:
Nous saluons d'abord l'intégration de la Charte canadienne des droits des victimes dans la loi. Celle-ci accorde un droit à l'information et à la protection, un droit de participation et un droit au dédommagement. Le Barreau du Québec s'interroge toutefois sur la portée du droit d'une victime aux renseignements dans le contexte de l'alinéa b) de l'article 71.04 du projet de loi. Est-ce que cela signifie que la victime aurait le droit d'avoir des renseignements personnels concernant le contrevenant?
Nous sommes aussi favorables à la création du rôle d'agent de liaison de la victime, mais nous sommes d'avis qu'il serait peut-être souhaitable d'exiger de l'agent une formation minimale et des compétences professionnelles pour exercer cette fonction.
Nous constatons et saluons également le fait que de nouveaux pouvoirs sont octroyés aux juges militaires pour faciliter le témoignage des victimes et des témoins. Une victime peut avoir peur des représailles ou de subir de la pression. Ces pouvoirs vont donc permettre d'assurer sa sécurité. Toutefois, nous nous demandons pourquoi le régime de protections et de droits conférés aux victimes se limite aux infractions d'ordre militaire et ne s'étend pas aux manquements d'ordre militaire. À notre avis, la loi doit protéger les victimes autant pour un type d'infraction que pour un manquement.
Le deuxième grand volet du projet de loi est le changement de paradigme en ce qui concerne la voie sommaire. Nous notons la volonté du législateur de s'éloigner d'un système de justice pénale pour se rapprocher d'un système qui ressemble au droit disciplinaire. Nous sommes favorables à cette initiative qui vise à réduire la stigmatisation du militaire, mais aussi à rendre le processus entourant un procès plus efficace et plus équitable. Par contre, nous tenons à vous rappeler que ce changement de paradigme ne doit pas se faire au prix d'une réduction des droits des militaires.
En ce qui concerne le retrait de la détention, le projet de loi enlève à l'échelle des peines la possibilité, pour un commandant, d'imposer une peine de détention pouvant aller jusqu'à 30 jours dans un établissement de détention militaire. À première vue, une réduction de l'exposition des militaires à des conséquences pénales est souhaitable, mais il demeure que des questions importantes se posent sur les effets de ce retrait.
En retirant la détention, il pourrait être plus difficile de traiter les inconduites commises sur le théâtre des opérations. En effet, il est plus compliqué de tenir une cour martiale à l'étranger. N'est-il pas plus utile, dans certaines circonstances, de prévoir quand même une détention qui serait sévère, certes, mais de courte durée pour des situations pour lesquelles il faut agir rapidement? De notre avis, ce n'est pas la détention qui est problématique; elle a son utilité. Le réel défi est de garantir le respect des droits fondamentaux des militaires lorsqu'ils y font face.
Un autre effet de cette réforme de la voie sommaire est l'abaissement de la norme de preuve hors de tout doute raisonnable à prépondérance des probabilités. Cela semble être cohérent avec la volonté de dépénaliser le processus. Toutefois, malgré ce changement de fardeau, les militaires continueront d'être exposés à des conséquences sérieuses, comme la rétrogradation ou encore la privation des indemnités et de leur solde. Cette dernière sanction peut représenter un impact financier important pour le militaire.
Dans l'éventualité où le législateur déciderait d'abandonner le fardeau hors de tout doute raisonnable, voie que nous pensons qui devrait être privilégiée, il pourrait y avoir une suggestion mitoyenne, à l'exemple du droit disciplinaire. Cela consiste à exiger que, pour satisfaire au fardeau, il faut que la preuve soit claire et convaincante, donc entre « hors de tout doute raisonnable » et « prépondérance des probabilités ». Nous préférons quand même la voie « hors de tout doute raisonnable » tant et aussi longtemps que les militaires seront exposés à des conséquences pénales. J'y reviendrai plus loin.
