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Merci, monsieur le président.
Je suis heureuse de vous rencontrer pour discuter avec vous aujourd’hui du système de protection des réfugiés du Canada. Je tiens à remercier le comité de la priorité qu’il accorde aux enjeux touchant les réfugiés. Le ministère apprécie au plus haut point votre examen de ces enjeux.
Avec votre permission, j’utiliserai le temps qui m’est alloué pour la déclaration d’ouverture pour vous donner un bref aperçu du système et aborder certains des enjeux qui ont été soulevés par les témoins, après quoi mes collègues et moi nous ferons un plaisir de répondre aux questions du comité. Je dépose également des fiches d’information qui portent sur certaines de ces questions.
Au départ, je dois dire que le système de protection des réfugiés du Canada est plus que le seul ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. Il implique une vaste gamme d’activités dont la gestion est assurée par divers partenaires — les efforts diplomatiques du gouvernement qui peuvent empêcher les gens de devenir des réfugiés de prime abord, la reconstruction des États défaillants, y compris le maintien de la paix et l’aide au développement, l’identification et le traitement rapide des personnes qui ont besoin de protection, les services du secteur public, privé et bénévole qui aident les réfugiés rétablis et les demandeurs d’asile à s’intégrer à la société canadienne.
Au ministère, nous assurons la gestion de deux groupes distincts de réfugiés — notamment à l’aide du système intérieur d’octroi de l’asile et de notre programme destiné aux personnes outre-frontières en voie de réinstallation. Le premier inclut les personnes au Canada réputées être des revendicateurs du statut de réfugié. Quant aux revendicateurs du statut de réfugié qui, estime-t-on, ont besoin de la protection du Canada, ce sont des personnes protégées qui peuvent demander la résidence permanente ici même au Canada. En 2005, 25 376 personnes protégées et les personnes à leur charge ont obtenu la résidence permanente, ce qui représente environ 71 p. 100 de tous les réfugiés admis l’an dernier.
Le deuxième programme pour les réfugiés comprend les réfugiés pris en charge par le gouvernement et les réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé qui ont le droit de se réétablir au Canada. Le Canada compte l’un des plus importants programmes de réétablissement des réfugiés au monde. L’an dernier, nous avons accepté plus de 10 000 réfugiés pour fins de réétablissement. Leur réétablissement n’est qu’une solution, cependant, qui ne peut être appliquée qu’à un faible pourcentage de réfugiés dans le monde.
D’autres témoins sont venus vous parler de la diminution du nombre de réfugiés dans le monde, lequel a atteint l’an dernier son niveau le plus bas en 30 ans. C’est vrai. Mais même si le nombre de réfugiés diminue actuellement à l’échelle internationale, la période au cours de laquelle une personne qui se trouve en situation de réfugié s’allonge. Des 8,2 millions de réfugiés au monde, plus de 6 millions sont en situation de réfugié depuis plus de cinq ans, et dans bien des cas, la situation perdure depuis des décennies. Donc, l’objectif de notre programme de réétablissement est de tenter d’utiliser ce volet comme une composante d’une approche exhaustive pour gérer à la baisse les trop longues périodes d’attente que doivent subir les réfugiés.
Outre notre programme de réétablissement, nous travaillons à l’échelle internationale à renforcer les capacités des autres pays. Par exemple, le ministre Solberg a annoncé récemment que le Canada verserait 1 million de dollars qui servira à la mise en œuvre du plan d’action de Mexico pour aider les pays de la région à renforcer leur propre capacité de réétablissement en Amérique latine.
Il faut toutefois préciser que d’offrir la protection à ceux qui en ont véritablement besoin tout en préservant l’intégrité du programme et la confiance du public peut être un équilibre très difficile à atteindre. Nous avons suivi les délibérations de votre comité et nous aimerions aborder quelques enjeux qui ont été soulevés par d’autres témoins. Plusieurs intervenants qui travaillent directement avec les réfugiés au jour le jour, comme l’Alliance canadienne du secteur de l’établissement des immigrants et le Burnaby School Planning Council, ont soulevé plusieurs préoccupations au sujet de l’intégration. Cette sensibilisation du public est à la fois importante et nécessaire.
