:
Merci, monsieur le président.
Permettez-moi d'abord de vous présenter mes collègues, soit Kimber Johnston, directrice générale à la Direction du développement des politiques et programmes de l'Agence des services frontaliers du Canada; Susan Kramer, directrice, exécution de la loi à l'intérieur du Canada à l'agence également, et Anna-Mae Grigg, chargée de la gestion des litiges à Citoyenneté et Immigration Canada.
[Traduction]
Nous vous avons fait parvenir un document. Est-ce que les membres du comité ont le document en question, la vue d'ensemble? Oui? De toute évidence, je ne vais pas lire tout ce document; plutôt que de parler à partir des notes, je puiserai mon inspiration dans l'exposé de ce matin.
[Français]
La présentation va traiter de questions qui devraient intéresser le comité, en l'occurrence le processus des certificats de sécurité, l'évaluation qui en a été faite par les tribunaux jusqu'à présent, les rôles et responsabilités des deux organisations principalement responsables du processus, c'est-à-dire l'Agence des services frontaliers du Canada, sous l'égide de Sécurité publique Canada, d'une part, et de Citoyenneté et Immigration Canada, d'autre part. Enfin, je traiterai brièvement des conditions de détention actuelles à Kingston.
[Traduction]
Je vais d'abord parler du processus des certificats de sécurité. Que sont ces certificats, exactement? Ils constituent un outil de renvoi, un outil de renvoi exceptionnel. Il existe un certain nombre de procédures dans la Loi sur l'immigration pour renvoyer les étrangers qui sont interdits de territoire. La particularité de cet outil que sont les certificats, c'est qu'ils permettent que la décision de renvoi soit prise sur la foi d'un dossier qui n'est pas entièrement divulgué à la personne concernée. C'est là leur nature exceptionnelle; il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une procédure exceptionnelle.
Voilà le processus des certificats de sécurité. Son but, alors, est de servir à obtenir le renvoi des personnes qui sont interdites de territoire au Canada. Son but principal n'est pas de détenir des gens, bien qu'accessoirement, durant l'audience de renvoi et alors que la personne n'a pas encore été renvoyée du Canada, la loi prévoit la détention ou la libération conditionnelle des personnes pour prévenir le risque qu'elles représentent durant l'audience de renvoi.
Qui exactement peut faire l'objet de ces certificats? Il s'agit d'un nombre précis de catégories de personnes qui sont interdites de territoire; ce ne sont pas toutes les personnes interdites de territoire. Les personnes qui peuvent faire l'objet de ces certificats sont les personnes interdites de territoire pour des raisons de sécurité nationale, les personnes interdites de territoire pour des raisons de grande criminalité ou de criminalité organisée et les personnes interdites de territoire pour atteinte aux droits humains ou internationaux, ce qui veut dire concrètement les criminels de guerre.
Comme je l'ai dit, le processus est exceptionnel et parce qu'il est exceptionnel, il comporte des mesures de protection. La première mesure, c'est que bien que les procédures de renvoi normales soient entreprises par des fonctionnaires -- par les agents d'immigration --, dans le présent cas, à cause de la nature exceptionnelle de cette procédure, le certificat nécessite l'approbation de deux ministres de la Couronne, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et le ministre de la Sécurité publique. Parce qu'il est exceptionnel, cet outil a été utilisé de manière peu fréquente, avec parcimonie, et son utilisation a visé surtout des gens qui représentent la menace la plus importante pour la sécurité nationale.
La preuve, c'est que depuis que cette mesure a été instituée en 1978, ce qui remonte à bien avant 2001, 27 certificats ont été émis depuis 1991. En moyenne, cela représente moins de deux certificats par année. En comparaison, en moyenne 10 000 personnes sont expulsées du Canada chaque année en vertu des dispositions générales. Alors, on parle de deux renvois par année liés aux certificats et de 10 000 renvois liés aux procédures de renvoi normales. Autre chiffre révélateur, à notre avis, c'est que depuis septembre 2001, seulement cinq personnes ont fait l'objet d'un certificat de sécurité.