Je vais maintenant parler des expressions non définies. Les expressions « manquements d'ordre militaire » et « sanctions mineures » ne sont pas définies dans le projet de loi, mais elles le seront dans la réglementation ultérieure. Cet élément soulève des inquiétudes, puisqu'il faut, selon nous, une meilleure transparence et s'assurer déjà en amont que les dispositions sont conformes à la Charte canadienne des droits et libertés, notamment. De plus, le spectre de ce que peut être une sanction mineure est très large.
Prenons, par exemple, la consigne aux quartiers ou au navire, dont la peine peut aller jusqu'à la privation de liberté s'apparentant à un emprisonnement avec sursis prévu à l'article 742.1 du Code criminel. À notre avis, il faut que les sanctions mineures soient définies dans la loi et que la consigne aux quartiers ou au navire soit considérée comme une sanction sérieuse, laquelle entraîne des protections.
Je vais maintenant traiter des protections procédurales pour les militaires. Nous réitérons qu'il est nécessaire de mieux protéger les militaires, et ce, malgré le retrait de certains attributs pénaux du système de justice militaire par voie sommaire. Même en se rapprochant d'un modèle de droit disciplinaire administratif applicable aux corps professionnels, la réforme néglige d'offrir certaines protections d'équité procédurale.
Effectivement, le projet de loi ne modifie pas le fait que ce sont les commandants qui déterminent si les militaires ont commis des manquements et qui imposent des sanctions, le cas échéant. Nous comprenons qu'en enlevant certains aspects pénaux du système actuel, le projet de loi rend moins nécessaire l'exigence d'avoir un décideur indépendant au sens de l'alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés. Mais il reste que, lorsqu'on compare ce régime au régime disciplinaire applicable aux policiers de la Sûreté du Québec ou de la Gendarmerie royale du Canada, les décideurs militaires ont moins d'indépendance. À notre avis, il faut adopter des mesures de contrepoids pour s'assurer que les commandants s'acquittent de leurs fonctions avec le plus d'impartialité possible.
Une autre situation nous semble problématique. Il s'agit du retrait de la faculté d'opter pour la cour martiale. Nous estimons que, dans la mesure où les militaires sont toujours exposés à des conséquences sérieuses pour des manquements qui restent à définir, il est souhaitable de maintenir ce droit d'option.
Aussi, le projet de loi est silencieux quant à la représentation des militaires faisant face à des allégations de manquements. Pour l'instant, seuls les avocats du Directeur du service d'avocats de la défense sont autorisés à donner des conseils juridiques et de l'information juridique — c'est le terme utilisé dans la réglementation —, mais ceux-ci doivent être de nature générale et porter sur des questions liées au procès sommaire de l'accusé, point, et faire la différence entre la cour martiale et le procès sommaire, point. Cela ne semble pas comprendre la faculté de donner des avis juridiques complets ou de les représenter. Cela nous semble problématique puisque, par comparaison, les policiers de la GRC ou de la Sûreté du Québec bénéficient soit d'une réelle aide juridique, soit d'une représentation complète.
Nous recommandons que les services juridiques offerts aux militaires soient étendus pour inclure à tout le moins l'offre d'avis juridiques complets, sans frais, en préparation de l'instance, et qu'on offre le choix d'opter pour la cour martiale ou non.
Ajoutons que le projet de loi est muet quant à la possibilité d'enregistrement des audiences et sur la façon dont les décideurs doivent motiver leurs décisions. Selon nous, les audiences sommaires doivent être enregistrées dans la mesure du possible, et par souci de transparence, d'équité et d'imputabilité, les décisions devraient être motivées par écrit.
