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Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Mary Jo Leddy, et je suis membre de la Coalition de l'Ontario pour les réfugiés depuis 15 ans. Je m'en tiendrai à des propos généraux, et d'autres personnes qui me suivront s'attacheront à des points très spécifiques.
La décision d'offrir un refuge naît d'un appel à la conscience. Une personne -- une mère, un père, une personne seule -- frappe à la porte de l'église et demande de l'aide. Le ministre du culte, le prêtre, ou un membre de la congrégation, parfois même une secrétaire, se retrouve alors en face d'un autre être humain, désespéré, et ces chrétiens se voient forcés d'agir en toute bonne conscience et d'ouvrir la porte à ce réfugié.
Ce geste, posé à maintes reprises partout au pays, est dicté par la conscience. En effet, le nombre de congrégations modestes de classe moyenne qui ont ouvert leurs portes à un réfugié dont la vie est en danger est remarquable. C'est un engagement effrayant pour ces congrégations. Elles risquent de faire l'objet de poursuites et elles doivent faire montre d'un dévouement incroyable au quotidien.
Ceux d'entre nous qui offrent le refuge ne sont pas plus empathiques ou plus moraux que vous. C'est seulement que nous envisageons le réfugié d'un point de vue différent. Nous ne le voyons pas comme un dossier. Nous ne le voyons pas comme un numéro. Nous ne le voyons pas comme un enjeu politique. Nous ne voyons qu'une personne qui a besoin d'aide et qui fait appel à notre charité chrétienne.
Aucun dirigeant d'Église ne dit à sa congrégation d'offrir le refuge à quelqu'un. Aucun dirigeant d'Église ne peut nous faire arrêter. Je mentionne cela parce que j'ai fait partie d'une délégation de dirigeants d'Église qui a rencontré l'ex-ministre de l'Immigration, Judy Sgro. Il s'agissait de dirigeants d'Église dont la congrégation avait offert un refuge, et la ministre était dérangée par le nombre croissant d'Églises qui offraient le refuge. À l'occasion de cette rencontre, elle a demandé aux dirigeants d'Église de dire à leur congrégation d'arrêter, et elle leur a offert des voies secrètes leur permettant de résoudre leurs difficultés.
La ministre a dit que les dirigeants d'Église pourraient la rencontrer en privé une fois par année et lui soumettre 20 cas sur lesquels on se pencherait en coulisse, sans trop faire de bruit. Les dirigeants d'Église ont refusé cette option -- ce qui est tout à leur honneur, d'ailleurs -- pour la simple raison qu'ils ne voulaient pas d'un processus privé qui n'était pas offert à d'autres groupes religieux, qui n'était pas offert à d'autres groupes de revendication. Deuxièmement, fait plus important encore, ils ont reconnu que personne n'avait demandé à ces congrégations de faire cela, et qu'on ne peut les faire arrêter, car c'est une question de conscience.
Ce mouvement de conscience continuera -- ça je vous le garantis -- tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de mécanisme d'appel efficace dans le cadre du processus de détermination du statut de réfugié. D'après ce que je vois -- et je vois cela tous les jours --, l'actuelle Loi sur l'immigration confère un pouvoir énorme, le pouvoir de décider de la vie ou de la mort d'une personne, à de simples agents d'immigration, et cette loi part du principe selon lequel ces agents ne font pas d'erreur. La Loi s'assortit d'une disposition relative à l'appel sur le fond, mais on ne l'a jamais appliquée.
Ce que nous avons actuellement ne correspond qu'à un dédale d'appels partiels, de sorte que pas une seule cause n'a été entendue. On a fait valoir que la mise sur pied d'un processus d'appel serait coûteuse, mais, selon moi, un tel mécanisme serait beaucoup moins coûteux que le bourbier d'inefficience dans lequel s'enlise le processus de détermination du statut de réfugié.
Depuis un an, une famille du Costa Rica vit dans l'église St. Philip Neri, à Toronto. Je l'ai rencontré; j'ai rencontré leur pasteur, le Père John Juhl. La famille se désintègre, elle est rongée par la dépression.
On a fait valoir qu'il n'y a pas de réfugiés du Costa Rica. Le père était agent de police au sein de la brigade des stupéfiants. Il sait trop de choses au sujet du cartel de la drogue qui accable ce pays. La police reconnaît qu'elle ne peut rien pour lui. Les preuves s'accumulent tous les jours, et il devient évident qu'il ne peut retourner au Costa Rica.
On dirait maintenant que tout le monde se lave les mains de cette famille et d'autres. Les bureaucrates du ministère ne sont pas disposés à admettre qu'on puisse parfois commettre une erreur. Parfois, peut-être même souvent, cela tient tout simplement à une charge de travail écrasante. Ils ne disposent pas des ressources dont ils ont besoin pour régler des cas. Le ministre, lui, pourrait le faire; on a déjà vu des ministres exercer leur pouvoir discrétionnaire dans de telles situations.
Dans le mouvement auquel j'appartiens, en faveur des réfugiés, nous croyons que le Canada a signé des ententes internationales qui l'obligent à protéger les réfugiés dont la vie est en danger. Lorsque le gouvernement ne fait pas cela, les citoyens sont tenus de prendre l'initiative et de le faire afin que nous respections les lois de notre pays.
Merci.
:
Bonjour. Je m'appelle Heather Macdonald.
[Traduction]
Tout d'abord, je tiens à remercier le comité de son accueil aujourd'hui et de son intérêt. Je compte également faire appel à votre soutien.
Je vais vous parler du travail qu'effectue depuis longtemps l'Église unie à l'égard des réfugiés. Pendant les années 20 et 30, nous travaillions avec des orphelins arméniens. Après la Deuxième guerre mondiale, nous allions à la rencontre des trains de bateau qui amenaient des réfugiés de la guerre. Depuis la signature de l'entente cadre en 1979, nous avons participé à l'établissement de plusieurs milliers de réfugiés. Nous avons participé à la fondation d'organismes de services aux réfugiés à Montréal, à Toronto, à Winnipeg et à Edmonton. Nous avons également mené des activités de développement communautaire, en particulier avec l'Afghan Women's Organization.
Nous comptons parmi les membres fondateurs de l'ICIR et du comité permanent à l'origine du Conseil canadien pour les réfugiés. Nous faisons partie de KAIROS, Initiatives canadiennes oecuméniques pour la justice, qui s'intéresse à des questions de justice sociale. Et nos membres et nos congrégations ont à coeur d'aider les demandeurs d'asile et les réfugiés parrainés. C'est de cet engagement qu'est née notre pratique consistant à offrir le refuge.
Qu'est-ce que le refuge? Pour nous, c'est un appel public à la réparation d'une terrible injustice. C'est une tentative de faire observer la loi. Ce n'est pas caché. Il ne s'agit pas d'une activité clandestine. En perpétuant cette pratique, l'Église demande que nos idéaux de justice et de compassion ainsi que la vie des réfugiés soient respectés.
En simplifiant le système de détermination du statut de réfugié, le gouvernement a sacrifié la justice pour les réfugiés, car il a choisi de ne pas mettre en oeuvre le mécanisme d'appel destiné aux réfugiés. Or, ce sont les réfugiés qui en paient le prix, et ils paient de leur vie. Lorsque nous sommes confrontés à quelque chose que nous percevons comme une injustice, nous pouvons envisager d'adopter l'attitude morale qui consiste à offrir le refuge ou à recevoir des personnes en détresse et désespérées dans l'enceinte sacrée d'une église.
Nos mesures visant à offrir le refuge, qui procèdent d'une longue tradition historique, constituent peut-être une forme de désobéissance civile, mais elles ne visent nullement à défier la loi. En réalité, le fait d'offrir un refuge reflète un respect suprême de la loi et de la justice qu'il exige d'elle. Il s'inspire de deux commandements -- l'amour de Dieu et l'amour de son prochain --, et nous croyons savoir que la manifestation publique de l'amour de Dieu est la justice.
