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Encore une fois, je vous remercie. Je suis très fier d'avoir l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Après avoir entendu Basil Luksun et moi-même, vous entendrez deux présentations distinctes, bien que traitant du même sujet : la première sera celle de Diana Mumford, commissaire scolaire à Burnaby, et la seconde sera faite par Karen Roth, une infirmière en santé communautaire affiliée à notre autorité locale en matière de santé, qui vient tout juste de descendre de l'avion, d'ailleurs. Elles livrerons des renseignements spécifiques quant aux défis auxquels elles doivent faire face dans le cadre de leur travail avec les réfugiés et les immigrants dans le domaine de la santé et de l'immigration.
Mes remarques préliminaires feront état de nos présentations collectives. En faisant référence à l'expérience de Burnaby, j'ai l'intention de démontrer comment les municipalités des banlieues ont été marquées par l'augmentation rapide de l'arrivée de populations de réfugiés et d'immigrants. Je discuterai également à titre d'exemple des mesures que nous avons prises pour répondre à cette augmentation. Je tiens à insister tout particulièrement sur notre proposition d'un centre de services polyvalent — une proposition qui répond aux attentes de la communauté, visant à coordonner et à rehausser la livraison des services aux réfugiés et aux immigrants de Burnaby et des municipalités avoisinantes.
Avant de discuter du cas de Burnaby, je me permets d'insister sur un état de faits évident. Le Canada est un pays d'immigrants. De plus, nous sommes mondialement reconnus pour nos politiques multiculturelles et nos approches proactives dans l'accueil que nous réservons aux immigrants, tout en respectant l'individualité de chacun et les diversités culturelles.
En fait, Basil et moi-même sommes des témoins directs de l'accueil chaleureux et de la générosité de notre pays d'accueil. Nous sommes tous deux arrivés au Canada avec pour tout bagage une valise et quelques dollars en poche. Nous ne savons que trop bien l'importance d'avoir accès à des services de soutien adéquats pour favoriser l'adaptation des nouveaux arrivants et assurer qu'ils puissent contribuer au Canada et aux communautés qu'ils habitent.
Burnaby est situé directement à l'est de Vancouver et fait partie de la région métropolitaine de Vancouver. C'est la troisième ville en importance de la Colombie-Britannique, avec une population d'un peu plus de 200 000 habitants. En 2001, presque la moitié de la population de Burnaby était constituée d'immigrants. C'est là un chiffre diamétralement opposé à celui de 1986, alors que seulement 25 p. 100 de la population était d'origine étrangère. De plus, en 2001, 28 p. 100 des résidents de Burnary parlaient une langue autre que l'anglais à la maison. Fait pertinent à notre discussion, la municipalité a reçu au cours des dernières années plus d'un tiers de tous les réfugiés pris en charge par le gouvernement en Colombie-Britannique. Les principaux pays d'origine de ces réfugiés sont l'Afghanistan, le Soudan, l'Iran et l'Indonésie. Ces réfugiés présentent de nombreux défis à notre municipalité, ainsi qu'à notre système de livraison des services d'une manière générale.
Parmi les principaux défis auxquels nous devons faire face, mentionnons leurs faibles revenus, leurs connaissances limitées de l'anglais, les problèmes d'analphabétisme, les problèmes de santé ainsi que les traumatismes émotifs et physiques. Bref, ces réfugiés doivent surmonter des obstacles énormes afin de s'adapter à leur nouvel environnement. Sans un soutien adéquat et une bonne mesure de compréhension, leurs chances de réussir sont lourdement compromises. Cela donne lieu à des situations critiques pour les individus, en plus de freiner les efforts que nous déployons afin d'assurer l'existence d'une communauté cohérente et harmonieuse. Cette situation réclame notre intervention.
Nous estimons que chaque réfugié ou immigrant possède un potentiel à développer afin qu'il contribue à l'amélioration de notre communauté et de notre pays. À Burnaby, nous voulons mettre en valeur et canaliser ce potentiel. Bien que nous ayons une excellente gamme de fournisseurs de services communautaires dans notre municipalité, ces fournisseurs subissent une surcharge extrême et souffrent d'un manque de fonds et de ressources pour répondre adéquatement aux besoins croissants de la communauté. Nous sommes convaincus que l'allocation de ressources et de soutien adéquats à notre système de livraison des services serait un investissement judicieux en notre futur collectif.
Au fil du temps, nos citoyens, nos communautés et notre pays en récolteront les bénéfices. Nous devons également veiller à éviter les conséquences financièrement et socialement coûteuses engendrées par la ségrégation sociale, telles qu'elles se sont manifestées en France l'année dernière.
Cela étant dit, je vais maintenant vous présenter brièvement notre proposition d'un centre de services polyvalent — un modèle axé sur la communauté et destiné à nous aider à mieux répondre aux besoins de notre population croissante d'immigrés et de réfugiés.
Je crois que le greffier de votre comité vous a remis des copies d'un rapport préparé par le conseil, intitulé Proposition d'une demande de fonds au gouvernement fédéral pour l'installation d'un centre de service polyvalent à Edmonds. Étant donné les contraintes de temps, je ne m'étendrai pas sur l'ensemble de la proposition, cependant je vous en présenterai quelques volets essentiels.
L'institution proposée est située à Edmonds — un quartier situé dans la partie sud-est de Burnaby qui comprend une forte concentration d'immigrants et de réfugiés.
La municipalité de Burnaby projette des rénovations importantes des infrastructures du quartier. Une nouvelle caserne de pompiers a récemment vu le jour, et une nouvelle bibliothèque sera construite l'année prochaine. De plus, nous sommes actuellement à l'étape de conception d'un nouveau complexe récréatif avec une piscine. Ces installations sont toutes à quelques pas du centre de service polyvalent proposé.
Dans le cadre de ces initiatives, les consultations exhaustives ont été menées auprès des membres de la communauté et des fournisseurs des services locaux. Ils ont demandé ce que nous pouvons faire de plus, et c'est ainsi que naquit l'idée d'un centre de services polyvalent. Il s'agit là d'une représentation collective cherchant à répondre d'une manière optimale aux besoins de la population de réfugiés et d'immigrants, alignée sur l'émergence d'un sentiment d'appartenance communautaire dans la ville.
La proposition prévoit la construction d'un centre de services polyvalent de 30 000 pieds carrés sur un terrain appartenant à la municipalité. Ce terrain est adjacent à l'école communautaire et à un édifice appartenant à la municipalité qui abrite de nombreuses agences communautaires.