Le projet de loi prévoit que la décision ou la sanction imposée par une autorité sommaire pourra être révisée d'office ou à la demande de la personne visée, conformément aux règlements du gouverneur en conseil. Dans ce contexte, nous nous demandons si la révision sur demande et celle d'office du régime actuel seront reprises. Exclura-t-on du champ d'application de la procédure de grief militaire les décisions des audiences sommaires et des autorités de révision, car elles sont prises aux termes du code de discipline? Selon nous, encore une fois, compte tenu des conséquences pénales auxquelles sont exposés les militaires, nous sommes d'avis qu'il faudrait prévoir un droit d'appel des décisions des audiences sommaires. Cet appel pourrait intervenir après le processus de révision et n'être possible que lorsque le militaire a subi une conséquence pénale.
Bref, compte tenu des divers éléments mentionnés qui nous semblent problématiques dans cette réforme de la voie sommaire, nous pensons qu'il est peut-être mieux de reporter celle-ci, afin de donner toute la considération nécessaire à la protection des droits des militaires.
Finalement, soulignons que plusieurs modifications visent à harmoniser la justice militaire et la justice civile, par exemple l'ajout, à l'article 16 du projet de loi, de la possibilité pour une victime de demander une ordonnance de s'abstenir de communiquer avec elle. Nous sommes très favorables à cette modification, qui permettra aux juges militaires de mieux assurer la sécurité des victimes. Par contre, nous nous questionnons sur l'utilisation du terme « victime », qui nous semble restrictif. Selon nous, cela devrait être toute « personne », comme c'est le cas dans le Code criminel.
Aussi, le projet de loi contient des modifications importantes en matière de peines. On exige notamment que, lors de la détermination de la peine, une attention particulière soit portée à la situation des contrevenants autochtones. On prévoit la possibilité qu'une peine soit purgée de façon discontinue. On prévoit aussi la possibilité d'ordonner la suspension d'une peine et, enfin, la possibilité de prononcer une absolution inconditionnelle.
Le Barreau du Québec, bien que favorable à ces modifications importantes, s'interroge d'abord sur la raison pour laquelle le législateur a limité la possibilité d'ordonner une peine discontinue pour des périodes d'emprisonnement ou de détention d'un maximum de 14 jours, alors que dans le Code criminel, ce type d'ordonnance peut être prononcé pour des peines allant jusqu'à 90 jours. Ensuite, nous nous questionnons sur le motif pour lequel une suspension peut être prononcée seulement lorsque l'incarcération ou la détention est requise, à l'inverse de ce que permet le Code criminel. Enfin, nous accueillions favorablement le pouvoir du juge militaire de prononcer des absolutions inconditionnelles, mais nous nous interrogeons sur la raison pour laquelle ce pouvoir n'a pas été étendu jusqu'à celui de prononcer des absolutions conditionnelles.
En terminant, le Barreau du Québec a noté le changement de l'objectif essentiel de la détermination de la peine, qui ne vise plus à contribuer « au respect de la loi et au maintien d'une société juste, paisible et sûre », mais simplement à maintenir la discipline, l'efficacité et le moral des Forces canadiennes. Le Barreau du Québec estime que la formulation antérieure est plus conforme à la dualité de la justice militaire, en partie similaire à la justice civile, en partie unique.
Voilà qui fait le tour des enjeux principaux que le Barreau du Québec voulait aborder avec vous, monsieur le président et membres du Comité, dans le cadre des consultation sur le projet de loi . Des explications plus détaillées sur les différents enjeux que nous venons de présenter se trouvent dans le mémoire qui est sur le site Web du Barreau du Québec, en français seulement, mais vous aurez la copie bilingue à partir du 16 novembre.
Nous espérons que notre présentation a contribué à votre réflexion. Nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions.
Je vous remercie.
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Bonjour, monsieur le président et membres du Comité. Je tiens d’abord à vous remercier de me donner l’occasion de vous parler des modifications proposées à la Loi sur la défense nationale, plus précisément à l’alinéa 98c).
