuite, pouvez-vous nous en dire plus au sujet de ce que vous avez vécu en ce qui concerne la capacité, pour les détenus, d'obtenir un emploi à la suite de ce programme par rapport à leur capacité de le faire à la suite d'autres programmes offerts actuellement par le Service correctionnel du Canada?
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Merci, monsieur le président.
Je suis heureux de vous avoir ici et de vous entendre, finalement.
Je dois vous avouer que c'était une chose que je ne connaissais pas, à savoir les prisons agricoles. Quand soeur Pauline Lally dit qu'elles ont 150 ans d'histoire, je me dis que si ce programme a existé jusqu'à aujourd'hui, c'est qu'il a sûrement eu des effets positifs dans la société canadienne et québécoise, vu le nombre de personnes qui ont dû passer par ce genre de programme.
On nous dit, statistiques à l'appui, que plus de 4 668 détenus depuis 2003 sont passés dans les prisons agricoles. Si on revient au programme d'apprentissage dont parlait M. Edmunds tout à l'heure — et j'ai aussi pris note de ce que disait M. Leeman —, on mentionnait la soudure, la mécanique et, dans certains documents, le travail en communications, en informatique, en agriculture bien entendu, en manutention et en réparation de machinerie lourde. Quand je regarde tout cela, pour avoir travaillé pendant plus de 30 ans dans le secteur des relations de travail comme directeur d'un syndicat, je peux dire que ce sont des métiers dont on a besoin partout dans la société.
Si les gens sortent de là avec des apprentissages dans ces domaines, on bâtira une société beaucoup plus juste à l'égard de ces détenus qui sortent de prison et qui, souvent, se cherchent des emplois. Ce n'est pas toujours facile, parce que ce n'est pas tout le monde qui est prêt à accepter un ex-détenu. Toutefois, quand ils arrivent avec des apprentissages aussi importants, je pense que ça compte. Cela m'a frappé énormément de constater les résultats présentés par presque tout le monde autour de cette table.
Il y a une question que je voudrais poser, et je ne sais pas à qui je peux l'adresser. Vous avez beaucoup parlé des bénéfices économiques qui en résultent dans les communautés immédiates. Pour la région immédiate de Kingston, on parlait de bénéfices économiques importants pour les agriculteurs et pour les communautés sous toutes leurs formes. La prison achète beaucoup de choses dans la communauté, ce que je comprends. On n'a pas réussi à avoir des chiffres pour comprendre ce que pouvait représenter l'impact de ces bénéfices économiques dans la société de façon générale.
Je parle de bénéfices économiques parce qu'on vient me dire que cela coûte 4 millions de dollars, alors que ce qui en résulte quand les gens en sortent, quand ils se retrouvent dans la société et qu'ils commencent à payer des impôts immédiatement est considérable. C'est payant pour la société quand ils commencent à payer des impôts immédiatement. Les petits 4 millions de dollars que cela peut coûter de plus peuvent parfois rapporter beaucoup plus en termes de bénéfices sociaux. Si on fait disparaître cela, qu'on les met dans des prisons normales — excusez l'expression — et qu'on les laisse finalement s'étouffer, c'est contre-productif, surtout quand ils sont près de quitter ces prisons.
Cette question pourrait s'adresser à M. Leeman. Qu'est-ce que ce genre de programme a eu comme effet sur vous à votre sortie? Comment vous êtes-vous intégré à la société?
Pour ce qui est des bénéfices économiques, peut-être que M. Edmunds pourrait répondre à cela du point de vue de différentes communautés.
Pour avoir une réponse d'un universitaire, M. Flanagan pourrait nous expliquer l'impact pédagogique résultant de ce genre de formation en prison.
Cela fait donc trois questions adressées à trois personnes.
