:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux tout d'abord vous remercier tous de votre invitation. Je tiens à dire également que votre ministère de la Justice est extraordinaire. Je remercie M. Ken Bednarek, Mme Nancy Baker et M. François Délisle de nous avoir aidés dans le processus. La nous a très bien défendus, et nous la remercions, et nous remercions également son adjoint, M Joel Oosterman.
Je vais faire référence à des statistiques. Elles se trouvent dans notre mémoire, que vous aurez tous.
Depuis 36 ans, le Centre pour femmes maltraitées de London défend, conseille et soutient les femmes violentées. Au cours de notre dernier exercice financier, nous avons aidé environ 3 300 femmes et filles de plus de 12 ans. Environ 10 % des femmes et des filles que nous aidons disent avoir déjà fait de la prostitution à un moment donné. Nous les aidons à s'en sortir. L'aide est dirigée par les femmes elles-mêmes.
Nous avons entendu des gens dire que les travailleuses du sexe n'ont pas été consultées. Il faut corriger cela, car en fait, nous savons que des prostituées et des survivantes ont été consultées. Bon nombre des femmes que nous aidons ont participé au sondage en ligne, de même qu'à un projet de cartes postales qu'a lancé notre centre en collaboration avec EVE et Sex Trade 101. Les cartes postales ont été envoyées partout au pays, et 10 000 d'entre elles ont été renvoyées à la .
Je veux souligner le courage incroyable des femmes qui font de la prostitution et des survivantes qui se prononcent pour le projet de loi . Il faut beaucoup de courage pour s'exprimer.
J'ai entendu des gens dire, non seulement aujourd'hui et hier, mais également auparavant, que la prostitution a toujours existé. J'aimerais en parler, car il en est de même pour la violence familiale, le viol, le harcèlement, la traque furtive et même le meurtre, mais nous ne nous contentons pas de dire qu'ils ont toujours existé, de baisser les bras et de ne rien faire. En fait, nous travaillons à changer la situation des gens vulnérables.
L'une des choses qui a toujours suscité mon intérêt, c'est l'importance des campagnes d'éducation et de sensibilisation du public et leur efficacité. Nous n'avons qu'à penser aux campagnes de sensibilisation du public de MADD Canada et nous voyons à quel point elles ont favorisé un changement dans la mentalité des Canadiens sur le plan de la conduite avec facultés affaiblies. Je pense que nous pouvons faire la même chose pour la prostitution.
Notre travail au Centre pour femmes maltraitées de London nous permet de constater qu'il existe un lien étroit entre la violence conjugale et la prostitution. En fait, bon nombre des prostituées qui viennent nous voir nous disent que leur partenaire intime est aussi leur proxénète. Il s'agit d'une relation coercitive, de contrôle et de violence. Les tactiques qu'un partenaire à la fois proxénète utilise compliquent encore plus leurs problèmes. Il nous faut être conscients de ce lien pour pouvoir comprendre les difficultés auxquelles ces femmes font face.
Bon nombre de personnes ont dit également que la prostitution est un boulot et qu'on devrait la considérer comme un emploi légitime. Mme Catharine MacKinnon, qui est féministe et juriste, déclare souvent ceci:
... dans un monde d'inégalités, l'adoption de mesures législatives interdisant aux hommes d'acheter les services sexuels d'une femme s'impose. Il ne devrait toutefois pas y avoir de loi contre les personnes desquelles on achète des services sexuels, qui sont majoritairement des femmes: « mettre fin à la prostitution en faisant cesser la demande correspond à ce à quoi ressemblerait l'égalité des sexes devant la loi ».
Je crois que nous devrons nous en rappeler tout au long de vos délibérations. La prostitution, c'est essentiellement de la violence perpétrée envers les femmes par les hommes. Bien que nous sachions que des hommes se prostituent, ce sont en grande majorité des hommes qui achètent les services sexuels de femmes, et des femmes qui se prostituent.
La prostitution contrevient aux droits de la personne. Rendre légitime la pratique de la prostitution en tant que travail revient à la normaliser en tant que choix d'emploi et à fermer les yeux sur le lien entre la prostitution et la traite des personnes à des fins sexuelles. On consacre l'inégalité dont sont victimes les femmes et les filles et on fait augmenter la demande en encourageant l'acceptation sociale de l'exploitation sexuelle.
Depuis bon nombre d'années, la province de l'Ontario tient la journée Invitons nos jeunes au travail. Il s'agit d'un programme destiné aux élèves de 9e année, qui ont environ 14 ans, à qui l'on donne l'occasion d'examiner les possibilités d'emplois de leurs parents. Je ne peux m'imaginer qu'une fille de 14 ans peut accompagner sa mère prostituée, ni imaginer un père amener son enfant au travail et lui dire « mon fils, c'est l'heure du dîner; nous allons acheter les services sexuels d'une femme ». Ce ne sont pas des choix qui devraient être offerts aux enfants ou aux femmes.
Notre centre ne reconnaît pas la prostitution ou la traite des personnes à des fins sexuelles comme un travail. Pour notre part, nous parlons de « prostituées » ou de « femmes qui pratiquent la prostitution ». Je vous demande aujourd'hui de respecter cela et d'utiliser ces termes lorsque vous nous poserez des questions, à moi ainsi qu'aux autres témoins.
En outre, certaines personnes considèrent la prostitution comme des relations sexuelles entre adultes consentants. Notre centre n'est fondamentalement pas de ce point de vue.
On utilise souvent les propos tristement célèbres de l'ancien premier ministre Pierre Trudeau pour soutenir l'idée selon laquelle « l'État n'a pas sa place dans les chambres à coucher de la nation ». Il a dit cela en 1969. Cette citation n'est pas liée au débat d'aujourd'hui sur la prostitution ou à la plupart des débats d'aujourd'hui. En fait, Trudeau savait que l'État avait sa place dans les chambres à coucher de la nation lorsqu'il a adopté le projet de loi C-127, qui rend coupable d'un acte criminel un mari qui agresse sexuellement sa propre femme. C'était lui le premier ministre à l'époque, en 1983, et c'est son gouvernement qui a présenté et adopté le projet de loi.
On a dit à maintes reprises que les femmes commencent à se prostituer durant leur enfance. Dans le cadre de ses consultations auprès de 260 organismes canadiens et de 160 survivantes de la traite de personnes à des fins sexuelles, la Fondation canadienne des femmes a constaté qu'au Canada, bon nombre de filles ont 13 ans lorsqu'on les contraint à se prostituer pour la première fois. Je crois que nous convenons tous que les enfants sont trop jeunes pour donner leur consentement. Si nous suivons cette logique, une jeune fille de 17 ans ou moins ne peut pas tout à coup devenir une adulte consentante lorsqu'elle atteint l'âge de 18 ans étant donné qu'elle est entrée dans la prostitution durant son enfance.
Nous entendons souvent parler d'un déséquilibre de pouvoir entre des adultes en situation d'autorité, comme des entraîneurs, par exemple, ou des enseignants, qui incitent des enfants à avoir des relations sexuelles avec eux. En tant que membres de la société, nous sommes consternés par de telles choses. Comment se fait-il alors que ces mêmes enseignants ou entraîneurs puissent acheter les services sexuels de jeunes — de jeunes femmes de 20 ou 21 ans —, et que parce que tout à coup ils paient pour avoir des rapports sexuels avec ces jeunes femmes, on considère qu'elles sont consentantes? Il n'y a pas de différence entre cette situation et celle où des enseignants et des entraîneurs attirent des jeunes femmes par la ruse sans les payer.
