Passer au contenu

INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 114 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 11 mai 2018

[Enregistrement électronique]

(1405)

[Traduction]

     Bienvenue à tous à Vancouver la magnifique, sous le soleil. Il s’agit de la 114e séance du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie. Nous poursuivons notre étude de l’examen législatif quinquennal de la Loi sur le droit d’auteur.
    Nous recevons des témoins depuis quelques semaines déjà. Cette semaine, nous avons fait un voyage de cinq jours à Halifax, Montréal, Toronto, Winnipeg et Vancouver. Ce voyage a été d’une valeur inestimable, parce que nous avons rencontré un groupe très diversifié de personnes qui nous ont donné beaucoup d’information à examiner à mesure que nous progresserons.
    Si vous avez suivi les délibérations, nous avons divisé nos travaux en sections. Chaque section vise à nous aider à bâtir nos propres renseignements et connaissances sur le droit d’auteur. Nous allons rencontrer des auteurs, ainsi que des représentants de la radio, de la télévision et de l’édition. Ces rencontres ont été très instructives jusqu'ici.
    Nous sommes bien sûr soutenus par notre merveilleux personnel. Comme nous avons des interprètes avec nous, nous vous demandons de ne pas parler trop vite. Tout ce qui a été dit aujourd’hui sera enregistré et traduit.
    Notre greffier nous garde sur la bonne voie, et deux de nos trois analystes sont avec nous aujourd’hui. Ce sont nos analystes qui vont prendre toute cette information et nous aider en rédigeant des notes d’information et en nous donnant de l’information de base et, au bout du compte, ils nous aideront à rédiger nos rapports et nos recommandations. Nous comptons sur nos merveilleux analystes pour tout cela. Nous avons aussi d’autres employés de soutien ici.
    Merci beaucoup à tous.
    Nous accueillons aujourd’hui Susan Parker, bibliothécaire de la University of British Columbia, l'UBC. Christine Middlemass, présidente de la British Columbia Law Association.
     En fait, c’est la British Columbia Library Association.
    Je pense que certains avocats pourraient être mécontents.
    Ai-je dit « Law Association »? La semaine a été longue.
    Nous recevons aussi Rowland Lorimer, trésorier de l’Association canadienne des revues savantes, et Kim Nayyer, présidente du Comité sur les droits d’auteur de l’Association canadienne des bibliothèques de droit.
    Vous disposerez chacun de cinq à sept minutes, si vous en avez besoin, pour présenter votre exposé. Lorsque nous aurons terminé, nous passerons aux questions.
    Nous allons commencer par la représentante de l'Université de la Colombie-Britannique, Susan Parker. Vous avez jusqu'à sept minutes.
    Je m’appelle Susan Parker et je suis bibliothécaire universitaire à l'Université de la Colombie-Britannique, l'UBC. Je tiens à vous remercier tous de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. Je suis accompagnée aujourd’hui d’Allan Bell, bibliothécaire universitaire associé, Programmes et services numériques à l'UBC; et Michael Serebriakov, conseiller juridique au Bureau du conseiller juridique de l’université.
    L'UBC est un centre mondial de recherche et d’enseignement, classée systématiquement parmi les 20 meilleures universités publiques au monde. Nous sommes des auteurs et des éditeurs canadiens qui publient des documents par l’entremise de UBC Press et d’autres publications. La bibliothèque de l’UBC est la plus grande bibliothèque universitaire de la province et l’une des deux plus grandes dans l’Ouest canadien. En 2017, notre budget total d’acquisitions était de près de 17 millions de dollars. Cela représente 17 millions de dollars dépensés chaque année pour l’achat et l’octroi de licences de contenu canadien et international dans divers formats, des imprimés, qui représentent environ 20 % du total, aux divers types de contenu numérique qui constituent les 80 % restants.
    Je suis ici pour rappeler le message suivant:
    Nous nous efforçons de rémunérer équitablement les créateurs de contenu et leurs éditeurs pour favoriser et appuyer la création des meilleures ressources pour nos étudiants et nos professeurs afin qu’ils puissent atteindre l’excellence en matière d’apprentissage, de recherche, d’engagement, de promotion de la citoyenneté mondiale et de promotion d’une société durable et juste. Ces ressources sont de plus en plus numériques, et elles offrent des caractéristiques éducatives améliorées comme un contenu bonifié, des outils de collaboration intégrés et un accès jour et nuit, 7 jours sur 7.
    Avec la croissance inexorable de l’industrie numérique, les éditeurs de contenu papier voient leur industrie s’éroder. La tendance internationale est claire. Les ressources documentaires ne peuvent pas concurrencer le numérique, et ce, indépendamment de l’utilisation équitable ou de la confirmation par la Cour suprême, en 2012, que l’utilisation équitable pour les études privées s’applique au contexte éducatif. Même avant 2012, l’UBC achetait de moins en moins de ressources en papier. Nos professeurs distribuent moins de copies papier et produisent moins de documents de cours sur papier, et nos étudiants exigent davantage de contenu numérique.
    La situation désespérée des auteurs et des éditeurs canadiens est bien réelle. Puisque bon nombre des créateurs de contenu les plus prolifiques sont membres de notre propre académie, nous sommes conscients de l’importance d’un système de droit d’auteur qui favorise la diffusion du contenu dans l’intérêt de la société et qui crée simultanément les bons incitatifs pour les créateurs. Éliminer ou restreindre les droits des utilisateurs, ou imposer des dommages-intérêts légaux extrêmement onéreux en cas de violation, ne renversera pas la révolution numérique et ne rétablira pas la viabilité du modèle d’affaires des éditeurs de contenu papier et de leurs organismes collectifs.
    Cette mesure aura toutefois plusieurs effets. Elle fera augmenter les coûts d’un format déjà de plus en plus désuet, ce qui ne fera qu’accélérer la transition vers le matériel didactique numérique. Elle nuira aux auteurs et aux éditeurs qui, eux aussi, exercent largement leurs droits d’utilisation. Elle aura probablement des conséquences imprévues dans la sphère numérique où les droits des utilisateurs constituent un contrepoids nécessaire aux formes d’utilisation restreintes qui sont imposées aux utilisateurs, y compris un verrou numérique qui pourrait menacer de maintenir tout le contenu derrière un portail payant, et les pouvoirs de négociation indus que les dommages-intérêts préétablis accorderont aux sociétés de gestion collective.
    L’Université de la Colombie-Britannique demande que le Parlement reporte toute mesure relative aux droits des utilisateurs. Plusieurs décisions importantes de la cour et de la Commission du droit d’auteur devraient être rendues dès maintenant. Le marché est déjà en train de développer ses propres solutions axées sur le marché à ce qui peut sembler être un problème insoluble. Par exemple, des ententes d’abonnement à grande échelle sont lancées, comme celles qui ont revitalisé les industries de la musique et de la télévision. Le Parlement doit plutôt saisir cette occasion pour appuyer un domaine public solide. Le domaine public désigne l’ensemble des oeuvres pour lesquelles l’auteur a renoncé au droit d’auteur ou les oeuvres relativement auxquelles la durée du droit d’auteur est échue. Actuellement, la durée du droit d’auteur correspond à la durée de vie de l’auteur, à laquelle on ajoute 50 ans. Pour mettre les choses en perspective, une oeuvre publiée lorsque son auteur a 30 ans, si l'auteur vit jusqu’à 90 ans, est protégée par le droit d’auteur pendant 110 ans après sa création. C’est amplement suffisant pour permettre à l’auteur, aux héritiers et à l’éditeur de profiter de l’oeuvre.
     De façon réaliste, bien sûr, la plupart des oeuvres protégées par le droit d’auteur ont peu ou pas de valeur commerciale — ce témoignage, par exemple — ou leur valeur commerciale s'épuise assez rapidement. Pour appuyer un domaine public solide, nous exhortons le Parlement à d’abord rejeter les appels à prolonger la durée du droit d’auteur de 20 ans, et à ensuite élaborer un moyen par lequel les bibliothèques et les archives peuvent habiliter les chercheurs, les éducateurs et le public à utiliser et à diffuser ce qu’on appelle les œuvres orphelines.
(1410)
     Les oeuvres orphelines sont des oeuvres protégées par un droit d’auteur dont le titulaire actuel est inconnu ou ne peut être retrouvé, dont l’auteur est décédé ou dont l’éditeur d'origine est disparu, et relativement auxquelles on ne sait pas qui détient les droits. Il y a un débat sur la façon de s'attaquer à ce problème, et je demande au Comité de tenir un débat et d’agir.
    Les bibliothèques du Canada regorgent d’œuvres importantes qui témoignent de la richesse et de la diversité de la culture et du savoir canadiens. Le Parlement a le pouvoir de créer un système qui permet aux Canadiens de profiter équitablement et respectueusement d’une riche source de contenu canadien.
    En terminant, je vous demande de garder un œil sur l’horizon et de vous assurer que, quoi que vous fassiez, vous facilitez le progrès et l’innovation plutôt que de chercher à renforcer une industrie ou un format particulier. Le monde a changé. Nous ne pouvons pas revenir en arrière.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Christine Middlemass, de la British Columbia Library Association. Vous avez sept minutes.
     Bonjour, et merci de me permettre de m’adresser à vous cet après-midi.
    Je m’appelle Christine Middlemass. Je suis la nouvelle présidente de la British Columbia Library Association, la voix des bibliothèques de la Colombie-Britannique. Je suis accompagnée de Donald Taylor, notre représentant du droit d’auteur à l'Association et agent du droit d’auteur à l’Université Simon Fraser.
    Les bibliothèques jouent un rôle clé dans l’utilisation, la diffusion et la création d’oeuvres protégées par le droit d’auteur. Nous habilitons les Canadiens dans leur quête de l’apprentissage continu, de la recherche et de l’innovation en préservant le savoir et en offrant un accès équitable à l’information. La Loi sur le droit d’auteur et ses exceptions sous-tendent également notre mission. Les bibliothèques appuient les créateurs canadiens en achetant et en faisant la promotion de leurs oeuvres et en leur fournissant des services et des ressources d’information pour leur utilisation dans la création de leurs nouvelles oeuvres.
    L'Association remercie le Canada d’avoir maintenu la durée du droit d’auteur à la durée de vie de l'auteur plus 50 ans. L'Association est également d’accord avec les dispositions relatives à l’utilisation équitable et avec les exceptions en matière d’éducation prévues dans la loi, ainsi qu'avec l’exception de 2012 concernant le contenu non commercial généré par l’utilisateur.
    De la maternelle au postsecondaire, les bibliothèques sont au coeur de l’éducation, tout comme les bibliothèques publiques, grâce à leurs collections, à leurs programmes d’alphabétisation, à la diffusion de connaissance aux nouveaux immigrants et à une vaste gamme de programmes communautaires, des clubs de lecture aux programmes autochtones.
    Tous les utilisateurs des bibliothèques dépendent des exceptions prévues dans la Loi sur le droit d’auteur. Par exemple, l’utilisation équitable à des fins d’éducation ou de recherche permet aux formateurs, aux parents, aux usagers et au personnel des bibliothèques de faire des copies à des fins de recherche et d’éducation et permet aux bibliothèques d’envoyer des articles et d’autres courts extraits aux utilisateurs de bibliothèques moins bien dotées dans le cadre de prêts entre bibliothèques. Ces activités enrichissent la société et font de l’éducation et de l’apprentissage continu une réalité pour tous les Canadiens.
    Bon nombre de bibliothèques d'établissements postsecondaires et de grandes bibliothèques publiques urbaines de la Colombie-Britannique sont dotées d'ateliers de création. La disposition actuelle de la Loi sur le droit d’auteur concernant l’utilisation équitable du contenu non commercial généré par les utilisateurs permet aux utilisateurs de bibliothèques d’expérimenter et d’innover dans ces ateliers. La perte de ces dispositions limitera leur créativité.
    Les bibliothèques de la Colombie-Britannique investissent massivement dans les collections pour leurs clients. En 2016, environ 29 millions de dollars ont été dépensés à l'échelle de la Colombie-Britannique pour les collections, tant matérielles que numériques. Il est certain que les principales augmentations ont touché nos collections numériques.
    Contrairement aux documents imprimés, les oeuvres numériques, comme les livres électroniques et les ouvrages de référence en ligne, sont régies par des licences, et toutes leurs utilisations, y compris la reproduction, sont régies par ces licences. Cela signifie souvent que les clauses d’un contrat l’emportent sur les droits prévus par la Loi sur le droit d’auteur. Les bibliothèques peuvent ne pas être autorisées par la licence à prêter à une autre bibliothèque dans le cadre de prêts entre bibliothèques, et les utilisateurs de la bibliothèque peuvent ne pas être autorisés à faire imprimer les pages. Comme ces restrictions constituent des obstacles à l’éducation, à la recherche et à l’apprentissage continu pour nos clients, l'Association aimerait que la Loi sur le droit d’auteur stipule que les contrats ne peuvent pas avoir préséance sur les exceptions prévues dans la loi.
    L'on recourt également à des mesures techniques de protection pour limiter l’utilisation équitable et d’autres droits garantis par la loi relativement aux ressources numériques sous licence de bibliothèque. Afin que les bibliothèques et les usagers des bibliothèques puissent exercer leurs droits en vertu de la Loi sur le droit d’auteur, l'Association recommande que la loi soit modifiée pour exempter l’utilisation équitable et d’autres exceptions de l’interdiction de contourner les mesures techniques de protection.
(1415)
    La numérisation et la mise à la disposition du grand public de documents historiques, comme des photographies, des cartes postales et des affiches, ont de nombreuses répercussions sur le droit d’auteur pour les bibliothèques de la Colombie-Britannique. Le statut incertain des oeuvres orphelines en matière de droit d’auteur, le fait que le régime des titulaires de droits d’auteur non repérables ne s’applique qu’aux oeuvres publiées et la difficulté extrême de retracer une multitude de titulaires de droits d’auteur empêchent les institutions culturelles de numériser des oeuvres historiques d’une valeur culturelle et historique importante pour les collectivités canadiennes. En conséquence, l'Association recommande que la Loi sur le droit d’auteur soit modifiée de façon à préciser clairement que les bibliothèques, les archives et les musées ne sont tenus de retirer du matériel que s’ils enfreignent le droit d’auteur lorsqu’ils ont des motifs raisonnables de croire que leur utilisation de l’oeuvre protégée par le droit d’auteur a été faite à des fins d’utilisation équitable. Ils ne devraient pas être tenus de verser des dommages-intérêts préétablis. Cette modification de la disposition empêcherait les établissements d’enseignement, les bibliothèques, les archives et les musées canadiens d’être poursuivis pour avoir numérisé de bonne foi des œuvres orphelines.
    Selon Statistique Canada, les éditeurs canadiens ont déclaré une marge bénéficiaire de 10,2 % en 2016. Le Canada est également le sixième marché mondial le plus lucratif pour les ventes de musique en continu et les redevances. En plus d’être d’importants acheteurs de contenu canadien, les bibliothèques et les bibliothécaires appuient et participent depuis longtemps à des programmes comme le droit de prêt public pour assurer la vitalité de la culture canadienne. Nous croyons toutefois que la Loi sur le droit d’auteur est un outil inopportun pour subventionner les créateurs canadiens. L'Association préconise plutôt la poursuite de programmes publics et privés, comme le droit de prêt public, afin de favoriser la créativité canadienne et de rémunérer les créateurs à leur juste valeur.
    Nous demandons instamment au Parlement de maintenir les modifications apportées à l’utilisation équitable et les exceptions en matière d’éducation ajoutées en 2012.
    Merci encore de m’avoir permis de témoigner devant le Comité.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à l’Association canadienne des revues savantes. Monsieur Lorimer, vous avez jusqu'à sept minutes.
    Comme le président l’a fait remarquer, je m’appelle Rowland Lorimer. Je suis directeur fondateur du programme de maîtrise professionnelle en édition de l’Université Simon Fraser et trésorier de l’Association canadienne des revues savantes. Je témoigne aujourd'hui au nom de l’Association canadienne des revues savantes, et je vous remercie beaucoup de m'accorder ce privilège.
    Avant de commencer, j’aimerais ajouter que je suis également l’éditeur de huit revues différentes, dont sept sont en ligne et en libre accès. L’une comporte un volet imprimé et un libre accès au niveau requis par les trois organismes subventionnaires.
    Il y a au Canada plus de 630 revues savantes dotées de budgets de plus de 50 000 $ par titre. Cela représente une activité économique d'environ 30 millions de dollars. Environ 10 % du financement provient du Conseil de recherches en sciences humaines. Le reste provient du soutien professionnel et institutionnel et des gains du marché au Canada et à l’étranger.
    La notion de droits des utilisateurs et l’inclusion de l’éducation comme motif d'utilisation équitable sont fondées sur le comportement social des lecteurs individuels. Elles témoignent clairement de l’échange entre lecteurs et facilitent l’utilisation de la technologie moderne de reproduction pour favoriser une étude approfondie. Le principal problème pour les éditeurs de revues canadiennes et la plupart des éditeurs canadiens, c’est que, sur le plan juridique, les administrateurs d'établissements d'enseignement ont confirmé le droit de livrer aux étudiants toutes sortes de contenus, pour la plupart non autorisés, y compris du matériel didactique de base, sans contrepartie pour les auteurs et les éditeurs. De plus, de nombreux établissements d’enseignement exigent que leurs enseignants compilent du contenu qui permet expressément d'éviter le déclenchement des règles d'autoréglementation de la collectivité de l'enseignement au titre de l'indemnisation des auteurs et des éditeurs.
    Ces règles ont été contestées devant la Cour fédérale dans le cadre d’une poursuite intentée par Access Copyright de l’Université York, et elles ont été jugées insuffisantes. La Cour a conclu que la grande majorité du contenu copié n’était pas autorisée. Elle provenait principalement de livres, mais aussi de revues canadiennes non autorisées. D’une certaine façon, donc, les millions de dollars consacrés aux licences n’ont pratiquement rien à voir avec le contenu canadien qui se trouve dans les cahiers de cours imprimés et qui est téléchargé dans les systèmes de gestion de l’apprentissage sans indemnisation. Nous suggérons que le droit des utilisateurs du milieu de l’éducation soit traité comme un droit que les personnes biologiques ont elles-mêmes créé et qu’il ne soit pas possible de l’étendre aux institutions ou à d’autres personnes qui téléchargent et distribuent du contenu en leur nom, ni comme un moyen de diffuser le contenu du cours.
    Dans le domaine de l’édition de revues savantes, la rétribution des auteurs ne constitue pas un problème. Les auteurs profitent d'une série d’avantages au titre de la publication de leurs recherches. Pour les revues savantes, le problème réside dans le fait que les administrateurs du milieu de l’enseignement réduisent les ressources dont les revues canadiennes ont besoin pour maintenir une édition et une distribution efficaces et efficientes de la recherche canadienne dans un contexte sans but lucratif.
    Au Canada, les coûts des revues sont très abordables, en grande partie parce que l’édition de revues canadiennes est dominée par des organismes sans but lucratif. Un exemple assez typique d’une revue par abonnement compte 55 abonnés institutionnels canadiens qui ne paient que 7 000 $ d’abonnement direct à la revue. La revue attire environ 200 000 visionnements d'articles par abonnement. Le coût pour les établissements canadiens est de 3,6 ¢ par visionnement d'article, mais les administrateurs du milieu de l’éducation en veulent plus et en prennent davantage sans indemnisation. Plutôt que d’appuyer le développement des éditeurs de revues canadiennes qui se concentrent principalement sur la diffusion du savoir, les établissements d’enseignement paralysent le secteur qui est le plus en mesure de rendre le savoir accessible de façon abordable.
(1420)
    En résumé, la confirmation des droits d’utilisation par les établissements d’enseignement pour fournir du contenu de cours sans rémunérer les créateurs et les éditeurs affaiblit la production et la communication d'idées. Pour les éditeurs de revues et autres, elle exclut les possibilités de créer des entreprises fondées sur la propriété intellectuelle, un secteur en croissance dans les économies des pays industrialisés. De façon plus générale, elle prive le Canada et les Canadiens d’emplois et de possibilités dans un secteur de l’activité économique s'appuyant sur le droit d’auteur.
