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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 044 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 26 mars 2007

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue. Nous poursuivons l'étude sur la perte de la citoyenneté canadienne pour les années 1947, 1977 et 2007.
    Nous accueillons aujourd'hui deux groupes de témoins. Notre premier groupe comparaîtra de 11 heures à 12 heures et le deuxième, de 12 heures à 13 heures.
    Je souhaite la bienvenue aux membres du premier groupe, à savoir Wendy Adams, Charles Bosdet, William Smith et Christopher Veeman, qui témoignent à titre personnel, et pour Canadian War Brides, Melynda Jarratt, historienne.
    Soyez les bienvenus. Je pense que vous savez comment nous procédons; nous passerons donc directement à vos exposés. Je pense que M. Chapman vous présentera.
    Voulez-vous faire les présentations, monsieur Chapman?
    Wendy Adams est venue me trouver il n'y a pas très longtemps. C'est une enfant de Benner. Vous vous souvenez peut-être que cette décision était une décision unanime de la Cour suprême accordant la citoyenneté à des personnes nées à l'étranger d'un parent canadien.
    Lorsque Charles et moi-même avons témoigné devant le Sénat, la réponse de Citoyenneté et Immigration Canada a été essentiellement d'annuler la décision Benner. Les représentants du ministère, dont la ministre Finley, ont dit dans leur témoignage, il y a quelques semaines à peine, qu'ils avaient prévenu les intéressés longtemps d'avance de la perte de leur citoyenneté. Mme Adams expliquera que ce n'est pas tout à fait cela, car la voici, et elle est encore touchée par l'affaire Benner.
    Madame Adams.
    Sommes-nous déchus de notre citoyenneté?
    J'aimerais avant tout vous remercier de m'avoir invitée. C'est un honneur. C'est mon premier voyage à Ottawa, et je suis par conséquent intimidée. Sommes-nous toutefois déchus de notre citoyenneté? C'est en substance la question qui m'a été posée. Je me la suis posée lorsque je suis tombée par hasard sur le compte rendu des audiences du comité permanent du 26 février, il y a quelques semaines. À la suite de plusieurs circonstances, mon frère et moi-même sommes déchus. Nous sommes considérés comme des Canadiens déchus. C'est ce qui est arrivé.
    Nos parents se sont rencontrés en 1960 à Cold Lake, en Alberta. Notre mère faisait partie de la Police militaire, dans les Forces armées canadiennes, et notre père était dans l'Armée de l'air américaine. Ils se sont mariés en 1961 et notre mère a quitté les Forces canadiennes pour accompagner notre père. Puisque notre père était dans les forces armées, notre famille déménageait souvent. Mon frère est né à Peru, dans l'Indiana, en 1963. Je suis née cinq ans plus tard à Colorado Springs, au Colorado. En 1970, notre père est parti au Vietnam pour une mission d'un an et nous avons déménagé au Canada pour vivre dans la famille de ma mère. Lorsque notre père est rentré, nous sommes retournés à Omaha, au Nebraska. Puis, en 1972, nous avons déménagé à Spokane, dans l'État de Washington.
    Sachant que les ordres suivants qu'il recevrait pourraient très bien concerner une affectation dans un lieu isolé, où il serait loin de nous pour une année de plus, mon père a décidé de prendre sa retraite. Étant donné que ma mère souhaitait vivre à proximité de sa famille et que mon père adorait la pêche, nous avons déménagé au Canada. Nous sommes arrivés dans la petite ville de Power River, en Colombie-Britannique, située en bordure de l'océan, en 1973. J'avais cinq ans. Nous vivons au Canada depuis 34 ans et, chose surprenante, presque toujours au même endroit. Quand nous étions enfants, lorsqu'il était question de citoyenneté, nous savions que nous étions nés aux États-Unis et que nous avions la citoyenneté américaine, mais nos parents nous avaient toujours dit que nous avions droit à la double citoyenneté parce que notre mère était canadienne.
    Un jour, mon frère s'est même inscrit pour voter, mais ma mère lui a rappelé qu'il n'avait même pas encore fait sa demande de citoyenneté canadienne. À l'exception du fait que nous n'avions pas le droit de vote, nous considérions que les documents de citoyenneté n'avaient pas beaucoup d'importance pour nous, car nous pouvions alors traverser librement la frontière avec des documents photocopiés, des certificats et des documents d'immigration. Depuis le 11 septembre, les documents photocopiés ne sont plus acceptés et nous aurions besoin d'un passeport et d'une carte de résident permanent pour voyager.
    Nous avons donc décidé qu'il était temps de faire une demande de citoyenneté canadienne. Nous avons rempli nos formulaires de demande pour obtenir la preuve de citoyenneté, avons fait vérifier nos documents pour obtenir des certificats et fait d'autres démarches nécessaires, en payant les droits. Cela nous a coûté 200 $ par personne. Nos demandes ont été envoyées par la poste au cours de l'automne 2004. Nous avons attendu très longtemps. Après plusieurs appels téléphoniques et un an plus tard, nous avons enfin pu parler à un fonctionnaire du ministère de l'Immigration. On nous a dit que notre demande n'avait pas été traitée. Nous avons attendu encore pendant un certain temps. Enfin, en novembre 2005, nous avons reçu une lettre indiquant que nos demandes avaient été rejetées et que nous avions laissé passer l'échéance du 14 août 2004. Nous ne savions même pas qu'il y avait une échéance. Nos demandes étaient arrivées au ministère en octobre 2004, donc quelques mois après la date d'échéance. Les fonctionnaires du ministère ont eu l'amabilité de nous envoyer des formulaires de demande de citoyenneté canadienne, semblables à ceux qu'auraient reçus d'autres immigrants. Nous étions frustrés.
    Pendant les 32 des 34 dernières années que mon frère et moi avons passées au Canada, nous nous considérions comme des Canadiens. Imaginez le choc que nous avons eu quand on nous a dit que nous avions laissé passer une échéance. Quelle échéance? Nous ne savions même pas qu'une échéance avait été fixée.