Mon fils, le caporal Stuart Langridge, était un soldat de reconnaissance qui, par suite de déploiements en Bosnie et en Afghanistan, s’est enlevé la vie à la BFC Edmonton en 2008. C’était un fils, un frère, un petit-fils et surtout, quelqu’un qui aimait l’armée. Il a reçu la Médaille du sacrifice à titre posthume et son décès a été attribué au service du Canada.
Depuis, compte tenu de la sensibilisation croissante au suicide chez les militaires et les anciens combattants, nos forces armées ont fait de grands progrès pour ce qui est de reconnaître la réalité des blessures de stress opérationnel et du trouble de stress post-traumatique. La chaîne de commandement a mis en oeuvre des programmes visant à atténuer les suicides grâce à la formation et à la diffusion de messages indiquant qu'une aide et un soutien médicaux sont disponibles. Il y a un changement de culture souhaité par rapport aux stigmatisations autrefois subies par nos militaires.
Nous faisons partie d’une fraternité militaire informelle et nous avons tous déjà entendu les vieilles rengaines selon lesquelles un vrai militaire ne doit pas se plaindre et ne souffre pas de TSPT, mais l'inflige plutôt aux autres, mais fort heureusement, ces messages sont aujourd'hui considérés comme déplacés. Lorsque Stu éprouvait des difficultés et cherchait de l’aide, il a déploré être lui aussi devenu l’un de ces perdants. Soldat fier, il se sentait ostracisé et humilié.
Les interprétations antérieures des victimes de blessure de stress opérationnel justifiaient les sanctions formelles et informelles à titre de mesures appropriées. L’exemple le plus tragique est peut-être celui d’il y a un siècle, lorsque de brutales mesures disciplinaires ont entraîné l’exécution de 23 soldats canadiens. Depuis, ils ont tous été réhabilités à titre posthume pour des motifs moraux, parce que l’on s’est rendu compte qu’ils souffraient peut-être eux aussi d'une BSO.
Dans ce contexte, il est troublant qu'encore aujourd’hui, en vertu de l’alinéa 98c), un militaire puisse être condamné à l’emprisonnement à perpétuité pour tentative de suicide. Il serait plus approprié de considérer l’automutilation comme symptomatique d’un problème de santé mentale grave et urgent et de signaler la nécessité d’une intervention médicale appropriée et immédiate. Je ferais également remarquer que si un membre des forces atteint un état de dysphorie où il considère le suicide comme étant sa meilleure option, la menace d’une éventuelle mesure disciplinaire n’a pas grand effet dissuasif et devient tout à fait inutile s’il passe aux actes.
Plus précisément, je crois que le fait de punir un militaire qui souffre d’une BSO ou d’une autre lésion cérébrale peut constituer un cas d'abus de facto d’un subalterne, ce qui est contraire à l’esprit du code de discipline militaire. Une telle mesure disciplinaire devient particulièrement odieuse si elle sert à punir une blessure résultant du service au Canada.
Cela dit, je comprends très bien qu’une discipline adéquate est essentielle dans nos forces armées et qu’elle constitue un outil essentiel pour garantir la cohésion et le respect de normes élevées. Je vous demanderais toutefois de bien réfléchir aux conséquences de ces mesures, afin de vous assurer que les résultats de vos efforts n’auront pas de conséquences imprévues.
Si la tentative de suicide est considérée comme une forme d’inconduite punissable, le message sous-jacent aux victimes de blessures de stress opérationnel débilitantes n’est pas qu’elles doivent demander de l’aide, mais plutôt qu’elles doivent continuer de tenter de s’autogérer pour éviter des représailles juridiques. Cela va à l’encontre des programmes qui s’attaquent actuellement aux problèmes des BSO et du suicide. Punir quelqu’un qui souffre d’un traumatisme lié au stress au lieu de l'aider équivaut à jeter une ancre à quelqu'un qui se noie.