Une des caractéristiques du processus, c'est la détention en attendant le renvoi. De manière pratique, toutes les personnes qui font actuellement l'objet d'un certificat de sécurité ont été incarcérées lorsque le certificat a été délivré. Certaines personnes ont été libérées depuis, mais la conséquence pratique de la délivrance du certificat, c'est que la personne est détenue.
La loi établit certaines distinctions que je vais expliquer brièvement. Les résidents permanents qui font l'objet d'un certificat ont droit à un contrôle de la détention par la Cour fédérale tous les six mois durant l'audience de renvoi. C'est en vertu du contrôle de la détention que M. Charkaoui, par exemple, a été libéré il y a un certain nombre d'années.
Les étrangers sont automatiquement détenus en vertu de la loi durant l'audience de renvoi ou, du moins, jusqu'à ce que le certificat ait été jugé raisonnable, et pourtant, la Cour fédérale a décidé, dans le cas de M. Jaballah, pour des motifs liés à la Charte, qu'il devrait y avoir un contrôle de la détention pour les étrangers durant le processus. M. Jaballah est actuellement détenu, mais il a présenté une demande de libération. Il fait actuellement l'objet d'un contrôle de la détention à cause de la décision de la Cour voulant que malgré leur statut, les étrangers devraient avoir droit aux contrôles de la détention.
Une fois que le certificat a été jugé raisonnable par la Cour fédérale, et je vais expliquer ce processus dans une seconde, un régime de détention différent s'applique. La Cour a conclu que la personne est effectivement interdite de territoire; il ne s'agit plus d'une allégation de la part du gouvernement. Par conséquent, le gouvernement peut maintenant traiter la personne comme pouvant faire l'objet d'un renvoi, la Cour ayant reconnu l'inadmissibilité de cette personne.
À ce moment-là, le régime de détention prévoit que le renvoi est l'objectif. Si le gouvernement a été incapable de renvoyer la personne dans les 120 jours suivant la décision relative au caractère raisonnable du certificat, la personne a alors droit à un contrôle de la détention. Deux personnes ont été libérées en vertu de ce régime: M. Suresh et M. Harkat, plus récemment.
Concernant le contrôle du certificat lui-même, comme je l'ai dit, le certificat est une allégation faite par deux ministres que la personne est interdite de territoire pour les motifs indiqués, particulièrement pour des raisons de sécurité nationale. La principale mesure de protection que comporte le processus, c'est que la Cour fédérale examine cette décision des ministres, et la Cour a accès à tous les renseignements, y compris les renseignements confidentiels, sur lesquels le gouvernement se fonde.
Durant ce processus, la personne qui fait l'objet du certificat n'a pas accès à tous les renseignements, mais elle reçoit un résumé des renseignements que la loi rend obligatoire. En fait, ce résumé est assez détaillé, alors la personne connaît avec un certain détail les allégations qui pèsent contre elle. Elle ignore trois choses: les renseignements qui divulgueraient la source des renseignements, surtout lorsque la sécurité de la source pourrait être compromise; les renseignements qui révéleraient les techniques d'enquête et les renseignements qui ont été fournis, confidentiellement, par des gouvernements étrangers. La personne a accès à tout le reste.
Comme je l'ai dit, la Cour a accès à l'ensemble de la preuve. Une mesure de protection importante du processus, c'est que la Cour est là pour procéder à un examen rigoureux de la preuve. Vous aurez sans doute entendu des inquiétudes selon lesquelles la personne, au début, ne voit pas tous les éléments de preuve et que son avocat ne voit pas tous les éléments de preuve, alors, qui examine la preuve du gouvernement? La Cour examine rigoureusement la preuve du gouvernement et lorsque vous lisez les décisions confirmant le caractère raisonnable des certificats, vous constatez que la Cour est extrêmement rigoureuse dans cet exercice. C'est le contrôle du certificat lui-même.