Nos membres sont déterminés à assurer la protection des demandeurs d'asile qui viennent au Canada de leur propre chef et des réfugiés réinstallés ou parrainés, ceux qui sont sélectionnés à l'étranger. Ainsi, nous entrons en contact avec des gens qui ont parfois besoin de notre aide. Nous croyons que notre aide est un acte d'obéissance. En offrant le refuge à des familles comme la famille Raza, qui a demandé refuge à Winnipeg, nous estimons nous plier à une loi universelle et à la volonté de Dieu.
Comment planifie-t-on le refuge? Eh bien, il faut faire preuve d'un discernement empreint d'une grande sincérité. Il doit s'agir d'une initiative communautaire. Nous n'agissons jamais seul, un groupe confessionnel n'agit jamais seul. Puisque la conscience est façonnée partiellement par les préjugés et que nous pouvons nous tromper, nous devons faire appel, dans le feu de l'action, à la sagesse des autres.
Nous nous interrogeons sur nos motifs. Nous devons réfléchir honnêtement à ce que nous faisons, aux raisons pour lesquelles nous le faisons, et pour le bien de qui nous le faisons. Qu'est-ce que nous ou les personnes à risque -- les réfugiés -- avons à gagner ou à perdre? Nous exigeons une décision éclairée. Nous cherchons à déterminer s'il y a d'autres options. À notre avis, il ne devrait s'agir que d'un dernier recours, pendant que nous continuons d'explorer toutes les autres voies de protestations légales. Nous consultons Amnistie Internationale, les coalitions locales pour les réfugiés, des avocats, et CIC.
Ce n'est pas une solution. Le temps est venu de procéder à un second examen objectif et de songer à modifier la loi. Nous comprenons qu'il n'y a pas de garantie de succès, et la congrégation et les réfugiés doivent également comprendre cela. Nous recommandons que les congrégations envisagent l'élaboration d'un protocole avant même qu'elles soient placées dans une situation où elles doivent réagir.
Nous tentons de protéger la crédibilité et la pratique du refuge pour ceux qui en ont le plus besoin. Nous avons refusé davantage de demandes que nous n'en ayons jamais accepté. Cela va peut être vous surprendre, mais ce n'est pas quelque chose que nous voulons faire. Il s'agit plutôt quelque chose que nous devons faire.
Les congrégations de notre confession prennent leur propre décision. Il y a un guide qui oriente la prise de décisions -- malheureusement, il n'est disponible qu'en anglais à l'heure actuelle --, si jamais vous voulez le voir. Nous travaillons avec les congrégations afin qu'elles prennent des décisions éclairées. Nous travaillons de façon respectueuse avec les agents du gouvernement en vue de régler le problème avec intégrité, à la satisfaction de toutes les parties. Nous essayons toujours d'éviter de recourir au refuge, lorsque cela est possible, car c'est une démarche épuisante, sur le plan physique et affectif; c'est coûteux, c'est pénible et, au bout du compte, c'est tout simplement ennuyeux. Mais lorsque nous prenons un engagement envers un réfugié, nous respectons cet engagement. Nous agissons avec fermeté et persistance à l'égard de ce que nous croyons être la vérité.
Depuis 1983, l'Église unie s'est chargée de 14 cas de refuge, dont six depuis 2002, époque au cours de laquelle plusieurs cas de refuge sont survenus en même temps. Nous nous demandons si c'est par hasard que cette multiplication des cas coïncide avec l'entrée en vigueur de la LIPR -- le décideur unique et l'absence de mécanisme d'appel.
On a dit que l'Église unie semble offrir le refuge tout particulièrement aux familles. Je crois que cela tient au fait que le principe de la réunification des familles et l'intérêt supérieur des enfants canadiens sont au coeur de notre démarche. Les politiques ou les lois de notre Église prévoient que nous devons aider les nécessiteux, offrir l'hospitalité aux étrangers et le refuge aux personnes en danger, aimer notre prochain -- que nous l'aimions ou pas -- et protéger les gens persécutés, les faibles et les sans-abri.
Les politiques de notre conseil général ont toujours prévu que nous devons demander à notre gouvernement de respecter le droit des demandeurs d'asile déboutés à un appel sur le fond, lequel est prévu dans la LIPR. Avec une SAR en place, nous croyons également que beaucoup moins de demandes de refuge seraient adressées à notre Église. Idéalement, c'est le Canada qui devrait être le refuge.
Comme le disait Sandwell, président honoraire du Comité national canadien pour les réfugiés peu après la Deuxième Guerre mondiale, l'obligation d'offrir le refuge n'est pas illimitée et ne l'a jamais été, mais l'obligation d'offrir le refuge existe encore. Les pays qui font fi de cette obligation finiront par le regretter, comme le regrettent finalement tous les pays qui ferment les yeux sur cette obligation morale fondamentale et sur la dette de l'homme et des nations envers l'être humain à leurs portes, simplement parce qu'il s'agit d'un être humain.
Je crois que ces propos sont toujours d'actualité. Le Canada est tenu d'offrir le refuge à ceux qui en ont besoin, et il vient un temps -- comme à l'heure actuelle, vu l'absence de mécanismes d'appel -- où, à titre de citoyens et d'êtres humains, nous avons l'obligation morale fondamentale d'offrir le refuge en sol canadien.
L'église veut concentrer ses efforts sur la collaboration avec les demandeurs d'asile, sur la réinstallation des réfugiés, en particulier de ces organismes d'aide aux réfugiés. Nos bureaux des visas ne nous soumettent pas suffisamment de cas. Nous travaillons dans le but d'assurer la justice pour les migrants. Nous voulons travailler avec notre gouvernement sur des programmes d'immigration sains qui reflètent les besoins réels au chapitre de la main-d'oeuvre et du regroupement familial. Mais vu le manque de protection, l'absence de mécanismes d'appel a exacerbé le recours au refuge en sol canadien. Par conséquent, nous vous demandons, députés du Parlement, de veiller à ce que les besoins des réfugiés en matière de protection soient comblés, ce qui permettra à l'Église de vaquer à ses autres activités.
Merci.
:
Je suis heureux de pouvoir comparaître devant votre comité. Permettez-moi d'abord de vous parler brièvement du groupe de bénévoles que j'ai l'honneur de représenter.
[Traduction]
Depuis plus de 16 ans, le Refugee Outreach Committee de la paroisse St. Joseph, sur l'avenue Laurier à Ottawa, vient en aide aux réfugiés nouvellement arrivés dans la capitale du Canada. Le rôle du comité consiste habituellement à poser de simples gestes d'humanité. Autrement dit, nous aidons les réfugiés qui en ont besoin à se trouver un logement, des meubles, des vêtements chauds ou un emploi.
Pour la première fois, en 2005, nous avons pris une mesure hors du commun en offrant le refuge à une personne, et ce, pour une cause des plus valables. Nous nous sommes sentis moralement tenus d'aider une femme qui avait demandé le statut de réfugié et qui était visée par une mesure d'expulsion sans avoir eu droit à une audience complète et équitable.
[Français]
Après un an en refuge avec notre aide, Maoua Diomande a été autorisée à demeurer au Canada. Nous sommes reconnaissants au ministre qui, une fois tous les faits en cause mis au jour, a jugé bon de délivrer le permis pour des motifs d'ordre humanitaire.