Il y a un édifice, à Vancouver, près de ma circonscription, sur lequel est peint un slogan. Je vais vous résumer ce que dit ce slogan. Il dit qu'il ne faut jamais douter du pouvoir d'un petit groupe de personnes engagées à changer le monde; en fait, c'est le seul moyen de changer le monde. Je veux simplement vous dire que cette phrase a pris tout son sens pour moi aujourd'hui.
J'aimerais souligner, comme l'a fait mon collègue, que, quand je regarde les personnes qui viennent nous parler, je vois des membres de la collectivité, d'ex-détenus, des professeurs de droit, des religieuses, des gardiens de prison, des agriculteurs, des membres des Premières nations, des représentants municipaux, des représentants du secteur correctionnel...
Une voix: Et des électeurs.
M. Don Davies: Oui, et des électeurs.
Je crois qu'on n'aurait pas pu obtenir un groupe de personnes plus représentatif. Je vous suis tous reconnaissant d'être ici aujourd'hui.
Je voulais aussi mentionner que j'ai organisé une séance de discussions ouvertes dans ma circonscription en janvier, à laquelle j'ai convié les membres de ma collectivité pour qu'ils viennent me faire part de leurs points de vue. Une des personnes présentes m'a dit qu'elle souhaitait que le gouvernement soit plus preste et réactif. J'ai trouvé cela un peu vague. Encore une fois, c'est devenu très clair pour aujourd'hui, parce que je crois que nous avons là un exemple classique.
Je vais agir comme on ne le fait pas souvent en politique. Je vais essayer d'être gentil et attentionné avec toutes les personnes présentes. Il y a, de l'autre côté, parmi les représentants du gouvernement, de bonnes personnes, des personnes qui se soucient des autres et des personnes intelligentes, ce que nous sommes tous.
Ce que je pense, c'est qu'il arrive que l'on fasse une erreur au gouvernement. Il arrive que nous prenions une mauvaise décision stratégique. Je crois qu'un critère qui permet véritablement de savoir si on a affaire à un gouvernement démocratique réactif, à un gouvernement mature, c'est quand celui-ci est capable de dire: « Vous savez quoi? Je crois que nous avons fait une erreur. Nous n'avons pas choisi la bonne voie. »
J'espère que, tous autant que nous sommes, à titre de parlementaires, nous écouterons la voix du peuple, qui est tout à fait claire et qui nous dit que cette décision de fermer les prisons agricoles est simplement une mauvaise décision.
J'aimerais aussi dire ceci — vous saurez tout de suite que j'ai un parti pris —, non seulement je m'oppose à la fermeture des prisons agricoles, mais j'ai une annonce à faire: je suis en faveur de l'ouverture d'un plus grand nombre de prisons agricoles au pays. Pour ce qui est d'expliquer mon point de vue, je n'ai rien de mieux à ajouter à ce que les gens ont dit aujourd'hui — vous, qui connaissez si bien le sujet.
Je veux aussi souligner qu'il y a une philosophie derrière tout ça. Bien souvent, nous prenons les prisons pour des lieux de châtiment et de formation professionnelle. Il existe une autre philosophie qui veut que les prisons soient considérées comme des lieux de services correctionnels, de réadaptation et de guérison. Je crois que ces visions se chevauchent parfois, mais, il ne faut jamais oublier, au bout du compte, que l'on parle des « services correctionnels du Canada » et non des « services de châtiment du Canada ».
Je crois que nous pouvons surtout, à titre de décideurs, nous assurer que, comme l'un d'entre vous l'a dit, quand une personne entre en prison, c'est pour en ressortir meilleure. Si elle peut acquérir des compétences par la même occasion, c'est bien, mais ce n'est pas le principal objectif d'une prison. Ce n'est pas un centre de formation professionnelle. C'est un centre de guérison. Le fait que les détenus puissent y acquérir des compétences professionnelles ne constitue qu'un seul aspect de tout cela.
Je ne peux me défaire de cette idée: y a-t-il quelque chose de plus sain? Y a-t-il quelque chose de meilleur pour la réadaptation? Qu'est-ce qui peut bien être plus sain que de travailler à la ferme, à l'extérieur, avec des animaux et avec la nature, et de renouer avec la terre?