Une question ou une procédure liée à cela est l'examen des risques avant renvoi. Je vais revenir dans une seconde sur la question du renvoi lorsqu'il y a risque de torture.
L'examen des risques avant renvoi sert essentiellement à déterminer si la personne risque effectivement la torture. Du point de vue pratique, qu'est-ce que cela fait? Une évaluation est faite par le ministre de CIC, ou un délégué du ministre de CIC, pour déterminer si effectivement la personne risque la torture. Cette évaluation, de nature administrative, est ensuite examinée par la Cour.
Alors, la Cour fédérale joue deux rôles lorsqu'elle examine les certificats lorsqu'un risque de torture est allégué. Elle détermine si le certificat est raisonnable, c'est-à-dire, si la personne est interdite de territoire au Canada. Son deuxième rôle, c'est d'examiner le caractère licite de l'examen des risques avant renvoi.
[Français]
Qu'ont dit les tribunaux jusqu'à présent sur la procédure du certificat? Nous sommes tous conscients que trois causes ont été plaidées en juin devant la Cour suprême. Cette dernière doit statuer sur le caractère raisonnable, équitable ou juste de la procédure. Jusqu'à présent, la jurisprudence canadienne est tout à fait favorable à la légalité constitutionnelle des certificats de sécurité. Plusieurs aspects des certificats ont été contestés devant les tribunaux. Or, la Cour fédérale et la Cour fédérale d'appel ont maintenu, depuis l'institution de la procédure, son caractère constitutionnel. Il reste que la Cour suprême est saisie de cette question et nous rendra son jugement sous peu, je suppose.
En ce qui concerne la non-divulgation du dossier à l'individu visé par le certificat, la Cour fédérale a jugé, malgré cet aspect exceptionnel, que cette procédure était constitutionnelle. Les deux motifs invoqués, que j'ai déjà expliqués, sont les suivants. D'une part, le résumé qui est remis à l'individu est assez détaillé pour qu'il sache quelles sont les allégations portées contre lui. D'autre part, le rôle de la cour qui consiste à surveiller la légalité du processus est une autre garantie invoquée par la cour pour juger la procédure constitutionnelle.
La question de l'amicus curiae, c'est-à-dire l'avocat spécial, est fréquemment soulevée lorsqu'il est question d'améliorer l'équité de la procédure. Qu'ont dit les tribunaux à ce sujet jusqu'à présent? La Cour fédérale a déclaré que la présence de l'avocat spécial ou amicus curiae n'était pas nécessaire pour rendre la procédure constitutionnelle. Dans ce cas également, la Cour suprême est saisie de la question, et nous attendons son jugement.
Qu'ont dit les tribunaux sur la question de la détention? Encore une fois, la Cour fédérale et la Cour fédérale d'appel ont maintenu que les dispositions en matière de détention étaient constitutionnelles, en particulier en ce qui concerne les causes Ahani et Charkaoui. Le caractère indéterminé de la détention a été invoqué à quelques reprises. La Cour fédérale d'appel a jugé que tant qu'il était possible d'expulser la personne, la détention n'était pas indéterminée et qu'elle était de ce fait constitutionnelle. Certains comités des Nations Unies se sont penchés sur la question, à savoir si oui ou non la détention était raisonnable. Le Comité des droits de l'homme de l'ONU a également statué que ces dispositions étaient conformes au droit international.
Malgré que ces jugements aillent dans le sens de la position du gouvernement, il faut noter que la cour est, de façon évidente, préoccupée par la durée de la détention, ce qui explique sans doute la libération de certaines personnes faisant l'objet d'un certificat.
Je vais essayer de traiter le plus brièvement possible de la question du renvoi dans les cas de risque sérieux de torture. C'est une question clé en matière de droits de la personne et elle explique, du moins en partie, les délais octroyés dans les cas de renvoi d'individus faisant l'objet de certificats.