    Pour les étudiants, elle érige déjà des obstacles injustes à la production et à la communication de connaissances canadiennes pour le coût d’à peu près une caisse de bière par étudiant.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre la représentante de l’Association canadienne des bibliothèques de droit.
    Kim Nayyer, vous avez jusqu'à sept minutes.
(1425)
    Je m’appelle Kim Nayyer et je représente l’Association canadienne des bibliothèques de droit, l'ACBD. Je tiens à remercier le Comité de son travail minutieux et approfondi dans le cadre de ce processus d’examen législatif. Je suis heureuse d’avoir l’occasion de prendre la parole ici, à Vancouver, et je vous remercie d’avoir entrepris ces audiences régionales.
    Notre association compte 370 professionnels de l’information juridique qui représentent 210 organisations de divers secteurs du milieu juridique. Environ 25 % de nos membres travaillent dans des cabinets d’avocats; 22 % dans des bibliothèques de palais de justice et de barreaux; 21 % dans le secteur universitaire, surtout dans les bibliothèques des facultés de droit; 10 % dans des bibliothèques gouvernementales. Les éditeurs représentent environ 5 % de nos membres, et 12 % de nos membres ont d’autres affiliations. Beaucoup de nos membres sont aussi des auteurs. Je travaille moi-même dans le milieu universitaire. Je suis directrice de la bibliothèque juridique de l’Université de Victoria et bibliothécaire universitaire associée en droit.
    Cet examen revêt beaucoup d'intérêt pour l'ACBD et notre comité, qui a en fait a été établi il y a quelques décennies pour étudier les modifications apportées au droit d’auteur à l'époque. Nos membres travaillent quotidiennement avec du matériel sous licence ou protégé par la Loi sur le droit d’auteur.
    Aujourd’hui, je vais aborder quatre points: les prêts entre bibliothèques, l’utilisation équitable, les dispositions dérogatoires des licences et les droits d’auteur de la Couronne.
    Pour commencer, en ce qui concerne les prêts entre bibliothèques, j’attire votre attention sur le paragraphe 30.2(5.02), qui oblige matériellement les bibliothèques à prendre des « mesures » en vue d’empêcher l'emprunteur de dépasser les limites d'utilisation prévues à cet article. Or, à l'exception de quelques établissements qui ont la technologie voulue, nos membres ne sont pas équipés pour faire respecter les modalités de prêt ou répondre des actes d'emprunteurs qui se produisent à distance. Il nous appartient néanmoins de partager les ressources lorsqu'elles sont nécessaires et lorsque la loi le permet. C'est une fonction fondamentale des bibliothèques et un élément important de l’accès à l’information juridique et, par conséquent, de l’accès à la justice. Nous estimons que l’ajout du mot « raisonnables » après le mot « mesures » répondrait à l’objectif politique et juridique de cet article.
    Vient ensuite l’utilisation équitable, dont je parlerai brièvement. Comme je l’ai dit, l’Association canadienne des bibliothèques de droit compte un large éventail de membres représentatifs de toute la société canadienne, et d’après notre expérience, l’utilisation équitable telle qu’elle existe actuellement fonctionne généralement bien. Les dispositions actuelles sont souples et adaptées. Nous sommes d’avis que l’interprétation de ce qui constitue une utilisation équitable devrait continuer de dépendre du contexte.
    En ce qui concerne les dispositions dérogatoires des licences, nous estimons que la loi devrait stipuler que les conditions des licences n’ont pas préséance sur les activités autrement autorisées par la loi. À l’occasion, certains de nos membres réussissent à renégocier des conditions qui pourraient prévaloir sur ces activités licites, notamment celles portant sur l’utilisation équitable ou les prêts entre bibliothèques. Les licences ont tendance à être opaques et non négociables, et l'usager, souvent peu habitué à utiliser du matériel sous licence, n'a que le loisir de l'accepter avec un clic. En souscrivant à ces contrats, nos membres se retrouvent souvent, accidentellement ou indûment, dans l'impossibilité d'exercer des droits que le Parlement leur a conférés par ailleurs.
    Enfin, j’aimerais parler des droits d’auteur de la Couronne. L’automne dernier, une pétition électronique présentée à la Chambre des communes demandait l’ajout d’un article 12.1 qui stipulerait que les ouvrages visés par l’article 12 ne seraient plus protégés en vertu de cet article une fois qu’ils seraient mis à la disposition du public. Bon nombre de nos membres appuient ce point de vue. Je précise toutefois que je ne peux pas me prononcer au nom de l'association, puisque la question ne lui a pas été officiellement présentée. Je souhaite tout de même vous faire part d'une autre idée au sujet de l’article 12, à savoir qu'on ne saurait parler d'accès à la justice sans que le public ne puisse avoir accès aux lois de toutes les administrations du pays.
(1430)
     Notre étude de l’article 12, des droits d’auteur de la Couronne et des prérogatives royales, ainsi que des origines et des objectifs de la Loi sur le droit d’auteur, nous fait dire qu’une interprétation juste et moderne du droit canadien est que l’article 12, ou tout autre article d'ailleurs, ne peut être considéré comme régissant la loi principale. Il est peut-être temps que la loi précise, à l’article 12 ou ailleurs, que le droit primaire, et particulièrement la jurisprudence, ne saurait être assujetti à la Loi sur le droit d’auteur.
    La Cour de première instance et la Cour suprême du Canada, dans l’affaire CCH c. Barreau du Haut-Canada, ont abordé ce point de façon indirecte, même si la question n’était pas en cause dans cette affaire. Le paragraphe 35 de la décision de la Cour suprême mérite d’être souligné.
    Dans la pratique, nous considérons que cela va de soi, car la reproduction de la loi primaire se fait nécessairement dans le cadre du travail de nos membres et, en fait, dans la vie quotidienne des Canadiens. Nous reproduisons la loi primaire devant les tribunaux. Les tribunaux la reproduisent pour l’exercice de leurs activités. Les bibliothèques et les professeurs de droit doivent reproduire les lois aux fins de l’éducation juridique. Une disposition clairement énoncée permettrait de mener d’autres activités utiles et de faciliter l’accès des Canadiens aux lois qui nous régissent. Nos membres et d’autres pourraient dès lors créer librement des outils et des ressources pour permettre aux Canadiens d’avoir accès à nos propres lois.
    Aux États-Unis, par exemple, si j’ai bien compris, le droit primaire relève expressément du domaine public. La bibliothèque de la Faculté de droit de Harvard a récemment numérisé la totalité de la jurisprudence américaine publiée, en supprimant le contenu exclusif des ouvrages de référence. Elle a mis ce contenu gratuitement à la disposition du public et elle extrait des données de cette jurisprudence numérisée pour préparer de nouveaux exposés d’intérêt juridique.
    Mon association, l'ACBD, propose un ajout à l’article 12 pour confirmer que la jurisprudence, voire les lois proprement dites, ne sont pas des ouvrages au sens de la loi et ne sont donc pas assujetties à ses dispositions, ou que le Parlement déclare tout simplement que les lois et la jurisprudence des diverses administrations du Canada sont du domaine public.
    Merci beaucoup de l’attention que vous porterez à mes observations. Je ferai de mon mieux pour répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer directement aux questions, avec M. Sheehan.
     Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup à nos témoins et à tous ceux qui sont présents ce soir. Je suis ravi de me retrouver dans la région natale du président. Notre comité a pris la route, ce qui nous permet d’entendre le point de vue des gens des diverses parties du pays.
    Ma première question s’adresse au représentant de l’Université de la Colombie-Britannique et rejoint celles que j’ai posées à d’autres universités au sujet des programmes de cours. J’aimerais savoir comment vous appliquez la politique sur le droit d’auteur pour la préparation du matériel pédagogique.
    Nous avons un système. Je demanderais en fait à mon collègue Allan Bell de s’approcher du micro pour en parler.
    Aux fins du compte rendu, veuillez préciser votre nom et votre poste, s’il vous plaît.
     Je m’appelle Allan Bell et je suis bibliothécaire universitaire associé à l’Université de la Colombie-Britannique.
    Nous suivons un processus rigoureux lorsque nous préparons notre matériel pédagogique. Je dois souligner que ce matériel a considérablement diminué, même si nous avons appliqué l’utilisation équitable pour le rendre moins coûteux pour nos étudiants. Au fil des dernières années, les revenus sont passés de 1,32 million à seulement 300 000 $. C’est en train d'arriver dans beaucoup d’universités et certainement dans la nôtre. Nos étudiants exigent plus de contenu numérique et plus d’expériences numériques.
    La vente de photocopies à des jeunes de 19 ans ne fonctionne plus aujourd’hui et fonctionnera encore moins demain.
    Vous pourriez peut-être nous en dire un peu plus sur l’utilisation électronique. Vous avez parlé de la diminution du matériel pédagogique, mais avez-vous des chiffres qui vont dans l’autre sens?
    Certainement.
    J’ai un excellent graphique qui illustre la situation par rapport au nombre d'exemplaires, montrant que le recours à l’impression recule au profit du numérique.
    Pourriez-vous le remettre à nos analystes?
    Pouvez-vous nous donner une brève description du graphique?
    Essentiellement, nous sommes passés de 21 % en 2002 à 82 % en...
    Les chiffres se sont inversés.
    Oui, ils ont complètement changé au fil du temps, de 2002 à aujourd’hui.
    L’autre question, c’est le nombre d'exemplaires. Nos livres sont moins utilisés. En fait, beaucoup sont entreposés dans des installations sécuritaires où ils ne peuvent pas être copiés.
    Pour en revenir au matériel pédagogique, nous finissons par utiliser nos licences de bibliothèque tout en appliquant l’utilisation équitable au matériel et à tout ce que nous sommes autorisés à y inclure.
(1435)
     C’est également là-dedans.
    Oui. J’ai des statistiques à ce sujet de la librairie, si vous voulez que j’en parle un peu plus.
    Oui, ce serait bien d’avoir d’autres statistiques là-dessus.
    C’est dans la lignée des questions que j’ai posées. Comment l’université informe-t-elle, éduque-t-elle et applique-t-elle sa propre politique sur le droit d’auteur? Pour la bibliothèque et divers intervenants, ce sont des politiques très complexes. Nous avons aussi entendu parler d’une affiche accrochée au mur près d’un photocopieur. Pourriez-vous nous décrire cela? Je vous vois hocher la tête. De toute évidence, vous en avez une.
    En effet, nous avons une affiche sur le mur, mais sa raison d'être est plutôt prophylactique que pédagogique, je suppose.
     Les activités de sensibilisation dans nos bibliothèques à l’Université de la Colombie-Britannique offrent une foule de renseignements au sujet de la propriété intellectuelle aux étudiants et aux membres du corps professoral, afin qu'ils sachent à quoi s'en tenir, qu'ils soient les auteurs ou qu'ils utilisent la propriété intellectuelle d'autrui ou des uns et des autres.
     Ces renseignements sont fournis aux étudiants d’une façon et aux membres du corps professoral d’une autre, dans le contexte qui convient dans chaque cas. Les bibliothécaires expliquent clairement aux étudiants ce qui constitue ou non une utilisation équitable au Canada afin qu'ils soient conscients de ce qu’ils font lorsqu’ils négligent de respecter ce principe.
    Nous leur rappelons que la bibliothèque est un exemple d’utilisation équitable et que nous pouvons leur montrer comment s'y prendre, car c'est dans leur propre intérêt. Après tout, ils vont créer leur propre contenu et ils voudront que ce soit traité de la même façon.
     Je dirais que cet apprentissage est régulièrement imparti aux étudiants au fil des années qu'ils passent chez nous et il peut s'appliquer de manière plus concrète à leur domaine de spécialisation à mesure qu’ils progressent dans leurs études.
     Avec les professeurs, c’est un effort continu. On ne les voit pas autant ou aussi souvent, et il nous arrive de devoir repartir à zéro chaque fois. Je crois cependant que notre corps professoral comprend les politiques de la bibliothèque. Nous les expliquons, et nous leur facilitons la tâche en fournissant du personnel pour faire tout le travail nécessaire et les sensibiliser au processus.
    Très bien.
    Monsieur le président, combien de temps...
    Il vous reste une minute et 20 secondes.
    Comme Susan l’a dit, nous utilisons un système de réserve électronique, et notre personnel examine tout le matériel qui s’y trouve. Nos lignes directrices et exigences en matière de droit d’auteur pour l’université doivent être reconnues par des clics des usagers une fois par année et chaque fois qu'elles subissent des modifications. Voilà autre chose que nous avons fait.
     De plus, dans le contexte du système de gestion de l’apprentissage Connect, il y a un modèle de métadonnées moyennant lequel les membres du corps professoral nous disent pourquoi ils pensent pouvoir verser un dossier dans le système de gestion de l’apprentissage.
    Vous avez donc des chiffres associés à...
    Je peux certainement vous donner les chiffres dans le contexte du système de réserve électronique, absolument.
    L’une des questions que je vous pose est de savoir si vous faites un suivi et si vous avez les chiffres. Si vous pouviez nous fournir ces chiffres, ce serait très utile pour brosser un tableau de ce qui se passe à l’Université de la Colombie-Britannique.
    Certainement.
    Ce que nous essayons de faire ici, c’est d’explorer les diverses façons de faire tout en cernant les pratiques exemplaires. C’est ce que nous faisons.
    Nous allons passer à M. Jeneroux.
    Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous d’être ici aujourd’hui.
    Je vais commencer par vous poser des questions sur la politique de libre accès, en commençant par M. Lorimer, puis je vais me concentrer un peu plus sur l’utilisation équitable et Access Copyright, ce qui s’adressera probablement à Mme Parker.
    Monsieur Lorimer, en février 2015, le ministre des Sciences de l’époque, Ed Holder, a présenté une politique sur le libre accès qui exigeait que toutes les publications découlant de recherches financées par les trois Conseils soient librement accessibles au public dans les 12 mois suivant leur publication. Étant donné qu’une grande partie des subventions des trois Conseils est versée aux universités, pouvez-vous nous dire, au nom de votre organisation, si vous avez appuyé ou non cette politique lorsqu’elle a été présentée?
(1440)
    Oui, l’Association canadienne des revues savantes est en faveur de cela tout comme les journalistes canadiens, en général. Je dirais qu'un bon 90 % suivent cette politique et rendent les publications librement accessibles dans les 12 mois. Nous n’avons rien contre.
    Ce qui nous inquiète, c’est que la politique risque d'aller plus loin et nous empêcher de gagner des revenus au Canada ou à l’étranger. Avec le délai de 12 mois prévu, un journal peut tout de même générer des revenus importants.
    Craignez-vous que la période soit plus courte que 12 mois, ou que la politique s’étende à d’autres secteurs?
    Non, nous craignons que le délai soit raccourci à moins de 12 mois.
    Il fonctionne pour les revues scientifiques. Il peut être abrégé pour certaines sciences, mais en sciences sociales et humaines, et je faisais justement des recherches là-dessus, les 20 articles les plus utilisés dans l’une des revues auxquelles je participe ont été publiés entre 1992 et 2009. C’est à l'époque que les revues ont connu leurs plus grands tirages, alors 12 mois, ce n’est pas vraiment beaucoup de protection, et nous comptons sur les bonnes grâces des bibliothèques pour continuer à s'abonner aux publications plus récentes.
    D’accord.
    Mis à part le délai de 12 mois — en gardant le même délai, mais en le prolongeant à l’extérieur des trois Conseils —, seriez-vous en faveur de cette prolongation?
    Voulez-vous dire qu’il faut l’étendre à tout le contenu de toutes les revues?
    Non, je parle de toute la recherche financée à même les deniers publics. Je parle plus concrètement des organismes subventionnaires.
    Oui, nous sommes d’accord, mais à condition que l'on reconnaisse que les revues ajoutent beaucoup de valeur, non seulement sur le plan de l’examen par les pairs, mais aussi grâce à une équipe de rédaction spécialisée et à une mise en page professionnelle. Nous travaillons. Nous ne restons pas assis en espérant recueillir quelques sous pour avoir remanié les choses en ligne.
    Si on reconnaît cela, oui, nous serions en faveur de donner libre accès aux publications financées à même les deniers publics.
    D’accord.
    Vous avez parlé de l'énoncé de position sur les politiques des revues sur le libre accès, en signalant qu’il y a toujours une divergence d’opinions importante entre les membres du Groupe de travail sur l'orientation à suivre à ce chapitre.
    Pourriez-vous nous en dire davantage sur ces différences?
    Excusez-moi, mais de quoi parlez-vous?
    Il s’agit de l'énoncé de position sur les politiques des revues sur le libre accès.
    Le nôtre?
    Oui.
    Je suis désolé, ça ne me vient pas tout de suite...
    L’ACRS a publié un Énoncé de position sur les politiques des revues sur le libre accès, qui recommande notamment que toutes les revues adoptent des politiques permettant l’accès numérique gratuit aux articles.
    Il y a une citation sur une divergence d’opinions importante entre les membres du Groupe de travail sur la façon de poursuivre une transition vers le libre accès.
    Oui, je comprends. Nous faisions essentiellement allusion au fait qu’il existe diverses formules possibles. Dans certains cas, tout le contenu serait immédiatement libre d’accès et ça finirait là. Il y a d’autres revues qui font des recettes considérables et qui vendent leur contenu à des agrégateurs secondaires, qui signent à leur tour des contrats avec des agrégateurs étrangers, des éditeurs secondaires. À toutes fins pratiques, elles prennent leur revenu gagné et l’additionnent à leurs coûts pour rendre l'accès libre le plus tôt possible, tout en s'efforçant de maintenir une présence sur le marché et gagner suffisamment d'argent pour pouvoir offrir une revue de qualité.
    D’accord.
    Dans le même rapport, vous signalez également que le milieu scientifique est peu versé en droit d’auteur. De quel soutien a-t-il besoin pour mieux comprendre le lien entre la recherche, le droit d’auteur et l’édition?
(1445)
    Les gens, les universitaires méconnaissent le sujet. Ils s'imaginent que publier un article dans une revue c'est le rendre public et croient avoir le droit de faire ce qu’il leur chante avec un article qu’ils ont remis à un éditeur qui a des droits d’auteur. Ils pensent effectivement qu’ils peuvent l'afficher sur leurs propres sites Web, dans un établissement ou un dépôt et ainsi de suite.
    Les esprits s'éclairent, mais il y a beaucoup de matériel qui est donné et qui appartient en fait aux éditeurs.
     Oui. D’accord.
    Madame Parker, est-ce que l’Université de la Colombie-Britannique s’est dissociée d’Access Copyright en 2012?
    C’est exact.
    Dès l'entrée en vigueur de la nouvelle loi pratiquement. Vous étiez là en 2012?
    Non, je n’étais pas là. Je suis à l’Université de la Colombie-Britannique depuis moins d’un an.
    Quelqu’un de l’auditoire était peut-être présent.
    J’allais dire que je pourrais demander à Allan Bell de répondre. Il était là à l’époque.
    Allan Bell était là. Parfait.
    Pouvez-vous m’expliquer la décision d’abandonner Access Copyright? J’ai l’impression que vous le faites maintenant vous-mêmes.
    On s'en est séparé en 2011 et on l’a fait en se fondant sur l’analyse du tarif. Le tarif passait à 45 $ et l’indemnité était supprimée. Il comportait beaucoup de surveillance et d’autres aspects auxquels on était opposé. On a travaillé là-dessus avec Universités Canada et ensuite l’AUCC. Quand l’AUCC a eu son contrat-type de licence, on a réexaminé la question et décidé que ce n’était pas non plus dans l’intérêt de notre établissement. La principale raison, c’est que l'on faisait beaucoup moins de photocopies et qu’une licence de reproduction était moins intéressante à ce moment-là.