J'aimerais m'attarder un peu au travail avec les animaux. J'ai été élu en octobre 2008, ce qui signifie que je suis en poste depuis 18 mois. Pendant cette période, j'ai visité 14 établissements pénitenciaires au Canada et trois à l'étranger, ce qui signifie que j'ai visité 17 établissements dans quatre pays. Une des choses qui m'ont constamment marqué — et cela peut sembler banal —, c'est que tous les programmes qui ont recours à des animaux ont, à mon avis, une importance essentielle et profonde. Je crois que c'est parce que bon nombre des personnes qui se retrouvent dans nos prisons sont des personnes qui, par définition, ont été détruites en quelque sorte. Elles ont de la difficulté à tisser des liens émotionnels. Je crois donc que le fait de tisser des liens avec des animaux est une méthode sûre et efficace de réadaptation.
Je veux aussi souligner que le sujet ne préoccupe pas seulement les habitants de Kingston, sans vouloir limiter votre importance. C'est une question qui est importante pour tous les Canadiens. Voilà ce à quoi servent les prisons agricoles à mon avis. Elles permettent la production d'aliments durables à l'échelle locale et de façon autonome. Elles permettent aux établissements correctionnels d'être autosuffisants pour ce qui est des aliments.
Elles ont une valeur thérapeutique. Elles servent à la réadaptation. Elles permettent d'acquérir des compétences, une formation. Les détenus et le personnel correctionnel tout à la fois les apprécient. Le programme est source de fierté, d'honneur et de développement spirituel, et il y a un lien avec la collectivité.
Je sais que je suis toujours en train de parler, mais je ne vais pas poser de question: vous êtes tous mieux en mesure que moi de décrire la situation. À mon avis, ce que nous devons faire, c'est vous écouter.
C'est ce dernier élément, lié à la collectivité, qui m'apparaît si capital; 96 p. 100 des gens qui se retrouvent en prison en sortent un jour; il faut donc que nos collectivités aient une présence dans les prisons et que les gens dans les prisons puissent se retrouver dans la collectivité. C'est sur ce point-là que le système des prisons agricoles me paraît être une telle réussite: c'est un des rares programmes qui fait appel à la collectivité.
Nous avons entendu dire que le gouvernement en place va majorer le financement opérationnel de 25 p. 100, la dotation de 25 p. 100, les dépenses d'immobilisations de 43 p. 100 et, cela, à un moment où, selon lui, les ministères vont limiter les coûts. Ce sont là les augmentations du côté des services correctionnels. Je suis d'accord pour dire que le fait de trouver 4 millions de dollars par année — de fait, de trouver 8 millions de dollars par année et de doubler la donne du côté des prisons agricoles — représente une idée judicieuse pour notre pays, une idée à laquelle aspiraient tous les hommes politiques de tout parti, dans toute collectivité, car c'est là une façon de mieux assurer la sécurité de nos collectivités et de mieux assurer la santé de nos détenus.
J'ai une question à poser. C'est la seule que je vais poser.
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Ce que j'essaie de dire à propos de la ferme, c'est qu'elle permet d'acquérir des compétences utiles dans la vie. Ce n'est pas que du travail à la ferme. Nous avons vu des gars qui s'étaient retrouvés derrière les murs d'une prison, rigides, et qui ne s'entendaient pas avec les autres, et nous les avons vus progresser avec le coefficient de sécurité de l'établissement qui baissait.