Nous entendons beaucoup de choses sur la communication en vue de l'achat de services sexuels, et bien des gens disent à quel point il est important pour les prostituées de se sentir en sécurité. Eh bien, c'est une fausse impression de sécurité. Les prostituées qui travaillent avec nous nous disent qu'aucun type de communication ne rendra leur vie plus sûre. En fait, on leur donne souvent seulement 5 ou 10 minutes — ou même au début 30 minutes — pour communiquer avec un client. À ce moment-là, il n'est vraiment pas possible de s'assurer convenablement de sa sécurité. Comme le gouvernement l'indique dans son préambule, la prostitution est une activité fondamentalement violente et dangereuse, et ce sont les clients et les proxénètes qui mettent la vie des femmes en danger.
Nous croyons que le préambule du projet de loi est très percutant. À notre avis, le modèle de la Nouvelle-Zélande, dont on a tant vanté les mérites, favorise la hausse de la prostitution et du nombre d'enfants dans le milieu de la prostitution. Nous savons qu'il fait en sorte que les femmes se retrouvent dans des situations malheureuses de prostitution clandestine parce qu'elles n'ont pas à être encadrées par une réglementation dans leur établissement, où il y a moins de quatre femmes. Nous savons que le « prostitution collective » en Nouvelle-Zélande a rapporté qu'en six mois, deux femmes ont été assassinées par des clients à Christchurch et qu'il y a eu une augmentation de la violence — 147 femmes en ont été victimes. Lorsqu'on compare le modèle qui est mis de l'avant, je dirais que c'est exactement la raison pour laquelle nous ne voulons pas de ce modèle au Canada.
Je ferais trois recommandations concernant le projet de loi .
Nous voudrions d'abord que les femmes soient décriminalisées dans toutes les situations. Nous savons que les michetons et les proxénètes sont criminalisés en toute circonstance et qu'ils s'exposent en fait à des sanctions supplémentaires quand ils achètent des femmes à des endroits où ils savent qu'il y a des enfants. Je considère que cette mesure est suffisamment dissuasive. Nous voulons juguler la demande, car ce faisant, nous permettrons aux prostituées de quitter le métier. Je pense que la criminalisation des femmes ne cadre pas avec votre préambule. Je sais également, pour avoir offert des programmes visant à aider les femmes à abandonner la prostitution, que la criminalisation, la détention ou l'arrestation des femmes empêchent ces dernières de s'en sortir.
En outre, même si je sais gré au gouvernement d'affecter 20 millions de dollars sur quatre ou cinq ans, je vous suggérerais d'augmenter ce financement. Quand nous investirons ces fonds au pays, il n'y aura peut-être pas suffisamment d'argent pour fournir aux femmes ce dont elles ont besoin pour abandonner la prostitution en sécurité.
Enfin, j'aimerais aborder un point qui concerne la torture. Cela prendra 30 secondes, monsieur le président, et je vous remercie de me laisser parler. L'article 269.1 du Code Criminel définit actuellement la torture comme un « acte, commis par action ou omission, par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne ». Malheureusement, cela ne concerne que les fonctionnaires. Nous vous ferions remarquer que la prostitution est une torture dans tous les sens du terme, et nous vous demanderions d'amender cet article pour indiquer que toute personne, et pas seulement les fonctionnaires, sera tenue criminellement responsable de la torture.
Je vous remercie de m'avoir accordé plus de temps.
Merci beaucoup, monsieur le président.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Le témoin s'exprime dans sa langue.]
Je remercie beaucoup la nation anishnabe de nous accueillir sur son territoire qui est maintenant partagé.
Je ferai une partie de ma présentation en français, puis je continuerai en « franglais » et en anglais.
Bonjour à tous et à toutes. C'est un plaisir pour moi de vous rencontrer à nouveau et j'espère que nous pourrons débattre de ce sujet dans le plus grand respect. Cette question peut être déchirante pour plusieurs personnes autour de la table et partout au Canada.
Je vous remercie de cette invitation. Sur les plans personnel et professionnel, c'est un enjeu qui nous touche quotidiennement, comme vous allez le constater au cours de ma présentation.
L'Association des femmes autochtones du Canada existe depuis 1974. C'est 40 ans de lutte, d'espoir et de débats sur des enjeux sociaux qui nous touchent tous et toutes ici, au Canada.
Depuis le tout début, nous luttons pour l'amélioration des conditions de vie des femmes autochtones et de leurs familles sur le plan socioéconomique, sans oublier les aspects touchant à la justice, à la sécurité publique et aux droits humains.
Cette réalité touche particulièrement les femmes autochtones. Nous avons acquis cette expertise grâce aux organisations que nous avons partout au Canada. Il y a 12 associations membres de l'AFAC, qui sont toutes touchées par ces injustices. Au sein de ces groupes, il y a des femmes des Premières Nations ainsi que des femmes métisses et inuites. Je ne prétends pas aujourd'hui parler en leur nom, mais plutôt m'assurer qu'on tiendra vraiment compte, dans les amendements, de la voix et de la force vive des femmes autochtones.
Notre but aujourd'hui est de vous faire comprendre que l'AFAC appuie et fait la promotion des droits humains des femmes autochtones. C'est extrêmement important.
Comme vous le savez, le Canada a finalement signé, après tant d'années, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. C'est sous cet angle que nous voulons démontrer l'importance du rôle que l'État canadien peut jouer pour régler cette situation que je trouve triste et déplorable.
Nous devons nous assurer que le Canada prendra sincèrement en considération les articles de cette déclaration, afin qu'il y ait une réelle réconciliation entre ces deux grandes nations. Il est important de placer nos commentaires dans ce contexte. Cette déclaration des droits des peuples autochtones stipule qu'il est important que les États, dont le Canada, veillent à ce que l'amélioration des conditions de vie des femmes soit prise en considération du point de vue socioéconomique. Il faut aussi aborder la question du logement et s'assurer qu'elles ont accès à l'éducation loin de toute forme de violence, qu'elle soit familiale, conjugale, économique ou latérale.
Les femmes autochtones ont des rêves. Je suis l'une d'elles et j'en suis fière. Nous ne voulons pas faire partie des statistiques sur les femmes assassinées, disparues, incarcérées ou vivant dans une extrême pauvreté.
À mes yeux, il y a un fil conducteur qui est assez simple. Par contre, notre organisation, à elle seule, ne peut pas changer les choses, à moins qu'il y ait une volonté politique des gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et municipaux.
Nous rêvons d'avoir accès aux mêmes possibilités économiques que nos soeurs canadiennes. Il y a à cet égard un écart énorme à rattraper. Or, dans notre pays prospère, les femmes autochtones ne font pas partie de ce rêve, et c'est malheureux. Pourtant, nous cohabitons avec les gens de ce pays.
Nos hommes, nos enfants et nos aînés sont pris en compte lorsque nous adoptons des positions et que nous faisons des recommandations. Nous avons ce grand coeur, en tant que femmes autochtones. Vous devez faire partie de ce grand rêve.
Un autre rêve que je chéris pour mes cinq enfants ou pour les femmes avec lesquelles je travaille au quotidien, c'est de pouvoir marcher en sécurité, que ce soit à Vancouver, à Montréal ou à Thunder Bay. Les femmes font aussi l'objet de violence raciale.
Je veux aussi pouvoir marcher dans un endroit où la paix fait partie du quotidien et où la violence est éradiquée au même titre que le racisme et les abus.
Les gens voient souvent la prostitution comme un choix par rapport au plus vieil emploi du monde et un choix auquel on a droit. J'ai écouté beaucoup de femmes au Canada, des amies, des membres de ma famille ainsi que des femmes que je n'avais jamais rencontrées, et je peux dire qu'aucune femme ne m'a dit que c'était un choix. Aucune. Je parle ici de femmes autochtones. L'avantage de travailler pour l'AFAC, c'est qu'on a la chance de rencontrer beaucoup de gens. Je ne veux pas dire ici que cela correspond à la position de toutes les femmes autochtones.
