INDU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 21 février 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bienvenue à tous à la 48e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-25.
Aujourd'hui, nous accueillons Claire Woodside, directrice de l'organisme Publiez ce que vous payez – Canada, et Mora Johnson, avocate. Claire Beckton, directrice exécutive du Centre for Women in Politics and Public Leadership, est également présente.
Commençons tout de suite. Vous disposez chacune de 10 minutes.
J'invoque le Règlement, monsieur le président.
Dans un article paru au cours de la fin de semaine, un des membres du Comité s'est exprimé sur ce qu'il pense des députés de notre parti. Il a également fait part de son opinion sur ceux qu'il considère comme responsables de la fusillade à Québec. Je trouve cela insultant.
Je me demande si M. Arya pourrait préciser sa pensée. Certains membres du Comité pourraient avoir de la difficulté à le regarder dans les yeux s'ils savent qu'il a émis de tels commentaires et qu'il est assis juste en face de nous.
Je ne sais pas s'il souhaite tirer les choses au clair avant que nous débutions.
Est-ce que cela a à voir avec le projet de loi C-25?
Oui, cela concerne le Comité. A-t-il des commentaires à faire à ce sujet? J'aimerais qu'il nous dise s'il croit que moi ou n'importe quel de mes collègues sommes responsables de la fusillade.
Merci.
Lorsqu'on invoque le Règlement, c'est parce qu'il y a des manquements aux règles. Je ne comprends pas quelle règle n'est pas respectée ici.
Voulez-vous débattre de ce point pendant toute la séance ou allez-vous permettre à M. Arya de s'exprimer?
Vous avez invoqué le Règlement. En tant que président, je dois comprendre votre rappel au Règlement afin de m'assurer qu'il est fondé.
Monsieur Nuttall.
Monsieur le président, alors que nous espérions que les relations au sein du Comité s'amélioraient, des remarques incendiaires ont été formulées à l'égard de certains députés les tenant responsables du meurtre de plusieurs personnes.
Si j'avais émis de tels propos — je ne le ferais jamais, mais si je l'avais fait —, je ne voudrais pas que mes collègues pensent que je les attaque et qu'ensuite je prétends collaborer avec eux. Je crois que c'est là où M. Lobb veut en venir.
J'aimerais beaucoup entendre ce que M. Arya a à dire maintenant.
Je crois que nous glissons vers un début alors que des personnes sont ici pour témoigner. Je ne vois toujours pas le lien avec le projet de loi C-25. C'est ce pour quoi nous sommes ici aujourd'hui et que des témoins comparaissent devant nous.
Une fois que les témoins auront terminé leur intervention, nous aurons du temps pour débattre de cette question. Pour l'instant, je ne vois pas en quoi il serait pertinent d'en discuter maintenant, dans le contexte du projet de loi C-25 et des témoins qui sont ici aujourd'hui.
Est-ce que tous les rappels au Règlement et toutes les demandes de précision qui ont été formulés par le passé étaient recevables? Est-ce que c'est votre point de vue en tant que président?
Je ferais valoir que 99 % des recours au Règlement ne sont pas réellement des recours au Règlement. J'offre à M. Arya l'occasion de faire la lumière sur cette affaire avant que nous commencions. N'importe quel député voudrait cette chance et je pense que vous, monsieur le président, devriez accorder une minute à M. Arya pour qu'il puisse tirer les choses au clair.
Une importante composante de notre travail au sein du Comité est l'esprit de camaraderie. Si l'un des membres du Comité dit des choses de la sorte, je crois qu'il voudrait avoir l'occasion de clarifier ses propos ou, du moins, de confirmer au reste du Comité qu'il pense réellement les choses qu'il a dites. Cela ne lui prendra que 30 secondes. Je ne pense pas qu'il ait besoin que vous le protégiez, monsieur le président. C'est un grand garçon. Il peut parler pour lui-même.
Je cède la parole à M. Arya.
Si M. Arya souhaite faire une déclaration, c'est à lui qu'il revient de prendre la parole, mais nous ne commencerons pas un débat sur cette question.
Si vous désirez faire une déclaration, allez-y. Après cela, nous entendrons les témoignages.
Monsieur le président, tout d'abord, le recours au Règlement n'a rien à voir avec les travaux du Comité. Je maintiens cependant tout ce que j'ai dit dans la déclaration que j'ai faite en vertu de l'article 31 du Règlement et qui a été rendue publique. Tout le monde peut y accéder. Je ne changerai rien de ce que j'ai dit dans cette déclaration.
Voilà. C'est acceptable?
Revenons à nos témoins.
Madame Woodside, vous disposez de 10 minutes. Merci.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de me permettre de participer à la séance d'aujourd'hui.
Je m'appelle Claire Woodside et je suis directrice de Publiez ce que vous payez - Canada. Je vous présente Mora Johnson, l'avocate qui nous fournit des conseils juridiques.
Publiez ce que vous payez - Canada fait partie d'une coalition mondiale de plus de 800 organisations de la société civile qui unissent leurs efforts en vue d'accroître la transparence et la responsabilité dans le secteur de l'extraction des ressources.
La divulgation publique d'information concernant la propriété effective est primordiale pour lutter contre la corruption à l'échelle mondiale. Elle aiderait les gouvernements, la population canadienne, les journalistes, les autorités, les institutions financières et les entreprises à détecter et à prévenir la corruption. Il s'agit de la première étape que doit prendre le Canada pour éliminer le « lavage de neige » auquel a fait référence le représentant de Transparency International Canada lors d'une séance précédente.
Dans le mémoire qui vous a été remis ce matin, Publiez ce que vous payez - Canada formule cinq recommandations de modifications et d'ajouts au projet de loi C-25. J'aimerais mettre l'accent sur trois de ces recommandations.
Tout d'abord, Publiez ce que vous payez - Canada recommande que la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la LCSA, soit modifiée afin que les sociétés n'ayant pas fait appel au public soient tenues de publier les renseignements sur leurs actionnaires inscrits et sur leurs véritables propriétaires dans le registre des entreprises fédérales. Cette information devrait ensuite être incluse dans la base de données en ligne de Corporations Canada.
Ensuite, Publiez ce que vous payez - Canada recommande que le projet de loi C-25 soit amendé afin de prévenir tout usage abusif des titres au porteur. L'élimination des titres au porteur a été reconnue au Canada et à l'étranger comme une mesure importante pour accroître la transparence relative à la propriété effective.
Malheureusement, le libellé actuel du projet de loi C-25 n'empêchera pas l'usage abusif des titres au porteur et ne les éliminera pas non plus, comme le prétend le gouvernement. Le libellé actuel interdit l'émission de nouveaux titres au porteur et permet de convertir de façon volontaire les titres au porteur existants, mais n'exige en aucun cas que les personnes qui détiennent des titres au porteur les fassent convertir en titres nominatifs avant d'exercer les droits qui s'y rattachent.
Pour prévenir l'usage abusif de tels titres, il faudrait amender le projet de loi C-25 pour exiger que tous les titres au porteur soient convertis en titres nominatifs avant que leurs détenteurs puissent exercer les droits qui s'y rattachent, comme la vente ou l'engagement de titres. Veuillez vous reporter à la page trois du document qui vous a été remis pour le libellé de l'amendement proposé. Cet amendement empêchera les criminels d'utiliser leurs titres au porteur existants à des fins malicieuses.
Publiez ce que vous payez - Canada recommande, en troisième lieu, de modifier la LCSA afin d'y inclure des peines plus sévères pour les entreprises qui omettent sciemment de tenir des registres et de divulguer de l'information sur leurs valeurs mobilières. La sanction actuelle de 5 000 $ n'est pas assez lourde pour décourager les entreprises de contourner ces exigences à des fins criminelles ou d'évasion fiscale.
Nous recommandons d'augmenter cette sanction pour la porter à un maximum de 1 million de dollars pour les entreprises qui omettent de mauvaise foi de tenir des registres ou de divulguer l'information qu'ils contiennent. Une amende maximale plus élevée serait un bon outil pour les organismes d'application de la loi. Les erreurs commises de bonne foi ne seraient pas sanctionnées aussi sévèrement. L'amende maximale serait imposée dans les cas où l'instance dirigeante de la société aurait volontairement caché ou détruit de l'information, ou qu'elle n'aurait pas recueilli l'information exigée par la loi.
Les changements proposés auront quatre conséquences de taille. Premièrement, ils permettront au Canada de s'acquitter de ses obligations internationales. Deuxièmement, ils permettront aux organismes d'application de la loi de détecter les activités criminelles et d'enquêter à leur sujet. Troisièmement, ils aideront les banques et les autres entités, comme les agents immobiliers, à se conformer à la loi canadienne sur le blanchiment d'argent. Enfin, ils amélioreront le climat d'affaires au Canada.
On reconnaît de plus en plus, à l'échelle mondiale, le rôle critique que joue la transparence en matière de propriété effective dans la lutte contre la corruption et l'évasion fiscale. En termes clairs, cette transparence fait qu'il est plus difficile pour les particuliers d'avoir recours à des entreprises anonymes pour commettre des actes illégaux.
En juin 2013, les dirigeants du G8 ont convenu d'un ensemble de principes sur la transparence en matière de propriété effective. Ces principes ont ensuite été repris dans les principes de haut niveau sur la transparence et la propriété effective adoptés par les dirigeants du G20 en 2014.
Malgré ces engagements, une évaluation effectuée en 2016 par le Groupe d'action financière constate que le Canada ne respecte que partiellement ou pas du tout les recommandations relatives à la transparence des bénéficiaires effectifs.
Bien que l'amélioration de la transparence des bénéficiaires effectifs au Canada nécessite l'intervention à la fois du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux, il incombe au gouvernement fédéral de montrer l'exemple et de créer un registre public centralisé des bénéficiaires effectifs des sociétés sous réglementation fédérale. L'amendement proposé par Publiez ce que vous payez - Canada permettra au Canada d'honorer ses engagements internationaux et de se joindre à ses pairs, dont le Royaume-Uni et les États-Unis, qui ont mis en oeuvre un registre public des bénéficiaires effectifs ou sont en voie de le faire.
Deuxièmement, une transparence accrue des bénéficiaires effectifs aidera les organismes d'application de la loi à détecter l'activité criminelle et à poursuivre les criminels. En 2016, le Groupe d'action financière a écrit:
Malgré que les véhicules sociétaires et les fiducies présentent un risque majeur de blanchiment d'argent et de financement d'activités terroristes au Canada, les organismes d'application de la loi enquêtent sur peu de cas où les fiducies ou entités légales jouent un rôle important ou faisant intervenir des éléments sociétaires complexes ou la propriété étrangère ou des aspects relatifs au contrôle.