    C’était une décision audacieuse et difficile — comprenez-moi bien —, mais d'après notre analyse des licences disponibles, continuer à payer une licence de reproduction alors qu'on s'orientait vers la livraison numérique des ressources, aurait été pire pour nous. On faisait beaucoup moins de photocopies. En fait, on achetait un livre, puis une licence de reproduction pour le copier et en plus le matériel numérique. Il y avait beaucoup de chevauchements et de doubles paiements. C’est ce que notre analyse nous a montré.
    Le président va faire son travail et me couper la parole tout de suite, mais je pourrais peut-être poser une brève question et obtenir une réponse rapide.
    Avez-vous actuellement des liens directs ou indirects avec Access Copyright?
    Oui, on a une relation avec eux dans le contexte des trousses de cours. Lorsqu'on a besoin de licences transactionnelles pour des trousses de cours, elles viennent d’Access Copyright.
    Destrousse-Decour est un fournisseur...?
    Non, c’est « des-trousses-de-cours ».
    M. Matt Jeneroux: Oh, d’accord.
    M. Allan Bell: Les trousses de cours imprimées se font rares et vont disparaître.
    Merci.
    Monsieur Jowhari, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Bell, vous voudrez peut-être revenir à la table.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Majid Jowhari: Vous examinez tous les chiffres.
    Tout d’abord, je remercie tous les témoins de leurs exposés. Vos contributions nous ont certainement aidés à nous assurer que notre étude est complète.
    Madame Parker, j’aimerais revenir sur un commentaire que vous avez fait et que M. Bell a repris, je crois, au sujet du fait que Universités Canada, comme nous l’avons entendu dans d’autres témoignages, a dit qu’elle paie plus cher maintenant qu’auparavant pour avoir accès à du matériel protégé par le droit d’auteur. Vous dépensez autour de 17 millions de dollars, avez-vous dit. Dont, 80 % environ pour le matériel numérique et 20 % pour le matériel imprimé.
    Pouvez-vous me donner une idée de l'évolution, à la hausse ou à la baisse, de vos dépenses depuis 2012, au titre de vos achats de licences?
    Depuis 2012?
    M. Majid Jowhari: Oui.
    M. Allan Bell: Nos registres remontent à 2002.
    D’accord. Vous êtes passé de quoi à quoi?
    On comptabilise à part les dépenses pour le matériel électronique et imprimé parce qu’elles sont imposées différemment. On peut vous dire exactement ce qu'on a dépensé — pour les publications électroniques ponctuelles ou périodiques, les monographies et les périodiques imprimés — en termes de dépenses totales.
    Très bien. Pouvez-vous me donner vos totaux de 2002 et vos totaux maintenant?
(1450)
    Il était de 11 947 482 $ pour l’exercice 2002-2003, et de 16 896 011 $ en...
    C’était donc environ 5 millions de dollars sur 15 ans.
    C’est exact.
    D’accord.
    Sur le numérique que vous nous avez montré, c’est inversé à 20 p. 100 et 80 p. 100 de...
    D’accord. Nous achetons du contenu pour appuyer l’enseignement et l’apprentissage à l’UBC et il devient de plus en plus numérique.
    Pouvez-vous nous dire quelle proportion provient des éditeurs canadiens par rapport aux éditeurs internationaux ou non canadiens?
    C’est ce que j’ai essayé de faire, en me fondant sur les questions posées par le passé. On pensait y arriver en utilisant un élément de la notice MARC, mais j’ai besoin d’un peu plus de temps pour cette analyse.
     D’accord.
    Cette perturbation numérique a également touché les bibliothèques, parce que la plupart de nos processus s’appliquaient à une époque où l’information était rare. Maintenant que l’information n’est pas rare à l’ère numérique, tous nos processus ont changé aussi.
    Si j’ai un peu plus de temps avec vos analystes, on peut leur fournir des données à ce sujet.
    Bien sûr. Pouvez-vous également soumettre, si elles vous sont facilement accessibles, les données sur la répartition des dépenses entre les revues académiques et les acquisitions générales? Avez-vous cette ventilation?
    Ce sera plus difficile, mais oui, on peut essayer de le faire aussi.
    D’accord.
    Est-ce que vous ou Mme Parker pouvez nous faire part de votre expérience en matière de libre accès et de développement de ressources éducatives libres à l’UBC?
    On a fait le suivi dans le contexte de la librairie également. Selon leur analyse, environ 500 000 $ de ressources sont désormais en accès libre et ne procurent donc plus de revenu pour la librairie. L’université suit cela sur un site appelé Open UBC. On estime que les étudiants de l’UBC ont économisé de 4,7 millions à environ 6 millions de dollars l’an dernier en adoptant du matériel d’apprentissage ouvert.
    Il y a beaucoup plus de données sur ce site qui pourraient vous intéresser également.
    J’ai un étudiant de première année à l’université. Il a acheté un livre et il avait une trousse de cours. Il utilise aussi beaucoup de matériel en ligne. Je lui ai dit que je faisais une étude sur le droit d’auteur et je lui ai demandé si on lui avait appris à respecter les lois sur le droit d’auteur.
    Comment s'assurer que les étudiants ou les instructeurs, d’ailleurs, lorsqu’ils utilisent leur trousse de cours sur papier ou en format électronique lorsqu’ils font leurs devoirs, etc., n’enfreignent pas les lois sur le droit d’auteur?
    C’est une question difficile, car le piratage n’est généralement pas seulement un problème étudiant ou éducatif. C’est un problème sociétal plus vaste, je pense. Ce sont les gens qui téléchargent Game of Thrones ou qui utilisent un serveur proxy pour essayer d’obtenir divers contenus.
    Avez-vous eu à réprimander un instructeur? Quel a été le processus?
    Tout passe par le bureau des communications savantes et du droit d’auteur. S’il y a quelque chose, je l’envoie au bureau du vice-recteur.
    Comment détecter une infraction commise par un instructeur ou un étudiant?
    Souvent, les gens nous écrivent pour poser des questions et on s'efforce de les aider en disant: « Ce n’est pas comme ça qu'on fait. On fait comme ci ». Les bibliothécaires responsables du droit d’auteur répondent en fait à beaucoup de questions du corps professoral et s'efforcent de les mettre sur la bonne voie.
    Il n’y a donc pas vraiment de système de surveillance. C’est essentiellement l’étudiant ou l’instructeur qui prend l’initiative.
    On peut soutenir que le système d'avis est un système de surveillance. On s'occupe de cela au bureau du droit d’auteur. Lorsque les gens reçoivent un avis, on travaille avec eux. On fait de l’éducation et du soutien. On examine actuellement les ramifications de York par rapport à Access Copyright. Il me semble inévitable que l'on commence à réfléchir aux moyens d'exercer une surveillance proactive plus stricte que par le passé.
    On a essayé d’amener les gens à utiliser nos systèmes de réserve électronique où on fait tout ce travail pour eux afin qu’ils n’aient pas à s’en inquiéter, mais vous avez raison; c’est l’un des domaines où on devra, je crois, faire davantage de surveillance, comme le précisaient les lignes directrices initiales de l’AUCC.
     Madame Nayyer, pouvez-vous m’aider à comprendre en quoi les modalités de collecte des bibliothèques de droit diffèrent de celles des autres bibliothèques sur le plan du format numérique ou du contenu réel?
(1455)
     Là encore, cela varie beaucoup selon le type de bibliothèque. Je travaille dans une bibliothèque de droit universitaire. J’ai oublié de mentionner que je supervise également le bureau du droit d’auteur et des communications savantes. Bon nombre de nos matériels sont sous licence. Pour ce qui est des documents juridiques, c’est très intéressant, parce que lorsqu'on a mis fin à notre accord avec Access Copyright, notre examen a révélé que bon nombre des ressources utilisées dans le programme juridique, la faculté de droit, n’étaient pas vraiment couvertes par le répertoire d’Access Copyright, autrement dit on payait pour des documents et des licences qu'on n’utilisait pas. Par ailleurs, bon nombre des ressources que l'on achète dans les bibliothèques de droit sont aussi du domaine public. Il peut s’agir d'affaires très anciennes ou de lois qu'une province ou le gouvernement fédéral, par exemple, nous autorise à utiliser dans la reproduction de la législation fédérale.
    En général, dans nos achats de ressources sous forme imprimée ou numérique, les ressources imprimées sont principalement des livres canadiens. En fait, on ne crée presque plus de trousses de cours là où je travaille. On se servait surtout de celles qui contiennent des copies d'affaires ou des extraits de jurisprudence. On a aussi un certain nombre de licences électroniques et c’est là que les choses deviennent difficiles pour nous. Certaines des licences qui nous sont présentées nous empêchent en fait de prêter à une autre organisation les quelques pages qui pourraient manquer dans sa version imprimée des mêmes ressources, par exemple. On a aussi des mesures techniques de protection qui sont maintenant intégrées aux ressources numériques elles-mêmes, ce qui en rend l'accès un peu plus difficile pour nous.
    De façon générale, l’Université de Victoria utilise des systèmes semblables à ceux de l’UBC de toute façon, et je peux en parler personnellement, en ce sens qu'on utilise un système de réserve électronique. Notre bibliothécaire en droit d’auteur fait une tournée comme celle que vous faites. Elle se rend dans différentes facultés et donne des séances de formation périodiques et elle élabore également des documents écrits et des lignes directrices. Il y a aussi périodiquement des vérifications aléatoires du système de gestion de l’apprentissage pour s’assurer que ce qui y est affiché correspond à ce qui se trouve dans le système des réserves électroniques et aux lignes directrices sur l’utilisation équitable que nous avons publiées.
    Je crois que mon temps est écoulé.
    Oui et depuis longtemps.
    D’accord, je reviendrai. J’ai une autre question.
    Vous aurez le temps de la lui poser.
    Nous allons passer à M. Lloyd.
    Vous avez sept minutes.
    Merci à tous d’être venus aujourd’hui et de vos excellents exposés.
    Ma première question s’adresse à vous, madame Middlemass.
    Puis-je inviter notre spécialiste du droit d’auteur, Donald Taylor, à prendre place à la table?
    Absolument.
    Je ne veux pas me mettre dans le pétrin.
    Aux fins du compte rendu, veuillez préciser votre nom et votre poste.
    Je m’appelle Donald Taylor. Je suis le représentant du droit d’auteur de la British Columbia Library Association.
    Ma question s’adresse à M. Taylor ou à Mme Middlemass.
    Quelle est votre expérience des mesures techniques de protection, MTP, au niveau de votre établissement? Comment interagissez-vous avec les MTP? Pouvez-vous nous donner des exemples de MTP dans votre domaine?
    Dans les bibliothèques, la version classique des MTP serait les livres électroniques. Contrairement aux revues, la plupart des livres électroniques sont assortis d’un certain type de mesure technique de protection qui, dans certains cas, empêche l’impression ou le téléchargement complet, de sorte qu'on ne peut exercer aucun droit d’utilisation équitable, ni envoyer un chapitre au moyen du prêt entre bibliothèques. On ne peut rien en faire; c’est tout simplement verrouillé. On passe de cela à limiter l’impression ou le téléchargement à 1 ou 5 p. 100.
    Il vous est permis d’imprimer 1 p. 100 ou 5 p. 100?
    Cela dépend du fournisseur du contenu.
    Mais ce n’est pas réglé pour que vous ne puissiez pas imprimer du tout?
    Dans certains cas, on ne peut pas imprimer du tout; on ne peut pas télécharger; on ne peut rien faire.
    Y a-t-il d’autres cas?
    Cela signifie également que l'on aura des bases de données de contenu qui, encore une fois, comportent le même genre de restrictions. C’est tout à fait typique des organismes de normalisation qui cherchent à tout verrouiller.
(1500)
    Une question a été soulevée à maintes reprises, généralement par les bibliothèques. Elles aimeraient avoir la possibilité de passer outre aux contrats si la raison pour laquelle elles souhaitent le faire est couverte par l’exception d'utilisation équitable. Pourquoi ne peut-on pas tout simplement imposer d'emblée dans les contrats le respect de l’utilisation équitable? Pourquoi croyez-vous que le gouvernement devrait vous donner le pouvoir de passer outre à un contrat? La raison pour laquelle on passe des contrats, comme vous le savez, c’est pour être d’accord, pour avoir de la stabilité, établir une norme. Si le gouvernement introduit la possibilité de déroger à un contrat, cela abaisse les normes du marché et crée de l’incertitude, ce que le gouvernement tient à éviter.
    Pouvez-vous me dire pourquoi vous ne pouvez pas le faire dès le début et régler cela dans le contrat? Pourquoi faut-il que le gouvernement ait le pouvoir de passer outre?
    En partie, entre autres, parce qu'on croit que si la Loi sur le droit d’auteur prévoit l'exception d’utilisation équitable, c'est que le gouvernement a jugé que c’était une bonne politique publique. Avoir une licence pour des ressources documentaires qui supprimerait ce droit d’utilisation équitable irait complètement à l’encontre d’une bonne politique publique.
    De plus, il y a un déséquilibre dans les négociations entre les bibliothèques et les fournisseurs. Bien souvent, un vendeur se contente de dire: « À prendre ou à laisser » et la pauvre bibliothèque se trouve dans une situation où les utilisateurs de la collectivité veulent désespérément cette ressource. On finit donc par dire: « Très bien, on prendra ce que vous nous donnez. » Même si on dépense peut-être des millions de dollars par année en ressources, ce n'est pas grand-chose par rapport aux moyens de l’organisation avec laquelle on négocie et elle a toutes sortes d’acheteurs. Il y a donc certainement un marché...
    Les entrepreneurs ne sont donc pas prêts à vous donner...
    C’est ce que je veux dire.
     Il est certain que la première étape consiste à négocier.
    Oui.
    On demande toujours: « Pourrait-on, s’il vous plaît, ajouter un article disant que rien dans cette licence n’a préséance sur la Loi canadienne sur le droit d’auteur? »
    Merci. Je vous remercie de vos observations.
    Ma prochaine question s’adresse à l’Université de la Colombie-Britannique et à Mme Parker.
    Si vous passez au contenu numérique — et cela semble être le consensus général, que vous vous orientez vers le numérique, et les licences transactionnelles —, cela peut sembler une question ridicule, mais pourquoi la protection de l’éducation dans le cadre de l’utilisation équitable est-elle importante, si vous passez au contenu numérique et délaissez le support imprimé? Prenons l’éducation, pourquoi est-ce un problème pour vous, si vous vous orientez déjà vers d’autres domaines?
    Je ne sais pas si c’est nécessairement un problème. Je pense que c’est une assurance qui fait en sorte que quelque chose comme ce qu’on vient de décrire ne devient pas plus normatif en matière de licences.
    À l’heure actuelle, l’utilisation équitable nous aide à négocier des licences qui nous permettent de faire certaines choses avec du contenu. On les intègre à nos systèmes de réserve de cours qui sont entourés de murs pour que seuls les étudiants puissent les utiliser pendant un certain temps, et je pense que c’est un outil vraiment important. Autrement, si on met le système éducatif d’une université sur le marché avec tout le monde, les coûts augmenteront aussi.
    À l’heure actuelle, le marché est un peu tempéré, je crois. Même si l'on consacre beaucoup d’argent à la mise sous licence du matériel, cela n’a rien à voir avec ce qui pourrait se passer si tout le monde était traité de la même façon. C’est peut-être une exception qui nous plairait, parce que ce serait avantageux, mais je pense que c’est aussi une question d’équilibre. Un équilibre, je pense, que les éditeurs et les bibliothèques essaient de maintenir.
    Tout le monde reconnaît que l'inclusion des établissements d'enseignement a fait baisser considérablement les coûts pour les universités, ce qui pourrait être un bien public, selon votre perspective de ce problème.
    Que pensez-vous de la suggestion très intéressante de M. Lorimer de redéfinir l'éducation comme un droit individuel? Si les professeurs veulent avoir accès à des documents protégés par droit d'auteur, c'est très bien. Si les étudiants veulent avoir accès à des documents protégés par droit d'auteur en invoquant l'utilisation équitable, c'est très bien aussi. Mais ce serait limité, en ce sens qu'un établissement ne pourrait produire en masse des documents à des fins d'enseignement. Qu'en pensez-vous?
    Cela dépendrait, pour moi tout au moins, de la façon dont cela serait géré. Bon nombre de nos étudiants n'ont pas nécessairement les moyens de payer les droits d'accès qu'ils pourraient devoir négocier.
    On peut supposer qu'ils n'auraient rien à payer, par contre, puisqu'ils seraient couverts, à titre individuel, par la disposition d'utilisation équitable.
    Oui.
    L'établissement ne pourrait pas produire des documents en masse. Qu'en pensez-vous?
    Je pense que la situation serait alors totalement différente de ce qu'elle est aujourd'hui.
    Aux États-Unis, on en parle de plus en plus. Chaque fois, il y a une question sur l'utilisation équitable. Je pense qu'il y aura de plus en plus d'opinions divergentes sur ce que c'est, et de plus en plus de conflits. Au lieu qu'un établissement d'enseignement essaie de gérer la situation en fonction de notre compréhension et de façon convergente, ce seront tous les acteurs individuels de l'établissement qui tenteront de le faire.
(1505)
    Intéressant.
    Merci.
    Monsieur Sheehan, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, encore une fois, de cette discussion, qui porte à réfléchir.
    Je reviens à Kim.
     Vous avez proposé des changements très précis, et c'est une bonne chose. Nous en avons pris note. J'essaie de comprendre la différence entre la bibliothèque de droit où vous travaillez, votre association, et, mettons, la B.C. Library Association. En quoi la vôtre êtes-vous différents? Qu'y a-t-il exactement de différent dans la Loi sur le droit d'auteur, dans votre perspective, par rapport à une bibliothèque ordinaire?
     Un grand nombre de nos bibliothèques seraient des bibliothèques au sens de la Loi sur le droit d'auteur, mais pas toutes, selon moi. Ainsi, les grands cabinets d'avocats et les petits ont des bibliothèques. Ils ne peuvent pas profiter des dispositions de la loi relatives aux bibliothèques, parce qu'elles ne sont pas des organismes sans but lucratif, dans la plupart des cas. Encore une fois, l'éventail des membres est très large: ils peuvent être des très petits cabinets, des associations ou des barreaux de taille moyenne, des grands cabinets, ou des bibliothèques universitaires de droit, dont les intérêts ne sont pas nécessairement convergents.
    Nous gardons toujours à l'esprit que nous avons une relation très positive et constructive avec nos éditeurs. Là encore, certains de nos membres sont des éditeurs, et bon nombre de nos professeurs de droit et de nos avocats de par le pays sont des auteurs qui publient chez ces éditeurs. Nous devons toujours avoir à l'esprit les intérêts de notre organisation. C'est tout un équilibre à maintenir.
    Pour ce qui est des intérêts, votre question portait-elle sur l'interaction de nos bibliothèques avec le droit d'auteur?
     Elle concernait la différence entre votre façon de voir le droit d'auteur et celle d'une bibliothèque ou d'une association de bibliothèques ordinaires. Vous avez fait un pas dans cette direction, et c'est très bien.
    Nous avons entendu divers témoins préconiser l'élimination du droit d'auteur de la Couronne. Êtes-vous pour ou contre cette recommandation, et pourquoi?
    Je ne suis pas convaincue qu'il faille abolir le droit d'auteur de la Couronne. Je n'ai pas tellement étudié la question moi-même, mais j'ai eu des conversations avec d'autres bibliothécaires en droit qui connaissent beaucoup mieux que moi le droit d'auteur de la Couronne. Or, ils font valoir une bonne raison pour maintenir le droit d'auteur de la Couronne sur certains sujets. Par contre, je pense que la primauté du droit d'auteur de la Couronne sur la loi primaire, et particulièrement sur la jurisprudence, n'aide pas à faire avancer le travail que nous pouvons faire au Canada.
    Un exemple est CanLII, le fournisseur d'information juridique. CanLII est en mesure d'offrir la jurisprudence et les lois à tous les Canadiens gratuitement, mais il doit s'appuyer sur des ententes avec les tribunaux. Je ne peux pas lui fournir tous les ouvrages en lui disant de les numériser et d'en retirer le contenu exclusif qui appartient à l'éditeur, parce que ce n'est pas permis à l'heure actuelle.