On a demandé à ces femmes ce qu'elles feraient si on leur offrait le même salaire et un emploi décent dans un environnement sans violence. Elles ont toutes répondu clairement qu'elles accepteraient un tel emploi.
D'après ce qu'on a appris de nos rencontres avec ces femmes et des recherches qui ont été effectuées, c'est que la plupart d'entre elles ont été victimes de trafic humain. Vous pouvez imaginer le reste.
Selon nous, le projet de loi a des failles, mais il a aussi des côtés positifs. Il est important de le dire et j'espère que ma collègue, qui est avocate pour l'Association des femmes autochtones du Canada, parlera davantage de l'aspect juridique.
La criminalisation des femmes autochtones, qui feront partie du grand projet à la fin, soulève chez nous énormément de préoccupations.
[Traduction]
Je vais essayer de lire en anglais maintenant.
Plus de 40 % des femmes autochtones incarcérées ont fréquenté les pensionnats. Un pourcentage encore plus élevé ont été placées en foyer d'accueil ou ont des parents qui ont fréquenté les pensionnats. Les tendances indiquent que les filles autochtones sont confinées dans des situations ou forcées de recourir à des stratégies d'adaptation qui les rendent plus vulnérables à la violence. Notamment, elles font de l'auto-stop, sont aux prises avec des problèmes de dépendance, vivent dans des logements non sécuritaires ou sont itinérantes, se prostituent, ont des relations avec des gangs ou sont victimes de trafic, d'exploitation sexuelle et de relations abusives.
Nous savons que les filles et les femmes autochtones qui s'adonnent à la prostitution courent un risque accru d'être ciblées par les trafiquants. Elles peuvent donc être arrachées à leur communauté autochtone ou leur milieu urbain pour être forcées d'offrir des services sexuels au pays ou à l'étranger.
L'AFAC préconise l'adoption du modèle nordique au Canada, parce que nous nous voulons que les femmes et les hommes soient égaux et parce qu'il existe un lien entre la prostitution et le trafic. Les filles et les femmes autochtones sont particulièrement ciblées aux fins de trafic, en un nombre est si élevé qu'il ne se compare pas à celui des autres populations. L'âge moyen des filles victimes de trafic se situe entre 7 et 12 ans au Canada.
:
Je vais maintenant prendre la relève.
Pourquoi les femmes autochtones sont-elles à risque? La violence peut prendre bien des formes — physique, sexuelle, émotionnelle, psychologique, spirituelle, culturelle et financière — et elle conduit souvent à la vulnérabilité et à l'autodestruction: la dépression, un cycle de violence, la dépendance à l'alcoolisme et aux stupéfiants, la maltraitance et le suicide.
Les femmes autochtones sont huit fois plus susceptibles d'être tuées que les femmes non autochtones. Les taux de violence conjugale sont plus de trois fois supérieurs à ceux des femmes non autochtones. Sachez cependant que de nombreuses femmes autochtones ne sont pas mariées à des hommes autochtones; il ne faut donc pas conclure que ce sont des Autochtones qui tuent leur conjointe. Souvent, ce n'est absolument pas le cas.
Les femmes autochtones sont victimes de formes de violence conjugale plus graves qui mettent potentiellement leur vie en danger. C'est le cas pour 54 % des femmes autochtones, alors que ce pourcentage chute à 37 % pour les femmes non autochtones. En outre, la violence n'est probablement pas déclarée dans plus de 60 % des cas.
L'AFAC sait que la violence est souvent liée aux facteurs de vulnérabilité évoqués par Michèle, comme le faible revenu, l'insécurité relative au logement, l'âge, la géographie, l'endroit où les femmes se trouvent et le fait qu'il s'agit de femmes. Même quand on maîtrise tous les autres facteurs, les Autochtones sont encore trois fois plus susceptibles d'être victimes de violence que les non-Autochtones.
La prostitution fait que les femmes sont exploitées et confrontées à des inégalités accrues en raison de leur sexe, de leur race, de leur âge, de handicap et de la pauvreté. Nous savons qu'il existe un lien entre les femmes autochtones disparues ou assassinées et le trafic ou les personnes liées à l'exploitation sexuelle et qui se sont prostituées. Voilà pourquoi il faut que des groupes comme l'AFAC continuent de soulever le problème des taux élevés de femmes disparues et assassinées, en réclamant une enquête publique et en demandant aux Canadiens de s'unir afin d'inciter légalement le gouvernement à élaborer un plan d'action exhaustif qui aura véritablement une incidence sur la vie des femmes et des filles.
Nous devons nous unir à la Coalition des femmes pour l'abolition de la prostitution afin d'indiquer à la société que nous voulons autre chose que la prostitution pour les femmes autochtones et les générations futures. Nous voulons davantage pour les femmes autochtones qui se prostituent et qui sont victimes de trafic. Nous voulons de véritables options pour les femmes et les filles.
Nous avons beaucoup de belles occasions de nous soutenir mutuellement, de prendre les choses en main, d'édifier une société où les femmes sont considérées et de favoriser la sécurité sociale et économique au sein des communautés autochtones. Nous savons que quand nous investissons dans les femmes autochtones, elles investissent dans leurs famille et leur communauté. C'est un investissement qui en vaut la peine. Nous devons faire comprendre aux Canadiens que nous voulons que nos femmes soient plus que des êtres achetables et jetables.
On observe une tendance vers l'entrepreneuriat et le développement de petites entreprises dans la société canadienne, particulièrement chez les femmes autochtones. Ces dernières peuvent faire une contribution substantielle au Canada si elle participent à l'économie au lieu de se prostituer.
Nos femmes est le groupe qui est le plus jeune et qui affiche la croissance la plus rapide dans la main-d'oeuvre du Canada, laquelle vieillit rapidement. Notre contribution fructueuse à l'économie dans le cadre d'occasions d'affaires réelles serait une réussite pour le Canada. Notre avenir est celui du Canada.
L'élimination de l'écart auquel notre peuple est confronté sur les plans de l'éducation et de l'emploi se traduira par une contribution de 400 milliards de dollars à l'économie nationale et une économie de 115 milliards de dollars en dépenses, tout en favorisant la sécurité et le bien-être de nos femmes et de leurs familles.
Je sais que mon temps est presque écoulé; je dirai donc simplement qu'en dépit des nombreux défis sociaux et économiques auxquels les femmes autochtones continuent d'être confrontées, nous avons fait preuve d'une résilience remarquable. Les femmes autochtones sont fortes, pleines de ressources, très travaillantes, déterminées, attentives aux détails et dotées d'une vision d'avenir prévoyant le soutien de leur famille et de leur communauté, comme je l'ai souligné.
Cette force constitue un trait important et nécessaire pour réussir; je sais donc que nous pouvons réussir. Il faut maintenant que le gouvernement appuie les mesures qui favoriseront l'égalité pour toutes les femmes. Ensemble, nous pouvons poursuivre les efforts pour assurer la sécurité économique, la sûreté et le bien-être de nos femmes et de nos filles. Il revient à tous d'insuffler la vie aux droits énoncés dans la déclaration des Nations Unies.
Nous devons nous élever en faveur de l'abolition de la prostitution et de l'adoption d'une loi abolitionniste afin de lancer un message clair. Nous devons nous assurer d'offrir un nouvel espoir et de nouvelles occasions à nos femmes et à nos filles, et ce, en créant de la sécurité et de la prospérité économique.