La détermination du bénéficiaire effectif d'une société constitue souvent un problème insurmontable pour les organismes d'application de la loi. Pourtant, les sociétés anonymes sont fréquemment au coeur des complots de corruption et de blanchiment d'argent. Dans une étude de plus de 200 cas de corruption à un niveau élevé, la Banque mondiale a constaté que 70 % des cas comprenaient une société fictive anonyme. De plus, l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime estime qu'entre 800 milliards de dollars américains et 2 billions de dollars américains sont blanchis chaque année. Une transparence accrue des bénéficiaires effectifs est essentielle pour l'efficacité des enquêtes sur les sociétés. C'est probablement la raison pour laquelle la transparence des bénéficiaires effectifs jouit de l'appui des organismes d'application de la loi à l'échelle internationale.
Troisièmement, en vertu des lois canadiennes contre le blanchiment d'argent, les institutions financières, les casinos et certaines professions telles que les agents immobiliers et les comptables sont tenus de faire preuve de diligence raisonnable pour ce qui est de « connaître leurs clients » et de signaler les transactions suspectes aux autorités. Non seulement ils forment la première ligne en matière de détection des activités criminelles, dans bien des cas, ils représentent la meilleure, voire la seule occasion pour l'État de détecter l'activité suspecte. Les banques, entre autres, sont tenues de demander aux sociétés si elles représentent un tiers, mais à l'heure actuelle, aucun mécanisme ne leur permet de vérifier les renseignements sur les bénéficiaires effectifs et de s'acquitter ainsi adéquatement de leurs obligations en matière de diligence raisonnable.
Les banques et autres responsables qui ne respectent pas leurs obligations contre le blanchiment d'argent sont passibles d'amendes réglementaires et de coûts relatifs à leur réputation. Cela s'est vu dans d'autres marchés, HSBC, BNP Paribas, Raymond James et d'autres ayant dû payer des amendes salées pour avoir enfreint les règles contre le blanchiment d'argent. Récemment, plus près de chez nous, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada a imposé à une banque inconnue une amende de 1,1 million de dollars pour ne pas avoir déclaré une transaction suspecte.
Un registre central permettra aux institutions financières et autres professions de s'acquitter de leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment d'argent de manière plus efficace et moins coûteuse.
Quatrièmement, la transparence des bénéficiaires effectifs aidera à réduire les risques d'exploitation et créera un meilleur climat pour les affaires en permettant à ceux qui font des transactions avec des sociétés de savoir avec qui ils font affaire, qui est la vraie personne derrière la société. Parce qu'elle permet la création de sociétés à responsabilité limitée, la Loi canadienne sur les sociétés par actions a l'avantage d'encourager les gens à créer des entreprises. Toutefois, en même temps, elle augmente les risques d'exploitation.
Même si la responsabilité limitée protège les actionnaires et les propriétaires d'entreprise de risquer leurs actifs personnels, elle limite également le bassin de fonds disponibles pour les créanciers, les employés et les autres si l'entreprise éprouve des difficultés. En 2015, plus de 4 000 insolvabilités ont été déclarées par des entreprises canadiennes, représentant un endettement net de plus de 5 milliards de dollars, lequel doit être assumé par les créanciers impayés et les employés impayés. La création d'un accès public aux propriétaires légitimes et aux bénéficiaires effectifs des sociétés permettra aux entreprises et aux institutions financières de savoir avec qui elles font réellement affaire, ce qui leur permettra de réduire le risque et de prendre des décisions d'affaire plus éclairées.
Malgré les nombreux avantages, le Canada ne s'est pas joint aux efforts mondiaux au chapitre des bénéficiaires effectifs. Plutôt, nous acceptons les risques posés par un système opaque. Cela doit changer.
En acceptant les amendements proposés par Publiez ce que vous payez - Canada, le gouvernement fédéral fera preuve de leadership au pays comme à l'étranger et fera en sorte que le Canada ne soit pas une destination attrayante pour les fraudeurs fiscaux, les blanchisseurs d'argent et ceux qui financent l'activité terroriste.
Merci.
Merci beaucoup. Vous avez parfaitement respecté votre temps de parole.
Nous passons maintenant à Clare Beckton, du Centre for Women in Politics and Public Leadership.
Vous disposez de 10 minutes.
Merci. Je serai très brève.
Mes observations portent sur un tout autre aspect du projet de loi et traduisent une toute autre perspective, conformément à ce qui m'a été demandé. À titre informatif, le centre travaille à faire progresser le leadership des femmes dans tous les secteurs au moyen de programmes de recherche pour faire progresser les femmes, examine les barrières et les occasions, sensibilise et crée des partenariats. Nous ne sommes pas un groupe de défense des intérêts. Nous ne présenterons pas d'opinion, mais examinons quelles sont les possibilités dans différentes circonstances selon ce qui est présenté.
Nous avons réalisé de nombreuses études, dont une publiée récemment, intitulée « A Force to Reckon With: Women, Entrepreneurship and Risk », qui examine la façon dont les femmes entrepreneures perçoivent le risque, ce qui est très important pour le progrès des femmes en entrepreneuriat et, je dirais aussi, pour ce qui est de faire progresser les femmes au sein des conseils d'administration, car elles constituent un bassin de candidates alimentant les conseils d'administration. Nous examinerons maintenant la façon dont les femmes entrepreneures perçoivent l'innovation, car celle-ci est essentielle à l'économie canadienne.
L'une des choses que nous avons également faites en 2012 était une étude de référence sur le leadership des femmes au Canada. Cette étude révèle que 29 % des postes de haute direction dans les divers secteurs sont occupés par des femmes, mais seulement lorsqu'on tient compte du secteur public. Dans le secteur privé, la proportion est de 26 %, alors que sans le secteur public, elle varie de très faibles pourcentages dans les secteurs de l'exploitation minière, de l'exploitation des ressources et de la construction à des pourcentages beaucoup plus élevés dans le secteur financier et les industries du service. La situation demeure la même si nous examinons ce qui se passe du côté de la participation aux conseils d'administration.
J'ai par ailleurs fait partie du Conseil canadien pour la diversité administrative. J'ai aidé à son financement au moyen d'une subvention de Condition féminine Canada et j'ai également siégé à son comité consultatif. L'une des choses que le Conseil canadien pour la diversité administrative fait est qu'il surveille l'évolution de la représentation au sein des conseils d'administration. Nous savons que l'Ontario a un régime fondé sur le principe « se conformer ou s'expliquer ». Plusieurs autres provinces, dix je crois, étudient maintenant ce modèle.
Par exemple, si l'on regarde la liste des 500 plus grandes entreprises au Canada selon le Financial Post, les femmes représentaient 19,5 % des membres des conseils d'administration en 2015, et 21,6 % en 2016. À ce rythme, le progrès est lent. Il faudra attendre longtemps pour atteindre l'objectif de 30 % à 50 %, que la plupart des gens considèrent comme la représentation adéquate.
Lorsque le Comité m'a convoquée, j'ai examiné le projet de loi C-25. À mon avis, ce type de projet de loi est conçu pour donner un petit coup de coude aux conseils d'administration des sociétés, sans imposer de quota. Je sais que le Comité a étudié diverses options, y compris les quotas. Certains diront que les quotas ne fonctionnent pas. Or, je crois que nous avons la preuve qu'ils fonctionnent dans certains pays, selon le délai associé à ces quotas. Si le délai est court et que les conseils d'administration des sociétés n'ont pas de taux de roulement élevé, alors les quotas ont peu de chance d'être efficaces.
Dès que l'on entend parler de groupes de relève insuffisants, nous savons que c'est faux. Il y a plus que suffisamment de femmes très hautement qualifiées pour doter les postes vacants au sein des conseils d'administration au Canada. C'est une chose sur laquelle s'est penché le Conseil canadien pour la diversité administrative, par l'entremise de Catalyst et d'autres organismes ayant des listes continuellement renouvelées de femmes préqualifiées.
Le projet de loi a notamment pour objectif d'accroître la participation des femmes au sein des conseils d'administration des sociétés régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Or, il ne mentionne nulle part le mot « femmes ». Il parle de « diversité », et cette notion n'est pas définie dans la loi en vigueur; il faut s'en remettre aux règlements.
Je dis sans cesse aux sociétés et à d'autres que mettre la diversité et l'égalité homme-femmes dans le même sac sans préciser la nécessité d'accroître la participation des femmes au sein des conseils d'administration ne fonctionne pas toujours, car nous savons que les femmes ne sont pas un groupe parmi une diversité; elles constituent 50 % de la population. Oui, la nomination de femmes au sein des conseils d'administration apporte une certaine diversité, mais si nous la classons uniquement sous la rubrique de la diversité, nous n'obtiendrons peut-être pas les chiffres visés.
Le Conseil canadien pour la diversité administrative fait notamment valoir les cibles idéalistes. J'ignore si le Comité en a discuté, mais j'estime que les cibles idéalistes sont très utiles.
Je ne suis pas certaine que le projet de loi ait vraiment besoin d'une explication. Avez-vous considéré des candidats qui augmenteraient la diversité du conseil d'administration? Avez-vous considéré nommer des femmes au conseil d'administration? Sinon, pourquoi pas?
Je suis avocate. J'ai pratiqué le droit pour le compte du gouvernement fédéral pendant de nombreuses années. Je l'ai également enseigné. Je considère donc également le projet de loi de l'angle d'un avocat. La loi en vigueur comporte selon moi des éléments qui ne concordent pas avec ses objectifs, lesquels sont très positifs et vers lesquels nous devons nous diriger.
Je vais m'en tenir à cela. Je sais que vous avez de nombreuses questions et que nous pourrons donc tenir une bonne discussion.
Merci beaucoup.
Sur ce, nous passons directement aux questions.
Monsieur Arya, vous disposez de sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Madame Beckton, vous avez mentionné l'étude sur le leadership des femmes au Canada et le fait que 29 % des postes de haute direction sont occupés par des femmes. Est-ce que cette étude indique combien de ces femmes étaient autochtones ou faisaient partie d'une minorité visible?
Nous savons que la proportion de femmes autochtones et la proportion de femmes issues des minorités visibles n'atteignent pas 29 %. En réalité, elle est inférieure à la représentation souhaitée dans la plupart des secteurs économiques. Nous n'avons pas examiné spécialement le cas de ces femmes. Nous nous pencherons sur la situation des femmes autochtones lorsque nous étudierons le dossier de l'entrepreneuriat féminin et de l'innovation, mais nous n'avons pas examiné en profondeur la situation de ces femmes. Nous savons néanmoins que les femmes issues des minorités visibles, de l'immigration et des peuples autochtones sont sous-représentées dans une proportion plus importante que...
Vous dites que vous dressez le portrait général de la représentation des femmes dans les conseils d'administration. Ce travail comprend-il des statistiques sur les femmes autochtones ou les femmes des minorités visibles?
