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Bienvenue à tous à la réunion 140. Nous poursuivons notre examen quinquennal de la Loi sur le droit d'auteur.
Un député: Ce fut une longue étude.
Le président: Elle est presque terminée. Nous entamons la dernière droite.
Premièrement, nous avons des témoins aujourd'hui. Malheureusement, nous n'avons pas pu arriver plus tôt. Nous devions voter, ce qui semble avoir préséance sur tout le reste.
Nous accueillons aujourd'hui, à titre personnel, Jeremy de Beer, professeur de droit, Faculté de droit, Université d'Ottawa. Nous recevons Marcel Boyer, professeur émérite d'économie, Département de sciences économiques, Université de Montréal. Nous avons Mark Hayes, associé, Hayes eLaw LLP, et nous accueillons enfin Howard P. Knoft, avocat spécialisé en droit d'auteur. M. Knopf est avocat au cabinet Macera & Jarzyna.
D'accord, nous avons perdu une demi-heure. Vous avez jusqu'à sept minutes pour prononcer vos remarques liminaires. Plus elles seront courtes, mieux ce sera, car cela nous donnera plus de temps pour les questions. Un autre comité doit se réunir ici à 17 h 30.
Pourquoi ne pas commencer par M. de Beer? Vous avez jusqu'à sept minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je m'appelle Jeremy de Beer. Je suis professeur de droit à l'Université d'Ottawa et membre du Centre de recherche en droit, technologie et société, mais je témoigne aujourd'hui à titre personnel.
Je n'offre au Comité que mon propre point de vue, mais fondé sur mon expérience d'ancien conseiller juridique, de conseiller auprès de la Commission du droit d'auteur du Canada ainsi que de conseiller auprès d'autres sociétés de collecte de droits, de groupes d'utilisateurs, de ministères et d'organisations internationales. Pendant plus de 15 ans, j'ai élaboré et dispensé des cours sur le droit d'auteur, défendu des dizaines d'affaires en matière de droit d'auteur et de politique numérique devant la Cour suprême et publié nombre d'articles dans ce domaine.
J'aimerais seulement mentionner en particulier deux des récents articles que m'a demandé d'écrire le gouvernement du Canada. Le premier a été une étude empirique largement citée sur le processus de tarification de la Commission du droit d'auteur, que j'ai menée pour le compte de Patrimoine canadien et de ce qu'on appelle maintenant Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Le second a été un examen rigoureux pour ISDEC des méthodes et des conclusions tirées de politiques fondées sur des données probantes. Je cite ces études pour insister sur le fait que mes vues ne sont pas fondées sur les intérêts spéciaux de certaines industries ou de simples suppositions, mais sur des recherches rigoureuses qui, je l'espère, aideront le Comité à prendre des décisions éclairées.
C'est la troisième fois que je témoigne devant un comité parlementaire en l'espace d'une semaine environ. La semaine dernière, mon témoignage devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce portait sur les réformes qu'on propose d'apporter dans le projet de loi , Loi d'exécution du budget, à la Commission du droit d'auteur et à la gestion collective du droit d'auteur. Hier, j'ai témoigné devant le Comité permanent du patrimoine canadien dans le cadre de son étude sur les modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs, qui va dans la même veine que l'étude que vous faites de la Loi sur le droit d'auteur.
Je ne vais pas répéter ce témoignage, mais j'aimerais souligner les points les plus importants. Premièrement, comme je l'ai dit au comité des banques, les ressources et les réformes proposées à la Commission et aux sociétés de gestion sont bonnes dans l'ensemble, mais il vous reste du travail important à accomplir sur le plan des politiques. J'ai fait valoir au comité du patrimoine que si les artistes ont des problèmes de rémunération, les droits d'auteur pourraient ne pas en être du tout la cause profonde, mais plutôt le déséquilibre du pouvoir et les contrats injustes avec les éditeurs, les maisons de disques et d'autres intermédiaires. J'ai dit que si le gouvernement souhaite élargir les droits de quiconque, il pourrait commencer par reconnaître et affirmer que le droit d'auteur s'applique aussi aux droits des peuples autochtones sur leurs connaissances et leur culture.
Par-dessus tout, je pense que les recommandations du comité du patrimoine et du vôtre doivent tenir compte de la prolongation dramatique des périodes de protection des droits d'auteurs dans l'accord commercial le plus récent du Canada avec les États-Unis et le Mexique, l'AEUMC.
Sur ce, permettez-moi d'aborder l'examen législatif de la Loi sur le droit d'auteur que le Comité a pour mandat de mener. Vous n'avez pas la tâche facile. J'ai vu les 100 mémoires qui ont déjà été présentés, et la liste des 182 témoins que vous avez entendus à ce jour. Voilà ce que j'en retire. C'est bien trop tôt depuis la dernière série de modifications pour envisager une refonte importante de la législation canadienne sur le droit d'auteur. J'estime que la recommandation la plus importante que ce comité puisse formuler est d'arrêter de constamment réformer le droit d'auteur. C'est non seulement peine perdue, mais aussi contreproductif de rouvrir la loi tous les cinq ans, comme l'article 92 l'exige actuellement. La liste de groupes d'intérêts spéciaux qui viennent vous voir pour quémander fait tourner la tête.
La Loi a été modernisée. C'est le mot qui a été employé, on a parlé de la loi de « modernisation » en 2012. Avant, la durée de protection des droits d'auteur avait été grandement prolongée en 1997; elle l'avait aussi été en 1989. Comment une personne peut arguer, de façon crédible, qu'elle est en mesure de prouver que la dernière série de réformes fonctionne ou non? Comment peut-on dire sérieusement que la loi est déjà désuète? Ces examens fréquents ne sont pas gratuits. Ils supposent des dépenses et des coûts de substitution que vous pourriez affecter à autre chose et, par-dessus tout, ils comportent de grands risques en matière de politique.