Merci.
Bonjour. Je m'appelle Katarina MacLeod. J'aimerais simplement vous remercier tous de m'avoir invitée à prendre la parole, particulièrement Joy Smith pour le combat qu'elle a mené à cet égard, non seulement pour les femmes comme moi, mais pour les générations à venir.
Je suis fondatrice de Rising Angels, une organisation qui aide les femmes à abandonner l'industrie du sexe en leur offrant du soutien et du mentorat. J'ai été prisonnière de cette industrie pendant 15 ans, au cours desquels j'ai été soumises à toutes sortes de sévices. J'ai subi un viol anal, on m'a craché dessus, on m'a disloqué la mâchoire, tiré les cheveux et frappée, et cela ne s'arrête pas là.
Je pense qu'il importe que vous sachiez que j'avais 21 ans quand j'ai commencé dans ce métier. Je faisais partie d'un groupe de soutien pour femmes violentées et j'y ai rencontré une femme qui tenait un salon de massage et qui m'a offert un emploi. À l'époque, je pensais prendre une décision libre et consciente, mais maintenant que je vois les choses d'un autre angle, je réalise que ce n'était pas le cas en raison de ce que j'avais vécu avant d'entrer dans l'industrie du sexe. J'ai été victime de violence sexuelle pendant mon enfance et j'ai été violentée par bien des hommes quand j'étais une jeune femme, ce qui a altéré mon jugement et ma capacité à faire des choix éclairés. Je n'avais aucun amour-propre et j'étais habituée à être prise contre mon gré, alors la perspective d'être rémunérée me semblait alléchante.
Dans mon travail, j'ai connu des centaines de femmes dans l'industrie, et je n'en ai jamais rencontré une qui n'avait pas subi une forme de violence avant de commencer dans le domaine. Quand on grandit dans un bon foyer où on inculque des principes moraux et favorise l'estime de soi, on obtient de l'aide pour composer avec le traumatisme si on est victime de violence et jamais on ne choisirait de vendre son corps à un homme pour de l'argent. C'est insensé.
Je sais que certaines affirment qu'elles ont choisi de se prostituer. Je le comprends. Il y a cinq ans, j'aurais dit la même chose. C'était normal, puisque la prostitution était mon gagne-pain. Je ne connaissais rien d'autre et j'avais l'impression que je ne pouvais faire mieux. Si j'avais admis à moi-même ou à quelqu'un d'autre que ce que je faisais était mal et me détruisait, j'aurais été submergée par la honte et j'aurais été incapable de faire ce que je jugeais nécessaire pour survivre et nourrir mes enfants.
Je me réjouis que pour la première fois dans l'histoire du Canada, les femmes qui se prostituent seront considérées comme des victimes au lieu de criminelles, et que le Canada admette que la prostitution est de la violence envers les femmes et que ce sont les femmes les plus vulnérables qui aboutissent dans l'industrie du sexe. En vertu de l'article 286.1 du projet de loi, les acheteurs seront tenus responsables pour la première fois. Ils s'exposeront à des amendes ou à des peines d'emprisonnement pour avoir acheté des services sexuels. J'appuie cet article, car je sais que la prostitution repose sur l'offre et la demande, et quand la demande disparaît, l'offre fera de même. Je considère toutefois que les récidivistes devraient recevoir des peines conséquentes et se voir infliger des peines d'emprisonnement. Quiconque sait que les gestes qu'il pose pourraient le priver de sa liberté y pensera à deux fois avant de commettre un crime.
Je considère qu'en plus de recevoir une amende, les contrevenants primaires devraient devoir obligatoirement aller à l'école de michetons. J'ai enseigné pendant de nombreuses années dans de telles écoles en Ontario, et je peux vous dire qu'on s'y efforce de changer la façon de penser des hommes. Ces derniers croient vraiment que la prostitution met en cause deux adultes consentants. Ils n'ont aucune idée de ce qui a mené les femmes à se prostituer ou de l'effet domino que la prostitution a non seulement sur les femmes et leurs enfants, mais sur eux-mêmes et leur propre famille. Après mes exposés dans des écoles de michetons, des hommes viennent me voir pour présenter des excuses; certains sont même en larmes. Les écoles de michetons devraient jouer un rôle essentiel afin d'éduquer les hommes qui achètent des services sexuels.
Je suis très satisfaite de l'article 286.2 proposé sur l'avantage matériel provenant de la prestation de services sexuels, car personne ne pourrait tirer profit de la vente d'un autre être humain. Je m'inquiète toutefois que Terri-Jean Bedford ait proposé de permettre aux femmes d'engager des gardes du corps ou des chauffeurs. D'après mon expérience, ces prétendus chauffeurs ou gardes du corps sont toujours des proxénètes. Je m'inquiète du fait que le projet de loi comprenne une exception pour les services de ce genre.
Il n'existe aucun moyen de rendre la prostitution sécuritaire. Voilà ce qu'il faut comprendre. Aucun bouton d'alarme ou laps de temps ne permettra de présélectionner les clients: rien. À moins d'engager un tiers pour être accompagnée en tout temps pendant le travail, il est impossible d'assurer la sécurité.
Ce qui m'inquiète à cet égard, c'est que j'ai travaillé dans des bordels et des salons de massage légaux. Chaque fois qu'un client franchissait la porte, je devais verser une cotisation à la maison. Je considère que c'est du proxénétisme. Si on paie quelqu'un pour la prestation de services sexuels, cette personne fait un gain matériel. Je voudrais que ces propriétaires et ces exploitants soient tenus responsables.
Selon le paragraphe 213(1.1) du projet de loi, est coupable d'infraction quiconque communique afin de fournir des services sexuels dans un lieu public s’il est raisonnable de s’attendre à ce que des personnes âgées de moins de 18 ans se trouvent à cet endroit ou à côté de cet endroit. Ce projet de loi protégera nos enfants, car là où il y a de la prostitution, les proxénètes, les michetons et les trafiquants ne sont pas loin.
Je sais que parmi les grands arguments évoqués contre la disposition sur la communication, on fait valoir que les femmes pourraient présélectionner leurs clients et ainsi mieux se protéger, comme si en quelques instants, elles pouvaient déterminer si leur client potentiel est un psychopathe ou non. C'est ridicule. Enfants, on nous met en garde contre les étrangers, mais le monstre n'est souvent pas un étranger dont il faut se méfier. J'ai connu des clients qui étaient des gens respectables de la communauté, mais cela ne signifie pas qu'ils n'étaient pas capables de me faire du mal. Ce n'est que lorsqu'on est seul avec eux, en train d'accomplir le travail, qu'on connaît leurs véritables intentions. C'est dans des bordels légaux que j'ai été le plus maltraitée par des clients.
La seule chose qui me chicote à propos de cette disposition, c'est, une fois encore, le risque auquel sont exposées les plus vulnérables, c'est-à-dire les prostituées qui travaillent dans la rue, car c'est là qu'elles offrent leurs services. Vous devez comprendre que ces femmes n'iront pas travailler à l'intérieur et que la plupart d'entre elles ont d'énormes problèmes de dépendance et de santé mentale. Nombreuses sont celles qui sont sans abri ou qui font une passe pour obtenir leur prochaine dose. Elles sont dans un tel état de délabrement qu'elles seront incapables de se faire engager ou de travailler à l'intérieur. Ce que je crains, compte tenu de la manière dont la disposition est formulée, c'est que ces femmes seront criminalisées et recevront des amendes qu'elles paieront en se vendant simplement à un plus grand nombre d'hommes.