Dans le monde civil, il n’y a pas de sanctions juridiques comparables pour les tentatives de suicide, et les lois provinciales prévoient plutôt des traitements médicaux d’urgence. C’est un problème de santé mentale et non un crime. Dans notre province, la Colombie-Britannique, l’indemnisation des accidentés du travail a déjà accepté que certains cas de trouble de stress post-traumatique soient considérés comme des blessures professionnelles, et les suicides qui en ont résulté ont été jugés pleinement indemnisables.
Dans les forces armées aussi, je crois que nous devrions commencer par reconnaître une blessure de bonne foi jusqu’à preuve du contraire. Toute menace de mesures disciplinaires prescrites aura un effet dissuasif sur la recherche précoce d’une aide médicale et nuira non seulement au membre, mais, par extension, à sa préparation opérationnelle.
Notre fils Stuart a combattu pendant un an sous les soins médicaux avant de succomber à sa blessure. Au moment de son décès, il avait été retiré de l’hôpital psychiatrique où il avait cherché de l’aide et il faisait l’objet de restrictions imposées comme des mesures disciplinaires contre les contrevenants. Nous sommes convaincus que ces mesures disciplinaires déguisées ont contribué à son décès. Il était humilié et sans espoir lorsqu’il a écrit dans sa note d’adieu qu’il devait mettre fin à sa douleur.
Mon mari et moi faisons maintenant partie de cette fraternité militaire informelle, et je peux dire en toute honnêteté que de tous les militaires que nous avons rencontrés, dont beaucoup sont blessés, je n'en ai connu aucun qui veuille vraiment mourir. Ils sont fiers de leur service, et la plupart d’entre eux aimeraient continuer de servir leur pays.
Nous espérons sincèrement que la mort de Stuart n'aura pas été en vain et qu'elle entraînera des changements positifs concernant le traitement des victimes de BSO. À l’heure actuelle, les dispositions de l’alinéa 98c) sont devenues mal adaptées à la façon dont les patriotes canadiens devraient être traités.
Ce n’est pas une question de politique. Nos motivations ne sont pas partisanes, mais nous considérons que ce problème fait de véritables victimes. L’effet d’entraînement qui se produit lorsqu’un membre s’enlève la vie s’étend, au-delà de ceux qui sont directement en cause, à la collectivité en général.
Malgré les différences d'allégeance politique, je crois sincèrement que tout le monde dans cette salle veut faire partie de la solution au problème du suicide dans les forces armées. Il devrait être facile pour vous d’examiner cette question. Probablement comme vous, j'ai peine à concevoir que la menace d’une infraction d'ordre militaire et d’une peine d’emprisonnement à perpétuité contribue à enrayer l’épidémie de suicide dans les forces armées.
Il n’y a aucun avantage à laisser l’alinéa 98c) dans la Loi sur la défense nationale, et il n’y a aucun inconvénient à le supprimer. Moralement comme au fond de mon coeur, je crois que c’est la chose à faire que de le supprimer. Chacun de nous doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour veiller à ce qu’aucune autre personne ne meure. Chacun de nos hommes et de nos femmes doit se sentir valorisé et digne de notre attention dans ce dossier. Nos soldats blessés méritent notre appui, et non notre mépris. Il ne s’agit pas simplement de biens militaires jetables. Si la suppression de l’alinéa 98c) permet de sauver ne serait-ce qu’une vie, vos actions en auront valu la peine.
Je vous remercie des efforts que vous déployez pour apporter des changements positifs et améliorer nos forces armées.
:
Bonjour. Je m'appelle est Jean-Guy Perron et je suis un lieutenant-colonel à la retraite.
Je me suis enrôlé en 1978 et je suis diplômé du Collège militaire royal de Saint-Jean. De 1983 à 1990, au début de ma carrière, j'ai été officier d'infanterie au sein du Royal 22e Régiment et du 1er commando du Régiment aéroporté du Canada.