    Nous nous sentons réellement Canadiens. Nous avons passé la plus grande partie de notre vie au Canada. Nous avons fait nos études, avons travaillé et avons payé des impôts au Canada. Nous avons épousé des Canadiens et nos enfants sont canadiens. Nous étions persuadés que l'obtention de la citoyenneté canadienne n'était qu'une formalité. Pourtant, on nous demande maintenant de payer encore des droits, d'attendre de 12 à 15 mois et de passer un examen. Notre seule autre option serait de demander nos cartes de résident permanent, ce qui nous obligerait à payer encore des droits et à nous absenter du travail car, étant donné notre lieu de résidence, nous serions obligés de prendre une journée de congé et de prendre le traversier, ce qui représente une dépense d'une centaine de dollars, pour aller chercher nos cartes de résident permanent. Par conséquent, nous avons comparé les options que nous avions et décidé de remettre la demande de citoyenneté canadienne à plus tard. Cependant, il y a trois semaines, nous avons entendu parler de vos audiences et de la Lost Canadians Organization. Nous ne nous rendions pas compte que nous étions aussi nombreux.
    J'espère en toute modestie que notre histoire pourra faire une différence pour les milliers de Canadiens et Canadiennes qui, comme nous, attendent pour obtenir la citoyenneté.
    Je vous remercie pour votre attention. C'est un honneur pour moi d'être ici.
(1105)
    J'attire votre attention sur le fait qu'il y a six jours, la Cour fédérale a rendu un jugement dans une affaire très semblable à celle de Mme Adams — Babcock c. Canada. Il s'agissait d'un homme qui se trouvait dans la même situation — un cas Benner —, qui avait fait sa demande de citoyenneté en juillet 2004 et auquel on avait envoyé une trousse d'information pour réfugié, qui n'avait rien à voir avec la citoyenneté. Il avait par conséquent dépassé d'un mois la date d'échéance pour faire une demande en vertu de la décision Benner et a gagné sa cause la semaine dernière devant la Cour fédérale du Canada, en se défendant. Il s'agit d'une décision qui a déjà été rendue par la Cour suprême.
    Charles Bosdet et moi-même nous sommes rencontrés il y a des années. Nous avons témoigné de nombreuses fois ensemble devant ce comité. C'est une des personnes les plus intelligentes que j'aie jamais rencontrées et il connaît à fond cette affaire, sur le plan juridique et sur le plan personnel. Je pense qu'il a été assimilé au groupe mennonite parce que son grand-père est né au Mexique, mais il n'est pas mennonite, en fait.
    Charles.
    Je remercie le comité pour cette occasion de faire un exposé.
    Je m'appelle Charles Bosdet. Je suis heureux de voir quelques visages connus. Je voudrais surtout faire quelques suggestions et, pour expliquer d'où elles viennent, vous exposer comment j'ai adopté ce point de vue.
    J'ai été engagé par des entreprises pour les aider à examiner de près leurs politiques et procédures et à préparer des vérifications de conformité; j'ai récemment aidé une entreprise à être en conformité avec la loi Sarbanes-Oxley, qui représente le plus gros changement dans la législation américaine sur les valeurs mobilières depuis 1934. J'ai été engagé pour aider dans des cas de conformité à divers régimes réglementaires, notamment en ce qui concerne l'assurance de la qualité dans la marine nucléaire et d'autres questions de gouvernance d'entreprise. Avant cela, j'étais directeur de l'information et éditorialiste du plus grand quotidien juridique des États-Unis et rédacteur en chef de deux ou trois plus petits journaux avant cela. Auparavant, j'avais été analyste documentaire pour deux ou trois cabinets d'avocats en Californie.
    Le voyage qui m'a mené jusqu'ici a commencé lorsque j'ai présenté une demande de certificat de citoyenneté et que celle-ci a été refusée. Cet événement marqua le début de ce qui devint un processus tortueux, insensé pour moi, qui dura deux ans. Pour commencer, il semblait qu'on suivait un scénario dont je n'étais pas au courant. Je comprends les politiques et les procédures mais, à un certain moment, dans les lettres que m'envoyait mon évaluatrice, on n'accusait même pas réception des documents que j'envoyais et ces lettres ne correspondaient pas du tout au contenu de ces documents. Dans certains cas, on ne tenait pas compte des preuves secondaires qui, d'après le Guide des politiques de citoyenneté, sont acceptables et doivent être acceptées à la place de preuves primaires.
    Dans mon cas, je pense que l'évaluatrice a totalement enfreint l'interdiction d'imposer un fardeau exagéré à un requérant indiquant qu'on ne peut pas imposer à une personne un fardeau financier anormal pour l'obliger à répondre aux exigences de l'évaluateur en matière de preuves.
    Cette évaluatrice a en outre fait preuve d'un certain manque de professionnalisme. Elle a tenté d'apporter la preuve du contraire de ma citoyenneté en appliquant une loi concernant la nationalité étrangère à un de mes ancêtres. Dans un entretien ultérieur, il était parfaitement manifeste que cette évaluatrice ne comprenait — et, en fait, ignorait totalement — qu'il y avait une différence entre cette loi étrangère en matière de nationalité et celle du Canada. Les deux régimes traitaient la question de façons différentes et cette personne l'ignorait. Cela me préoccupait beaucoup, car elle est semble-t-il, l'évaluatrice de l'assurance de la qualité pour le centre de traitement des demandes de citoyenneté de Sydney. Cette évaluatrice porte des jugements sur d'autres dossiers qui arrivent sur son bureau et de nombreuses familles mennonites de ma province, à savoir le Manitoba, étaient traitées apparemment en suivant le même scénario que celui que nous avons présumé qu'elle avait suivi dans mon cas.
    Ce qui m'inquiétait, c'est qu'elle ne connaissait pas la loi; ce qui m'ennuyait plus que tout, c'était son manque d'intérêt total pour l'acquisition de nouvelles connaissances. Je m'attendais à ce qu'elle dise qu'elle vérifierait ou à ce qu'elle me demande de lui envoyer de l'information lui confirmant mes déclarations ou bien alors qu'elle ne savait pas et qu'elle consulterait quelqu'un à ce sujet. Elle n'a rien fait de tout cela. Sa réaction a été de dire qu'on allait traiter la demande malgré cela et, qu'en outre, elle faisait ce travail depuis des années. J'ai été surpris de cette réaction.
    Ensuite, j'ai reçu une série de lettres de demande fallacieuses qui semblaient raisonnables, à première vue mais, en fait, cela allait à l'encontre de la pile de preuves qu'elle avait sur son bureau et dont elle feignait d'ignorer l'existence.