Des témoins ont également parlé des personnes qui sont sans statut et qui bénéficient d’une suspension temporaire des mesures de renvoi. En outre, certains témoins ont réclamé l’établissement d’une catégorie réglementaire offrant la résidence permanente à ceux qui sont au Canada depuis trois ans ou plus. Le gouvernement du Canada est sensible à la situation des étrangers provenant des pays qui font actuellement l’objet d’une suspension temporaire des mesures de renvoi. En vertu des dispositions actuelles de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, diverses solutions s’offrent à ces personnes qui demandent la résidence permanente au Canada. Au total, et depuis la mise en œuvre des sursis, plus de 16 000 personnes provenant de ces pays ont obtenu la résidence permanente au Canada grâce à l’une ou l’autre de ces solutions, ce qui représente un taux d’acceptation de 90 p. 100.
Premièrement, la majorité de ces étrangers ont présenté une demande de statut de réfugié qui a été acceptée. Deuxièmement, la politique d’intérêt public concernant les époux au Canada permet à des personnes sans statut qui sont mariées à un citoyen ou vivant en union de fait avec un citoyen ou un résident permanent du Canada de demander la résidence permanente.
Le processus relatif aux considérations d’ordre humanitaire existe précisément pour faire face à des situations exceptionnelles et impérieuses, au cas par cas. En 2005, les taux d’acceptation étaient assez élevés en ce qui concerne les demandes reposant sur des considérations d’ordre humanitaire — environ 85 p. 100, présentées par des étrangers faisant l’objet d’une suspension temporaire des mesures de renvoi.
Il est également important de souligner qu’avant d’obtenir la résidence permanente, les étrangers bénéficiant d’un sursis au titre de la suspension temporaire des mesures de renvoi ont droit aux mêmes prestations d’emploi et d’aide sociale du gouvernement du Canada que tout travailleur étranger temporaire, y compris les professionnels des pays membres de l’ALENA. Ces personnes ont également le droit d’aller à l’école et d’être couvertes par le régime d’assurance-santé en vertu du Programme fédéral de santé intérimaire.
Des témoins ont également soulevé certaines questions touchant l’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis. Cette entente n’est pas unique au monde. Plusieurs pays développés, y compris les États membres de l’UE, ont élaboré une politique sur les tiers pays sûrs. L’expérience européenne témoigne d’une collaboration semblable grâce aux ententes de partage des responsabilités.
L’entente Canada–États-Unis reconnaît les obligations légales internationales des deux gouvernements en vertu du principe de non-refoulement décrit dans la Convention sur les réfugiés de 1951 et dans son protocole de 1967, de même que dans la Convention des Nations Unies contre la torture de 1984. Les deux gouvernements reconnaissent que le partage de la responsabilité relative à l’asile doit comprendre le droit à la détermination entière et équitable du statut de réfugié afin de garantir la protection efficace des gens en vertu de la Convention des réfugiés et de la Convention contre la torture. Le haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a confirmé que l’accord respecte le droit international des réfugiés et les engagements qu’a pris le Canada en vertu de la convention.
Certains témoins ont attribué la diminution du nombre de demandes d’asile au Canada à l’entente sur les tiers pays sûrs. Il est important de préciser que le nombre de revendications du statut de réfugié dans les pays industrialisés a diminué d’environ 50 p. 100 depuis 2001. Cette diminution au Canada est conforme à la tendance décelée à l’échelle internationale. Il est également important de souligner que même si le nombre de demandes d’asile dans les pays industrialisés a diminué à nouveau en 2006, le nombre de revendications présentées au Canada jusqu’à ce jour en 2006 est en hausse de quelque 20 p. 100 comparativement à l’an dernier.
En ce qui concerne les critiques du système américain formulées par certains témoins qui ont comparu devant votre comité, l’analyse récente publiée par David A. Martin, professeur de droit à l’Université de la Virginie et spécialiste de renommée internationale en ce qui concerne le système américain de détermination du statut de réfugié, indique que de 2001 à 2005, sur plus de 205 000 demandeurs d’asile, les États-Unis ont accordé la protection à 45 p. 100 d’entre eux. Ce taux se compare favorablement à celui du Canada qui est de 43 p. 100 au cours de la même période.
Le comité permanent a écouté les critiques de certains témoins au sujet de la décision de reporter la mise en œuvre de la Section d’appel des réfugiés, connue sous le sigle SAR. La SAR donnerait aux réfugiés le droit d’interjeter appel avec instructions au dossier d’une décision défavorable rendue par la CISR. Cet appel passerait en revue les cas individuels pour y déceler les erreurs de fait, les erreurs de droit ainsi que les erreurs de fait et de droit. Le système ne permettrait pas un appel en personne, ni la présentation de nouvelles informations qui n’ont pas été déposées lors de l’audience initiale.