[Traduction]
Toutefois -- et il est important que vous vous penchiez sur ce point --, une paroisse ne devrait pas se retrouver dans une situation où le seul moyen d'aider un demandeur du statut de réfugié consiste à lui donner refuge. Les institutions religieuses sont forcées d'offrir le refuge seulement parce que le système de reconnaissance du statut de réfugié ne fonctionne pas bien. De toute évidence, lorsqu'une personne qui demande à juste titre le statut de réfugié doit demander l'aide d'une paroisse ou d'une congrégation de fidèles, c'est que le système ne tourne pas rond.
[Français]
Bien sûr, nous tous ici présents voulons un système juste et équitable qui fonctionne plus efficacement. D'après notre expérience, l'absence d'un processus d'appel pose un grave problème. Notre demandeuse du statut de réfugié vivait dans la crainte d'être renvoyée du Canada sans avoir eu la possibilité de faire appel. Bien que nous ayons porté son cas à l'attention de la population, nous n'avons pas eu d'autre choix que de lui permettre de se réfugier dans notre lieu de culte. Un nombre incalculable d'autres demandeurs du statut de réfugié — des centaines et peut-être même des milliers — ont essuyé un refus du Canada parce qu'ils n'avaient pas eu la possibilité de présenter complètement leur cause.
[Traduction]
Je vais maintenant vous faire part de nos recommandations.
Tout d'abord, nous recommandons que vous, les membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, demandiez de nouveau au gouvernement de mettre en oeuvre la Section d'appel des réfugiés, comme le prévoyait une loi du Parlement adoptée en 2002. Nous vous invitons à demander sa mise en oeuvre parce que c'est une question de justice. Nous vous y invitons au nom des demandeurs du statut de réfugié dont la cause n'a pas été entendue correctement, ou n'a pas été prise en compte, parce qu'il n'y a pas de processus d'appel.
[Français]
Nous recommandons que votre comité exige du gouvernement qu'il procède rapidement à la réorganisation et à la dotation de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Des modifications pressantes devraient être apportées tout de suite.
Le récent rapport de la CISR à votre comité faisait état du nombre insuffisant de commissaires chargés des audiences. Ce rapport signalait aussi que le recrutement de membres compétents avançait lentement. Nous invitons votre comité à exiger de la CISR qu'elle procède de toute urgence à l'élimination du chaos créé par l'engorgement de ses activités. Il est clair qu'il faut augmenter le nombre des commissaires pour régler l'arriéré en matière d'immigration. De plus, le processus de sélection et de nomination des commissaires doit être dépolitisé pour garantir un degré plus élevé d'équité et de justice.
[Traduction]
Outre la réorganisation de la CISR, nous recommandons que votre comité demande instamment au gouvernement de s'interroger sur l'équité d'un système selon lequel le sort d'un demandeur du statut de réfugié repose entre les mains d'un seul commissaire.
Selon nos informations, la même personne ou le même commissaire a rejeté les trois demandes du statut de réfugié représentées par des groupes religieux ici présent. Après avoir essuyé un refus, sans possibilités d'en appeler, les trois demandeurs ont demandé le refuge.
[Français]
Nous recommandons que votre comité demande au gouvernement de fournir des instructions à la CISR et à Citoyenneté et Immigration Canada concernant les droits linguistiques des demandeurs du statut de réfugié. Aux audiences de la commission, les demandeurs devraient avoir le droit d'être entendus dans l'une ou l'autre des deux langues officielles du Canada. Cependant, nous avons constaté que les droits linguistiques fondamentaux des demandeurs du statut de réfugié n'étaient pas toujours respectés. Votre comité devrait insister pour que la CISR applique le processus de revendication du statut de réfugié conformément à l'esprit et à la lettre de la Loi sur les langues officielles. De plus, selon notre expérience, la qualité de la traduction de toutes les langues utilisées au cours des audiences doit être améliorée.
[Traduction]
Nous recommandons que votre comité exhorte le gouvernement à prendre des mesures pour que la CISR et CIC rendent des comptes à la population qu'ils servent. Ils ne le font pas. Par exemple, pendant toute l'année où nous avons donné refuge à une demandeure du statut de réfugié, les bureaucrates ont évité de nous parler. Pendant ce temps, le gouvernement déclare, sur le site Web de CIC et ailleurs, que le système actuel est juste et généreux. Notre expérience dit le contraire.
[Français]
Merci de m'avoir écouté et de m'avoir donné l'occasion de vous parler de ces questions.
:
Bonjour. Je m'appelle Gordon Walt, et je suis vice-président du conseil de congrégation de l'église luthérienne All Saints, ici même à Ottawa. Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner au nom de ma paroisse.
Au Canada, l'Église luthérienne évangéliste a été établie en tant qu'église pour immigrants, et la congrégation luthérienne All Saints reflète cela, de par sa composition démographique qui compte de nombreux immigrants venus récemment d'Afrique et d'Asie. Depuis nombre d'années, All Saints participe au programme de parrainage du gouvernement en accueillant des réfugiés de plusieurs pays et en facilitant leur intégration dans la société canadienne. Toutefois, quand notre congrégation a octroyé le refuge à Moti Nano, un de ses membres, c'était la première fois qu'elle se voyait forcée de prendre une mesure aussi radicale pour sauver la vie d'un jeune réfugié éthiopien. Moti, qui est âgé de 34 ans, se réfugie dans notre église depuis plus de neuf mois.
D'autres témoins ont parlé de l'acceptation du refuge au Canada, mais, selon nous, parce que le processus de traitement des réfugiés ne fonctionne pas comme il le devrait, nous, les Églises canadiennes, nous nous retrouvons parfois dans une situation où il nous faut choisir entre obéir à notre gouvernement et le laisser renvoyer un réfugié dont la vie est menacée dans son pays, ou venir en aide au réfugié en lui offrant le refuge, et ainsi sembler faire opposition à notre propre gouvernement. Cette situation nous contrarie beaucoup, mais, en tant que croyants, nous ne pouvons agir autrement.
Un des principaux facteurs qui ont incité la congrégation luthérienne All Saints à offrir le refuge à Moti Nano, c'est qu'il est un de nos membres actifs depuis son arrivée à Ottawa, en juillet 2001. Il est luthérien depuis son enfance -- son père est un pasteur luthérien en Éthiopie -- et fait partie du comité qui a attiré l'attention de la congrégation sur les difficultés qu'il éprouvait avec le processus de traitement des réfugiés.
À l'occasion d'une réunion spéciale, une majorité massive de membres de notre congrégation a voté en faveur du refuge. Cependant, les choses ne se sont pas déroulées sans heurts dans notre paroisse. Nous avons formé un comité spécial chargé de gérer le soutien matériel et moral de Moti. Pour bon nombre de nos membres, un aspect troublant était la crainte de représailles de la part du gouvernement canadien. Nous sommes des citoyens respectueux des lois par choix et en raison de notre engagement religieux, et les conséquences que certains prédisaient étaient nombreuses, par exemple la perte d'emplois et de pensions de la fonction publique, des arrestations et des emprisonnements, la perte du statut d'organisme de bienfaisance de notre église, l'imposition d'une amende de 50 000 $ ou de deux ans de prison à nos dirigeants. Certains disaient encore que les droits et les privilèges de citoyens canadiens étaient menacés par nos autorités gouvernementales.
Heureusement, notre gouvernement, par l'intermédiaire de l'Agence de services frontaliers du Canada, a décidé d'honorer la tradition du refuge et a déclaré que les autorités ne viendraient pas chercher M. Nano à l'église. Comme l'a signalé Mary Jo, étant donné qu'une église n'est pas conçue pour y résider, le fait que quelqu'un s'y réfugie a soulevé des problèmes de taille. Il a fallu procéder à quelques travaux de rénovation et fournir des repas, de la compagnie, des soins médicaux et dentaires, ainsi qu'un soutien émotionnel et spirituel. Les processus en place entraînent aussi d'importants frais juridiques. Des fonds ont été réunis dans le cadre de divers événements, et les membres de la congrégation ont versé des dons. Tout cela a exigé un effort constant de la part des membres de notre comité et de l'ensemble de notre congrégation. Pour Moti Nano, le refuge représente un emprisonnement volontaire qui, quand il dure longtemps, risque d'avoir un effet débilitant même sur quelqu'un qui a une foi solide, comme lui.