Dans les conférences que je donnais, j'ai parlé d'un gars qui était très fier de son travail. Le gars en question était attaché à son travail. Il n'était pas tout à fait aussi efficace que l'autre gars à côté, mais il pensait qu'il pouvait être son patron. Un des membres du personnel agricole, témoin de la scène, est allé lui dire: « C'est mon travail à moi. Je le sais quand tu fais ton travail. » Le gars n'a pas fait de crise; il s'est retourné et, de fait, a dit: « J'ai appris quelque chose de très utile; si j'avais été sur le marché du travail, on m'aurait congédié. »
Voilà pourquoi certaines des choses dont il est question sont si importantes. Il y a tant de choses qui sont liées à cela et qui ne touchent pas que le travail à la ferme. Ce sont les connaissances élémentaires utiles dans la vie et l'interaction avec les gens de la collectivité, et, en réalité, ça vous prépare très bien à sortir. Ça fait que vous êtes plus alerte là où il est question de dire qu'on a déjà vécu à l'intérieur d'un établissement correctionnel. On peut oublier très rapidement ce qu'il en est. Je crois que c'est un très bon processus, c'est une réinsertion positive aussi.
Ce que je suis venu dire, c'est que là où il y a une réinsertion positive qui se fait de concert avec la collectivité, comme dans ce cas, du point de vue de la sécurité publique, c'est certainement mieux pour tous.
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Le temps presse donc à coup sûr.
Je tiens seulement à exposer certains faits, monsieur le président. J'espérais que l'arrivée du nouveau ministre signifie que la décision serait révisée. Ce n'a évidemment pas été le cas, étant donné que c'est la même déclaration qui a été présentée à quelques jours d'intervalle seulement, avant que le ministre n'ait même pu bien examiner les dossiers, selon moi. Ni le ministre actuel ni le précédent n'ont visité les fermes. Après avoir interrogé le dirigeant de CORCAN, et des hauts fonctionnaires l'autre jour, je doute beaucoup qu'ils les aient visitées ou qu'ils y aient passé beaucoup de temps.
Nous entendons des statistiques discutables pour ce qui est des coûts. Pour ce qui est des quatre millions de dollars évoqués, pour être tout à fait honnête, je n'y crois pas. L'étude stratégique sur laquelle cette décision se fonde n'est pas accessible. Nous ne l'avons pas vue, vous ne l'avez pas vue non plus, notre comité n'y a pas accès. Nous ne savons même pas si elle porte sur le système entier ou seulement sur la dimension économique de l'affaire en dehors de l'idée de la réinsertion sociale.
Les responsables admettent que 14 personnes sont allées travailler, mais ils divisent les quatre millions de dollars en question et disent qu'il coûte ainsi 285 000 $ pour créer un emploi. Je demanderais donc à l'un d'entre vous de répondre à la question suivante: les autres qui ont travaillé à la ferme ont-ils un emploi? Obtiennent-ils du travail? Les chiffres présentés par Shelly Glover l'autre jour évoquent une affaire très coûteuse, mais je présume que d'autres personnes obtiennent du travail. J'y reviendrai dans une minute.
Les responsables correctionnels ont cité des statistiques d'emploi applicables à d'autres industries, mais, une fois questionnés, ont admis qu'ils n'avaient même pas parlé au Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, qui s'occupe des emplois agricoles. Ces gens-là nous ont dit qu'il faudra 39 000 travailleurs agricoles en 2013 pour le travail saisonnier. De fait, nous dépendons de travailleurs étrangers dans ces secteurs-là en ce moment. Il n'en a jamais même été question, ce qui montre que les gens en question utilisent les statistiques pour faire avancer leurs propres causes.
De même, les responsables que nous avons accueillis l'autre jour ne savaient pas que, aux États-Unis... Je ne suis certainement pas d'accord avec le système de justice pénale qu'il y a là-bas, mais, au moins, dans la région de San Francisco, on se tourne maintenant vers la culture des céréales pour favoriser la réinsertion sociale, et les gens admettent que, statistiques à l'appui, la récidive est à la baisse.
Voilà les faits.
Alors, en réalité, ma question porte sur le nombre de personnes qui passent par le système des prisons agricoles. Ces gens-là trouvent-ils du travail une fois qu'ils sont libérés? Peut-être pas dans l'industrie agricole, mais trouvent-ils du travail une fois en liberté?