Pour être bien clair, je ne laisse pas entendre que le droit d'auteur n'est pas important. Au contraire, c'est une question cruciale. Je fais valoir que nous avons besoin — et nous avons — des principes neutres sur le plan technologique, et nous avons besoin de temps pour bien les mettre en oeuvre et les interpréter, en pratique et en cour, et ensuite pour tenir compte des principes avant de donner aux lobbyistes une autre chance.
Lorsqu'on prend les choses sous cet angle, je pense qu'il est plus facile de rejeter une bonne partie des arguments et des recommandations qui sont formulés, par exemple, les dommages-intérêts préétablis pour faire pression sur les établissements d'enseignement afin qu'ils achètent des licences qu'ils ne souhaitent peut-être pas avoir ou dont ils n'ont pas besoin, les programmes de blocage de sites Web ou des injonctions spéciales pour donner aux titulaires de droits d'auteur plus de pouvoirs procéduraux que d'autres plaignants, des taxes sur les iPod ou l'Internet ou d'autres subventions croisées, et la liste continue.
Cela dit, je pense que le Comité devrait tenir compte d'un élément qui a récemment changé les choses, soit la prolongation dramatique de la durée de protection des droits d'auteur exigée par l'AEUMC. Cet accord donnera aux titulaires de droits d'auteur deux décennies complètes de monopole supplémentaires. Bientôt, au Canada, les droits d'auteur s'appliqueront pendant la vie d'un auteur et 70 ans après sa mort. En moyenne, si vous prenez l'espérance de vie, nous devrons attendre 150 ans — un siècle et demi — pour faire fond librement sur les oeuvres dans le domaine public et les embellir.
Je comprends pourquoi nous l'avons fait. Je suis pragmatique. Si c'est ce qu'il a fallu faire pour sauver le libre-échange en Amérique du Nord, ainsi soit-il. Cependant, cela signifie que les dispositions du Canada en matière de protection de la durée des droits d'auteur sont parallèles à celles des États-Unis, mais pas les soupapes de sûreté, comme l'utilisation équitable, qui sont des moteurs de l'innovation si cruciaux. Sans mesures de contrepoids pour aligner la marge de manoeuvre du Canada et des États-Unis en matière de droits d'auteur, les innovateurs canadiens seraient grandement désavantagés.
Compte tenu du temps, je vais conclure en vous donnant mon opinion générale en la matière. Pour que la théorie du libre-échange en ce qui concerne les oeuvres protégées par des droits d'auteur fonctionne en pratique, le seuil et le plafond de protection doivent être harmonisés. Nous ne pouvons pas prendre que les mauvais côtés de la loi étatsunienne sans prendre aussi les bons, alors ma première recommandation pour le Comité est de s'assurer que dans toutes les mesures qu'il prend, il tienne compte dans son rapport des changements que l'AEUMC apportera.
Merci beaucoup.
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Je vous remercie beaucoup de votre invitation.
Il existe un conflit entre les créateurs et les utilisateur. De toute évidence, les créateurs veulent profiter de la valeur qu'ont leurs créations pour les utilisateurs. Les utilisateurs, eux, veulent minimiser les paiements pour cet intrant dans leur modèle d'affaires, afin de canaliser les économies vers d'autres moyens d'atteindre leurs buts, leurs objectifs ou leurs missions. Par exemple, deux cas particuliers sont devant nous: l'utilisation, dans le domaine de l'éducation, des budgets de droits d'auteur pour des bourses d'études ou d'autres services destinés aux étudiants; et l'utilisation des budgets de droits d'auteur pour des investissements dans des installations de radiodiffusion dans de petits marchés ou de petites communautés.
S'agit-il d'un conflit courant entre les acheteurs et les vendeurs? La réponse est oui et non, et je vais vous expliquer pourquoi. Comme je suis un économiste, je vais vous parler de ce que nous enseigne l'efficacité ou l'optimalité économique quant à ce conflit.
[Traduction]
Les oeuvres protégées par un droit d'auteur ont deux caractéristiques. Premièrement, ce sont des biens d'information, ou des actifs — c'est ce que je vais dire — si bien qu'une fois que ces biens ou actifs sont produits ou fixés, leur utilisation ou leur consommation ne les détruit pas. Ils demeurent disponibles maintenant et à l'avenir pour d'autres utilisateurs ou consommateurs. Ce serait différent des biens publics usuels, qui doivent être produits tous les ans, comme la défense nationale ou la sécurité publique, par exemple.
Le second point porte sur les technologies numériques. Le changement exact dans le monde du droit d'auteur a été de réduire à zéro ou presque le coût de reproduction et de dissémination des oeuvres protégées par des droits d'auteur, qu'il s'agisse de musique ou de livres; la dissémination maximale devient donc possible. La numérisation remet en cause le délicat équilibre entre les droits des créateurs et ceux des utilisateurs. Le niveau d'exclusivité privilégié par le droit d'auteur est peut-être devenu trop sévère pour le monde numérique, d'où le conflit auquel nous sommes aujourd'hui confrontés.
[Français]
Pour les économistes, les solutions analytiques à ce type de problème existent, et elles sont étudiées depuis plusieurs décennies.