Je vais maintenant vous parler un peu du processus. Pour Moti et ceux qui le soutiennent, il est très difficile de faire face à un système qui semble souvent excessivement bureaucratique et insensible, et dont on craint de ne pas obtenir un traitement équitable en temps voulu. Par exemple, le Formulaire de renseignements personnels doit être rempli dans un délai de 28 jours, mais, dans le cas de Moti, l'audience n'a pas eu lieu avant deux ans et sept mois. L'attente est très longue et difficile, mais elle l'est surtout pour quelqu'un qui vit dans la crainte et l'incertitude.
Tout ce temps permet aussi au demandeur de trouver un emploi et un logement, et de s'intégrer dans la société canadienne.
Moti avait la chance de bien s'exprimer, d'avoir de l'entregent et de connaître l'informatique, et de pouvoir compter sur des amis fiables au sein de la congrégation et de la collectivité. Il a su s'adapter facilement à la vie au Canada. Il n'a jamais été un fardeau pour notre régime d'aide sociale. Il a décroché un emploi, occupé son propre appartement, obtenu son permis de conduire, voyagé pour visiter des amis et pour participer à des conférences en Nouvelle-Écosse et à Winnipeg, suivi des cours et, d'une façon générale, apprécié ce qu'il pensait être une nouvelle vie au Canada.
En obtenant le refuge, Moti a renoncé à cette vie, à son appartement, à son emploi et à certaines de ses relations sociales.
Pour ce qui est du processus d'audience, il semble avoir été conçu selon le point de vue de ceux qui vivent déjà au Canada. On semble tenir pour acquis que le demandeur du statut de réfugié se sentira totalement en confiance et libre de communiquer tous les renseignements au commissaire, puisqu'il y va de son intérêt. Parce que les Canadiens ne vivent pas dans la crainte de la torture et de la présence d'espions au gouvernement et au travail, le fait que les gens peuvent hésiter à tout dire devant des étrangers, y compris des interprètes, n'entre pas en compte dans la conception et la conduite du processus d'audience.
Cependant, dans le cas de Moti, cette hypothèse s'est parfois révélée fausse. Par exemple, Moti craint toujours beaucoup la menace de persécution s'il rentre en Éthiopie, où il a été harcelé, menacé, emprisonné et torturé.
Les éléments de preuve qui justifient cette crainte, notamment des rapports d'Amnistie Internationale, semblent avoir moins de poids que les documents de notre propre gouvernement et l'opinion du commissaire.
Puisqu'il n'y a qu'un seul commissaire, qui peut avoir des préjugés ou être peu informé de la situation qui règne actuellement dans un pays étranger, son opinion crée un précédent, et tout appel d'une décision négative exige la présentation d'une quantité de renseignements suffisante pour renverser cette opinion.
Dans le cas de Moti, on expliquait le refus en avançant qu'il n'y avait aucun document établissant que les militants des droits de la personne sont persécutés en Éthiopie, même si les renseignements disant le contraire pouvaient facilement être obtenus de Human Rights Watch et d'Amnistie Internationale.
Il y a un autre exemple lié à l'audience de Moti. La présence d'un interprète, ou, comme dans le cas de Moti, d'un interprète et d'un interprète en formation qui étaient tous deux d'Éthiopie, mais pas de sa communauté ethnique et que le demandeur n'avait même pas rencontré ni accepté au préalable, peut inspirer de la crainte et le gêner quand il présente son témoignage. Moti craint toujours qu'un de ces interprètes, voire les deux, fournissent des renseignements à son sujet à l'ambassade d'Éthiopie, et que l'ambassade obtienne le nom de personnes en Éthiopie et les harcèle. Cette crainte peut affaiblir une première revendication.
En ce qui concerne l'appel, si le demandeur est débouté, il ne peut rencontrer le commissaire qui a rejeté sa revendication pour faire valoir un point de vue différent. Une fois que la décision est rendue, toutes les observations et les appels subséquents appartiennent aux tribunaux ou à une bureaucratie anonyme. Dans toutes ces démarches, il y a un manque de dignité et d'équité à l'endroit du revendicateur.
De plus, les fonctionnaires semblent réticents à remettre en question ce qu'un juge ou un haut placé a écrit.
En ce qui concerne les recommandations, elles iront sans doute dans le même sens que celles que d'autres ont formulées ou vont formuler aujourd'hui. À la lumière de notre expérience avec Moti Nano et de la fourniture d'un refuge à cette personne, nous avons quatre recommandations à vous fournir.
Premièrement, le gouvernement du Canada devrait immédiatement mettre en oeuvre la Section d'appel des réfugiés prévue dans la loi qu'il a adoptée en juin 2002. Le présent système pour en appeler aux tribunaux n'est ni équitable, ni raisonnable. Un demandeur débouté devrait avoir accès à une audience juste, surtout du fait que l'audience initiale se fait devant un seul commissaire. Un processus approprié ferait en sorte que les Églises n'auraient pas à offrir le refuge. Et, comme l'a mentionné un autre témoin, nous ne tenons pas à nous adonner à de telles activités. Cela exige trop de temps.
De plus, il devrait y avoir un moyen d'accréditer des personnes, par exemple, des avocats, des défenseurs et des organisations pour les demandeurs du statut de réfugié, afin qu'il y ait une norme minimale de compétence. Cette accréditation pourrait s'appliquer d'abord aux avocats.
En ce qui concerne la nomination de commissaires, il y a un excellent livre dont certains d'entre vous ont peut-être entendu parler. Il a été écrit par Peter Showler, ex-commissaire et président pendant six ans. Le livre s'intitule Refugee Sandwich. Selon lui, la nomination des commissaires devrait être uniquement fondée sur la compétence, et l'ordre politique ne devrait pas être mêlé au processus de sélection.
Pierre et d'autres personnes ont parlé du besoin de ressources. Le gouvernement doit voir à ce que les ressources humaines appropriées soient en place, de telle sorte que les demandeurs du statut de réfugié puissent obtenir des services efficaces en temps voulu et qu'il ne se produise pas de longs retards dans le traitement des revendications et des appels. Cela inclut la nécessité de corriger la mauvaise coordination entre les ministères et les agences.
Merci beaucoup de m'avoir laissé vous parler.
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Merci. Je m'appelle Philip Nagy. Je représente la congrégation First Unitarian d'Ottawa.
La congrégation First Unitarian d'Ottawa appuie entièrement les arguments exposés dans les témoignages précédents. Le cas de Samsu Mia, qui s'est réfugié au sein de la congrégation First Unitarian d'Ottawa pendant 18 mois, illustre certains des problèmes qui se posent dans le système de CIC.
Samsu Mia a obtenu le refuge à l'église First Unitarian d'Ottawa de juillet 2003 à décembre 2004, quand la ministre Judy Sgro l'a autorisé à demeurer au Canada et à y faire venir sa famille pour des raisons d'ordre humanitaire.
M. Mia est arrivé au Canada en 1995 comme domestique au service d'un haut fonctionnaire du Haut-Commissariat du Bangladesh. On l'a traité comme un esclave. On a retenu son salaire, on ne lui a pas payé ses voyages chez lui comme le prévoyait son contrat, on l'a obligé à coucher par terre et on a confisqué ses chaussures et son passeport.
En 1999, il s'est enfui et a tenté de recouvrer son salaire et son passeport. M. Mia, les membres de sa famille au Bangladesh et celui qui l'a secouru au Canada, un citoyen du Canada et du Bangladesh, ont tous fait l'objet de menaces.