J'ai fait mes études en droit à l'Université d'Ottawa. De 1995 à 2006, j'ai été avocat militaire au sein du Cabinet du juge-avocat général. J'ai commandé l'Unité nationale de contre-ingérence des Forces canadiennes de 2004 à 2006, j'ai été nommé juge militaire par le gouverneur en conseil en 2006 et j'ai pris ma libération des Forces canadiennes en 2014.
J'ai été déployé en Bosnie, au Rwanda et en Ouganda. Je me suis rendu en Afghanistan à quelques reprises, notamment pour présider la cour martiale du capitaine Semrau.
[Traduction]
Mes commentaires porteront sur les audiences sommaires et sur les dispositions connexes du projet de loi . Je commencerai par établir une comparaison entre le projet de loi et le projet de loi C-77.
Dans le projet de loi , on utilise l'expression « manquement disciplinaire » plutôt qu'« infraction d’ordre militaire ». Les deux sont créés par règlement et ne constituent pas une infraction en vertu de la LDN ou de la Loi sur le casier judiciaire. En vertu du projet de loi C-71, une infraction disciplinaire ne peut être jugée que par procès sommaire. En vertu du projet de loi , une infraction d’ordre militaire ne peut être jugée que dans le cadre d'une audience sommaire. Les sanctions prévues dans le projet de loi C-71 sont identiques à celles prévues dans le projet de loi C-77.
Quant aux principes et aux objectifs de la détermination de la peine contenus dans le projet de loi , ils sont pratiquement identiques à ceux du projet de loi . Le procès sommaire prévu dans le projet de loi C-71 se déroule devant un tribunal militaire qui examine des manquements disciplinaires, et non des infractions d’ordre militaire. Il procure à l’accusé pratiquement toutes les protections du droit pénal. L'audience sommaire en vertu du projet de loi est, en fait, identique au procès sommaire prévu dans le projet de loi C-71, à l’exception d’un élément essentiel. Tout sera défini dans les règlements. L'audience prévue en vertu du projet de loi C-77 n’est pas définie. Si l’on suit ce qui est actuellement prévu au chapitre 108 des ORFC, qui décrit la procédure d'un procès sommaire, on peut s’attendre à ce que le futur chapitre 108 des ORFC soit assez semblable pour une audience sommaire. Si c’est le cas, la conclusion d’une audience sommaire est fondée sur la prépondérance des probabilités, plutôt que sur le doute raisonnable, comme le prévoit le projet de loi C-71 et comme c’est le cas actuellement pour un procès sommaire.
Les objectifs et les principes de détermination de la peine énoncés dans le projet de loi sont pratiquement identiques à ceux qu'utilisent actuellement les tribunaux militaires et ceux qui se trouvent dans le Code criminel. Il est toutefois question dans le projet de loi C-77 de sanctions mineures qui peuvent être imposées lors d’audiences sommaires, mais ces sanctions ne sont pas définies. Les sanctions mineures seraient-elles identiques ou assez semblables aux sanctions mineures qui existent aujourd’hui? Ce serait probablement le cas.
Les punitions de consignation au quartier et d'exercices et de travaux supplémentaires soulèveraient certaines préoccupations. Les commandants peuvent consigner une personne au quartier pendant une période maximale de 21 jours. Les règles relatives à la consignation au quartier pourraient restreindre la liberté de mouvement et d’action d’un contrevenant. Un contrevenant ne peut pas dépasser les limites géographiques prescrites par le commandant dans les ordres permanents. Cette privation de liberté peut être très stricte et ressemblerait à une peine d’emprisonnement avec sursis: la détention à domicile.
On pourrait ordonner à une personne assujettie à la consignation au quartier de rester à l’intérieur de l'unité pendant toute la durée de la peine. Cela signifie qu’une personne qui a une conjointe ou une famille pourrait en être séparée pendant la période de punition. Une personne condamnée à la détention à domicile vit toujours avec sa conjointe et sa famille. C’est une distinction importante. Des conditions de détention strictes dans les navires ou au quartier pourraient être très restrictives pour la liberté de la personne et pourraient équivaloir à la détention.