Une allocation de premier rang, l'optimum, dans l'allocation des ressources exigerait un prix égale à zéro pour ce type de bien ou d'actif. Cela assurerait une dissémination maximale de ces biens. Le problème est comment rémunérer les créateurs dans un contexte semblable.
Les solutions que les économistes ont étudiées sont des allocations de second rang, ou des optimums contraints, où on fixerait un prix plus grand que zéro pour assurer une compensation juste et équitable aux titulaires de droits, mais en essayant d'obtenir la plus grande dissémination possible ou une combinaison de ces deux types de solution.
Pour appliquer cette solution, ou ces types de solution, il nous faut connaître la valeur du produit dont il est question. Quelle est la valeur de marché concurrentiel des oeuvres protégées vu leur caractéristique de biens ou d'actifs d'information et vu les technologies numériques qui ont changé la donne dans le domaine commercial, rendant l'émergence du marché concurrentiel ou la vente de gré à gré pratiquement impossible?
Comment arriver à solutionner ce que j'ai appelé, dans l'une de mes publications, le noeud gordien du monde du corporatif d'aujourd'hui?
[Traduction]
Nous pouvons arriver à une solution en faisant quatre changements clés.
Premièrement, il faut s'éloigner des heuristiques circulaires actuelles et inférer directement la valeur concurrentielle à partir de l'observation des comportements et des choix des utilisateurs. C'est possible. On ne le fait pas à l'heure actuelle. On dit qu'on va fixer les droits aujourd'hui à ce niveau parce qu'on l'a fait il y a deux ou quatre ans. En conséquence, on est limité par ces décisions.
Les dispositions actuelles de la Loi sur le droit d'auteur, y compris les nombreuses exceptions de toutes sortes, et leur application sont clairement désavantageuses pour les titulaires de droits. La sous-rémunération des créateurs, par rapport aux repères de marché concurrentiel, constitue un frein important au développement d'une économie plus efficace et dynamique. Cette sous-compensation s'élève à plusieurs centaines de millions de dollars par an au Canada.
[Français]
En deuxième lieu, il faut éviter la stigmatisation des créateurs, dépeints comme freinant le développement de l'économie numérique et la diffusion maximale des oeuvres grâce aux exceptions, y compris l'utilisation équitable.
Qui, outre que les créateurs, devrait payer pour ces politiques publiques?
Voici un premier exemple.
En 2012, le gouvernement a adopté un règlement visant à exclure les cartes microSD et autres cartes similaires de la définition de « support d'enregistrement audio », empêchant ainsi la Commission du droit d'auteur d'imposer une redevance sur ces cartes.
Voici l'argument du gouvernement, issu d'une publication gouvernementale:
Une telle redevance augmenterait les frais pour les fabricants et les exportateurs de ces cartes, frais qui seraient indirectement transmis aux détaillants et aux consommateurs.
[...] ce qui influerait de manière négative les activités cybercommerciales et la participation du Canada à l'économie numérique.
J'ai ajouté « [sic] » à cette citation, voulant indiquer par là que cela pourrait bien ramener le Canada à l'âge de pierre.
Voici la troisième politique.
[Traduction]
Amener à la table tous les principaux groupes de bénéficiaires et les rendre solidairement responsables d'assurer la rémunération juste, équitable et concurrentielle des créateurs. C'est possible. Une longue liste de publications économiques montrent comment cela peut être fait et pourquoi ce devrait l'être.
[Français]
En quatrième lieu, le processus actuel de détermination séquentielle des redevances rend difficile la réalisation de réformes et d'ajustements significatifs.
Je l'ai mentionné tout à l'heure, lorsqu'on décide d'une redevance ou d'un niveau de tarifs, on est tenu de respecter ce qui a été décidé l'an dernier ou il y a deux ans dans un domaine similaire. Il faut en arriver à ce que toutes ces décisions prises conjointement et au même moment de manière à favoriser l'adaptation aux changements technologiques.
Étant donné que le temps file, je n'aurai pas le temps d'approfondir les principes clés du défi de la tarification du droit d'auteur, mais je peux les mentionner:
[Traduction]
Le principe de neutralité technologique ou des conditions de concurrences équitables, le principe de la valeur de marché concurrentiel ou d'équilibre, le principe d'efficacité socio-économique, et le principe de séparation. Ce dernier principe énonce qu'il n'est ni nécessaire ni optimal que les redevances payées par les utilisateurs primaires soient égales à la compensation de marché concurrentiel des créateurs. La radio commerciale ne signifie pas que ce qu'ils devraient payer est ce que les auteurs, les compositeurs et les interprètes devraient recevoir comme compensation.
[Français]
L'économie d'une politique publique de la culture, c'est vraiment l'éléphant dans la pièce, aux côtés des utilisateurs et créateurs. En éducation, il y a une séparation entre ce que paient les utilisateurs, c'est-à-dire les parents et les élèves, et ce que reçoivent en compensation les fournisseurs de services et de contenus, à savoir les enseignants, les professionnels et le personnel de soutien.
En santé, il y a une séparation entre ce que paient les utilisateurs, soit les patients, et ce que reçoivent en compensation les fournisseurs de services de santé, soit les médecins, les infirmières, les professionnels et le personnel de soutien.
On peut aussi faire ce genre de séparation dans le domaine culturel.
Je pense que c'est un élément fondamental de la réforme à laquelle on devrait aspirer.
Plutôt que de vous en parler, je terminerai en vous invitant à consulter un certain nombre de publications dans lesquelles j'ai développé ces idées et qui pourraient être utiles au Comité pour donner des directives à la réforme du droit d'auteur.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Je ne suis pas professeur, et je n'ai certainement pas à mon actif la longue liste de publications de mes collègues ici présents. Je suis dans le domaine depuis environ 35 ans, et j'ai touché à pas mal tous les aspects du droit d'auteur.