Parlons d'abord de la loi. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés accorde aux gens, de façon générale, une protection contre le renvoi vers la torture. Par contre, dans le cas des personnes inadmissibles, entre autres pour des motifs de sécurité nationale, la loi prévoit qu'il est possible d'expulser une personne qui risque sérieusement la torture si le décideur, en l'occurence le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ou son délégué, est d'avis que les intérêts de l'État en matière de sécurité nationale sont plus importants en l'espèce que la possibilité que l'individu soit l'objet de torture une fois expulsé. C'est ce que prévoit la loi. Dans le cadre de la cause Suresh, en 2002, la Cour suprême a dû se pencher sur la constitutionnalité de ce régime.
La Cour suprême a énoncé un certain nombre de principes. Premièrement, le renvoi vers la torture est contraire au droit international, en particulier à la Convention contre la torture, et ce, peu importe si la personne est un criminel sérieux ou un terroriste. La protection de la Convention contre la torture est dite absolue. Toutefois, la cour ne s'est pas arrêtée là. Elle devait se pencher sur le caractère constitutionnel de la loi sur le plan du droit canadien, donc au regard de la Charte.
Pour ce qui est de la Charte, la cour dit que généralement, le renvoi vers le torture va aussi être inconstitutionnel. Normalement, l'État doit trouver d'autres moyens de traiter du risque que représente un individu que de l'expulser vers la torture. Mais il est possible qu'il y ait des circonstances exceptionnelles où, après pondération des intérêts de l'État et de l'individu, il soit constitutionnel d'expulser quelqu'un même s'il est à risque de torture.
Depuis la cause Suresh, les délégués du ministre de l’Immigration doivent donc, dans le cadre des examens de risque avant renvoi, faire l'exercice de pondération en question. Ils doivent se demander si la personne est à risque de torture et, le cas échéant, si le risque est sérieux. Ils doivent aussi déterminer si les intérêts en matière de sécurité nationale font qu'il s'agit de circonstances exceptionnelles permettant, au sens de l'arrêt Suresh, que le Canada renvoie l'individu vers la torture. Un certain nombre de décisions administratives ont été prises dans ce sens. Un délégué du ministre de CIC peut donc considérer opportun de renvoyer un individu dans son pays d'origine, même s'il est à risque de torture.
Dans le cadre de cette procédure, une partie du délai est imputable à l'examen judiciaire de ces décisions. Jusqu'à maintenant — et il y a eu tout récemment la cause Jaballah —, plusieurs d'entre elles ont été cassées pour des raisons procédurales. Il y a une décision administrative, suivie d'un contrôle judiciaire, puis d'une autre décision administrative, ce qui explique les délais. Or, la personne demeure en détention pendant ce temps, ce qui constitue évidemment une préoccupation. C'est probablement ce qui a amené la cour, dans le cas de trois personnes sur six qui sont présentement l'objet de certificats, à libérer les individus, même si la cour est d'avis qu'ils sont dangereux. Dans cinq des six cas, la cour est d'accord avec le gouvernement pour dire que le certificat est raisonnable, donc que la personne est inadmissible pour des motifs de sécurité nationale. Le sixième cas est encore devant la cour. Bref, pour ce qui est des décisions relatives aux six cas actuels, la cour est d'accord pour dire qu'il s'agit d'individus inadmissibles.
Un jugement important a été rendu sur cette question le 15 octobre, je crois, dans le cadre du dossier Jaballah. La Cour fédérale de première instance a jugé en l'espèce que malgré les prétentions du gouvernement, il ne s'agissait pas de circonstances exceptionnelles et qu'il serait par conséquent inconstitutionnel de renvoyer M. Jaballah en Égypte. C'est la première fois qu'une telle chose se produit. Le jugement est récent et le gouvernement étudie présentement la possibilité d'en appeler.