La première revendication du statut de réfugié de M. Mia a été rejetée par un seul juge, au motif qu'elle était fondée sur une simple querelle entre deux personnes. Le juge n'a pas tenu compte du fait qu'un des intéressés était un cuisinier illettré et l'autre, un puissant haut fonctionnaire. Peu après ce rejet, le frère de M. Mia au Bangladesh a reçu des menaces de la part d'un autre haut fonctionnaire qui avait été rapatrié du Canada. C'était un nouvel élément de preuve établissant que le danger persistait, mais il n'y avait aucun moyen de le présenter en vertu des procédures en place.
Les contrôles judiciaires du cas ont reconnu que le premier juge n'avait pas pris en compte tous les éléments de preuve, mais ils concluaient que M. Mia n'avait pas démontré que le gouvernement bangladais était incapable de le protéger. De fait, le problème venait de fonctionnaires du même gouvernement.
En 2001, le fils de M. Mia au Bangladesh a été battu et a reçu l'avertissement suivant: « Dis à ton père de se tenir tranquille et de rentrer à la maison. » En mars 2003, une note dans l'examen des risques avant renvoi signalait l'absence de documents sur ce passage à tabac, qui avait pourtant été signalé dans une demande invoquant des raisons humanitaires, ou demande CH. Le résultat s'est traduit par une mesure de renvoi.
Il aurait été préférable que la décision portant sur le renvoi soit retardée le temps de réunir des documents sur le passage à tabac du fils. Dans bien des pays, les médecins hésitent à fournir de tels éléments de preuve parce qu'ils craignent pour leur propre sécurité. Avec l'aide d'une de nos personnes-ressources, un Canadien qui dirige plusieurs orphelinats au Bangladesh, les documents ont finalement été obtenus, mais cela a pris du temps. Toutefois, il n'y avait aucune procédure qui permettait de présenter ce nouvel élément de preuve. La décision avait été prise.
Il se peut qu'un réfugié ne puisse mettre la main sur un tel élément de preuve, que cela prenne du temps ou encore qu'on ne comprenne pas à temps le besoin d'avoir ces éléments de preuve.
En juillet 2003, M. Mia s'est réfugié dans notre église. Le refuge n'est pas une mince affaire, ni pour l'intéressé ni pour la congrégation. C'est d'ailleurs ce qui explique sa rareté.
M. Mia s'est volontairement constitué prisonnier dans l'église pendant 18 mois. Sans la moindre garantie de succès, la congrégation s'est engagée à répondre à tous les besoins de M. Mia, y compris l'envoi d'argent au Bangladesh pour faire vivre sa famille pendant une période indéfinie.
Au cours de la première année, nous avons veiller à ce qu'il ait de la compagnie 24 heures sur 24, de peur que CIC ou la GRC ne vienne le chercher pour le renvoyer dans son pays. Seule la conviction profonde qu'une injustice avait été commise a motivé cet effort.
Dans les premières semaines, nous étions constamment surveillés par des inconnus dans des automobiles ayant des plaques du corps diplomatique. Nous avons poursuivi la collecte d'éléments de preuve. Se fondant sur le dossier que nous avions et sur ses propres recherches, Amnistie Internationale a appuyé le cas de M. Mia. À mon avis, le point tournant s'est produit quand un réfugié du Bangladesh a fourni un témoignage verbal à la députée Marlene Catterall, refusant de le faire par écrit par crainte pour sa propre sécurité. La députée a transmis les renseignements à la ministre. En décembre 2004, la demande CH a finalement été acceptée.
Laissez-moi vous décrire les événements qui ont suivi.
N'oubliez pas que tous ceux avec qui nous avons fait affaire à CIC ont apporté collaboration et soutien, et nous ont paru compétents. Mon argument, c'est que le système est surchargé, il manque de fonds et de personnel, et il est mal organisé. Ce n'est que quelques semaines avant l'expiration du permis ministériel de deux ans octroyé à M. Mia que la procédure documentaire liée au statut permanent a pris fin.
L'absence d'un lieu où présenter de nouveaux éléments de preuve, combinée aux piètres communications entre les unités gouvernementales, fait problème. Le processus de renvoi se poursuit, peu importe les demandes CH en suspens. Bien sûr, il est possible que des documents soient faux et doivent être soigneusement vérifiés, mais le système devrait permettre de dire que: le juge a conclu à l'absence de documents; le nouvel élément de preuve semble être précisément le document qui avait été déclaré manquant; et, pendant la vérification, le processus de renvoi devrait être suspendu.
II ne faudrait pas plus d'une heure ou deux pour décider qu'en apparence, le nouvel élément semble combler l'absence de documents justifiant le refus. Une simple communication éviterait du chagrin.
Le processus d'établissement de Samsu Mia, de sa femme et de leurs quatre enfants a été d'une lenteur et d'une inefficacité hors du commun. CIC a perdu le certificat médical d'un des fils, et c'est la congrégation qui a payé pour en obtenir un autre. Les cinq autres certificats médicaux ont expiré parce qu'ils étaient valides pour seulement un an, et il a fallu en obtenir de nouveaux. Il a fallu remplir les formulaires à deux et même trois reprises parce que les fonctionnaires n'arrivaient simplement pas à les trouver.
La tenue des dossiers dans le système fait vraiment défaut. Le haut fonctionnaire bangladais en question a confisqué le passeport de Samsu Mia. Les fonctionnaires canadiens ont exigé de M. Mia qu'il renouvelle son passeport afin de l'utiliser aux fins du renvoi. IIs ont confisqué son nouveau passeport dès sa delivrance. Après que M. Mia a reçu l'autorisation de demeurer au Canada, un affidavit a fait état de son cas au début de 2005.
Le 28 septembre 2006, il y a à peine cinq semaines, j'ai reçu un appel d'un fonctionnaire de CIC qui demandait une copie du passeport de M. Mia. Cela ne devrait pas se produire. Les enjeux sont trop élévés pour qu'il y ait de telles erreurs dans la tenue de dossiers.
En guise de conclusion, voici quelques observations.
Il doit y avoir un processus d'appel et un processus permettant de présenter de nouveaux éléments de preuve. La décision finale ne devrait dépendre ni des institutions religieuses ni de la compassion d'un ministre. Justice devrait être faite sans l'intervention d'un groupe de pression énergique et bien organisé.
Il faut injecter plus de fonds afin d'augmenter le personnel et de réorganiser les procédures. Le système est sur le point de flancher. II serait préférable de consacrer au traitement des revendications le temps qui est actuellement utilisé pour chercher des documents.
Merci d'avoir écouté nos préoccupations et de nous avoir permis de raconter l'histoire de Samsu Mia.
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Bonjour. Je m'appelle Stephen Allen, je suis membre de la Presbyterian Church in Canada et je travaille dans nos bureaux nationaux de Toronto.
Au nom de notre groupe confessionnel, je tiens à remercier le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de l'occasion offerte d'être ici ce matin et de vous parler de notre politique de refuge et, ce qui est tout aussi important, de la manière dont nous en sommes venus à définir cette politique.
Je vais mettre l'accent sur des éléments un peu différents de ce que vous avez entendu jusqu'à maintenant. Vous avez reçu notre déclaration, qui a été approuvée à notre assemblée générale de juin 2006. Ce sont donc une déclaration et une politique récentes établies par notre groupe confessionnel.
Nous avons adopté la politique selon laquelle une congrégation offre un refuge à un prestataire dont la demande a été rejetée et qui fait face à un risque probable de persécution ou de torture s'il est renvoyé dans son pays. Notre politique est enracinée dans notre foi. C'est une politique prudente, et nous voyons le refuge comme un dernier recours.