    Il y a tant d'autres choses que nous pouvons faire. Il est vraiment dans l'intérêt de l'ensemble du pays que cette partie du droit d'auteur de la Couronne ne soit plus incluse. Cela nous permet de garder cette information publique et ouverte, plutôt que sous le contrôle d'éditeurs qui ont des poches profondes et des liens internationaux serrés, et d'avoir la capacité d'aller plus loin avec le contenu numérique pour créer plus de ressources et d'outils. Nous ne voulons pas nous attacher à l'industrie internationale à but lucratif, alors que nous pourrions avoir la capacité de créer de merveilleuses choses ici même au Canada avec libre accès aux données brutes qui forment le droit public.
(1510)
    J'avais une question au sujet de CanLII, et vous en avez parlé. Vous avez donc une opinion positive de CanLII.
    Vous parlez du droit d'auteur de la Couronne?
    Je veux dire en général. CanLII est un distributeur de contenu juridique gratuit en ligne, n'est-ce pas?
    Oui, j'ai une opinion positive de CanLII.
    D'accord.
    Rowland, merci de votre témoignage. J'essaie tout simplement de tirer des précisions au sujet de la Loi sur le droit d'auteur, dans sa forme actuelle et dans les changements qu'elle a connus. Nous travaillons à l'examen quinquennal prévu par la loi; alors nous écoutons. Avez-vous comme priorité première de modifier cette loi sur le droit d'auteur, ou jugez-vous qu'elle est très bien comme elle est?
    Non, nous ne croyons pas qu'elle est très bien comme elle est. En particulier, j'ai parlé des établissements d'enseignement, à qui je reproche de considérer le droit à l'utilisation équitable dans le domaine de l'enseignement comme un droit individuel pour le lecteur et qui, fondamentalement, rendent les documents de nouveau accessibles. Ils les republient à l'intérieur des systèmes de gestion des cours. Cela va bien au-delà de l'intention du législateur, et nous croyons qu'il est absolument essentiel de changer cela.
     C'est cet élément précis. C'est ce que nous avons entendu.
    Oui.
    Susan, je vais vous poser la même question. Quelle est votre première priorité?
    Les décisions de la Cour suprême du Canada et le projet de loi C-11, la Loi sur la modernisation du droit d'auteur, ont amélioré les choses dans tout le secteur de l'éducation. Ils disent que les enseignants sont là pour faciliter la recherche et l'étude privée des étudiants. Si les enseignants fournissent des copies aux étudiants, c'est pour leur donner les textes dont ils ont besoin. Selon la Cour suprême, les enseignants partagent cet objectif symbiotique avec l'étudiant ou l'utilisateur qui fait des études privées, de sorte qu'il ne s'agit pas vraiment d'un acte individuel sur le moment. Partant de là, la Cour suprême a dit que l'exception pour utilisation équitable permet aux enseignants de faire des copies. Encore une fois, c'est fondé sur cette relation symbiotique qui intervient dans l'enseignement, ce qui n'est pas la même chose que l'interaction entre l'étudiant et les documents.
    Je dirais que ma priorité est probablement de veiller à ne pas changer la loi pour que les établissements d'enseignement soient automatiquement redevables de certains droits à une tierce partie.
    J'ai épuisé mon temps? Quelqu'un posera probablement la question au dernier témoin.
    Merci.
    Nous allons passer à M. Jeneroux.
    Vous avez sept minutes, sauf si vous voulez lui céder votre tour.
    Non, monsieur le président.
    Revenons aux questions que je posais plus tôt. M. Bell était à la table. J'ignore s'il veut revenir ou pas. Je vais vous poser mes questions, madame Parker, pour l'instant.
    Vous avez dit que vous payez Access Copyright. La question était: comment payez-vous Access Copyright, directement ou indirectement? Vous avez dit que vous payez Access Copyright pour des recueils de documents de cours.
    Nous payons Access Copyright lorsqu'il y a lieu, lorsque les documents demandés pour un recueil de documents de cours proviennent des documents pour lesquels nous devons négocier un paiement. Autrement dit, si un membre du corps professoral crée un recueil qui comprend une oeuvre imprimée ou un chapitre ou plus tiré d'une oeuvre imprimée qui nécessite une permission au titre du droit d'auteur, c'est à ce moment-là que nous paierions Access Copyright.
    Cependant, comme d'autres l'ont mentionné, la licence d'Access Copyright ne couvre pas tous les documents. Toute la raison pour laquelle les recueils disparaissent est que nous avons des licences pour la documentation numérique qui nous autorisent à les inclure dans le système de réserve, de sorte que nous ne créons pas autant de recueils. De moins en moins de personnes demandent ou créent des recueils de documents de cours. Comme Allan Bell l'a mentionné tantôt, les étudiants n'en veulent pas non plus.
    Autrement dit, seuls certains documents sont accessibles par Access Copyright et vous devriez payer Access Copyright pour les avoir, et c'est ce que vous faites.
    Juste. C'est ce que j'essaie de dire. Merci.
    D'autres universités nous ont dit qu'elles ne paient rien à Access Copyright. Elles se sont retirées de la licence, un point c'est tout, essentiellement.
(1515)
    Eh bien, cela dépend du titulaire du droit d'auteur. Nous essayons quand nous pouvons. Comme M. Bell l'a expliqué, nous avons un système et certains employés qui se consacrent entièrement à rechercher le propriétaire du droit d'auteur. Et nous négocions une permission ou un paiement, selon le cas. Cela peut aller directement au titulaire du droit d'auteur ou à Access Copyright. Nous n'avons pas cessé de traiter avec Access Copyright, que je sache.
    M. Bell a dit que vous vous étiez retirés en 2011. Mais vous entretenez toujours une relation. De quoi vous êtes-vous retirés au juste en 2011, alors?
    Nous nous sommes retirés de la licence générale.
    Mais vous avez toujours une relation.
    Nous continuons d'utiliser nos licences dans les recueils de cours ou dans le système de réserve électronique. Pour la licence transactionnelle, nous avons plusieurs options, dont le Copyright Clearance Center aux États-Unis. Dans le cas des recueils de documents de cours, il est commode de le faire dans le contexte d'Access Copyright.
    Est-ce parce que seul Access Copyright peut vous l'accorder?
    Oui, il est pratique d'obtenir cette licence d'Access Copyright.
    Vous avez dit que les tarifs sont essentiellement la raison pour laquelle vous vous êtes retirés de la licence collective. Coûte-t-elle plus cher? Est-ce à contrecoeur et en maugréant que vous vous adressez à Access Copyright, lorsqu'il le faut, pour obtenir ces choses-là? Quelle est la décision à ce sujet?
     Voulez-vous parler de la façon dont nous préparons les recueils de documents, ou plutôt de la licence générale?
     Je veux dire les recueils de documents de cours. J'essaie de bien comprendre vos négociations avec Access Copyright.
    C'est essentiellement ce que je viens de dire. Nous avons des licences qui nous permettent de situer les choses dans le contexte des recueils, puis nous avons diverses options, comme l'utilisation équitable, pour rendre les recueils moins coûteux pour les étudiants. Dans le cas où nous avons besoin d'une licence transactionnelle, nous avons une option, Access Copyright.
     Est-ce clair?
    Un peu plus clair. Excusez-moi. Nous essayons de démêler tout cela au fur et à mesure.
    Quelle serait la fréquence de l'exercice? Faites-vous affaire avec Access Copyright une fois tous les cinq ans?
    Je ne sais pas trop. Il faudrait que j'aille consulter les données des librairies. Je pourrais le faire avec votre analyste pour en avoir davantage.
    Très bien. Bien sûr.
    J'aimerais passer rapidement à quelques autres questions, si nous le pouvons.
    Notre bon ami du Nouveau Parti démocratique, Brian Masse, nous manque. Il interroge tous les témoins sur leurs rapports avec la Commission du droit d'auteur. Je m'en voudrais de ne pas profiter de l'occasion qui m'est offerte ici, en Colombie-Britannique, pour poser cette question.
    Nous allons faire un tour de table rapide, en commençant par vous peut-être, madame Middlemass. Quelles sont vos réflexions sur la Commission du droit d'auteur? Je pense que nous allons commencer par M. Lorimer, dans ce cas, si c'est d'accord.
    Bien sûr.
    Nos rapports avec la Commission du droit d'auteur sont très limités, mais nous croyons que ses jugements sont bons et qu'il faut les respecter.
    Madame Nayyer.
    Je n'ai pas de rapports avec la Commission du droit d'auteur. J'ai entendu dire par d'autres personnes qui ont eu des discussions avec la Commission du droit d'auteur ou qui lui ont présenté des instances que les processus pourraient prendre beaucoup de temps, mais personnellement, je n'ai rien à dire au nom de l'ACBD, c'est-à-dire l'Association canadienne des bibliothèques de droit, ou de l'Université de Victoria.
    Excellent.
    Monsieur Taylor.
    Deux aspects de la Commission du droit d'auteur ont une incidence sur les bibliothèques. Le premier est la lenteur des décisions sur les tarifs, qui prennent beaucoup de temps à la Commission du droit d'auteur. Nous souhaiterions qu'elles soient plus rapides. Si c'est impossible, il faudrait au moins qu'elles ne soient pas rétroactives, et qu'elles prennent effet dès l'approbation du tarif. L'autre question serait simplement d'accélérer le régime du titulaire introuvable. Le processus est très lent et très lourd.
    Madame Parker.
    Même chose pour nous. Nous n'avons pas vraiment de rapports directs avec la Commission du droit d'auteur, que je sache, mais je me ferai l'écho de ce qui vient de se dire au bout de la table.
    Il me reste environ 30 secondes.
    Madame Parker, désolé de vous harceler avec mes questions aujourd'hui. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de prolonger la période de validité de 50 ans après le décès. Qu'est-ce que cela couvrirait? À l'heure actuelle, nous avons 70 ans après le décès seulement pour les enregistrements sonores. Quelle serait la portée d'une période de validité de 70 ans après le décès dans votre domaine?
(1520)
    Je suis désolée. Je ne suis pas. Quelle est la question?
    Quelle serait la portée d'une période de validité de 70 ans après le décès pour vous? Nous voyons cela aujourd'hui avec les enregistrements sonores dans l'industrie de la musique.
    Je crois comprendre que c'est la durée du droit d'auteur: 50 ans après le décès.
    Oui, mais vous avez dit dans vos observations liminaires que vous aimeriez prolonger cela.
     Non, c'est l'inverse. Je ne voudrais pas.
    D'accord. Je vous ai mal comprise. Que voudriez-vous que ce soit, alors?
    C'est très bien comme c'est. Pas de prolongation. Je n'ai pas de recommandation pour la réduire. C'est ainsi.
    Il est intéressant que vous en ayez parlé dans votre déclaration liminaire, dans ce cas.
    Eh bien, ce que je dis dans mes remarques liminaires, c'est que je ne souhaite pas que la période de validité soit prolongée à 70 ans après le décès.
    Très bien. C'est équitable. Merci.
    Monsieur Jowhari, nous revenons à vous. Vous avez environ sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais m'adresser à tous les témoins. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce que nous ont dit les créateurs de contenu. Ce qu'ils nous ont toujours dit, c'est que leurs revenus ne cessent de diminuer d'année en année, même s'ils continuent de créer le contenu. Sans le contenu, nous ne serions pas dans la situation où nous sommes. De même, certains petits éditeurs disent que leurs revenus régressent.
    Pourtant, les universités dépensent beaucoup d'argent. Dans votre cas, environ 5 millions de dollars, sauf erreur, sur 15 ans, et cela a augmenté. Certaines expliquent cela, par ailleurs, par le fait que les grands distributeurs internationaux exigent beaucoup d'argent.
    Pouvez-vous me dire comment nous pourrions trouver l'équilibre? Chacun dit également que, sans les créateurs de contenu, nous ne serions pas ici. Nous voulons les protéger, mais nous voulons être sûrs qu'il y a un accès à une information de qualité, parce que nous voulons favoriser la croissance et l'innovation. Pourtant, nous entendons les auteurs au micro ouvert, et leurs propos sont déchirants.
    Dites-moi ce que vous en pensez. Que feriez-vous à notre place?
     Étant donné que je travaille dans un établissement universitaire et que le gros du contenu dont nous parlons est de nature universitaire comme le demandent et l'exigent nos professeurs et nos chercheurs — c'est aussi ce à quoi ils contribuent — il y a actuellement un grand dynamisme chez les universitaires qui publient pour essayer de refaire leur système de communication savante afin de créer, essentiellement, un mode d'accès libre qui leur permettra de diffuser leurs recherches sans avoir besoin d'un portail payant. C'est difficile parce que, peu importe qui vous êtes, si vous publiez une revue, quel que soit le support, il y a un coût qui y est rattaché.
    Ces discussions ne sont pas terminées, loin de là, mais toutes sortes d'efforts sont déployés — et je pense que c'est le plus important — pour continuer d'essayer différentes choses, pour que les chercheurs et les autres créateurs essaient différentes choses. Pour les auteurs d'oeuvres littéraires, combien pouvons-nous en acheter? La question est très intéressante pour nous. Nous devons équilibrer un budget en essayant de prioriser, dans notre cas, l'achat d'oeuvres d'auteurs de la Colombie-Britannique, l'achat d'oeuvres d'auteurs autochtones, pour les aider à trouver une plateforme pour leurs oeuvres. Lorsque nous cataloguons quelque chose que nous avons acheté, le monde entier en connaît l'existence. Ces mégaphones que fournissent les bibliothèques sont utiles.
     Les créateurs ont bien des choses à faire pour trouver le meilleur mécanisme de distribution.
    Cela nous ramène encore une fois aux créateurs.
    Je pense que les créateurs ont un certain pouvoir. Je sais que c'est vrai dans le monde universitaire.
    Madame Nayyer.
    Je crois qu'il est juste de dire que les budgets des bibliothèques de droit diminuent dans tous les secteurs et qu'il y a moins de fonds disponibles pour acheter des ensembles de ressources particuliers, des ressources numériques, des licences ou des ressources permanentes, qui sont très répandues en droit, comme les ouvrages auxquels s'ajoutent des suppléments. Nous payons chaque année pour des suppléments au même livre.
    Ce que je peux dire, c'est qu'il y a aussi, d'après mon expérience personnelle, une augmentation des achats de monographies. À l'Université de Victoria, l'un des résultats de notre retrait d'Access Copyright est que nous avons tendance, lorsque nous reproduisons des documents, à avoir recours à l'utilisation équitable ou aux permissions, celles-ci pouvant être obtenues moyennant des droits ou non, ou à faire commander par la bibliothèque des exemplaires supplémentaires des ouvrages. Les livres de droit coûtent très cher et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous faisons notre possible pour ne pas obliger les étudiants à les acheter. Cependant, au cours de la dernière session, pour la toute première fois, j'ai exigé de tous mes étudiants qu'ils achètent un livre sur la rédaction juridique, parce que c'est un excellent livre et que je savais que je l'utiliserais un plus grand nombre de fois que ne le permettrait l'utilisation équitable. Encore une fois, j'ai conclu une très bonne entente avec l'éditeur pour un coût raisonnable pour les étudiants.
    De façon générale, je ne sais pas si c'est le cas pour les autres établissements universitaires, mais notre budget pour les monographies ne diminue pas, et nous essayons de le faire augmenter. Le problème vient des pressions que créent les grandes trousses d'ouvrages universitaires, qui font en sorte que nos engagements représentent un ratio ou un pourcentage plus élevé de notre budget d'acquisition. La situation est semblable dans les bibliothèques des barreaux et des cabinets d'avocats, où bon nombre de produits d'abonnement importants ne sont tout simplement plus achetés en version imprimée parce qu'ils sont trop coûteux.
(1525)
    Monsieur Lorimer, je souhaite vraiment entendre votre point de vue... [Note de la rédaction: inaudible] publication en libre accès, une publication en version imprimée et...
    ... le reste. Oui, bien sûr.
    L'Association canadienne des revues savantes travaille depuis plus de 10 ans pour faire comprendre aux bibliothèques que le domaine de l'édition au Canada, l'édition de revues et de monographies, est fondamentalement différent du domaine de l'édition à l'échelle internationale en sciences, en technologie, en médecine et en génie. Nous nous consacrons principalement à la diffusion de matériel, à la communication des connaissances entre les universitaires, et ainsi de suite.
    Un certain nombre de propositions ont été faites par des comités internationaux de bibliothèques qui disent: « Pourquoi ne travaillez-vous pas avec nous? Nous sommes des citoyens responsables, etc. ». Dans nombre de réunions auxquelles je participe depuis que tout cela s'est produit, nous entendons que les bibliothèques sont des victimes, parce qu'elles sont beaucoup plus petites que ces organisations internationales. C'est vrai. Mais nous sommes assis à la même table et nous avons la même relation avec les bibliothèques qu'elles avec les éditeurs internationaux. Qui est perdant lorsque le droit d'auteur ne fonctionne pas et que le libre accès va trop loin? Ce sont les éditeurs canadiens qui publient des recherches canadiennes et des auteurs canadiens.
    L'an dernier, le 17 juillet, nous avons présenté une proposition portant sur un fonds sur l'impact des revues et l'innovation. Nous l'avons présenté aux bibliothèques et leur avons dit: « Nous aimerions travailler avec vous et, en fait, nous aimerions doubler nos subventions et nos achats et nous vous aiderons à régler le problème des factures énormes que vous avez à payer pour vous procurer des recherches canadiennes auprès d'éditeurs internationaux. »
    Cela n'a rien donné.
    Mme Middlemass pourrait-elle répondre à la question?
    Madame Middlemass, pourriez-vous répondre très brièvement?
    Dans notre déclaration préliminaire, nous avons fait état de données récentes de Statistique Canada sur la marge bénéficiaire de 10,2 % déclarée par les éditeurs canadiens en 2016. J'aimerais également souligner que dans les bibliothèques du Lower Mainland que je connais, il y a eu récemment des programmes visant à encourager les auteurs locaux qui publient à compte d'auteur et qui, souvent, ne savent même pas vraiment comment vendre leurs oeuvres. Nous avons élaboré des programmes et nous collaborons en fait avec des auteurs, des fournisseurs et des éditeurs pour les aider à commercialiser leurs oeuvres et à les vendre dans nos bibliothèques, les bibliothèques publiques. Nous intervenons sur le terrain dans certains de ces domaines de façon à réellement aider les auteurs.
     Don, avez-vous...?
(1530)
    À ce sujet, je tiens à remercier nos témoins d'être venus aujourd'hui. Ils nous ont fait part de beaucoup d'information utile. Vous m'avez vu me tourner vers eux pour leur demander s'ils étaient satisfaits, et ils ont acquiescé.
    Je tiens à remercier tout le monde d'être venu aujourd'hui. Nous allons suspendre la séance jusqu'à 16 heures, heure à laquelle nous reprendrons avec notre deuxième groupe de témoins.
    Merci beaucoup de votre présence et de votre participation.

(1605)
     Nous sommes heureux de vous accueillir de nouveau. Nous poursuivons notre étude dans le cadre de l'examen législatif quinquennal de la Loi sur le droit d'auteur.
    Vous êtes le dernier groupe de témoins de la journée. Nous avons commencé à Halifax lundi, nous sommes allés à Montréal mardi, à Toronto mercredi, à Winnipeg hier, et aujourd'hui, nous accueillons notre deuxième groupe de témoins de la journée.
    Tout d'abord, je tiens à remercier nos témoins d'être venus. Nous avons beaucoup appris, et nous continuons d'apprendre. Cet examen comporte de multiples facettes que nous découvrons au fur et à mesure. Bon nombre des questions qui vous seront posées aujourd'hui visent à approfondir, à aller plus loin et à essayer de mieux comprendre les dispositions législatives sur le droit d'auteur.
    Vous aurez chacun de cinq à sept minutes pour faire votre exposé. Ensuite, nous passerons aux questions.