Vous verrez dans ma lettre de présentation que j'ai dressé une liste de certaines des personnes que j'ai représentées. J'ai passé beaucoup de temps auprès de la Commission du droit d'auteur; j'ai notamment entendu le professeur Boyer et ses théories dans pas mal d'affaires.
Aujourd'hui, je veux parler de questions pratiques. J'en ai abordé six dans mes mémoires écrits. Comme mon temps est limité, je ne parlerai brièvement que de trois d'entre elles aujourd'hui.
La première est celle que j'appelle l'amende relatives aux redevances. Depuis un certain temps, la Loi sur le droit d'auteur contient une disposition qui offre un outil important aux sociétés de gestion collective. Dans les situations où un utilisateur est sujet à un tarif approuvé, mais qu'il refuse ou néglige de payer, la société de gestion collective est forcée d'intenter une action en justice. Si elle obtient gain de cause, elle peut percevoir de trois à dix fois le montant des redevances.
L'intention de cet article est vraiment louable. Les utilisateurs ne devraient pas avoir le droit de refuser de payer et, après le fait, de ne payer que ce qu'ils auraient dû payer dès le départ. On doit leur imposer une amende quelconque. Cependant, j'ai constaté que les sociétés de gestion collective ont bien trop souvent invoqué cette disposition pour menacer les titulaires de licences dans des différends légitimes sur le montant des redevances qu'ils devraient payer.
J'estime que le recours des sociétés de gestion collective à cette disposition pour essayer de faire pression sur les titulaires de licences pour qu'ils accèdent à leurs demandes, qu'elles soient ou non raisonnables, appropriées ou justifiées, est injuste et ne constitue certainement pas une approche équilibrée à l'égard des tarifs de droit d'auteur.
Je vais vous donner un exemple très simple. Imaginez que le propriétaire d'un théâtre qui présente une comédie musicale calcule que les redevances qui en découlent sont de 1 000 $. Il paie, ou offre de payer, les 1 000 $, mais la SOCAN, la société de gestion collective qui prélèverait les redevances, lui dit: « Nous croyons que c'est 1 500 $. Si vous ne payez pas ce montant, nous allons vous poursuivre et obtenir entre trois et dix fois le montant que nous aurions dû obtenir ».
Que fera le propriétaire du théâtre? Il peut tenir son bout et dire à la SOCAN de le poursuivre, mais il risque de devoir payer entre 4 500 $ et 15 000 $ de redevances si son interprétation est jugée être erronée, ce qui pourrait être le cas, alors que le montant en litige était de 500 $. Par conséquent, à cause de ce risque, le propriétaire du théâtre est essentiellement forcé d'accéder à la demande de la SOCAN et de payer le montant exigé, même si son interprétation de ce qu'il devait était correcte.
Selon moi, ce scénario n'illustre pas une application adéquate de cet article. J'ai participé à des affaires dans lesquelles cette menace a été proférée alors que des montants 100 fois plus élevés entraient en jeu. Vous pouvez imaginer les risques qu'on prend à ce moment-là.
J'estime que cet article devrait clarifier que les dispositions sur les redevances punitives ne s'appliquent pas lorsqu'un utilisateur fait valoir un différend légitime concernant l'applicabilité ou le calcul des redevances dans un tarif approuvé. J'ai suggéré une formulation appropriée dans mon mémoire écrit.
La deuxième question que je veux soulever est celle de la paternité d'oeuvres audiovisuelles. Certains organismes ont témoigné devant vous. Hier, les représentants de certaines organisations ont témoigné devant le Comité permanent du patrimoine canadien et laissé entendre que la loi devrait préciser lequel des créateurs qui contribuent à l'oeuvre audiovisuelle devrait s'en voir attribuer la paternité. Je parle notamment de la Guilde canadienne des réalisateurs et de la Writers Guild, qui ont suggéré que la notion voulant que la paternité d'une oeuvre audiovisuelle revienne au réalisateur et au scénariste soit bien ancrée dans la Loi sur le droit d'auteur.
Les droits d'auteur de certaines oeuvres, en particulier les oeuvres audiovisuelles comme les films et les émissions de télévision, requièrent beaucoup de contributions de la part de nombreux créateurs. Voilà pourquoi il peut être vraiment difficile de déterminer la paternité de l'oeuvre.
C'est ce que j'appelle un problème à long terme et non à court terme. À court terme, le producteur de ces oeuvres audiovisuelles obtient, par contrat, toutes les licences ou les cessions de tous les droits à court terme qui sont nécessaires à la distribution de l'oeuvre.
Cependant, une partie des droits entourant l'oeuvre audiovisuelle dépend de la paternité du projet. Par exemple, la durée du mandat est fondée sur la vie de l'auteur. Le moment où le droit de retour est applicable dépend de la vie de ce dernier. À un moment donné — pas à court terme, pas quand l'oeuvre est diffusée au cinéma — après que certains des créateurs qui y ont contribué ont commencé à mourir, la paternité de l'oeuvre devient soudainement pertinente.
À l'heure actuelle, ce n'est pas clair. J'avoue qu'il y a lieu de clarifier la chose. Il ne fait aucun doute que la proposition de la Guilde des réalisateurs et de la Writers Guild a éclairci la question, mais est-ce la bonne réponse?