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Merci de me laisser continuer, monsieur le président.
Il y a donc 19 personnes qui participaient à la formation en construction, 19 qui ont achevé leur peine, 19 qui, tous, ont trouvé du travail dans un métier de la construction, selon le Service correctionnel du Canada. Encore une fois, ça se trouve sur le site Web de la CBC.
Parmi eux, il y avait un type nommé Jessie Hoover, qui a dit que le projet le plus compliqué auquel il avait travaillé avant la maison, c'était une cabane à oiseaux. Aujourd'hui, il est en liberté et il monte des charpentes, comme apprenti. Il a dit:
[Traduction] En participant à ce projet, j'ai appris, entre autres, savez-vous... une bonne éthique de travail, la ponctualité, l'ardeur au travail, plus la charpenterie elle-même, apprendre à monter une charpente de maison de A à Z.
J'en parle parce que nous avons aussi une liste des placements des 2 500 délinquants dont il a été question plus tôt. Ce sont les métiers de la construction qui viennent au premier rang, de loin. Parmi les autres métiers, citons: chef; cuisinier; boucher; préposé au formage, profilage et montage du métal; soudeur et forgeron; mécanicien et technicien en réparation de carrosserie; menuisier, ébéniste, vente au détail et activités connexes; professions en sciences sociales, en éducation, au gouvernement et dans le commerce de détail. La liste ne s'arrête pas là.
C'est une des choses les plus propices à la guérison, à la réinsertion sociale que nous ayons vues dans les prisons où nous sommes allés: avoir quelque chose d'utile à faire donne à la personne un sentiment d'accomplissement; rien ne vaut le fait d'avoir un travail.
Monsieur Leeman, merci d'être là et de venir témoigner de cela. Il vous a fallu beaucoup de courage pour le faire.
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Merci de poser la question.
Ce que vous dites est juste à mon avis. Soit dit en passant, j'ai déjà tiré moi aussi une partie de mon revenu de l'industrie de la construction. Je crois que ce que vous dites à propos des compétences à acquérir pour trouver du travail par la suite ne renvoie pas à une situation qui serait toute noire ou toute blanche. Je suis d'accord avec vous sur toute la ligne.
Je dirais à propos des fermes elles-mêmes et de la culture autochtone en ce qui concerne la vie que la valeur culturelle du travail fait auprès des animaux et des plantes représente une occasion spéciale qui permet non seulement d'acquérir les compétences monnayables en question, mais aussi de mettre en pratique sa propre culture.
J'ai grandi sur une ferme et je sais que j'y ai appris toutes sortes de choses. J'ai appris à poser des blocs de ciment et j'ai appris la plomberie. Il le fallait. Il fallait savoir tout cela.
Le gouvernement conservateur de l'Ontario m'a nommé au Comité des initiatives de croissance intelligente de l’Est de l’Ontario, et la liste dont M. Holland a parlé m'intriguait, étant donné qu'elle ressemblait beaucoup à notre liste à nous. Les conducteurs de camion venaient au premier rang, bien que, à l'époque, en moyenne, le briqueteur ou poseur de blocs de béton de la province avait près de 60 ans. Il y a un vide à remplir du côté des métiers. De fait, cela nous a consterné de le constater.
À mes yeux, c'est les deux; la ferme permet d'acquérir une panoplie de compétences.
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Merci, monsieur le président.
Dans ma circonscription, il y a une municipalité qui s'appelle Warwick, où l'on trouve une école alternative qui s'appelle la Fermentière; c'est une ferme. Il n'y a pas de prison agricole au Québec. Cependant, je dirais que les principes qu'on retrouve dans ces prisons sont les mêmes à la Fermentière. On y accueille des jeunes de 15 ans à 17 ans. Ce ne sont pas nécessairement des délinquants, mais des jeunes en difficulté d'apprentissage qui ont des troubles de comportement ou encore qui manquent de motivation. Ce sont le type de jeunes qui se présentent à cette ferme.