La Presbyterian Church in Canada a signé une entente-cadre. Bon nombre de congrégations ont parrainé des réfugiés au fil des années. Notre Église soutient les réfugiés et les gens qui sont déplacés au sein d'un même pays, par exemple, au Darfour, par l'intermédiaire de ses programmes à l'étranger.
De façon à souligner le fait que la question n'a pas été prise à la légère à l'occasion de notre assemblée générale de juin, je dois prendre quelques instants pour expliquer notre processus décisionnel.
Notre assemblée générale est, pour reprendre le vocabulaire que nous utilisons couramment, notre organe décisionnel ou tribunal de plus haute instance. L'assemblée générale a lieu une fois par année. Chacun des 46 consistoires du pays, qui sont des regroupements de congrégations, envoie un nombre donné de délégués ou de commissaires à l'assemblée générale. Les commissaires sont des fidèles et des ministres du culte, et il y en a 350 qui participent à l'assemblée générale. Ils ont lu la déclaration en question.
Notre assemblée générale est chargée de prendre des décisions concernant un vaste éventail de questions et elle reçoit ce que nous appelons des propositions, c'est-à-dire des recommandations concernant la rédaction d'une déclaration ou d'un rapport et la présentation devant une prochaine assemblée générale. Les propositions peuvent avoir trait à des questions comme les exigences scolaires pour un ministre du culte qui délaisse une confession pour adopter la nôtre ou elles peuvent consister en une demande de déclaration au sujet du refuge.
Un consistoire formule une proposition à l'intention de notre assemblée générale, et celle-ci décide de l'approuver ou non. En ce qui concerne la question du refuge, l'assemblée générale de juin 2005 a reçu et a approuvé la proposition, ce qui veut dire que mon bureau a reçu l'ordre de rédiger une réponse pour l'assemblée générale de juin 2006.
Voilà donc notre façon de procéder. Il s'agit d'une démarche très prudente, qui tient compte de nos structures et des tribunaux de notre église.
Mon comité consultatif, le conseil dont je relève, a révisé l'ébauche qu'a examinée l'assemblée générale en juin dernier. En outre, plusieurs personnes de l'extérieur ont procédé à un examen critique de cette ébauche, et je l'ai aussi fait réviser par un théologien du Knox College.
Notre conseil a approuvé la déclaration. On l'a donc présentée à l'assemblée générale, et, en mars dernier, on l'a fait parvenir à tous les commissaires du pays.
Voilà donc notre façon de procéder et notre calendrier.
On attend de moi, à titre de membre du personnel exécutif de mon groupe confessionnel, que je passe toute la semaine à l'assemblée générale, mais, à moins qu'on ne leur demande, les membres du personnel n'ont pas la permission d'intervenir ou de participer aux délibérations. Ce sont les commissaires qui le font. Encore une fois, cela reflète la nature de la politique de l'église.
Diverses dimensions de la déclaration — les dimensions théologique et éthique, la convention internationale, le contexte canadien, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, les recours possibles pour les demandeurs déboutés et les conséquences juridiques dont vous avez déjà entendu parler. La section intitulée « Une question de conscience et de foi » passe en revue la doctrine et la politique de l'Église — c'est ce qui a le plus retenu l'attention au cours du débat — ainsi que les lignes directrices à l'intention des congrégations et les recommandations que vous avez devant vous.
Le débat a été pieux. Il a été réfléchi, et parfois passionné. Je veux vous faire part de deux exemples.
L'un des commissaires — un fidèle, membre à la retraite de la Police provinciale de l'Ontario — s'est levé. C'était la première fois qu'il participait à une assemblée générale. Il était extrêmement nerveux. Il a rappelé que d'offrir refuge était contraire à la loi. Tout le monde se taisait. Quelques minutes plus tard, un agent à la retraite de la GRC, ministre du culte, s'est levé et il a dit: « Oui, c'est vrai. » Il nous a remis à la mémoire le fait que nous sommes appelés à obéir à une autorité plus élevée, et que, en ce qui concerne les questions de conscience morale, nous rendons des comptes à Dieu.
L'autre exemple concerne l'intervention d'un autre ministre de notre groupe confessionnel. Il est originaire d'un pays d'Amérique centrale et s'est installé ici il y a plus de 20 ans. On l'avait atrocement torturé. Le système a bien fonctionné pour lui. Sa famille et lui ont trouvé refuge au Canada, et ils ont par la suite contribué à la vie de notre société. Il a reconnu le fait que le système peut bien fonctionner, sans pour autant être parfait. Il a dit que lorsqu'un demandeur fait face à un risque de persécution si on le renvoie dans son pays, l'Église n'a pas le choix: elle doit offrir un refuge à ce demandeur. Selon lui, une personne renvoyée dans son pays d'origine, où on la persécute et la torture, est une personne de trop.
Notre assemblée générale a aussi demandé à son modérateur d'écrire au pour le presser de mettre en œuvre le processus d'appel prévu par la loi.
De nombreux membres de notre assemblée générale n'en reviennent pas de l'absence de processus d'appel concernant le bien-fondé d'un cas. Comme l'a dit l'un des commissaires, je peux contester une contravention de stationnement, mais un réfugié ayant subi des pressions insurmontables, la torture et l'intimidation ne peut interjeter appel et remettre en question le bien-fondé d'une décision.
Il semble que le droit d'interjeter appel concernant le bien-fondé d'une décision est un élément plutôt fondamental de notre appareil judiciaire; cependant, le système exclut certaines des personnes les plus vulnérables de notre monde.
J'espère que les membres du comité vont appuyer le , projet de loi d'initiative parlementaire qui porte sur la mise en œuvre de la Section d'appel des réfugiés.
Vous vous rappelez peut-être que, en décembre 2004, le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration a adopté à l'unanimité une résolution demandant au ministre de mettre en œuvre le processus d'appel ou de faire part au comité d'une autre proposition. Le processus d'appel n'a pas encore été mis en œuvre, et on n'a présenté aucune autre proposition.
La Commission interaméricaine des droits de l'homme et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ont tous deux déclaré que l'absence de processus d'appel concernant le bien-fondé d'un cas constitue un défaut majeur de notre système de détermination du statut de réfugié.
Merci beaucoup.
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Je voudrais remercier de leur témoignage au comité tous les représentants des différentes Églises ici présents.
La question de la Section d'appel des réfugiés est un dossier qui m'est très cher. Pour avoir travaillé en collaboration avec plusieurs groupes de bénévoles sur la question du refuge sur les lieux de culte — j'ai maintenant sept dossiers —, je sais le poids qui retombe sur les épaules des bénévoles. C'est un travail assez louable, et je vous remercie de le faire.
Je dois aussi être d'accord sur ce que Mme Leddy mentionnait: les députés semblent être aussi un recours et nous ne contrôlons pas tous les moyens dont nous disposons.
Les médias également deviennent un recours, et on trouve cela tout à fait anormal. La section d'appel est donc nécessaire, et je suis heureuse d'avoir à mes côtés ma collègue Nicole Demers, qui a accepté de présenter le projet de loi sur la section d'appel. Je ne sais pas si vous le savez, mais c'était un tirage au sort. Je suis 290e. Les chances que je passe à cette session-ci étaient donc très minces. Toutefois, j'ai une collègue très généreuse qui, je pense, partage mes opinions. Nous avons décidé de demander la mise en vigueur immédiate de certains articles de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Merci du soutien sur le plan de la section d'appel.
Nous disposons également d'une correspondance avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, qui se dit déçu que le Canada ne mette pas en place la section d'appel et donne les raisons qui militent en faveur de la mise sur pied d'une section d'appel.
