:
Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est un grand honneur que vous nous faites en nous invitant à comparaître devant vous. Je dois dire que depuis la première fois où je suis venu dans l'un de ces trois bâtiments, à l'âge de 14 ans environ, pour voir et entendre la période des questions orales, chaque fois que j'y reviens, je suis très ému d'être au centre de la démocratie canadienne. Je dois dire aussi qu'il y a longtemps qu'on ne m'avait invité à comparaître devant un comité, pour des raisons évidentes. Je suis ravi d'être de retour devant un comité du Parlement.
Adrienne Clarkson, l'autre coprésident de l'Institut pour la citoyenneté canadienne, aurait vraiment voulu être ici avec moi, mais le secrétaire général du Commonwealth l'a invitée à faire partie du comité consultatif du Commonwealth sur le respect et l'entente, qui tient à peu près le même genre de discussions que vous sur l'immigration, la citoyenneté, l'adaptation, etc. Elle est donc à Londres pour siéger à ce comité composé de huit personnalités internationales du Commonwealth. Elle m'a demandé de vous saluer.
[Traduction]
Elle m’a demandé de l’excuser et de transmettre ses meilleurs vœux au comité.
Je sais que vous vous penchez sur la question de la perte de la citoyenneté canadienne. J’ai pris connaissance de la plupart de vos conversations et de vos débats. Je suis loin d’être un expert dans ce domaine. Notre institut, qui vient tout juste d’être établi, n’est pas du tout spécialiste de la question. Nous pourrions certes en venir à approfondir le sujet, mais ce n’est pas notre mandat. Nous avons fait beaucoup d’efforts pour amorcer le travail dans d’autres domaines. Comme vous le savez, de nombreux aspects de l’immigration et la citoyenneté sont difficiles, complexes et intéressants.
J’ai lu l’ensemble des débats, des discussions et des témoignages. Ils sont souvent incroyablement touchants et étonnants. Don Chapman n’est peut-être pas un citoyen mais, à mon sens, il constitue un modèle de citoyen engagé. C’est ce que les citoyens sont censés faire : se faire entendre, mettre des dossiers de l’avant et les défendre. Voilà un très bon modèle pour la plupart des Canadiens. Je n’aurais aucune difficulté à dire qu’il est un modèle pour les citoyens canadiens dans son champ d’activité.
À la lecture des documents, j’ai constaté que vous êtes en train de trouver des solutions, même si de nombreux points ne sont toujours pas réglés. Certaines de ces solutions semblent déjà se concrétiser, tandis que d’autres sont plus complexes et exigeront davantage de temps. Mais ce qui ressort — pour quelqu’un qui s’intéresse vraiment à la question, mais qui ne s’y connaît pas et qui ne fait que lire quatre ou cinq séances —, c’est que vous semblez avoir beaucoup progressé. Il est évident que les Canadiens ne veulent pas qu’on mette de côté des personnes qui ne devraient pas l’être. Votre travail a donc une importance capitale.
Ce qui est intéressant, c’est qu’en lisant les documents j’ai soudain réalisé — j’aurais dû y penser avant — que la question me concernait personnellement, puisque mon père faisait partie des Winnipeg Rifles durant la guerre. Pendant qu’il était en Angleterre, il s’est marié avec une Britannique qui est devenue une épouse de guerre. Mon frère aîné, Alastair, a vu le jour en Grande-Bretagne en 1944. Ils ont déménagé au Canada, où je suis né.
Je n’ai pas réussi à le joindre, mais en 1968 je crois, environ 48 heures avant son 24e anniversaire, nous avons soudainement découvert que, s’il ne signait pas un document, il perdrait sa citoyenneté parce qu’il était né en Angleterre, que sa mère était une épouse de guerre, etc. Je me souviens en fait de ces 24 heures d’efforts acharnés, parce qu’il se trouvait à l’étranger et que nous avons dû demander à l’ambassade du Canada d’intervenir pour lui faire signer un document, ce qui a été fait. Notre famille a failli connaître cette situation, et je peux aisément imaginer qu’elle s’est produite dans de nombreuses autres familles. En fait, il faut s’occuper de ces questions — et c’est un peu un lien.
Nous sommes un pays d’immigration, et nous avons à notre actif de bonnes et de moins bonnes décisions à cet égard — nous le savons tous. Mais je suis toujours étonné de constater le petit nombre d’erreurs majeures qui ont été commises. Il est clair que toute cette discussion a soulevé certains problèmes réels, et je présume que vous allez parvenir à les régler.
J’aimerais maintenant soulever trois points. Vous en savez tous davantage que moi à ce propos; je suis conscient que la plupart d’entre vous y travaillez depuis plus longtemps. Mais d’un point de vue historique, je suis toujours frappé par le fait que nous sommes à une époque où la norme juridique correspond à la règle de l’administration détaillée. On dirait qu’il en a toujours été ainsi, alors que la notion de citoyenneté liée au passeport et à une réglementation détaillée est relativement récente non seulement au Canada, mais aussi dans le reste du monde. La plupart des gens traversaient les frontières de l’Europe sans passeport avant la Première Guerre mondiale. Alors tout cela est en fait assez récent. L’idée d’avoir besoin de certains documents pour être citoyen d’un pays est nouvelle, et les gens se voyaient comme des Britanniques, des Canadiens ou des Français bien avant l’adoption de règles administratives et juridiques.
[Français]
Deuxièmement, ce qui différencie vraiment le Canada des autres pays, soit l'Australie, la Nouvelle-Zélande, etc., c'est qu'on est à peu près le seul pays dont la position est claire et nette au sujet du lien entre l'immigration et la citoyenneté. Nous invitons les immigrants pour qu'ils deviennent des citoyens. C'est un principe philosophique et éthique qui est tout à fait différent de ce qui se passe en Europe. C'est pourquoi il y a là de la confusion à ce sujet. C'est différent également des États-Unis. Comme vous le savez sans doute, 82 p. 100 ou 83 p. 100 de nos immigrants deviennent des citoyens. Aux États-Unis, je crois que c'est 42 p. 100. En Europe, c'est 6 p. 100 ou 7 p. 100. Donc, nous avons vraiment une approche différente des autres pays en ce qui concerne l'immigration et la citoyenneté.
Le principe de cette philosophie est que si vous êtes un immigrant, on veut de vous, pas simplement parce que vous pouvez être docteur ou plombier, mais parce que vous serez un citoyen. C'est très original et qui change l'approche philosophique du Canada dans ce domaine. Quand on fait une erreur, on la fait par rapport à cette idée philosophique de base, qui est qu'on vient ici pour être citoyen.
[Traduction]
Et je dois dire que, lorsque je rencontre des gens qui semblent être arrivés récemment, mais peut-être il y a plusieurs années, je leur demande s’ils ont obtenu la citoyenneté. S’ils répondent non, je leur dis : « Pourquoi n’avez-vous pas encore obtenu la citoyenneté? », ce qui est bien entendu exactement le contraire de ce qu’on demanderait dans la plupart des autres pays. Ailleurs, on demanderai : « Voulez-vous vraiment obtenir la citoyenneté? », ou « N’est-ce pas un peu rapide? », ou quelque chose du genre. Pourtant, à mon avis, une fois que vous êtes là depuis trois ans et demi, nous devrions plutôt dire : « Il est temps d’assumer vos obligations et vos responsabilités de citoyen, et nous voulons vous compter parmi nous. Nous voulons que vous fassiez partie des Canadiens qui travaillent à construire le pays. »
Je crois que les immigrants qui s’installent au Canada — j’ai assisté à de nombreuses cérémonies, comme vous tous j’imagine à titre de députés — comprennent cela lorsqu’on discute avec eux. Il y a des immigrants ici, des immigrants qui ont la citoyenneté. N’est-ce pas? Ils le comprennent. Ils comprennent que c’est la différence ici, et nous devons donc nous évaluer sur la base de cette philosophie.
Cela m’amène à vous parler de l’Institut pour la citoyenneté canadienne, que vous semblez vouloir connaître un peu mieux. En guise d’introduction, je dirai que, bien que nous ayons cette approche très originale de l’immigration et de la citoyenneté, le Canada moderne n’a jamais tenu de réel débat sur ce que nous entendons par citoyenneté, sur ce que nous espérons accomplir. Nous parlons beaucoup. Il y a beaucoup de clichés. Nous espérons certaines choses, mais nous n’avons pas réellement eu de débat intéressant.
Nous sommes probablement la nation la plus expérimentale au monde, ce qui est une bonne chose, mais nous n’avons encore jamais vraiment discuté de cette expérience à l’échelle nationale. En quelque sorte, nous avons tenu les choses pour acquises. Beaucoup d’éléments sont valables, mais il est aussi important d’avoir cette discussion. Voilà une autre des raisons pour lesquelles je trouve vos travaux si intéressants. Je pense qu’ils sont particulièrement intéressants parce que d’autres pays ont des modèles tout à fait différents. En examinant la situation dans divers pays, on trouve des modèles très différents du nôtre. Il existe des liens entre eux, mais il ne s’agit pas des mêmes modèles.
Selon moi, l’une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas tenu de débat est parce que notre pays se spécialise dans les interventions ponctuelles. Nous construisons petit à petit dans le but d’éviter les crises, de garder le meilleur et d’avancer. Cette façon de faire peut nous mener assez loin et elle comporte des avantages et divers inconvénients, mais nous devons nous montrer prudents à un certain moment et constater que nous avons pris des mesures ponctuelles sans nous demander : « Oui, ça semble fonctionner. Maintenant, pourquoi ça fonctionne? Que tentons-nous d’accomplir? Tenons-nous le bon langage? »
La plupart des autres pays utilisent un langage très intéressant, avec lequel je suis le plus souvent en désaccord, mais c’est intéressant. Nous n’avons pas consacré beaucoup d’efforts à établir les termes servant à décrire ce que nous faisons. Je crois qu’il y a du travail à faire à ce chapitre.
[Français]
Dans La Presse ce matin, vous avez pu voir que la liste de demandeurs pour entrer au Canada s'élève présentement à environ 800 000 personnes. Je crois qu'elle était de 600 000 personnes avant, mais cela a bougé assez rapidement. Je sais qu'au cours des dernières années, nous avons accueilli environ 250 000 immigrants par année. L'an passé, il y a eu environ 250 000 citoyens, ce qui est étonnant. Cela veut dire que nous sommes le numéro un mondial dans ce domaine, en termes du nombre d'immigrants, de citoyens, etc. C'est un des rares domaines où le Canada est vraiment en avance sur le reste du monde.
[Traduction]
Nous sommes à l’avant-garde. Je crois que c’est très bien. Mais cela signifie aussi que nous devons être conscients que nous faisons quelque chose que personne d’autre ne fait.
Quand je suis en Europe, par exemple, je remarque que peu importe la question dont je dois parler, peu importe le sujet sur lequel on m’a invité à prononcer un discours, au bout de dix minutes, ils ne veulent plus en parler et ils disent : « Nous aimerions maintenant parler de l’immigration et de la citoyenneté au Canada », parce que la plupart des gens dans le monde croient qu’il s’agit de l’élément le plus important et le plus intéressant au sujet du Canada — nos politiques sur la citoyenneté et l’immigration.
La bonne volonté et la chance ont des limites. Nous devons comprendre notre propre expérience.
L’Institut pour la citoyenneté canadienne est issu d’une tradition qui a commencé avec le premier gouverneur général du Canada, le général Vanier, et Mme Vanier. Lorsqu’un gouverneur général termine son mandat, si une cause lui tient particulièrement à cœur, le gouvernement l’aide à créer un institut ou un programme afin qu’il continue de s’y consacrer une fois qu’il a quitté Rideau Hall.
Les Michener ont fait quelque chose de différent. Les Sauvé ont un programme très intéressant qui a d’importantes répercussions sur les jeunes.
Adrienne et moi, pendant une bonne partie de notre passage à Rideau Hall, alors que nous avons visité près de 400 collectivités et rencontré des dizaines de milliers de personnes, littéralement, réfléchissions à ce qui se passait, à ce que ces gens disaient et à ce que nous pourrions faire à ce chapitre.
Le gouvernement et le Parlement nous ont très généreusement aidés à lancer le projet, qui s’est concrétisé. L’institut est une organisation non gouvernementale sans but lucratif. Il a commencé avec l’appui du gouvernement, mais il est non gouvernemental. Nous n’en sommes qu’au tout début. L’organisation est nationale et compte sur des bénévoles; c’est donc une véritable organisation de la base. L’institut ne pourrait pas se trouver plus à la base. C’est ce qui nous a réellement intéressés.
En gros, l’objectif fondamental est d’encourager l’engagement citoyen, la participation citoyenne. C’est aussi simple que cela. Le but premier de l’institut consiste à travailler avec les nouveaux citoyens.
Traditionnellement, au XIXe siècle et au début du XXe siècle, nous tenions pour acquis qu’une famille d’immigrants mettrait environ deux générations et demie pour être si bien intégrée que ses membres commenceraient à se présenter comme députés, à écrire des livres ou à réaliser des choses qu’on pourrait qualifier de non utilitaires. Mais nous ne pouvons pas attendre tout ce temps. Il faut vraiment que les gens prennent leur place dans les cinq à dix ans après être devenus des citoyens.
Nous consacrons nos efforts à cette question pour l’instant. Nous avons plusieurs programmes. L’un d’entre eux est lancé, et nous le réalisons en partenariat avec les juges de la citoyenneté et le ministère. Il concerne les cérémonies de remise de certificats de citoyenneté. Il y a eu 3 200 cérémonies l’an dernier, et elles ont été tenues par un très petit nombre de juges et organisées par moins de fonctionnaires qu’on pourrait l’imaginer. Peu de cérémonies sont communautaires. Techniquement, je crois que plus de 200 le sont, mais en réalité moins d’une centaine sont réellement communautaires.
Nous avons commencé à revoir la formule des cérémonies lorsque nous étions encore à Rideau Hall, et nous avons entamé la réalisation du projet avec eux. On prend un événement qui dure normalement environ une heure et on en fait une cérémonie d’à peu près trois heures. Il s’agit d’un moment très important dans la vie des gens, et vous le savez. C’est un moment très important. Alors on le prolonge pour le rendre encore plus important.
La première heure est consacrée à une discussion, la deuxième à la cérémonie et la troisième à une rencontre informelle. La discussion est en fait une table ronde sur la citoyenneté où des citoyens établis et engagés — des membres de l’Ordre du Canada, qui sont en fait autorisés à assermenter les citoyens —, des dirigeants d’organisations non gouvernementales et des membres influents de la collectivité rencontrent les nouveaux citoyens pendant une heure et président une série de tables rondes, avec une personne qui dirige le tout, et discutent de citoyenneté.
Ce n’est pas du tout maternaliste ou paternaliste. Il s’agit d’une véritable discussion. Il arrive souvent que les citoyens établis et engagés en apprennent plus que les nouveaux citoyens. Et ils ont souvent aussi hâte que les nouveaux citoyens d’y prendre part, car il s’agit d’une occasion exceptionnelle de rencontrer vos nouveaux concitoyens et de découvrir ce qu’ils pensent, puis de tenter de les encourager à s’engager. En toute franchise, c’est une occasion extraordinaire pour le secteur bénévole d’entrer en contact avec les nouveaux citoyens.
En ce qui concerne les bénévoles, comme beaucoup d’entre vous le savez, ils sont de plus en plus âgés et ont de plus en plus les cheveux blancs — pas tous, mais de plus en plus. Nous avons désespérément besoin de l’apport de ces nouveaux citoyens. Il y a des barrières invisibles, et ces tables rondes sont en partie conçues pour intéresser les nouveaux citoyens à ce que nous faisons et pour les faire participer à la réunion suivante. Ces tables rondes visent aussi à cerner les vrais problèmes. Nous avons déjà beaucoup entendu parler de solitude et, de toute évidence, de qualités professionnelles. J’ai assisté à des tables rondes où un participant disait qu’il ne savait pas comment faire quelque chose, et quelqu’un répondait qu’il le ferait pour lui. Il est essentiel de déterminer ce que les citoyens établis peuvent faire bénévolement pour les nouveaux citoyens.
Nous avons tenu trois séances formelles jusqu’ici; ça semble peu, mais nous sommes prudents car nous ne voulons pas faire d’erreurs. Elles ont eu lieu à St. James Town, qui regroupe 30 000 nouveaux immigrants dans environ cinq immeubles de Toronto, à Red Deer, qui est peut-être la petite ville la plus innovatrice pour attirer et conserver de nouveaux citoyens, et enfin à Vancouver en mars. Nous avons un programme d’expansion qui accélérera le processus.
Trois comités sont en place cette année. Nous espérons tenir 16 cérémonies cette année — c’est un souhait — et 20 en 2008; c’est notre but. Quarante comités qui tiendraient 100 cérémonies en 2009, puis 100 comités qui en tiendraient 300, et ainsi de suite. L’objectif n’est pas d’aller le plus vite possible, mais vous savez combien il est difficile d’organiser l’action bénévole de base au niveau national. On ne peut pas mettre quelque chose en place en 24 heures. Il faut que ces citoyens participent. Des gens demandent déjà qu’on forme des comités au Yukon, au Mohawk College d’Hamilton, deux à Waterloo en Colombie-Britannique par l’intermédiaire de l’initiative Legacies Now de 2010, à l’Université de Toronto, et nous avons un plan de déploiement. De toute évidence, nous n’avons rien encore dans les Maritimes, rien au Québec. Pour aller vers Sherbrooke,
[Français]
Montréal, la ville de Québec, où on a eu des conversations, et dans l'ensemble du pays, pour en établir d'autres.
L'idée de base est celle-ci : pourquoi y a-t-il si peu de cérémonies dans les communautés? C'est parce que c'est lourd. La possibilité existe depuis 1947, mais chaque fois, c'est une à la fois, c'est ad hoc. Cela prend du temps, beaucoup d'énergie et de temps des employés de l'État.
[Traduction]
Le concept prévoit des comités bénévoles permanents qui trouvent un certain nombre d’endroits, des endroits publics — Parlement, hôtels de ville, législatures, écoles, universités, et on tient plus d’une cérémonie à chaque endroit — deux, trois quatre, cinq cérémonies par année à chaque endroit. Les coûts diminuent donc au fur et à mesure. Il faut de moins en moins de temps aux fonctionnaires. C’est de plus en plus efficace, et les gens s’habituent à travailler ensemble. Nous espérons recruter des étudiants du secondaire qui suivent des cours d’éducation civique pour nous aider dans l’organisation. Il ne s’agit donc pas seulement de cérémonies. Il s’agit d’utiliser les cérémonies comme un point tournant où vous avez la chance de travailler avec chaque nouveau citoyen et de déterminer si on peut répondre à ses besoins plus tôt après son arrivée et plus tard, après qu’il soit devenu un citoyen.
Désolé, je devrais m’arrêter.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bienvenue, monsieur Saul.
Sachez que je suis totalement d’accord avec vous, et je suis certain que le comité l’est également, pour dire que M. Chapman illustre parfaitement ce que vous défendez, c’est-à-dire, l’engagement et la participation des citoyens. Nous sommes tous impatients d’assister à sa cérémonie de citoyenneté, où on lui restituera ce qu’on lui avait enlevé.
Cependant, malgré toute la place qu’il faut accorder à la promotion de la citoyenneté et de l’engagement, je crois aussi en l’importance d’une Loi sur la citoyenneté qui reflète véritablement nos paroles. Depuis que je travaille à ce dossier, soit depuis 1998, je m’intéresse particulièrement à certains points de l’histoire du Canada — la loi sur l’exclusion des Asiatiques, les internements, les barrières raciales à l’immigration — et je veux m’assurer que nous avons appris des erreurs du passé.
Notre politique sur la citoyenneté a été bien décrite, à mon sens, par le magazine The Economist, qui la qualifie de « kafkaïenne ». Nous ne reconnaissons pas les mariages religieux des Mennonites et, en dépit de tous les honneurs que nous voulons rendre aux militaires, nous ne reconnaissons pas les droits de naissance de leurs enfants. Je pourrais citer bien d’autres exemples. Bref, l’adjectif « kafkaïen » décrit bien notre politique.
L’un des problèmes que nous avons, depuis treize ans et demi, c’est d’avoir eu huit ministres de la Citoyenneté et de l’Immigration. Sous les Libéraux, un nouveau ministre entrait en fonction aux deux ans en moyenne, et depuis l’arrivée des Conservateurs, nous en avons eu deux en un an. Le problème est bien réel et il faut à tout prix le régler.
Toute la diversité de la planète est représentée au Canada mais, s’il y a un point commun qui nous réunit, c’est la Charte canadienne des droits et libertés qui, je crois, découle des épreuves vécues par différentes vagues de Canadiens venus s’établir au pays.
Nous avons une Loi sur la citoyenneté — la première Loi sur la citoyenneté —, qui a 60 ans cette année, et une Charte des droits, qui a maintenant 25 ans. Or, la loi n’est pas conforme avec la charte, selon ce qu’a établi une cour fédérale, et ce qu’ont laissé entendre d’autres tribunaux fédéraux. Pour moi qui ai choisi d’être Canadien, c’est très difficile à comprendre. Il me semble que les deux devraient être compatibles. Nous devrions nous en assurer dès cette année, en commémoration du 60e anniversaire de la citoyenneté et du 25e anniversaire de la Charte. Je crois que le moment est venu.
Je vous recommande un livre de Barbara Ann Roberts. Je ne sais pas si vous l’avez déjà lu. Il s’intitule Whence They Came.
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Je pense que vous êtes mieux placés que moi pour décider d'une telle chose. On peut procéder de différentes façons. Il n'est pas nécessaire de se limiter à une formule unique. Si les députés, les sénateurs, un grand nombre de personnes entreprenaient un débat de fond sur la citoyenneté, cela ouvrirait la voie aux discussions.
Toutefois, il ne faudrait pas que celles-ci se déroulent dans un cadre trop administratif. Bien entendu, pour venir à bout des problèmes auxquels vous êtes confronté, il faut trouver des solutions à court et à long terme. Les injustices doivent être réglées très rapidement. Il y a des questions plus complexes qui prennent plus de temps à résoudre. Il faut, le plus tôt possible, commencer à analyser la problématique dans son ensemble, trouver les moyens d'éviter de telles situations à l'avenir, se concentrer sur les principes.
Je suis certain que vous avez tous assisté à des cérémonies de citoyenneté. Que faut-il dire aux nouveaux citoyens? La même chose que l'on dirait à un enfant. C'est sur cette base que l'on établirait une relation avec un autre citoyen. À bien y penser — je suppose que je pourrais prétendre être un expert en la matière, un historien canadien spécialiste de la question, sauf qu'il est dangereux de le faire puisque ce n'est pas mon gagne-pain —, les thèmes qui reviennent le plus souvent, quand vient le temps de décrire le Canada, sont la justice, l'égalitarisme et l'espace. Voilà trois thèmes fort intéressants qui ne sont pas vraiment évoqués dans la plupart des autres pays.
La justice est un thème qui revient ailleurs, quoique le système de justice a déjà été clairement défini par la Charte.
Le principe égalitaire, qui est différent du principe d'égalité — qui consiste tout simplement à additionner les chiffres — trouve sa source dans les origines de la démocratie canadienne. Il faut remonter pour cela à 1848. Les meilleurs discours, commentaires, ouvrages sur la démocratie canadienne avaient tous, comme point de départ, l'égalitarisme. À cet égard, on retrouve un paragraphe remarquable sur l'égalitarisme dans l'adresse aux électeurs de Terrebonne.
Vous savez, si la collaboration entre citoyens est possible — entre francophones, anglophones et d'autres —, c'est en raison de la nature égalitaire du pays. Ce principe existe depuis 160 ans. C'est remarquable. La situation ici est très différente de celle qui prévaut aux États-Unis, et complètement différente de celle qui existe en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne, ainsi de suite.
Le troisième élément est cette obsession de l'espace, car nous en avons beaucoup, et cela pose des difficultés. Au début, les immigrants pensaient que les notions d'espace et d'aménagement allaient de pair, sauf que lorsque nous avons commencé à examiner la question de plus près, nous nous sommes rendus compte que c'était toujours plus compliqué, parce que les premiers immigrants ont compris, tout comme les Autochtones, qu'il fallait en fait apprendre à apprivoiser cet espace, et non pas tout simplement l'aménager. Nous sommes en train de faire du rattrapage par rapport à 1740. Nous comprenons aujourd'hui ce que les Canadiens d'avant 1840 ont plus ou moins compris : si nous voulons vivre ici, nous devons apprivoiser le milieu. C'est ce que nous appelons aujourd'hui le principe de l'environnementalisme, un principe plus englobant.
Ces trois thèmes décrivent bien la nature du pays : la justice, l'égalitarisme et l'espace que vous devez mettre en valeur, protéger et apprivoiser en même temps.
L'idée du bénévolat — On a l'impression que le bénévolat et le civisme sont deux choses différentes. En fait, c'est une autre façon de décrire le citoyen engagé. Environ 20 p. 100 des citoyens font du bénévolat — ce n'est pas assez, ils n'y a pas suffisamment de jeunes qui en font, et les bénévoles ne viennent pas de toutes les couches de la société. C'est là le coeur du problème. Pour moi, faire preuve de civisme veut dire participer aux activités de vos collectivités locales, de vos écoles, de vos quartiers. Cela veut dire voir au bon fonctionnement des services publics dans les collectivités, faire entendre sa voix, être engagé. Ce que l'on ne dit pas assez, c'est que l'on veut des gens comme M. Chapman, des gens qui s'expriment et qui font le plus de bruit possible, car c'est ce qui est à la base d'une saine démocratie.
Voilà les principes qui, pour moi, définissent la citoyenneté.