    Elle me refila la charge de la preuve d'une façon particulièrement astreignante pour moi, à savoir qu'il fallait tenter d'établir une preuve négative. Elle présuma qu'un de mes ancêtres était né à l'étranger et me suggéra de me rendre quelque part au milieu du Mexique pour aller consulter des dossiers, car c'était peut-être là que se trouvait le certificat de naissance de mon grand-père. Je lui ai dit qu'il pouvait être né dans n'importe quelle ville située entre le centre du Mexique et Arichat, en Nouvelle-Écosse, localité dont il était originaire, d'après toute une série de documents, y compris ses documents d'engagement militaire, son enregistrement comme citoyen britannique et, soit dit en passant, son passeport canadien de 1942, passeport qu'il avait obtenu pour la première fois dans les années 30. L'évaluatrice avait d'ailleurs une lettre du consulat britannique le confirmant.
(1110)
    Lorsque je suis allé en appel, l'affaire ne s'est pas arrêtée là. J'ai fait des histoires et mon cas a finalement été repris par une évaluatrice d'Ottawa. L'évaluatrice du centre de traitement des demandes qui avait travaillé sur mon dossier avait apparemment exposé mon cas de façon inexacte à la personne d'Ottawa; je l'appris lorsque l'évaluatrice d'Ottawa m'appela. C'est alors qu'on découvrit toutes sortes d'erreurs. L'évaluatrice d'Ottawa avait reçu de l'information inexacte sur la nature des preuves fournies dans ce dossier. Elle n'avait pas été informée de l'existence d'un grand nombre de documents clés. Je ne sais pas comment on peut omettre de mentionner des documents comme un enregistrement comme citoyen britannique ou des passeports, c'est-à-dire des preuves secondaires acceptables; de toute apparence, un grand nombre de ces documents n'avaient pas été mentionnés au cours de cet appel téléphonique.
    L'évaluatrice de Sydney — et elle est l'évaluatrice de l'assurance de la qualité, s'il vous plaît — a ensuite envoyé par télécopieur ce qui, d'après elle, étaient les documents pertinents ou importants. Lorsque j'ai enfin eu l'occasion d'en discuter avec l'évaluatrice d'Ottawa, elle m'a dit qu'elle était surprise que certains documents ne lui avaient pas été envoyés par télécopieur, parce qu'elle avait une échéance à respecter. Elle devait prendre une décision sur mon cas. Mon dossier complet est arrivé de Sydney à Ottawa quelques heures seulement avant que la décision ne doive se trouver sur le bureau de la ministre.
    Si je n'avais pas communiqué par télécopieur 110 pages de documents à l'évaluatrice d'Ottawa, elle n'aurait pu se baser que sur les commentaires de l'évaluatrice de Sydney pour prendre sa décision. Comme je l'ai compris plus tard, l'évaluatrice d'Ottawa en avait conclu que j'étais citoyen canadien. Je n'ai pourtant pas encore ce privilège, parce qu'une autre personne contestait cette décision et que l'affaire a déjà pris une tournure différente. Cependant, ces événements, et c'est la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui, m'ont fait comprendre que des problèmes systémiques se posent — à un niveau intermédiaire et à un niveau supérieur de ce ministère, comme j'ai pu le constater —, dont certains semblent être les mêmes de la base au sommet. Certains problèmes d'équité et d'inefficacité se posent. Aucune solution administrative comme telle n'a été prévue quand un employé fait de l'excès de zèle, ce qui fut apparemment le cas en ce qui concerne mon dossier. Pour l'amour du ciel, le ministère ne respecte pas les valeurs que nous prétendons nous être chères.
    Ce qu'il est essentiel et ce que ce comité doit faire, c'est remédier aux lacunes de ce système d'une façon ou d'une autre, jusqu'au niveau du centre de Sydney, car rien d'autre que l'on pourrait faire n'a d'importance. Vous pouvez adopter des modifications et remanier la Loi sur la citoyenneté de sorte à en faire une loi parfaite, mais ce que j'ai appris dans le cadre de mes fonctions de vérificateur de processus et en aidant les personnes se trouvant dans ce type de situation, c'est que c'est comme dans une course de relais. Même si les trois premières personnes réussissent très bien, si la dernière laisse tomber le témoin, la course est perdue, et c'est, à mon avis, la situation à Sydney, en Nouvelle-Écosse, dans le centre de traitement par lequel passent toutes les demandes de citoyenneté.
    Je voudrais aborder deux sujets, celui des preuves et celui du recours que l'on a lorsqu'on n'en tient pas compte. Comme je l'ai mentionné et comme le savent probablement les membres de ce comité, il y a des preuves primaires comme les certificats de naissance. Il y a aussi des preuves secondaires comme les passeports ou peut-être même les permis de conduire et autres documents. Toutes ces preuves sont énumérées dans le Guide des politiques, CP 14.
    Je suggère que le comité pense à modifier par le biais de la loi la charge de la preuve par rapport à la façon dont elle est appliquée maintenant à Sydney — c'est-à-dire d'un point de vue axé sur les poursuites — pour qu'on énonce ce qui est considéré comme des preuves primaires acceptables et comme des preuves secondaires acceptables et que, si un requérant présente des preuves primaires et secondaires appropriées, ou des preuves secondaires au lieu de preuves primaires, elles doivent être acceptées.
    La charge de réfuter absolument toutes les objections ne devrait pas être imposée à un citoyen dont les ressources sont beaucoup plus restreintes que celles de l'évaluateur. Dans de nombreux cas, il semblerait que ces objections n'aient absolument aucun rapport avec le cas. Les lettres de refus, si on en envoie, devraient informer les personnes des recours possibles, et je ferai d'autres commentaires à ce sujet dans quelques instants mais, actuellement, le seul recours semble être très insuffisant.
    J'ai une suggestion à faire à ce sujet également. Je propose au comité d'examiner la possibilité d'imposer des dates d'échéance sur les contestations concernant des documents officiels délivrés par le gouvernement du Canada. Si l'on a délivré un passeport en 1942, personne ne devrait pouvoir décréter, 60 ans plus tard et sans la moindre justification, que ce n'est pas une preuve acceptable.
(1115)
    Je connais des témoins qui aimeraient beaucoup disposer d'un temps illimité, mais je sais qu'on vous a signalé que chaque témoin disposait d'environ cinq minutes alors que vous parlez déjà depuis près de 11 minutes. Pourriez-vous par conséquent passer à la conclusion, monsieur Bosdet?
    En 30 secondes?
    Je ne vous limite pas à 30 secondes. Vous pouvez dépasser légèrement ce délai.