Les États-Unis sont dans une situation plutôt unique parce qu'ils ont créé ce qui s'appelle le « travail à la commande ». Un producteur de films ou de télévision peut conclure des contrats et être ensuite considéré comme l'auteur. Ce n'est toutefois pas le cas au Canada et dans la plupart des pays de l'OCDE. La paternité de l'oeuvre demeure floue. Dans certains pays européens, la paternité est attribuée à d'autres créateurs, dont le réalisateur et le scénariste ainsi que, dans certains cas, le directeur de la photographie et l'auteur de la musique, de même que d'autres personnes. Une fois de plus, cela peut donner lieu à de l'incertitude.
La désignation de certaines personnes élimine effectivement cette incertitude, mais cela crée un certain nombre de problèmes, que j'ai expliqué dans mon mémoire. Je vais juste en souligner deux.
Premièrement, de nombreuses oeuvres audiovisuelles n'ont pas de réalisateur et de scénariste. L'exemple parfait est celui des jeux d'ordinateur, qui sont d'importantes oeuvres audiovisuelles. À vrai dire, cela représente au Canada une industrie plus grande que celle des films et de la télévision. Il n'y a pas de réalisateurs ni de scénaristes. Comment pourraient-ils en être les auteurs?
Deuxièmement, si vous optez pour une règle comme celle-ci, qui est le contraire de la règle sur la paternité des États-Unis, cela risque vraiment de poser problème à la très importante industrie de production cinématographique et télévisuelle au Canada. Vous voulez faire preuve d'une grande prudence avant de compromettre cette industrie.
Enfin, je veux parler brièvement de l'exemption concernant l'apprentissage machine, dont vous avez certainement entendu parler. Plusieurs personnes ont comparu devant vous. Je crois qu'il est très important d'avoir une sorte d'exemption visant les reproductions accessoires créées par l'apprentissage machine.
Cependant, j'estime que s'il y a une chose que nous avons apprise au cours des 20 ou 30 dernières années de réforme du droit d'auteur, c'est que la mise en place de dispositions qui portent précisément sur une technologie en développement n'est pas une bonne façon de légiférer. La raison en est simple: la technologie évolue pendant l'étude et le processus d'adoption de la mesure législative. Vous allez poursuivre sans cesse un lapin qui a toujours une longueur d'avance sur vous. À mon avis, ce qui compte, c'est de s'attaquer à la base du problème.
Quelle est alors la base du problème dont on a parlé en ce qui a trait à l'apprentissage machine? C'est une chose qui s'appelle la reproduction accessoire. Ce qui se produit, dans des processus technologiques comme l'apprentissage machine et ainsi de suite, c'est une série de ces petites reproductions qui n'ont absolument aucune répercussion économique. Elles ne sont pas vendues ni louées à qui que ce soit. Elles permettent toutefois à la technologie d'exister.
La dernière fois que nous avons effectué une réforme majeure du droit d'auteur, nous avons créé l'article 30.71 intitulé « Reproductions temporaires pour processus technologiques ». Tout le monde pensait que cela allait fonctionner, qu'on s'occuperait ainsi de ces reproductions. Malheureusement, en 2016, la Commission du droit d'auteur a pris une décision qui a considérablement limité la portée de l'article, le rendant essentiellement inutile.
Dans mon mémoire, ce que je propose si l'apprentissage machine nous préoccupe — et cela devrait certainement être le cas —, c'est d'apporter des correctifs à l'article 30.71 pour rétablir la solide exemption que nous voulions avoir pour ces processus technologiques et qui a été largement éliminée compte tenu de l'interprétation de la Commission. J'ai quelques recommandations dans mon mémoire. Je serais heureux d'en parler. Je pense que la révision de l'article 30.71 permettrait au Canada et à ses chefs de file en matière de technologie d'être mieux placés face aux futures technologies, que nous ne connaissons pas encore. Pour être franc, je ne peux pas deviner ce qu'elles seront et je suis pas mal certain que la plupart d'entre vous ne le peuvent pas plus.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs les députés. C'est moi aussi la troisième fois que je suis ici cette semaine. Comme l'a dit un ancien premier ministre, c'est un tour du chapeau.
Je ne vais pas répéter ce que j'ai dit au comité sénatorial des banques et hier au comité du patrimoine, mise à part une chose que j'ai mentionnée hier.
J'ai dit qu'il n'y a pas d'« écart de valeur » dans le système de droit d'auteur. Il y a toutefois de graves « écarts de valeur », comme je les appelle, dans les fausses nouvelles qui circulent ces jours-ci au sujet de la propriété intellectuelle en général et de la révision de la législation canadienne sur le droit d'auteur en particulier.
Je vais parler aujourd'hui de quelques autres problèmes et en signaler quelques-uns dont je parlerai plus en détail dans le mémoire que je vais présenter le 10 décembre ou plus tôt cette année.
Aujourd'hui, nous devons d'abord préciser que ce ne sont pas tous les utilisateurs qui sont assujettis aux tarifs de la Commission du droit d'auteur. Ce qui saute aux yeux — et c'est la deuxième chose aujourd'hui —, c'est la question de savoir si les tarifs sont obligatoires. Ce n'est pas le cas. C'est ce que j'ai fait valoir avec succès à la Cour suprême du Canada il y a trois ans, mais la majorité des instances du droit d'auteur au Canada de nos jours refuse de reconnaître cette décision ou s'y oppose activement.
Un tarif qui établit le maximum à payer pour un billet de train entre Ottawa et Toronto ne pose aucun problème. Nous avions ce genre de tarifs avant la déréglementation, mais les passagers étaient toujours libres de prendre l'avion, l'autobus, leur propre voiture, une limousine, leur bicyclette ou les autres moyens légaux et probablement non réglementés.