    De l'Association of Book Publishers of British Columbia, nous accueillons Kevin Williams, président sortant et éditeur de Talonbooks. À titre personnel, nous accueillons Jerry Thompson, auteur et journaliste, Maya Medeiros, avocate chez Norton Rose Fulbright Canada, et Carellin Brooks, auteure et chargée de cours à l'université et au collège.
    Est-ce que je prononce bien votre nom, Carellin?
(1610)
    Excusez-moi, Carellin. Merci beaucoup de me corriger.
    Nous allons commencer par M. Williams. Vous avez sept minutes.
    J'ose espérer que nous serons votre groupe le plus vivant de la journée. Cela devrait vous aider.
    Comme je l'ai mentionné, je suis propriétaire, président et éditeur de Talonbooks, l'une des plus anciennes maisons d'édition littéraire indépendantes du Canada. Nous avons célébré notre 50e anniversaire dans le domaine de l'édition l'an dernier. Nous avons toujours été indépendants. J'en suis à ma 42e année dans l'industrie du livre. J'ai été détaillant pendant 10 ans. J'ai travaillé pendant 21 ans comme gestionnaire, cadre et associé d'une société de distribution et d'édition appelée Raincoast Books, qui est l'un des plus grands distributeurs au Canada.
    En 2007, mon épouse et moi avons acheté Talonbooks à ses anciens propriétaires. Au cours des 11 dernières années, j'ai travaillé comme éditeur littéraire indépendant, éditeur d'oeuvres dramatiques, de poésie, de livres traduits de la littérature québécoise, d'études autochtones et d'ouvrages portant sur des questions sociales. J'ai également siégé pendant quelques années au conseil d'Access Copyright, ainsi qu'à celui de l'Association of Book Publishers of British Columbia pendant 12 ans. J'ai donc eu beaucoup d'occasions de me familiariser avec les enjeux.
    Le problème, du point de vue des éditeurs canadiens indépendants et de celui des auteurs canadiens, c'est que nos oeuvres sont systématiquement copiées et utilisées dans des contextes éducatifs, de la maternelle à la 12e année ainsi qu'au niveau universitaire, à des fins commerciales. Elles sont utilisées pour les trousses de cours, ainsi que pour ce qui devrait techniquement être considéré comme des manuels de cours. Je sais que les gens aiment interpréter la Loi sur le droit d'auteur actuelle et les dispositions sur l'utilisation équitable comme signifiant qu'ils sont libres de copier nos oeuvres et de les utiliser pour des trousses de cours et à grande échelle, mais l'utilisation équitable implique qu'il n'y a pas de préjudice commercial et qu'il n'y a pas d'utilisation à des fins commerciales. Toutefois, c'est exactement ce qui se produit.
    À notre avis, ce sont les gens qui peuvent le moins se le permettre qui sont les plus appelés à faire des sacrifices. On leur dit essentiellement que les universités, les enseignants, ainsi que tous ceux qui travaillent dans le système, l'infrastructure, l'administration, devraient tous être payés et devraient recevoir des avantages. Les seuls qui n'ont pas d'avantages et dont les salaires sont en moyenne d'environ 40 000 $ par année sont ceux qui doivent par conséquent sacrifier leur dur labeur. À mon avis, à long terme, cela aura une incidence sur le moral des éditeurs et des créateurs canadiens. Nous allons graduellement créer une situation où nous n'aurons plus les auteurs et les éditeurs indépendants de haut niveau dont le Canada peut s'en enorgueillir aujourd'hui et dont les oeuvres sont reconnues partout dans le monde et au pays comme étant parmi les meilleures.
    Ce qui est unique à Talonbooks, et qui va peut-être à l'encontre de certains des commentaires que vous avez entendus aujourd'hui, c'est que nous sommes une maison d'édition littéraire indépendante, dont 65 à 70 % des ventes sont destinées au milieu universitaire ou aux écoles. Notre littérature et nos livres permettent de découvrir des histoires canadiennes d'auteurs autochtones et divers, d'auteurs marginaux et de certains des poètes les plus prestigieux du Canada. Ils sont utilisés partout dans les universités. Il en va de même pour nos oeuvres dramatiques. Toutes les grandes pièces sont utilisées dans le milieu universitaire. C'est de là que vient la majeure partie de nos revenus.
    Les gens veulent avoir des chiffres. Eh bien, nos ventes annuelles moyennes sont d'environ 400 000 $. Avant la modification de la Loi sur le droit d'auteur, nos revenus d'Access Copyright s'élevaient en moyenne à 18 500 $ par année. Au cours des deux dernières années, notre revenu a été de 3 700 $ par année, et il est en baisse. Il s'agit évidemment d'une diminution importante. Quand on parle de 18 500 $, cela représente environ 4,6 % de nos ventes, ce qui veut dire un nombre considérable de ventes, mais les ventes de licences nous procurent essentiellement une marge nette. Comme 18 500 $ représentent 9,25 % de notre marge brute, soit presque 10 % de notre marge brute, il nous faudrait générer 40 000 $ à 45 000 $ de ventes de plus pour remplacer cela.
     Nos ventes ont été relativement stables. Depuis 2005, je dirais, elles se sont maintenues entre 330 000 $ et 400 000 $ par année, malgré les périodes difficiles, l'avènement des livres électroniques et toutes sortes d'autres choses. Essentiellement, il est extrêmement difficile d'essayer de faire augmenter les ventes en dépit des pressions à la baisse exercées par les marchés. Dans l'ensemble, le marché du livre en Amérique du Nord ne diminue pas et n'augmente pas. Il ne change pas. Lorsque quelqu'un augmente ses ventes, il enlève des parts de marché à d'autres.
    Je pense que nous avons réussi dans une certaine mesure à prendre les parts de marché d'autres, mais je peux vous dire qu'il n'y a absolument aucun moyen de remplacer 20 000 $ par année, ou 10 % de notre marge brute, de façon continue, sur le marché libre. Cela n'arrivera pas.
(1615)
    Qu'est-ce que cela signifie du point de vue des auteurs? Pour chaque cent que nous recevons, l'auteur reçoit un cent. Nos auteurs ont aussi renoncé à 20 000 $ par année en revenus d'Access Copyright. Par exemple, je discutais aujourd'hui avec une rédactrice de magazine qui m'a dit: « Assurez-vous de leur dire à quel point le chèque d'Access Copyright a été important pour moi chaque année comme rédactrice de magazine, parce qu'il représentait une part importante du revenu de mon magazine, ce qui m'a souvent permis de produire des articles de fond, dont le délai de paiement est long. »
    Tout d'abord, j'aimerais dire que le processus de licence collective est reconnu comme étant le plus facile. Je pense que l'affaire York a fait ressortir que la reproduction systématique de 600 ou 700 millions d'exemplaires par année est tout sauf une utilisation équitable. En fait, la meilleure façon de régler ce problème est sans doute d'avoir une licence universelle. J'appuie certainement ce point de vue.
    Je participe constamment à des conférences universitaires, et les professeurs me disent tous qu'ils utilisent tout le temps notre matériel. Je sais comment une grande partie de notre matériel était utilisée auparavant, et je dirais même que Talon est un éditeur plus solide aujourd'hui qu'il ne l'était au cours des dernières années, grâce à ses meilleurs vendeurs et aux quelques livres autochtones qui ont remporté de nombreux prix. Nous avons un prix Griffin de poésie. Nous avons un lauréat du Prix du Gouverneur général pour les dramatiques. Nous avons un autre lauréat du prix Griffin de poésie, un auteur autochtone. Mercedes Eng, qui est d'origine chinoise, vient de remporter le Prix Dorothy Livesay de poésie. Nous avons un livre d'un autre auteur autochtone, qui a gagné le prix Lambda, et nous avons un autre auteur autochtone encore, dont le livre a été présélectionné pour le B.C. Book Prize.
    Aucun de ces livres ne serait produit sans le capital intellectuel de l'auteur et la très longue chaîne à valeur ajoutée à laquelle sont soumis les éditeurs. Je sais que toutes nos oeuvres sont utilisées en plus grande quantité qu'auparavant. Je n'ai reçu aucune demande de permission d'utilisation de la part de l'Université de la Colombie-Britannique depuis la modification de la Loi sur le droit d'auteur. Je n'ai pas reçu une seule demande de permission de l'Université de Victoria, et je pourrais nommer ainsi à peu près toutes les universités du pays. Les seules demandes que j'ai reçues pour utiliser nos documents proviennent de gens qui en soumettaient auparavant, soit l'Université de Guelph et quelques autres, quatre sur cinq. Celles que nous recevions avant que la loi ne soit modifiée sont les mêmes que celles que nous recevons maintenant. Je n'en ai reçu de personne d'autre.
    Qu'est-ce qu'on m'a dit? Des professeurs à la conférence de l'Association canadienne de la recherche théâtrale m'ont dit qu'il est très courant pour eux de s'asseoir dans une salle de classe et pour toute la classe de consulter notre livre électronique de la bibliothèque, qu'elle utilise comme cahier de cours. Le fait est que nous n'avons jamais accordé à la bibliothèque le droit de faire cela. La loi n'est pas appliquée; on n'empêche pas cela.
    J'ai demandé à présenter aujourd'hui une photo, qui a été publiée sur Twitter, d'élèves en classe lisant un de nos auteurs autochtones à succès, Drew Hayden Taylor, mais on ne m'a pas autorisé à le faire. Ses oeuvres sont constamment utilisées. La classe lit fièrement une pièce intitulée Only Drunks and Children Tell the Truth, et vous pouvez voir une personne qui tient un exemplaire découpé du livre, et toutes les autres personnes dans cette classe qui lisent une photocopie.
    Ils vous diront que ce n'est pas à eux d'interdire la copie d'oeuvres entières, mais ils copient des oeuvres entières à la bibliothèque. Nous avons donc besoin d'une certaine forme de rétribution, pour au moins compenser cette adaptation à grande échelle de nos documents et leur utilisation gratuite.
    La redevance d'un livre pour un auteur est de 1,69 $. Essentiellement, il y a 20 ou 30 livres dans cette classe, et la redevance proposée pour la maternelle à la 12e année est de 2,41 $ par élève. En gros, cela veut dire qu'ils paient annuellement les redevances pour un livre et demi pour compenser les millions de copies qu'ils font. Ce n'est peut-être pas grand-chose, mais c'est mieux que de ne rien payer et de dire: « Nous devrions pouvoir copier tous ces documents gratuitement. Pourquoi les créateurs et les éditeurs ne font-ils pas don de leurs oeuvres? »
    J'ai eu une rencontre l'an dernier avec le ministère de l'Éducation...
    Je suis désolé, je vais devoir vous interrompre, parce que nous devons poursuivre. Je suis sûr que nous aurons beaucoup de questions à vous poser.
    Nous allons passer à M. Thompson, s'il vous plaît. Vous avez sept minutes.
    Je suis l’auteur d’un livre sur les tremblements de terre publié par HarperCollins. J’ai écrit pour Reader’s Digest, Equinox, Vancouver Magazine et The Globe and Mail. J’ai réalisé des documentaires pour CBC, CTV, Global, Discovery, etc. Je suis également membre de la Federation of BC Writers, de la Writers Guild of Canada et de la Writers’ Union of Canada. Je ne savais pas qu’il me faudrait le faire, ce qui gruge mon temps.
    Mon exposé s’intitule « Voler les écrivains du Canada. »
    Lorsque l’Université York a publié des lignes directrices en 2017 indiquant que la nouvelle Loi sur le droit d’auteur permettait à ses professeurs et à son personnel de copier gratuitement jusqu’à 10 % d’un livre, y compris des chapitres, des poèmes et des articles entiers, la Cour fédérale du Canada a dit « non ». La politique de l’Université York a été annulée. Pourtant, nous voici des millions de pages volées plus tard, encore en train de nous battre et de payer des honoraires d’avocats. Un cynique pourrait penser que les grandes universités et les conseils scolaires du Canada essaient de saigner à blanc les écrivains.
    La reproduction illégale des oeuvres d’auteurs canadiens n’est que la dernière étape dans la saga interminable du piratage numérique. Louez n’importe quel film DVD et vous verrez un court avertissement contre le vol de propriété intellectuelle. L’écriture, la direction, l’interprétation, le tournage et le montage d’un film représentent des années de travail créatif. La reproduction illégale du produit final est un crime aux États-Unis et au Canada. Nous avons tous vu le logo du FBI et la mise en garde tellement souvent que les gens ont tendance à l’ignorer, mais le slogan est clair: le piratage n’est pas un crime sans victime.
    Alors, pourquoi les gouvernements provinciaux et les administrateurs de l’enseignement se comportent-ils comme des pirates des temps modernes? Pourquoi attaquer les écrivains canadiens?
    En Colombie-Britannique, le ministère de l’Éducation s’est récemment joint à l’Ontario et à d’autres intervenants dans une poursuite contre Access Copyright, l’organisme qui perçoit les redevances dues aux auteurs et aux éditeurs canadiens. La question porte sur la reproduction de millions de pages de livres non romanesques, de romans, de poésie et d’articles de revues à des fins éducatives sous le couvert du concept de l’utilisation équitable, qui a été rejeté, écarté, dans la décision rendue contre l’Université York. Comme la plupart d’entre vous le savent, la Loi sur le droit d’auteur a été révisée et partiellement modernisée en 2012. La définition de l’utilisation équitable a, en quelque sorte, été embrouillée ou perdue dans la traduction.
    Quelle quantité d’un livre, d’un article ou d’un poème peut-on copier gratuitement? Évidemment, nous sommes en désaccord. Le manque de clarté qui a découlé de l’examen de 2012 a nourri l’appétit de militants qui s’opposent aux droits d’auteur et qui ont encouragé les administrateurs d’universités et d’écoles publiques à croire qu’un « nouveau » consensus avait été atteint. Ils ont fait valoir qu’un accès public rapide et facile à l’information était plus important que les droits de propriété intellectuelle et qu’il était plus important pour les systèmes scolaires assoiffés d’argent d’obtenir quelque chose gratuitement que de payer les travailleurs qui avaient créé ces livres, poèmes et articles. L’argument est et a toujours été faux. Il s’agit des mêmes sottises et du même raisonnement vaseux utilisés autrefois pour justifier le téléchargement et le vol à outrance de musique et de films. La technologie numérique rendait le vol trop facile. Alors, si tout le monde le fait, pourquoi les conseils scolaires et les universités ne voleraient-ils pas aussi?
    « L’information veut être libre » a été le cri des personnes à l’éthique douteuse. Libre ou gratuite, en effet, jusqu’à ce que ce soit votre information qu’on désire voler. La créativité exige des efforts. Les livres sont le fruit du travail, tout comme la cuisson du pain ou la manufacture de voitures. On ne s’attend pas à obtenir du pain gratuitement. On ne s’attend certainement pas à ce qu’une voiture nous soit donnée. Nous payons tous pour le travail d’un enseignant ou d’un professeur, alors pourquoi devrait-on s’attendre à ce qu’un écrivain travaille pour rien? Cela nous ramène à la poursuite actuelle. Il n’y a jamais eu de nouveau consensus quant à l’utilisation équitable. La cour a tranché clairement contre les fadaises libertaires de l’Université York. Toutefois, pour des raisons qui défient le bon sens, les administrateurs scolaires à travers le pays ont choisi de faire fi de cette décision. Ils ont profité de la prétendue ambiguïté de la définition de l’utilisation équitable et ils ont décidé qu’ils pouvaient cesser de payer pour la reproduction. L’Association of Canadian Publishers rapporte que le secteur de l’éducation a copié plus de 600 millions de pages d’oeuvres publiées depuis 2013. Mais, attendez un instant, le jugement rendu contre l’Université York n’a pas été infirmé. Cette loi est toujours en vigueur. Pourquoi un administrateur d’école raisonnable ou un gouvernement provincial s’entêterait-il à intenter une autre poursuite qui repose sur une logique boiteuse pour obtenir quelque chose pour rien au détriment de travailleurs parmi les moins bien rémunérés au Canada? C’est ahurissant.
(1620)
    Au Canada, un certain nombre d’écrivains chanceux ont aussi des emplois dans les universités ou comme enseignants et ils ont un pied dans les deux camps, mais la plupart n’en ont pas. En général, les écrivains n’ont ni sinécure, ni chèque de paie mensuel fiable, ni sécurité d’emploi, ni avantages sociaux. Un récent sondage mené auprès des écrivains à l’échelle du pays a révélé que 83 % d’entre eux gagnent 15 000 $ ou moins par année. Autrement dit, les écrivains canadiens gagnent beaucoup moins que la médiane nationale. Si la reproduction illégale de leurs oeuvres semble être une pratique déloyale de travail, c’est parce qu’elle l’est.
    Je comprends que des années de compressions budgétaires dans le domaine de l’éducation ont amené les écoles et les universités à chercher des façons de réduire les coûts, mais les écrivains ne sont pas en mesure de subventionner les écoles sous-financées. On ne peut pas combler un manque à gagner dans l’éducation publique en volant les écrivains.
    À titre d’écrivain, mon message au Comité est le suivant: veuillez nous aider à clarifier l’utilisation équitable le plus rapidement possible. Nous ne pouvons pas nous permettre de patienter pendant vos interminables discussions. Les auteurs et les éditeurs canadiens perdent 30 millions de dollars par année depuis 2013. Pour les écrivains, ce manque à gagner représente les loyers, les épiceries, les services de garderies, les médicaments d’ordonnance, et j’en passe, qu’ils n’ont pas les moyens de se payer. Les écrivains ne sont pas riches. Cette perte de revenu fait mal. Voler les écrivains n’est pas une utilisation équitable. Le piratage n’est pas un crime sans victime.
(1625)
     Merci beaucoup.
    Nous allons passer à Mme Medeiros pour sept minutes.
     Je suis avocate spécialisée en propriété intellectuelle et j’ai aussi étudié l’informatique et les mathématiques avant d’aller à la faculté de droit, où je me suis concentré sur l’intelligence artificielle. Je vais vous donner un aperçu des technologies de l’intelligence artificielle et des questions qui ont une incidence sur le droit d’auteur relativement à ces innovations.
    Le terme « intelligence artificielle » est souvent utilisé pour décrire les machines qui imitent les fonctions cognitives que les humains associent à l’esprit humain, comme l’apprentissage et la résolution de problèmes. Ce domaine de l’informatique comprend ce qu’on appelle l’apprentissage automatique. L’apprentissage automatique peut automatiser la prise de décisions à l’aide de règles de programmation qui sont mises à jour de façon dynamique. Cela comprend la formation du système à l’aide de grands ensembles de données. L’apprentissage supervisé consiste à étiqueter ces ensembles de données, par exemple, en associant les mots comme « chats » et « chiens » aux images de chats et de chiens. L’apprentissage non supervisé implique la formation des systèmes sans utiliser ces ensembles de données où les grappes sont découvertes automatiquement.
    L’intelligence artificielle apprend à réfléchir en lisant, en écoutant et en regardant des données, ce qui peut comprendre des oeuvres protégées par le droit d’auteur comme des images, des vidéos, des textes et d’autres données. À la différence du logiciel typique, l’intelligence artificielle automatise des décisions qui ne sont pas normalement dans le domaine des ordinateurs, puis le code s’adapte ou change au fil du temps en réponse à l’apprentissage de ces données. Cela soulève de nouvelles questions éthiques et juridiques et c’est ce que notre cabinet d’avocats étudie.
    L’un des problèmes, c’est que les systèmes d’intelligence artificielle doivent respecter certaines normes éthiques et ces normes éthiques comprennent souvent des droits et des valeurs. L’une des questions qui se posent à ce sujet porte sur l’augmentation du nombre de systèmes d’IA biaisés, et nous essayons de découvrir pourquoi ces systèmes sont si biaisés. Prenons un exemple très simple. En 2016, il y a eu un événement appelé Beauty.AI, un concours international de beauté jugé par un système d’intelligence artificielle. Six mille personnes de plus de 100 pays ont soumis des photos dans le cadre de ce concours, mais la grande majorité des lauréats étaient de couleur blanche. Après enquête, on s’est rendu compte que le système d’intelligence artificielle avait été formé au moyen de centaines de milliers d’images qui n’incluaient pas des visages non blancs, de sorte que l’ensemble de données de formation n’était pas suffisamment diversifié.