Il faut offrir un programme de déjudiciarisation. C'est obligatoire. Il faut qu'il soit obligatoire, comme une école de prostituées, qui dure plus d'une journée. Ces femmes ne voient pas les dangers ou sont incapables de s'en soucier parce qu'elles sont en mode de survie. En tant que Canadiens, nous devons trouver un moyen de les aider sans les criminaliser, car cela ne ferait que nuire aux progrès qu'elles pourraient accomplir ultérieurement au cours de leur vie. Si elles sont capables d'abandonner cette vie, il leur sera plus difficile de retourner à l'école ou de décrocher un emploi si elles ont un casier judiciaire.
La disposition sur la publicité relative à la prestation de services sexuels est un immense succès à bien des égards. Nous vivons dans un monde où tout est sexualisé. Il suffit de feuilleter un journal ou un magazine pour voir toutes sortes de contenu explicite, et c'est sans parler du rôle que jouent les médias pour minimiser l'exploitation sexuelle des femmes.
Il faut que ce ne soit pas accessible. Nous devons modifier la manière dont la société considère non seulement les femmes, mais également la prochaine génération. Le seul problème que je décèle dans cette disposition, c'est la manière dont on pourra savoir que la publicité vient d'une femme indépendante et non d'un proxénète ou d'un trafiquant. Ce sera impossible. Certaines d'entre nous sont entraînées afin de savoir quoi chercher, comme le jargon, la formulation et les images. Je crains que si personne ne surveille constamment la situation, personne ne saura vraiment ce qui se passe.
Enfin, je suis encouragée par le fait que le gouvernement affecte 20 millions de dollars aux programmes d'éducation et d'aide à l'abandon de la prostitution. S'il est une chose que j'ai apprise en cours de route, c'est qu'il est vraiment difficile d'abandonner la prostitution et de réintégrer les rangs de la société. On a besoin d'aide pour réapprendre ce qu'on nous a fait oublier. Pour ma part, j'ai dû acquérir l'estime de soi, le bien-parler, l'éducation, voire l'art le plus simple de se vêtir. Cette prétendue profession change toute notre nature, et on oublie ce qu'on était autrefois. Les femmes qui quittent le métier ont besoin de notre aide et de notre soutien afin de réapprendre qui elles sont et comment se comporter.
Merci.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais aussi commencer par reconnaître le territoire traditionnel sur lequel je me trouve actuellement avec vous pour cette séance. Comme la plupart d'entre vous le savent, je réside normalement en territoire algonquin — ici même où vous êtes —, et cette question est très liée, comme nos collègues de l'Association des femmes autochtones du Canada vous l'ont déjà dit, aux conséquences de la colonisation, que subissent particulièrement les femmes autochtones.
En 30 ans, j'ai travaillé d'abord auprès de jeunes gens, puis auprès des hommes et, maintenant, depuis près de 23 ans, avec mon organisation actuelle, je travaille auprès de femmes qui ont été marginalisées, victimisées, criminalisées et institutionnalisées. Ce travail me ramène chaque année devant ce problème. Même si mon travail n'a jamais été d'intervenir auprès de personnes du milieu de la prostitution, c'est ce qu'il est devenu en gros. J'ai vécu, travaillé et marché avec des jeunes, hommes et femmes, qui ont été prostitués et qui ont été criminalisés dans une grande mesure parce qu'ils sont payés pour offrir des services sexuels.
Pour moi, c'est un problème fondamental d'égalité. Et c'est aussi un problème fondamental de violence contre les femmes.
Comme vous le savez, partout au pays, nos activités sont très diverses et nous avons des programmes d'intervention auprès des jeunes et des familles, dans les prisons et à la sortie de prison, dans les établissements de santé mentale et auprès des sans-abri et des toxicomanes souffrant de troubles de santé mentale. Notre organisation s'efforce de contester la victimisation des femmes et leur criminalisation. Nous voyons la décriminalisation des femmes comme étant essentielle à l'égalité des femmes. Nous estimons aussi qu'il faut continuer de s'attaquer à la violence envers les femmes pour garantir leur égalité.
Ce n'est pas au cours de ma vie professionnelle que les femmes auront cessé d'être la propriété des hommes qui les ont mariées ou qui en sont les pères, mais, comme l'a déjà mentionné notre collègue du centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle de London, on aura dit aux maris qu'ils n'ont plus le droit de violer les femmes. Je pense qu'il est grand temps de dire qu'il n'est pas acceptable que des hommes puissent acheter et vendre des femmes et des enfants, dans ce pays. Cette partie du projet de loi représente, d'après nous, un grand pas en avant. Cependant, sans les services sociaux, les services économiques, le soutien et les services juridiques qui conviennent, une loi ne peut à elle seule garantir l'égalité des femmes. Elle n'arrivera pas non plus à mettre fin à la violence envers les femmes. Et elle n'augmentera pas les choix qui s'offrent à elles.
Je ne vais pas répéter certaines des choses qui ont déjà été dites ici, mais l'un des problèmes soulevés, c'est que le projet de loi ne résistera pas à une analyse au regard de la Charte. En réalité, la Charte ne protège pas, et ne devrait pas protéger le droit des hommes d'acheter des femmes à des fins sexuelles, non plus qu'elle devrait protéger les droits des personnes qui cherchent à tirer profit de l'exploitation de femmes et d'enfants.
Nous n'appuyons cependant pas les dispositions du projet de loi qui criminalisent les femmes. Nous suggérons au comité de veiller au retrait de toute disposition du projet de loi qui comporte la criminalisation des femmes, que ce soit pour avoir fait de la publicité ou pour avoir vendu des services sexuels dans la rue. Nous trouvons qu'il faut adopter des lois et des politiques publiques, et résoudre les questions d'égalité économique et sociale pour offrir de réelles possibilités aux femmes et aux enfants qui se prostituent, faute de n'avoir que peu ou pas d'autres options.
Vous savez, l'un des enjeux que j'ai souvent entendus, c'est que selon certains rapports scientifiques, l'industrie de la prostitution ne cause aucun préjudice. En réalité, nous avons appris par d'innombrables autres démarches, notamment en raison des difficultés historiques liées à la violence envers les femmes, que ce genre de lobby prétendant à l'absence de préjudice... en réalité, tout démontre le contraire. En fait, d'après mon expérience, bien des gens se sont prononcés en privé et publiquement, dans d'autres contextes; ils ont compris et reconnu le préjudice et la violence implicites que subissent les personnes du milieu de la prostitution.
En résumé, pour ce qui est de nos préoccupations et de ce sur quoi nous aimerions que l'attention soit portée, nous aimerions voir une description globale disant que ce n'est pas parce que la prostitution est répandue qu'il faut la voir comme étant inévitable. Nous croyons que les dispositions adoptées en 2005 sur la traite de personne ne suffisent pas et qu'elles devraient être resserrées. Nous croyons qu'il faut retirer la nouvelle infraction liée à la vente de services sexuels dans un lieu public s'il est raisonnable de s'attendre à ce que s'y trouvent de jeunes personnes. Nous voyons cela comme un problème particulier pour les femmes avec lesquelles nous travaillons, surtout les femmes autochtones, les femmes pauvres, les toxicomanes et les femmes souffrant de troubles mentaux. Nous estimons que cela va tout à fait à l'encontre du principe de décriminalisation des femmes dans ce contexte.
Nous avons aussi des préoccupations au sujet de ce qui arrivera aux femmes qui sont forcées de se prostituer dans leurs propres foyers. D'après nous, même si bien des femmes auprès desquelles nous travaillons ont été criminalisées, elles sont aussi nombreuses à se débattre pour faire vivre leurs familles et leurs enfants avec des moyens limités. Il ne faudrait pas les criminaliser parce que peu d'options s'offrent à elles. Certaines de ces dispositions risquent de criminaliser encore plus les femmes.