Les témoignages que j'entends ici sur les prisons agricoles ressemblent beaucoup à ce qu'on fait pour ces jeunes. Évidemment, ils vont apprendre la ponctualité, la responsabilisation, l'autonomie et le sens de l'initiative. Ils vont, bien sûr, suivre des cours liés au travail sur la ferme, mais aussi des cours de mécanique, de cuisine, de menuiserie, et des cours réguliers — les mathématiques, le français et l'anglais.
Ainsi, ils peuvent en sortir avec un diplôme d'études professionnelles, un diplôme d'études secondaires, ou poursuivre leurs études au cégep. L'école a un succès assez phénoménal. La Commission scolaire des Bois-Francs, qui s'occupe de cette ferme, est très satisfaite des résultats. Je peux donc faire une comparaison avec les témoignages que j'ai entendus ici.
M. Perry, vous êtes instructeur sur une prison agricole depuis combien d'années?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux remercier les témoins d'être là, moi aussi. Je crois que c'est votre authenticité qui nous impressionne tous. Vous croyez vraiment à ce que vous dites. J'apprécie cela énormément.
En temps normal, je ne siège pas au comité, et je crois que mes collègues ne le savent même pas, mais, il y a 25 ans environ, à l'époque où j'étais une très jeune femme, ma famille et moi, nous avons été bénévoles pendant cinq ans. Tous les mois, nous nous rendions au pénitencier de Stony Mountain, où nous participions bénévolement au programme de pastorale. Qui aurait jamais cru qu'une maman et un papa pouvaient amener leurs jeunes filles à faire du bénévolat avec eux? Mais laissez-moi vous dire que cela a été une expérience très positive.
Nous avons rencontré des hommes, probablement comme vous, monsieur Leeman, qui avaient vécu dans des foyers d'accueil et qui n'avaient jamais eu de vraie maman ou de vrai papa. Je sais que mon papa est devenu un père pour bon nombre d'entre eux. De même, en tant que jeune femme, j'ai été traitée probablement avec le plus de respect qui soit dans bon nombre de ces prisons, par certaines des personnes en question. Nous avons surtout travaillé à Stony Mountain, mais je me souviens d'avoir entendu parler de la ferme, de Rockwood, car bon nombre des gars espéraient avoir l'occasion d'aller à Rockwood et de faire partie de cette expérience-là. Écouter votre témoignage, entendre ce que vous avez à dire m'est donc très important.
Je veux quand même vous prendre à parti, monsieur Flanagan. Je sais que vous affirmez que notre gouvernement se veut sévère envers les criminels, et vous avez raison de le dire. Nous avons cette conviction-là. Notre approche de la criminalité est très différente de celle du gouvernement précédent, mais je ferais valoir que, là où vous montrez des gens du doigt, à propos des motivations politiques des gestes posés, il y a peut-être quelques personnes qui vous montrent du doigt, vous. Je ferais valoir que nous voulons concilier la sévérité teintée de compassion envers les criminels et le recours aux deniers publics; il y a donc un travail d'équilibre à faire là.
J'ai quelques questions à poser. Comme je l'ai dit, j'ai constaté que de nombreux détenus voulaient aller travailler à la ferme parce que c'était une expérience nettement plus intéressante.
Monsieur Leeman, je vais vous poser la question suivante, et je la poserai peut-être aussi à M. McDermott. Croyez-vous que les fermes représentent un bienfait relativement plus grand parce qu'elles représentent une récompense, un meilleur endroit où se trouver, du fait que les compétences qui y sont acquises sont appréciées et que cela donne plus de liberté? Ce sont les détenus qui ont mérité d'être là qui y accèdent.