    D’autres exemples portent sur les outils de ressources humaines, l’évaluation du crédit, ainsi que les services de police et de sécurité publique. Ces préjugés peuvent entraîner des préjudices et des inégalités. L’IA responsable devrait maximiser les avantages au lieu de créer des préjudices.
    Quel rapport cela a-t-il avec la Loi sur le droit d’auteur? L’ensemble des données de formation pour l’intelligence artificielle peut comprendre des oeuvres protégées par le droit d’auteur comme des images, des vidéos, des textes et des données. Le processus de formation peut comprendre la reproduction de données et il peut s’agir de reproductions temporaires pour extraire les caractéristiques des données qui peuvent être jetées après la formation. Un système d’IA peut s’appuyer sur la nature factuelle des travaux pour comprendre ces schémas. L’algorithme du système d’IA est distinct des données de formation, mais les données de formation peuvent donner lieu à un algorithme amélioré ou optimisé. Il n’est pas clair si l’utilisation d’oeuvres protégées par le droit d’auteur pour la formation d’un système d’intelligence artificielle est considérée comme une violation du droit d’auteur si on n’obtient pas la permission de l’auteur ou du titulaire du droit d’auteur. Cette incertitude existe même si la formation initiale est donnée à des fins de recherche — un motif d’utilisation équitable énuméré — et que le système formé est éventuellement utilisé à des fins commerciales ou offert en vertu d’une licence. Cette incertitude peut limiter le nombre de données qu’utilisent les innovateurs de l’IA pour former le système d’IA. La qualité de l’ensemble des données influera sur la qualité de l’algorithme qui aura été formé. Il y a un dicton en informatique: à données inexactes, résultats erronés.
    Il existe des ensembles de données publiques ou libres, mais ils ne sont peut-être pas de la meilleure qualité. En fait, un certain nombre d’exemples montrent que les ensembles de données libres disponibles en vertu de différentes licences entraînent effectivement des algorithmes biaisés en raison de l’inégalité de genre dans les ensembles de données sous-jacents. Un algorithme formé à partir de ces données sous-optimales peut générer une distorsion.
    Un concepteur d’IA peut élaborer ou générer une multitude de données de formation, mais ce n’est pas toujours possible si une certaine qualité ou un certain type de données est requis. Par exemple, lorsqu’on forme un algorithme de reconnaissance faciale, il est souhaitable d’avoir un ensemble de données diversifié avec des milliers d’images représentant différents types de personnes. Toutefois, il peut être très difficile pour une entreprise de générer ces données, à moins qu’il s’agisse d’une grande entreprise de médias sociaux, par exemple, qui recueille quotidiennement beaucoup d’images.
    Une décision récente crée également une autre incertitude lorsque les données brutes générées par machine sont des oeuvres protégées par le droit d’auteur, parce que les compétences et le jugement humains ont été utilisés pour fixer les paramètres entourant la création de ces données. Cela crée des incertitudes supplémentaires quant à la portée des protections du droit d’auteur accordées aux données et à ce qui peut être utilisé pour la formation de ces systèmes. De plus, même les reproductions temporaires d’oeuvres protégées par le droit d’auteur à des fins techniques peuvent être considérées comme une violation du droit d’auteur, ce qui crée une incertitude supplémentaire.
    Un autre problème lié aux systèmes d’intelligence artificielle et aux oeuvres protégées par le droit d’auteur est qu’ils commencent à produire de nouvelles oeuvres qui peuvent être considérées comme des oeuvres littéraires, artistiques et musicales. Le rôle d’un être humain dans la création de ces oeuvres variera en fonction de la technologie. Prenons l’exemple d’un système appelé AIVA, qui compose de la musique classique et qui produit un album. Il a déjà publié un album et d’autres pièces musicales.
(1630)
    Il est difficile, en vertu de la loi actuelle sur le droit d’auteur, de définir clairement si ces oeuvres générées par machine peuvent être protégées par le droit d’auteur. Cela montre aussi que la nature de ces technologies change. Nous devons réfléchir à la façon dont le droit d’auteur peut tenir compte de ces technologies et utilisations futures et des oeuvres qui en découleront. Cela crée de l’incertitude quant à la propriété de ces oeuvres et à leur commercialisation.
    Merci beaucoup.
    Madame Brooks, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Je m’appelle Carellin Brooks. Je suis écrivaine et membre de la Writers’ Union of Canada. J’ai siégé au conseil d’administration de la Bibliothèque publique de Vancouver pendant huit ans.
    Dès mon enfance, je savais que je voulais être écrivaine. Je voulais ajouter ma voix à littérature canadienne, je suppose. Je n’y avais pas pensé de cette façon quand j’avais six ans, mais c’est ce que je voulais faire. Devenue instructrice, je voulais aussi faire valoir le travail de mes collègues-écrivains en classe. Je suis fier de présenter la littérature canadienne aux étudiants et aux lecteurs.
    Lorsque la Loi sur le droit d’auteur de 2012 a fait l’objet de consultations, d’autres personnes et moi sommes venus en parler aux députés. Il semble que rien de ce que nous avons dit à ce moment-là n’ait été inclus dans la loi. Avant la Loi sur le droit d’auteur, Access Copyright nous faisait parvenir des redevances chaque année. Comme d’autres intervenants l’ont dit, ces paiements ont diminué de moitié ou plus. Je crois que l’un des autres témoins a dit que 83 % des auteurs canadiens gagnent moins de 15 000 $ par année. Je suis certainement dans cette catégorie. J’ai encaissé mon dernier chèque de redevances pour mon dernier livre — voici ce livre — et il était de 48 $. Ce livre a aussi été traduit en français.
    J’ai travaillé dans des universités, dont l’Université de la Colombie-Britannique et à l’Université polytechnique Kwantlen, où je suis à l’heure actuelle. Ils ont tous les deux décidé de ne pas payer leurs droits à Access Copyright depuis la modernisation de la Loi sur le droit d’auteur en 2012. Cela me met dans une position difficile à titre d’instructeur et d’écrivaine. D’après les sondages menés à l’échelle nationale par la Writers’ Union, je sais que le droit d’auteur est l’un des principaux sujets d’actualité chez mes collègues-écrivains. J’ai l’impression que si j’offre du contenu canadien en classe sous forme de photocopies, je les sape et je leur nuis. Je ne peux pas, en toute conscience, distribuer des photocopies d’oeuvres que je voudrais faire connaître à mes étudiants. Je dois faire un étrange petit tour de passe-passe où j’affiche un texte sur le tableau, mais je n’en donne pas une copie à tout le monde.
    À un moment donné, je savais à l’avance que j’allais donner un cours. J’ai contacté des écrivains que je connaissais et je leur ai demandé la permission d’utiliser leurs oeuvres. Ils ont dit oui. Ils ne m’ont rien facturé pour cela. Cependant, ce n’est pas vraiment une solution viable à mon avis. Dans certains cas, l’enseignement universitaire est un peu précaire. Parfois, les professeurs ignorent s’ils enseigneront jusqu’à quelques semaines ou quelques jours avant le début des cours, en raison de leur position sur les listes. Même si on le voulait, on n’aurait pas le temps d’aller demander à chaque auteur la permission d’utiliser leur oeuvre.
    Quand des étudiants me disent qu’ils vont copier un chapitre, je dois me mettre les doigts dans les oreilles et fredonner un « lalala », parce que je veux ni le savoir ni leur faire la leçon. J’ai souvent l’impression d’être la seule personne à cet endroit qui se soucie de cela. Je parle à mes pairs, à d’autres professeurs, et ils ne voient aucun problème à ce qu’on photocopie de grandes quantités de chapitres de livres, d’articles, etc. Ils n’y voient aucun problème d’éthique.
    La Loi sur le droit d’auteur de 2012 a eu d’énormes répercussions. Elle a eu un impact négatif énorme sur moi et sur les autres écrivains que je connais. Elle a aussi eu un impact énorme sur nos familles. Je suis le seul soutien de ma famille et il fut un temps où j’utilisais mon chèque d’Access Copyright pour payer mes dépenses de Noël. Access Copyright ne fait plus cela. J’aimerais donc que l’on apporte des modifications à la Loi sur le droit d’auteur.
    Merci beaucoup.
(1635)
     Merci beaucoup.
    Nous allons passer directement aux questions.
    Nous allons commencer par vous, monsieur Sheehan. Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Vos exposés ont été formidables. Je vous en suis très reconnaissant.
    Dans le cadre de cette étude, nous essayons de comprendre comment soutenir notre économie créative — nos auteurs et d’autres personnes qui travaillent dans ce domaine. J’ai des amis et des membres de ma famille qui travaillent dans ce domaine et je sais que l’écriture d’un livre représente beaucoup de travail. Je connais une jeune femme qui a travaillé quatre ans sur son premier livre, de l’idée initiale à sa collaboration avec les illustrateurs à la publication. Elle parcourt actuellement la Colombie-Britannique; je ne sais pas où elle se trouve.
    Or, je comprends vraiment cet enjeu. Les voix sont importantes. Nous devons entendre les voix canadiennes et autochtones. J’ai beaucoup aimé vos exposés. Nous voulons également nous assurer que la loi soit très solide, afin que les étudiants de niveaux universitaire et collégial en profitent. D’après différents témoignages, nous avons découvert qu’il y a des politiques en place dans certaines écoles et pas dans d’autres. Cela semble vraiment manquer d’uniformité.
    Je vais commencer par vous, Jerry. Pouvez-vous me donner une idée approximative de la part de vos revenus provenant du droit d’auteur au cours des cinq dernières années?
    Malheureusement, je ne peux pas vous donner de chiffres à ce sujet. Ma femme dirige l’entreprise, alors je ne sais pas vraiment.
    Pas de problème.
     J’ai perçu des redevances pendant quelques années seulement. Il m’a même fallu un certain temps pour apprendre qu’Access Copyright existait.
    En bref, je n’ai pas la réponse à cette question, mais je pense que la réponse de Mme Brooks serait la même. J’ai reçu quelques milliers de dollars de leur part, mais je ne connais pas vraiment le chiffre. Au lieu de miser sur les sommes exacts, j’ai axé mon message sur la moralité, sur la raison pour laquelle ce système s’attend à ce que, moi, la personne qui se trouve au bout de la chaîne alimentaire dans l’édition...
    Ne demandons-nous pas aux professeurs et aux administrateurs universitaires de contribuer 10 % de leur revenu au plus grand bien du système d’éducation publique? Quand les députés renonceront à une partie de leur salaire pour éponger les déficits dans les écoles, on pourra me demander d’offrir mes oeuvres gratuitement.
(1640)
    Vous attribuez cela au déficit des systèmes scolaires. Je l'ai entendu à maintes reprises dans votre allocution.
    Oui, c'est évident. Avant cela, notre système de concession de licences fonctionnait très bien. On ne s'entendait pas toujours sur les pourcentages, mais ce système fonctionnait relativement bien.
    Est-ce que je me trompe?
    Il travaille à ce dossier depuis beaucoup plus longtemps que moi, et il a beaucoup plus d’expérience.
    De mon point de vue d’écrivain, j’ai produit des documentaires pendant des années pour CBC/Radio-Canada et pour d’autres sociétés, et chaque fois que mon épouse et moi voulions acheter des images d’archives de quelqu’un, ma femme et moi devions acheter une licence pour les utiliser. Ces licences nous permettaient habituellement d’utiliser ces séquences à des fins commerciales pendant sept ans. Après cela, nous ne pouvions plus les utiliser. Par conséquent, nous ne pouvions pas non plus vendre notre produit fini, qui contenait ces séquences.
    Je comprenais et j'acceptais cela. Je savais que c'était la règle. Il faut acheter une licence et payer. Pourquoi les règles devraient-elles être différentes pour la rédaction d'un livre? À mon avis, on devrait y appliquer les mêmes règles.
    J'allais justement vous poser cette question.
    En outre, Jerry, nous avons entendu tout à l'heure un témoin de la Fédération nationale des communications. Vous nous avez parlé de vos antécédents de journaliste. La Fédération défend les professionnels de l'information et des médias. Ce témoin nous a présenté plusieurs recommandations pour soutenir la rémunération des journalistes canadiens. Elle nous recommandait, entre autres choses, de créer une nouvelle catégorie d'oeuvres protégées, les oeuvres journalistiques, et d'établir une société de droits collectifs qui défende les droits d'auteur des journalistes ainsi que leur juste rémunération.
    Pourriez-vous tout d'abord donner au Comité une idée de l'évolution de la rémunération des journalistes canadiens au cours de ces 10 dernières années?
    Je n'ai pas de détails à ce sujet, parce que j'ai travaillé pour CBC/Radio-Canada pendant 20 ans comme employé permanent, puis comme contractuel, et un jour je me suis fâché et je suis parti. J'ai ensuite travaillé pendant les 20 années suivantes comme cinéaste indépendant. J'utilisais mes propres revenus pour produire des documentaires indépendants, alors je ne peux pas répondre à votre question d'une façon claire et simple.
    Par exemple, comme je l’expliquais plus tôt, quand nous allions présenter une proposition de film, ce qui équivaut vraiment à la rédaction d'un livre, mais avec plus de frais, nous recevions 15 % du budget en droits de licence d’un radiodiffuseur. Ainsi, lorsque la société CBC/Radio-Canada donne son feu vert à un projet, elle verse 15 % au producteur, qui à son tour doit tirer les 85 % nécessaires d’une foule d’autres programmes, comme des crédits d’impôt et toutes sortes de choses de ce genre. Le producteur est le dernier à être payé, parce qu'il doit rémunérer les sous-traitants qu'il engage, les caméramans et les musiciens qui font la bande sonore. C’est une façon vraiment très complexe de gagner sa vie, et la plupart du temps on gagne juste assez pour rembourser les frais, rien de plus.
    Quand j'ai quitté la télévision pour devenir cinéaste indépendant, je ne savais pas du tout à quel point la situation était pire dans le monde de l'édition. Je croyais que le monde de la télédiffusion était complètement à l'envers.
    Des voix: Oh, oh!
    De façon générale, êtes-vous d'accord avec les recommandations de la Fédération sur la rémunération des journalistes canadiens?
    Oui, tout à fait. On en revient toujours à la question d'éthique. Quand les gens disent qu’il est trop difficile de suivre tout cela, toutes ces choses... On publie des milliers de choses dans des revues, et s'il s'agit d'un sujet brûlant, un prof le voudra tout de suite et prétendra qu'il n'a pas le temps de suivre les chemins tortueux de la bureaucratie pour identifier l'auteur; c'est une excuse bidon. De nos jours, on trouve n'importe quoi par ordinateur. On peut savoir combien de fois un ouvrage a été utilisé en y passant le code à barres, qu'il s'agisse d'un article, d'un poème ou du chapitre d'un livre. Les gens devraient payer chaque fois qu'ils utilisent un de ces ouvrages. Pourquoi devrions-nous travailler pour rien? Aucun de vous dans cette salle ne s'attend à travailler sans être rémunéré.
(1645)
    Merci.
    Je n'ai plus de questions.
    Monsieur Lloyd, vous avez sept minutes.
    Merci.
    Je remercie tous nos experts d'être venus. Vos témoignages sont très intéressants.
    Mes premières questions s'adressent à Mme Medeiros.
    Je suis très heureux de vous avoir parmi nous, parce que personne n’a parlé de l’IA et de nouvelles technologies en dehors de la sphère numérique habituelle. Il semble que pendant ses déplacements, le Comité ait surtout entendu parler du grave problème que cause l’ère numérique. Les livres numériques et les ressources offertes en ligne ont complètement transformé la situation sans que la technologie protège les droits d’auteur. Nos merveilleux progrès technologiques nous incitent à abuser des droits d’auteur. Nous en faisons mauvais usage, mais nous n’avons pas la technologie nécessaire pour protéger les droits d’auteur.
    J’ai remarqué que vous vous intéressez à la technologie de la chaîne de blocs. Pourriez-vous nous parler des possibilités d’utiliser cette technologie pour protéger les droits d’auteur?
    Je pourrai vous répondre sans entrer dans les détails, parce que je suis avocate spécialisée en brevets, alors je travaille sur toutes sortes de choses différentes. Essentiellement, la chaîne de blocs pourrait suivre très efficacement l’usage, compte tenu de la façon dont elle est distribuée et suivant la manière dont on établirait les réseaux. La chaîne de blocs est une structure de données complexe que l'on peut distribuer entre une série de nœuds contrôlés par différentes entités. C’est une bonne solution évolutive. Son effet de chaîne donne confiance, essentiellement grâce à la technologie de chiffrement qui empêche les échanges. Elle produit un suivi authentique.
    Malheureusement, comme Jerry le suggérait, si l'on utilise cette technologie d’un point de vue purement administratif, on peut stocker une foule de données sur l'utilisation des droits. On peut aussi insérer dans le bloc non seulement des données, mais des outils technologiques. Comme un bloc est essentiellement un code exécuté automatiquement, on pourrait y insérer par exemple un contrat intelligent exigeant qu'à chaque utilisation de son livre, on verse à Jerry un certain montant d'argent.
    Du point de vue technologique, il s'agit de trouver une façon de télécharger automatiquement dans la chaîne de blocs l'information sur l’utilisation. Nous avons là simplement une structure complexe de données contenant un grand nombre de blocs différents. Il faudrait donc trouver moyen de télécharger l'information sur l'usage du livre de Jerry dans la chaîne de blocs de manière à ce que le contrat paie Jerry automatiquement à chaque utilisation. On éliminerait ainsi quelques intermédiaires, ce qui augmenterait peut-être la rémunération de Jerry. Cette automatisation permettrait d'éliminer beaucoup d’autres...
    Cette technologie ne s'appliquerait pas très bien à l'édition, à moins qu'on utilise les codes à barres, comme le disait Jerry.
    Les témoins qui représentaient les universités et les systèmes scolaires nous ont dit qu'ils se dirigeaient de plus en plus vers les livres numériques. Pensez-vous que la technologie des chaînes de blocs aiderait le secteur de l'édition et les auteurs?
    S'il existe un dossier numérique sur le livre en question et une manière de le télécharger automatiquement pour l'utiliser, alors cet usage s'inscrirait automatiquement dans la chaîne de blocs.
    Oui.
    Je vais me lancer dans une petite diatribe. Les universités et les systèmes scolaires ont tous établi des politiques sur le droit d’auteur. Ils engagent même des agents spécialisés en droits d’auteur. Cependant, quand nous avons demandé à leurs représentants de nous décrire leurs façons d'appliquer les droits d’auteur, il y a eu chaque fois une sorte de pause. Les témoins n'ont cessé de nous répéter que la loi sur les droits d’auteur ne s'applique pas, que leurs établissements se concentrent sur l’éducation et qu'ils suivent la même politique du 10 % que l’Université York. Quand nous leur avons demandé comment ils savaient que d'autres établissements ne remettaient pas un 20 % ou même tout le droit d'auteur requis, ils haussaient les épaules en affirmant qu'ils n'ont aucun moyen de surveiller cela.
    Je suppose que cette technologie de la chaîne de blocs peut aussi s'appliquer à l’ère numérique. Elle nous permettrait de suivre les exemplaires d'ouvrages que les universités distribuent. Les auteurs pourraient alors entamer des recours juridiques contre les universités qui violent leurs droits d’auteurs. Ces données serviraient de preuve.
    En concevant une architecture ouverte, on pourrait y incorporer les privilèges du domaine de l'édition.
    Je ne voudrais pas m'opposer indûment aux universités et aux systèmes scolaires. Pourriez-vous aussi me décrire les avantages que cette technologie leur apporterait en suivant leur usage de ces livres? Pourrait-elle leur économiser des frais ou même les protéger de recours juridiques?