    J'estime que le système actuel des juges de la citoyenneté n'est pas efficace. Je le remplacerais par un panel d'experts en droit administratif qui est très courant dans les ministères de l'impôt. Un système semblable est en place en Californie où une commission des relations de travail dans le secteur agricole et d'autres organismes de direction publient des avis et prennent des décisions dans les différends, pour que toutes les parties soient au courant des motifs et des règles du jeu, et qu'elles sachent comment celles-ci sont interprétées.
    Ce serait d'une aide précieuse aux intervenants et aux avocats canadiens, car la jurisprudence en matière de citoyenneté est très restreinte par rapport au nombre de citoyens canadiens.
    Merci, monsieur Bosdet.
    Monsieur Chapman, voulez-vous faire un commentaire?
    Charles m'a confié un jour que sa famille avait payé de son sang pour sa citoyenneté. Son grand-père, c'est-à-dire la personne dont on a mis la citoyenneté en doute, a pris des photos originales des champs de coquelicots en Flandre, au cours de la Première Guerre mondiale. La façon dont Charles a été traité est révoltante.
    Melynda Jarratt est une historienne de renommée mondiale en ce qui concerne les épouses de guerre canadiennes.
    Voudriez-vous raconter votre histoire, Melynda?
    Je m'appelle Melynda Jarratt. J'habite Fredericton, au Nouveau-Brunswick, et je suis historienne des épouses de guerre canadiennes. J'étudie ce sujet depuis 20 ans. C'est la troisième fois que je comparais devant ce comité. J'ai comparu en avril 2005, puis j'ai été invitée à témoigner à nouveau en mai 2005. Je suis de retour pour raconter encore la même histoire.
    Je sais que je dispose de cinq minutes seulement et, par conséquent, je m'efforcerai d'être aussi brève que possible. J'ai trois commentaires à faire qui pourraient très bien devenir cinq.
    Mon premier commentaire est le suivant: en ma qualité de principal point de contact pour les épouses de guerre canadiennes au Canada et à l'échelle internationale, par l'intermédiaire du site Web que je gère, appelé canadianwarbrides.com — qui est en quelque sorte le centre d'échange d'information et le serveur de liste pour toutes les épouses de guerre et leurs enfants et petits-enfants —, je signale qu'ils sont choqués par ce qui se passe. Leurs pères, leurs grands-pères et leurs époux ont fait pour ce pays au cours de la Seconde Guerre mondiale des sacrifices pour lesquels ils méritent qu'on leur rende hommage. On parle beaucoup de rendre hommage aux anciens combattants, mais lorsqu'il s'agit de leur procurer la sécurité dont ils ont besoin dans leur vieillesse, alors qu'ils ont largement fait la preuve de leur civisme, tout ce que les gouvernements leur apportent, c'est de l'insécurité et de l'incertitude.
    Je trouve que c'est déprimant. Je trouve que c'est insultant. Je trouve que c'est frustrant et je n'arrive pas à le croire. Ils sont mis au ban de la société. C'est ridicule. On discute avec des Canadiens et on leur demande ce qu'ils pensent des épouses de guerre. Les épouses de guerre sont un phénomène unique dans l'histoire du Canada. Elles sont arrivées au Canada — et c'est mon deuxième commentaire, qui est un bref historique — entre 1942 et 1948: 43 454 épouses de guerre ont été accueillies au Canada dans le cadre du système organisé par le gouvernement canadien, par l'intermédiaire du ministère de l'Immigration d'abord, mais le ministère de la Défense nationale a repris le flambeau en 1944. Elles ont été amenées au Canada dans le cadre d'un système organisé par le gouvernement. Elles ont amené avec elles 20 997 enfants en l'espace de six ans. Ces enfants ont été bien accueillis et les mères ont été accueillies à bras ouverts, considérées comme les meilleurs citoyens qu'on puisse espérer.
    Les preuves documentaires convaincantes qui se trouvent dans les dossiers des Archives nationales — et je vous prie de croire que je les ai examinées sans relâche au cours des 20 dernières années — représentent des milliers de feuilles de papier sur microfilm, sans parler des journaux et des témoignages de l'époque et de simples documents d'archives que les enfants, les épouses et les petits-enfants ont conservés pendant toutes ces années et m'ont fait parvenir... les preuves d'archives sont précisément le troisième sujet sur lequel je voulais faire des commentaires. Leur quantité est surprenante; cela représente une montagne de documents. Au cours des deux prochaines années, le gouvernement sera submergé de demandes de pension de vieillesse et de demandes de pension du Canada et de passeport; les autorités seront par conséquent débordées. Nous avons entendu les chiffres ce matin. On estime qu'entre 25 000 et 35 000 épouses de guerre et leurs enfants seront touchés par les problèmes causés par la Loi sur la citoyenneté de 1947. Il est essentiel de faire quelque chose.
    Je vais vous montrer deux ou trois petits documents; je mets d'ailleurs le gouvernement au défi de nier ce qu'ils disent. Voici les plus savoureux. Je les qualifie de « savoureux » parce qu'ils sont très significatifs.
    Celui-ci ne porte aucune date de publication, mais je pense qu'il a été publié en 1944. Il est intitulé le Canadian Cook Book for British Brides. C'est un livre de recettes canadien qui explique comment préparer les pommes de terre et le homard, et toutes sortes d'autres plats. C'est amusant quand on jette un regard contemporain sur ces documents, car on y explique la façon de repasser et le mode de vie canadien. Les auteurs de ce document disent ceci: « Vous êtes maintenant Canadienne et voici quels sont vos services ». Ce document a été publié en 1944, avant l'existence d'une Loi sur la citoyenneté. Les auteurs de ce document ne disent pas « Vous êtes originaire de Bornéo » ou « Vous êtes originaire de la Nouvelle-Guinée ». Ils disent « Vous êtes Canadienne ». Il existait un concept appelé le Canada avant l'adoption de la Loi sur la citoyenneté. Les auteurs de ce document n'indiquent rien d'autre. Ils indiquent ceci: « Vous êtes Canadienne ».
(1120)
    Voici la princesse Alice, la belle-soeur de la reine Mary, qui avait épousé le gouverneur général du Canada. On lui avait demandé d'écrire un avant-propos en guise de mot de bienvenue aux épouses de guerre. Ce document a été publié en 1944 par le ministère de la Défense nationale et par la Commission d'information en temps de guerre. La princesse Alice y a écrit ce qui suit: « Le gouvernement du Canada m'a demandé de préparer ceci ». Compte tenu de la façon dont se comporte le gouvernement actuel et de la façon dont le gouvernement du Canada se comportait alors — en temps de guerre, on était très attentif aux moindres détails —, on pourrait se demander pourquoi, s'il n'existait alors rien de semblable à la citoyenneté canadienne, ce qu'explique actuellement le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, on aurait consacré un chapitre entier à la citoyenneté canadienne dans un document publié en 1944.