Quel en est le plus grand bienfait selon vous? Ces choses-là ou les aptitudes réelles que vous avez acquises et qui permettent à quelqu'un d'aller se trouver du travail?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux certainement remercier les personnes qui ont présenté un exposé aujourd'hui. Vous avez certainement montré que la question vous tient à coeur. Merci beaucoup de ces mots.
J'ai grandi sur une ferme ici même en Ontario, tout juste à l'extérieur de la région de Cobourg; je connais donc quelque peu l'agriculture et ses bienfaits. Certaines de vos observations sont très justes et très réalistes en ce qui concerne les bienfaits qui découlent du travail sur une ferme.
Quand même, j'ai aussi été exécuteur chargé de liquider la ferme de mon beau-frère, qui produisait des poulets à raison de 10 000 unités, à l'époque où il est mort. Il était divorcé, et il y avait qu'une personne qui travaillait sur cette ferme-là, qui se trouvait à travailler pratiquement seule en étant payée tout juste au-dessus du salaire minimum.
C'est là mon souci: l'expérience agricole peut être très bonne et très satisfaisante, et peut-être aussi thérapeutique, mais, en fin de compte, quand quelqu'un est libéré de prison, il a peut-être une famille à faire vivre et doit veiller à certaines choses. En regardant les aptitudes qu'il faut pour certaines de ces autres choses...
Par exemple, j'ai visité des refuges de sans-abri à New York. Il y avait là un programme professionnel qui visait à apprendre aux gens à réacquérir les connaissances utiles dans la vie. Tout cela est très important, mais, en même temps, à regarder les fermes de CORCAN — peut-être quelqu'un pourrait-il m'aider là-dessus — je constate qu'il y a beaucoup d'autres aptitudes qui s'acquièrent. Par exemple, en Alberta, il y a les soudeurs. Comme on l'a déjà mentionné, il y a la fabrication et il y a bien d'autres domaines aussi. Je sais très bien que, en Alberta, le soudeur qui travaillait à Fort McMurray peut gagner 100 $ l'heure.
Il y a donc un petit problème qui se pose, comme on l'a dit ici, du fait que nous importons des travailleurs agricoles, mais que les travailleurs agricoles en question reçoivent le salaire minimum. Je me demande combien de personnes vont demeurer satisfaites à long terme en recevant le salaire minimum dans la mesure où elles ont une famille à faire vivre et des responsabilités à assumer pour l'avenir. Et combien d'autres voudraient avoir...
Je comprends qu'il soit difficile d'obtenir sa carte de compétence, monsieur Leeman, pour ce qui est de la marche à suivre et des niveaux qu'il faut franchir pour y arriver. Mais on pourrait peut-être insister là-dessus davantage, pour que les gens franchissent les niveaux de compétence voulus et qu'ils obtiennent la formation supplémentaire qui s'impose, pour monter dans les rangs des gens de métier, dans les rangs des métiers, et qu'ils touchent une part de la récompense financière aussi, à laquelle ont droit bien des gens de l'industrie de la construction ici en Ontario — et certainement en Alberta — aussi, de façon régulière.
Voilà à quoi ressemblent mes préoccupations. Je crois qu'il faut en être conscient: lorsque les gens sont libérés de prison, c'est un élément de ce départ, de l'effort fait pour ne pas récidiver, de l'intégration dans la collectivité générale — la récompense d'une certaine ascension due à l'acquisition d'aptitudes utiles au quotidien et la croissance du salaire obtenu. Peut-être que quelqu'un voudrait commenter la question.
Quant à mon expérience à moi, j'ai oeuvré dans une entreprise de fabrication pendant quelque 30 ans. Je n'ai pas eu besoin de cartes de compétence en soudure à proprement parler, mais j'ai eu besoin de gens qui possédaient des aptitudes raisonnables pour commencer. Je pouvais les faire cheminer et les former encore au fil du temps. De fait, il y a un type, un Autochtone, un très grand ami à moi, qui a pu prendre les rênes d'une partie de l'entreprise un jour, même s'il a commencé au salaire minimum en appliquant un degré de compétence très bas, mais il y avait quelque chose sur quoi miser au départ.