Le choix et la concurrence sont essentiels non seulement pour les utilisateurs, mais aussi pour les créateurs. L'entreprise Access Copyright demande beaucoup trop d'argent aux éducateurs pour bien trop peu, et elle ne paye vraiment pas assez ses créateurs. En fait, ils ne reçoivent en moyenne que 190 $ de l'entreprise proprement dite et de leur portion des éditeurs.
Le litige qui oppose actuellement Access Copyright et l'Université York est intense et se trouve actuellement à l'étape de l'appel, et la Cour fédérale doit trancher un autre litige impliquant des commissions scolaires. Malheureusement, au tribunal de première instance, l'Université York n'a pas réussi à régler la question de savoir si les tarifs approuvés définitifs sont obligatoires.
Espérons que la Cour d'appel fédérale et, au besoin, la Cour suprême feront les choses correctement le moment venu, mais nous ne pouvons pas en être certains. La partie adverse exerce d'énormes pressions sur vous dans ce dossier, notamment au moyen de propositions sournoises et malhonnêtes comme l'imposition d'un régime de dommages-intérêts minimaux d'origine législative qui prévoit de 3 à 10 fois le montant, en faisant valoir de façon totalement inappropriée une symétrie avec le régime de la SOCAN, qui est ainsi pour de bonnes raisons qui remontent à plus de 80 années, mais qui serait tout à fait inapproprié pour des tarifs autres que ceux du régime de droit d'exécution. En fait, M. Hayes a signalé des problèmes même dans le régime de la SOCAN.
Je vous exhorte, pour accroître la certitude — comme se plaisent à le dire les avocats et les rédacteurs législatifs —, à codifier et à éclaircir ce que la Cour suprême a statué en 2015, ce qui correspond aussi à d'autres décisions de la Cour suprême et d'autres instances qui remontent à des dizaines d'années, à savoir que les tarifs de la Commission du droit d'auteur sont obligatoires pour les sociétés de gestion, mais pas pour les utilisateurs, qui demeurent libres de choisir la meilleure façon pour eux de satisfaire en toute légalité leurs besoins en la matière.
Le deuxième point que je veux faire valoir aujourd'hui, c'est que nous devons garder les fins prévues à l'article 29 pour l'utilisation équitable et ajouter les mots « telles que ». La Cour suprême du Canada a déjà ajouté le concept de l'éducation dans l'utilisation équitable avant l'entrée en vigueur des modifications de 2012. Les États-Unis autorisent une utilisation équitable « à des fins telles que » — et je mets l'accent sur ces mots — la critique, la formulation de commentaires, les reportages, l'enseignement, y compris en effectuant de multiples copies qui seront utilisées dans les salles de classe.
Je vous exhorte à ne pas tomber dans le piège en supprimant le mot « éducation » de l'article 29 et à plutôt ajouter ces deux petits mots, « telles que », comme l'ont fait nos collègues et voisins américains il y a 42 ans.
Le troisième point que je veux faire valoir aujourd'hui, c'est que nous devons nous assurer que les droits relatifs à l'utilisation équitable ne peuvent pas être bafoués à l'aide d'un contrat. En 1986, la Cour suprême du Canada, dans une affaire importante, mais peu connue, a statué que les consommateurs ne peuvent pas perdre leurs droits statutaires en concluant un contrat ou en y renonçant lorsque, par exemple, on en vient au droit de chaque personne de rembourser son hypothèque tous les cinq ans. Nous devons préciser et codifier un principe similaire voulant que les droits relatifs à l'utilisation équitable et d'autres exceptions et droits importants des utilisateurs puissent être perdus en signant un contrat ou en y renonçant.
Quatrièmement, nous devons explicitement prendre des mesures techniques de protection — des dispositions soumises à l'utilisation équitable. Nous devons préciser que les droits des utilisateurs relativement à l'utilisation équitable s'appliquent au contournement des mesures techniques de protection, au moins pour ce qui est des fins prévues à l'article 29 pour l'utilisation équitable, et d'un grand nombre, voire la totalité des autres exceptions prévues dans la loi s'il y a lieu.
Cinquièmement, nous avons besoin de mesures d'atténuation pour le pays. Mon collègue, Jeremy, a commencé à utiliser le mot « atténuation » après la conclusion de l'AEUMC, et il a soulevé de bons points. Nous devons atténuer les dommages causés par la prolongation de la durée du droit d'auteur sous le gouvernement Harper, qui l'avait profondément enfoui dans un projet de loi omnibus d'exécution du budget — avez-vous entendu parler de ces projets de loi dernièrement? — et par le gouvernement actuel dans l'AEUMC. Ces concessions pourraient coûter au Canada des centaines de millions de dollars par année, et pire encore maintenant, elles doivent être accordées à l'Union européenne et à tous nos autres partenaires de l'Accord sur les ADPIC de l'OMC compte tenu des principes de la nation la plus favorisée et du traitement national auxquels le Canada doit rester fidèle. Une petite mesure d'atténuation pourrait être l'imposition d'exigences et de droits de renouvellement pour ces années supplémentaires de protection qui ne sont pas exigées par la Convention de Berne.
Sixièmement, nous devons examiner attentivement les problèmes d'application de la loi. Je sais que vous subissez d'énormes pressions de la part de lobbyistes et d'avocats bien financés, puissants et énergiques qui font obstacle sur place. Je ne suis pas convaincu que nous avons besoin de nouvelles mesures législatives dans ce dossier, mais j'examine la question de près et je vais peut-être écrire davantage à ce sujet. Entre-temps, vous devriez examiner les dispositions actuelles, pas les dispositions proposées à l'article 115A de la loi australienne sur le droit d'auteur, ainsi que la jurisprudence britannique.