L'objectif visé est d'offrir un lieu de rencontre accueillant pour les immigrants et les réfugiés, où ils pourraient recevoir des services et participer à des programmes. Il s'agit en fait d'une ressource à guichet unique, fondée sur un modèle collaboratif et offrant une vaste gamme coordonnée de programmes et de services nécessaires.
Parmi les programmes et les services qui y seraient offerts, mentionnons les cours de langue et d'alphabétisation, des services d'établissement, des programmes de santé publique, des services de soutien et des conseils à la famille, des services à la jeunesse et des services visant l'ensemble de la communauté.
En plus de s'adresser aux immigrants et aux réfugiés, le centre serait également une excellente ressources pour tous les membres de la communauté. L'objectif est de favoriser la cohésion de la communauté et de s'assurer de ne pas isoler davantage notre population d'immigrants et de réfugiés. Nous sommes convaincus que ce centre servira de modèle aux autres communautés qui doivent affronter les mêmes défis.
La municipalité se propose de faire don du terrain pour le centre, celui-ci étant évalué à 2 millions de dollars. Nous ferons appel aux paliers décisionnels des gouvernements pour les fonds alloués aux dépenses en capital afin de couvrir les coûts de construction. Nous ferons également appel à eux ainsi qu'à des agences sans but lucratif pour assurer la livraison des services et des programmes proposés par le centre.
Le conseil municipal de Burnaby a parrainé la proposition en janvier dernier. Nous avons ensuite présenté notre proposition au gouvernement fédéral et provincial afin d'obtenir leur appui. Quoique ceux-ci reconnaissaient le bien-fondé et le caractère novateur de la proposition, leur réponse fut unanime : il n'y a pas de programme de fonds disponible pour les dépenses en capital requises par la mise en place du centre de services. Par conséquent, nous sommes actuellement dans une impasse. Nous possédons beaucoup de bonne volonté, et la municipalité s'est engagée autant qu'elle le pouvait, cependant nous n'avons pas de sources solides de financement pour assurer l'enveloppe financière. Entre-temps, les défis posés par notre population d'immigrants et de réfugiés restent entiers.
En conclusion, je tiens encore une fois à vous remercier de m'avoir permis de m'exprimer devant vous aujourd'hui. J'aurais trois messages à vous transmettre. Premièrement, les municipalités des banlieues ont un gros défi à relever si elles veulent répondre aux besoins des immigrants et des réfugiés. Deuxièmement, malgré un mandat restreint quant aux services sociaux, la municipalité de Burnaby présente des options novatrices et viables pour répondre aux besoins de nos communautés d'immigrants et de réfugiés. Troisièmement, nous ne pouvons agir seuls.
Au nom de la municipalité de Burnaby, je ne peux que vous conseiller d'insister auprès du gouvernement fédéral afin qu'il établisse un programme de fonds pour les dépenses en capital soutenant des initiatives de partenariats créatives telles que notre proposition de centre de services polyvalent. Par le fait même, le gouvernement, en plus de venir en aide à nos communautés d'immigrants et de réfugiés, aurait l'occasion de soutenir l'ensemble des communautés et de favoriser l'établissement d'un Canada solidaire, unifié et vigoureux.
Nous sommes une municipalité de banlieue dont la moitié de la population est composée d'immigrants. En outre, plus d'un tiers des réfugiés pris en charge par le gouvernement en Colombie-Britannique choisissent de s'installer à Burnaby.
Les immigrants et les réfugiés sont les bienvenus dans notre communauté, car nous sommes convaincus qu'ils ont le potentiel de participer d'une manière positive, à Burnaby comme au Canada tout entier. Cependant, ils ont besoin d'aide et de soutien pour être en mesure d'y contribuer. Nous faisons appel à votre leadership, à votre collaboration et à vos ressources afin de nous aider à faire en sorte que ces gens aient une vie remplie et prospère en tant que membres à part entière de notre société.
Merci.
Je suis heureuse d'avoir l'occasion de m'adresser à votre comité au nom du Conseil des commissaires d'écoles de Burnaby et de vous faire part de certains défis que nous devons relever pour répondre aux besoins éducationnels et sociaux de nos nouveaux citoyens étudiants.
Au cours des deux dernières décennies, le district scolaire de Burnaby a connu de nombreux changements directement liés aux tendances d'immigration. Environ 20 p. 100 de notre population étudiante reçoit à l'heure actuelle de l'aide pour apprendre l'anglais comme langue seconde et pour plus de 50 p. 100 des membres de notre collectivité, l'anglais n'est pas la langue maternelle.
Au cours des dernières années, le nombre de familles de réfugiés qui arrivent dans notre collectivité a augmenté de façon remarquable. À l'heure actuelle, Burnaby reçoit 50 p. 100 de tous les réfugiés de la Colombie-Britannique pris en charge par le gouvernement.
Nous estimons que les districts scolaires jouent un rôle clé pour aider les étudiants immigrants et réfugiés à acquérir les compétences fondamentales et les connaissances requises pour réussir au Canada. Bien que les districts scolaires ne soient financés que pour offrir des services d'éducation aux étudiants immigrants et réfugiés, nous voyons également à répondre à une large gamme de besoins en matière d'établissement et autres pour les enfants et les familles qui n'ont aucune aide financière.
Comme je l'ai déjà dit, la tendance de l'immigration à Burnaby a changé de façon considérable. Comme l'a mentionné le conseiller Dhaliwal, la composition et les pays d'origine sont maintenant très différents. Selon un rapport récent des services d'établissement des immigrants, 33 p. 100 des 2 444 réfugiés qui sont arrivés en Colombie-Britannique entre janvier 2003 et décembre 2005 étaient d'âge scolaire, c'est-à-dire avaient entre cinq et 19 ans. Pour ce qui est du pays d'origine, environ 33 p. 100 venaient d'Afghanistan, 31 p. 100 d'Afrique de l'Est et 20 p. 10 du Moyen-Orient.
À l'heure actuelle, les agents d'immigration fédéraux semblent mettre presque exclusivement l'accent sur les chefs de ménage lorsqu'ils prennent des décisions. Tant que les autres membres de la famille ne sont pas encore arrivés au Canada, on semble accorder très peu d'attention à leurs besoins. Par conséquent, nous constatons une augmentation considérable d'étudiants immigrants et réfugiés ayant des besoins spéciaux et de nombreux problèmes d'apprentissage.