Nous sommes aussi extrêmement préoccupées, car le montant réservé — 20 millions de dollars — est infime, compte tenu de l'ensemble des besoins comme le versement de revenus garantis suffisants et l'offre de logements convenables et abordables, de services de garde convenables et abordables et d'options de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie, et comme la création d'autres centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et centres d'aide pour les femmes. Nous pensons fermement que ce projet de loi sera inefficace si, en fait, les ressources nécessaires ne sont pas mises en place. Ne pas avoir les ressources nécessaires, c'est repousser encore plus les femmes dans la marginalité et leur donner encore moins de possibilités de s'en tirer, si elles souhaitent le faire. Selon notre expérience, les femmes du métier qui ont été caractérisées comme ayant choisi d'y être choisiront d'en sortir si on leur offre des options.
L'autre aspect, qui représente un des enjeux de notre organisation, c'est que nous voyons très clairement un besoin de garantir aux femmes le soutien qu'il faut pour qu'elles sortent du milieu de la prostitution. Il nous faut aussi une éducation de base sur ce qui est légal et ce qui ne l'est pas en ce moment, peu importe la loi actuelle. Nous nous préoccupons de plus en plus de cela et nous adoptons une position très ferme à ce sujet depuis 2008, surtout parce que nous avons commencé à constater la criminalisation de femmes qui croyaient que les hommes avaient bien le droit d'acheter et de vendre leurs services sexuels, mais aussi d'acheter et de vendre le droit de les dégrader. Nous avons beaucoup trop d'exemples de femmes parmi les plus désavantagées et désespérées qui vivent dans les pires conditions de brutalité.
Les exemples du nombre de femmes que Pickton a pu ramasser et du travail qui s'est fait dans le Downtown Eastside ont démontré que les hommes peuvent se permettre d'acheter des services sexuels beaucoup plus coûteux, comme faire appel à des escortes ou faire du tourisme sexuel à l'étranger, mais qu'ils ne choisissent pas de le faire parce qu'ils vont plutôt acheter le droit d'agresser les femmes les plus marginalisées et désespérées. Ce droit n'existe pas, bien entendu, mais ils vont utiliser ces femmes pour les agresser et les dégrader. Comme certains d'entre vous le savent, il y a de nombreux cas de femmes battues et, manifestement, tuées par des hommes. Il est aussi clair que cela fait partie, en fait, de ce dont on fait la promotion, au sein d'une industrie qu'on cherche à montrer comme étant légalisée et décriminalisée.
Pour terminer, je dirais que nous n'appuyons aucune disposition qui établit des peines minimales obligatoires, quelles qu'elles soient. Nous n'estimons pas cela nécessaire. Nous estimons nécessaire de nommer le comportement criminel et de préciser le soutien et les services progressifs d'éducation et autres qui sont requis pour que les femmes et les enfants ne soient pas mis en danger ou encore plus désavantagés.
Je suis impatiente de répondre aux questions des membres du comité.
J'aimerais aussi présenter ma collègue, Deborah Kilroy. Je sais qu'elle est d'une grande humilité, qu'elle ne se présente jamais et que la plupart d'entre vous ne la connaissent pas, mais elle est ici, de Sisters Inside. Nous assistons à des réunions ensemble, ici, à New York. Elle est ici grâce à une bourse d'études de Churchill. Certains d'entre vous l'ont rencontrée quand elle est allée au Canada parcourir le pays. Elle a aussi parcouru les États-Unis, à la recherche de solutions de rechange à l'incarcération, en particulier pour les femmes, dont les femmes racialisées.
Ce que vous ne savez peut-être pas, c'est qu'elle a aussi du vécu. Je la connais et je travaille avec elle depuis près de 20 ans. En plus d'avoir ce vécu, elle a fondé l'organisation Sisters Inside, en Australie, qui travaille avec des femmes qui cherchent à se tirer de toutes sortes de situations précaires, notamment la prison, la violence, la prostitution, la rue. Elle est maintenant avocate et dirige un cabinet d'avocat au sein de Sisters Inside.
Elle a reçu la plus haute distinction en matière de droit de la personne dans son pays, la médaille des droits de la personne de l'Australie, ainsi que l'Ordre de l'Australie. Elle a aussi terminé des études de cycles supérieurs en santé mentale dans le contexte judiciaire, et c'est en fait ce qui m'a motivée à faire une partie de ce travail.
Monsieur le président, je ne veux pas me substituer à vous, mais je voulais dire quelques mots à propos de Deborah Kilroy avant qu'elle prenne la parole.
:
Merci, monsieur le président.
Avant de commencer, j'aimerais reconnaître que nous sommes sur un territoire traditionnel autochtone, non seulement ici à New York, mais là où vous êtes. Je vis sur les terres volées de Ngooloon Pul, au sud de Brisbane, dans le Queensland, en Australie.
Il est important pour moi de reconnaître les Premières Nations de nos pays et des pays où nous voyageons, et de reconnaître la colonisation qui s'est produite, de même que les répercussions de cette colonisation, car nous les voyons quand nous franchissons les barrières des prisons pour femmes, pour enfants et pour hommes. La colonisation a bafoué les droits des peuples autochtones et ils en ont subi les abus — je parle des Premières Nations. Je veux souligner cette histoire.
Je vous remercie de me donner l'occasion de parler aujourd'hui, et d'offrir ma contribution.
Les audiences du Comité permanent de la justice et des droits de la personne au sujet du projet de loi ont donné lieu à des témoignages et à des reportages des médias qui créent des divisions, au point où, particulièrement dans les médias sociaux, il y a eu des commentaires méprisants et nuisibles envers les femmes qui ont vécu l'expérience de l'industrie de la prostitution et celles qui ont des visions opposées.
Il faut que la conversation et les débats soient respectueux, sans agressivité. J'encourage ceux qui veulent prendre parti à trouver un terrain d'entente. Je parle des femmes qui sont les plus désavantagées de toutes, et ce, en leur nom. Ce ne sont pas des femmes qui viennent d'un milieu où elles estiment avoir fait des choix précis, mais des femmes qui sont forcées de se prostituer parce qu'elles n'ont pas d'autres options. C'est leur seule façon de survivre. Nous devons faire preuve de respect dans nos conversations.
Nous devrions tous être d'accord pour dire qu'il faut absolument mettre fin à la violence envers les femmes et les filles. Il faut que ce soit notre point de départ: veiller à ce que la violence faite aux femmes et aux filles soit éradiquée et garantir l'égalité à toutes les femmes et les filles.
Comment y arriver? Certains disent qu'il faut plus de sanctions légales, alors que d'autres disent qu'il faut les éliminer. La réalité, c'est que nous avons déjà, dans tous les pays du monde, des lois qui parlent de la violence faite aux femmes et aux filles, et nous savons que les femmes et les filles subissent de la violence continuellement partout dans le monde. Nous ne préconisons pas la décriminalisation de ces actes de violence contre les femmes et les filles, nous ne débattons pas de cela, et nous ne faisons pas de pressions à cette fin; nous n'exigeons pas non plus que les transgresseurs ne soient pas tenus responsables. Ce serait impensable.
Donc, pourquoi cherche-t-on à décriminaliser les actes de violence que subissent les femmes et les filles qui sont violées au sein de l'industrie de la prostitution? Les femmes doivent avoir des moyens de faire en sorte que les hommes qui les violent soient tenus responsables. C'est alors la femme qui a le choix de signaler l'agression ou pas, mais elle doit avoir le choix. La décriminalisation complète laisse les femmes et les filles sans choix.