    J'en lis une phrase. Nous rions en lisant cela, car nous n'arrivons pas à croire que certaines personnes tentent de le nier. « En venant des îles britanniques pour devenir une nouvelle citoyenne canadienne, vous devrez... » et cela continue ainsi. Il n'y est pas écrit qu'on est devenu une nouvelle citoyenne de Bornéo, mais qu'on est devenu une nouvelle citoyenne du Canada.
    Voici un autre petit document qui m'a été donné par Marion Vermeersch, qui a témoigné la semaine dernière. Il s'agit d'un document qui a été remis à toutes les épouses de guerre — il est très beau et très coloré — intitulé « Dock to Destination ». C'est un document de deux pages qui sont pliées. Je l'ai scanné pour cet exposé. Dans l'introduction, il explique aux épouses de guerre à quoi elles peuvent s'attendre en arrivant au Canada :
Dès que le bateau arrive à quai, les agents canadiens de l'Immigration monteront à bord. Ces hommes compléteront les formalités pour votre entrée au Canada, qui fera automatiquement de vous une citoyenne canadienne.
    Qu'est-ce qui est encore écrit dans ce document?
    Puis-je faire encore un commentaire...
(1125)
    Oui. Je vous accorde environ 30 secondes. Il s'est déjà écoulé huit minutes.
    Bien.
    Le dernier commentaire que je veux faire est qu'en ce qui concerne le ministre des Affaires des anciens combattants... De nombreux autres ministres ont d'ailleurs été entraînés là-dedans pendant toutes ces années, car partout où les épouses de guerre se réunissaient, ou intercédaient auprès d'un ministère, les ministres intervenaient. À ce sujet, le ministre des Affaires des anciens combattants a précisé, dans un document publié en 1946, que les épouses de guerre étaient des citoyennes canadiennes, et il avait l'appui du ministre du Commerce et du ministre de l'Immigration.
    À ce propos, Eswyn Lyster, qui était une épouse de guerre — je serai très brève — a écrit à Sa Majesté la Reine en octobre pour lui demander d'intercéder en faveur des épouses de guerre que, à son avis, le gouvernement du Canada ne traite pas très bien. Sa Majesté a demandé à la gouverneure générale du Canada de s'en occuper et celle-ci a demandé au ministre des Affaires des anciens combattants de s'en charger.
    C'était déjà le ministre des Affaires des anciens combattants qui était chargé de s'occuper de cela en 1946. Que disait le gouvernement du Canada? Il disait que les épouses de guerre canadiennes étaient canadiennes. Tout le reste n'est que balivernes.
    Merci. C'était un exposé très intéressant, madame Jarratt.
    Est-il nécessaire de présenter M. Smith?
    Oui.
    Soit dit en passant, le général ou le sénateur Roméo Dallaire fait partie de cette catégorie également, et Mme Jarratt a ses documents d'arrivée au Canada.
    William Smith m'a appelé il y a un certain temps. C'est une de ces personnes dont l'histoire est tout simplement bouleversante. Elle témoigne de l'injustice totale d'un traitement différent accordé à des frères. Son frère, qui se trouve dans la même situation et a les mêmes parents — c'est donc un cas identique en tous points —, est employé par le gouvernement canadien, mais on refuse la citoyenneté à Will Smith. À cause de cela, il est dans une situation financière très précaire. C'est tout simplement catastrophique.
    Racontez votre histoire, William.
    J'apprécie votre invitation et l'occasion que vous me donnez d'exposer certaines de mes réactions. Une des premières choses que je voudrais préciser, c'est qu'on ne trouvera jamais de solution à ce problème si personne n'en reconnaît l'existence. Il n'est pas évident qu'on ait l'intention ou la capacité de le résoudre. Je pense que la situation a été examinée sérieusement pendant des années, mais il semblerait qu'on ne soit pas encore sur le point de régler le problème. C'est une observation personnelle.
    Dans mon esprit, les lois ont pour but de maintenir l'ordre et d'assurer la sécurité. Elles sont censées servir les intérêts de la population. Elles sont censées être basées sur le bon sens et être tempérées de raisonnabilité.
    Je ne sais pas ce qui s'est produit, mais ça a très mal tourné. Je ne pense pas que ça correspondait à l'esprit initial de la Loi sur la citoyenneté. Je signale en outre que le temps qu'il a fallu pour que la loi soit promulguée, c'est-à-dire de 1945 à 1947, ne représente pas une longue période mais qu'il a fallu de nombreuses années pour en modifier les lacunes et s'occuper des dispositions de la loi qui n'avaient pas évolué.
    Il y a les obligations imposées par la loi. Il y a le droit de la responsabilité délictuelle, le devoir de diligence et la responsabilité pour les actes et leurs conséquences. Les lacunes de ces obligations causent un préjudice à d'autres personnes. C'est un facteur auquel il est essentiel d'accorder beaucoup d'attention.
    Il existe à mes yeux un droit absolument fondamental. Il s'exprime mieux en français qu'en anglais: c'est un droit acquis. Une mère et un père décident d'avoir des enfants. Les enfants grandissent dès leur conception. Avant même leur naissance, ils acquièrent le droit à la vie, alors qu'ils sont nourris. Pendant toute leur vie, même après leur naissance, des droits viennent s'ajouter à ces droits acquis. Avec le recul, je pense qu'un des droits que j'ai acquis par la voie génétique est le droit à la citoyenneté de mon père, avant même ma naissance, et je suis intraitable sur ce point.
    Plus tard, après avoir fait mes études au Canada, j'ai pu obtenir mon numéro d'assurance sociale qui me permettait de travailler et de payer des impôts. Je vote aux élections. J'ai été appelé à faire partie du jury dans un procès pour meurtre. Ce sont de belles expériences canadiennes, mais des erreurs ont été commises tout au long de ma vie.
    La première erreur a été commise trois semaines après ma naissance, en avril 1949. Ma mère avec son nouvel enfant était accompagnée de mon père, qui avait en effet quitté les États-Unis pour accompagner sa femme et son nouveau-né au Canada. Quand nous sommes arrivés à la frontière, sur le train, le seul commentaire des représentants de l'Immigration a été « Ah, vous nous ramenez un nouveau Canadien ». Aucun document n'attestait de mon entrée au Canada. Quelqu'un représentait le ministère de l'Immigration au poste-frontière à l'entrée d'un enfant dans le pays et quelque chose aurait dû être fait. Or, rien n'a été fait.