Par ailleurs, de nombreux étudiants réfugiés souffrent du syndrome de stress post-traumatique. Même si en fait le nombre d'élèves souffrant de ce syndrome n'est peut-être pas très élevé, les conséquences de ce syndrome sur ceux qui en souffrent, sur leurs camarades de travail, sur les enseignants et sur la communauté scolaire peuvent être importantes.
Nous constatons par ailleurs qu'il y a de plus en plus d'élèves dont la famille est toujours en mode de survie, et c'est particulièrement le cas de nombreuses familles de réfugiés. Il est difficile d'apprendre lorsqu'on a du mal à survivre.
Ce qui aggrave davantage la situation dans notre arrondissement, c'est que les immigrés et les réfugiés continuent d'arriver en assez grand nombre pendant toute l'année scolaire et qu'il faut les recevoir dans nos écoles dès leur arrivée. Cependant, les élèves qui arrivent en Colombie-Britannique après le 30 septembre ne sont pas pris en compte dans le calcul des fonds que nous recevons, de sorte qu'il faut répondre à leurs besoins sans ressources budgétaires additionnelles.
Nos préoccupations se résument à quatre choses. La première est celle des antécédents scolaires. Il y a de plus en plus d'élèves et de familles qui arrivent au Canada et qui sont analphabètes dans leur langue maternelle, qui ont très peu de scolarité ou encore aucune scolarité officielle. Les jeunes qui arrivent à la fin de l'adolescence et qui ont des compétences linguistiques en anglais inférieures à celles d'un élève de troisième année ont moins de chances d'acquérir les compétences linguistiques requises pour obtenir un diplôme avant d'avoir 19 ans ou de trouver un emploi de débutant. L'absence de scolarité officielle vient souvent compliquer ou retarder les progrès scolaires et peut augmenter le risque pour ces jeunes de ne pouvoir trouver un emploi ou d'être destinés à une vie de sous-emploi.
La deuxième question est celle de la dynamique familiale. Les enfants d'immigrants et de réfugiés parlent souvent mieux l'anglais que leurs parents. Par conséquent, le contrôle au sein de l'unité familiale peut se déplacer vers l'enfant. Ce nouvel équilibre du pouvoir peut créer des changements négatifs à long terme en réaction au pouvoir légitime.
Troisièmement, il y a les changements qui s'opèrent au sein des communautés culturelles. Il y a des douzaines de communautés culturelles en Colombie-Britannique. Certaines sont établies depuis longtemps tandis que d'autres sont relativement récentes. Certaines ont tendance à être insulaires, tandis que d'autres préconisent l'intégration. Certaines sont relativement petites tandis que d'autres ont atteint des proportions remarquables au cours des dernières années, ce qui a une incidence considérable sur les collectivités dans lesquelles elles vivent. Le déplacement social qui en résulte n'est pas un concept qui est bien compris dans la collectivité en général, ce qui rend la situation extrêmement difficile dans nos écoles.
Notre quatrième préoccupation porte sur le développement des compétences et l'emploi chez les jeunes. En raison de leur âge à leur arrivée, de leur capacité limitée en anglais ou d'autres besoins, un nombre croissant d'étudiants immigrants et réfugiés courent le risque de quitter nos écoles sans les compétences suffisantes pour même commencer au bas de l'échelle, et ils sont incapables de poursuivre leur formation postsecondaire. Le manque d'éducation adéquate peut mener à une augmentation du pourcentage des jeunes sans emploi ou sous-employés, et qui seront par la suite marginalisés encore plus dans la société.
En résumé, l'économie et l'avenir démocratique du Canada dépendront largement des efforts de tous les ordres de gouvernement pour travailler ensemble en vue d'appuyer l'éducation, l'établissement et l'intégration de nos jeunes immigrants et réfugiés.
Le district scolaire de Burnaby comprend le rôle essentiel joué par le système d'éducation publique dans la préparation des jeunes en vue d'être des membres productifs du marché du travail et de participer de façon active et complète à une société démocratique.
Je veux être très claire: les districts scolaires de la Colombie-Britannique, et en particulier celui de Burnaby, peuvent relever le défi. Toutefois, nous croyons que tous les ordres de gouvernement doivent clairement reconnaître la relation directe entre un établissement réussi et une éducation couronnée de succès, les effets potentiels des changements démocratiques actuels tant sur l'éducation que sur l'établissement, le besoin de répondre à ces changements de façon collective et proactive ainsi que le besoin de ressources additionnelles et d'un effort de collaboration afin d'appuyer l'établissement réussi et de favoriser une transition sans heurt de l'école secondaire à un emploi productif ainsi qu'une participation active dans la main-d'oeuvre canadienne.
Le centre de services polyvalent envisagé par la municipalité de Burnaby est une proposition dynamique et tournée vers l'avenir qui mérite l'appui du gouvernement. Par ailleurs, le public doit reconnaître le rôle important que jouent les districts scolaires pour fournir des services d'établissement de première ligne qui aident nos jeunes immigrants et réfugiés à devenir des citoyens productifs qui participent à la société. Une façon tangible de reconnaître ce rôle serait de fournir aux districts scolaires où il y a de nombreux étudiants réfugiés un financement fédéral ciblé afin d'appuyer les besoins fondamentaux de ces nouveaux citoyens canadiens.
Merci de m'avoir écoutée.
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Je m'excuse. Je tentais de vous donner autant d'information que possible en cinq minutes.
La Bridge Clinic est une clinique de santé communautaire qui a été créée en septembre 1994. Il s'agit d'un partenariat entre les British Columbia Multicultural Health Services et la Immigration Settlement Services Society, de la Vancouver Coastal Health Authority. Son objectif est de répondre aux besoins primaires des réfugiés en matière de soins de santé, avec ou sans statut juridique.
Une fois qu'une famille quitte la maison d'accueil et s'établit dans son nouveau logement, il n'y a pas d'appui suffisant pour l'aider à s'adapter et à s'intégrer à sa nouvelle vie. Les membres de nombreuses familles que j'ai visitées sont souvent analphabètes dans leur propre langue, incapable de calculer, n'ont pas de compétences en anglais et souffrent de traumatisme résultant de la violence de la guerre et de nombreuses années de vie dans des camps de réfugiés.
Ces personnes se sentent souvent submergées. Un grand nombre d'entre elles ont besoin d'aide simplement pour vivre une vie moderne : les toilettes, l'électricité, le magasinage, l'argent, les soins aux enfants et l'école. La liste se poursuit. Il est difficile de savoir par où commencer. Je vais dont limiter mon discours aux problèmes précis auxquels font face les réfugiés qui tentent d'avoir accès aux services de santé.