Je n'ai pas le rapport sous les yeux parce que je ne suis pas porte-parole du Conseil canadien pour la diversité administrative, mais les statistiques sur le nombre de membres des minorités visibles — sans départager les femmes des hommes — nous permettent de constater que la représentation de ces minorités diminue plutôt qu'augmenter. C'est un problème très inquiétant dans cette optique.
En ce qui concerne les Autochtones, il y a certainement eu un effort considérable pour tâcher d'en augmenter le nombre, femmes et hommes, dans les conseils d'administration.
Êtes-vous d'accord pour dire qu'en plus de veiller à ce que les femmes soient suffisamment représentées, nous devrions voir à ce que les sous-groupes que sont les femmes autochtones, les femmes des minorités visibles et les femmes handicapées soient, eux aussi, assez bien représentés?
Tout à fait. Il ne faut pas tenir pour acquis que s'assurer d'une représentation équilibrée des deux sexes a nécessairement pour effet de créer une bonne représentation des sous-groupes. Je pense que ce raisonnement s'applique autant aux hommes qu'aux femmes. Les minorités visibles et les Autochtones sont sous-représentés parmi les hommes et parmi les femmes.
Il est tout à fait nécessaire d'examiner la représentation des sous-groupes de femmes plutôt que de présumer qu'ils sont tous adéquatement représentés lorsque la proportion de femmes augmente dans les conseils d'administration ou dans les postes de direction de la fonction publique.
Vous dites que les dispositions réglementaires proposées ne mentionnent pas le mot « diversité », mais je pense qu'elles parlent précisément de la diversité qu'amène la représentation équilibrée des deux sexes.
Dans les dispositions réglementaires?
M. Chandra Arya: Oui.
Mme Clare Beckton: Je disais que l'idée de la représentation équilibrée des deux sexes ne figurait pas dans le projet de loi lui-même.
Je vois. Désolé. Alors, le sens à donner au mot « diversité » pourrait être défini dans un règlement, mais il ne l'est pas dans la loi.
C'est exact. Si le projet de loi vise une représentation plus équilibrée des hommes et des femmes, il serait très important que cet objectif soit explicitement énoncé.
Pensez-vous que le mot « diversité » devrait sous-entendre uniquement la représentation plus équilibrée des hommes et des femmes?
Pas du tout. Il faut donner un sens large au concept de diversité. Cependant, si vous vous êtes fixé comme objectif de hausser la participation des femmes jusqu'à 30 % ou 50 %, vous devez l'indiquer clairement. Sinon, quelqu'un pourra dire qu'un conseil d'administration se caractérise par une bonne diversité, sans pourtant que la représentation des femmes y atteigne le pourcentage souhaité.
Bien, alors vous convenez que le mot « diversité » ne devrait pas seulement comprendre la représentation équilibrée des hommes et des femmes.
Mme Clare Beckton: Tout à fait.
M. Chandra Arya: Le concept de diversité pourrait inclure aussi les groupes désignés dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi, comme les Autochtones, les minorités visibles, les personnes handicapées et d'autres groupes.
Je pense qu'il faudrait également songer à... Dans une industrie, il serait également souhaitable d'obtenir une représentation équilibrée des régions, des groupes d'âge et des origines. En augmentant la proportion de femmes, on accroît la diversité, mais il faut également songer aux sous-groupes parmi les femmes et les hommes qui sont susceptibles d'être sous-représentés.
Merci, madame Beckton.
Madame Woodside, voulez-vous bel et bien dire qu'il ne devrait pas y avoir de sociétés par actions à responsabilité limitée?
Alors, que vouliez-vous dire? Vous avez parlé des avantages et des inconvénients des sociétés par actions à responsabilité limitée. Qu'entendiez-vous par là?
Cette partie de la déclaration portait sur les risques pour les créanciers et pour d'autres personnes qui découlent du principe de la responsabilité limitée. Il n'était pas question d'éliminer ce genre de sociétés. Manifestement, elles font partie des fondements du libre marché.
Nous disons que, grâce à la transparence des renseignements relatifs aux bénéficiaires effectifs, dans les sociétés ayant fait appel au public et dans les autres sociétés, il serait possible d'obtenir des renseignements essentiels sur la propriété de ces sociétés. Ainsi, au moment de réaliser une transaction avec une société, on pourrait savoir qui la contrôle effectivement, ce qui permet de réduire les risques.
Alors, à quoi servent les sociétés à responsabilité limitée? Disons que je suis propriétaire d'une société à responsabilité limitée. Avec une société, je fais... et avec l'autre société, j'effectue les transactions régulières. La société à responsabilité limitée me protège. Si les autres sociétés peuvent savoir qui est le bénéficiaire effectif, à quoi bon créer une société à responsabilité limitée?
Merci beaucoup.
Je tiens à préciser que je suis avocate dans un cabinet privé. Je conseille Publiez ce que vous payez, mais je m'exprime à titre personnel aujourd'hui.
Comme vous l'avez bien dit, supposons que vous démarrez une entreprise... Vous en êtes au départ le seul propriétaire, et votre entreprise connaît des difficultés vous empêchant de payer tous vos créanciers. Ils peuvent alors liquider tous vos biens personnels, y compris votre maison, alors la Loi canadienne sur les sociétés par actions et d'autres lois régissant les sociétés permettent la création d'une société à responsabilité limitée pour encourager les gens à investir dans le monde des affaires.
Ce système a pour conséquence que, si votre entreprise rencontre des difficultés et que vous devez fermer boutique, les créanciers ne sont tout simplement pas payés.
Or, il y a très peu de renseignements disponibles actuellement sur les petites sociétés. Il y en a davantage sur les sociétés cotées en bourse.
Certains auteurs pensent même qu'il faudrait obliger les sociétés ayant fait appel au public, les petites sociétés, à fournir des états financiers vérifiés comme les grandes sociétés le font. Cependant, Claire et Publiez ce que vous payez proposent simplement de permettre aux gens de savoir qui est le vrai propriétaire d'une société, ce qui leur permettra de prendre des décisions mieux éclairées quand viendra le temps de conclure des contrats avec cette société.
Merci. Nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler.
Nous cédons la parole à M. Dreeshen. Vous avez sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup d'être venues aujourd'hui nous parler de cette question très importante. Madame Beckton, le centre que vous dirigez étudie la participation des femmes en politique et dans les postes de direction. Je reviens à une question que j'ai mentionnée auparavant lors des travaux de ce Comité. Au sein de ParlAmericas, nous avons eu des discussions avec des groupes de politiciennes sur la façon de stimuler la participation des femmes. À l'époque, je crois qu'entre 80 et 90 % des Canadiens vivaient dans une province dont le premier ministre était une femme.
En parlant à ces politiciennes, je me suis aperçu qu'elles avaient certainement réussi à se faire élire grâce à leur talent. Je connais quelques-unes d'entre elles. Lorsqu'on les consulte, elles nous disent qu'il n'est pas nécessaire d'établir des quotas et que les femmes sont capables de se frayer un chemin. Toutefois, dans les sociétés du secteur privé, je vois qu'il n'existe aucune tendance marquée à favoriser la participation des femmes. Nous avons entendu les témoins nous dire qu'il existe un certain bassin de personnes qui s'échangent les postes dans les conseils d'administration. Chacune peut faire partie de quatre ou cinq conseils d'administration. Lorsqu'un membre d'un conseil d'administration quitte son poste, son remplaçant provient toujours du même club fermé.
Comment pourrait-on favoriser la présence des femmes dans les conseils d'administration des sociétés cotées en bourse? Les femmes que je connais qui oeuvrent dans le secteur privé sont occupées à diriger leur entreprise. J'ai demandé à nombre d'entre elles pourquoi elles n'élargissaient pas leurs horizons en se joignant à un conseil d'administration. Elles m'ont répondu qu'elles s'intéressaient au démarrage ou à la gestion de leur entreprise.
Comment pourrions-nous encourager davantage de femmes à intégrer le bassin dont semblent constamment provenir les administrateurs des sociétés?
Je pense qu'il faudrait poser la question autrement. Comment peut-on inciter, pousser ou obliger les sociétés à changer leur façon de recruter les membres de leur conseil d'administration?
Ce n'est pas aux femmes que devrait revenir la responsabilité de changer la situation. Beaucoup de femmes seraient enchantées d'être membres d'un conseil d'administration.
Comment pourrions-nous opérer ce changement d'attitude parmi les sociétés? Je sais que c'est le but du projet de loi, mais comment pouvons-nous nous assurer qu'il aura l'effet escompté?
Manifestement, un certain nombre de choix doivent être faits lorsqu'on envisage de légiférer.
Dans beaucoup de cas, notamment en Australie, on emploie un système de déclarations obligatoires prescrites par une loi. Lorsque les sociétés sont tenues de se conformer ou de s'expliquer — ce qui n'est pas nécessairement le cas dans ce projet de loi —, elles doivent indiquer pourquoi leur conseil d'administration n'a pas la diversité voulue, si tel est le cas. Elles doivent décrire les démarches de recrutement effectuées pour constituer un conseil d'administration suffisamment diversifié.
Qu'une société doive indiquer dans son rapport annuel qu'elle ne respecte pas les proportions souhaitables n'est pas suffisant. Il faut savoir ce qui ne va pas dans la mécanique. La société doit changer son mode de recrutement. Elle doit veiller à ce que ses chasseurs de têtes aient le mandat de trouver des femmes capables de pourvoir les postes dans le conseil d'administration.
Je pense que les choses se compliquent lorsque la durée des mandats d'administrateur n'est pas limitée. Le roulement peut être très lent, et certains membres risquent d'occuper un poste pendant une longue période. En outre, je crois fermement à l'idée de fixer des proportions souhaitables. Les sociétés ont ainsi un point de repère. Une fois que la proportion de femmes augmente dans les conseils d'administration, la dynamique change. Il est très difficile d'encourager les femmes si elles ne perçoivent pas le changement. Ce n'est pas intéressant d'être la seule femme d'un conseil d'administration avec 11 hommes. Ce n'est pas la faute des hommes, mais simplement à cause des approches différentes et du mode normal de fonctionnement.
Les gouvernements peuvent intervenir de diverses manières. Par exemple, la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario applique la règle selon laquelle les entreprises doivent se conformer ou s'expliquer. Les recommandations visant à limiter la durée des mandats pour renouveler les conseils d'administration méritent d'être sérieusement considérées. Ce serait une pratique de saine gouvernance. Les tendances actuelles dans le monde des affaires nous indiquent qu'il est important de limiter la durée des mandats. Voilà quelques facteurs à prendre en compte.
Nous pourrions certainement nous libérer des vieilles habitudes, et il ne manque pas de femmes souhaitant être membres d'un conseil d'administration pour dresser de bonnes listes de candidates.
Dans le même ordre d'idées, il nous faut déterminer dans combien de temps nous devrions examiner le résultat, sur la composition des conseils d'administration, des dispositions législatives que nous adopterons. Quand devrons-nous nous pencher de nouveau sur la question et examiner la législation au Parlement ou refaire la réglementation?