    Il y eut ensuite une deuxième visite d'un homme qui était, je crois, un employé du ministère de l'Immigration, mais cela remonte à de nombreuses années. Il a laissé un document qui indique que la visite remonte au 7 décembre 1951. Cet homme est venu pour recueillir des renseignements sur le statut de citoyen, les certificats de naissance et les certificats de mariage de mes parents et de tous leurs enfants, pour que les enfants puissent être enregistrés et recevoir des prestations et pour que nos parents puissent recevoir les prestations du programme fédéral des allocations familiales. Il a pris tous les documents et nous avons été enregistrés; nos parents ont reçu ces prestations.
(1130)
    J'ai toujours pensé que j'avais la double nationalité: celle liée à mon lieu de naissance, à savoir les États-Unis, et celle acquise par mes parents.
    Les conséquences de ces problèmes sont que j'ai perdu ma sécurité d'emploi. Pour tous les postes que je postule, on exige une preuve de citoyenneté canadienne. Je n'ai pas été capable de l'obtenir, même après de longues démarches. J'ai été obligé d'attendre pendant des mois, de mars à novembre 2006. N'ayant obtenu aucune information fiable, bien que tous les appels à Sydney soient enregistrés pour le contrôle de la qualité, aucune des personnes que j'ai eues à l'autre bout du fil n'avait l'autorité voulue et elles m'ont toutes dit que quelqu'un entrerait en contact avec moi.
    Quand j'ai enfin reçu une lettre, j'ai été tellement estomaqué que c'était comme si quelqu'un avait éteint la lumière dans une pièce et que tout ce que je pouvais voir, c'était du rouge. J'ai vomi du sang pendant trois jours et ai été hospitalisé. Ma femme a alors demandé à mon frère aîné, qui avait travaillé pour le gouvernement fédéral jusqu'à sa retraite, s'il ne pouvait pas se renseigner sur cette affaire. Mon frère aîné est une personne très tenace, très logique et très méticuleuse. Il a envoyé des lettres au premier ministre Harper, à la gouverneure générale et à tous les paliers d'administration auxquels il avait accès, pour tenter de trouver une solution, pour aider son frère. Je pense que ses intentions étaient très nobles.
    Le résultat de toutes ces démarches n'est pas encore connu, mais elles m'ont laissé dans une situation financière très précaire.
(1135)
    Merci.
    Votre exposé dure depuis huit minutes et, pour laisser un peu de temps aux membres du comité pour poser des questions, nous devons...
    J'aimerais seulement ajouter que moi, je me sens Canadien.
    Merci. C'était un exposé très intéressant.
    Le dernier témoin de ce groupe est M. Veeman.
    Je rappelle que bien que mon frère et ma soeur soient canadiens, je ne le suis pas. En ce qui concerne William, c'est son frère qui est canadien. L'est-il vraiment? On ne sait jamais dans le contexte d'un système comme celui-là.
    Pour passer à un autre sujet, voici Chris Veeman, qui représente une personne qui a un lien avec ce comité.
    Mme Diane Finley a témoigné et a signalé qu'on rectifiait le paragraphe 5(4) de la Loi sur la citoyenneté. Eh bien, le cas de deux frères a été examiné aux termes de ce paragraphe, mais on a refusé la citoyenneté à l'un des deux et c'est ce frère que M. Veeman représente. Il s'agit donc à nouveau d'un traitement inégal concernant des membres d'une même famille.
    Merci pour votre invitation.
    Je ne suis pas un Canadien déchu ou, du moins, je ne pense pas l'être. Je suis né à Saskatoon et, avant d'intervenir dans ce dossier, je n'avais aucun doute que j'étais Canadien, mais on dirait qu'il s'est passé des choses étranges.
    Bref, je suis avocat et je représente Robert Gene Clark, qui se trouve pris dans la situation d'une personne qui a traversé la frontière enfant.
    Je voudrais faire un bref historique de sa famille. Son grand-père est arrivé au Manitoba, de l'Ontario, vers la fin du XIXe siècle. Le père de M. Clark est né au Manitoba en 1909. Sa mère est née au Manitoba en 1916. Ses parents se sont mariés en 1939. Le père de M. Clark a fait la Seconde Guerre mondiale dans la force aérienne. Puis, la soeur de M. Clark est née en 1940. Les trois frères sont nés après la guerre. M. Clark est né en 1947, immédiatement après l'entrée en vigueur de la première Loi sur la citoyenneté. La famille habitait juste à côté de la frontière américaine, dans le sud du Manitoba. L'établissement médical le plus proche était situé à Westhope, au Dakota du Nord. C'est là que tous les enfants naissaient. Ils revenaient au Canada immédiatement après leur naissance et ils ont toujours vécu au Canada depuis ce moment-là.
    Depuis 1947, et jusqu'en 2006, M. Clark et ses frères et soeur se considéraient comme des Canadiens et faisaient tout ce qu'on s'attendait qu'un Canadien fasse; ils allaient à l'école, travaillaient, votaient, faisaient des emprunts à la Société de crédit agricole et les remboursaient, et recevaient des chèques d'allocations familiales. C'est en 2006 qu'on prit conscience de la situation, lorsque M. Clark fut reconnu coupable d'une infraction et que quelqu'un découvrit qu'il était né aux États-Unis. Cette découverte a déclenché une enquête en matière d'immigration. On lui a finalement dit qu'il était ressortissant étranger au Canada et qu'il n'avait aucun statut de citoyen ici; par conséquent, à cause de la condamnation, il reçut une ordonnance d'expulsion.
    La Cour fédérale a suspendu l'exécution de l'ordonnance d'expulsion invoquant qu'il était en fait citoyen aux termes de la Loi sur la citoyenneté, quoiqu'il s'agisse d'une suspension provisoire. Quelques mois plus tard, la citoyenneté fut accordée aux deux frères de M. Clark aux termes du paragraphe 5(4) de la Loi sur la citoyenneté; ils sont donc citoyens depuis février 2007. Jusqu'alors, ils n'avaient apparemment pas le statut de citoyen. Cependant, M. Clark n'obtint pas le même traitement, probablement en raison de l'infraction en question.