Depuis la mise en oeuvre de la LIPR, les dépistages primaires de soins de santé ont permis de détecter une augmentation du nombre de réfugiés qui souffrent de maladies chroniques comme le diabète, l'hypertension, les maladies cardiaques, le VIH et des troubles de santé mentaux tels que les dépressions chroniques et le syndrome de stress post-traumatique.
À l'heure actuelle, la Fraser Health Authority doit fournir des soins de santé primaires à cette population grandissante. De nombreux médecins et des cliniques sans rendez-vous sont incapables de fournir des services aux réfugiés qui ne parlent pas anglais et dont les conditions sociales et médicales sont complexes, ce qui fait que leur seul accès à des soins primaires sont les salles d'urgence.
La situation à Burnaby va de mal en pis, puisque la Bridge Clinic ne peut plus offrir ses services trois mois après l'arrivée d'un réfugié, en raison des demandes de services et des compressions budgétaires. En raison de la complexité grandissante des troubles médicaux et du besoin de se doter de spécialistes polyvalents pour traiter ces troubles, nous avons besoin de plus en plus de traducteurs médicaux. Les clients ne reçoivent souvent pas de traitement pour des maladies contagieuses comme le VIH, la tuberculose, le botulisme et les parasites intestinaux, et les enfants ne reçoivent pas de services des organismes extérieurs en vue de diagnostiquer et de traiter leurs troubles.
La Fraser Health Authority offre des services linguistiques aux fournisseurs de soins de santé, mais la plupart des organismes communautaires n'ont pas le financement nécessaire pour payer des traducteurs. De plus en plus, les infirmières de santé publique doivent assumer la gestion des cas et la coordination des soins dans la communauté pour cette population grandissante. Au cours des sept derniers mois, les Burnaby Preventive Health Services ont dépensé 19 000 $ en traduction pour ce domaine de santé seulement.
En Colombie-Britannique, contrairement au reste du Canada, des cours gratuits d'anglais langue seconde sont fournis jusqu'au niveau trois seulement, après quoi les étudiants doivent payer pour obtenir une formation supplémentaire. On considère le niveau six comme étant un niveau d'anglais conversationnel de base. On s'attend à ce que les réfugiés, après un an au sein du Programme d'aide au réétablissement, trouvent un emploi et commencent à rembourser le prêt du gouvernement alloué à leur relocalisation. Les recherches indiquent qu'il faut suivre des programmes intensifs d'immersion en anglais langue seconde avant que le niveau d'anglais conversationnel ne soit atteint. Il s'agit d'un problème croissant pour la Fraser Health Authority depuis plusieurs années.
À l'heure actuelle, la plupart des centres de soins tertiaires et spécialisés sont situés à Vancouver, ce qui pose le problème suivant :
Les réfugiés qui ne parlent ou ne listent pas l'anglais ne sont pas informés de leurs rendez-vous s'il n'y a pas de traducteur, puis ils ne peuvent pas se rendre à leurs rendez-vous, puisqu'ils sont incapables d'utiliser le système de transport en commun. Il n'y a aucun système pour les aider et aucune collectivité établie ne possède des bénévoles ayant les compétences linguistiques nécessaires.
Le financement versé aux réfugiés pour leur voyage est conçu pour une zone de voyage, alors que les hôpitaux à Vancouver sont situés à trois zones. En raison du coûts qu'elles doivent débourser pour aller à ces rendez-vous, les familles désavantagées sur le plan économique manquent souvent leurs rendez-vous ou ne peuvent pas se permettre d'acheter de la nourriture cette semaine-là. Les soins prénataux et postnataux pour les femmes atteintes du VIH ne sont disponibles qu'à Vancouver, à la Oak Tree Clinic. Si la femme a un médecin de soins primaires, les médicaments pourraient être envoyés par messager à son médecin de famille. Encore une fois, l'accès à un médecin de soins primaires pour cette population est extrêmement limité. Ainsi, les familles doivent se rendre Vancouver pour obtenir leurs médicaments.
En vertu des lois actuelles, les réfugiés handicapés ne peuvent pas présenter une demande de désignation comme personne handicapée avant un an après leur arrivée au Canada. À l'heure actuelle, les membres artificiels et les prothèses sont offerts par le truchement d'un établissement de charité à Vancouver qui n'a aucun traducteur et aucun moyen d'aider ces personnes pour ce qui est des coûts liés au voyage ou à la physiothérapie.
Les réfugiés qui ne parlent pas anglais sont incapables d'avoir accès à des mesures de contrôle des naissances, en raison de leur accès limité à des médecins de soins primaires. Des tentatives pour aider des organisations comme OPTions for Sexual Health, auparavant nommé Planned Parenthood, n'ont pas réussi en raison du manque de financement pour des traducteurs. Il est difficile de trouver des pharmaciens à Burnaby qui souhaitent participer au système de prestations intérimaire du fédéral pour ce qui est des médicaments. Cette situation s'explique entre autres par le volume important de paperasserie qu'il faut présenter afin d'obtenir un remboursement, ainsi que la période pouvant aller jusqu'à six semaines avant de recevoir un paiement. Par conséquent, il arrive que des réfugiés vivant à Burnaby soient incapables de faire exécuter une ordonnance à moins de se rendre à Vancouver.
Pour les réfugiés analphabètes ayant des troubles psychosociaux et incapables de prendre des médicaments chaque jour, une option adéquate de contrôle des naissances serait le dispositif intra-utérin, DIU, qui n'est pas couvert par le Programme fédéral de santé intérimaire. Cela signifie que le réfugié doit attendre 12 mois avant d'être couvert par l'aide sociale pour obtenir son DIU. Cette situation cause souvent des grossesses non planifiées, ce qui augmente le fardeau financier des familles désavantagées sur le plan économique.
Les suppléments de vitamine D pour les enfants ne sont pas couverts, ce qui pose un problème particulier pour les réfugiés qui ont souffert de malnutrition pendant des années avant d'arriver au Canada.
On commence tout juste à ressentir les effets du nombre de réfugiés qui arrivent ici et qui sont atteints du VIH; cette situation aura un effet continuel sur tout le système de soins de santé.
Les familles dont les enfants ont des besoins spéciaux sont les plus difficiles à aider. Ces familles sont incapables de lire, d'écrire ou de parler l'anglais, et on s'attend à ce qu'elles remplissent, sans aide, différents formulaires et demandes du gouvernement afin d'obtenir des équipements et des services pour leurs enfants. Ces enfants ne reçoivent souvent pas de traitement et sont perdus dans la collectivité jusqu'à ce qu'ils arrivent à l'école.
À l'heure actuelle, aucune ressource spéciale n'est consacrée aux adultes, aux jeunes ou aux enfants qui ne parlent pas anglais et qui souffrent de dépression chronique ou du syndrome du stress post-traumatique. Par conséquent, il est très difficile d'élaborer des stratégies et de fournir des services. En raison des problèmes médicaux et psychosociaux ainsi que du manque d'appui pour leur arrivée au Canada, on voit une augmentation du nombre de crises et de tentatives de suicide.
De nombreux réfugiés arrivent au Canada après avoir souffert de malnutrition pendant des années, ce qui a des effets à long terme sur leur santé physique et dentaire. Par conséquent, les adultes et les enfants ont souvent des abcès, et ont souffert de blessures faciales et dentaires à la suite d'actes de violence, ce qui leur cause une douleur sévère. On a déjà entendu parler d'adultes qui extraient leurs propres dents parce qu'ils ne peuvent pas trouver d'aide.
Les réfugiés ne savent souvent pas qu'ils ont une couverture dentaire d'urgence par le truchement du programme fédéral de santé intérimaire. Les cabinets de dentistes ont souvent exprimé leurs préoccupations; ils ont fourni des traitements d'urgence sans être remboursés par le programme fédéral de santé intérimaire. Le processus de pré-autorisation pour ce qui est du traitement dentaire en vertu du programme fédéral de santé intérimaire est encombrant et imprévisible. Il semble y avoir certaines contradictions quant à ce qui est approuvé et ce qui ne l'est pas.
Des recherches ont indiqué que les adultes qui ont les dents cariées transmettent les germes qui causent des caries à leurs jeunes enfants. En ne traitant pas les maladies dentaires des adultes, nous veillons à ce que la prochaine génération soit à très haut risque de caries, et le cycle se poursuivra par la suite. On voit souvent les coûts des traitements pour les jeunes enfants dépasser les 2 000 $, sans compter les 500 $ par heure pour l'anesthésie générale requise afin de traiter de façon sécuritaire des enfants déjà traumatisés.
Après un an à titre de résident permanent, les enfants deviennent admissibles au programme healthy kids, qui rembourse certains coûts liés aux soins dentaires et aux verres correcteurs pour les enfants de moins de 19 ans. Malheureusement, leurs parents ne sont pas admissibles à des soins dentaires gratuits, même durant une grossesse, alors que les bactéries dentaires peuvent causer des bébés prématurés ou ayant un poids insuffisant à la naissance.
Pour conclure, nous avons besoin d'une approche novatrice comportant plusieurs services afin d'aider les immigrants et les réfugiés tout en augmentant la force, la cohésion et la santé de la collectivité et en réduisant les coûts des services de traduction. Le centre de services polyvalent fournirait une telle réponse.
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Patrick a 10 ans et Angel en a 14. Ils ont été refoulés du Canada par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration avec leur père, Jean Bosco Rwiyamirira, le 3 octobre 2006. Après avoir vécu au Canada pendant huit ans, la plus grande partie de leur vie, ces enfants, comme de nombreux jeunes Canadiens nés à l'étranger, avaient fait du Canada leur pays.
M. Rwiyamirira travaillait au secrétariat de l'ambassade du Rwanda à Ottawa. Rompant de manière étonnante avec le protocole diplomatique, il a dénoncé la violation des droits humains lors du génocide du Rwanda. Ce geste mettait sa famille en danger. M. Rwiyamirira a donc pensé avant tout à la sécurité des siens, comme l'aurait fait n'importe quel père de famille. Il a demandé asile au Canada.
M. Rwiyamirira n'a pas tardé à apporter une contribution exemplaire à la société québécoise. En 2005, le premier ministre Jean Charest lui a remis une distinction en reconnaissance de son apport au bien commun.
Le Canada, vous le savez, a un moratoire sur la déportation au Rwanda, non sans raison. Néanmoins, un fonctionnaire du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration — pas un juge, pas un tribunal — avait le pouvoir d'ordonner la déportation de la famille sans que celle-ci puisse en appeler de cette décision. Ce faisant, le ministère violait les engagements du Canada en vertu de l'article 3 de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Malheureusement, le cas de M. Rwiyamirira et de sa famille, comme plusieurs autres cas semblables, donne à penser que le Canada ne respecte pas toujours ses obligations découlant de traités internationaux.
À l'heure qu'il est, mon diocèse a perdu contact avec ce monsieur. Nous savons qu'il est détenu à Kigali et que l'accusation à la base de cette détention affirme qu'il est un déserteur. Ce chef d'accusation me semble alarmant. De toute façon, le Canada a violé dans ce cas sa stricte obligation de ne pas pratiquer le refoulement selon la loi internationale. Nous sommes en communication intermittente avec ses enfants. Ils sont à la charge de cousins lointains, et leur vie n'a plus rien à voir avec ce qu'ils ont connu au Canada.
Votre comité, monsieur le président, n'est sans doute pas le lieu qui convient pour examiner les scandales comme celui-ci. Nous le savons, vous n'êtes pas l'instance d'appel de facto prévue par le Parlement dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Cependant, les circonstances de cette famille illustrent avec force le message central de la lettre pastorale que nous avons publiée récemment et que nous vous remettrons. Elle s'intitule : « Car nous ne sommes devant toi que des étrangers et des hôtes ».
Voici l'essentiel de ce que dit cette lettre. La dignité humaine n'a rien d'abstrait ni de théorique. Quand elle a été touchée, vous le savez, la blessure peut durer toute une vie. C'est particulièrement vrai dans le cas d'une famille.
Nous reconnaissons les éléments positifs du système canadien d'accueil des réfugiés. Cependant, une réforme sérieuse est indispensable pour faire en sorte que la dignité humaine prime sur toute autre considération. Et nous ne disons pas cela tout simplement par idéalisme épiscopal. Tous les jours, dans la vie pastorale de nos diocèses dans l'ensemble du Canada, nous sommes témoins du combat pour la vie que livrent des personnes qui demandent asile au Canada et, en particulier, des injustices qui continuent de se produire parce que notre gouvernement n'a pas su mettre en place un mécanisme d'appel transparent et efficace, comme l'exige la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
Nous sommes témoins des grandes épreuves qu'engendrent les délais et les droits exorbitants qui empêchent la réunification des familles. Nous sommes témoins de la souffrance bien réelle des personnes dont le statut fait l'objet d'un moratoire et, en particulier, des jeunes qui voient leur vie détruite par des délais qui peuvent durer plusieurs années. Nous sommes témoins de l'appauvrissement bien réel des saisonniers migrants, des immigrants et des réfugiés qui, faute d'un soutien adéquat et parce qu'on ne reconnaît toujours pas leurs diplômes, subissent un chômage plus élevé, des salaires plus bas.