J'ai expliqué le processus. Je vais maintenant aborder très brièvement les rôles et responsabilités ministériels respectifs du ministère de la Sécurité publique et du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. Comme je l'ai expliqué, les deux ministres sont responsables de la signature du certificat. Ils doivent donc être satisfaits que l'individu est inadmissible pour les motifs déjà énoncés. Les deux ministres peuvent également demander que l'audience à la Cour fédérale soit tenue en l'absence de la partie adverse. C'est ce qui est toujours fait.
Comme je l'ai mentionné déjà, c'est le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration qui est responsable de l'examen des risques avant renvoi, donc de l'évaluation du risque vers la torture. Le ministre de la Sécurité publique est responsable de l'émission des mandats servant à l'arrestation des individus, de même que de la détention et du renvoi. C'est lui également qui est chargé d'accorder la permission d'être libéré aux individus qui veulent quitter volontairement le Canada pour leur pays d'origine.
[Traduction]
Je vais dire un mot sur les centres de détention actuels et sur les questions de libération et de détention. Comme vous le savez, depuis avril 2006, les personnes détenues en vertu d'un certificat de sécurité sont détenues dans un établissement fédéral de Kingston, en Ontario. Essentiellement, cet établissement a été créé à la suite de préoccupations exprimées par la Cour fédérale relativement aux conditions d'emprisonnement dans les établissements correctionnels de l'Ontario, qui étaient utilisés à cette fin jusqu'à ce moment-là. Ma collègue, Susan Kramer, sera en mesure de répondre aux questions que vous aurez probablement quant à savoir dans quelle mesure le régime est plus favorable ou non à Kingston et dans les prisons provinciales.
Laissez-moi dire, de façon générale, que le centre de Kingston peut recevoir un maximum de six personnes et qu'il a été conçu pour mieux répondre aux besoins des détenus et pour répondre à certaines préoccupations exprimées antérieurement par la Cour. Parmi les avantages figurent les visites-contact avec la famille, l'accès à un téléphone et à la vidéoconférence, le respect des fêtes et des services religieux, un centre de conditionnement physique ouvert plusieurs heures par jour, alors que dans l'établissement provincial, cela était limité à 20 minutes par jour, parce que les détenus étaient en isolement cellulaire, ce qui ce n'est pas le cas dans l'établissement de Kingston. Évidemment, l'isolement cellulaire était en soi un problème dans les établissements en Ontario; ce n'est plus le cas maintenant. Les détenus étaient en isolement cellulaire auparavant; maintenant, ils peuvent se fréquenter les uns les autres.
Et pour terminer, sur les six personnes qui ont fait l'objet d'un certificat, trois sont toujours détenues et trois ont été libérées de manière conditionnelle. Les conditions qui ont été imposées par la Cour fédérale varient dans chacun des trois cas, mais dans le cas le plus rigoureux, cela équivaut essentiellement à la détention à domicile. La personne doit rester à la maison, doit avoir une permission pour sortir, et l'ordonnance de libération comporte des mesures de surveillance électronique. Ce sont des gens dont les conditions de liberté sont exceptionnellement strictes.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
La question des certificats de sécurité a fait l'objet d'un débat important devant le présent comité. Si vous regardez les recommandations contenues dans le rapport sur la citoyenneté de la législature précédente, vous pouvez constater qu'il y a une très forte réticence face à l'utilisation du processus du certificat de sécurité contre les citoyens.
Nous avons entendu un témoin -- et cela figure dans le rapport --, le juge Roger Salhany, juge de la cour supérieure à la retraite. Essentiellement, il a affirmé que le système judiciaire canadien n'était pas fait pour des procédures inquisitoires, comme cela pourrait être le cas dans le système français, où le juge fait des enquêtes criminelles.