Nous devrions peut-être aussi nous attaquer à la question des litiges de masse contre des milliers de Canadiens ordinaires qui sont associés à une adresse ayant fait l'objet d'un avis aux termes de l'alinéa 41.26(1)a) et qui auraient violé le droit d'auteur d'un film qui aurait pu être regardé en continu ou téléchargé pour quelques dollars. Cette infraction ne s'apparente pas à une contravention de stationnement. Ce sont des efforts systématiques pour soutirer des milliers de dollars au moyen de prétendues ententes avec des détenteurs de compte Internet terrifiés qui n'avaient peut-être jamais entendu parler de BitTorrent avant de recevoir par la poste une lettre recommandée redoutée. Ces efforts pourraient porter des fruits dans bien des cas puisque l'accès à la justice est difficile dans ces circonstances. Si le gouvernement pouvait seulement faire son travail en ce qui a trait aux avis et à la réglementation connexe, ce serait un bon début.
Septièmement, nous devons abroger le régime de redevances sur les supports vierges. Nous devons effectivement nous débarrasser du régime fantôme de redevances à la partie VIII de la Loi sur le droit d'auteur et ne plus écouter les trois grandes maisons de disques multinationales qui imaginent de nouvelles sortes de taxes visant les appareils numériques, les fournisseurs de services Internet, les internautes, le nuage et peu importe ce qui paraît lucratif. Même les États-Unis ne s'adonnent pas à des élucubrations fantaisistes du genre.
J'arrive maintenant à mon dernier point.
Nous devons mettre fin au rituel de l'examen quinquennal. Je ne suis pas toujours d'accord avec Jeremy, certainement pas en ce qui a trait à certains aspects de cette étude concernant la Commission du droit d'auteur, mais je suis certainement du même avis que lui à ce sujet. Nous avons effectué deux grandes et deux moyennes révisions de la Loi sur le droit d'auteur au Canada au cours des 100 dernières années, au cours du dernier siècle seulement, et nous en avons fait quelques-unes qui étaient plus ciblées pendant la même période.
Il est inutile d'examiner périodiquement la politique sur le droit d'auteur. C'est lucratif pour les lobbyistes et les avocats, mais une perte de temps pour les autres, y compris le Parlement, et c'est important à retenir. Il est habituellement dangereux de réagir automatiquement et prématurément à une nouvelle technologie. Si nous avions écouté les pleurnichages de l'industrie cinématographique au début des années 1980, le magnétoscope à cassettes serait devenu illégal, et le Hollywood que nous connaissons aurait commis un suicide économique. Comment oublier, du moins pour ceux d'entre nous qui ont un certain âge, les célèbres paroles d'un lobbyiste de l'industrie cinématographique, Jack Valenti, qui a dit que le magnétoscope était pour l'industrie du divertissement ce que l'étrangleur de Boston était pour une femme seule.
Certaines questions peuvent être abordées au besoin, comme le font la plupart des autres pays dans le domaine du droit d'auteur.
Je vous remercie de votre patience, et je suis impatient de répondre à vos questions.
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Oui, je suis profondément en désaccord avec le professeur Boyer à ce propos. L'utilisation équitable, c'est la protection des droits des utilisateurs. La Cour suprême du Canada l'a dit avec beaucoup d'éloquence en 2004, dans l'affaire CCH, qui a fait couler beaucoup d'encre. Ce sont des droits des utilisateurs tout comme le droit d'être payé et le droit du créateur. Les deux sont égaux et il y a un équilibre entre les deux.
M. Boyer a tort lorsqu'il évalue à 40 millions de dollars les coûts de l'exception relative à la carte SD. J'ai joué une très grande partie, peut-être la principale, dans la prise du règlement qui y a donné naissance. Donnez-moi une bonne raison, monsieur Boyer, pour laquelle la carte SD de mon téléphone, qui me permet de prendre des photos de mon chat et de mon petit-fils, devrait être taxée? Pourquoi cet argent devrait-il aller à Access Copyright ou à un quelconque autre collectif? Cela n'a aucun sens.
Vous avez également mentionné un problème relatif à la prolongation de la durée de la protection. Je vais vous donner un excellent exemple actuel de raison pour laquelle il est si important de rendre le domaine public le plus vaste possible. Il y a aux États-Unis un président qui inquiète tout le monde pour toutes sortes de choses, et je ne veux même pas dire son nom. Soudainement, un certain livre de George Orwell, 1984, a regagné en popularité pour des raisons évidentes. Ce livre est du domaine public depuis longtemps au Canada, mais les Américains doivent payer 30 $ ou je ne sais combien pour l'acquérir, et ils sont de moins en moins nombreux à le faire.
Il est très important d'obtenir l'accès au domaine public le plus vite possible. Même s'il ne s'agit pas d'un ouvrage populaire comme 1984, si on le surprotège par le droit d'auteur, il deviendra de plus en plus difficile pour les étudiants, les enseignants et les chercheurs de mettre la main dessus. Cela fera augmenter l'incertitude. Il y aura une épée de Damoclès qui planera. L'oeuvre entrera dans la catégorie redoutée de ce qu'on appelle les « oeuvres orphelines », celle des oeuvres qui sont frappées du droit d'auteur, mais dont on ne sait pas qui en est le bénéficiaire et où le trouver. Les oeuvres doivent intégrer le domaine public le plus vite possible. C'est la raison pour laquelle je recommande l'imposition de formalités pour les 20 dernières années.