Vous avez beaucoup parlé de la question du refuge dans les lieux de culte, et j'aimerais maintenant vous poser des questions sur l'environnement des réfugiés et tout le contexte de la limitation des droits des réfugiés. Des témoignages troublants ont été faits au comité il y a une semaine, alors qu'on apprenait que les agents d'examen des risques avant renvoi ne suivaient que deux semaines de formation avant d'effectuer des examens des risques avant renvoi.
À votre avis, deux semaines de formation suffisent-elles pour bien comprendre le contexte de l'environnement potentiel d'une personne qui demande la protection et le statut de réfugié?
Madame Leddy, vous êtes déjà venue parler au comité pour nous mettre en garde à propos de la mise en vigueur de l'Entente sur les tiers pays sûrs. Deux ans après la mise en vigueur de la loi, avez-vous certaines opinions à ce sujet?
Merci.
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Je suppose que je dois vous remercier de votre question.
Lorsque j'ai parlé du tiers pays sûr devant le comité, nous avons fait certaines prédictions qui se sont toutes réalisées. Le nombre de réfugiés à s'établir au Canada a chuté de façon spectaculaire, de 50 p. 100 selon certains; je crois que c'est encore plus que cela. On empêche beaucoup de gens de quitter, même, leur pays.
Encore une fois, cela s'est fait de façon furtive. Je pense que si l'on avait dit aux Canadiens, de but en blanc: « Nous fermons la porte à 50 p. 100 des réfugiés », la plupart des Canadiens se seraient mis en colère. La plupart des Canadiens ont une réaction convenable lorsqu'on les met devant ce genre de situation.
L'autre prédiction que nous avons formulée concernait le nombre de personnes désespérées qui tenteraient alors d'entrer illégalement au Canada, et nous disposons de preuves empiriques de ce phénomène, fournies par des gens qui sont arrivés ici.
Je vais vous donner un exemple très concret. Hier, une famille est venue frapper à notre porte, une mère, un père et un petit garçon de Colombie. La Colombie ne figure pas sur la liste des pays dont nous laissons entrer les réfugiés. Le pays fait face à un problème très grave. Les réfugiés colombiens ne sont pas admis aux États-Unis, parce que le gouvernement américain dit que la Colombie est un pays stable.
Désespérés, cette mère, ce père et ce petit garçon se sont cachés dans les bois du côté américain. Un train est passé sur un pont -- avec une rivière quelques centaines de pieds en dessous -- et eux ont sauté sur le train. Les parents se sont accrochés au train, avec le petit garçon sur le dos, ont compté jusqu'à 20 -- je pense que c'est ce qu'ils ont dit -- avant de sauter comme on leur avait dit; ils se sont ensuite cachés dans les bois du côté canadien.
C'est ce genre de chose que les gens font. Il y a aussi des passeurs qui font beaucoup d'argent. Nous savons, d'après l'histoire, ce qui se passe en temps de prohibition: les escrocs font des bonnes affaires; on paie des milliers de dollars pour faire passer des gens à des postes frontaliers éloignés; des milliers de dollars pour remplir des autobus de voyageurs qui passent par des endroits plus fréquentés. Mais ce qui me dérange le plus, c'est qu'on force des gens à sauter sur des trains ou à se cacher sous des camions. Ce sont des choses qui se produisent réellement.
Je sais que personne d'entre vous n'aime ce genre de chose; nous valons mieux que cela. Lorsque leur vie est menacée, les gens devraient pouvoir aller voir un agent qui nous représente et lui dire: « Voici les raisons pour lesquelles j'ai peur » et « Voici pourquoi j'ai besoin de la protection de votre gouvernement ». La corruption a augmenté, le danger a augmenté et je crains que nous n'entendions pas parler de ceux qui sont morts. Nous savons qu'une personne s'est noyée dans la rivière. Nous savons que, dans d'autres pays, lorsque les agents abordent un bateau où se trouvent des immigrants illégaux, ils les jettent par-dessus bord. Nous n'entendons pas parler de ces histoires.
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Merci de votre excellent témoignage et de certains des arguments convaincants qui expliquent que vous pensez que le refuge est une possibilité qu'on devrait envisager. Je suis heureux d'entendre qu'il s'agit d'un dernier recours et d'une chose qu'on ne fait pas sans réfléchir comme il faut.
Vous êtes aussi préoccupés, bien entendu, comme M. Allen l'a dit, par l'intégrité du système, dans son état actuel. J'ai l'impression que, même si l'on devait mettre en oeuvre la SAR, cela ne voudrait pas nécessairement dire, comme vous l'avez mentionné, qu'il n'y aurait plus de cas de refuge, parce qu'on procéderait toujours à une détermination au cas par cas.
Est-ce que les divers groupes d'Églises se sont réunis pour tenter d'établir -- non pas au sein de leurs propres groupes confessionnels, mais plutôt au sein d'un regroupement des différentes confessions -- une espèce de protocole que vous pourriez adapter et suivre, pour donner une certaine objectivité à une demande, et y a-t-il des éléments de formation en jeu?
C'est un principe dont je suppose qu'il serait connu. Je sais que c'est un défi énorme, et, évidemment, cela exerce une pression importante sur vous et sur vos ressources. Vous participeriez probablement au processus, que la SAR existe ou non. Peut-être l'un d'entre vous souhaite-t-il formuler un commentaire à ce sujet.
L'autre aspect de ma question porte sur les commentaires, et le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a dit qu'on voit souvent les politiques et les pratiques canadiennes comme un exemple pour les autres pays; on reconnaît le système canadien comme un système équitable, par comparaison avec les autres. Je pense que c'est Mme Leddy qui a dit qu'il y avait une myriade de possibilités.
Peut-être devons-nous déterminer s'il existe une meilleure manière de faire les choses, mais, de mon point de vue, il est possible de présenter une demande du statut de réfugié; il y a une personne pour la recevoir, et vous pouvez désapprouver sa façon d'évaluer les éléments de preuve, mais, au bout du compte, cette personne prend une décision; puis, on procède à l'évaluation des risques avant renvoi selon un quelconque fondement objectif, que vous pouvez approuver ou non; après cela, on peut éventuellement présenter une demande justifiée par des raisons d'ordre humanitaire. Enfin, la personne responsable exerce son pouvoir discrétionnaire, et le ministre peut délivrer un certificat ou non.
Au-delà de ce système, il y a aussi la possibilité d'interjeter appel devant la Cour fédérale du Canada, malgré le fait que ce tribunal s'occupe de questions de droit et que les recours sont en quelque sorte limités. Il y aurait aussi un processus relatif à la SAR.
Si tout cela était mis en oeuvre, il s'agirait, comme vous le dites, d'une démarche fragmentée, mais j'ai l'impression que vous êtes davantage intéressés à un deuxième regard qui transcende le droit et les faits. Êtes-vous prêt à envisager le système de recours disponibles et à le ramener à une audience portant sur les faits, puis, peut-être, à un second coup d'oeil rapide par une autre personne, plutôt que par le juge d'un tribunal?
J'aimerais savoir ce que vous pensez à ce sujet.
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Je pense que vous entrez dans le vif du sujet. Il arrive parfois que les gens contestent un déficit judiciaire, mais, de mon point de vue, l'injustice tient plutôt, à l'heure actuelle, à l'inefficacité du système.
Vous parlez de toutes sortes de possibilités, et vous avez raison, mais il faut tenir compte du facteur temps des différents recours. L'appel devant la Cour fédérale, par exemple, doit être interjeté dans les 15 jours suivant une décision négative. On peut présenter une demande pour motifs d'ordre humanitaire. C'est très coûteux, et il faut parfois jusqu'à deux ans avant même qu'on la lise. Après deux ans, la personne n'est peut-être déjà plus là.
C'est l'inefficacité du système qui pousse les gens à demander refuge dans les églises. Il y a un autre délai pour l'ERAR, et il y a conflit, et les gens constatent qu'on ne peut envisager leur cas dans son ensemble, parce que les délais sont si variables.