    Je suppose qu'elle leur procurerait des chiffres réels qui leur permettraient de faire des économies et qui leur assureraient une protection juridique. Du point de vue de l'usage, ces établissements sauraient pour quelles raisons un ouvrage attire les étudiants plus qu'un autre. Ils sauraient si les étudiants lisent certains livres hors de la salle de classe. Cette technologie faciliterait leur suivi des tendances de la lecture. Il existe de nombreuses technologies de recommandation. Avec ces données, les écoles pourront s'en servir. Ce sont des outils de découverte qui ouvriraient aux professeurs la possibilité de découvrir des livres qu'ils ne connaîtraient pas autrement.
    Cette technologie facilite le suivi des données. Plus on possède de données, plus on peut les utiliser efficacement à différentes fins.
(1650)
    Nous avons aussi entendu des témoins représentant des bibliothèques nous dire qu'ils souhaiteraient que la Loi sur le droit d’auteur leur permette de contourner les mesures techniques de protection et de passer outre aux contrats dans les cas où elles estiment que l’usage d'un livre est manifestement équitable.
    Si les bibliothèques ne surveillent déjà pas la violation du droit d'auteur, quelles répercussions notre comité créerait-il en recommandant au gouvernement de modifier la loi pour permettre aux bibliothécaires de contourner les mesures techniques de protection et de passer outre aux contrats?
    Je ne peux pas vous donner une réponse précise. À mon avis, en contournant les mesures techniques de protection de la propriété intellectuelle, on créerait de très graves répercussions.
    Nous constatons une augmentation du nombre de technologies visant à protéger les droits de propriété intellectuelle. Je travaille avec une entreprise dont la PDG est basée à Vancouver. C’est une femme fantastique. Elle était conseillère juridique pour la société RIM, ou BlackBerry. Cette société met au point une technologie qui aide à suivre les droits d'impression 3D en ligne. Les imprimantes 3D promettent de créer toutes sortes de choses intéressantes.
    À Vancouver, une autre entreprise du nom de Copypants a mis au point une technologie capable de passer le Web au peigne fin pour mieux comprendre l’utilisation des images.
    Il me reste à peine 30 secondes.
    Que peut faire le gouvernement, que peut faire notre comité dans le cadre de cette étude pour renforcer ces mesures? Que faire pour les appliquer sévèrement afin de mieux protéger les écrivains et les éditeurs?
    Vous pouvez faciliter l'application des normes et du fardeau de la preuve. Il est très coûteux de démontrer la violation d'un droit d'auteur. Il faut souvent engager un avocat...
    À l'heure actuelle, cette responsabilité incombe aux écrivains. Ils doivent prouver que quelqu'un a violé leurs droits d'auteurs.
    C'est exact.
    Ils ne réussissent pas à trouver de preuves, parce que les universités et les systèmes scolaires ne font pas de suivis. Ils ont l'impression de chercher une aiguille dans une botte de foin.
    Merci.
    Vous nous parlez de trucs amusants.
    Je m'efforce bien sûr d'aborder cette question d'une manière équilibrée.
    Vous cadrez parfaitement avec ce groupe de témoins. Ce que vous nous dites s'insère très bien dans leur conversation.
    Monsieur Jowhari, vous avez sept minutes.
    Merci.
    Je vais m'adresser d'abord à M. Williams. Vous n'avez pas pu nous présenter le dernier élément de votre allocution. Comme ce que vous dites est enregistré, je vous offre une partie de mon temps de parole pour nous présenter le reste de votre exposé.
     Je disais que nos oeuvres sont copiées et utilisées librement en format numérique, que les livres numériques et autres sont utilisés sans aucune référence à la licence originale en vertu de laquelle ils ont été vendus à la bibliothèque pour former des trousses de cours, et que les universités ne paient pas ce qui nous est dû. Les enseignants des systèmes scolaires sont tellement surchargés de travail en produisant leur propre matériel scolaire qu’ils copient de la documentation un peu partout, et nous ne pouvons pas vraiment nous attendre à ce qu’ils fassent l'effort d'obtenir des autorisations pour régler ce problème.
    Voilà pourquoi la licence accordée par la société Access Copyright était très équitable. Les écoles payaient un droit par étudiant par année, ce qui leur permettait de copier tout ce qu'elles voulaient, à condition de respecter les lignes directrices. Nous savons qu’elles ne suivaient probablement pas ces lignes directrices de très près, mais au moins les enseignants pouvaient sortir des livres afin de les copier pour produire leurs programmes de cours.
    Je crois que la meilleure façon d’établir un processus équitable serait d'obliger les ministères de l’Éducation et les universités à payer les tarifs fixés par la Commission canadienne du droit d’auteur. Les ministères de l’Éducation et les universités essaient d’épuiser les ressources des auteurs, des éditeurs et d’Access Copyright en faisant traîner les procédures juridiques.
    Non seulement ce n’est pas juste, et non seulement on copie nos oeuvres systématiquement à des fins commerciales, mais je considère cela comme un acte d’intimidation. Essentiellement, les universités et les ministères appliquent des tactiques du marché global aux domaines de la culture et de l’éducation. Je ne trouve pas cela équitable.
    Excellent. Merci.
    Nous avons trois auteurs ici, et vous avez tous apporté des livres imprimés. Vous avez aussi parlé des pressions que cause l’ère numérique sur les médias imprimés. Pensez-vous continuer à faire imprimer les ouvrages que vous écrirez, ou envisagez-vous de passer à l'édition numérique en espérant que l'IA et la technique des chaînes de blocs suivront l'usage de vos livres pour que vous en retiriez les revenus qui vous sont dus?
    Qu'avez-vous à nous dire à ce sujet?
    Commençons par Mme Brooks.
(1655)
    Je ne suis pas une grande partisane du numérique, comme la plupart des gens qui me connaissent le savent. Je l’ai essayé une fois, mais cela m'a suffi. Je n’ai pas d’objection à ce que mon éditeur BookThug vende des livres numériques, et je suis sûre qu’il en vend un des miens dans ce format, mais j’aime l’impression. Christina de Castell, bibliothécaire en chef par intérim de la Bibliothèque publique de Vancouver, se trouve dans l’auditoire. Elle en sait beaucoup plus que moi sur cette tendance.
    Même si la vente de livres numériques a beaucoup augmenté, on vend encore beaucoup plus de livres imprimés sur papier. Les gens ont tendance à se tourner vers les livres numériques pour des raisons très particulières. Ils se servent du format numérique de manuels, par exemple, parce que le format papier de ces manuels coûte très cher. Les romans numériques se vendent bien, parce que les gens qui aiment ce style lisent beaucoup, ce qui les obligerait à acheter de nombreux ouvrages imprimés.
    Je le répète, je ne refuserais pas que l'on publie l'un de mes ouvrages en format numérique, mais j'insisterais pour qu'on en publie aussi un exemplaire sur papier.
    Monsieur Thompson.
    Je me suis en quelque sorte rendu à l'évidence: le format numérique est inévitable, que cela me plaise ou non. En tant qu’environnementaliste, je comprends que nous coupons ainsi moins d'arbres. Mais le numérique facilite aussi le vol. D'un autre côté, la technologie numérique facilite également le repérage des vols, alors ce n'est pas si mal.
    J’ai une autre petite observation à ce sujet. L'industrie de la musique, où ce vol a commencé de façon généralisée, a fini par contourner le piratage en donnant plus de concerts en direct. Il ne vaut vraiment pas la peine d'enregistrer un concert sur téléphone cellulaire. Les gens qui aiment vraiment l’artiste, le chanteur, l’auteur-compositeur ou le groupe sont prêts à payer. Ils assistent au concert sans tricher, et l'artiste reçoit la rémunération qui lui est due.
    Malheureusement, on ne peut pas présenter sur scène un livre de 336 pages; il faudrait bien trop de temps pour tout lire! D'un côté, j'offre un ouvrage populaire et captivant sur les mystères scientifiques que recèlent les tremblements de terre. D'un autre côté, ce livre imprimé présente la seule version canadienne qui explique avec précision la plus grande catastrophe qui menace l'Amérique du Nord. En un sens, je devrais être heureux que des gens volent mon livre, parce qu'au moins, mon message atteint le public.
    D'un autre côté, si mon éditeur perd de l'argent parce que les consommateurs volent mon livre, il ne voudra plus publier mes ouvrages. En fait, si cette tendance se poursuit, pourquoi imprimerait-il des oeuvres venant du Canada?
    Alors vous continuerez à faire imprimer vos livres sur papier.
    Oui, je vais continuer à les faire imprimer sur papier.
    Si je publie un livre, et qu’il y a 50 personnes qui veulent ce livre, 40 d’entre elle, généralement, le voudront en version imprimée et 10 en version électronique.
    Je considère que mon travail est celui d’un l’intermédiaire entre l’auteur et le lecteur. Évidemment, en plus de tout le travail de production éditoriale, de commercialisation, de comptabilité et d’expédition que nous faisons, nous essayons aussi de nous assurer que les gens ont accès au matériel dans les formats qu’ils veulent. Nous tâchons de publier nos livres simultanément dans les formats imprimés et électroniques.
    Le marché du livre électronique a, pour l’essentiel, cessé de croître et semble avoir atteint ses limites naturelles. Ayant publié des livres au cours des 10 dernières années et constaté les préférences des acheteurs, je dirais que, de façon générale, les ventes de livres imprimés et de livres électroniques se répartissent selon un rapport d’environ 40 à 10.
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    [Note de la rédaction: inaudible]
    D’accord, je reviendrai à vous.
    Merci.
    Avant de passer à M. Lloyd, j’ai une question.
    Est-ce que cela va empiéter sur mon temps de parole?
    Non, cela va prendre mon temps. Je vais le prendre à quelqu’un d’autre.
    Madame Medeiros, au début de votre exposé, vous avez parlé de la technologie de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage machine. Si j’ai bien compris, pour que la machine apprenne, elle irait en ligne et prendrait des images. Est-ce que cela s’applique aussi à du texte?
(1700)
    Oui, elle peut apprendre à partir de textes ou d’images vidéo.
    Pour les besoins de cette conversation, pourrait-elle avoir accès au livre de M. Thompson?
    Elle pourrait avoir accès à ce livre. La question de savoir si le formateur ou le propriétaire du système le ferait sans sa permission dépend probablement de cette personne. Ceux qui font preuve de diligence et qui respectent la loi ne l’utiliseraient pas sans sa permission, parce qu’il y a actuellement une incertitude dans la loi.
    C’est donc programmable. Ce n’est pas quelque chose que le système ferait de lui-même, comme Google, avec tous les petits robots: « Oh, voici un passage intéressant du livre. Je vais en extraire un chapitre ou une page. »
    Voici ce que je voudrais savoir. Cela va-t-il constituer un défi encore plus grand pour les écrivains?
    Comme vous l’avez mentionné, la technologie peut être configurée pour mettre en place des robots Web. Certaines technologies le font peut-être déjà, parcourant l’Internet, essayant de trouver ce qu’elles peuvent et de s’en servir pour l’apprentissage.
    La décision d’une entreprise de prendre ces documents, d’en faire des copies, de les apporter à l’interne et de les former à ses propres systèmes dépend de la légalité de l’activité de cette entreprise. Beaucoup d’entre elles s’abstiendront probablement de le faire, étant donné les incertitudes actuelles dans la loi.
    Sur le plan technologique, on peut concevoir ce genre de système.
    Y a-t-il moyen de savoir si cela se produit actuellement?
    Je ne sais pas si c’est possible, mais il pourrait y avoir des systèmes qui hébergent le livre. Si un système offre le livre, il devrait pouvoir détecter si robot Web est entré et a accédé à ce livre.
    En supposant que le livre de M. Thompson ait un verrou de sécurité, le programme d’intelligence artificielle peut-il contourner ce verrou?
    C’est faisable, si la technologie est configurée pour le faire. Ce serait une violation d’une mesure technique de protection. Il existe des technologies qui peuvent contourner les mesures techniques de protection. Vous pourriez combiner certaines technologies.
    Merci.
    Monsieur Lloyd, vous avez la parole. Il vous reste trois minutes.
    Le président et moi-même essayons de comprendre. J’apprécie beaucoup votre commentaire, madame Medeiros.
    Un point intéressant qui a été soulevé à une réunion précédente du Comité par certains témoins autochtones est que la tradition orale et le savoir oral ne sont pas protégés par le droit d’auteur, parce qu’un des critères de la protection est la fixation. Il faut que ce soit écrit.
    J’aimerais savoir si les livres audio sont protégés par le droit d’auteur.
    Oui, ils le sont.
     Comment sont-ils, s’ils ne sont pas fixés?
    C’est l’exécution de l’œuvre et l’enregistrement de l’exécution qui constituent une fixation.
    C’est intéressant. Je vous en remercie, je ne le savais pas. Il est bon que je le sache.
    J’ai une autre question pour Mme Medeiros.
    Je pense que je connais déjà la réponse à cette question, mais je veux qu’elle figure au compte rendu. L’intelligence artificielle peut-elle être programmée pour traiter de façon éthique le droit d’auteur?
    La technologie peut être programmée de façon à traiter de façon éthique du droit d’auteur dans le cas, disons, d’une étiquette intégrée qui donnerait ou refuserait la permission de copier l’œuvre. Elle pourrait lire cette étiquette. C’est un code informatique qui s’appliquerait. Cela pourrait se faire de cette façon.
    Merci de votre réponse.
    L’intelligence artificielle peut-elle devenir un outil de surveillance de la violation du droit d’auteur et de son application?
     Elle pourrait être utile en ceci qu’elle peut déceler des motifs et des similitudes entre les textes, et donc détecter le plagiat, ce qui aiderait à faire respecter la loi.
    Par exemple, un système d’intelligence artificielle pourrait-il parcourir l’Internet pour repérer si une institution ou une personne est en train de pirater des millions de copies, ou des milliers de copies de pages, et la signaler à un groupe comme Access Copyright ou au gouvernement, par exemple?
    Si quelque chose existe sous forme électronique, la technologie pourrait le trouver. Il n’est peut-être même pas nécessaire de recourir à l’intelligence artificielle; cela pourrait se faire par un processus plus simple. En reconnaissance d’images, il y a habituellement une composante d’intelligence artificielle. Donc, s’il s’agissait de chercher une image semblable et que je l’affichais au départ, la technologie existe qui pourrait trouver d’autres versions ou des copies de cette image.
    Croyez-vous que cela devrait faire partie du rôle du gouvernement d’adresser une recommandation ou d’adopter une loi pour obliger des géants comme Google et Facebook à éliminer rapidement les œuvres contrefaites sur leurs moteurs de recherche, ou est-ce que cela se fait déjà?
(1705)
    C’est difficile à dire, car je ne sais pas exactement comment cela pourrait s’appliquer en tout temps, et il y a une question de compétence à régler. Déjà, devant la Cour suprême, ils ont tenté d’émettre une injonction contre une compagnie technologique. Il s’agissait d’une injonction canadienne, et les tribunaux américains ont dit non, cela ne s’applique pas. Je pense donc qu’il y a des questions de compétence fondamentales qui doivent être réglées, qu’il s’agisse du droit d’auteur ou de toute autre action légale en cause. Il s’agissait en fait d’une violation du droit d’auteur sur la technologie, et il est donc difficile de l’appliquer du point de vue juridictionnel.
    D’accord.
    Même si vous deviez modifier cette loi, je me demande si les entreprises qui sont non résidentes du Canada devront s’y conformer.
    Le secteur de l’impression est encore dominant, comme l’ont dit de nombreux témoins. Il me semble que si je vais à la bibliothèque publique locale, comme j’aime le faire, et que je prends un livre sur une tablette et l’apporte chez moi, rien ne peut m’empêcher, depuis l’avènement des photocopieurs et scanneurs à domicile, devenus très abordables, de copier tout ce que je veux. C’est un peu inapplicable.
    Qui devrait être chargé de suivre ce genre de choses, ou s’agit-il essentiellement de la responsabilité de chacun de le faire lui-même?
    Il sera très difficile de contrôler ce genre de comportement et de savoir ce qui se passe chez quelqu’un. Ce serait très difficile. Mais si cette copie était téléchargée sur Internet quelque part, même si elle était sous forme d’image et non sous forme de texte, il y a des technologies OCR, ou reconnaissance optique des caractères, qui pourraient la localiser. Il y a donc des outils qui pourraient aider à surveiller la situation pour faciliter ce processus, mais il serait très difficile de savoir ce qui se passe dans les foyers privés.
    Je suis d’accord pour dire que c’est essentiellement impossible à appliquer.
    Monsieur Williams, du point de vue d’un éditeur, qu’en pensez-vous? Vous lancez-vous dans de nouvelles technologies ou comment essayez-vous de protéger le droit d’auteur dans votre entreprise?
    Nous avons une certaine protection des droits numériques sur nos PDF et nous comptons principalement sur les fournisseurs de livres numériques pour appliquer la protection des droits numériques, parce que nous vendons nos livres par l’entremise de fournisseurs de livres numériques.
     Qui sont ces fournisseurs?
    Il y en a toute une gamme, d’Amazon à Apple iTunes. Ils sont probablement une trentaine, et nous avons recours à un distributeur commercial qui envoie le dossier à chacun d’eux. À certains égards, la protection du droit d’auteur leur appartient.
    Pour ce qui est des livres électroniques que nous vendons sur notre propre site, nous avons une protection numérique limitée, et si nous envoyons des exemplaires aux universitaires à des fins de recension, nous leur demandons de ne pas les copier.
    Essentiellement, si une personne consulte un livre de la bibliothèque et décide de le copier à des fins privées, c’est très bien.
    Il n’y a donc pas de problème.
    Cela ne pose pas de problème. Ils ne peuvent tout simplement pas vendre cette copie ou l’utiliser à des fins commerciales.
    Votre problème, c’est l’abus systématique.
    C’est exact.
    Je voulais faire un autre commentaire, parce que je ne pense pas que la question me sera posée, et c’est une question un peu épineuse. J’espère pouvoir le faire en une minute.
    En gros, à Access Copyright, on a essayé de raffiner la rémunération des auteurs et de distribuer équitablement les revenus en améliorant le suivi des œuvres qui étaient copiées, parce que c’est évidemment un problème. Les écoles en ont fait le suivi pendant un certain temps, mais elles ont demandé, à l’intérieur des systèmes universitaires, de fournir une base de données des ouvrages qui étaient copiés. Il y a eu une résistance pour des raisons de liberté intellectuelle de la part des professeurs, qui ont fait valoir qu’ils auraient désormais à nous dire ce qu’ils utilisent et nous pouvons nous servir de ces renseignements à des fins malveillantes.
    Cependant, je dirais qu’il est peu probable que les éditeurs et les auteurs se rapprochent un tant soit peu de l’utilisation de ces renseignements à des fins malveillantes, et les seules personnes qui sont susceptibles de les utiliser sont les administrateurs universitaires qui possèdent déjà ces renseignements grâce à leurs systèmes de tableau noir et de gestion des cours.
    Merci. Monsieur le président, je vais prendre ce temps supplémentaire.
    À quelles fins malveillantes cette information pourrait-elle servir?
    Eh bien, vous pourriez essayer de faire de la discrimination politique contre quelqu’un qui n’a pas des idées politiques à votre goût, d’après les ouvrages qu’il utilise et ainsi de suite.
    Cela me semble presque déraisonnable de penser que les auteurs ou les éditeurs dont la vie dépend de la liberté intellectuelle vont essayer d’empiéter sur les droits des professeurs d’université. Les seules personnes qui, je pense, pourraient être intéressées à essayer de résoudre les problèmes de rectitude politique dans ce domaine sont dans leur propre sphère, dans le corps professoral de l’université ou ailleurs. Ces gens ont déjà cette information. Je pense qu’il n’y a aucune raison de ne pas suivre ce qui est copié et de rémunérer les gens équitablement en conséquence.
    Vos sept minutes sont maintenant écoulées.
    Voilà.
    Merci.
    Elle a dit sept minutes.
    Nous allons passer à M. Sheehan.
    Vous avez sept minutes.
    Bien sûr. Merci beaucoup.