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Il y a une vieille chanson. Je ne tenterai pas de la chanter. Elle dit que les choses fondamentales s'appliquent au fil du temps. C'est dans le film
Casablanca. Certaines choses ne changent tout simplement pas, même depuis l'adoption de la première loi sur le droit d'auteur, en 1709. Certains principes ne changent pas beaucoup, et ils ne changent assurément pas très rapidement.
Comme je l'ai dit, c'est une très mauvaise idée d'aller trop vite pour se montrer intelligent et branché. Si l'on avait écouté Jack Valenti, si les gens de sa propre industrie l'avaient écouté, le Hollywood que nous connaissons n'existerait peut-être plus.
Réagir rapidement à l'égard de la technologie est une grosse erreur, car ces choses ne changent pas vraiment. Les détails changent et le marché démêle les choses. La meilleure loi sur le droit d'auteur que le monde n'ait jamais connue c'est celle qu'a adoptée le Royaume-Uni en 1911. Elle était très brève et générale et vraiment simple. Dieu merci, le Canada en a toujours l'ossature. Le Royaume-Uni s'emballe concernant les détails, et les juges détestent cela. Tout le monde déteste cela, car on agit trop rapidement, trop souvent.
Travailler à cette affaire sur le magnétoscope est la première chose que j'ai faite lorsque je me suis joint au gouvernement à titre d'analyste en 1983. J'ai écrit un article afin d'expliquer les raisons pour lesquelles nous n'avons pas besoin d'adopter des mesures législatives.
Je vais vous donner un autre exemple. En 1997, je crois — c'était peut-être en 1988; non, c'était probablement en 1997 —, un sage bureaucrate de Patrimoine Canada a ajouté une exception dans la Loi sur le droit d'auteur, soit l'exception du tableau blanc. Elle prévoyait qu'il était acceptable qu'un enseignant écrive sur tableau avec une craie ou un marqueur pourvu que ce qu'il a écrit soit effacé avec un instrument sec. J'ai écrit un article sarcastique dans le journal, et le dessinateur a dessiné un concierge en train d'utiliser une brosse mouillée. La question était de savoir si cela contrevenait à la loi. Heureusement, on s'est débarrassé de cette exception franchement stupide, mais cela montre à quel point malgré leurs bonnes intentions, les gens peuvent s'attarder à des détails, ce qui est tout à fait contre-productif.
Encore une fois, j'appuie volontiers Jeremy là-dessus. J'essayais de trouver la citation — c'était Winston Churchill ou quelqu'un d'autre. Un fonctionnaire est venu lui dire qu'il y avait une crise terrible et qu'il devait lui parler immédiatement. Churchill a dit que s'il y avait toujours une crise le lendemain, il pouvait alors revenir pour en discuter.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais également remercier nos témoins.
Depuis le début de cette étude, les créateurs canadiens ont présenté plusieurs propositions — ou des modifications, si vous préférez — qui leur procureraient un avantage direct. J'aimerais avoir votre avis sur certaines des propositions que nous avons reçues. Je parlerai d'abord de la première, c'est-à-dire le droit de revente lié aux oeuvres artistiques visuelles, qui permet aux créateurs de percevoir un pourcentage sur chaque vente subséquente, c'est-à-dire que le peintre reçoit ce pourcentage lorsque l'oeuvre est vendue et revendue. Deuxièmement, on propose d'accorder les premiers droits de propriété des oeuvres cinématographiques aux directeurs et aux scénaristes, plutôt qu'aux producteurs — je crois que quelqu'un a abordé ce point brièvement. Ensuite, il y a le droit réversif, qui retournerait le droit d'auteur d'une oeuvre à son artiste après une période déterminée, peu importe les contrats qui affirment le contraire. Enfin, une autre proposition consiste à accorder aux journalistes un droit de rémunération lorsque leurs écrits sont utilisés sur des plateformes numériques tels les regroupeurs de nouvelles. Lors de notre dernière séance, nous avons entendu les commentaires des représentants de Facebook à cet égard.
Appuieriez-vous ces idées? Pensez-vous qu'elles profiteraient plus aux créateurs qu'aux titulaires de droits en général? Quelles pourraient être les conséquences inattendues de ces suggestions?
Il y a quatre propositions, et j'ai seulement cinq minutes. Jeremy, Mark et Howard, vous pourriez peut-être aborder chacun une proposition.
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Je ne sais pas combien de temps j'ai à ma disposition, mais je peux tenter de vous répondre en 30 secondes.
Spotify et la radio commerciale sont deux technologies complètement différentes, et leurs façons de calculer les droits sur la musique sont très différentes.
L'une des raisons pour lesquelles les artistes canadiens sont mal compensés pour la diffusion en continu, c'est que la Commission du droit d'auteur du Canada s'est basée sur la radio commerciale et un équivalent par écoute de la radio commerciale, faisant une estimation du nombre d'auditeurs, et ainsi de suite. Comme la détermination des droits de la radio commerciale n'est pas concurrentielle, à mon avis, ceux-ci ne satisfont pas au principe d'une rémunération de marché concurrentiel.
Évidemment, tout cela a été transféré au dossier de la musique en continu et a aussi nui aux auteurs compositeurs interprètes.
J'ai mentionné qu'il faudrait éviter cette détermination des droits en séquences, où les décisions précédentes conditionnent les décisions actuelles. Dans le cas de la musique en continu, la Commission du droit d'auteur du Canada est tombée dans ce piège, au détriment des auteurs-compositeurs-interprètes.
Je ne peux pas en dire davantage, puisque le président m'indique de m'arrêter.