Je crois que, ce qui serait efficace, ce serait d'avoir un seul processus d'appel qui regroupe toutes ces choses. Je crois vraiment que cela coûterait moins cher que le système actuel, qui consiste à avoir un bureau à Vegreville, un bureau à Scarborough pour les demandes pour motifs humanitaires, un bureau pour l'ERAR à l'aéroport, et encore l'ensemble du système de la Cour fédérale, et encore l'ensemble des députés qui doivent embaucher deux fois plus de personnel pour s'occuper de ces cas.
Tout cela n'est pas efficace, et c'est le manque d'efficacité qui est à l'origine de l'injustice, à mon avis.
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Merci, monsieur le président.
On a plusieurs fois mal prononcé le nom de M. Nagy. Cela se prononce Nagy. Je reviens de Hongrie, et je voulais indiquer quelle était la bonne prononciation aux fins du compte rendu.
Il y a tant d'émotions liées aux cas dont nous parlons, et on s'engage tellement. Je sais d'expérience que, lorsqu'on constate qu'une décision est de toute évidence mauvaise, on tente de corriger cette situation particulière.
Vous avez vraiment bien documenté toutes les questions liées au problème et les éléments à modifier dans le système de détermination du statut de réfugié. En ce qui concerne les nominations politiques et les personnes qui voient leur mandat reconduit, nous n'accepterions jamais de voir nos juges nommés de nouveau tous les quatre ans. Cela n'a tout simplement pas de sens. Lorsque les membres de la CISR souhaitent qu'on reconduise leur mandat, ils ont l'impression qu'ils doivent plaire au gouvernement en place, pour ainsi dire. À mon avis, ce n'est vraiment pas la bonne façon de faire les choses. Ce n'est pas comme cela que le système de justice devrait fonctionner.
Il est tout à fait inexact de dire que notre système est juste et équitable, parce qu'il est impossible d'avoir un tel système sans possibilité d'appel.
Vous nous avez parlé du fait que, en 2004, le Comité de la citoyenneté et de l'immigration a voté à l'unanimité en faveur de la mise en oeuvre de la SAR. J'espère que, lorsqu'on soulèvera de nouveau la question, nous allons encore une fois adopter à l'unanimité une motion pour demander au gouvernement de mettre en oeuvre la SAR. Selon les témoignages que nous avons entendus, si le système était davantage équitable, nous pourrions procéder plus rapidement et réduire les coûts, parce que la Cour fédérale n'aurait pas à entendre d'appel, chose que ce tribunal ne veut pas faire, de toute façon.
Je suis convaincu que vous avez refusé d'offrir un refuge à bon nombre de personnes. Ce que vous faites exige un effort considérable. J'espère vraiment qu'on entendra davantage parler de votre rôle de défenseur des intérêts des réfugiés dans l'arène publique, parce que l'idée que les gens se font de notre système prétendument juste et équitable doit changer. C'est difficile à réaliser pour des cas particuliers, mais je pense que les Églises pourraient se rassembler et se doter d'un organe d'action politique, si vous me permettez l'expression, organe tout à fait neutre, mais qui ferait avancer les questions auxquelles vous travaillez tous et en lesquelles vous croyez.
Je me demandais si vous aviez un commentaire à formuler à ce sujet.
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Merci d'être ici aujourd'hui. Il s'agit d'un sujet difficile, et les témoignages que j'ai entendus m'ont beaucoup intéressé, ainsi, comme on l'a déjà dit, que les histoires très convaincantes qu'on a racontées.
L'une des choses qui sont difficiles pour la sixième personne à poser des questions est qu'il faut réfléchir à de nouvelles questions, après que toutes les autres questions que l'on souhaitait poser l'ont déjà été.
Lorsque j'écoutais vos témoignages, j'ai compris qu'il y a véritablement deux questions connexes. La première question est celle du refuge, qui vient avant le Canada. Ce que je veux dire, c'est qu'elle précède non seulement nos politiques actuelles concernant les réfugiés, mais aussi le pays dans l'ensemble. Je respecte le fait que les Églises pensent qu'elles ont le droit et la responsabilité de s'occuper du concept de refuge et d'offrir un refuge parfois. Je comprends aussi que vous n'avez pas l'impression d'avoir le droit de négocier cela ou de négocier des quotas quant au nombre de personnes à qui vous offrirez un refuge. Je vois là une incompatibilité fondamentale.
La deuxième question porte sur les politiques publiques concernant le processus de détermination du statut de réfugié au Canada. Je ne suis membre du comité que depuis six mois, et je prends connaissance de la complexité de ces questions, et, parfois, je vous le dis franchement, de l'absurdité de l'application de processus qui prennent des années et des années, alors qu'il faut répondre à des questions qui semblaient au départ tout à fait évidentes. Je l'ai déjà dit: plus je passe de temps à Ottawa, plus les sketches de Monty Python ont du sens.
Le Parlement a souhaité la mise en oeuvre de la SAR, mais le gouvernement ne s'est pas exécuté. Voici la question que je pose, d'un point de vue non partisan. Vous qui êtes les intervenants du domaine, pourquoi croyez-vous que cela s'est produit? Pourquoi pensez-vous qu'on n'a pas mis en oeuvre la SAR, alors que le Parlement avait décidé qu'on le ferait il y a quatre ans? J'aimerais que quiconque est intéressé me donne une réponse brève.
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Une de mes préoccupations a trait aux décisions prises par les commissaires. Au début de mon mandat, on a eu à se pencher sur une liste de décisions négatives prises par les commissaires. Lorsque des réfugiés venaient me rencontrer à mon bureau parce qu'ils avaient reçu une décision négative, je leur demandais quel commissaire avait entendu leur cause. Selon le commissaire qui avait entendu leur cause, je savais quels étaient les motifs de cette décision négative.
À titre d'exemple, le cas de M. Belaouni, à Montréal, avait été étudié par un dénommé Laurier Thibault, qui était commissaire. Pendant toute la durée de son mandat, il n'a accepté qu'un seul réfugié. Son taux de refus était donc de près de 100 p. 100.
M. Belaouni est un Algérien. La décision de M. Thibault était basée sur le fait que le gouvernement algérien avait promis d'instaurer des programmes pour les personnes aveugles. C'était une promesse électorale qui n'a pas nécessairement été réalisée. La personne a donc été refusée parce que l'amélioration des conditions en Algérie était probable.
M. Belaouni a été appuyé par 40 organismes de Montréal. Nous avons écrit au bureau du ministre, et la réponse a été semblable à celle que Bill a reçue, soit que le ministère n'avait pas fait d'erreur et que cette personne avait été refusée pour des motifs raisonnables. Cette personne est depuis un an dans une église et a demandé qu'on la protège. Un groupe de citoyens de la région fait cela. Je voudrais ajouter que c'est une autre raison pour laquelle les nominations de commissaires ne devraient pas être des nominations partisanes.
Mon collègue parle de la question économique. Une autre étude a été réalisée sur la question des réfugiés, qui démontre qu'ils n'ont pas un profil différent de celui des immigrants. Ces gens ne sont pas nécessairement prestataires de l'assistance sociale. Ils ne le sont pas tous; ils ne le sont pas plus que les autres.
D'ailleurs, nous avons ici, au comité, deux collègues qui ont été des réfugiés. Il y en a un de chaque côté. Je ne veux pas faire de politique, mais compte tenu du fait que j'ai très peu de temps, je voudrais m'assurer qu'on prenne en considération le fait que la contribution des personnes réfugiées qui viennent demander notre protection est importante. Ces gens veulent réussir ici.
J'aimerais entendre quelques témoignages de votre part sur l'état d'esprit de ces personnes lorsqu'elles arrivent et sur la volonté qu'elles ont de réussir.