Précisons que le système actuel permet différentes solutions concernant l’examen. Les demandeurs d’asile déboutés peuvent demander un contrôle judiciaire de la décision à la Cour fédérale qui peut annuler les décisions de la CISR en cas d’erreurs de fait manifestement déraisonnables. En outre, ceux qui estiment que leur vie est menacée en cas de retour dans leur pays d’origine peuvent demander un examen des risques avant leur renvoi, ou de nouveaux éléments de preuves peuvent être présentés. S’il y a des raisons impérieuses de le faire, les personnes qui veulent demeurer au Canada peuvent également présenter une demande distincte de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.
Même sans la SAR, le Canada continue de respecter ses obligations nationales et internationales en ce qui concerne la protection des réfugiés. Le haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés dit souvent que le Canada compte l’un des meilleurs systèmes au monde.
En outre, CIC évalue que la mise sur pied de la SAR coûterait annuellement plus de 12 millions de dollars au gouvernement fédéral et que sa mise en œuvre ajouterait au moins cinq mois au processus d’octroi de l’asile. En retour, cela ferait accroître les coûts des services sociaux des provinces d’environ 21 millions de dollars par année.
Le comité a entendu des témoins qui ont proposé de permettre aux membres de la famille de personnes protégées au Canada de se rendre immédiatement au Canada et de demander la résidence permanente à leur arrivée. Le regroupement familial est la pierre angulaire du programme d’immigration du Canada. L’objectif du ministère est de réunir les familles le plus rapidement possible tout en veillant à ce qu’il n’y ait pas de recours abusif au programme. Notre système est assorti des garanties qui équilibrent les deux priorités.
Dans la fiche d’information que j’ai déposée, vous trouverez certains chiffres sur le nombre de membres de la famille auxquels on accorde la résidence permanente chaque année. Les agents de visa à l’étranger déploient tous les efforts nécessaires pour réunir le plus rapidement possible les réfugiés au Canada et les membres de leur famille à l’étranger. L’objectif — réunir rapidement les familles — doit cependant être équilibré avec l’engagement qu’a pris le gouvernement de protéger la santé et la sécurité des Canadiens. Il faut prêter attention aux préoccupations médicales, comme la tuberculose, et prendre des mesures afin de traiter les personnes atteintes avant de permettre aux membres de la famille de venir au Canada. En outre, les préoccupations liées à l’authenticité des liens de parenté, découlant en grande partie du trafic d’enfants, ne peuvent être passées sous silence, car le trafic est un problème très déconcertant mais combien réel. Permettre à des personnes de venir immédiatement au Canada avant que des vérifications de sécurité ne soient finalisées pourrait faire courir aux Canadiens des risques très réels.
Enfin, le comité permanent a entendu des témoignages concernant le programme de parrainage privé de réfugiés à plusieurs reprises depuis le mois d’octobre. Les témoins ont réclamé une augmentation de ses objectifs et des ressources affectées au traitement de ces demandes. Le ministère attache une grande valeur au programme de parrainage privé des réfugiés, qui permet aux citoyens et résidents permanents du Canada d’appuyer les efforts de réétablissement en assumant la responsabilité du financement et de l’intégration des réfugiés réétablis. Cela étant dit, le programme fait actuellement face à plusieurs difficultés, comme l’a entendu votre comité.
Les Canadiens et CIC travaillent main dans la main pour faire venir au Canada chaque année 3 000 à 4 000 réfugiés parrainés par le secteur privé. En réponse aux demandes sans cesse croissantes des répondants et à l’appui des efforts humanitaires du Canada, l’objectif maximal a été revu à la hausse, à 4 500 pour l’année 2007, comme l’a annoncé le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration dans le rapport annuel de 2006 présenté au Parlement sur l’immigration, qui a été déposé le 31 octobre. Grâce à ce changement, les répondants disposeront d’une plus grande marge de manœuvre pour contribuer aux efforts accrus du Canada afin de réduire le nombre de réfugiés se trouvant depuis longtemps dans des situations difficiles.
Les longs délais de traitement du programme reflètent le fait que le nombre de personnes actuellement recommandées au programme dépasse de loin l’objectif établi dans cette catégorie. On se retrouve donc maintenant avec un arriéré qui atteint maintenant plus de 14 000 personnes.