    Je vais commencer très rapidement par Carellin Brooks.
    Dans votre exposé, vous avez mentionné qu’il y a cinq ans, vous aviez fait un exposé ou contribué à cet examen.
     Est-ce exact?
(1710)
    Nous sommes allés individuellement parler à nos députés.
    Il y a cinq ans.
    Oui.
    Quand...
    Qu’avez-vous dit alors? Qu’avez-vous remarqué?
     Nous avons dit: « C’est de la foutaise. » Je veux dire — désolée — « cela va tourmenter les écrivains », ce qui a été le cas. « Nos revenus vont chuter », ce qui a été le cas. « Les universités vont en profiter », ce qui a aussi été le cas.
    C’était une prophétie que personne ne voulait entendre à l’époque. Non, non, non — tout va bien fonctionner. Tout va bien aller. Nous devons mettre la loi à jour. Nous avons dit que ce n’était pas la façon de procéder. Ils ont dit: « Ah, ne vous en faites pas. » Nous étions inquiets. Il s’avère que nous nous inquiétions à juste titre de nos revenus en tant qu’écrivains.
    Quelles étaient vos recommandations à l’époque? Vous en souvenez-vous?
    Nous disions: « Ne faites pas cela. »
    Avons-nous présenté une solution de rechange crédible? Eh bien! nous étions heureux de ce qui se faisait auparavant. Nous étions satisfaits de la structure d’Access Copyright en ce sens que, oui, c’est difficile de compter des pages individuelles que les gens photocopient pour des cours individuels. C’est difficile à suivre.
     Comme l’a dit un autre intervenant, je crois, les universités ont des bureaux d’administration du droit d’auteur. Vous allez au bureau du droit d’auteur et vous dites: « Je veux utiliser cette oeuvre », et on vous répond: « D’accord. Vous vous occupez du droit d’auteur. » Pourquoi sont-ils là? Vous savez.
    C’était un système qui n’était pas parfait, mais qui fonctionnait raisonnablement bien parfois. C’est beaucoup mieux que ce que nous avons maintenant.
    D’accord.
    Merci beaucoup.
    Kevin, l’Association of Book Publishers of British Columbia a-t-elle constaté une diminution des revenus tirés du droit d’auteur au cours des cinq dernières années? J’ai posé la même question à Jerry, et il m’a suggéré de vous la poser. Avez-vous des chiffres à nous fournir?
    Oui. J’en ai parlé plus tôt, mais je les ai devant moi. Le meilleur exemple, bien sûr, est de vous donner mes propres chiffres. Je les ai examinées attentivement avant de venir.
    Avant l’adoption de la Loi sur le droit d’auteur, nous touchions en moyenne près de 20 000 $ par année en revenus de droits d’auteur. C’était 18 500 $. Au cours des deux dernières années, il a été inférieur à 3 800 $ et il diminue. Je pense que la plupart des autres éditeurs ont connu un déclin semblable.
    Il s’agit d’une diminution d’environ 400 % pour nous. J’ai aussi entendu dire qu’il ne s’agit pas d’une part importante du revenu. J’ai souligné que cela représente près de 10 % de nos marges brutes. C’est vraiment une part importante de notre revenu.
     J’ai entendu quelqu’un mentionner plus tôt aujourd’hui que, selon Statistique Canada, la rentabilité moyenne des éditeurs au Canada en 2016 était de 10,1 %. Je peux vous dire que la rentabilité des éditeurs indépendants et des éditeurs littéraires, et non pas des multinationales — parce que cela fausse essentiellement les données d’y mettre les multinationales — se situe entre 4 et 5 %.
    Une marge de profit de 4 ou 5 % signifie que s’il y a la moindre fluctuation de vos revenus, on risque de perdre de l’argent. S’il perd de l’argent, le propriétaire indépendant doit essentiellement faire un chèque. J’ai déjà fait des chèques.
    D’autres témoins, des éditeurs et des auteurs nous ont dit qu’ils sont confrontés à d’autres défis en même temps. Le droit d’auteur est l’un d’entre eux, mais il y en a d’autres, ce qui rend cette période particulièrement difficile.
     Je peux en mentionner quelques-uns.
    Par exemple, comme je crois l’avoir indiqué plus tôt, une bonne partie de nos ventes se font dans le secteur universitaire, si bien que les librairies ont fait un effort réel pour inciter les étudiants à revendre les manuels. Il y a une augmentation réelle du nombre de manuels d’occasion sur le marché universitaire. Il y a aussi beaucoup d’utilisation de livres numériques, ce qui n’a évidemment rien à voir avec le droit d’auteur et n’est pas tout à fait légal, et il y a abus des licences sur les livres électroniques, mais personne ne semble s’en soucier. Essentiellement, nous avons le même nombre d’adoptions de cours, nous vendons le même nombre de livres au système universitaire, mais notre taux de retour, puisque les livres peuvent être retournés, est passé d’une moyenne d’environ 18 % à un taux de retour moyen de 40 %. C’est une bonne affaire. Nous pouvons vendre les livres aux gens, puis ils peuvent nous les renvoyer et obtenir le plein crédit. Nous avons deux fois les dépenses: une fois pour le traitement à la sortie et une fois pour le traitement à l’entrée. Un changement important du taux de retour, un doublement du taux de rendement, suffit pratiquement à acculer l’industrie de l’édition à la faillite.
    On nous a dit que nous devrions obtenir davantage de financement du gouvernement pour remplacer le financement légitime provenant des ventes et des droits. Je dirais que ce n’est pas une bonne idée parce que, premièrement, ce n’est pas juste; deuxièmement, ce n’est pas une représentation juste de la réalité; troisièmement, les auteurs n’entrent pas dans l’équation. Pour chaque 50 ¢ que nous touchons des droits des ouvrages vendus, les auteurs reçoivent 50 ¢, et pour tous les livres qui ne sont pas vendus dans les universités ou qui ne reviennent pas, les auteurs ne reçoivent pas de redevances. Ce n’est pas vraiment une réponse à donner aux créateurs que d’essayer de les amadouer en disant: « Eh bien, ne vous inquiétez pas de notre abus du droit d’auteur parce que nous vous passerons de l’argent par la porte arrière. » Je ne pense pas que ce soit vraiment une solution à notre problème.
(1715)
    Il me reste un peu de temps. Vous nous avez parlé des nombreux livres que vous avez édités, y compris les livres de certains auteurs autochtones. Je suis de Sault Ste. Marie et nous avons une importante population autochtone dans la région. J’ai interrogé de nombreux témoins à ce sujet. Les Autochtones nous ont dit que pour diverses raisons le droit d’auteur ne fonctionne pas dans leurs communautés. L'une de ces raisons, comme l'a mentionné Dane, concerne les oeuvres de la tradition orale, qu’il s'agisse de récits ou parfois d'histoires sacrées. Nous avons entendu d'intéressants témoignages à Winnipeg à ce sujet. Notamment, une femme nous a dit qu’il fallait demander l'autorisation à la communauté autochtone, parce qu'il arrive que la propriété dans la communauté autochtone soit collective; elle relève parfois du clan, parfois d'une personne. Pouvez-vous nous parler de votre expérience de travail avec les auteurs autochtones et non autochtones qui écrivent sur les Autochtones?
    Je suis très heureux d’avoir l’occasion d’aborder cette question.
    Premièrement, nous avons complètement transformé notre programme d'édition: auparavant, de nombreux non-autochtones écrivaient sur des sujets autochtones, tandis que maintenant nous faisons des efforts pour amener le peuple autochtone à écrire sur des sujets autochtones. Puis, il y a la question complexe des gens qui présentent les histoires traditionnelles, les histoires orales traditionnelles de leur propre nation.
    Comment procède-t-on dans ces cas? Au Canada, les éditeurs élaborent de nombreuses approches pour s’assurer que l’auteur ou l’éditeur a discuté avec les intervenants concernés, qu’il s’agisse du conseil de bande, des aînés, de groupes de personnes ou d'une famille en particulier, car ces histoires sont chères à certaines familles ou à certains clans au sein d'une tribu indigène. Nous déployons dorénavant beaucoup d’efforts pour nous assurer que le sentier est tracé, que les autorisations sont accordées et que les redevances sont versées à la bande ou aux aînés autochtones qui en font le récit. Nous ne prenons plus d'histoires d'auteurs autochtones qui font partie du matériau traditionnel, sans nous assurer qu'un processus quelconque a été mis en place pour valider le droit de propriété.
     Notre deuxième cheval de bataille à l’heure actuelle est d'amener davantage de gens à prendre part à l’industrie canadienne de l’édition, qu'ils soient d'origine autochtone ou autre. Une bonne façon d'assurer que le matériel autochtone est traité plus respectueusement est d’avoir des rédacteurs autochtones.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Lloyd, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma prochaine question porte sur les expériences auxquelles vous avez fait allusion dans votre témoignage, madame Brooks.
    Vous qui êtes à la fois écrivaine et qui travaillez dans le domaine de l'éducation, vous voyez ce qui se passe des deux côtés de la médaille et vous avez exprimé certaines frustrations. Selon vous, ce que les gens font du droit d’auteur présentement est-il tout simplement innocent, croyez-vous qu'ils n’y pensent pas vraiment ou peut-être même qu'ils n'en sont pas conscients?
    Je pense que pour diverses raisons les universités sont dorénavant plus centrées sur les étudiants. On le voit par les évaluations de cours des étudiants qui ont vraiment un impact sur les enseignants, surtout si ces derniers occupent un emploi précaire. S'il est une chose qui semble facile pour les enseignants, c'est d'obtenir du matériel qui ne coûte rien aux étudiants qui se plaignent du coût élevé de leurs études.
    Et ils jettent le blâme sur les professeurs.
    Bien, pas vraiment, mais s’ils doivent acheter des livres qui valent des centaines de dollars, il n'y aura pas beaucoup de résistance. Je pense que les enseignants en sont bien conscients, et ils réalisent que s'ils peuvent leur procurer du matériel qui ne leur coûte rien, cela aura une incidence sur le degré de satisfaction des étudiants à l’égard de leurs cours.
    Peut-être qu’ils ne s’inscriront pas à tel ou tel cours, et si l'enseignant occupe un emploi précaire, il se met lui-même à risque en quelque sorte.
    Oui. À un moment donné, l’Université de la Colombie-Britannique a publié un communiqué de presse dans lequel elle annonçait une réduction des coûts des étudiants en leur offrant des trousses de cours gratuitement. Du coup, la Writers’ Union of Canada a a écrit une lettre enflammée à l'Université dans laquelle elle affirmait que cette offre était faite sur le dos des écrivains.
    La réaction de l'Université n'a pas été de se dire qu'elle devrait peut-être revoir sa position sur cette question. Elle s'est plutôt présentée chez le responsable du programme de création littéraire en lui disant: « Comment vos pairs les écrivains osent-ils nous prendre à partie? »
(1720)
    Nous avions un auteur à Halifax dont la prise de position au sujet de cette culture de la « gratuité » était très catégorique. Selon lui, la culture de la gratuité n’est pas viable et elle entraînera la disparition des artistes et des auteurs au Canada. Qu'en pensez-vous?
    Je ne sais pas combien d’écrivains vous ont dit avoir cessé d'écrire. J’ai rédigé beaucoup de petits textes à la pige pour différents journaux et magazines au Canada.
    À un moment donné, j’ai assisté à la remise des prix du magazine de la Colombie-Britannique. Je ne peux pas vous dire exactement à quand cela remonte; autour de l'an 2000, je crois. Le récipiendaire du prix d’excellence pour l’ensemble de son oeuvre a dit que le tarif établi à un dollar par mot pour les articles de fond dans les revues nationales était en vigueur depuis trop longtemps. Il était à un dollar le mot quand il a commencé il y a 20 ans et il est toujours à un dollar le mot aujourd'hui. Il a dit que ce tarif devait être porté à la hausse, car les gens n’ont pas les moyens d’écrire un article de fond pour un magazine national au tarif d'un dollar le mot.
    Quelques années plus tard, on m’a demandé de rédiger un article-couverture pour le magazine Vancouver. Ce que j'ai fait, et le rédacteur m’a dit que j'avais fait un excellent travail, si bien qu'il m'a offert son tarif le plus élevé, à 85 ¢ le mot. Et ce tarif n'a pas cessé de diminuer depuis.
    Ce n’est donc pas vraiment payant d'écrire. Comme d’autres témoins l’ont mentionné, à un moment donné les écrivains finissent par se dire que c'est peine perdue. Et en tentant d'accroître le nombre de témoignages et de voix des milieux culturels canadiens qui n'ont que de bons mots au sujet des effets économiques secondaires, on finit par n'entendre que ces témoignages de gens qui ont eux-mêmes les moyens de subventionner.
    Quand je vais dans une librairie de Chapters ou dans quelque autre librairie locale, je n'y trouve invariablement qu'une très petite section canadienne. Je sais que Chapters fait son possible pour attirer des auteurs canadiens. Je ne sais pas s’il y en a d’autres, mais il me semble qu’il y a une véritable pénurie d’auteurs authentiquement canadiens qui publient. On dirait que les librairies n'ont que des oeuvres d'auteurs américains et européens à offrir.
    Avec le statu quo actuel, la littérature autochtone canadienne est-elle menacée? Je ne parle pas seulement de la littérature autochtone au sens aborigène du terme, mais de la littérature des peuples indigènes au Canada en général.
    Je ne pense que cette question soit du domaine du savoir commun. J'ai fait partie d'un jury de la Colombie-Britannique qui décernait des prix d'une valeur de 6 000 $ pour les écrivains établis et 12 000 $ pour les écrivains émergents. J’ai été choqué par le nombre de grands noms canadiens — vous les reconnaîtriez si je les nommais — qui ont proposé leurs oeuvres dans la catégorie des écrivains émergents.
    Les gens n'ont pas beaucoup de marge de manoeuvre, et il en va de même pour les éditeurs, comme l’a dit M. Williams.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Jowhari, vous avez les cinq dernières minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Maya, vous avez parlé de l’intelligence artificielle, de l’élaboration d'un modèle logique et de l’utilisation d'ensembles de données de formation pour mieux atteindre les objectifs qui ont été fixés. Ces données de formation proviendront de diverses sources. Premièrement, lorsqu'elles sont en format numérique, qu'il s'agisse de contenu créé par un auteur ou d'une illustration, ces données sont-elles maintenant assujetties à la Loi sur le droit d’auteur?
     S'il s'agit d'un livre en format numérique, par exemple, celui-ci sera protégé en vertu du droit d'auteur. Il s'agit ni plus ni moins d'une oeuvre littéraire présentée en format numérique.
    Même si on ne s’en sert que pour s'assurer que la logique fonctionne, une fois le modèle mis en place et activé, continuera-t-on de chercher d'autres sources pour accumuler davantage de données et apprendre davantage? Nous utilisons un ensemble de données initiales, puis il y a l'ensemble des données courantes. À l’heure actuelle, ces deux ensembles de données, créés en vertu de la Loi sur le droit d’auteur, sont assujettis à des droits d’auteur.
(1725)
    On ne sait pas vraiment si le travail sous-jacent lui-même... S’il s’agit d'une copie numérique d’un livre, celle-ci sera considérée comme une oeuvre littéraire à quelque étape que ce soit. Prenez le traitement du langage naturel, par exemple. On cherchera probablement à faire en sorte que le système comprenne les phrases, les contextes, le sens de ces phrases et les sentiments exprimés. Pour y arriver, il faudra probablement saisir un large éventail de livres et de textes. Comme cela ferait partie du processus de formation, l'alimentation du système en temps réel et non à l’étape de la formation permettra au système d'analyser le contexte et le sens des phrases.
    Il n’est pas certain que le processus de formation constitue une violation du droit d’auteur au sens de la loi actuelle. Or, des entreprises se voient souvent refuser l'accès à des ouvrages qu'elles pourraient vouloir utiliser dans ce processus de formation. Ces oeuvres ne sont pas destinées à être publiées et elles ne remplacent pas le texte numérique; elles sont utilisées pour comprendre comment ces phrases sont structurées au cours du processus.
    C’est exactement ce que j’essayais de faire valoir. L'apprentissage machine nécessite une énorme quantité de données. Or, lorsque nous utilisons des oeuvres protégées, nous avons droit à 10 % d'une histoire, à un poème tiré d'une liste, à autant d'oeuvres saisies dans ce système d'apprentissage machine; nous avons droit à un livre presque entier, à un livre de poèmes ou à un livre d'illustrations, et ainsi de suite. Tout ça pour dire que la soi-disant règle du 10 % ne s'applique pas.
    Que faire alors? Ça s'en vient, c'est à nos portes.
    Je ne sais pas trop comment vous vous y prendriez, mais à mon avis il faudrait préciser ce que le cadre actuel permet ou non. Je pense que la règle du 10 % diffère un peu dans le cas présent, parce qu’on ne veut pas offrir 10 % d'un livre à un étudiant et 10 % à un autre, pour finalement dire qu'il n'est pas nécessaire de l'acheter. Il ne s'agit pas de trouver un substitut à l’intention initiale d'un ouvrage. Si c'était possible, on aimerait que tous les poèmes du monde soient consignés.
    C’est la diversité que l'on recherche, surtout en ce qui concerne les traductions, etc. Si vous avez accès à un seul poème ou à un ensemble de poèmes et que vous dites que c’est le bon, alors que ces poèmes proviennent d'une seule personne. La notion de ce qui est bon ou de ce qu'est un sentiment heureux est tronquée ou biaisée, parce que l'ensemble de données de formation auquel vous avez accès est restreint.
    Passons à la question des chaînes de blocs. Nous savons, grâce au chiffrement et au modèle distribué, on reconnaît de plus en plus les chaînes de blocs comme étant en mesure de résoudre les problèmes liés à la cybersécurité, par exemple, ou même à la violation des règles de protection de la vie privée.
    Étant donné que nous avons besoin de cette vaste base d'information ou de données, en quoi une chaîne de blocs pourrait-elle nous être utile?
    Je pense qu'une chaîne de blocs pourrait nous aider à automatiser les prises de décisions en utilisant un contrat intelligent pour l'envoi de paiements, les suivis d'utilisation, etc. Une chaîne de blocs est simplement un moyen de télécharger et de traiter une immense quantité de données. Elle permet d'exploiter des systèmes d’intelligence artificielle à partir d'un ensemble de données, si on veut, servant de structure de données supplémentaire pour mieux comprendre les usages, les modèles, etc. Je pense qu'une chaîne de blocs peut être particulièrement utile pour la gestion de contrats intelligents, et plus précisément pour l'envoi des paiements ou le suivi d'utilisation de toutes ces données, autant de fonctions qu'un service de traitement centralisé ne peut offrir.
    D’accord, parfait.
    Voilà qui met fin à l’audition du deuxième groupe de témoins. J’apprécie vraiment tous vos commentaires. Nous avons entendu ces faits vécus dans tous les coins de pays. Nous avons beaucoup de travail à faire pour rassembler le tout et essayer d'harmoniser les nouvelles technologies aux anciennes et veiller à ce que la culture puisse s’épanouir.
    Nous allons lever la séance et nous serons de retour à 19 heures pour la séance à micro ouvert. Si vous voulez revenir et prendre deux minutes pour entrer dans le vif du sujet et dire ce que vous avez à dire, je vous encourage tous à le faire.
    Merci beaucoup.
     J’ai une question au sujet du processus. Je crois comprendre que les mémoires écrits seront acceptés. Y a-t-il une date limite pour la présentation des documents?
    Actuellement, si vous allez à la page d’accueil du comité INDU, vous trouverez le rapport et vous y trouverez une touche qui vous permet de soumettre vos mémoires et fournir de la correspondance. Il n’y a pas d’échéancier parce qu’il s’agit d’une étude plus longue.
    D’accord.
    Nous n’avons pas encore fixé de limite de temps.
    Est-ce que je me trompe?
    Si vous nous la donnez avant l’été, ce serait bien, car cela nous permettrait d'y jeter un coup d'oeil pendant l’été.
(1730)
    Ils n’ont rien à faire en été.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU