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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 022 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 2 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

(0900)

[Traduction]

    Bonjour. La séance est ouverte.
    Nous souhaitons la bienvenue aux représentants des diverses Églises qui sont ici aujourd'hui pour nous parler d'enjeux généraux liés aux réfugiés et d'enjeux liés plus particulièrement à la notion de refuge.
    Je vais vous demander de vous présenter. Je crois que vous savez comment nous fonctionnons. Vous prononcez une déclaration préliminaire de cinq à sept minutes, et ensuite les membres du comité vous poseront des questions ou formuleront des commentaires.
    Je crois que vais céder la parole à quiconque veut commencer.
    Mary Jo, ne vous gênez pas pour présenter une déclaration préliminaire; ensuite, le comité va vous poser des questions et formulera des commentaires. Allez-y.
    Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Mary Jo Leddy, et je suis membre de la Coalition de l'Ontario pour les réfugiés depuis 15 ans. Je m'en tiendrai à des propos généraux, et d'autres personnes qui me suivront s'attacheront à des points très spécifiques.
    La décision d'offrir un refuge naît d'un appel à la conscience. Une personne -- une mère, un père, une personne seule -- frappe à la porte de l'église et demande de l'aide. Le ministre du culte, le prêtre, ou un membre de la congrégation, parfois même une secrétaire, se retrouve alors en face d'un autre être humain, désespéré, et ces chrétiens se voient forcés d'agir en toute bonne conscience et d'ouvrir la porte à ce réfugié.
    Ce geste, posé à maintes reprises partout au pays, est dicté par la conscience. En effet, le nombre de congrégations modestes de classe moyenne qui ont ouvert leurs portes à un réfugié dont la vie est en danger est remarquable. C'est un engagement effrayant pour ces congrégations. Elles risquent de faire l'objet de poursuites et elles doivent faire montre d'un dévouement incroyable au quotidien.
    Ceux d'entre nous qui offrent le refuge ne sont pas plus empathiques ou plus moraux que vous. C'est seulement que nous envisageons le réfugié d'un point de vue différent. Nous ne le voyons pas comme un dossier. Nous ne le voyons pas comme un numéro. Nous ne le voyons pas comme un enjeu politique. Nous ne voyons qu'une personne qui a besoin d'aide et qui fait appel à notre charité chrétienne.
    Aucun dirigeant d'Église ne dit à sa congrégation d'offrir le refuge à quelqu'un. Aucun dirigeant d'Église ne peut nous faire arrêter. Je mentionne cela parce que j'ai fait partie d'une délégation de dirigeants d'Église qui a rencontré l'ex-ministre de l'Immigration, Judy Sgro. Il s'agissait de dirigeants d'Église dont la congrégation avait offert un refuge, et la ministre était dérangée par le nombre croissant d'Églises qui offraient le refuge. À l'occasion de cette rencontre, elle a demandé aux dirigeants d'Église de dire à leur congrégation d'arrêter, et elle leur a offert des voies secrètes leur permettant de résoudre leurs difficultés.
    La ministre a dit que les dirigeants d'Église pourraient la rencontrer en privé une fois par année et lui soumettre 20 cas sur lesquels on se pencherait en coulisse, sans trop faire de bruit. Les dirigeants d'Église ont refusé cette option -- ce qui est tout à leur honneur, d'ailleurs -- pour la simple raison qu'ils ne voulaient pas d'un processus privé qui n'était pas offert à d'autres groupes religieux, qui n'était pas offert à d'autres groupes de revendication. Deuxièmement, fait plus important encore, ils ont reconnu que personne n'avait demandé à ces congrégations de faire cela, et qu'on ne peut les faire arrêter, car c'est une question de conscience.
    Ce mouvement de conscience continuera -- ça je vous le garantis -- tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de mécanisme d'appel efficace dans le cadre du processus de détermination du statut de réfugié. D'après ce que je vois -- et je vois cela tous les jours --, l'actuelle Loi sur l'immigration confère un pouvoir énorme, le pouvoir de décider de la vie ou de la mort d'une personne, à de simples agents d'immigration, et cette loi part du principe selon lequel ces agents ne font pas d'erreur. La Loi s'assortit d'une disposition relative à l'appel sur le fond, mais on ne l'a jamais appliquée.
(0905)
    Ce que nous avons actuellement ne correspond qu'à un dédale d'appels partiels, de sorte que pas une seule cause n'a été entendue. On a fait valoir que la mise sur pied d'un processus d'appel serait coûteuse, mais, selon moi, un tel mécanisme serait beaucoup moins coûteux que le bourbier d'inefficience dans lequel s'enlise le processus de détermination du statut de réfugié.
    Depuis un an, une famille du Costa Rica vit dans l'église St. Philip Neri, à Toronto. Je l'ai rencontré; j'ai rencontré leur pasteur, le Père John Juhl. La famille se désintègre, elle est rongée par la dépression.
    On a fait valoir qu'il n'y a pas de réfugiés du Costa Rica. Le père était agent de police au sein de la brigade des stupéfiants. Il sait trop de choses au sujet du cartel de la drogue qui accable ce pays. La police reconnaît qu'elle ne peut rien pour lui. Les preuves s'accumulent tous les jours, et il devient évident qu'il ne peut retourner au Costa Rica.
    On dirait maintenant que tout le monde se lave les mains de cette famille et d'autres. Les bureaucrates du ministère ne sont pas disposés à admettre qu'on puisse parfois commettre une erreur. Parfois, peut-être même souvent, cela tient tout simplement à une charge de travail écrasante. Ils ne disposent pas des ressources dont ils ont besoin pour régler des cas. Le ministre, lui, pourrait le faire; on a déjà vu des ministres exercer leur pouvoir discrétionnaire dans de telles situations.
    Dans le mouvement auquel j'appartiens, en faveur des réfugiés, nous croyons que le Canada a signé des ententes internationales qui l'obligent à protéger les réfugiés dont la vie est en danger. Lorsque le gouvernement ne fait pas cela, les citoyens sont tenus de prendre l'initiative et de le faire afin que nous respections les lois de notre pays.
    Merci.
(0910)
    Merci.
    J'aurais dû mentionner au début que cinq Églises sont représentées aujourd'hui. L'Église unie du Canada, la First Unitarian Congregation of Ottawa, la paroisse catholique romaine Saint-Joseph, la congrégation luthérienne All Saints, et l'Église presbytérienne au Canada.
    Passons maintenant à Heather Macdonald.

[Français]

[Traduction]

    Tout d'abord, je tiens à remercier le comité de son accueil aujourd'hui et de son intérêt. Je compte également faire appel à votre soutien.
    Je vais vous parler du travail qu'effectue depuis longtemps l'Église unie à l'égard des réfugiés. Pendant les années 20 et 30, nous travaillions avec des orphelins arméniens. Après la Deuxième guerre mondiale, nous allions à la rencontre des trains de bateau qui amenaient des réfugiés de la guerre. Depuis la signature de l'entente cadre en 1979, nous avons participé à l'établissement de plusieurs milliers de réfugiés. Nous avons participé à la fondation d'organismes de services aux réfugiés à Montréal, à Toronto, à Winnipeg et à Edmonton. Nous avons également mené des activités de développement communautaire, en particulier avec l'Afghan Women's Organization.
    Nous comptons parmi les membres fondateurs de l'ICIR et du comité permanent à l'origine du Conseil canadien pour les réfugiés. Nous faisons partie de KAIROS, Initiatives canadiennes oecuméniques pour la justice, qui s'intéresse à des questions de justice sociale. Et nos membres et nos congrégations ont à coeur d'aider les demandeurs d'asile et les réfugiés parrainés. C'est de cet engagement qu'est née notre pratique consistant à offrir le refuge.
    Qu'est-ce que le refuge? Pour nous, c'est un appel public à la réparation d'une terrible injustice. C'est une tentative de faire observer la loi. Ce n'est pas caché. Il ne s'agit pas d'une activité clandestine. En perpétuant cette pratique, l'Église demande que nos idéaux de justice et de compassion ainsi que la vie des réfugiés soient respectés.
    En simplifiant le système de détermination du statut de réfugié, le gouvernement a sacrifié la justice pour les réfugiés, car il a choisi de ne pas mettre en oeuvre le mécanisme d'appel destiné aux réfugiés. Or, ce sont les réfugiés qui en paient le prix, et ils paient de leur vie. Lorsque nous sommes confrontés à quelque chose que nous percevons comme une injustice, nous pouvons envisager d'adopter l'attitude morale qui consiste à offrir le refuge ou à recevoir des personnes en détresse et désespérées dans l'enceinte sacrée d'une église.
    Nos mesures visant à offrir le refuge, qui procèdent d'une longue tradition historique, constituent peut-être une forme de désobéissance civile, mais elles ne visent nullement à défier la loi. En réalité, le fait d'offrir un refuge reflète un respect suprême de la loi et de la justice qu'il exige d'elle. Il s'inspire de deux commandements -- l'amour de Dieu et l'amour de son prochain --, et nous croyons savoir que la manifestation publique de l'amour de Dieu est la justice.
    Nos membres sont déterminés à assurer la protection des demandeurs d'asile qui viennent au Canada de leur propre chef et des réfugiés réinstallés ou parrainés, ceux qui sont sélectionnés à l'étranger. Ainsi, nous entrons en contact avec des gens qui ont parfois besoin de notre aide. Nous croyons que notre aide est un acte d'obéissance. En offrant le refuge à des familles comme la famille Raza, qui a demandé refuge à Winnipeg, nous estimons nous plier à une loi universelle et à la volonté de Dieu.
    Comment planifie-t-on le refuge? Eh bien, il faut faire preuve d'un discernement empreint d'une grande sincérité. Il doit s'agir d'une initiative communautaire. Nous n'agissons jamais seul, un groupe confessionnel n'agit jamais seul. Puisque la conscience est façonnée partiellement par les préjugés et que nous pouvons nous tromper, nous devons faire appel, dans le feu de l'action, à la sagesse des autres.
    Nous nous interrogeons sur nos motifs. Nous devons réfléchir honnêtement à ce que nous faisons, aux raisons pour lesquelles nous le faisons, et pour le bien de qui nous le faisons. Qu'est-ce que nous ou les personnes à risque -- les réfugiés -- avons à gagner ou à perdre? Nous exigeons une décision éclairée. Nous cherchons à déterminer s'il y a d'autres options. À notre avis, il ne devrait s'agir que d'un dernier recours, pendant que nous continuons d'explorer toutes les autres voies de protestations légales. Nous consultons Amnistie Internationale, les coalitions locales pour les réfugiés, des avocats, et CIC.
    Ce n'est pas une solution. Le temps est venu de procéder à un second examen objectif et de songer à modifier la loi. Nous comprenons qu'il n'y a pas de garantie de succès, et la congrégation et les réfugiés doivent également comprendre cela. Nous recommandons que les congrégations envisagent l'élaboration d'un protocole avant même qu'elles soient placées dans une situation où elles doivent réagir.
    Nous tentons de protéger la crédibilité et la pratique du refuge pour ceux qui en ont le plus besoin. Nous avons refusé davantage de demandes que nous n'en ayons jamais accepté. Cela va peut être vous surprendre, mais ce n'est pas quelque chose que nous voulons faire. Il s'agit plutôt quelque chose que nous devons faire.
(0915)
    Les congrégations de notre confession prennent leur propre décision. Il y a un guide qui oriente la prise de décisions -- malheureusement, il n'est disponible qu'en anglais à l'heure actuelle --, si jamais vous voulez le voir. Nous travaillons avec les congrégations afin qu'elles prennent des décisions éclairées. Nous travaillons de façon respectueuse avec les agents du gouvernement en vue de régler le problème avec intégrité, à la satisfaction de toutes les parties. Nous essayons toujours d'éviter de recourir au refuge, lorsque cela est possible, car c'est une démarche épuisante, sur le plan physique et affectif; c'est coûteux, c'est pénible et, au bout du compte, c'est tout simplement ennuyeux. Mais lorsque nous prenons un engagement envers un réfugié, nous respectons cet engagement. Nous agissons avec fermeté et persistance à l'égard de ce que nous croyons être la vérité.
    Depuis 1983, l'Église unie s'est chargée de 14 cas de refuge, dont six depuis 2002, époque au cours de laquelle plusieurs cas de refuge sont survenus en même temps. Nous nous demandons si c'est par hasard que cette multiplication des cas coïncide avec l'entrée en vigueur de la LIPR -- le décideur unique et l'absence de mécanisme d'appel.
    On a dit que l'Église unie semble offrir le refuge tout particulièrement aux familles. Je crois que cela tient au fait que le principe de la réunification des familles et l'intérêt supérieur des enfants canadiens sont au coeur de notre démarche. Les politiques ou les lois de notre Église prévoient que nous devons aider les nécessiteux, offrir l'hospitalité aux étrangers et le refuge aux personnes en danger, aimer notre prochain -- que nous l'aimions ou pas -- et protéger les gens persécutés, les faibles et les sans-abri.
    Les politiques de notre conseil général ont toujours prévu que nous devons demander à notre gouvernement de respecter le droit des demandeurs d'asile déboutés à un appel sur le fond, lequel est prévu dans la LIPR. Avec une SAR en place, nous croyons également que beaucoup moins de demandes de refuge seraient adressées à notre Église. Idéalement, c'est le Canada qui devrait être le refuge.
    Comme le disait Sandwell, président honoraire du Comité national canadien pour les réfugiés peu après la Deuxième Guerre mondiale, l'obligation d'offrir le refuge n'est pas illimitée et ne l'a jamais été, mais l'obligation d'offrir le refuge existe encore. Les pays qui font fi de cette obligation finiront par le regretter, comme le regrettent finalement tous les pays qui ferment les yeux sur cette obligation morale fondamentale et sur la dette de l'homme et des nations envers l'être humain à leurs portes, simplement parce qu'il s'agit d'un être humain.
    Je crois que ces propos sont toujours d'actualité. Le Canada est tenu d'offrir le refuge à ceux qui en ont besoin, et il vient un temps -- comme à l'heure actuelle, vu l'absence de mécanismes d'appel -- où, à titre de citoyens et d'êtres humains, nous avons l'obligation morale fondamentale d'offrir le refuge en sol canadien.
    L'église veut concentrer ses efforts sur la collaboration avec les demandeurs d'asile, sur la réinstallation des réfugiés, en particulier de ces organismes d'aide aux réfugiés. Nos bureaux des visas ne nous soumettent pas suffisamment de cas. Nous travaillons dans le but d'assurer la justice pour les migrants. Nous voulons travailler avec notre gouvernement sur des programmes d'immigration sains qui reflètent les besoins réels au chapitre de la main-d'oeuvre et du regroupement familial. Mais vu le manque de protection, l'absence de mécanismes d'appel a exacerbé le recours au refuge en sol canadien. Par conséquent, nous vous demandons, députés du Parlement, de veiller à ce que les besoins des réfugiés en matière de protection soient comblés, ce qui permettra à l'Église de vaquer à ses autres activités.
    Merci.
    Merci, madame Macdonald.
    Monsieur Gauthier.

[Français]

    Je suis heureux de pouvoir comparaître devant votre comité. Permettez-moi d'abord de vous parler brièvement du groupe de bénévoles que j'ai l'honneur de représenter.
(0920)

[Traduction]

    Depuis plus de 16 ans, le Refugee Outreach Committee de la paroisse St. Joseph, sur l'avenue Laurier à Ottawa, vient en aide aux réfugiés nouvellement arrivés dans la capitale du Canada. Le rôle du comité consiste habituellement à poser de simples gestes d'humanité. Autrement dit, nous aidons les réfugiés qui en ont besoin à se trouver un logement, des meubles, des vêtements chauds ou un emploi.
    Pour la première fois, en 2005, nous avons pris une mesure hors du commun en offrant le refuge à une personne, et ce, pour une cause des plus valables. Nous nous sommes sentis moralement tenus d'aider une femme qui avait demandé le statut de réfugié et qui était visée par une mesure d'expulsion sans avoir eu droit à une audience complète et équitable.

[Français]

    Après un an en refuge avec notre aide, Maoua Diomande a été autorisée à demeurer au Canada. Nous sommes reconnaissants au ministre qui, une fois tous les faits en cause mis au jour, a jugé bon de délivrer le permis pour des motifs d'ordre humanitaire.

[Traduction]

    Toutefois -- et il est important que vous vous penchiez sur ce point --, une paroisse ne devrait pas se retrouver dans une situation où le seul moyen d'aider un demandeur du statut de réfugié consiste à lui donner refuge. Les institutions religieuses sont forcées d'offrir le refuge seulement parce que le système de reconnaissance du statut de réfugié ne fonctionne pas bien. De toute évidence, lorsqu'une personne qui demande à juste titre le statut de réfugié doit demander l'aide d'une paroisse ou d'une congrégation de fidèles, c'est que le système ne tourne pas rond.

[Français]

    Bien sûr, nous tous ici présents voulons un système juste et équitable qui fonctionne plus efficacement. D'après notre expérience, l'absence d'un processus d'appel pose un grave problème. Notre demandeuse du statut de réfugié vivait dans la crainte d'être renvoyée du Canada sans avoir eu la possibilité de faire appel. Bien que nous ayons porté son cas à l'attention de la population, nous n'avons pas eu d'autre choix que de lui permettre de se réfugier dans notre lieu de culte. Un nombre incalculable d'autres demandeurs du statut de réfugié — des centaines et peut-être même des milliers — ont essuyé un refus du Canada parce qu'ils n'avaient pas eu la possibilité de présenter complètement leur cause.

[Traduction]

    Je vais maintenant vous faire part de nos recommandations.
    Tout d'abord, nous recommandons que vous, les membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, demandiez de nouveau au gouvernement de mettre en oeuvre la Section d'appel des réfugiés, comme le prévoyait une loi du Parlement adoptée en 2002. Nous vous invitons à demander sa mise en oeuvre parce que c'est une question de justice. Nous vous y invitons au nom des demandeurs du statut de réfugié dont la cause n'a pas été entendue correctement, ou n'a pas été prise en compte, parce qu'il n'y a pas de processus d'appel.

[Français]

    Nous recommandons que votre comité exige du gouvernement qu'il procède rapidement à la réorganisation et à la dotation de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Des modifications pressantes devraient être apportées tout de suite.
    Le récent rapport de la CISR à votre comité faisait état du nombre insuffisant de commissaires chargés des audiences. Ce rapport signalait aussi que le recrutement de membres compétents avançait lentement. Nous invitons votre comité à exiger de la CISR qu'elle procède de toute urgence à l'élimination du chaos créé par l'engorgement de ses activités. Il est clair qu'il faut augmenter le nombre des commissaires pour régler l'arriéré en matière d'immigration. De plus, le processus de sélection et de nomination des commissaires doit être dépolitisé pour garantir un degré plus élevé d'équité et de justice.

[Traduction]

    Outre la réorganisation de la CISR, nous recommandons que votre comité demande instamment au gouvernement de s'interroger sur l'équité d'un système selon lequel le sort d'un demandeur du statut de réfugié repose entre les mains d'un seul commissaire.
    Selon nos informations, la même personne ou le même commissaire a rejeté les trois demandes du statut de réfugié représentées par des groupes religieux ici présent. Après avoir essuyé un refus, sans possibilités d'en appeler, les trois demandeurs ont demandé le refuge.
(0925)

[Français]

    Nous recommandons que votre comité demande au gouvernement de fournir des instructions à la CISR et à Citoyenneté et Immigration Canada concernant les droits linguistiques des demandeurs du statut de réfugié. Aux audiences de la commission, les demandeurs devraient avoir le droit d'être entendus dans l'une ou l'autre des deux langues officielles du Canada. Cependant, nous avons constaté que les droits linguistiques fondamentaux des demandeurs du statut de réfugié n'étaient pas toujours respectés. Votre comité devrait insister pour que la CISR applique le processus de revendication du statut de réfugié conformément à l'esprit et à la lettre de la Loi sur les langues officielles. De plus, selon notre expérience, la qualité de la traduction de toutes les langues utilisées au cours des audiences doit être améliorée.

[Traduction]

    Nous recommandons que votre comité exhorte le gouvernement à prendre des mesures pour que la CISR et CIC rendent des comptes à la population qu'ils servent. Ils ne le font pas. Par exemple, pendant toute l'année où nous avons donné refuge à une demandeure du statut de réfugié, les bureaucrates ont évité de nous parler. Pendant ce temps, le gouvernement déclare, sur le site Web de CIC et ailleurs, que le système actuel est juste et généreux. Notre expérience dit le contraire.

[Français]

    Merci de m'avoir écouté et de m'avoir donné l'occasion de vous parler de ces questions.

[Traduction]

    Merci, monsieur Gauthier.
    Passons maintenant à M. Walt.
    Bonjour. Je m'appelle Gordon Walt, et je suis vice-président du conseil de congrégation de l'église luthérienne All Saints, ici même à Ottawa. Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner au nom de ma paroisse.
    Au Canada, l'Église luthérienne évangéliste a été établie en tant qu'église pour immigrants, et la congrégation luthérienne All Saints reflète cela, de par sa composition démographique qui compte de nombreux immigrants venus récemment d'Afrique et d'Asie. Depuis nombre d'années, All Saints participe au programme de parrainage du gouvernement en accueillant des réfugiés de plusieurs pays et en facilitant leur intégration dans la société canadienne. Toutefois, quand notre congrégation a octroyé le refuge à Moti Nano, un de ses membres, c'était la première fois qu'elle se voyait forcée de prendre une mesure aussi radicale pour sauver la vie d'un jeune réfugié éthiopien. Moti, qui est âgé de 34 ans, se réfugie dans notre église depuis plus de neuf mois.
    D'autres témoins ont parlé de l'acceptation du refuge au Canada, mais, selon nous, parce que le processus de traitement des réfugiés ne fonctionne pas comme il le devrait, nous, les Églises canadiennes, nous nous retrouvons parfois dans une situation où il nous faut choisir entre obéir à notre gouvernement et le laisser renvoyer un réfugié dont la vie est menacée dans son pays, ou venir en aide au réfugié en lui offrant le refuge, et ainsi sembler faire opposition à notre propre gouvernement. Cette situation nous contrarie beaucoup, mais, en tant que croyants, nous ne pouvons agir autrement.
    Un des principaux facteurs qui ont incité la congrégation luthérienne All Saints à offrir le refuge à Moti Nano, c'est qu'il est un de nos membres actifs depuis son arrivée à Ottawa, en juillet 2001. Il est luthérien depuis son enfance -- son père est un pasteur luthérien en Éthiopie -- et fait partie du comité qui a attiré l'attention de la congrégation sur les difficultés qu'il éprouvait avec le processus de traitement des réfugiés.
    À l'occasion d'une réunion spéciale, une majorité massive de membres de notre congrégation a voté en faveur du refuge. Cependant, les choses ne se sont pas déroulées sans heurts dans notre paroisse. Nous avons formé un comité spécial chargé de gérer le soutien matériel et moral de Moti. Pour bon nombre de nos membres, un aspect troublant était la crainte de représailles de la part du gouvernement canadien. Nous sommes des citoyens respectueux des lois par choix et en raison de notre engagement religieux, et les conséquences que certains prédisaient étaient nombreuses, par exemple la perte d'emplois et de pensions de la fonction publique, des arrestations et des emprisonnements, la perte du statut d'organisme de bienfaisance de notre église, l'imposition d'une amende de 50 000 $ ou de deux ans de prison à nos dirigeants. Certains disaient encore que les droits et les privilèges de citoyens canadiens étaient menacés par nos autorités gouvernementales.
    Heureusement, notre gouvernement, par l'intermédiaire de l'Agence de services frontaliers du Canada, a décidé d'honorer la tradition du refuge et a déclaré que les autorités ne viendraient pas chercher M. Nano à l'église. Comme l'a signalé Mary Jo, étant donné qu'une église n'est pas conçue pour y résider, le fait que quelqu'un s'y réfugie a soulevé des problèmes de taille. Il a fallu procéder à quelques travaux de rénovation et fournir des repas, de la compagnie, des soins médicaux et dentaires, ainsi qu'un soutien émotionnel et spirituel. Les processus en place entraînent aussi d'importants frais juridiques. Des fonds ont été réunis dans le cadre de divers événements, et les membres de la congrégation ont versé des dons. Tout cela a exigé un effort constant de la part des membres de notre comité et de l'ensemble de notre congrégation. Pour Moti Nano, le refuge représente un emprisonnement volontaire qui, quand il dure longtemps, risque d'avoir un effet débilitant même sur quelqu'un qui a une foi solide, comme lui.
    Je vais maintenant vous parler un peu du processus. Pour Moti et ceux qui le soutiennent, il est très difficile de faire face à un système qui semble souvent excessivement bureaucratique et insensible, et dont on craint de ne pas obtenir un traitement équitable en temps voulu. Par exemple, le Formulaire de renseignements personnels doit être rempli dans un délai de 28 jours, mais, dans le cas de Moti, l'audience n'a pas eu lieu avant deux ans et sept mois. L'attente est très longue et difficile, mais elle l'est surtout pour quelqu'un qui vit dans la crainte et l'incertitude.
(0930)
    Tout ce temps permet aussi au demandeur de trouver un emploi et un logement, et de s'intégrer dans la société canadienne.
    Moti avait la chance de bien s'exprimer, d'avoir de l'entregent et de connaître l'informatique, et de pouvoir compter sur des amis fiables au sein de la congrégation et de la collectivité. Il a su s'adapter facilement à la vie au Canada. Il n'a jamais été un fardeau pour notre régime d'aide sociale. Il a décroché un emploi, occupé son propre appartement, obtenu son permis de conduire, voyagé pour visiter des amis et pour participer à des conférences en Nouvelle-Écosse et à Winnipeg, suivi des cours et, d'une façon générale, apprécié ce qu'il pensait être une nouvelle vie au Canada.
    En obtenant le refuge, Moti a renoncé à cette vie, à son appartement, à son emploi et à certaines de ses relations sociales.
    Pour ce qui est du processus d'audience, il semble avoir été conçu selon le point de vue de ceux qui vivent déjà au Canada. On semble tenir pour acquis que le demandeur du statut de réfugié se sentira totalement en confiance et libre de communiquer tous les renseignements au commissaire, puisqu'il y va de son intérêt. Parce que les Canadiens ne vivent pas dans la crainte de la torture et de la présence d'espions au gouvernement et au travail, le fait que les gens peuvent hésiter à tout dire devant des étrangers, y compris des interprètes, n'entre pas en compte dans la conception et la conduite du processus d'audience.
    Cependant, dans le cas de Moti, cette hypothèse s'est parfois révélée fausse. Par exemple, Moti craint toujours beaucoup la menace de persécution s'il rentre en Éthiopie, où il a été harcelé, menacé, emprisonné et torturé.
    Les éléments de preuve qui justifient cette crainte, notamment des rapports d'Amnistie Internationale, semblent avoir moins de poids que les documents de notre propre gouvernement et l'opinion du commissaire.
    Puisqu'il n'y a qu'un seul commissaire, qui peut avoir des préjugés ou être peu informé de la situation qui règne actuellement dans un pays étranger, son opinion crée un précédent, et tout appel d'une décision négative exige la présentation d'une quantité de renseignements suffisante pour renverser cette opinion.
    Dans le cas de Moti, on expliquait le refus en avançant qu'il n'y avait aucun document établissant que les militants des droits de la personne sont persécutés en Éthiopie, même si les renseignements disant le contraire pouvaient facilement être obtenus de Human Rights Watch et d'Amnistie Internationale.
    Il y a un autre exemple lié à l'audience de Moti. La présence d'un interprète, ou, comme dans le cas de Moti, d'un interprète et d'un interprète en formation qui étaient tous deux d'Éthiopie, mais pas de sa communauté ethnique et que le demandeur n'avait même pas rencontré ni accepté au préalable, peut inspirer de la crainte et le gêner quand il présente son témoignage. Moti craint toujours qu'un de ces interprètes, voire les deux, fournissent des renseignements à son sujet à l'ambassade d'Éthiopie, et que l'ambassade obtienne le nom de personnes en Éthiopie et les harcèle. Cette crainte peut affaiblir une première revendication.
    En ce qui concerne l'appel, si le demandeur est débouté, il ne peut rencontrer le commissaire qui a rejeté sa revendication pour faire valoir un point de vue différent. Une fois que la décision est rendue, toutes les observations et les appels subséquents appartiennent aux tribunaux ou à une bureaucratie anonyme. Dans toutes ces démarches, il y a un manque de dignité et d'équité à l'endroit du revendicateur.
    De plus, les fonctionnaires semblent réticents à remettre en question ce qu'un juge ou un haut placé a écrit.
    En ce qui concerne les recommandations, elles iront sans doute dans le même sens que celles que d'autres ont formulées ou vont formuler aujourd'hui. À la lumière de notre expérience avec Moti Nano et de la fourniture d'un refuge à cette personne, nous avons quatre recommandations à vous fournir.
    Premièrement, le gouvernement du Canada devrait immédiatement mettre en oeuvre la Section d'appel des réfugiés prévue dans la loi qu'il a adoptée en juin 2002. Le présent système pour en appeler aux tribunaux n'est ni équitable, ni raisonnable. Un demandeur débouté devrait avoir accès à une audience juste, surtout du fait que l'audience initiale se fait devant un seul commissaire. Un processus approprié ferait en sorte que les Églises n'auraient pas à offrir le refuge. Et, comme l'a mentionné un autre témoin, nous ne tenons pas à nous adonner à de telles activités. Cela exige trop de temps.
    De plus, il devrait y avoir un moyen d'accréditer des personnes, par exemple, des avocats, des défenseurs et des organisations pour les demandeurs du statut de réfugié, afin qu'il y ait une norme minimale de compétence. Cette accréditation pourrait s'appliquer d'abord aux avocats.
(0935)
    En ce qui concerne la nomination de commissaires, il y a un excellent livre dont certains d'entre vous ont peut-être entendu parler. Il a été écrit par Peter Showler, ex-commissaire et président pendant six ans. Le livre s'intitule Refugee Sandwich. Selon lui, la nomination des commissaires devrait être uniquement fondée sur la compétence, et l'ordre politique ne devrait pas être mêlé au processus de sélection.
    Pierre et d'autres personnes ont parlé du besoin de ressources. Le gouvernement doit voir à ce que les ressources humaines appropriées soient en place, de telle sorte que les demandeurs du statut de réfugié puissent obtenir des services efficaces en temps voulu et qu'il ne se produise pas de longs retards dans le traitement des revendications et des appels. Cela inclut la nécessité de corriger la mauvaise coordination entre les ministères et les agences.
    Merci beaucoup de m'avoir laissé vous parler.
    Merci, monsieur Walt.
    La parole est maintenant à M. Nagy.
    Merci. Je m'appelle Philip Nagy. Je représente la congrégation First Unitarian d'Ottawa.
    La congrégation First Unitarian d'Ottawa appuie entièrement les arguments exposés dans les témoignages précédents. Le cas de Samsu Mia, qui s'est réfugié au sein de la congrégation First Unitarian d'Ottawa pendant 18 mois, illustre certains des problèmes qui se posent dans le système de CIC.
    Samsu Mia a obtenu le refuge à l'église First Unitarian d'Ottawa de juillet 2003 à décembre 2004, quand la ministre Judy Sgro l'a autorisé à demeurer au Canada et à y faire venir sa famille pour des raisons d'ordre humanitaire.
    M. Mia est arrivé au Canada en 1995 comme domestique au service d'un haut fonctionnaire du Haut-Commissariat du Bangladesh. On l'a traité comme un esclave. On a retenu son salaire, on ne lui a pas payé ses voyages chez lui comme le prévoyait son contrat, on l'a obligé à coucher par terre et on a confisqué ses chaussures et son passeport.
    En 1999, il s'est enfui et a tenté de recouvrer son salaire et son passeport. M. Mia, les membres de sa famille au Bangladesh et celui qui l'a secouru au Canada, un citoyen du Canada et du Bangladesh, ont tous fait l'objet de menaces.
    La première revendication du statut de réfugié de M. Mia a été rejetée par un seul juge, au motif qu'elle était fondée sur une simple querelle entre deux personnes. Le juge n'a pas tenu compte du fait qu'un des intéressés était un cuisinier illettré et l'autre, un puissant haut fonctionnaire. Peu après ce rejet, le frère de M. Mia au Bangladesh a reçu des menaces de la part d'un autre haut fonctionnaire qui avait été rapatrié du Canada. C'était un nouvel élément de preuve établissant que le danger persistait, mais il n'y avait aucun moyen de le présenter en vertu des procédures en place.
    Les contrôles judiciaires du cas ont reconnu que le premier juge n'avait pas pris en compte tous les éléments de preuve, mais ils concluaient que M. Mia n'avait pas démontré que le gouvernement bangladais était incapable de le protéger. De fait, le problème venait de fonctionnaires du même gouvernement.
    En 2001, le fils de M. Mia au Bangladesh a été battu et a reçu l'avertissement suivant: « Dis à ton père de se tenir tranquille et de rentrer à la maison. » En mars 2003, une note dans l'examen des risques avant renvoi signalait l'absence de documents sur ce passage à tabac, qui avait pourtant été signalé dans une demande invoquant des raisons humanitaires, ou demande CH. Le résultat s'est traduit par une mesure de renvoi.
    Il aurait été préférable que la décision portant sur le renvoi soit retardée le temps de réunir des documents sur le passage à tabac du fils. Dans bien des pays, les médecins hésitent à fournir de tels éléments de preuve parce qu'ils craignent pour leur propre sécurité. Avec l'aide d'une de nos personnes-ressources, un Canadien qui dirige plusieurs orphelinats au Bangladesh, les documents ont finalement été obtenus, mais cela a pris du temps. Toutefois, il n'y avait aucune procédure qui permettait de présenter ce nouvel élément de preuve. La décision avait été prise.
    Il se peut qu'un réfugié ne puisse mettre la main sur un tel élément de preuve, que cela prenne du temps ou encore qu'on ne comprenne pas à temps le besoin d'avoir ces éléments de preuve.
    En juillet 2003, M. Mia s'est réfugié dans notre église. Le refuge n'est pas une mince affaire, ni pour l'intéressé ni pour la congrégation. C'est d'ailleurs ce qui explique sa rareté.
    M. Mia s'est volontairement constitué prisonnier dans l'église pendant 18 mois. Sans la moindre garantie de succès, la congrégation s'est engagée à répondre à tous les besoins de M. Mia, y compris l'envoi d'argent au Bangladesh pour faire vivre sa famille pendant une période indéfinie.
    Au cours de la première année, nous avons veiller à ce qu'il ait de la compagnie 24 heures sur 24, de peur que CIC ou la GRC ne vienne le chercher pour le renvoyer dans son pays. Seule la conviction profonde qu'une injustice avait été commise a motivé cet effort.
    Dans les premières semaines, nous étions constamment surveillés par des inconnus dans des automobiles ayant des plaques du corps diplomatique. Nous avons poursuivi la collecte d'éléments de preuve. Se fondant sur le dossier que nous avions et sur ses propres recherches, Amnistie Internationale a appuyé le cas de M. Mia. À mon avis, le point tournant s'est produit quand un réfugié du Bangladesh a fourni un témoignage verbal à la députée Marlene Catterall, refusant de le faire par écrit par crainte pour sa propre sécurité. La députée a transmis les renseignements à la ministre. En décembre 2004, la demande CH a finalement été acceptée.
    Laissez-moi vous décrire les événements qui ont suivi.
    N'oubliez pas que tous ceux avec qui nous avons fait affaire à CIC ont apporté collaboration et soutien, et nous ont paru compétents. Mon argument, c'est que le système est surchargé, il manque de fonds et de personnel, et il est mal organisé. Ce n'est que quelques semaines avant l'expiration du permis ministériel de deux ans octroyé à M. Mia que la procédure documentaire liée au statut permanent a pris fin.
    L'absence d'un lieu où présenter de nouveaux éléments de preuve, combinée aux piètres communications entre les unités gouvernementales, fait problème. Le processus de renvoi se poursuit, peu importe les demandes CH en suspens. Bien sûr, il est possible que des documents soient faux et doivent être soigneusement vérifiés, mais le système devrait permettre de dire que: le juge a conclu à l'absence de documents; le nouvel élément de preuve semble être précisément le document qui avait été déclaré manquant; et, pendant la vérification, le processus de renvoi devrait être suspendu.
(0940)
    II ne faudrait pas plus d'une heure ou deux pour décider qu'en apparence, le nouvel élément semble combler l'absence de documents justifiant le refus. Une simple communication éviterait du chagrin.
    Le processus d'établissement de Samsu Mia, de sa femme et de leurs quatre enfants a été d'une lenteur et d'une inefficacité hors du commun. CIC a perdu le certificat médical d'un des fils, et c'est la congrégation qui a payé pour en obtenir un autre. Les cinq autres certificats médicaux ont expiré parce qu'ils étaient valides pour seulement un an, et il a fallu en obtenir de nouveaux. Il a fallu remplir les formulaires à deux et même trois reprises parce que les fonctionnaires n'arrivaient simplement pas à les trouver.
    La tenue des dossiers dans le système fait vraiment défaut. Le haut fonctionnaire bangladais en question a confisqué le passeport de Samsu Mia. Les fonctionnaires canadiens ont exigé de M. Mia qu'il renouvelle son passeport afin de l'utiliser aux fins du renvoi. IIs ont confisqué son nouveau passeport dès sa delivrance. Après que M. Mia a reçu l'autorisation de demeurer au Canada, un affidavit a fait état de son cas au début de 2005.
    Le 28 septembre 2006, il y a à peine cinq semaines, j'ai reçu un appel d'un fonctionnaire de CIC qui demandait une copie du passeport de M. Mia. Cela ne devrait pas se produire. Les enjeux sont trop élévés pour qu'il y ait de telles erreurs dans la tenue de dossiers.
    En guise de conclusion, voici quelques observations.
    Il doit y avoir un processus d'appel et un processus permettant de présenter de nouveaux éléments de preuve. La décision finale ne devrait dépendre ni des institutions religieuses ni de la compassion d'un ministre. Justice devrait être faite sans l'intervention d'un groupe de pression énergique et bien organisé.
    Il faut injecter plus de fonds afin d'augmenter le personnel et de réorganiser les procédures. Le système est sur le point de flancher. II serait préférable de consacrer au traitement des revendications le temps qui est actuellement utilisé pour chercher des documents.
    Merci d'avoir écouté nos préoccupations et de nous avoir permis de raconter l'histoire de Samsu Mia.
    Merci, monsieur Nagy.
    Nous passons maintenant à M. Allen.
    Bonjour. Je m'appelle Stephen Allen, je suis membre de la Presbyterian Church in Canada et je travaille dans nos bureaux nationaux de Toronto.
    Au nom de notre groupe confessionnel, je tiens à remercier le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de l'occasion offerte d'être ici ce matin et de vous parler de notre politique de refuge et, ce qui est tout aussi important, de la manière dont nous en sommes venus à définir cette politique.
    Je vais mettre l'accent sur des éléments un peu différents de ce que vous avez entendu jusqu'à maintenant. Vous avez reçu notre déclaration, qui a été approuvée à notre assemblée générale de juin 2006. Ce sont donc une déclaration et une politique récentes établies par notre groupe confessionnel.
    Nous avons adopté la politique selon laquelle une congrégation offre un refuge à un prestataire dont la demande a été rejetée et qui fait face à un risque probable de persécution ou de torture s'il est renvoyé dans son pays. Notre politique est enracinée dans notre foi. C'est une politique prudente, et nous voyons le refuge comme un dernier recours.
    La Presbyterian Church in Canada a signé une entente-cadre. Bon nombre de congrégations ont parrainé des réfugiés au fil des années. Notre Église soutient les réfugiés et les gens qui sont déplacés au sein d'un même pays, par exemple, au Darfour, par l'intermédiaire de ses programmes à l'étranger.
    De façon à souligner le fait que la question n'a pas été prise à la légère à l'occasion de notre assemblée générale de juin, je dois prendre quelques instants pour expliquer notre processus décisionnel.
    Notre assemblée générale est, pour reprendre le vocabulaire que nous utilisons couramment, notre organe décisionnel ou tribunal de plus haute instance. L'assemblée générale a lieu une fois par année. Chacun des 46 consistoires du pays, qui sont des regroupements de congrégations, envoie un nombre donné de délégués ou de commissaires à l'assemblée générale. Les commissaires sont des fidèles et des ministres du culte, et il y en a 350 qui participent à l'assemblée générale. Ils ont lu la déclaration en question.
    Notre assemblée générale est chargée de prendre des décisions concernant un vaste éventail de questions et elle reçoit ce que nous appelons des propositions, c'est-à-dire des recommandations concernant la rédaction d'une déclaration ou d'un rapport et la présentation devant une prochaine assemblée générale. Les propositions peuvent avoir trait à des questions comme les exigences scolaires pour un ministre du culte qui délaisse une confession pour adopter la nôtre ou elles peuvent consister en une demande de déclaration au sujet du refuge.
    Un consistoire formule une proposition à l'intention de notre assemblée générale, et celle-ci décide de l'approuver ou non. En ce qui concerne la question du refuge, l'assemblée générale de juin 2005 a reçu et a approuvé la proposition, ce qui veut dire que mon bureau a reçu l'ordre de rédiger une réponse pour l'assemblée générale de juin 2006.
    Voilà donc notre façon de procéder. Il s'agit d'une démarche très prudente, qui tient compte de nos structures et des tribunaux de notre église.
    Mon comité consultatif, le conseil dont je relève, a révisé l'ébauche qu'a examinée l'assemblée générale en juin dernier. En outre, plusieurs personnes de l'extérieur ont procédé à un examen critique de cette ébauche, et je l'ai aussi fait réviser par un théologien du Knox College.
    Notre conseil a approuvé la déclaration. On l'a donc présentée à l'assemblée générale, et, en mars dernier, on l'a fait parvenir à tous les commissaires du pays.
    Voilà donc notre façon de procéder et notre calendrier.
    On attend de moi, à titre de membre du personnel exécutif de mon groupe confessionnel, que je passe toute la semaine à l'assemblée générale, mais, à moins qu'on ne leur demande, les membres du personnel n'ont pas la permission d'intervenir ou de participer aux délibérations. Ce sont les commissaires qui le font. Encore une fois, cela reflète la nature de la politique de l'église.
    Diverses dimensions de la déclaration — les dimensions théologique et éthique, la convention internationale, le contexte canadien, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, les recours possibles pour les demandeurs déboutés et les conséquences juridiques dont vous avez déjà entendu parler. La section intitulée « Une question de conscience et de foi » passe en revue la doctrine et la politique de l'Église — c'est ce qui a le plus retenu l'attention au cours du débat — ainsi que les lignes directrices à l'intention des congrégations et les recommandations que vous avez devant vous.
    Le débat a été pieux. Il a été réfléchi, et parfois passionné. Je veux vous faire part de deux exemples.
(0945)
    L'un des commissaires — un fidèle, membre à la retraite de la Police provinciale de l'Ontario — s'est levé. C'était la première fois qu'il participait à une assemblée générale. Il était extrêmement nerveux. Il a rappelé que d'offrir refuge était contraire à la loi. Tout le monde se taisait. Quelques minutes plus tard, un agent à la retraite de la GRC, ministre du culte, s'est levé et il a dit: « Oui, c'est vrai. » Il nous a remis à la mémoire le fait que nous sommes appelés à obéir à une autorité plus élevée, et que, en ce qui concerne les questions de conscience morale, nous rendons des comptes à Dieu.
    L'autre exemple concerne l'intervention d'un autre ministre de notre groupe confessionnel. Il est originaire d'un pays d'Amérique centrale et s'est installé ici il y a plus de 20 ans. On l'avait atrocement torturé. Le système a bien fonctionné pour lui. Sa famille et lui ont trouvé refuge au Canada, et ils ont par la suite contribué à la vie de notre société. Il a reconnu le fait que le système peut bien fonctionner, sans pour autant être parfait. Il a dit que lorsqu'un demandeur fait face à un risque de persécution si on le renvoie dans son pays, l'Église n'a pas le choix: elle doit offrir un refuge à ce demandeur. Selon lui, une personne renvoyée dans son pays d'origine, où on la persécute et la torture, est une personne de trop.
    Notre assemblée générale a aussi demandé à son modérateur d'écrire au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration pour le presser de mettre en œuvre le processus d'appel prévu par la loi.
    De nombreux membres de notre assemblée générale n'en reviennent pas de l'absence de processus d'appel concernant le bien-fondé d'un cas. Comme l'a dit l'un des commissaires, je peux contester une contravention de stationnement, mais un réfugié ayant subi des pressions insurmontables, la torture et l'intimidation ne peut interjeter appel et remettre en question le bien-fondé d'une décision.
    Il semble que le droit d'interjeter appel concernant le bien-fondé d'une décision est un élément plutôt fondamental de notre appareil judiciaire; cependant, le système exclut certaines des personnes les plus vulnérables de notre monde.
    J'espère que les membres du comité vont appuyer le projet de loi C-280, projet de loi d'initiative parlementaire qui porte sur la mise en œuvre de la Section d'appel des réfugiés.
    Vous vous rappelez peut-être que, en décembre 2004, le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration a adopté à l'unanimité une résolution demandant au ministre de mettre en œuvre le processus d'appel ou de faire part au comité d'une autre proposition. Le processus d'appel n'a pas encore été mis en œuvre, et on n'a présenté aucune autre proposition.
    La Commission interaméricaine des droits de l'homme et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ont tous deux déclaré que l'absence de processus d'appel concernant le bien-fondé d'un cas constitue un défaut majeur de notre système de détermination du statut de réfugié.
    Merci beaucoup.
(0950)
    Merci, monsieur Allen.
    Merci à tous de vos témoignages. Ils étaient très intéressants, vous les avez très bien faits.
    Nous allons passer aux commentaires et aux questions. D'après ma liste, vous êtes le premier, monsieur Wilson.
    Merci à tous d'être venus nous parler et de nous faire part de vos arguments.
    Je dois dire que je respecte profondément la compassion dont vous faites preuve et votre engagement envers la protection des droits de la personne et la quête de justice morale. Le comité, comme vous l'avez mentionné, est évidemment très préoccupé par le processus d'appel pour les réfugiés et par le fait que les demandeurs du statut de réfugié peuvent seulement être entendus d'un membre de la CISR.
    La question que je veux poser aux témoins, compte tenu du fait que le gouvernement actuel s'en tient à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés de 2001, sans créer la section d'appel des réfugiés qu'on a réclamée dans le passé, et vu qu'il y a un arriéré important en ce qui concerne le nombre de demandeurs et les délais de traitement, ainsi que du fait que le ministère aggrave cet arriéré en refusant ou en étant incapable de nommer des personnes à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour s'en occuper, est la suivante: si le ministre ou le nouveau gouvernement mettait en oeuvre le processus d'appel pour les réfugiés, cela suffirait-il pour que les Églises cessent d'offrir un refuge aux demandeurs du statut de réfugié? Si l'on organisait le processus d'appel, les Églises ne seraient-elles plus forcées de se trouver dans cette position? Cela suffirait-il?
    N'importe qui peut répondre aux questions, mais je vais demander à ceux qui les posent de les adresser à une personne en particulier.
(0955)
    Je peux peut-être essayer de formuler une réponse de notre point de vue. Nous avons débattu avec les gens de notre paroisse du fait de pouvoir de nouveau offrir refuge un jour. La réponse a été que cela dépendrait du cas. Si l'on constate l'existence d'un processus d'appel équitable et juste, dont les résultats sont bons, alors je ne pense pas que nous devions offrir un refuge. Cependant, de notre point de vue, la situation sera à évaluer au cas par cas.
    Si vous me permettez de répondre au nom de la Presbyterian Church in Canada, les presbytériens ne sont pas friands d'absolus terrestres. Qu'est-ce que cela veut dire? La question a été posée, à l'occasion de notre assemblée générale, de savoir si, advenant l'existence d'un processus d'appel, on estimerait que le besoin d'offrir un refuge n'existerait plus, et la réponse de l'assemblée générale a été négative.
    Quelqu'un d'autre veut faire un commentaire?
    Madame Macdonald.
    Oui. J'aimerais simplement dire quelque chose à ce sujet.
     Nous avons réfléchi là-dessus. Nous savons que la pression diminuerait certainement, et je pense que notre histoire peut nous renseigner à ce sujet. Depuis 1983, nous avons connu 14 cas, dont six étaient attribuables au fait qu'il n'y aura pas de processus d'appel.
    Nous nous attendons à voir un scénario très différent, mais nous ne croyons pas en des absolus terrestres non plus.
    Quelle est la proportion des gens qui cherchent refuge auprès de vos Églises après avoir décidé ou été en mesure d'obtenir un contrôle judiciaire en Cour fédérale?
    Je sais qu'il s'agit d'une entreprise coûteuse.
    Plus de 90 p. 100 des appels interjetés devant la Cour fédérale ne sont même pas considérés, et encore moins entendus ou examinés. À titre de prétendus recours juridiques, la Cour fédérale est un tribunal de niveau élevé. C'est un peu comme de passer des petites créances à la Cour suprême d'un coup. C'est un processus très lourd, très coûteux. Les avocats doivent y passer beaucoup de temps, et je crois que l'explication est que la Cour fédérale ne veut pas devenir la solution de rechange à la section d'appel des réfugiés prévue par la loi. Elle donne donc une réponse négative. Dans plus de 90 p. 100, elle ne fournit même pas les motifs du refus.
    Mme Leddy souhaite faire un commentaire.
    Il y a aussi le fait que la Cour fédérale ne fait que déterminer si la loi a été appliquée. Elle s'occupe de questions de droit, et non de fait.
    C'est ce que je veux dire lorsque je dis qu'il y a plusieurs avenues, mais qu'elles sont fragmentées et partielles. Ces avenues n'offrent pas un aperçu global du cas qui tiendra compte des questions tant de droit que de fait, de l'information fournie alors, mais aussi de nouveaux renseignements et d'autres considérations. Tout cela forme un tout. Cependant, à l'heure actuelle, il ne s'agit que de fragments.
    Permettez-moi de vous dire que, dans les faits, les médias sont aussi devenus un recours. La plupart d'entre eux diront qu'on laisse ces décisions à notre personnel. Notre personnel fait les frais d'une bonne part des conséquences du fait que le processus d'appel n'est pas adéquat.
    Il reste une minute, Andrew.
    Je tiens à remercier sincèrement les gens qui sont ici de leur travail.
    Le gouvernement précédent a commis une erreur, comme le gouvernement actuel, en ne mettant pas en oeuvre la SAR.
    On n'aurait pas adopté une nouvelle LIPR ne prévoyant qu'un tribunal composé d'un seul commissaire sans processus d'appel. Selon moi et selon la plupart des membres du comité, cela c'est fait de façon furtive.
    Je n'aime pas dire cela, mais les gouvernements passent. Malheureusement, la pensée bureaucratique demeure.
    Je vais revenir sur d'autres points pendant le deuxième volet, mais je veux sincèrement vous remercier tous du travail que vous faites, parce que vous donnez un visage humain au système. Vous aidez les gens qui n'ont plus d'espoir. Dans de nombreux cas, vous réussissez, mais, malheureusement, vous ne pouvez offrir un refuge à suffisamment de personnes.
(1000)
    Merci, Andrew.
    Nous allons maintenant passer à Mme Faille.

[Français]

    Je voudrais remercier de leur témoignage au comité tous les représentants des différentes Églises ici présents.
    La question de la Section d'appel des réfugiés est un dossier qui m'est très cher. Pour avoir travaillé en collaboration avec plusieurs groupes de bénévoles sur la question du refuge sur les lieux de culte  — j'ai maintenant sept dossiers —, je sais le poids qui retombe sur les épaules des bénévoles. C'est un travail assez louable, et je vous remercie de le faire.
    Je dois aussi être d'accord sur ce que Mme Leddy mentionnait: les députés semblent être aussi un recours et nous ne contrôlons pas tous les moyens dont nous disposons.
    Les médias également deviennent un recours, et on trouve cela tout à fait anormal. La section d'appel est donc nécessaire, et je suis heureuse d'avoir à mes côtés ma collègue Nicole Demers, qui a accepté de présenter le projet de loi sur la section d'appel. Je ne sais pas si vous le savez, mais c'était un tirage au sort. Je suis 290e. Les chances que je passe à cette session-ci étaient donc très minces. Toutefois, j'ai une collègue très généreuse qui, je pense, partage mes opinions. Nous avons décidé de demander la mise en vigueur immédiate de certains articles de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Merci du soutien sur le plan de la section d'appel.
    Nous disposons également d'une correspondance avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, qui se dit déçu que le Canada ne mette pas en place la section d'appel et donne les raisons qui militent en faveur de la mise sur pied d'une section d'appel.
    Vous avez beaucoup parlé de la question du refuge dans les lieux de culte, et j'aimerais maintenant vous poser des questions sur l'environnement des réfugiés et tout le contexte de la limitation des droits des réfugiés. Des témoignages troublants ont été faits au comité il y a une semaine, alors qu'on apprenait que les agents d'examen des risques avant renvoi ne suivaient que deux semaines de formation avant d'effectuer des examens des risques avant renvoi.
    À votre avis, deux semaines de formation suffisent-elles pour bien comprendre le contexte de l'environnement potentiel d'une personne qui demande la protection et le statut de réfugié?
     Madame Leddy, vous êtes déjà venue parler au comité pour nous mettre en garde à propos de la mise en vigueur de l'Entente sur les tiers pays sûrs. Deux ans après la mise en vigueur de la loi, avez-vous certaines opinions à ce sujet?
    Merci.

[Traduction]

    Je suppose que je dois vous remercier de votre question.
    Lorsque j'ai parlé du tiers pays sûr devant le comité, nous avons fait certaines prédictions qui se sont toutes réalisées. Le nombre de réfugiés à s'établir au Canada a chuté de façon spectaculaire, de 50 p. 100 selon certains; je crois que c'est encore plus que cela. On empêche beaucoup de gens de quitter, même, leur pays.
    Encore une fois, cela s'est fait de façon furtive. Je pense que si l'on avait dit aux Canadiens, de but en blanc: « Nous fermons la porte à 50 p. 100 des réfugiés », la plupart des Canadiens se seraient mis en colère. La plupart des Canadiens ont une réaction convenable lorsqu'on les met devant ce genre de situation.
    L'autre prédiction que nous avons formulée concernait le nombre de personnes désespérées qui tenteraient alors d'entrer illégalement au Canada, et nous disposons de preuves empiriques de ce phénomène, fournies par des gens qui sont arrivés ici.
    Je vais vous donner un exemple très concret. Hier, une famille est venue frapper à notre porte, une mère, un père et un petit garçon de Colombie. La Colombie ne figure pas sur la liste des pays dont nous laissons entrer les réfugiés. Le pays fait face à un problème très grave. Les réfugiés colombiens ne sont pas admis aux États-Unis, parce que le gouvernement américain dit que la Colombie est un pays stable.
    Désespérés, cette mère, ce père et ce petit garçon se sont cachés dans les bois du côté américain. Un train est passé sur un pont -- avec une rivière quelques centaines de pieds en dessous -- et eux ont sauté sur le train. Les parents se sont accrochés au train, avec le petit garçon sur le dos, ont compté jusqu'à 20 -- je pense que c'est ce qu'ils ont dit -- avant de sauter comme on leur avait dit; ils se sont ensuite cachés dans les bois du côté canadien.
    C'est ce genre de chose que les gens font. Il y a aussi des passeurs qui font beaucoup d'argent. Nous savons, d'après l'histoire, ce qui se passe en temps de prohibition: les escrocs font des bonnes affaires; on paie des milliers de dollars pour faire passer des gens à des postes frontaliers éloignés; des milliers de dollars pour remplir des autobus de voyageurs qui passent par des endroits plus fréquentés. Mais ce qui me dérange le plus, c'est qu'on force des gens à sauter sur des trains ou à se cacher sous des camions. Ce sont des choses qui se produisent réellement.
    Je sais que personne d'entre vous n'aime ce genre de chose; nous valons mieux que cela. Lorsque leur vie est menacée, les gens devraient pouvoir aller voir un agent qui nous représente et lui dire: « Voici les raisons pour lesquelles j'ai peur » et « Voici pourquoi j'ai besoin de la protection de votre gouvernement ». La corruption a augmenté, le danger a augmenté et je crains que nous n'entendions pas parler de ceux qui sont morts. Nous savons qu'une personne s'est noyée dans la rivière. Nous savons que, dans d'autres pays, lorsque les agents abordent un bateau où se trouvent des immigrants illégaux, ils les jettent par-dessus bord. Nous n'entendons pas parler de ces histoires.
(1005)
    Merci, madame Leddy.
    Nous allons maintenant passer à M. Siksay.
    Merci, monsieur le président.
    C'est époustouflant, parce que nous avions peur que des histoires du genre se produisent lorsque nous avons entendu parler de l'entente sur les tiers pays sûrs. Nous avions peur parce que nous savions que cela allait se produire, mais nous nous y attendions.
    Je tiens à vous remercier tous d'être venus ici ce matin et d'avoir fait des déclarations si bien formulées et si émouvantes. Je crois qu'il est vraiment important que nous comprenions tous qu'il s'agit d'une chose que les Églises ne font qu'après y avoir réfléchi et avec prudence. Par ailleurs, j'espère que nous comprenons tous l'engagement important que ce geste suppose.
    J'ai participé de très loin à un cas de refuge, à titre d'adepte d'une congrégation de Vancouver à la Trinity United Church et la St. Mark's Anglican Church. C'était le cas d'une femme du Salvador qui avait cinq ou six enfants, ce qui représentait une charge très lourde pour la congrégation en question, et l'affaire a duré assez longtemps. Je suis au courant des problèmes qui sont liés à ce genre d'affaires, du moins pour les avoir constatés de loin.
    Je voulais poser une question précise sur la situation de l'Église unie Saint-Pierre de Québec, la congrégation où Mohamed Cherfi a trouvé refuge. Je crois qu'il s'agit de la seule affaire au Canada où des agents ont pénétré dans une église pour aller chercher une personne qui avait demandé refuge. Je me demandais si Heather ou quelqu'un d'autre pouvait nous en dire davantage sur cette affaire et ce qui s'est produit là-bas.
    Oui. Nous avons offert un refuge à un jeune homme. C'était presque de la collusion. Je sais que je devrais utiliser ce mot avec prudence, mais on l'a forcé à sortir de l'église sans aucune négociation. La police de Québec est entrée en alléguant qu'il avait omis de signaler son changement d'adresse. On l'a forcé à sortir de l'église, et on l'a immédiatement remis aux autorités de l'immigration. On a retiré toutes les accusations au pénal.
    On a expulsé M. Cherfi vers États-Unis, où, soit dit en passant, on lui a reconnu le statut de réfugié. Il a présenté une demande pour revenir au Canada, et nous sommes tout à fait en faveur de son retour.
(1010)
    Quelqu'un a-t-il connaissance d'une autre occasion où des agents sont allés chercher une personne ayant trouvé refuge dans une église?
    D'après ce que je sais, c'est la seule fois que cela s'est produit.
    Je pense que M. Allen aimerait faire un commentaire, monsieur Siksay.
    Une remarque concernant l'entente sur les tiers pays sûrs: Amnistie internationale, le Conseil canadien des Églises et le Conseil canadien pour les réfugiés ont intenté une action en justice pour contester l'entente, parce qu'elle viole notre charte, selon eux.
    Dans le cas des demandeurs colombiens, par exemple, le Canada admet plus de 80 p. 100 des demandeurs d'asile, des personnes qui demandent le statut de réfugié ici. Aux États-Unis, c'est beaucoup moins de 40 p. 100.
    Le Canada tient aussi compte de la persécution fondée sur le sexe. Le Canada fait beaucoup de bonnes choses à l'échelle internationale. Nos voisins du Sud ont une vision beaucoup moins généreuse de la persécution fondée sur le sexe. Une action en justice vient d'être lancée au sujet de ce fondement. Je crois que l'affaire est devant la Cour d'appel fédérale à l'heure actuelle, et nous allons voir quel sera le résultat pour toutes les raisons éthiques et théologiques que vous avez entendues ce matin.
    Je veux en revenir à la question de l'action policière. A-t-on déjà poursuivi, au Canada, une personne ayant aidé un étranger qui demandait refuge?
    Pas que je sache. Je sais que l'Église unie a proposé ma candidature.
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Heather Macdonald: Non. Je crois que je serai la première à qui cela arriverait.
    J'ai vu le document que l'Église unie a produit, Heather, et je pense que vous y avez travaillé.
    Oui.
    Ce document parle de la situation aux États-Unis et en Grande-Bretagne, où la situation est différente. Pouvez-vous nous parler un peu de ce qui s'est passé là-bas?
    On a poursuivi plusieurs prêtres aux États-Unis au début des années 80, ainsi qu'en Grande-Bretagne, je pense. Nous avons averti tous nos ministres du culte que s'ils posent le type de geste en question, ils doivent savoir que cela peut se produire.
    Cela vous semblera étrange, mais il peut y avoir des conséquences pour leur pension, parce que nous devons passer par des procédures judiciaires concernant la personne qui n'est pas responsable ou qui se trouve en prison. Nous savons que nous nous exposons à des amendes importantes. Il y a une menace d'emprisonnement. Nous avons même pensé aux autres infractions, comme le fait que l'église devienne un lieu de résidence dans une zone non résidentielle. Nous le faisons en sachant cela, en espérant qu'il ne se passe rien de fâcheux. Nous pensons qu'il s'agirait d'un suicide politique pour l'instigateur. Oui, nous l'assumons; cela pèse lourd sur nos épaules. Nous espérons que cela ne se produise pas.
    Vous avez parlé de la famille Raza à Winnipeg, et vous nous avez montré la photo de cette famille.
    Parlez-vous de la famille à qui nous enseignons quotidiennement, avec les six enfants?
    Oui. Je viens de recevoir une réponse du ministre à une lettre que j'ai écrite au nom de cette famille, et le ministre utilise l'expression « des gens qui se cachent dans des églises ». Il utilise cette expression à plusieurs reprises dans sa lettre.
    J'aimerais que vous me fassiez part de votre réaction. Ces mots me semblent un peu durs. Compte tenu de ce que vous avez dit, ou peut-être s'agissait-il d'une autre personne -- que cela s'est fait ouvertement, et qu'il n'y a pas eu tentative de faire cela clandestinement ou quoi que ce soit d'autre -- cela semble contraire à l'expression « se cacher dans les églises ». J'aimerais connaître votre réaction là-dessus.
    Oui. Je dirais que c'est malheureux que le ministre ait employé cette expression, parce que, dès le premier jour, nous avons avisé le ministère de l'Immigration et le ministre de ce qui se passait. J'ai écrit au moins trois lettres. Des députés ont écrit des lettres. Notre modérateur -- c'est-à-dire le chef de l'Église unie du Canada -- a écrit une lettre; des ministres du culte de partout au pays ont écrit des lettres, ainsi que certaines congrégations et personnes. On nous ignore tous de la même façon.
    Nous croyons qu'il y a des possibilités à explorer pour cette famille. Nous sommes prêts à collaborer avec le gouvernement, mais le gouvernement ne veut pas s'engager, alors nous continuons d'essayer de déterminer ce qu'il faut faire. Nous avons l'impression d'avoir été balayés du revers de la main, qu'on ne se préoccupe pas des besoins de cette famille.
    Y a-t-il beaucoup de congrégations ou de paroisses qui ont offert un refuge à des étrangers plus d'une fois? Y a-t-il des endroits où cela se produit fréquemment? J'ai l'impression de ne pas en avoir entendu parler. Je ne connais pas les cas par coeur. Compte tenu de l'engagement nécessaire, je suis sûr que c'est...
(1015)
    Il y a une église de Montréal qui l'a peut-être fait trois fois. Il s'agit à ma connaissance de la seule église du Canada à avoir fait cela depuis environ 20 ans.
    Vous parlez de l'Union United Church.
    Merci.
    Merci, monsieur Siksay.
    Nous pouvons passer à M. Komarnicki.
    Merci de votre excellent témoignage et de certains des arguments convaincants qui expliquent que vous pensez que le refuge est une possibilité qu'on devrait envisager. Je suis heureux d'entendre qu'il s'agit d'un dernier recours et d'une chose qu'on ne fait pas sans réfléchir comme il faut.
    Vous êtes aussi préoccupés, bien entendu, comme M. Allen l'a dit, par l'intégrité du système, dans son état actuel. J'ai l'impression que, même si l'on devait mettre en oeuvre la SAR, cela ne voudrait pas nécessairement dire, comme vous l'avez mentionné, qu'il n'y aurait plus de cas de refuge, parce qu'on procéderait toujours à une détermination au cas par cas.
    Est-ce que les divers groupes d'Églises se sont réunis pour tenter d'établir -- non pas au sein de leurs propres groupes confessionnels, mais plutôt au sein d'un regroupement des différentes confessions -- une espèce de protocole que vous pourriez adapter et suivre, pour donner une certaine objectivité à une demande, et y a-t-il des éléments de formation en jeu?
    C'est un principe dont je suppose qu'il serait connu. Je sais que c'est un défi énorme, et, évidemment, cela exerce une pression importante sur vous et sur vos ressources. Vous participeriez probablement au processus, que la SAR existe ou non. Peut-être l'un d'entre vous souhaite-t-il formuler un commentaire à ce sujet.
    L'autre aspect de ma question porte sur les commentaires, et le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a dit qu'on voit souvent les politiques et les pratiques canadiennes comme un exemple pour les autres pays; on reconnaît le système canadien comme un système équitable, par comparaison avec les autres. Je pense que c'est Mme Leddy qui a dit qu'il y avait une myriade de possibilités.
    Peut-être devons-nous déterminer s'il existe une meilleure manière de faire les choses, mais, de mon point de vue, il est possible de présenter une demande du statut de réfugié; il y a une personne pour la recevoir, et vous pouvez désapprouver sa façon d'évaluer les éléments de preuve, mais, au bout du compte, cette personne prend une décision; puis, on procède à l'évaluation des risques avant renvoi selon un quelconque fondement objectif, que vous pouvez approuver ou non; après cela, on peut éventuellement présenter une demande justifiée par des raisons d'ordre humanitaire. Enfin, la personne responsable exerce son pouvoir discrétionnaire, et le ministre peut délivrer un certificat ou non.
    Au-delà de ce système, il y a aussi la possibilité d'interjeter appel devant la Cour fédérale du Canada, malgré le fait que ce tribunal s'occupe de questions de droit et que les recours sont en quelque sorte limités. Il y aurait aussi un processus relatif à la SAR.
    Si tout cela était mis en oeuvre, il s'agirait, comme vous le dites, d'une démarche fragmentée, mais j'ai l'impression que vous êtes davantage intéressés à un deuxième regard qui transcende le droit et les faits. Êtes-vous prêt à envisager le système de recours disponibles et à le ramener à une audience portant sur les faits, puis, peut-être, à un second coup d'oeil rapide par une autre personne, plutôt que par le juge d'un tribunal?
    J'aimerais savoir ce que vous pensez à ce sujet.
    Je pense que vous entrez dans le vif du sujet. Il arrive parfois que les gens contestent un déficit judiciaire, mais, de mon point de vue, l'injustice tient plutôt, à l'heure actuelle, à l'inefficacité du système.
    Vous parlez de toutes sortes de possibilités, et vous avez raison, mais il faut tenir compte du facteur temps des différents recours. L'appel devant la Cour fédérale, par exemple, doit être interjeté dans les 15 jours suivant une décision négative. On peut présenter une demande pour motifs d'ordre humanitaire. C'est très coûteux, et il faut parfois jusqu'à deux ans avant même qu'on la lise. Après deux ans, la personne n'est peut-être déjà plus là.
    C'est l'inefficacité du système qui pousse les gens à demander refuge dans les églises. Il y a un autre délai pour l'ERAR, et il y a conflit, et les gens constatent qu'on ne peut envisager leur cas dans son ensemble, parce que les délais sont si variables.
    Je crois que, ce qui serait efficace, ce serait d'avoir un seul processus d'appel qui regroupe toutes ces choses. Je crois vraiment que cela coûterait moins cher que le système actuel, qui consiste à avoir un bureau à Vegreville, un bureau à Scarborough pour les demandes pour motifs humanitaires, un bureau pour l'ERAR à l'aéroport, et encore l'ensemble du système de la Cour fédérale, et encore l'ensemble des députés qui doivent embaucher deux fois plus de personnel pour s'occuper de ces cas.
    Tout cela n'est pas efficace, et c'est le manque d'efficacité qui est à l'origine de l'injustice, à mon avis.
(1020)
    Vous pourriez peut-être formuler un commentaire au sujet du protocole commun aux différents groupes confessionnels.
    Ce n'est peut-être pas à vous que je m'adressais, mais j'ai parlé du fait, pour les différents groupes confessionnels, de se doter d'un protocole qui vous réunirait pour que vous puissiez déterminer les cas à envisager pour le refuge, en fonction de tel ou tel objectif ou de telle ou telle situation.
    Je vais laisser les autres parler, mais je pense que nous avons une vision commune. La plupart d'entre nous utilisons les lignes directrices de l'Église unie. Nous n'arriverions jamais à passer à travers cela sans nous adresser à plusieurs organismes responsables et sans examiner un cas de façon objective.
    Je peux vous dire que, à Toronto, si une personne frappe à notre porte, j'aiguille toujours la personne de la congrégation vers une coalition interconfessionnelle qui s'occupe des demandes de refuge à Toronto. À Vancouver, je les aiguille vers Amnistie ou vers un autre groupe. J'ai aussi beaucoup travaillé avec les Unitariens. Nous ne faisons pas les choses chacun de notre côté; nous pouvons en apprendre des autres et profiter de l'expertise les uns les autres. Ce n'est pas quelque chose qu'on veut faire seul.
    Nous ne sommes pas toujours au courant de tout tout le temps, parce qu'il est très difficile de savoir tout ce qui se passe au pays. À l'heure actuelle, je pense qu'il y a huit cas, la plupart concernent l'Église anglicane, mais il y a aussi les cas concernant l'Église catholique romaine, l'Église baptiste et l'Église unie. Nous essayons de nous consulter autant que possible et d'avoir un protocole commun.
    Monsieur Allen, vous avez la parole.
    En ce qui concerne notre groupe confessionnel, je crois que les renseignements, les idées et le soutien des autres paroisses, congrégations et des autres groupes confessionnels seraient appréciés. Cependant, la décision finale d'offrir un refuge ou non appartiendrait à la congrégation, qui serait appuyée dans cette décision par le consistoire. C'est ce que nos politiques permettent de faire.
    Merci, monsieur Gauthier.
    Tout le monde veut intervenir, monsieur Komarnicki, et je vais donc donner la parole à M. Gauthier, ainsi qu'à M. Nagy.
    Nous allons devoir passer à M. Telegdi.
    Mme Leddy a souligné les difficultés que présente le processus au sein du système, et la fragmentation de celui-ci. Selon notre expérience, le processus de renvoi fonctionne très bien: de 12 à 14 mois après une décision négative, la personne est renvoyée du pays. Cependant, il faut jusqu'à trois ans pour examiner une demande pour motifs d'ordre humanitaire; le délai avant l'audience initiale est aussi d'environ deux à trois ans.
    Il y a, dans le processus, un manque d'efficacité qui empêche les gens de pouvoir porter leur cas devant la Cour fédérale et ainsi d'interjeter appel. Ils sont chanceux si on leur prête une oreille amicale dans le quartier où ils vivent. Rares sont les Églises où il y a un comité pour les réfugiés qui connaît le système et qui possède une expérience de rencontre avec des réfugiés, sait comment les écouter, faire preuve d'empathie et les comprendre, malgré tous les problèmes de communication -- parce qu'ils viennent juste d'arriver, et que beaucoup d'entre eux ne parlent pas couramment français ou anglais. Ce n'est pas une tâche facile.
    Je vais devoir vous demander de répondre brièvement, parce que plusieurs d'entre vous veulent intervenir; une brève réponse de votre part, monsieur Walt, puis ce sera M. Nagy et M. Telegdi.
    Tout ce que je veux dire, c'est que, de mon point de vue, la demande ne ralentit pas du tout le processus de renvoi. Dans le cas qui nous occupe, nos agents remettraient M. Nano au gouvernement éthiopien et remettraient son passeport, et cela ne serait pas une scène agréable à regarder.
    Merci.
    Monsieur Nagy.
    Je veux faire le lien avec l'offre que la ministre Sgro a faite il y a quelques années. Le danger est que les Églises finissent par faire partie du processus de façon semi officielle, ce qui est la dernière chose que nous souhaitons. C'est avec réticence que nous nous occupons d'offrir un refuge; cela devrait être clair.
    Merci.
    Monsieur Telegdi.
    Merci, monsieur le président.
    On a plusieurs fois mal prononcé le nom de M. Nagy. Cela se prononce Nagy. Je reviens de Hongrie, et je voulais indiquer quelle était la bonne prononciation aux fins du compte rendu.
    Il y a tant d'émotions liées aux cas dont nous parlons, et on s'engage tellement. Je sais d'expérience que, lorsqu'on constate qu'une décision est de toute évidence mauvaise, on tente de corriger cette situation particulière.
    Vous avez vraiment bien documenté toutes les questions liées au problème et les éléments à modifier dans le système de détermination du statut de réfugié. En ce qui concerne les nominations politiques et les personnes qui voient leur mandat reconduit, nous n'accepterions jamais de voir nos juges nommés de nouveau tous les quatre ans. Cela n'a tout simplement pas de sens. Lorsque les membres de la CISR souhaitent qu'on reconduise leur mandat, ils ont l'impression qu'ils doivent plaire au gouvernement en place, pour ainsi dire. À mon avis, ce n'est vraiment pas la bonne façon de faire les choses. Ce n'est pas comme cela que le système de justice devrait fonctionner.
    Il est tout à fait inexact de dire que notre système est juste et équitable, parce qu'il est impossible d'avoir un tel système sans possibilité d'appel.
    Vous nous avez parlé du fait que, en 2004, le Comité de la citoyenneté et de l'immigration a voté à l'unanimité en faveur de la mise en oeuvre de la SAR. J'espère que, lorsqu'on soulèvera de nouveau la question, nous allons encore une fois adopter à l'unanimité une motion pour demander au gouvernement de mettre en oeuvre la SAR. Selon les témoignages que nous avons entendus, si le système était davantage équitable, nous pourrions procéder plus rapidement et réduire les coûts, parce que la Cour fédérale n'aurait pas à entendre d'appel, chose que ce tribunal ne veut pas faire, de toute façon.
    Je suis convaincu que vous avez refusé d'offrir un refuge à bon nombre de personnes. Ce que vous faites exige un effort considérable. J'espère vraiment qu'on entendra davantage parler de votre rôle de défenseur des intérêts des réfugiés dans l'arène publique, parce que l'idée que les gens se font de notre système prétendument juste et équitable doit changer. C'est difficile à réaliser pour des cas particuliers, mais je pense que les Églises pourraient se rassembler et se doter d'un organe d'action politique, si vous me permettez l'expression, organe tout à fait neutre, mais qui ferait avancer les questions auxquelles vous travaillez tous et en lesquelles vous croyez.
    Je me demandais si vous aviez un commentaire à formuler à ce sujet.
(1025)
    Monsieur Gauthier.
    J'aimerais tous vous inviter à une rencontre publique de défense de droits des réfugiés que nous tiendrons le 15 novembre à l'église Saint-Joseph, et à l'occasion de laquelle nous aurons le plaisir de raconter une histoire et quelques anecdotes, ainsi que d'offrir aux gens la possibilité de poser des questions et d'y répondre au sujet du dilemme auquel font face les réfugiés, d'après le livre de Peter Showler, Refugee Sandwich.
    Pour répondre à votre question, c'est un peu comme ce que Yogi Berra a déjà dit: « tout cela est encore une fois du déjà vu ».
    Au cours de l'automne 2004 et de l'hiver 2005, KAIROS, les Initiatives canadiennes oecuméniques pour la justice, réunissant les Églises et leurs organismes de développement, ont lancé une campagne de pétition. Cela a fait suite à la rencontre des chefs des Églises et du ministre à l'été 2004. La pétition demandait la mise en oeuvre de la section d'appel des réfugiés.
    Plus de 25 000 Canadiens ont signé la pétition. Les questions qui touchent les réfugiés ne sont pas nécessairement les plus importantes dans l'esprit et dans le coeur de bon nombre de Canadiens. Lorsque j'ai tenu des ateliers à l'échelle du pays -- j'apprenais alors des choses sur ces questions -- j'ai constaté que les gens apprenaient diverses choses au sujet des obligations du Canada découlant du droit international et de notre Charte et qu'ils apprenaient des choses au sujet de notre prochain et de qui notre prochain pourrait être. Cela a été une révélation pour de nombreux membres de notre groupe confessionnel.
    Vingt-cinq mille Canadiens ont donc signé la pétition. On a présenté les pétitions à la Chambre des communes en avril et juin 2005; elles ont été officiellement déposées. La réaction du ministre à l'époque a été que le système, même sans possibilité d'appel -- et je cite -- « fournit une protection efficace aux gens qui en ont besoin ».
(1030)
    Merci.
    Madame Leddy, vous aviez un commentaire à formuler. Nous passerons ensuite à M. Devolin.
    En réponse à votre question au sujet du système juste et équitable, je crois que les Canadiens entretiennent un mythe d'innocence. Le juge Thomas Berger, de la Colombie-Britannique, a documenté le fait que les Canadiens devenaient davantage intolérants que les autres en temps de perturbations sociales. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, nous avons interné les Canadiens d'origine japonaise; nous avons été le pays le moins accueillant de l'Occident pour les réfugiés juifs; nous avons eu recours à la Loi sur les mesures de guerre et nous avons mal agi envers les témoins de Jéhovah du Québec lorsqu'il y a eu des perturbations sociales.
    Je crois que ce qui se passe à l'heure actuelle est semblable. Nous donnons l'impression d'avoir un système de détermination du statut de réfugié, mais, en réalité, la vaste majorité des décisions sont prises à l'étranger, des agents d'immigration et des agents des lignes aériennes empêchant les gens de monter à bord d'avion, en ne leur demandant jamais pourquoi ils veulent venir ici. Ce sont eux qui déterminent qui est un réfugié, à l'étranger, loin des regards.
    Je vais vous donner un exemple très concret. Au cours de l'un des génocides au Burundi, une famille a essayé de quitter le pays en passant par l'ambassade canadienne. L'agent à qui ces gens ont parlé a tout simplement dit: il n'y a pas de problèmes ici. Je ne vous donnerai pas de visa. L'ambassade américaine a fermé ses portes le même jour, en raison du danger qui menaçait la capitale. C'est là que les vraies choses se passent.
    Permettez-moi d'ajouter que nous sommes très efficaces lorsqu'il s'agit de formuler des politiques d'interdiction, de tenir les gens loin de nos côtes. Nous sommes aussi en train de devenir très bons à ne pas permettre le parrainage au Canada. On me dit qu'il y a maintenant un délai de quatre à cinq ans pour le traitement de toute demande de parrainage que je voudrais présenter. On m'a dit d'en faire deux fois moins.
    Chaque jour, les représentants de congrégations m'appellent pour me demander s'ils peuvent venir en aide à une personne recommandée par un agent des visas. La réponse est non. C'est terriblement frustrant pour nous de ne pas pouvoir joindre le monde comme nous pensons que c'est notre devoir de le faire.
    Merci, madame MacDonald.
    Monsieur Devolin.
    Merci d'être ici aujourd'hui. Il s'agit d'un sujet difficile, et les témoignages que j'ai entendus m'ont beaucoup intéressé, ainsi, comme on l'a déjà dit, que les histoires très convaincantes qu'on a racontées.
    L'une des choses qui sont difficiles pour la sixième personne à poser des questions est qu'il faut réfléchir à de nouvelles questions, après que toutes les autres questions que l'on souhaitait poser l'ont déjà été.
    Lorsque j'écoutais vos témoignages, j'ai compris qu'il y a véritablement deux questions connexes. La première question est celle du refuge, qui vient avant le Canada. Ce que je veux dire, c'est qu'elle précède non seulement nos politiques actuelles concernant les réfugiés, mais aussi le pays dans l'ensemble. Je respecte le fait que les Églises pensent qu'elles ont le droit et la responsabilité de s'occuper du concept de refuge et d'offrir un refuge parfois. Je comprends aussi que vous n'avez pas l'impression d'avoir le droit de négocier cela ou de négocier des quotas quant au nombre de personnes à qui vous offrirez un refuge. Je vois là une incompatibilité fondamentale.
    La deuxième question porte sur les politiques publiques concernant le processus de détermination du statut de réfugié au Canada. Je ne suis membre du comité que depuis six mois, et je prends connaissance de la complexité de ces questions, et, parfois, je vous le dis franchement, de l'absurdité de l'application de processus qui prennent des années et des années, alors qu'il faut répondre à des questions qui semblaient au départ tout à fait évidentes. Je l'ai déjà dit: plus je passe de temps à Ottawa, plus les sketches de Monty Python ont du sens.
    Le Parlement a souhaité la mise en oeuvre de la SAR, mais le gouvernement ne s'est pas exécuté. Voici la question que je pose, d'un point de vue non partisan. Vous qui êtes les intervenants du domaine, pourquoi croyez-vous que cela s'est produit? Pourquoi pensez-vous qu'on n'a pas mis en oeuvre la SAR, alors que le Parlement avait décidé qu'on le ferait il y a quatre ans? J'aimerais que quiconque est intéressé me donne une réponse brève.
(1035)
    Au départ, l'excuse qu'on a donnée, c'est qu'on voulait s'occuper de l'arriéré énorme dans le système. Puis c'est devenu une question d'efficacité. On a en fait parlé de la grande efficacité de ne pas avoir de SAR; nous effectuons une meilleure gestion du système.
    Je crois que cela a probablement trait aux ressources. Peut-être cela va-t-il au-delà des ressources. Il se pourrait que ce soit une question idéologique, mais je pense qu'il s'agit d'une question de ressources.
    Certains d'entre vous avez fait allusion à cela, mais je pense que les choses vont devenir de plus en plus claires à mesure que vous passez du temps à Ottawa. En ce qui concerne le SAR, je pense que l'intention est de nommer les juges ou les membres du tribunal d'appel. Ceux-ci ne feraient pas partie de la fonction publique. Après 15 ans, je vois comme étant sous-jacent à de nombreux problèmes le conflit entre le fait que d'importantes décisions au sujet de la vie des gens soient prises par des civils nommés par le gouvernement et qui, si incompétents soient-ils, doivent toujours rendre des comptes au gouvernement, et le fait que la fonction publique aimerait gérer le processus et en faire son territoire et son droit.
    En général, j'éprouve une certaine empathie pour ces gens, parce que je pense que leur charge de travail est trop grande, mais j'ai tout de même entendu certains d'entre eux dire: « Les politiciens sont les locataires; nous sommes les propriétaires. » Et je crois que c'est sous-jacent au problème qui nous occupe.
    Est-ce qu'il me reste du temps pour une question rapide?
    Vous avez une minute, puis nous allons passer à Mme Faille.
    L'autre recoupement que je vois, c'est que, aujourd'hui, nous parlons des réfugiés, mais il arrive aussi que nous parlions d'immigration et que nous tombions d'accord sur le fait que le Canada a besoin d'accueillir davantage de gens. Je dis toujours que lorsque je serai vieux, je veux que quelqu'un paie des impôts et s'occupe de moi. Ma femme et moi avons fait des enfants pour nous remplacer, mais il ne semble pas que tous les Canadiens le font.
    Je vais illustrer mon idée par un exemple fictif. Disons qu'un poseur de cloisons sèches portugais demande le statut de réfugié au Canada, et que nous lancions un processus de cinq ans pour déterminer si oui ou non il peut être considéré comme un réfugié. Nous décidons qu'il n'est pas un réfugié et nous le renvoyons chez lui. Entre temps, une intense pénurie de poseur de cloisons sèches sévit au Canada. Je comprends que la politique de détermination du statut de réfugié n'est pas fondée sur les besoins économiques du Canada; elle est fondée sur l'autre partie de la réalité. Ce dont j'ai l'impression, c'est que le système canadien, tant de l'immigration que de détermination du statut de réfugié, est fait pour empêcher les gens de venir ici. C'est comme un barrage sur une rivière, et nous contrôlons le débit. À mon avis, l'ironie du sort est que nous avons besoin de davantage de gens à l'heure actuelle, et nous avons ces systèmes complexes et coûteux qui servent à trouver des moyens de les empêcher de venir ici.
    Je me demandais si quelqu'un avait un commentaire à formuler là-dessus.
    J'aimerais faire un commentaire.
    Dans le cas dont nous nous occupons, le cas de Moti Nano, nous avons récemment décidé de lui trouver un nouveau conseiller juridique -- avec son accord, bien sûr. Cependant, avec le recul, le temps et l'argent que le gouvernement et lui ont consacré à ce processus...
    Pendant ce temps, notre nouveau conseiller juridique nous a avisés du fait que M. Nano pourrait très bien être admis à titre d'immigrant. S'il présentait une demande d'immigration, il serait probablement admis; cependant, selon les règles, il ne peut présenter une demande d'immigration pendant qu'il se trouve au Canada.
    On se ressaisit et on se demande ce qui se passe; cet homme pourrait être un membre très productif de notre société, il l'était déjà. Il semble pourtant que nous ayons d'autres idées simplement pour préserver un système en place.
    Permettez-moi de parler de la famille Raza.
    Il y a tellement de personnes qui veulent intervenir...
    Les membres de cette famille travaillent depuis qu'ils sont arrivés au Canada.
    ...que je n'arrive plus à suivre avec mon horloge.
    Leur employeur leur garantit un emploi. Ils font face à un ordre de renvoi. Ils vivent dans une église. Certains de leurs enfants sont nés au Canada.
    Il n'y a même pas une liste sur laquelle cette famille pourrait mettre son nom, au sein du système d'immigration. Ils font partie de la main-d'oeuvre qui a bâti le pays. Ils n'ont pas les qualifications pour appartenir à l'élite. Ils veulent seulement avoir un avenir.
    D'accord.
    Je crois qu'il y a souvent des stéréotypes entourant cette question. Pour parler de la maison où je vis à l'heure actuelle, il y a trois médecins, un avocat et un ingénieur spécialiste d'AutoCAD. Ils auraient tous pu être admis facilement à titre d'immigrant. Ils n'ont cependant pas eu le temps de présenter une demande.
    Ce n'est pas comme si tous les réfugiés étaient des poseurs de cloisons sèches portugais. Il y a aussi des gens qui sont des immigrants.
(1040)
    D'accord.
    Monsieur Allen.
    Il ne fait aucun doute qu'on pourrait apporter des modifications à notre système d'immigration, mais je pense que nous avons la responsabilité, nous, à titre de membres d'Églises, et vous, à titre de représentants élus, de nous assurer que les Canadiens comprennent que les immigrants sont ici pour une raison précise, mais que les réfugiés sont ici parce qu'ils ont peur d'être persécutés.
    Nous ne devrions jamais cesser de le dire: il y a deux catégories de personnes dont les problèmes sont vraiment différents. Il ne faut pas mélanger ces deux questions.
    Merci.
    D'accord.
    Madame Faille, peut-être pouvez-vous prendre trois ou quatre minutes, de façon que nous puissions passer d'une personne à l'autre et voir s'il est possible d'écouter tout le monde pendant un second volet.

[Français]

    Une de mes préoccupations a trait aux décisions prises par les commissaires. Au début de mon mandat, on a eu à se pencher sur une liste de décisions négatives prises par les commissaires. Lorsque des réfugiés venaient me rencontrer à mon bureau parce qu'ils avaient reçu une décision négative, je leur demandais quel commissaire avait entendu leur cause. Selon le commissaire qui avait entendu leur cause, je savais quels étaient les motifs de cette décision négative.
    À titre d'exemple, le cas de M. Belaouni, à Montréal, avait été étudié par un dénommé Laurier Thibault, qui était commissaire. Pendant toute la durée de son mandat, il n'a accepté qu'un seul réfugié. Son taux de refus était donc de près de 100 p. 100.
     M. Belaouni est un Algérien. La décision de M. Thibault était basée sur le fait que le gouvernement algérien avait promis d'instaurer des programmes pour les personnes aveugles. C'était une promesse électorale qui n'a pas nécessairement été réalisée. La personne a donc été refusée parce que l'amélioration des conditions en Algérie était probable.
    M. Belaouni a été appuyé par 40 organismes de Montréal. Nous avons écrit au bureau du ministre, et la réponse a été semblable à celle que Bill a reçue, soit que le ministère n'avait pas fait d'erreur et que cette personne avait été refusée pour des motifs raisonnables. Cette personne est depuis un an dans une église et a demandé qu'on la protège. Un groupe de citoyens de la région fait cela. Je voudrais ajouter que c'est une autre raison pour laquelle les nominations de commissaires ne devraient pas être des nominations partisanes.
    Mon collègue parle de la question économique. Une autre étude a été réalisée sur la question des réfugiés, qui démontre qu'ils n'ont pas un profil différent de celui des immigrants. Ces gens ne sont pas nécessairement prestataires de l'assistance sociale. Ils ne le sont pas tous; ils ne le sont pas plus que les autres.
    D'ailleurs, nous avons ici, au comité, deux collègues qui ont été des réfugiés. Il y en a un de chaque côté. Je ne veux pas faire de politique, mais compte tenu du fait que j'ai très peu de temps, je voudrais m'assurer qu'on prenne en considération le fait que la contribution des personnes réfugiées qui viennent demander notre protection est importante. Ces gens veulent réussir ici.
    J'aimerais entendre quelques témoignages de votre part sur l'état d'esprit de ces personnes lorsqu'elles arrivent et sur la volonté qu'elles ont de réussir.

[Traduction]

    D'accord, merci.
    Monsieur Nagy.
    Monsieur Mia, comme je l'ai déjà dit, est un cuisinier qui ne sait ni lire ni écrire. Il a quatre enfants, et ses quatre enfants et lui travaillent à temps plein. Les quatre enfants vont à l'école, dont deux à temps plein. Le mois dernier, ils ont acheté une maison. Ce n'est donc pas juste le réfugié; c'est aussi la famille. L'un des garçons s'inscrira à Carleton, aussitôt qu'il aura passé le test TOEFL, pour poursuivre ses études en génie chimique.
(1045)
    M. Komarnicki, M. Siksay, et je pense que nous allons devoir conclure.
    Pour poursuivre un peu sur ce que nous disions, j'ai été encouragé d'apprendre que la personne qui prend la décision finale quant à l'appui offert par une congrégation à un réfugié n'est pas nécessairement la première personne que le réfugié rencontre, mais qu'il y a un processus au sein de la congrégation qui remet évidemment les choses à un niveau où il y a un respect non seulement pour l'endroit, mais aussi pour le processus au sein de l'endroit. Je crois qu'il s'agit vraiment là d'un des fondements du processus.
    Avez-vous effectué une étude comparative du fonctionnement du système canadien, en relation avec les systèmes d'autres pays, comme les États-Unis, et de la manière dont notre processus se compare au leur? Je me demande si, au bout du compte, cela ne se réduit pas au fait que si nous apportons les améliorations que vous proposez -- concernant les nominations à la CISR, l'élimination des inefficacités pour rendre le système efficient -- à la fin, devons-nous nous rendre à l'évidence que la décision prise par une personne à la lumière des éléments de preuve peut ne pas être la même que celle que vous auriez prise? Peu importe ce que nous faisons, même si nous le faisons dans un espace peut-être moins limité, n'allons-nous pas nous rendre à l'évidence que vous pourrez encore dire que vous n'aimez pas la manière dont une personne a interprété les éléments de preuve, ou dont elle a pris une décision -- que cette décision porte sur l'évaluation des risques avant renvoi ou sur les motifs d'ordre humanitaire, ou une quelconque autre raison?
    De nombreuses personnes s'occupent de ces choses, mais vous les envisagez du point de vue de votre organisation et vous dites: « Eh bien, vous pouvez prendre telle ou telle décision, mais nous ne sommes pas d'accord avec cette décision? » Au bout du compte, n'est-ce pas à cela que nous faisons face, peu importe ce que nous faisons?
    Si quelqu'un veut répondre, allez-y.
    Il y a donc deux questions posées: une concerne l'étude comparative; la deuxième, est la suivante: au bout du compte, n'avons-nous pas un problème peu importe ce qui se passe quant au fait d'offrir un refuge?
    Même si on disposait de la SAR -- est-ce ce que vous dites?
    Si on disposait de la SAR, si on arrangeait un certain nombre de choses, ne devons-nous pas nous rendre à l'évidence que vous n'allez peut-être pas être d'accord avec les décisions prises ou l'interprétation que fait une autre personne des éléments de preuve, une interprétation différente de celle de votre institution, de votre congrégation ou de votre groupe confessionnel?
    Madame Leddy.
    Excusez-moi, mais il ne s'agit pas d'une façon utile de mettre le problème en contexte, pour la raison qui suit. Je pense que la plupart d'entre nous qui participons au processus aimerions pouvoir être d'accord avec l'agent. Ce serait facile. Voilà une première chose
    L'autre chose que je dirais, à titre d'universitaire et d'ancienne journaliste, c'est qu'il est possible d'évaluer les éléments de preuve. Je pense aussi que les gens avec qui je travaille, Amnistie internationale et moi avons une méthode solide pour l'évaluation des éléments de preuve: le contexte historique, le contexte politique et les sources de renseignements. Je pense que nous avons souvent affaire à des juges qui ont une formation de deux semaines et à des agents qui n'en ont même pas autant.
    À titre d'exemple, je vous parlerais du fait de présenter des éléments de preuve détaillés provenant de sources fiables, et de les voir rejetés par un agent qui s'appuie sur le contenu d'une page Web...
    Disons que l'agent qui se trouve devant vous est compétent.
    ...et la page Web en question précise que le contenu ne devrait jamais être utilisé dans le cadre du processus judiciaire. Voilà qui n'est pas simplement un cas d'interprétation.
    D'accord.
    Ce n'est pas vraiment de cela dont je parlais. Il arrivera parfois qu'une personne passe par un processus logique pour en arriver à une décision qui soit différente de celle que vous auriez souhaité voir prise.
    Oui, je ne crois pas qu'il s'agisse simplement d'un désaccord. Nous pouvons envisager une décision et dire qu'il s'agit d'une bonne décision. C'est ce que nous aimerions faire.
    D'accord.
    Peut-être pourrions-nous permettre à M. Siksay de prendre la parole pendant trois minutes environ. Je pense que nous allons devoir nous arrêter après cela. Monsieur Siksay, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je crois que le problème en est un de confiance envers le système. On renvoie beaucoup de gens du Canada chaque jour, des gens qui ne contestent pas leur renvoi, parce qu'ils sont convaincus que le système a bien fonctionné dans leurs cas.
    Je voulais revenir sur une chose que M. Gauthier a dite au sujet des droits linguistiques. Je sais que, dans le cas de Maoua Diomande, la question précise de ses droits linguistiques soulevée à l'audience est à l'origine de la permission qu'on lui a accordée de demeurer au Canada. Monsieur Gauthier, je me demande si vous pourriez nous expliquer quelle était exactement la situation.
    Je voulais aussi parler en général de l'expérience d'interprétation des gens. Je sais que nous avons entendu parler cette semaine d'une des personnes visées par un certificat de sécurité. Il a allégué qu'à un moment de son interrogatoire, l'interprète qui accompagnait l'agent de police était un agent du SCRS. Je sais, que dans notre cas, nous avons entendu des allégations selon lesquelles la police secrète d'autres pays était active au Canada. Je me demande si l'on a recueilli des preuves ou constaté qu'il y avait des indices liant cela aux interprètes ou aux préoccupations du genre de celles que vous avez soulevées concernant l'interprétation.
(1050)
    En ce qui concerne les droits linguistiques, c'est une personne qui a été élevée en français dans son pays d'origine. Elle parle deux ou trois langues africaines aussi, mais le français est la langue qu'elle utilise couramment. Lorsqu'elle a entrepris des démarches dans notre système, on lui a offert les services d'un avocat anglophone. Pour être accommodant -- parce qu'on demande de l'aide, et qu'il s'agit d'un avocat payé par l'aide juridique -- on ne pose pas de question. Vous essayez d'être accommodant, c'est ce qui mène à votre perte.
    Sa capacité de comprendre les questions et de répondre par l'intermédiaire de l'interprète était... C'est flou. On m'a élevée en français et en anglais, mais tous n'ont pas cet avantage. Cela a donné lieu à des incompréhensions, à des erreurs de traduction, que nous avons pu vérifier, parce que nous avons examiné la transcription des discussions. Ce genre de processus compromet la capacité des gens d'obtenir justice.
    Je ne parle pas seulement du français et de l'anglais. J'envisage aussi certaines des langues qui sont propres à une région très petite, et c'est parfois la seule langue que les gens parlent. Où allons-nous trouver les traducteurs?
    On en attrape certains au vol, d'anciens immigrants qui n'ont pratiquement aucune formation en traduction et probablement pas une maîtrise suffisante du français pour comprendre les système de notre société, et ils font des erreurs, alors chaque fois qu'on a affaire à une traduction, il faut adopter un point de vue global et voir au-delà du sens d'un seul mot pour évaluer la situation.
    Quelqu'un veut formuler un commentaire récapitulatif?
    J'ai un bref commentaire à faire sur la question de la participation des Églises. Environ dix personnes et familles sont venues nous voir au cours des dernières années pour nous demander refuge, et dans les neuf autres cas, nous avons trouvé d'autres moyens pour leur permettre de régler leurs problèmes.
    Merci.
    Monsieur Allen , vous avez la parole.
    Est-ce que le comité va recommander la mise en oeuvre du processus d'appel?
    Au bout du compte, bien entendu, nous allons rédiger un rapport, et le comité siégera et examinera ce que vous nous avez dit. Avant que nous nous réunissions, je ne pense pas que je peux dire, au nom du comité, que nous allons formuler cette recommandation, mais je peux vous dire que la plupart des membres du comité que j'ai entendus se prononcer à ce sujet sont très en faveur de cette recommandation.
    Le projet de loi d'initiative parlementaire s'en vient, en décembre, alors il y aura d'autres occasions de parler de cela.
    Oui.
    Une bonne occasion pour vous de le faire.
    Je tiens à vous remercier tous au nom du comité de votre présence ici aujourd'hui et de nous avoir fait part de vos expériences. Vos histoires sont très intéressantes. J'espère que notre comité pourra formuler certaines recommandations en y intégrant certaines de vos histoires.
    Merci.
    La séance est levée.