Plutôt que de nous voir fixer arbitrairement une période de tant d'années, pourriez-vous nous dire combien de temps il faudrait attendre avant de que l'on puisse observer des effets mesurables? Quelle devrait être la bonne durée de...
Je ne sais pas s'il existe un bon moment.
Par exemple, chaque année, le Conseil canadien pour la diversité administrative produit un rapport sur la diversité administrative dans l'ensemble des différentes industries. Du leadership est également requis pour favoriser la diversité. À l'heure actuelle, on exerce de véritables pressions dans le secteur financier et dans les grandes banques. En ce qui concerne le leadership à la Banque de Montréal, Bill Downe a collaboré très activement avec Catalyst. Il a adopté un rôle de leadership dans la promotion des femmes dans sa banque et à l'échelle de l'organisation.
Nous devons encourager ce type de leadership et demander au milieu des affaires d'en faire preuve. Je pense que vous devriez faire un suivi annuel de la diversité administrative. Il se peut que vous ne veuillez pas effectuer un examen complet, mais vous devriez examiner la situation au moyen des statistiques recueillies par des organismes comme Catalyst et le Conseil canadien pour la diversité administrative, et si vous ne voyez pas beaucoup de changements...
De plus, si vous vous penchez sur les secteurs, vous constaterez, par exemple, que la diversité administrative a augmenté dans le secteur financier, qui progresse plus rapidement que les autres secteurs, et que le secteur des ressources traîne les pieds et se trouve en dernière place dans ce dossier. Si vous voulez vraiment apporter un changement, vous devez déterminer où mettre l'accent. Vous devez aussi déterminer les secteurs qui ont le plus grand nombre de sièges dans les conseils d'administration, et il y en a beaucoup dans le secteur minier et celui des ressources. Ce sont des secteurs à très grande prédominance masculine.
Merci.
Madame Woodside, je tiens à parler un peu de la gouvernance organisationnelle.
Selon vous, quels progrès concrets ont été accomplis dans la lutte contre le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale dans les pays où les propriétaires d’actions effectifs sont tenus de divulguer leur identité? D'autres pays ont-ils adopté des mesures plus sévères que celles que nous proposons dans le projet de loi? Dans l'affirmative, quelles mesures ont été adoptées et quelles initiatives pouvons-nous tirer de celles-ci qui pourraient être ajoutées au projet de loi?
Le premier registre public a été créé au Royaume-Uni. Je pense qu'il a produit des résultats nettement positifs. Cependant, le registre n'existe pas depuis assez longtemps pour vraiment les mesurer.
Je pense que les évaluations menées par le Groupe d'action financière constituent l'un des moyens de voir les différences entre les pays. En général, ces évaluations montrent que les pays qui recueillent des renseignements sur la propriété effective des actions dans un registre centralisé luttent plus efficacement contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme que les pays qui se fient aux institutions financières et à d'autres professions pour recueillir ces renseignements en leur nom.
Il revient vraiment au gouvernement de décider s'il veut déléguer la responsabilité à d'autres groupes professionnels et leur confier les rênes. Cette responsabilité représente un fardeau pour ces groupes, comme les institutions financières et autres. Dans certains cas, ils échouent entièrement à s'en acquitter, notamment les agents immobiliers, ou ils ont de la difficulté à s'en acquitter, notamment les institutions financières. Je pense que les évaluations du Groupe d'action financière comptent parmi les meilleurs outils.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venues.
Madame Beckton, je veux parler brièvement de vos commentaires sur l'absence de l'identification des sexes dans le projet de loi. Selon vous, à quel point est-il essentiel de définir les genres dans le projet de loi? Le ministre... Nous avons entendu la discussion selon laquelle l'identification des genres est censée aider... On dirait que l'approche qu'on semble vouloir adopter actuellement, c'est: « Okay, nous nous occuperons de la question de la diversité plus tard. Pour l'instant, contentons-nous de traiter la question des femmes. » À quel point est-il important de définir les genres dans la loi?
Je pense que le projet de loi serait plus clair s'il contenait expressément le mot « genre ». Cela a été mentionné dans l'annonce du projet de loi et c'est sa raison d'être. Je pense que l'utilisation de ce terme envoie un message très clair. En effet, si votre objectif est d'accroître le nombre de femmes qui siègent aux conseils d'administration, il faut que le message dans le projet de loi soit très clair. Il y a peut-être une disposition qui comporte les termes « genre » et « diversité », mais je crois que c'est important parce que je ne pense pas qu'on envoie le bon message si c'est seulement dans le règlement. Comme nous le savons tous, il est plus facile de modifier un règlement qu'une loi.
Vous avez parlé des cibles idéalistes, une idée que je défends depuis la présentation du projet de loi à la Chambre des communes. Aucun examen de la loi n'a été effectué. La loi a seulement été examinée 2 fois en 40 ans. C'est comme un petit nuage qui traverse le paysage législatif puis disparaît.
J'étudie certains amendements possibles qui fixeraient des cibles moins strictes ou peut-être moins élevées pour ce qui est des cibles obligatoires en dessous desquelles les entreprises devraient « s'expliquer ». Des cibles idéalistes seraient ensuite établies. Si nous laissons le projet de loi tel quel, c'est-à-dire comme le ministre l'a présenté, la loi ne sera probablement pas examinée avant huit autres années ou peut-être même plus, compte tenu du processus parlementaire et ainsi de suite. De plus, aucun pouvoir n'est accordé au ministre.
Je pense à quelques autres secteurs ciblés comme point de départ. Que pensez-vous de l'option d'utiliser une approche mixte?
Je pense qu'il existe diverses options et façons de préciser des cibles. Elles sont parfois appelées « cibles non contraignantes » ou des « cibles idéalistes », comme nous l'avons fait dans notre discussion. Elles sont décrites comme suit: « Voici le point idéal que nous souhaitons que vous atteigniez d'ici telle ou telle année. » Le gouvernement de l'Ontario a fixé des cibles. L'année dernière, lorsque la première ministre Wynne a fait ses annonces, elle a établi des cibles relatives aux administrateurs nommés par le gouvernement provincial. De toute évidence, pour les administrateurs nommés par le gouvernement fédéral, il est possible d'établir de telles cibles. En ce qui concerne le milieu des affaires, je pense que vous avez effectivement le choix. Vous pouvez fixer des cibles idéalistes ou des cibles plus contraignantes.
L'établissement de cibles est l'une des raisons pour lesquelles la Loi sur l’équité en matière d’emploi a réussi à augmenter le nombre de femmes dans le gouvernement fédéral. Ces cibles n'étaient pas fermes et elles n'ont pas eu besoin d'être inscrites dans la loi, ce qui est une option dont vous pouvez vous prévaloir. Vous pouvez les inclure dans une loi et un règlement et vous pouvez aussi faire en sorte que le gouvernement indique clairement qu'il veut que ces cibles soient respectées. Il y a plusieurs façons de le faire.
Je dois passer à un autre sujet, mais, si vous le voulez bien, j'aimerais que vous répondiez rapidement à la question suivante.
Dans ce dossier, serait-il plus acceptable de se fonder sur un modèle de quotas plus modestes pour fixer des cibles idéalistes?
Je pense qu'il revient à vous, en tant que législateurs, de décider si cette option est acceptable. De toute évidence, les quotas ont permis à de nombreux pays d'augmenter de façon très efficace le nombre de femmes siégeant au Parlement et aux conseils. Selon certaines personnes, les quotas fixés dans le Nord n'étaient pas de bons, mais je pense que le problème dans cette situation était que la quantité de temps prévue pour atteindre les quotas était insuffisante.
Merci beaucoup.
Je veux adresser une question très rapide à Mme Woodside et Mme Johnson concernant les commentaires de M. Arya. Si j'ai bien compris, et corrigez-moi si je me trompe, les investisseurs devront faire des choix plus judicieux si un modèle plus transparent est en place. Le modèle n'aura aucune incidence sur les affaires d'une personne, mais offrira une plus grande transparence aux gens qui risquent de se faire escroquer parce qu'ils ne comprennent pas les bilans précédents. Est-ce exact?
Oui. Autrement dit, ce n'est pas parce que les tribunaux ne savent pas qui est le propriétaire des sociétés qu'ils ne lèvent pas le voile sur celles-ci, c'est parce qu'ils doivent respecter la doctrine juridique. Le fait de posséder cette information ne signifie pas qu'ils lèveront le voile sur les sociétés. Dans les cas où ils le font, c'est souvent en raison d'une fraude.
Cette information ne changera pas la façon dont fonctionne le statut de responsabilité limitée. Elle ne fait que s'ajouter aux autres renseignements fournis lorsque les consommateurs et les entreprises concluent des transactions. Il y a une raison pour laquelle le Réseau Entreprises Canada a un blogue intitulé « Comment s'assurer qu'une entreprise existe vraiment ». C'est parce que les consommateurs et les entreprises éprouvent bel et bien de la difficulté à déterminer si une entreprise existe réellement.
De nos jours, on observe une transition vers une plus grande transparence. Il est tout à fait conforme aux privilèges associés au statut de responsabilité limitée d'exiger cette information. L'exigence ne changerait rien aux privilèges, mais fournirait plus de renseignements aux personnes concluant des arrangements commerciaux.
Je crois que le projet de loi représente une occasion incroyable. Je pense que sa valeur pour le Canada est sous-estimée sur plusieurs fronts. En fait, je crois que c'est probablement l'une des mesures législatives les plus importantes que nous étudierons au cours de la présente législature.
De plus, les titres au porteur sont un domaine dans lequel nous pouvons nous assouplir et nous conformer à la loi internationale. Pouvez-vous souligner les raisons pour lesquelles vous croyez que le libellé du projet de loi sur les titres au porteur ne satisfait probablement pas les personnes qui veulent plus de transparence, lutter contre la corruption et améliorer les choses? Bref, j'aimerais savoir comment le libellé du projet de loi sur les titres au porteur pourrait être amélioré.
Il ne faut pas oublier que, si le Canada veut pouvoir dire au Groupe d'action financière et à d'autres organismes internationaux qu'il a éliminé les titres au porteur, il ne peut pas le faire avec le libellé du projet de loi actuel. Il faut garder ce fait à l'esprit parce que le libellé du projet de loi actuel n'a aucune incidence sur les titres au porteur existants qui circulent ici et là. Si vous êtes un criminel et vous détenez des titres au porteur, vous pouvez toujours exercer les droits associés à ces titres.
Les amendements que Mora a aidé Publier ce que vous payez - Canada à rédiger veilleront à ce que les gens soient obligés d'inscrire les titres avant de pouvoir exercer les pouvoirs qu'ils confèrent. C'est simple. C'est une autre mesure qui permettra au Canada de dire qu'il a pris toutes les mesures possibles pour éliminer les titres au porteur.