Nous sommes témoins de la vulnérabilité bien réelle des femmes victimes de la féminisation de la migration et de l'absence de ressources pour les protéger de l'exploitation économique et de la violence des hommes à leur endroit.
Nous sommes témoins de l'abomination bien réelle de la traite des êtres humains, qui réduit femmes et enfants à l'esclavage sexuel.
Nous félicitons le ministère d'avoir annoncé en mai que les agents de l'immigration auront maintenant le pouvoir d'émettre des permis de résidence temporaires, pour une durée pouvant aller jusqu'à 120 jours, aux victimes de la traite des êtres humains, de leur avoir épargné d'avoir à défrayer les coûts d'ouverture de leur dossier et de leur avoir donné accès au Programme fédéral de santé intérimaire.
Par ailleurs, s'il faut en croire la CBC, ces personnes continuent de se heurter à de graves obstacles à l'immigration. Il ne semble toujours pas y avoir de stratégie intégrée et proactive visant à éradiquer la traite des êtres humains au Canada.
Nous assistons à une vivisection au ralenti de la dignité humaine, et les travaux de votre comité montrent clairement que vous aussi en avez été témoins lors des témoignages que vous avez entendus et lors des visites que vous avez faites dans les centres de détention. Vous avez vu comment des mesures censées protéger les Canadiennes et les Canadiens du terrorisme bafouent en fait des valeurs démocratiques aussi profondes que le respect des droits humains, la règle du droit et la dignité intrinsèque de la personne.
Les tribunaux l'ont bien vu, la Commission Arar l'a bien vu et vous aussi l'avez bien vu. Toutefois, les Canadiennes et les Canadiens oublient trop souvent que la dignité humaine exige aussi qu'aucune femme, aucune homme, aucun enfant ne soit contraint de migrer ou de demander asile.
Il est donc essentiel que le gouvernement du Canada redouble d'efforts pour contrer la destruction de l'environnement, la famine, la maladie que provoque le réchauffement de la planète, en prenant des mesures significatives pour appliquer Kyoto au lendemain du rapport de sir Nicolas Stern, pour empêcher les despotes de fouler au pied les droits humains et les libertés civiles en favorisant un mouvement international d'appui à une juste application de la responsabilité de protéger, et pour inverser l'appauvrissement planifié de vastes populations en travaillant concrètement à tenir la promesse du développement humain intégral.
Voici le message à faire passer dans votre rapport à la Chambre des communes et dans les discussions que vous aurez au sein de vos caucus respectifs: il me semble, sans l'ombre d'un doute, que notre pays a ce qu'il faut pour résoudre ces problèmes. En effet, notre pays a ce qu'il faut pour mettre sur pied un système d'accueil des migrants, des réfugiés, qui donne la première place à la dignité humaine. Un tel système accorderait aux deux enfants de mon diocèse, Patrick et Angel, les soins et l'attention qu'ils méritent à titre d'enfants dotés d'une destinée éternelle, au lieu de les déshumaniser en en faisant des fardeaux administratifs. Notre pays a ce qu'il faut pour apporter une réponse à la culture globale de la peur de l'étranger, culture du soupçon et de la terreur ancrée, en lui substituant une culture de la paix, une culture de l'hospitalité authentique et sans équivoque.
Merci.
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Pour commencer, si vous voulez bien, je voudrais à mon tour vous dire à quel point cela me fait plaisir d'avoir été invité à prendre la parole devant le comité permanent.
Comme l'a mentionné monseigneur Ébacher, chaque année, l'Église catholique romane commémore la Journée mondiale des migrants et des réfugiés. Ce jour tombe au milieu du mois de janvier. En 2006, à cette occasion, nous avons publié et abondamment diffusé partout au Canada cette lettre pastorale concernant l'immigration et la protection des réfugiés, qui a pour titre « Car nous ne sommes devant toi que des étrangers et des hôtes ». Cette lettre est par ailleurs affichée sur notre site Web. Pendant mon intervention, je voudrais donc reprendre certaines des idées et des préoccupations dont fait état ce document.
Dans les Écritures hébraïques, l'Ancien Testament, le roi David proclamait à son peuple : « Comme tous nos ancêtres avant nous nous ne sommes devant toi Seigneur que des étrangers et des hôtes ». Je pense que cette prise de conscience de notre précarité souligne bien l'importance qu'il y a d'accueillir bien l'étranger. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'hospitalité est, pourrait-on dire, l'ancien nom de la justice.
Votre Seigneur fait passer en jugement celui qui, par hypocrisie ou dureté de coeur, n'accueille pas l'étranger. Ce péché va directement à l'encontre des Béatitudes et ce péché peut être individuel comme il peut-être collectif.
Nous pourrions nous demander pourquoi l'hospitalité est si importante. En fait, elle est essentielle parce que les êtres humains sont créés pour vivre en communion les uns avec les autres. Le nier — exclure l'autre, le fuir, le livrer ou le refouler — c'est déshumaniser profondément la personne. Autrefois, et encore aujourd'hui dans plusieurs régions du monde, le refus de l'hospitalité est l'équivalent d'une sentence de mort.
Permettez-moi de vous suggérer, monsieur le président, de soulever une question fondamentale dans votre rapport à la Chambre des communes, en l'occurrence comment le système canadien d'accueil des réfugiés, des migrants, répond-il au critère de l'hospitalité?
Je me permets de suggérer quatre éléments de réponse à cette question en m'inspirant, comme je le disais, pour trois d'entre eux, de notre lettre pastorale et, pour le quatrième, du récent commentaire du Vatican sur le mouvement international de lutte au terrorisme.
Premièrement, en concluant avec les États-Unis l'Entente sur les tiers pays sûrs, le Canada laisse à un État étranger le soin de décider du sort de personnes à qui nous refusons le statut de réfugié. Cela nous expose à violer nos obligations internationales en vertu de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, et notamment le principe du non-refoulement.
Le principe du tiers pays sûr permet au Canada de se laver les mains de ces obligations en toute impunité en laissant aux agents américains le soin de livrer, de refouler ou de détenir des gens qui auraient présenté autrement une demande de statut de réfugié valide. Comme il n'y a aucune possibilité d'appel, tout donne à penser que l'Entente sur les tiers pays sûrs viole la Charte des droits et libertés.