    Nous estimons qu'il est citoyen canadien. Tous les membres de la famille sont en fait citoyens en vertu de la loi. Même si nous faisions erreur, j'estime qu'un système qui permet à des personnes, qui se considèrent ouvertement comme des Canadiens, de vivre au Canada pendant 59 ans pour émettre ensuite une ordonnance d'expulsion après une audition sommaire en présence d'un fonctionnaire de l'Agence des services frontaliers du Canada est un système défectueux.
    Voici les suggestions que je voudrais faire au comité: si vous comptez remanier la Loi sur la citoyenneté, il faudrait limiter autant que possible l'exercice du pouvoir discrétionnaire et envisager la nomination d'un décideur indépendant pour ces types de questions, comme l'a recommandé M. Bosdet.
(1140)
    Merci.
    C'est très intéressant. Ceci vous montre pourquoi le paragraphe 5(4) n'est pas efficace. On ne peut régler cette question par l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. Il est essentiel de légiférer en la matière, et je voudrais que vous ne perdiez pas de vue que deux des personnes qui faisaient partie du groupe de ce matin n'étaient pas au courant de ces audiences et de ce qui se passait avant que ce ne soit télédiffusé dans tout le pays et qu'elles n'aient appris ainsi qu'elles n'étaient pas seules dans cette situation.
    Je remercie tous les témoins. Merci, monsieur Chapman.
    Nous ferons maintenant un tour de table. Nous n'avons pas le temps de faire un tour de sept minutes, mais nous ferons d'abord un tour de cinq minutes, en commençant par M. Alghabra. Nous devrons faire entrer notre deuxième groupe à midi.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
    De nombreuses personnes comme vous et d'autres témoins continuent de mettre un visage humain sur ce que je considère comme être une tragédie. Il est très important que nous entendions ces histoires, que nous profitions de vos expériences et que nous collaborions pour tenter de régler ce problème. J'ai discuté tout à l'heure avec Mme Jarratt.
    Vous avez dû malheureusement lutter sans cesse en raison de ce dilemme. Vous le faites au nom de tous les Canadiens. De nombreux Canadiens ne sont pas au courant de ce problème. Ils ne se sentent peut-être pas très concernés mais, à vrai dire, personne n'est à l'abri. Vous nous aidez à naviguer à travers ce problème créé par le gouvernement actuel, mais nous trouverons un moyen d'y mettre fin.
    Je ne sais pas très bien qui voudrait répondre. La ministre et certains fonctionnaires ont témoigné et ont tenté de nous faire croire que le problème n'avait pas une portée très large. Ils ont parlé d'environ 450 personnes qui auraient été touchées par cette lacune dans la loi. Si c'est le cas, vous avez probablement entendu parler d'environ 10 p. 100 de ces personnes. Est-ce que l'un d'entre vous pourrait indiquer...
    Allez-y, monsieur Bosdet.
    J'ai entendu ça. J'ai entendu la ministre insister continuellement là-dessus. Cette observation était toutefois trompeuse.
    Tout ce que je voudrais dire aux membres du comité, ou à qui veut l'entendre, c'est que, à en croire mon expérience, je peux choisir maintenant au hasard une demi-douzaine de personnes qui se posent des questions sur leur citoyenneté. Je n'ai pas communiqué avec elles. Je ne connaissais pas les membres de la collectivité qui se posaient soudainement des questions à ce sujet. Aucune de ces personnes n'a à ma connaissance communiqué avec Citoyenneté et Immigration Canada. Elles ne tiennent pas du tout à le faire, de crainte de ce qui pourrait arriver.
    La ministre n'a pas besoin à mon avis de quitter son fauteuil. Examinez ce chiffre de 450 personnes. Pensez à la nature du problème et à la réaction des gens. Pensez à la population d'une trentaine de millions d'habitants. Cela permettrait de situer ces 450 personnes dans le contexte. Le centre d'appel de CIC n'a sans doute reçu que 450 appels. Qui voudrait faire ce type d'appel?
    J'aimerais également faire un commentaire.
    Vendredi dernier, j'ai reçu personnellement des appels de deux personnes dont je n'avais jamais entendu parler. Elles me demandaient de l'aide pour savoir comment obtenir leur liste de passagers — comme la liste pour le sénateur Roméo Dallaire, par exemple. Voici sa liste de passagers. Ces renseignements sont très difficiles à obtenir. Ce n'est pas tout le monde qui arrive à mettre la main là-dessus. Pourquoi leur demande-t-on ce document? Ce n'est pas le type de document dont ces personnes ont besoin pour faire la preuve de la citoyenneté.
    Les gens ne comprennent pas la procédure. Les gens ont peur et ne savent que faire. Je ne suis pas experte en matière d'immigration, pour l'amour de Dieu — je suis experte en ce qui concerne les épouses de guerre, mais pas en matière d'immigration.
    Je pense que c'est un tsunami en puissance. J'ai employé ce terme il y a quelques minutes, et je le pense sincèrement. Ça causera des problèmes. Les gens ont peur.
    Je connais une dame dont je tairai le nom de famille. Son prénom est Jan. Elle a peur de parler. Elle serait venue aujourd'hui, mais n'a pas pu le faire. Elle craint d'être ciblée si elle parle.
    Ces personnes se cacheront la tête dans le sable jusqu'au moment où elles n'auront plus le choix d'agir. Lorsqu'elles auront besoin de leur Régime de pensions du Canada, de leur pension de vieillesse ou d'un autre service fédéral, ça fera du grabuge. Cette affaire prendra des proportions énormes. C'est colossal.
(1145)
    Monsieur Alghabra.
    Si je pose cette question, c'est pour faire ressortir la gravité de ce problème et faire comprendre qu'il est absolument essentiel de le régler aussi rapidement que possible.
    Il ne me reste plus que 40 secondes. Quelqu'un pourrait-il indiquer quelle devrait être la solution?
    Il faut établir ce que l'on considère comme une revendication juste de la citoyenneté et l'appliquer. Il faut toutefois que ce soit précisé dans la loi. Il ne faut pas laisser la décision dépendre du bon vouloir d'un individu, car vous n'obtiendrez pas les mêmes résultats.
    Monsieur Veeman, vous avez levé la main également.
    Je voulais signaler que les naissances à l'étranger pouvaient être enregistrées jusqu'en 2004. Je n'ai pas encore obtenu d'explication convaincante concernant l'impossibilité de prolonger la période d'enregistrement. Je pense que ça réglerait un grand nombre de ces cas. Les cas ne sont pas tous semblables, mais dans celui dont je m'occupe, cela réglerait le problème.