À un moment donné, je suis très heureux de le dire, les Autochtones m'ont souligné poliment que leur groupe était le plus nombreux dans mon entreprise. Bon nombre d'entre eux ont fini par avoir beaucoup de succès ou un succès modéré, mais tous ont fini par accéder au salaire qu'il faut pour faire vivre une famille et qui, à mon avis, n'est pas courant dans le contexte agricole, à moins de devenir propriétaire ou de tomber sur quelque chose d'extrêmement intéressant.
Monsieur McDermott, peut-être pourriez-vous me faire part de vos observations là-dessus.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie M. McColeman, étant donné qu'il y a eu ce qui me paraît être un sincère malentendu, qu'il a soulevé, et qui me paraît être au coeur du problème qui se pose ici. Je pourrais expliquer ce malentendu aux témoins.
Contrairement à tout autre programme, le programme des prisons agricoles est comparé non pas à un programme existant ou particulier, mais plutôt à un idéal. À titre d'exemple, disons que nous ne prenons pas le programme de construction de cabanes à oiseaux, celui où les gens construisent justement des cabanes à oiseaux, pour le comparer à un programme où les gens cousent des insignes sur les sacs à dos des militaires, par exemple. Bon, je suis d'accord avec les deux, même s'il est un peu difficile de démontrer en quoi cela va conduire à un emploi, comme c'est le cas pour la plupart des programmes, mais nous ne demandons pas qu'il y ait une guerre des programmes pour déterminer lequel l'emporte, ce qui me rend perplexe.
Le deuxième élément du problème tient au fait qu'on semble croire qu'il n'y a que tant de marge pour les programmes. Je crois que nous devons remettre cette idée-là en question aussi, étant donné que, dans mon expérience, c'est l'inverse qui est vrai, et je me demande si l'expérience des témoins n'est pas la même. Je ferais valoir que bon nombre de nos détenus, de fait, ne sont pas stimulés par les programmes. Je ferais valoir qu'ils participent aux types de programmes dont M. Perry a parlé, ceux où ils s'inscrivent, puis font acte de présence, pour ensuite disparaître.
Combien avons-nous de programmes qui soient aussi valables que celui-ci? Pourquoi ne pouvons-nous maintenir les bons programmes comme celui-ci? Pourquoi ce programme est-il mis en concurrence avec d'autres programmes?
Nous pourrions écouter d'abord M. Edmunds, puis Mme Doherty et M. Perry.
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La chose la plus importante à retenir, à mon avis, c'est que l'un des documents auquel Rob Sampson a mis la main, soit la carte routière correctionnelle — je cite probablement le titre de travers — parle de donner de l'expansion aux programmes. Il y est question d'expansion de la journée de travail du prisonnier et du fait de lui donner davantage d'occasions.
Rien ne nous empêche de construire les maisons et d'en faire encore plus, mais, en ce moment, nous envisageons d'éliminer une chose qui ajoute de la valeur à la vie d'une personne, à sa journée de travail, qui lui donne une raison d'être et lui permet de travailler un nombre d'heures nettement plus grand qu'autrement à l'intérieur d'un établissement ordinaire.
Oui, quelqu'un l'a dit, ils pourraient commencer au salaire minimum. Je crois que bien des gens qui sortent du Service correctionnel du Canada vont commencer au salaire minimum, étant donné qu'ils viennent de payer le prix de leur méfait à la société. De fait, j'ai grandi sur une ferme et, ensuite, je suis devenu homme de métier, puis président d'un syndicat. Là où je veux en venir, j'imagine, c'est que la ferme constitue tout au moins pour eux un tremplin direct vers la vie; c'est quelque chose de concret, de tangible, et c'est un programme qui peut fonctionner. Tout de même, je conviens du fait que le gouvernement doit soutenir le reste de la documentation, porter ça plus loin, et créer d'autres programmes.