Comme me l'a dit une femme qui a été achetée et vendue toute sa vie, alors que nous discutions du projet de loi , « si vous enlevez à la femme le droit de tenir les hommes responsables, c'est comme lui enlever le droit de signaler toute forme d'agression ».
Le libre marché capitaliste n'est pas la réponse, et cela ne mettra pas fin à la violence faite aux femmes et aux filles. La prostitution mise sur l'inégalité et le désavantage et les renforce. L'industrie de la prostitution étant axée sur le sexe, c'est la preuve d'une pratique d'inégalité. La prostitution légalisée équivaut à l'agression approuvée par le gouvernement des femmes et des filles, et cela viole leurs droits à l'égalité et à la sécurité.
Les peuples autochtones sont les peuples les plus exploités du monde. Si nous décriminalisons l'industrie de la prostitution, nous garantirons aux femmes et aux filles autochtones une plus grande vulnérabilité encore à la prostitution et à la traite. La violence que les femmes autochtones du Canada vivent correspond à celle que les femmes autochtones d'Australie vivent. Nous voulons plus pour les femmes autochtones.
Nous voulons plus pour toutes les femmes. La prostitution des femmes ne fait pas de nous des égales. Elle nous confine à la pauvreté, aux traumatismes psychologiques et physiques, aux agressions verbales et sexuelles et à des taux élevés d'homicides.
La violence faite aux femmes et aux filles doit cesser.
Je voulais être brève et vous dire ce que j'ai dit pour vous inciter à veiller à ce que les femmes et les filles ne soient pas criminalisées de quelque façon que ce soit par les dispositions de ce projet de loi. Elles ont besoin de soutien et de services sociaux. Je suis d'accord avec d'autres témoins qui ont dit qu'il faut consacrer plus d'argent aux services sociaux destinés aux femmes désavantagées, de sorte qu'elles aient accès à d'autres revenus, à un emploi, à un logement, à l'éducation et à la santé. C'est fondamental.
En conclusion, j'aimerais dédier mon témoignage d'aujourd'hui à une amie chère qui, pendant que j'étais partie voyager grâce à la bourse de Churchill, a été battue à mort, il y a quelques semaines. Cette femme a été achetée et vendue régulièrement.
Nous parlons donc de femmes qui vivent des moments des plus sombres, qui sont agressées et qui se font tuer. Il faut régler cela. Il ne faut pas décriminaliser la prostitution. Il faut tenir les hommes, les proxénètes, les souteneurs responsables des agressions qu'ils commettent. Nous ne sommes pas de la marchandise; nous sommes des humains et nous méritons d'être traitées comme des humains.
La violence faite aux femmes et aux filles doit cesser. Les vies des femmes et des vies sont trop précieuses à mes yeux, et j'espère que nos vies — celles des femmes et des filles — vous sont précieuses aussi.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Merci à vous toutes de vos présentations. Elles étaient extrêmement intéressantes.
C'est un dossier qui n'est vraiment pas évident. Comme on le dit souvent, ce n'est pas toujours évident d'essayer d'éliminer la prostitution dans sa totalité et cette image de femmes qui sont abusées. Ce n'est pas évident en matière de violence conjugale, ni en matière de pauvreté et de grandes inégalités salariales.
J'écoutais votre présentation, madame Audet. Vous avez mentionné des statistiques extrêmement préoccupantes. Dans mon livre à moi, la prostitution est un élément important, mais c'est un élément parmi beaucoup d'autres relativement aux injustices commises envers les femmes autochtones. Je suis d'accord pour dire qu'il faut parfois commencer par quelque chose et c'est probablement ce que vous allez me dire. Toutefois, il faut régler ce problème correctement. Il faut le faire de façon logique.
C'est important pour nous de vous entendre peut-être encore plus fortement à ce sujet. Je sais que vous appuyez toutes le modèle nordique. Ce serait important que vous disiez au gouvernement conservateur que des mesures sociales importantes sont nécessaires pour que le modèle nordique puisse fonctionner.
Je sais que le projet de loi est selon vous un bon point de départ. Cependant, à mon avis, on va frapper un mur si on n'arrime pas ensemble ces deux aspects.
Je vais accepter d'utiliser votre vocabulaire pour ne pas relancer la discussion avec Mme Walker, avec qui j'adore avoir des discussions. Disons que je ne dispose pas d'assez de temps pour le faire cet après-midi.
Si les prostituées sont des victimes, pourquoi les criminalise-t-on? Il semble que les conservateurs n'acceptent pas les amendements pour les décriminaliser totalement, tel que Mme Pate nous l'a expliqué. Je pose donc la question suivante à chacune d'entre vous. Appuyez-vous toujours le projet de loi ?
J'aimerais que vous envoyiez un message fort parce que celui que vous envoyez présentement n'est pas très fort, malgré tout le respect et l'admiration que j'ai pour chacune d'entre vous.
Je sais comment fonctionnent nos amis conservateurs. Ils vont dire que tout le monde les a félicités pour l'attribution des 20 millions de dollars. C'est ce que j'entends de vos propos. Vous n'y mettez qu'un simple bémol. Comme femmes, pouvons-nous nous tenir debout? Si on veut en parler, peut-on dire ce qui suit:
[Traduction]
Joignez l'acte à la parole.
[Français]
Ces 20 millions de dollars sont une farce. J'aimerais d'ailleurs vous entendre à ce sujet.
S'il n'y a pas un engagement avec ces 20 millions de dollars d'ici la fin, soit avant même qu'on procède à l'étude article par article, j'aimerais qu'on puisse vous entendre.
Soyez conséquentes avec vous-mêmes. Si on continue à criminaliser les femmes que vous déclarez être des victimes, je vous demande alors de ne pas appuyer le projet de loi . Aidez-nous à vous aider si vous voulez qu'on amende ce projet de loi. Sinon, quand vous ne serez plus devant nous et qu'on fera l'étude article par article, ce qu'on entendra ici, c'est ceci:
[Traduction]
« Tout le monde a dit que nous étions géniaux. » Non. C'est pourquoi je veux savoir ce que les gens qui appuient le projet de loi, mais qui ne l'appuient pas autant... La balle est dans votre camp.
Kim, j'aimerais savoir si vous appuierez toujours le projet de loi s'il n'est pas amendé comme vous l'avez décrit, si les 20 millions de dollars sont toujours offerts. Veuillez répondre par oui ou non, s'il vous plaît.
:
Cela fait 20 ans que je fais de la politique avec les femmes autochtones. Sauf erreur, depuis 2006, l'approche des conservateurs, c'est du tout ou rien. C'est difficile d'aller entre les deux.
Cependant, nous avons entrepris des démarches auprès du , M. MacKay, sachant que les conservateurs refusaient totalement et clairement l'enquête nationale publique. Notre organisation étant proactive et comme nous sommes des femmes d'action, nous leur avons proposé de mettre sur pied une table de discussions autour de laquelle différents ministères pourraient s'asseoir avec l'Association des femmes autochtones du Canada afin de parler de prévention. Nous voulions également que les personnes se trouvant dans le milieu de la prostitution fassent partie d'un plan d'action socio-économique national.
Nous pensons que 20 millions de dollars représentent des pinottes étant donné le retard incroyable concernant les questions autochtones. Ce retard est d'autant plus grand à l'égard des femmes autochtones. En somme, vous pouvez imaginer que la tarte sera difficile à partager.
Le message s'adresse à nos amis du gouvernement conservateur. La table a été proposée par l'Association des femmes autochtones du Canada lors des séances du comité spécial sur la violence faite aux femmes autochtones. Elle a aussi été proposée au ministre MacKay afin qu'un dialogue soit rétabli entre les femmes autochtones et ce gouvernement. Cette question doit être prise en considération. C'est un must. C'est important.