Est-ce que cette modification nous rapprochera de nos partenaires du G20? Cette mesure supplémentaire ne fera pas en sorte que le Canada fasse figure d'exception. Elle nous empêchera peut-être de faire ce qu'on appelle du « snow-washing », et j'imagine qu'elle se conforme davantage à nos ententes internationales.
Je vous remercie, monsieur le président. Je partagerai mon temps de parole avec M. Sheehan.
Je félicite les deux groupes pour les exposés qu'ils ont faits ce matin.
Je souhaite m'attarder sur un sujet que M. Dreeshen s'apprêtait à aborder, c'est-à-dire le taux de réussite des autres administrations — un point qui s'adresse à Mme Woodside — en ce qui concerne la distribution ou la non-distribution de la transparence dans un contexte de lutte au blanchiment d'argent et aux mécanismes d'évasion fiscale. À titre d'exemple, 27 pays membres de l'Union européenne ont adopté des mesures législatives qui accroissent la transparence, mais vous dites qu'il est trop tôt pour voir si elles portent fruit. Peuvent-ils déjà constater certaines retombées, ou espèrent-ils mettre en évidence certains phénomènes?
Oui. Selon moi, il n'est pas trop tôt pour savoir que la possibilité d'échanger des renseignements sur les bénéficiaires effectifs, tant d'une administration à l'autre que parmi les organismes d'application de la loi, joue un rôle essentiel quand vient le temps de détecter le blanchiment d'argent et le financement terroriste, et de mettre fin à l'évasion fiscale. De nombreuses études internationales le montrent clairement. Encore récemment, une étude a révélé que le manque à gagner fiscal du Canada s'élève à 50 milliards de dollars. Cela donne une idée de l'ampleur des sommes et des crimes en cause.
L'un des avantages d'un registre public, c'est qu'il limite les possibilités. Il sert à prévenir la corruption. En effet, comme les criminels hésitent généralement à s'inscrire publiquement, le registre a pour effet de fermer la porte aux criminels. C'est donc l'une des étapes à suivre.
Il est difficile de mesurer les retombées à l'heure actuelle, tout simplement parce que les données publiques du Royaume-Uni ne sont disponibles que depuis six mois. Cela dit, l'importance d'un registre central des bénéficiaires effectifs est nettement reconnue à l'échelle internationale. Ce point figure constamment parmi les éléments que les États doivent mettre en place pour être en mesure d'intervenir efficacement dans les cas d'évasion fiscale, de blanchiment d'argent, et ainsi de suite.
J'aimerais faire une observation rapide. L'un des défis, c'est que lorsque les sociétés privées sont entourées d'une totale opacité, les organismes d'application de la loi ont énormément de mal à repérer les transactions douteuses. À titre d'exemple, s'il est normal et habituel de voir des sociétés à numéro acheter de grandes résidences de Vancouver, si des milliers de personnes procèdent ainsi, les forces de l'ordre auront beaucoup de mal à repérer, parmi toutes ces transactions, celles qui sont répréhensibles. Comme Claire l'a indiqué, lorsqu'on rend la culture du monde des affaires plus transparente, comme nous cherchons à le faire, les forces de l'ordre peuvent beaucoup plus facilement repérer les cas inhabituels et problématiques et les transactions douteuses, et faire enquête.
Je vous remercie. Ces précisions nous seront d'une grande utilité pour notre rapport.
Madame Beckton, j'ai parfois agi comme recruteur pour des conseils d'administration. Quand je présidais une chambre de commerce, les gens me demandaient qui je connaissais. Tout se faisait de bouche à oreille, en fonction des personnes de notre réseau. Existe-t-il, au Canada, un système plus formel, qui nous aiderait à trouver des femmes qui travaillent actuellement en coulisses et qui souhaitent faire partie d'un conseil d'administration?
Oui. Si vous souhaitez vraiment accroître la participation des femmes aux conseils d'administration, nous vous recommandons de consulter des organismes comme le Conseil canadien pour la diversité administrative et Catalyst, qui ont constitué des listes de femmes présélectionnées prêtes à agir comme administratrices. Vous pouvez également faire affaire avec des recruteurs et leur demander de trouver des candidates ayant les compétences nécessaires.
J'oserais dire que le recours au bon vieux réseau de copains mène encore et toujours aux mêmes résultats. Cette méthode comporte des risques marqués pour les entreprises, car elles risquent de se retrouver avec des administrateurs qui pensent tous de la même façon, au lieu de bénéficier d'une grande diversité de points de vue.
Le ministre en a parlé, en effet. Le projet de loi à l'étude vise à favoriser une diversité de points de vue.
Cela m'apparaît important. Quand on compare le Canada à d'autres pays, on voit qu'il a perdu sa place de leader en matière d'égalité, alors qu'il se classait parmi les meilleurs auparavant. Nous traînons aussi de la patte pour ce qui est de la participation des femmes aux conseils d'administration. Les pays qui obtiennent de bons résultats dans ce domaine ont fait de cet enjeu une priorité; ils le traitent séparément des autres enjeux sur la diversité.
Ceux qui préfèrent jouer à l'autruche peuvent toujours le faire, mais le Conseil canadien pour la diversité administrative et Catalyst sont des organismes bien connus. Knightsbridge oeuvre aussi en faveur des femmes. Les chasseurs de tête savent également comment trouver de bonnes candidates, si on leur donne des instructions à cet égard.
Merci beaucoup.
Merci à tous pour votre exposé.
J'ai eu l'honneur de siéger au Comité sur l'équité salariale, qui a terminé ses travaux récemment. Pendant les audiences, les témoins ont beaucoup parlé des écarts de salaire entre les femmes et leurs homologues masculins. Lorsque nous avons creusé davantage, nous avons constaté que l'écart était plus marqué dans le cas des nouvelles arrivantes. Nous avons aussi vu que l'écart le plus important concernait les femmes autochtones. C'est l'une de mes grandes préoccupations, puisque je viens de Sault Ste. Marie, dans le Nord de l'Ontario, et que mon épouse et ma fille sont Métisses.
Je repense à ce que disait Lloyd. Comment pourrions-nous encourager les femmes de ces deux groupes, soit les nouvelles arrivantes et les femmes autochtones, à devenir plus actives dans les conseils d'administration? Comment pouvons-nous trouver des candidates et les encourager?
Ce sont des questions très importantes. Les organismes qui travaillent avec les immigrants et les Autochtones peuvent nous aiguiller. Je pense par exemple à Roberta Jamieson, qui a souvent proposé au Conseil canadien pour la diversité administrative le nom de candidates qui pourraient avoir les compétences nécessaires pour faire partie de conseils.
Je dirais qu'il faut connaître les communautés en question et savoir comment y obtenir les renseignements désirés. Vous devrez peut-être utiliser des sources différentes de vos sources habituelles. Il faut être conscients de ces différences.
À l'époque où je cherchais à accroître la diversité de mon organisation au sein du gouvernement fédéral, je demandais à mon équipe d'explorer plusieurs sources. On peut, par exemple, chercher des immigrantes qui sont en affaires. Où sont-elles? Qui aurait probablement toutes les compétences qu'il faut pour siéger à un conseil d'administration?
La même chose vaut pour les femmes autochtones... Certaines dirigent une entreprise. Elles pourraient s'avérer d'excellentes candidates pour les conseils d'administration.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur vos propos, Clare, car certaines de vos observations m'ont interpellé. J'ai déjà travaillé dans l'univers des services financiers, plus précisément dans le secteur bancaire. Maintenant que j'y pense, je me rends compte que j'ai eu autant de patrons que de patronnes. Je n'y avais jamais pensé auparavant. Le secteur bancaire semble avoir une bonne longueur d'avance dans ce domaine.
Moi qui viens du secteur privé, il y a un point qui m'irrite profondément ici; mes collègues en ont probablement assez d'entendre cette rengaine. Ici, on dirait que les objectifs n'existent pas. Dans mon ancien secteur, au contraire, il était normal d'établir un objectif, de travailler conformément à un plan afin de l'atteindre, puis de pouvoir dire si on avait réussi ou non. Vous avez vous-même parlé d'objectifs, pas de cibles fermes — auxquelles je ne crois pas vraiment, car elles frisent souvent l'utopie —, mais de cibles qui permettraient d'évaluer si nos efforts portent fruit.
Pourriez-vous donner à mes collègues d'en face un aperçu de l'échéancier et des objectifs qui vous semblent souhaitables? Je crois qu'à l'heure actuelle, 13 % des membres des conseils sont des femmes.
Les pourcentages peuvent varier. Ainsi, parmi les entreprises du classement Financial Post 500, je crois que le pourcentage se situe autour de 20 %. Il varie d'un secteur à l'autre.
Je crois qu'on devrait viser un taux de 30 % à 40 %, et un échéancier de 5 à 10 ans. Le changement pourrait être très rapide si on exigeait que les conseils d'administration renouvellent plus rapidement leur composition. Ils pourraient, par exemple, limiter la durée des fonctions de chaque administrateur, s'ils ne le font pas déjà. Il s'agit d'une pratique optimale, comme je l'ai déjà dit.
Selon moi, il faut viser au moins 30 %, car un conseil d'administration doit comporter au moins 30 % de femmes pour qu'on puisse espérer changer sa dynamique. À long terme, le pourcentage idéal se situerait entre 40 % et 60 %, mais il ne faut pas nécessairement fixer l'objectif à 50 % ou à 60 %. Il faut sûrement viser au moins 30 % ou 40 %.
Je crois qu'il faut hâter ce changement, car la présence féminine croît actuellement très lentement malgré les arguments en sa faveur. C'est une bonne décision d'affaires. Comme l'ont souligné de nombreuses organisations, dont McKinsey, Credit Suisse et Goldman Sachs, ajouter des administratrices à un conseil d'administration est une excellente décision d'affaires.
En effet. Je crois d'ailleurs qu'on pourra voir la tendance évoluer en ce sens.
Bien que j'aie l'air beaucoup plus âgé, je fais partie de la génération du millénaire. Pour ma génération, ces différentes caractéristiques physiques n'ont pas vraiment d'importance, dans un sens ou dans l'autre. À mesure qu'elle prendra plus de place dans la société, la prochaine génération influencera, elle aussi, le déroulement des choses.
Vous parliez donc, essentiellement, d'un objectif de 30 % d'ici 5 ans, et de 40 % d'ici 10 ans.
Selon moi, pour que le changement souhaité ait lieu, vous devez indiquer aux industries sous réglementation fédérale ce que vous attendez d'elles. Sinon, d'après ce que je vois dans le projet de loi lui-même, aucune explication n'est nécessaire. Il incite subtilement les industries à se comporter d'une certaine façon. Je crois qu'il faut les pousser plus directement, au lieu de les inciter très subtilement.