En vertu du projet de loi , l’accusé est passible d’une peine plus sévère fondée sur un seuil de déclaration de culpabilité moins élevé. Une audience sommaire en vertu du projet de loi offre moins de protection à l’accusé que ce qui était prévu dans le projet de loi et ce qui est actuellement prévu en cas de procès sommaire.
Je vais maintenant parler du rôle du commandant. Dans son rapport de 1997, le juge Dickson précisait que le commandant est au coeur de tout le système disciplinaire. À l’heure actuelle, la Loi sur la défense nationale et les ORFC reflètent ce rôle clé. Un examen des rapports annuels du JAG pour les exercices 2008-2009 à 2017-2018, soit une période de 10 ans, fournit des renseignements très utiles pour aider à comprendre le système de justice militaire actuel. Les données indiquent que les commandants ont présidé plus de 16 % des procès sommaires, les officiers délégués plus de 80 % et les commandants supérieurs, plus de 4 %. Cette répartition est probablement semblable aujourd’hui, mais le JAG a cessé de fournir ces statistiques après 2010. C’est malheureux, car cela donne une idée claire de la façon dont la discipline est appliquée au sein des unités. Il semble que la grande majorité des procès sommaires soient présidés par l’officier le plus près de l’accusé, et celui qui possède les pouvoirs de punition les moins sévères.
Le projet de loi , tout comme le projet de loi , transforme radicalement ce concept. Le projet de loi C-77 accorde plus de pouvoirs punitifs au commandant supérieur qu’au commandant. Cela soulève la question de savoir si le commandant est toujours l’acteur le plus important dans les questions disciplinaires au sein de son unité.
Ensuite, en ce qui concerne la nécessité de modifier le système de justice militaire, pourquoi la chaîne de commandement a-t-elle besoin de nouvelles infractions d'ordre militaire et d’un nouveau système disciplinaire pour assurer la bonne administration de la discipline au sein d’une unité? Au cours de la période de 10 ans, environ 70 % des procès sommaires ont eu lieu sans que l’accusé puisse choisir la cour martiale. Au cours de cette même période de 10 ans, les cinq infractions mineures et la désobéissance à un ordre légitime ont représenté 94 % des accusations portées dans le cadre d’un procès sommaire.
Les sanctions qui sont imposées le plus souvent sont, dans l'ordre, une amende, 59 %; la consignation au quartier, 24 %; les travaux et exercices supplémentaires, 6 %; la réprimande, 4 %; et la détention, environ 2 %. Compte tenu de ces statistiques, pourquoi faut-il créer de nouvelles infractions disciplinaires et un nouveau processus disciplinaire pour aider le commandant à faire régner la discipline au sein de son unité?
En ce qui concerne la décriminalisation des infractions disciplinaires, une personne reconnue coupable de l’une ou l’autre des infractions d'ordre militaire énumérées à l’article 249.27 de la Loi sur la défense nationale et condamnée à une peine d’emprisonnement, à un congédiement, à une détention, à une réduction de grade, à une perte de l’ancienneté ou à une amende de plus d’un mois de salaire de base aura un casier judiciaire. Les infractions d’ordre militaire prévues à l’article 249.27 comprennent les cinq infractions mineures suivantes, soit acte d'insubordination, querelles et désordres, absence sans permission, ivresse et conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
L’article 83 de la Loi sur la défense nationale, désobéissance à un ordre légitime, n’est pas inclus à l’article 249.27. Une personne reconnue coupable d’une infraction d'ordre purement militaire, comme la désobéissance à un ordre légitime, un acte d'insubordination, une absence sans permission, l'ivresse ou la conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, peut avoir un casier judiciaire.