Même avec des ressources supplémentaires, le nombre de réfugiés réétablis qui entrent au pays sera toujours à l’intérieur de cette cible. Toutefois, il existe un deuxième défi, à savoir que malheureusement, de nombreuses personnes recommandées au programme ne sont pas de véritables réfugiés selon les critères de réétablissement du Canada. Cela s’est soldé par un taux de refus de 52 p. 100 pour le programme en 2005, créant une diversion importante des ressources qui pourraient avoir été consacrées au traitement du dossier des personnes qui ont véritablement besoin de protection. Pour illustrer certains des défis auxquels fait face le programme, la fiche d’information que j’ai déposée comprend le nombre de demandes reçues et acceptées depuis 2000.
En conclusion, monsieur le président, il ne fait aucun doute que nous avons des difficultés. La protection des réfugiés a toujours été une question complexe et difficile, et dans le monde d’aujourd’hui, elle l’est encore davantage. Je peux cependant dire sans hésitation que nous avons bien hâte de lire le rapport du comité. Je suis certaine que vos délibérations donneront lieu à des recommandations fondées sur les intérêts supérieurs des réfugiés et des Canadiens. Le système de protection des réfugiés du Canada est reconnu comme l’un des meilleurs au monde. Avec votre aide, nous respecterons notre engagement pour faire en sorte qu’il soit encore meilleur.
Je vous remercie de m’avoir donné ce créneau et nous avons bien hâte de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je me demande pourquoi, encore aujourd'hui, on a cette argumentation au sujet de la création de la Section d'appel des réfugiés. La loi a été adoptée à la Chambre, non sans heurts. Le processus pour mettre la loi en place n'a pas été facile.
Une chose m'apparaît vraiment inconcevable. Malgré le fait que nous ayons un bon système canadien de détermination du statut de réfugié, nous sommes moins généreux que les États-Unis. C'est une situation assez particulière.
Le comité a entendu des témoignages de gens, de professionnels de l'Association du Barreau canadien ainsi que de juges à la retraite, qui soutenaient que la mise en place de la Section d'appel diminuerait le nombre de demandes à la Cour fédérale pour l'examen des demandes refusées. Selon le processus actuel de détermination du statut de réfugié, les demandeurs déboutés peuvent s'adresser à la Cour fédérale pour qu'elle autorise une demande de contrôle judiciaire. Cette autorisation est accordée dans un petit pourcentage des cas. Il serait donc intéressant que nous me donniez cette statistique.
Lorsque cette autorisation est accordée, le contrôle judiciaire d'une décision de la CISR a une portée plus limitée que l'appel envisagé à la Section d'appel. Je sais que des travaux ont été faits en vue de la mise sur pied de la Section d'appel. Je voudrais savoir comment cela fonctionnerait à la CISR.
Il est important de savoir que le demandeur n'avait pas besoin de l'autorisation du tribunal pour s'adresser à la Section d'appel. S'il faisait une demande à la Section d'appel, on étudiait son dossier. C'est sûr et certain qu'il ne pouvait pas fournir de nouvelles preuves, mais sa demande pouvait être examinée sur le fond.
J'ai fait un peu de recherche sur la mise en place d'une section d'appel au niveau de la cour criminelle, et l'argumentation est sensiblement la même. Par contre, je pense qu'un principe de base, celui de la justice naturelle, doit être mis en oeuvre. Il est tout à fait normal qu'une section d'appel existe pour des décisions aussi importantes que le renvoi d'une personne vers un autre pays.
Pouvez-vous nous donner des statistiques au sujet des coûts de la Section d'appel? J'en ai déjà fait la demande, mais cette demande doit être encore au bureau du ministre avant d'être remise au comité. J'avais demandé combien coûtait actuellement le processus de détermination du statut de réfugié, à partir du moment où une personne est refusée. Au fond, j'aimerais savoir combien coûte l'examen, par la Cour fédérale, de la demande d'un réfugié qui a été débouté. Je m'attendais à ce que vous ayez ces statistiques sous la main, car cela fait plusieurs fois qu'on les demande.
On dit que la mise sur pied de la Section d'appel coûterait 12 millions de dollars. C'est un gros montant. La mise sur pied de la Section d'appel permettrait-elle de faire des économies ailleurs dans le système?