Le processus parlementaire se poursuit, et le comité formulera ses recommandations. Est-ce que votre organisme ou d'autres organismes qui ont parlé avec le ministre pourraient commencer à militer en faveur de l'établissement de cibles?
Comme je l'ai mentionné, je ne représente pas un groupe de revendication, mais bien un centre de recherche sur la politique. Je précise que je ne suis pas lobbyiste. Lorsqu'on me demande de comparaître devant un comité parlementaire, ou lorsqu'un député ou un ministre me demande mon avis, je donne les conseils qui me paraissent les plus judicieux.
Je vais m'en tenir à cela.
Quant aux avantages sur le plan économique — qui, je crois, constituent le motif initial du projet de loi, lequel a été présenté par le gouvernement précédent —, des données ont été publiées, mais elles n'ont pas été largement diffusées.
Selon vous, comment pouvons-nous faire comprendre aux gens de Bay Street et au public qu'il s'agit de données probantes et non de simples messages? Comment s'assurer de diffuser l'information pour qu'elle soit effectivement comprise? Très peu de gens se rendent compte du tort que l'on cause en maintenant une chasse gardée.
Alors que vous lancez le projet de loi, vous pourriez faire connaître l'existence de toutes sortes de données qui tendent à montrer l'importance et les avantages économiques de la diversité et de la présence des femmes dans les conseils d'administration. Les études sont là. Si vous êtes dans le monde des affaires, il serait souhaitable de les avoir lues.
Ma question s'adresse à Mme Woodside.
Je veux m'attarder sur les préoccupations que soulèvent les titres au porteur. Si je comprends bien, dans la version actuelle du projet de loi, je peux céder volontairement les titres au porteur que je possède, mais rien ne m'y oblige. Est-ce là le coeur du problème?
Oui. Dans la version actuelle, si vous étiez un criminel, vous pourriez transférer vos titres au nominatif, par exemple.
Par ailleurs, vous pourriez être une personne ordinaire qui souhaite inscrire ses titres au nominatif après les avoir conservés 20 ans dans un coffre-fort.
La société doit convertir les titres au porteur qu'un détenteur souhaite inscrire au nominatif. Toutefois, rien n'oblige le détenteur à le faire. Il peut conserver ses titres au porteur. Est-ce exact?
Vous souhaitez faire changer cette disposition. Expliquez-nous les modifications que vous aimeriez voir apportées.
Nous voulons faire en sorte que les détenteurs doivent inscrire leurs titres au nominatif avant d'exercer les droits qui leur sont associés. Nous voulons qu'ils soient obligés de convertir leurs titres.
Oui, c'est là un autre exemple.
En général, les titres au porteur qui tombent entre les mains d'organisations criminelles, par exemple, risquent d'être échangés comme de la monnaie. Les groupes du crime organisé qui se les échangent ainsi n'ont aucun intérêt à...
Madame Johnson, la version actuelle du projet de loi me permet...ou plutôt permet aux criminels de maintenir l'anonymat inhérent à un titre au porteur. La loi ne les oblige nullement à sortir de cet anonymat pour exercer leur droit.
C'est ainsi que je la comprends. Les sociétés ne peuvent pas émettre de nouveaux titres au porteur...
Oui.
Par ailleurs, les sociétés ne savent pas, évidemment, qui est en possession des titres au porteur, en raison de la nature de ces derniers. On ne peut donc pas s'attendre à ce qu'elles...
La seule façon d'appliquer la loi de manière proactive est de saisir les titres lorsque l'on cherche à exercer les droits qui leur sont afférents.
Il impossible d'exiger qu'une société convertisse les titres de tous les détenteurs, car ils ne connaissent pas l'identité de ceux-ci.
Lorsque cela se produit, nous voulons appliquer la loi et non laisser le détenteur exercer son droit. Nous voulons l'obliger à les convertir.
Une telle approche va-t-elle dans le droit fil de celle adoptée par d'autres pays?
C'est une bonne question. Je l'ignore, parce que certains pays ont éliminé les titres au porteur dans le passé. Quant au processus d'élimination même, en toute franchise, je ne sais pas exactement comment il a été entamé.
Le principe d'élimination des titres au porteur a pourtant été accepté par tous les pays du G7, n'est-ce pas?
Beaucoup plus loin. L'intention du projet de loi consiste à les éliminer. Vous affirmez que nous ne supprimons pas tout à fait l'échappatoire existante. Est-ce exact?
En effet, la loi actuelle comporte une grave lacune, car elle permet aux détenteurs de titres au porteur d'exercer les droits afférents à leurs titres.
L'esprit de la loi consiste à éliminer et à retirer les titres au porteur, mais une lacune demeure, parce que nous ne forçons pas les détenteurs à les convertir. Vous soutenez qu'il faut colmater cette brèche.
Oui. Nous affirmons que le Canada doit faire de son mieux pour mettre en oeuvre les recommandations du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux et respecter ses obligations internationales en matière de blanchiment d'argent. Pour ce faire, le Canada doit prendre des mesures pour faire en sorte que les criminels hypothétiques qui souhaitent voter, vendre leurs titres ou les mettre en garantie soient obligés de les convertir.
Je me permets d'ajouter une chose. J'ai devant moi les recommandations du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux, qui ont été acceptées par tous les pays membres, y compris le Canada et des dizaines d'autres pays. La recommandation 24 indique que les pays devraient prendre des mesures pour empêcher l’utilisation des personnes morales à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. Le Canada est tenu de respecter cet engagement pris envers la communauté internationale.
Merci beaucoup.
Je crains que vos recommandations ne rendent M. Arya quelque peu nerveux, notamment celles sur les structures organisationnelles.
Ma question porte sur la politique en matière de diversité. N'importe laquelle d'entre vous peut répondre.
Je suis un homme blanc d'âge moyen. Voilà où j'en suis. Je ne suis pas du tout gêné par le fait d'établir une cible et de donner un peu de mordant à la loi en vue de corriger la situation. Pourquoi les libéraux sont-ils si craintifs? Vous n'avez pas à dire pourquoi. Pourquoi le projet de loi ne comprend-il pas plus de mesures pour régler le problème? Selon moi, ce qui est exigé dans la loi ne se produira jamais.
Je veux entendre vos observations à cet égard.
Je n'ai pas pris part à la rédaction du projet de loi et je ne me permettrais pas de parler au nom d'un député ministériel, car je ne fais pas partie du gouvernement. La question mérite qu'on s'y attarde de très près: souhaitons-nous être chefs de file, prendre position et affirmer qu'il nous faut des cibles idéalistes et précises? Nous devons indiquer très clairement que nous nous concentrons sur la représentation des femmes, car c'est ce qui a été le facteur déterminant dans la réussite que d'autres pays ont connue.
À mon avis, le premier ministre s'est exprimé très nettement sur l'égalité et son désir d'aller de l'avant. En matière de nominations publiques, le Québec fait figure de leader par rapport aux autres provinces. Le Québec a fait connaître son objectif d'atteindre une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les nominations publiques dont il a le contrôle et a donné suite à son engagement. Il est très important de déclarer clairement ses intentions.
Je ne peux pas parler du raisonnement qui sous-tend le projet de loi, mais je peux indiquer ce qui serait souhaitable pour l'avenir.
Je comprends que vous n'êtes pas lobbyiste, mais, étant donné votre domaine de recherche, auriez-vous une recommandation à faire pour améliorer cette partie du projet de loi?
Selon moi, le mot « genre » devrait paraître dans le texte du projet de loi, afin d'indiquer clairement son objectif à cet égard. En soulignant qu'il est bel et bien question du genre, on précise que l'objectif est d'arriver à une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les conseils d'administration.
Viser la diversité, c'est bien, mais le fait de veiller à une représentation équilibrée des deux sexes apportera la diversité. On n'exclut pas la possibilité d'ajouter une certaine diversité à d'autres égards, qu'il s'agisse des minorités visibles, des Autochtones, de la représentation des régions, d'âges ou d'expériences variées.
C'est pourquoi j'affirme que M. Arya et le premier ministre font montre d'hypocrisie. En effet, ils expriment des voeux pieux à droite et à gauche, mais ils n'ont pas le cran de coucher par écrit leurs intentions. Voilà ce que j'ai à leur reprocher.
Autre chose que je n'arrive pas à comprendre: pourquoi est-ce si difficile d'établir une politique sur la diversité? Ne peut-on pas intégrer une politique sur la diversité dans le mandat d'une société?
Est-ce qu'un des témoins pourrait m'expliquer pourquoi cela représenterait une exigence si lourde pour une société qui compte des centaines de spécialistes en ressources humaines et de conseillers juridiques parmi ses employés? Les libéraux ne peuvent même pas se contraindre à rendre une telle politique obligatoire. Je n'arrive pas à comprendre.
Ce n'est pas ce que je vous demande. Je veux connaître votre point de vue sur la politique de diversité.
Ne vous en déplaise, madame, de nombreuses sociétés ont adopté une politique en la matière. Bombardier...
D'accord, mais laissez-moi finir. Ce n'est pas facile, mais c'est faisable. C'est faisable lorsque l'initiative vient du haut, lorsque l'organisation a la volonté de le faire, et lorsqu'elle est disposée à réviser tous ses processus — les processus d'embauche, de promotion, ceux qui veillent à la parité salariale au sein de l'organisation. Si les banques et le secteur financier font des progrès en la matière, c'est parce qu'ils font preuve de leadership.
C'est très faisable, mais il faut faire preuve de leadership dynamique. Cela dit, les gouvernements jouent néanmoins un rôle important: ils peuvent motiver les sociétés dont la direction manque d'initiative. Ils peuvent commencer en fixant des cibles symboliques, en laissant clairement savoir aux sociétés qu'on s'attend à ce que les femmes soient davantage représentées aux conseils d'administration, et au-delà d'un délai prescrit, envisager des mesures plus sévères. Il n'y aucune raison de ne pas le faire. C'est dans l'intérêt des entreprises canadiennes.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais d'abord remercier les témoins. Je vous remercie de vos témoignages devant le comité aujourd'hui.
J'aimerais avoir vos impressions au sujet d'une question qui me passionne et que je poursuis à l'aide du projet de loi à l'étude.
Comme vous le savez sans doute, afin de déterminer si une mesure législative a atteint son objectif, il faut d'abord pouvoir en faire l'examen. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'examen périodique de l'objectif prévu aux termes du projet de loi.
Commençons par Mme Woodside.
Si j'ai bien compris, vous parlez de l'examen législatif obligatoire de la LCSA.
À mon avis, la LCSA est une loi absolument essentielle et très musclée. Comme tout le monde le sait, la responsabilité limitée est un important moyen d'intervention dans le marché libre, car elle limite ce que les créanciers et autres peuvent faire. C'est pourquoi je pense qu'un examen législatif est si important, car ça permet d'optimiser...