En outre, le tiers pays sûr pose problème dans le contexte des nouvelles lois adoptées aux États-Unis pour combattre le terrorisme. L'adoption, au mois de septembre, de la Military Commissions Act est venue réaffirmer la notion de soutien matériel au terrorisme.
D'abord apparue dans la U.S.A. Patriot Act, cette notion est utilisée de façon routinière pour refuser le refuge aux demandeurs qui fuient la persécution religieuse, les complots terroristes, les viols collectifs et les régimes despotiques. Elle sert à les remettre entres les mains de leurs oppresseurs.
Ainsi, quand le Canada ferme la porte à des gens qui autrement auraient présenté une demande du statut de réfugié fondée, il se fait le complice d'un mal bureaucratique dénoncé à juste titre par un mouvement interconfessionnel de plus en plus important aux États-Unis.
Nous faisons nôtre les propos de ces leaders juifs, chrétiens et musulmans qui affirment avec force que les réfugiés ne doivent pas devenir les victimes accidentelles de la guerre au terrorisme.
Cette situation fait ressortir au Canada une réalité douloureuse que relève le Saint-Siège dans sa réaction au rapport du haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés :
Une certaine détérioration de la notion juridique d'asile semble se produire quand certains états font passer leur législation nationale ou les accords bilatéraux avant le droit international des réfugiés.
Nous recommandons, par conséquent, au Canada d'abroger l'entente sur les pays du tiers sûr. En préparation de cette mesure, nous pressons votre comité de recommander un examen complet, objectif et de haut niveau du sort des personnes qui ont été refoulées jusqu'ici par suite de l'application de cette entente.
Deuxièmement, comme je suis très loin de votre monde à la Chambre des communes, il m'est difficile de comprendre comment les gouvernements peuvent, sans faire l'objet d'une censure, ne pas mettre en application les dispositions portant sur l'appel de la Loi sur l'immigration et sur la protection des réfugiés. C'est parce qu'on avait promis un mécanisme d'appel rapide et équitable que la loi avait été adoptée, et le fait que l'exécutif manque à cette promesse propose un défi obstiné à l'autorité démocratique.
En l'absence d'un droit d'appel effectif, plusieurs paroisses et assemblées confessionnelles sont acculées à prendre des décisions déchirantes sur l'opportunité ou non d'accorder l'asile. Comme d'autres témoins vous l'ont expliqué, il est très rare que les églises choisissent d'accorder l'asile, même si elles reçoivent de nombreuses demandes à cet effet. Elle ne le font qu'après avoir soigneusement examiné les faits qu'on leur expose et les termes d'un intense processus de délibération communautaire. Le fait d'accorder l'asile résulte pour les églises d'une décision éclairée prise en toute conscience, en envisageant, d'une part, la perspective d'avoir à enfreindre la loi et d'encourir le risque d'une amende et d'une incarcération et, d'autre part, la voix de la conscience et le devoir d'hospitalité.
Quand tous les autres recours ont échoué, je crois que le fait d'accorder l'asile est une manière d'attirer l'attention du gouvernement sur une injustice exceptionnelle, de dénoncer un échec particulier et inacceptable du système d'immigration, et nous le faisons aussi par souci de fidélité à l'appel du Seigneur à pratiquer la justice en accordant l'hospitalité. Par conséquent, nous recommandons à votre comité de demander immédiatement au gouvernement d'instituer un mécanisme d'appel rigoureux, transparent et qui respecte des délais raisonnables, comme l'exige la loi.
Troisièmement, il semble y avoir un manque de volonté politique de voir fonctionner le parrainage individuel ou collectif. L'une des plus graves épreuves que puisse connaître une famille, c'est d'être séparée et déracinée pendant une période de temps de prolongée. Or, pour citer les statistiques du ministère lui-même, 50 p. 100 des demandes venues d'Afrique et du proche Orient subissent un délai de 22 mois, et 70 à 80 p. 100 des dossiers prennent de 29 à 34 mois à être traités. Ces données suggèrent que le retard devient une forme de discrimination systémique, un droit d'entrée perçu en temps et non en argent. Nous relevons ici, toujours, dans les statistiques du ministère, que 70 à 80 p. 100 des causes visant à réunir les parents réfugiés et leurs enfants prennent de 16 à 21 mois.
Par conséquent, nous recommandons à votre comité de demander au gouvernement d'éliminer les obstacles qui empêchent la réunification des familles en temps opportun et de réduire le temps d'attente pour les parrainages collectifs. D'un autre côté, nous sommes tous disposés à collaborer avec le gouvernement pour faire fonctionner le système.
Enfin, le 5 octobre 2005, le Saint-Siège est intervenu auprès du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés afin de dénoncer la multiplication des centres de détention pour demandeurs du statut de réfugié et une politique généralisée de détention qui est devenue plus la règle qu'une exception imposée par l'ordre ou la sécurité nationale. Il s'agit là du produit d'une culture de la peur, culture incompatible avec les valeurs démocratiques et qui engendre, pour reprendre les mots de l'intervention du Vatican, « un comportement raciste et xénophobe ».
Nous recommandons au comité de mettre en garde le gouvernement contre une politique généralisée de détention et de veiller à ce que notre système respecte dans les faits les valeurs d'une société libre et démocratique.
Il revient à votre comité de continuer de travailler à réaffirmer la primauté de la dignité humaine, des droits de la personne et du respect de la règle de droit comme autant de valeurs démocratiques fondamentales qui imposent des exigences au système canadien d'accueil des réfugiés et des migrants. N'oubliez pas que l'Église catholique au Canada est formée de personnes qui proviennent de toutes les régions du monde. Vous pouvez le vérifier dans n'importe quelles églises ou cathédrales de notre pays. Par ailleurs, le Canada a développé son ouverture au pluralisme religieux d'une manière qui reflète vraiment le visage de la famille humaine.
Vous ne travaillez donc pas seuls, car il y a tout un bassin de Canadiennes et de Canadiens — et nous en sommes — qui continuent de croire que le Canada a pour vocation d'exprimer et de protéger une nouvelle culture mondiale de la paix et de l'hospitalité. Cette culture de la paix et de l'hospitalité dépend avant tout de la proclamation — en face du terrorisme, du nihilisme, du fondamentalisme fanatique et du militarisme — du principe que chaque femme, chaque homme et chaque enfant a une égale dignité et que nous partageons tous et toutes une commune destinée transcendante.