Le point, c'est que c'est assez simple et assez vaste. Vous avez quelqu'un qui est accusé d'un crime. Le caractère raisonnable est un seuil très bas. Mais si vous examinez quelques cas pour savoir comment notre système judiciaire fonctionne, nous avons Paul Bernardo et Clifford Olson -- des personnes très dangereuses qui vont passer le reste de leur vie en prison. Évidemment, vous avez des personnes comme Guy Paul Morin, Donald Marshall, Steven Truscott -- une longue liste de personnes -- qui ont été reconnues coupables à tort.
Ce que notre système judiciaire fait, avec toutes les mesures de protection, avec les appels, avec la notion du « hors de tout doute raisonnable », c'est d'essayer de trouver un équilibre. Je signale tout cela parce que, même si vous avez tout cela, vous avez de nombreuses condamnations injustifiées, et de nombreuses personnes au Canada ont été pendues. Évidemment, il y a des cas où on essaie encore de prouver l'innocence de nombreuses années après que la cause a été entendue. Nous avons le cas du guide au Québec qui a été exécuté de manière injustifiée, dont la famille commence à exercer des pressions pour que son nom soit réhabilité.
Je dis tout cela, parce que le juge Salhany est un excellent juge, qui a rédigé de nombreux ouvrages qui sont utilisés par les tribunaux, et peut-être par les écoles de droit. Je suis certain qu'Ed a probablement suivi des cours de cet homme et qu'il a utilisé ses ouvrages sur la preuve.
C'est vraiment ce qui est en cause ici. Nous avons une situation terrible à l'heure actuelle, parce que vous avez, en vérité, un procureur de la couronne et la police qui présentent la preuve devant un juge à huis clos, et il n'y a pas d'examen de cette preuve -- pas d'examen de cette preuve. Il n'y a pas de représentation de la part de l'accusé. Il n'est pas suffisant d'avoir un résumé des raisons qui pourraient justifier la délivrance du certificat. Le fait est qu'il n'y a pas de vérification de la preuve qui est présentée au juge.
Je dirais aux membres du comité que ce qui est arrivé dans l'affaire Arar, où la GRC a induit les Américains en erreur, lesquels ont envoyé un citoyen canadien se faire torturer en Syrie et, lorsque la GRC a appris que c'était mal, elle a caché cette information... La bonne volonté qui serait nécessaire pour que ce genre de système puisse fonctionner n'est tout simplement pas là.
Je vous dirais même que ce qui arrive lorsque vous court-circuitez le système judiciaire que nous avons, qui présente un équilibre assez délicat, c'est que vous avez tendance à corrompre le système lui-même. Nous devons toujours faire attention que cela n'arrive pas.
Maintenant, ce que le juge Salhany a suggéré qui doit être fait, et je pense que la Cour suprême se penche actuellement sur cette question et que nous pouvons nous attendre à ce qu'elle rende une décision cet automne -- Meili et moi étions observateurs à certaines des audiences de la Cour suprême -- , c'est de fournir un avocat qui pourra...
Vous avez deux minutes, alors, allez-vous poser une question?
... être en mesure de témoigner. Il ne s'agit pas nécessairement de l'avocat de l'accusé, mais il pourrait s'agir de quelqu'un qui est désigné par la cour.
Une des choses qui est arrivée également, c'est qu'en Angleterre, qui possède un processus semblable, ce processus a été invalidé par la Cour européenne des droits de l'homme. Ils ont un de ces systèmes en place.
Voici la question. Étant donné tous les problèmes que nous avons eus avec les certificats de sécurité, étant donné ce qui est arrivé à M. Arar et d'autres histoires dont nous n'avons pas entendu parler, pourquoi n'avons-nous pas mis en place quelqu'un qui pourrait protéger l'intégrité du système en examinant la preuve qui est présentée au juge et qui permettrait à ce dernier de prendre une décision d'une manière qui correspond à sa formation? Voilà ma question. Pourquoi n'avons-nous pas fait cela? Pourquoi attendons-nous que la Cour suprême oblige le gouvernement à le faire?