La loi actuelle prévoit un examen tous les 10 ans, c'est bien ça?
Certains témoins ont parlé de trois ans, d'autres de cinq ans. Pensez-vous que la loi devrait contenir une disposition rendant l'examen législatif obligatoire? À quelle fréquence devrait-il avoir lieu, et pourquoi?
Je pense que la loi touche à bien plus que la diversité et l'équilibre des genres. Elle est dense et très importante. Si on veut vraiment savoir si on atteint ses objectifs en matière de diversité et d'équilibre des genres, il faut faire une évaluation annuelle des progrès réalisés.
Le monde change très rapidement, bien plus rapidement qu'auparavant, c'est pourquoi je pense...
Je pense que le projet de loi laisse supposer un examen annuel; cela dit, je parlais plutôt de l'efficacité du projet de loi lui-même, du fait de prendre le temps, à l'avenir, de déterminer si la loi atteint vraiment son objectif.
Il n'y a aucun délai prescrit. Sous sa forme actuelle, le projet de loi ne prévoit aucun examen périodique. J'aimerais connaître votre avis. Devrait-on inclure une disposition exigeant l'examen législatif, et si oui, quelle serait votre recommandation quant à la fréquence de l'examen?
Je pense absolument que la loi devrait prévoir un examen. Je crois que les examens complets ont habituellement lieu tous les cinq ans.
Vous dites donc oui à l'examen, et vous recommandez qu'il ait lieu tous les cinq ans.
On a cité des pourcentages, et on a parlé de diversité, d'équilibre entre les genres et de l'efficacité des mesures qui existent à l'étranger. Quelles autres mesures nous recommanderiez-vous d'inclure dans le projet de loi afin de pouvoir déterminer si il a atteint son objectif?
En ce qui me concerne, j'aimerais qu'une explication soit exigée. Si vous n'êtes pas conformes, quels progrès avez-vous fait? Les rapports annuels ou autres qui sont soumis devraient contenir une explication. Par quels moyens atteignez-vous vos objectifs? Avez-vous fait de la diversité une des priorités de l'organisation? En plus de préciser les mesures que l'on prend, on devrait également expliquer ce que l'on fait dans chaque rapport annuel...
On a parlé de diversité et du fait que l'équilibre entre les genres est un élément de la diversité. Je comprends cela. Quelles mesures la loi devrait-elle comprendre à part l'équilibre entre les genres?
Je ne suis pas certaine de ce que vous voulez dire par « mesures ». Voulez-vous parler des peuples autochtones ou minorités visibles? On devrait inclure toutes ces données-là dans les pourcentages à mesure que les conseils d'administration se diversifient.
Parlons maintenant des mesures que d'autres gouvernements ont pris et qui soit ont produit des résultats, soit sont en train d'en produire — des mesures dont on pourrait s'inspirer comme pratique exemplaire.
Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais je pense qu'il existe généralement des cibles en matière d'équilibre entre les genres, disons 30 %, 40 %. Quelles mesures ont été prises dans l'atteinte de ces cibles? Il faut pouvoir mesurer les progrès, et sans objectif, c'est plutôt difficile. À quoi compare-t-on les progrès réalisés? Si on s'est fixé une cible de 30 % en cinq ans et de 40 % en dix ans, on peut ensuite déterminer si on l'a atteinte.
Prenons par exemple ce qu'a fait le Conseil canadien pour la diversité administrative. Il a adopté des cibles proportionnelles et représentatives, que ce soit pour les Autochtones ou autres minorités visibles, en fonction de la population.
Je pense que l'un de vous a affirmé siéger au comité sur l'équité en matière d'emploi et que celui-ci a fait la même chose. Voilà un exemple de mesure énergique que vous pourriez inclure.
Merci, monsieur le président.
Rapidement, sur la question de la diversité, nous n'avons même pas parlé des personnes handicapées. Cinquante pour cent des personnes inscrites et qui veulent travailler ne peuvent pas se trouver d'emploi. On parle seulement des personnes qui sont inscrites. C'est un problème grave au Canada.
En ce qui concerne cette question-là ainsi que celle des examens — je pense effectivement qu'ils sont importants lorsqu'on tient compte des mandats — savez-vous que, si on procédait avec tout ça, et si on montrait à d'autres groupes la marche à suivre, on semble s'entendre sur un examen tous les cinq ans, mais le projet de loi ne contient toujours aucune disposition en la matière? Le projet de loi a été adopté à la Chambre des communes et renvoyé au comité et aucun amendement n'a encore été proposé. Si on exige un examen tous les cinq ans, dans les faits il s'écoulera probablement sept ou huit ans avant qu'un comité en soit saisi à nouveau, compte tenu des élections et des autres imprévus qui surviennent parfois.
Dans le cadre de l'étude de récentes mesures législatives, j'ai fait des propositions d'amendement pour faire en sorte que la loi fasse l'objet d'un premier examen après deux ans, suivi d'examens subséquents tous les cinq ans par la suite. Si la présente mesure ne faisait pas l'objet d'un examen avant sept ou huit ans, au moins, pensez-vous que cela risquerait de nuire au Canada, au milieu des affaires et à notre capacité de répondre à nos obligations internationales?
J'aimerais entendre Mme Beckton et Mme Woodside à ce sujet.
Publiez ce que vous payez Canada s'intéresse généralement à la conduite des sociétés du secteur de l'extraction. L'un des plus grands changements que nous avons constaté, c'est que la pression exercée sur les sociétés pour changer leur culture est très grande aujourd'hui. On leur demande d'être transparentes, d'être ouvertes et de promouvoir la diversité.
Dans cette optique-là, je pense qu'on aurait tout intérêt à procéder à un examen plus rapidement, permettant ainsi au Canada de savoir que le Parlement s'occupe à établir des priorités en ce qui concerne la culture des affaires au Canada. La LCSA n'a pas exactement cette portée-là, mais elle donne le ton. Elle donne le ton pour les provinces et pour les entreprises enregistrées auprès du gouvernement fédéral, mais elle annonce également la position du Canada à l'international. Je pense qu'on aurait intérêt à ce qu'un examen ait lieu rapidement et aussi à ce qu'il soit obligatoire, comme ça nous pourrons nous assurer de discuter régulièrement des dispositions dans la loi.
Je dirais simplement qu'on ne devrait pas attendre cinq ans pour faire une analyse. On devrait procéder à un examen annuel puisque idéalement, quand on parle de diversité et d'équilibre entre les genres, je pense qu'il est préférable d'évaluer les progrès tous les ans. On n'a pas nécessairement besoin d'examiner la loi dans sa totalité, seulement les principaux objectifs que l'on souhaite atteindre. Même quand on fixe des cibles obligatoires, ça n'empêche pas de prendre le temps tous les ans de réévaluer ses priorités. Voilà ce que je ferais.
Merci.
Voilà qui termine le premier tour. Il y aura trois autres tours de cinq minutes, et puis nos témoins pourront nous quitter.
Monsieur Baylis, vous avez cinq minutes.
Merci.
J'aimerais approfondir un peu la question de la transparence. Si j'ai bien compris, le Royaume-Uni est le seul pays à avoir publié des données en la matière. C'est bien ça?
Les données de toutes les sociétés, qu'elles aient fait appel au public ou non, ont été recueillies et publiées.
Au Canada, ces données sont disponibles pour les sociétés ouvertes aux termes de la LCSA. Seules les sociétés n'ayant pas fait appel au public sont visées. Ces données sont également recueillies dans les pays qui participent à l'initiative sur la transparence des sociétés du secteur de l'extraction. Pour le secteur en question, la mise en oeuvre se poursuit à l'échelle mondiale.
Pour les sociétés ayant fait appel au public au Canada — nous les appellerons les « sociétés ouvertes » —, vous dites que ces données sont disponibles. Que se passe-t-il si les actions sont détenues par une société privée? Les données sont accessibles, mais l'actionnaire effectif n'est pas nécessairement connu. Ai-je bien compris?
En vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, ou LCSA, différentes règles s'appliquent aux sociétés ayant fait appel au public et celles qui ne l'ont pas fait. Comme Claire en a parlé, des règles provinciales s'appliquent également au chapitre des valeurs mobilières. Par exemple, en ce moment en Ontario, toute personne qui détient plus de 10 % des actions comportant droit de vote est considérée comme un initié conformément aux règles sur les transactions d'initiés. C'est ce qu'on appelle la propriété effective. Tout ce qui dépasse 10 % fait donc l'objet d'une déclaration.
De plus, en vertu de la LCSA, toute personne peut avoir accès à la liste des actionnaires inscrits d'une société ayant fait appel au public, c'est-à-dire une société ouverte. Ainsi, toute personne peut la consulter, si les conditions prévues sont respectées.
Ces conditions sont plutôt restreintes, si je ne me trompe pas. Sont-elles assez permissives pour que n'importe qui, même un agent immobilier, puisse y accéder?
Il faut suivre le processus en vertu de l'article 21 de la LCSA. Une personne peut se rendre aux bureaux d'une société — les données ne sont donc pas recueillies par le gouvernement — pour y consulter les livres, sur paiement d'un droit raisonnable et présentation d'un affidavit. Les demandes doivent respecter certaines conditions par rapport à l'utilisation des données: les utilisations acceptables sont associées à la société.
Oui, il y a des limites. Par exemple, les tribunaux ont étudié cette disposition et ont conclu qu'il serait inapproprié d'utiliser les données pour cibler des personnes fortunées afin de leur vendre des produits. Par exemple, il...
Les tribunaux ont tenté d'assurer un équilibre entre les aspects public et privé de la disposition. Si toutes les données étaient entièrement rendues publiques — et je comprends qu'une telle approche faciliterait la lutte contre la criminalité —, les personnes fortunées ne seraient-elles pas exposées à ce type de harcèlement ou encore à un manque de respect de la vie privée?
En ce qui concerne la protection de la vie privée, elle est encadrée par des lois et des principes. Le principe de base est le suivant: ni le gouvernement ni les sociétés ne peuvent divulguer des renseignements personnels à moins que la personne visée donne son consentement ou qu'une telle divulgation soit autorisée par la loi.
Il y a de nombreux cas où les données sont disponibles, y compris en vertu de la LCSA. Toute personne — et des gens se prévalent de ce droit — peut les obtenir. Un grand nombre de renseignements personnels, dont le pourcentage d'actions détenues, sont accessibles.
D'autres pays, que vous avez mentionnés dans votre mémoire, étudient la question. Ils n'ont encore rien fait, mais vous avez parlé de la France, de la Norvège, des États-Unis et de l'Australie. Pouvez-vous nous dresser un portrait de ce qu'ils examinent en ce moment, des mesures qu'ils ont prises ou non pour établir un registre public? Quelle est la situation dans ces pays?