Nous savons que le devoir d'hospitalité qui inspire votre travail de législateurs et notre travail de pasteurs préservera la démocratie et lui permettra de s'épanouir comme il a fait s'épanouir la foi, la solidarité et la communion.
Merci.
Je vous souhaite la bienvenue à ce comité. C'est rafraîchissant de vous entendre. On a besoin de ce genre d'appui. Le Bloc québécois, depuis 2002, a maintes et maintes fois insisté pour que les réfugiés soient traités de façon plus juste et équitable. La Section d'appel, notamment, est un dossier qui nous est cher. Un projet de loi émanant des députés a été déposé et fera l'objet d'un débat à la Chambre prochainement. M. Telegdi a mentionné que le sujet devait prendre une dimension plus politique, que la question devait devenir plus importante aux yeux de la population. On n'a de cesse, sur toutes les tribunes, de le répéter. Par contre, on ne sent pas que le sujet reçoit toute l'attention qu'il mérite.
Au cours des années, on a vu les droits des migrants s'effriter. C'est inquiétant. Votre lettre reflète très bien la situation. Vous avez certes une grande expérience dans ce domaine. En outre, je me réjouis de l'arrivée de M. Raymond Gravel. J'ai eu l'occasion de travailler avec lui à plusieurs dossiers relatifs à l'immigration et aux réfugiés au cours des dernières années. On a besoin de plus de gens de ce genre. On se doit également de légiférer.
Malheureusement, certaines dispositions ne vont pas jusqu'au bout, par rapport à ce qui était prévu, entre autres en ce qui concerne les personnes qui ne retournent pas dans leur pays, parce qu'il s'agit de l'un des pays visés par le moratoire. Avec le dossier de M. Jean Bosco, un ressortissant du Rwanda, on a vu rapidement quelles étaient les limites du système d'immigration. On a aussi constaté l'impuissance de personnes qui avaient confiance en ce système. En fait, on n'a touché qu'à la pointe de l'iceberg. En effet, plusieurs centaines de ressortissants du Congo sont présentement dans la même situation que cet homme du Rwanda.
Il y a une communauté d'immigrants qui est fragilisée, mais la réalité des fonctionnaires est en inadéquation avec celle de ces gens. Dans la lettre, qui est malgré tout passablement complète, vous avez peut-être oublié de mentionner certaines situations. J'aimerais en porter quelques-unes à votre attention. MM. Khan et Falcón Ríos, qui ont eu gain de cause dans le cadre du Comité contre la torture, sont ici en situation de vide juridique. Il y a également des personnes dont la situation géographique a changé et qui sont devenues apatrides. Tous ces gens sont ici, en sol canadien.
De plus, il y a la question de l'asile religieux. Ce dernier, à ma connaissance, n'a pas été respecté par les autorités dans le cas de M. Cherfi. Pourtant, les États-Unis l'ont reconnu comme réfugié. Le Québec a déjà accepté M. Cherfi, mais au niveau fédéral, le dossier stagne et accuse du retard.
En outre, le Programme de contestation judiciaire a été aboli par le gouvernement conservateur. Les personnes les plus vulnérables — et on peut penser ici aux immigrants ou à des personnes à qui on a enlevé la citoyenneté — pouvaient se prévaloir de ce programme pour se défendre sur le plan juridique. On peut par exemple se demander qui ira contester l'Entente sur les tiers pays sûrs si ces personnes n'ont pas accès à la justice.
Trouvez-vous normal que les réfugiés à qui on accorde la protection aient à attendre si longtemps la réunification de leur famille? Je pense que répondre à cela, c'est déjà un peu comprendre la réalité des personnes qui immigrent au Canada .
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Merci beaucoup. J'ai quelques questions.
Il ne fait pas de doute qu'il y a un nombre considérable de réfugiés dans le monde, des millions. Il s'agit de savoir combien de réfugiés un pays peut absorber; voilà pourquoi les nombres sont importants. Par rapport à d'autres pays, toute proportion gardée, le Canada fait relativement bonne figure à cet égard. Je suis persuadé que nous pouvons faire mieux et peut-être accueillir davantage de réfugiés; nous pouvons donc examiner le nombre de réfugiés que nous pouvons recevoir de même que les répercussions de l'accord sur le tiers pays sûr.
Nombreux sont ceux qui estiment que d'une façon générale, l'issue des demandes de statut de réfugié est comparable aux États-Unis et au Canada. Les modalités d'analyse des demandes peuvent différer, mais c'est le nombre de demandes accueillies qui importe au bout du compte. Dans le rapport portant sur la première année d'application de l'entente sur le tiers pays sûr, on décrit ainsi les objectifs de cette entente: « améliorer le traitement ordonné des demandes d'asile, renforcer la confiance du public envers l'intégrité de nos systèmes respectifs de protection des réfugiés, réduire le nombre de cas d'abus à l'égard des programmes d'asile dans les deux pays, et partager les responsabilités liées à la protection des personnes à protéger. »
On voit donc que l'intérêt public est également pris en compte. Il faut concilier les deux objectifs. En ce qui concerne le nombre de réfugiés qu'on est prêt à accepter, il y en a beaucoup qui sont à l'étranger et qui présenteraient leurs demandes à partir des États-Unis et l'entente sur les tiers pays sûrs visait entre autres à garantir l'intérêt public en l'absence... ou à essayer de prévenir certains abus.
Je comprends bien sûr que vous vous préoccupez du soutien matériel et ses répercussions sur cette question-là seulement. Je me demande s'il y a d'autres problèmes.
La haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a également pris part à l'examen et a dit essentiellement — et je crois qu'il s'agit de l'évaluation globale du haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés — « que, dans l'ensemble, les parties se sont, de façon générale, conformées aux modalités de l'Entente et, en ce qui concerne ces modalités, au droit international des réfugiés. On donne généralement aux personnes qui demandent la protection une occasion adéquate de présenter une demande d'asile aux points d'entrée, et les décisions relatives à la recevabilité prises en vertu de l'Entente étaient généralement correctes ». Par ailleurs, le gouvernement du Canada a indiqué dans cet examen qu'il acceptait intégralement ou en partie 13 des 15 nouvelles recommandations du haut-commissariat, ou des recommandations qui étaient encore non appliquées, dans son rapport de surveillance.
Êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il y a deux côtés à la médaille? Il faut assurer le bon fonctionnement du système — car il est dans l'intérêt public de contrer les abus qui pourraient survenir — et aussi que les deux pays sont dotés de relativement bons systèmes de protection des réfugiés par rapport à ce que l'on voit dans d'autres régions du monde?