Les conséquences d’un casier judiciaire sont importantes. Demander un emploi ou tenter de traverser la frontière canadienne ne sont que deux des conséquences quotidiennes qui peuvent avoir une incidence importante sur la vie d’un ancien combattant. Voulons-nous vraiment imposer à un ancien combattant un casier judiciaire lorsqu’il a commis une infraction d'ordre militaire qui n’a peut-être pas d’équivalent dans notre système de justice pénale ou dans la société canadienne? La réponse à cette question ne se trouve pas à l’article 249.27 ni dans la création d’infractions d’ordre militaire.
Il faut examiner la nature de l’infraction d'ordre militaire pour déterminer si le contrevenant devrait subir les conséquences d’un casier judiciaire. Il ne faut pas seulement examiner la peine ou le tribunal militaire qui a jugé l’infraction.
Un examen approfondi et complet du système de justice militaire canadien est certes nécessaire. Toute discussion sur la discipline et la justice militaire doit commencer par une compréhension fondamentale du caractère unique des Forces armées canadiennes et de leur rôle précis dans la société canadienne. Le Canada maintient une force militaire dont le but premier est d’utiliser en dernier lieu une force mortelle pour exécuter les directives du gouvernement.
Cette force armée doit être bien dirigée, bien entraînée et disciplinée. La justice militaire n’est qu’un aspect de la discipline. C’est en fait le dernier recours, quand tous les autres aspects de la discipline ont échoué. Le système de justice militaire n’est pas synonyme de discipline militaire.
Toute réforme majeure du système de justice militaire doit faire l’objet d’une discussion publique. Un comité parlementaire pourrait écouter les Canadiens, les universitaires, les avocats et les membres des Forces armées canadiennes. Il disposerait de l’indépendance et des ressources nécessaires pour examiner en profondeur et créer un système moderne de justice militaire qui conciliera efficacement les besoins en matière de discipline et les droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Tout d’abord, j’aimerais remercier tout le monde d’être ici.
[Français]
Lieutenant-colonel Perron, je vous remercie de votre service.
[Traduction]
Madame Fynes, mes plus sincères condoléances à vous et à votre famille pour la perte de votre fils.
Je suis moi aussi mère de militaire. J’ai deux fils en service et si je vous fais face aujourd’hui, c’est que j’ai décidé de me présenter aux élections parce que je n’aime guère la façon dont on traite nos militaires et nos anciens combattants, et donc, quelle meilleure façon que...? Ne cochez pas la case d’une mère militaire, n’est-ce pas?
Je suis aussi une battante. Je tiens à vous remercier, parce qu’on dit que lorsqu’un membre sert, sa famille sert avec eux, et je sais que c’est vrai, alors je vous offre mes plus sincères condoléances, à vous et à votre famille.
Comme je l’ai dit, j’ai deux fils en service, dont l’un est déployé en ce moment même. J’ai aussi dû l’accompagner à des funérailles, des funérailles de camarades de classe et d’autres soldats qui ont malheureusement perdu leur combat contre la santé mentale.
Vous avez beaucoup parlé de... et j’ai noté ceci: « C’est un problème de santé mentale, pas un crime ». Je parlais avec ma collègue Randall en venant ici et on parlait du fait que la Légion royale canadienne a maintenant reconnu une mère qui a perdu son fils par suicide.
Nous avons fait des progrès. J’étais auparavant secrétaire parlementaire du , jusqu’à il y a deux mois, et j’étais avec le CEMD et nos deux ministres pour l’annonce de la stratégie conjointe sur le suicide.
Nous demandons aux hommes et aux femmes des Forces armées canadiennes de se manifester et de dire qu’ils souffrent. Nous avons beaucoup entendu parler de l’universalité du service et de la crainte de se manifester et de ne pas pouvoir servir. Pensez-vous que le fait que l’alinéa 98c) demeure en vigueur pour l’universalité du service empêche les gens de demander de l’aide?