En fait, si on m'avait posé la question lorsque j'avais 28 ans, j'aurais refusé radicalement. Maintenant, à 42 ans, je sais comment les choses se passent au sein du gouvernement. Il faut parfois avaler les choses. On les avale de travers. Malgré tout, ça nous donne de l'énergie pour continuer à observer, à faire du lobbying et à maintenir l'élan sur les questions touchant les droits des femmes autochtones.
Vous savez que j'en ai fait un enjeu personnel.
:
Que voulez-vous, les peuples autochtones sont des gens visuels. Alors, je vais faire de la traduction orale.
Pour répondre à votre question, je dirais que le projet de loi ne mentionne pas spécifiquement la question autochtone. Avec vos collègues du gouvernement conservateur, vous avez encore le pouvoir de faire en sorte qu'il le fasse. Sinon,
[Traduction]
nous vous pourchasserons, et nous vous rappellerons que nous sommes bien vivantes.
Des voix: Oh, oh!
Mme Michèle Audette: Je crois qu'une excellente occasion s'offre à nous dans ce cas-ci. Oui, les Canadiennes sont confrontées à ces problèmes et livrent d'excellents exposés au comité. Oui, au Canada, les femmes autochtones sont tellement vivantes et fières, mais tellement résilientes que maintenant, vous avez la chance de faire en sorte que de vraies mesures profitent aussi directement aux femmes autochtones. Je n'essaie pas d'enlever quoi que ce soit à mes soeurs, mais vous savez qu'il y a un très, très grand écart.
Vous savez que la déclaration des Nations Unies existe. Vous pouvez en utiliser certaines parties, ou l'utiliser en totalité — pourquoi pas? Mais veillez à ce que le dialogue s'engage avec Pauktuutit et l'AFAC, et à l'échelle locale. Veillez à ce que vos actions d'aujourd'hui ne fassent pas en sorte que dans 10 ou 20 ans, mes filles lisent le journal et me disent qu'elles veulent travailler dans l'industrie du sexe. Non, je veux qu'elles disent « Maman, je veux être pilote, je veux être médecin, enseignante ou députée. »
:
Merci beaucoup de la question.
Au London Abused Women's Centre, l'approche consiste à ne jamais dire à la femme ce qu'elle doit faire. Nous lui expliquons toujours ses options et nous la soutenons, peu importe ce qu'elle décide.
Nous sommes un organisme fondé sur la volonté des bénéficiaires. Nos services ne sont pas obligatoires, car les femmes ont besoin de venir de leur propre gré lorsqu'elles sont prêtes. Il faut s'engager dans un processus pour quitter son conjoint violent, et il en va de même pour la prostitution. Les femmes peuvent en sortir, y retourner et tenter d'en ressortir. C'est un processus que les femmes doivent entreprendre de leur propre chef.
Les femmes nous ont dit qu'elles nécessitent un éventail de services. En général, elles demandent un centre où des survivantes bien renseignées donnent des services spécialisés à long terme pour les traumatismes. Elles veulent parler à des femmes qui connaissent leur histoire.
Souvent, les femmes veulent utiliser nos services résidentiels de réinsertion ou nos services de désintoxication pour surmonter leurs problèmes. Elles nous disent que leur autre option consiste à réintégrer leurs familles, avec lesquelles elles n'ont pas eu de contact depuis très longtemps. C'est important de savoir que nombre de nos bénéficiaires n'ont pas eu accès aux études secondaires ou postsecondaires et qu'elles aimeraient réaliser leur rêve d'être enseignante, infirmière, urbaniste, etc. Ces femmes ont besoin d'accéder aux ressources.
Nous offrons divers services. Nous discutons longtemps avec les femmes pour établir où elles en sont et quelles sont leurs priorités courantes, qui peuvent changer la semaine suivante. Les femmes nous disent parfois qu'elles vont prendre une autre direction. Nous cherchons aussi à régler la violence familiale, qui est liée à la prostitution. Bien des femmes souffrent beaucoup d'avoir perdu leurs enfants.
Nous offrons divers services et remportons beaucoup de succès, surtout pour ce qui est de référer les services de désintoxication et d'aider les femmes à réintégrer leurs familles. Notre collectivité est très généreuse et accorde des bourses aux femmes qui poursuivent leurs études au collège ou à l'université, après avoir terminé l'école secondaire dans les programmes de formation pour adultes. Nous connaissons de grandes réussites. Les femmes doivent choisir de mener le processus elles-mêmes.
J'ai parlé très brièvement des 20 millions de dollars. Puis-je toucher un autre mot là-dessus?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence parmi nous. Vos présentations étaient toutes très intéressantes.
J'aimerais cependant formuler un petit bémol.
Une somme 20 millions de dollars, cela représente 4 millions de dollars par année. Le ministre du Manitoba disait hier que, pour sa province, ce sera un peu moins de 200 000 $ par année. On s'entend pour dire qu'une somme de moins de 200 000 $ par année pour une province qui dépense 8 millions de dollars pour faire face au problème de la prostitution, c'est très peu. Je suis désolée, mais c'est comme une gifle.
Ma question s'adresse à Mme Pate et à Mme Edwards.
Certains articles du Code criminel criminalisent déjà la traite de personnes. Cela se retrouve au paragraphe 279.01. Pour ce qui est de l'exploitation, cela se retrouve aux paragraphes 279.04(1) et 279.04(2). Quant au paragraphe 213(1), qui a été invalidé par la Cour suprême, il criminalise le fait de, et je cite: « retenir les services sexuels d'une personne qui s'y livre ».
En quoi le projet de loi améliorera-t-il la situation? Il y a déjà une loi. Depuis hier, tous les témoins nous disent à quel point la situation des femmes sur le terrain est troublante. Qu'est-ce que le projet de loi C-36 apportera de plus? Comment aidera-t-il les femmes à s'en sortir? Est-ce seulement la somme de 20 millions de dollars qui les aidera? Qu'est-ce qui changera par rapport à la situation actuelle?
:
Merci, monsieur le président. Merci à tous les témoins.
Madame MacLeod, merci beaucoup d'être ici et d'avoir le courage de nous raconter votre histoire. Vous prêtez main-forte aux législateurs qui étudient le projet de loi, mais vous aidez aussi tous les Canadiens à comprendre la situation. Vous informez les gens dans la salle, mais aussi tous ceux qui vous écoutent partout au Canada. Ma remarque s'applique à toutes les femmes qui témoignent devant nous. Je remercie toutes celles qui comparaissent de nous raconter leurs histoires sur la prostitution au Canada.
Madame Walker, merci aussi à vous et à votre organisation d'avoir facilité la participation des femmes aux consultations du gouvernement, comme vous l'avez mentionné dans votre exposé. Je pense que c'est très important.
Plus tôt aujourd'hui, Emily Symons nous a dit que l'organisation POWER en a fait autant avec les travailleurs du sexe situés ici, à Ottawa. Ces derniers ont eu l'occasion de faire connaître leurs points de vue au gouvernement durant les consultations en ligne. C'est très important pour nous. Je tiens à les remercier aussi.
Tous les témoins ont abordé la question du libre choix pour la majorité des prostituées. Mmes MacLeod et Audette en ont parlé, comme Mme Edwards si je ne me trompe pas. Je pense que les deux témoins de New York ont soulevé la question aussi. La personne qui doit soutenir sa famille et elle-même, acheter de la nourriture, payer le loyer, qui est toxicomane ou alcoolique ou qui est aux prises avec une autre dépendance est-elle libre de choisir?
J'aimerais connaître l'opinion de chaque témoin là-dessus.