L'Union européenne a adopté et met en oeuvre en ce moment la quatrième directive visant à répondre au blanchiment des capitaux, qui nécessitera la collecte centralisée de données. Je crois qu'elle compte également des dispositions sur la publication. D'autres pays ont examiné la question. Si on cherche une personne dans le registre public des actionnaires effectifs du Royaume-Uni, on constate que sa date de naissance, son nom et son adresse sont masqués...
Je connais la situation au Royaume-Uni, mais vous avez aussi parlé de pays comme la France, la Norvège et l'Australie. Détenez-vous de l'information sur ce qu'ils font?
Ces pays sont en plein processus de mise en oeuvre. En ce qui concerne les données exactes, j'ignore en ce moment ce qui sera disponible à propos de chaque actionnaire effectif. Ils auront...
Arrivent-ils à préserver un équilibre entre le droit à la vie privée et la divulgation au public? Des discussions sur ce sujet ont-elles cours dans ces autres pays?
Oui. Lorsque les États-Unis se sont penchés sérieusement sur cette question sous l'ancien gouvernement, des discussions sur l'équilibre à atteindre ont eu lieu. Je crois que l'une des difficultés dans ce dossier est que le point d'équilibre se déplace. Au fur et à mesure que les structures d'entreprise se complexifient et que l'évasion et l'évitement fiscaux gagnent en importance, tout comme le blanchiment d'argent, les intérêts en jeu changent. À titre de société, nous devons prendre un moment pour réfléchir à la mesure dans laquelle ce point d'équilibre s'est déplacé. Nous devons nous demander si l'intérêt public l'emporte maintenant sur les intérêts privés de ces personnes.
La vérité, c'est qu'il est beaucoup moins coûteux de communiquer l'information au moyen d'un registre public. Ainsi, les organismes de réglementation, les journalistes et les citoyens peuvent y accéder. Par exemple, au Canada, les commissions provinciales des valeurs mobilières ne sont pas considérées comme des organismes d'application de la loi. Lorsqu'elles mènent une enquête sur une entreprise, elles n'ont pas accès aux données sur la propriété effective des actions. Un registre public réduit les entraves à leur travail.
Les pays en développement qui n'ont pas d'entente de partage d'information avec le Canada peuvent ainsi consulter les données. Je crois que ce serait le moment idéal pour mener une étude parlementaire sur la question, déterminer les mesures que le Canada doit prendre pour lutter contre le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale et voir à quel point la situation a changé dans ce dossier.
Je me demande si un des groupes présents souhaite prendre la parole sur l'exigence relative au lieu de résidence et nous dire si le projet de loi devrait la renforcer. Si vous n'avez aucune observation sur ce sujet, c'est très bien. Je voulais simplement le savoir.
Il n'y a aucun commentaire sur cette question.
D'accord. Qu'en est-il du droit de regard sur la rémunération? Avez-vous des remarques sur ce sujet?
Je parle du droit de regard sur la rémunération, c'est-à-dire si les conseils d'administration devraient pouvoir limiter la rémunération des cadres supérieurs.
Non? D'accord.
Très bien. J'ai pensé qu'il était pertinent de poser la question.
Je me demande, madame Beckton, si vous pouvez me donner votre avis sur un autre volet du projet de loi.
Selon moi, le projet de loi devrait être un peu plus musclé; nous n'exigeons pas des sociétés que 50 % des membres de la haute direction soient des femmes, des membres des minorités visibles ou autres. Nous parlons des conseils d'administration, l'organe de gestion de base d'une entreprise. Loin de moi l'idée de diminuer l'importance de ces conseils; de toute évidence, ils jouent un rôle crucial pour veiller à ce que la haute direction demeure vigilante. Cela dit, je trouve inconcevable que le projet de loi ne soit pas un peu plus exigeant envers les sociétés afin de les inciter à renforcer leur conseil.
En ce qui concerne le point soulevé par M. Masse sur les personnes ayant un handicap, le projet de loi ne contient aucune disposition à ce sujet non plus. Il faut se rendre dans certaines entreprises pour constater comment les personnes ayant un handicap sont accueillies. Avez-vous des remarques à faire sur ce sujet?
Pour être efficace, un texte de loi doit exprimer clairement son objectif. Il pourrait être amélioré par l'ajout de cibles, que ce soit dans le texte de la mesure législative même ou au moment de sa mise en oeuvre.
Pour revenir à ce que vous avez dit sur les conseils d'administration, je pense qu'ils sont extrêmement importants. Plus les conseils respecteront la parité hommes-femmes et plus ils feront une place à la diversité, plus ces valeurs seront susceptibles de devenir une priorité pour la haute direction des entreprises. Les bons conseils forts d'une riche diversité poseront les questions difficiles aux cadres supérieurs. Ils leur demanderont des comptes parce que s'ils ne proposent rien à ce sujet...
Des cibles sont nécessaires pour créer un projet de loi efficace. Il faut quelque chose de mesurable. Il faut inciter les sociétés à examiner sérieusement ce qu'elles font en ce qui concerne l'égalité hommes-femmes et la diversité. Elles doivent être capables de l'expliquer et de le démontrer, non seulement devant leur conseil d'administration ou leurs actionnaires, mais aussi devant le grand public, l'ensemble du pays.
Très bien.
J'encourage les deux groupes présents aujourd'hui à présenter leurs amendements à ce sujet, s'il y a lieu.
M. Masse et moi serions heureux de présenter ces amendements au comité pendant l'étude article par article. Nous verrons si les libéraux auront le courage de les intégrer ou pas.
Merci, monsieur le président.
Je veux m'assurer en quelques minutes que le comité comprend bien. Si nous obtenons une période d'examen, ce pourrait être quelques instants en comité, une audience complète ou une heure. Elle pourrait aussi porter sur un seul point.
Le comité a étudié d'autres mesures législatives. J'ai participé à l'adoption de nombreux amendements à des projets de loi qui visaient à procéder à un examen après deux ans. Ainsi, il est possible, par exemple, de revoir le texte ou de faire le point sur les intérêts du gouvernement en quelque sorte.
Nous pourrions passer 30 minutes sur un sujet, l'adopter en quelques instants ou organiser des audiences complètes. C'est maintenant un choix, et le ministre en tire certains pouvoirs — et je pense que certains ont critiqué ma description de ces pouvoirs. C'est semblable à la méthode du bâton et de la carotte. Nous observons et, si de bons comportements sont relevés, nous pouvons les examiner.
Cela dit, je vais passer rapidement aux effets potentiels de la mesure législative dans la lutte contre le crime organisé. J'ai présenté un projet de loi qui visait les paris sur une seule épreuve sportive, qui a été tout juste rejeté à la Chambre. Il portait moins sur les paris sportifs que sur la lutte au crime organisé. En fait, nous avons entendu une série de témoignages d'anciens agents d'Interpol, de la GRC et de corps policiers provinciaux; ils ne pouvaient témoigner lorsqu'ils étaient en poste, mais ils l'ont fait une fois qu'ils ont eu quitté leurs fonctions. Leur apport a été précieux. Le projet de loi aurait pu retirer environ 10 milliards de dollars des mains du crime organisé, dont une grande partie sert à la traite des personnes, y compris à la prostitution. Il aurait éliminé le blanchiment d'argent pour une série de types de crimes, de la vente de drogues à tout ce qui se déroule dans ce milieu. L'activité la plus lucrative pour le crime organisé, ce sont les paris sur une seule épreuve sportive. C'est un phénomène mondial qui est, dans un sens, visé.
Je vais maintenant m'adresser à Mme Woodside.
Étant donné que le Canada vient de signer l'accord de libre-échange avec l'Union européenne et que celle-ci avance bien dans ce dossier, nous faisons piètre figure. En fait, on parle même d'une pratique qu'on appelle « snow-washing » par rapport au Canada. Au moyen de ces mesures et d'autres que vous proposez au comité, croyez-vous que le projet de loi permettra de laver la réputation du Canada, qui est perçu comme se traînant les pieds dans la lutte contre le crime organisé?
L'opacité relative à la propriété effective a été reconnue par le Toronto Star — qui a joué un rôle, selon moi, dans l'invention du terme « lavage de neige » —, par de nombreux groupes au Canada et dans divers forums internationaux comme le problème fondamental dans la lutte contre le crime organisé, le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale.
C'est l'élément d'information crucial qui manque aux autorités, que les gens ne peuvent trouver. Qui contrôle une entreprise? Les preuves qui étayent cela sont solides. Selon le modèle que le Canada a adopté ou a décidé de conserver, on s'attend à ce que les institutions financières et d'autres organisations recueillent des renseignements et fassent de leur mieux pour les vérifier, ce qu'elles sont incapables de faire la plupart du temps. Lorsque les autorités ont besoin de ces renseignements, elles les demandent aux institutions financières et les diffusent à l'interne.
L'un des documents qui n'ont pas reçu suffisamment d'attention, au Canada, c'est l'évaluation du Groupe d'action financière, qui a été rendue publique en octobre 2016. Dans cette évaluation, on demande au Canada de prendre des mesures prioritaires concernant la propriété effective et on signale certains problèmes graves.
Premièrement, on a constaté que le Canada ne dispose pas de mécanismes permettant de vérifier l'information; les institutions financières ne peuvent donc le faire. Ailleurs, les institutions financières qui participent à ces discussions disent qu'elles ont besoin de cette information et qu'elles ne peuvent la vérifier de façon indépendante. La BMO, par exemple, est en faveur du registre mondial de la propriété effective, qui a été lancé l'an dernier par diverses organisations de la société civile, y compris la B Team, une organisation d'entreprises de la société civile.
Les institutions financières reconnaissent qu'il leur est très difficile de s'acquitter de cette obligation.
Il serait possible notamment d'examiner l'évaluation du Groupe d'action financière, qui met l'accent, d'abord, sur la vérification de l'information. Deuxièmement, on indique que lorsque cette information est partagée, les obstacles juridiques qui en découlent rendent le processus si lent que la GRC n'obtient pas l'information à temps, ce qui nuit à ses enquêtes. Nous préconisons la mise sur pied d'un registre public qui permettra de surmonter tous ces obstacles juridiques. C'est ce que souligne l'évaluation.
Troisièmement, on ne fait aucune enquête à ce sujet, et il faut se demander pourquoi. Il est très difficile de mener une enquête lorsqu'on n'a pas les renseignements nécessaires à sa disposition. Au Canada, nous ne voulons pas que les autorités doivent renoncer à mener des enquêtes sur les entreprises, car c'est ainsi que persiste la pratique du « lavage de neige ».
Ma dernière question est très brève.
Selon vous, si la mesure législative actuelle n'est pas modifiée, représentera-t-elle une perte pour le Canada?
Je pense qu'il serait très important d'envoyer un signal fort et clair pour dire que vous voulez une participation accrue des femmes, ainsi que des cibles et des mesures en ce sens.
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