    Merci.
    Merci, monsieur Alghabra.
    Madame Faille.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    D'abord, je voudrais vous saluer tous. Ce n'est pas la première fois qu'on se rencontre. La question de la citoyenneté est très importante pour moi, pour deux raisons.
    Premièrement, la question identitaire nous préoccupe beaucoup, comme Québécois, mais il y a également le fait que je suis députée de Vaudreuil-Soulanges. C'est une circonscription située juste à côté de l'hôpital des vétérans. Beaucoup de familles d'anciens combattants demeurent dans mon comté. Entre autres, le Manoir Cavagnal loge plusieurs personnes âgées. Lors de mes visites, j'ai rencontré des war brides, des épouses de guerre, qui m'ont raconté toutes leurs histoires. Lorsque je me suis intéressée à la question de la citoyenneté, cela leur disait quelque chose. Cela les inquiétait également par rapport à leurs enfants, je crois.
    Melynda, tu connais justement une de ces dames de Hudson, avec qui tu as travaillé. J'aimerais te poser des questions. Tu parlais du fait qu'en 1944, il y avait ce concept de citoyenneté canadienne. La semaine dernière, les vétérans de la Légion canadienne sont venus témoigner. À l'approche des célébrations de l'anniversaire de la bataille de Vimy, on parle de l'émergence d'une nation à ce moment-là aussi.
    Dans les recherches que tu as faites du point de vue historique, pourrait-on retourner jusqu'en 1917?

[Traduction]

    Je trouve en fait intéressant qu'on pose cette question, car j'ai discuté vendredi avec Pierre Allard, de la Légion royale canadienne, et avec Joe Taylor, par téléconférence. Au cours de cette téléconférence, M. Allard m'a surprise en en disant qu'il n'était pas suffisant de remonter jusqu'à 1910. Il veut qu'on remonte jusqu'à 1867.
    J'utilise sans cesse l'exemple de Bornéo car je trouve que cette affaire est tout à fait ridicule. Quand nous discutons du Canada, il est possible que la Loi sur la citoyenneté n'ait pas encore été en place, mais l'esprit de citoyenneté canadienne existait déjà. Ma mère est née en 1917, à Bathurst, au Nouveau-Brunswick. Elle est canadienne. Mon père est né au Québec en 1915. Il est canadien. Ces enfants d'épouses de guerre sont des enfants de militaires canadiens. Joe Taylor est canadien. On ne peut pas changer cela.
    C'est la perception de la citoyenneté canadienne. Et même les documents gouvernementaux canadiens le démontrent. En 1942, 1943, 1944 et 1945, on parlait de « citoyenneté canadienne ». Il était indéniablement question de citoyenneté. Le premier ministre Mackenzie King a accueilli les épouses de guerre en août 1946 en ces termes: « Soyez les bienvenues, citoyennes canadiennes ». Le ministre des Affaires des anciens combattants disait, en 1946, que les épouses de guerre étaient des citoyennes canadiennes.
    C'est donc une continuité, comme M. Kish, représentant la Légion, l'a signalé la semaine dernière. Il y a une continuité de la citoyenneté. Ce n'est pas parce qu'un document appelé Loi sur la citoyenneté est entré en vigueur le 1er janvier 1947 que toutes les personnes qui vivaient au Canada avant cela n'étaient pas des Canadiens.
    J'espère avoir répondu à la question.
(1150)

[Français]

    Merci. J'ai juste une autre question à l'intention de M. Veeman.
    Savez-vous comment les Américains réagissent face à des avis de déportation de ce genre, alors que des gens ont habité ici durant 59 ans et que, tout à coup, on veut les renvoyer aux États-Unis?
    Je ne sais pas vraiment comment ils réagiraient.

[Traduction]

    Je ne sais pas comment ils réagiraient, mais je ne pense pas qu'ils accueilleraient à bras ouverts ce type de personne. Le fait qui est important, c'est que cette personne n'ait aucun lien avec les États-Unis. Je trouve absurde de penser qu'il existe une réponse logique à la situation.

[Français]

    Je pense que M. Bosdet aimerait faire une remarque.

[Traduction]

    Madame Jarratt a parlé de continuité, et cela a fait surgir une image dans ma tête. Le passeport de mon grand-père — celui dont j'ai une copie — a été délivré par le gouvernement britannique au Mexique, mais il porte la mention « Canada » en très grosses lettres moulées. Cette continuité, cette notion de citoyenneté est apparue au Canada avant 1947, c'est certain.
    Merci, madame Faille.
    Monsieur Siksay.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous d'être venus. Pour certains c'entre vous, c'était la première fois, alors que d'autres avaient déjà témoigné plusieurs fois. Je suis désolé que vous soyez obligés de revenir et de continuer à travailler sur ce dossier, mais je suis content que vous soyez persévérants et que vous soyez disposés à faire cet effort.
    Ce qui est intéressant, monsieur Veeman, en ce qui concerne le cas que vous avez exposé, c'est que nous avons longuement discuté en comité, lors de l'examen du projet de loi S-2, de ce qu'il faudrait faire dans le cas d'un Canadien ayant un casier judiciaire. Je me souviens que certains d'entre nous trouveraient que cela ne devrait avoir aucune importance et que, s'il s'agissait d'un Canadien, le cas de ce criminel relevait de notre responsabilité. C'est peut-être une façon directe de s'exprimer, mais je pense qu'il faut se faire à l'idée qu'il n'y a aucune raison de faire de la discrimination à l'égard de cette personne pour cette raison. Nous avons déjà pris cette décision lorsque nous examinions le projet de loi S-2 et que nous essayions de décider quelles en étaient les répercussions. La citoyenneté reconnaît implicitement qu'on puisse commettre des erreurs sans toutefois la perdre pour la cause.
    Monsieur Bosdet, vous avez manqué de temps pour terminer votre exposé et je me demande si vous vouliez aborder d'autres questions. Vous avez fait des suggestions spécifiques concernant des groupes d'experts en droit administratif. M. Veeman a fait une suggestion semblable également, mais auriez-vous aimé faire d'autres recommandations ou aborder d'autres sujets que vous n'avez pas eu le temps d'aborder?
    Oui. J'aimerais faire deux autres observations.
    Le panel de juges spécialisés en droit administratif est une bonne idée car, lorsque j'ai consulté la banque de données de la Cour fédérale il y a quelque temps, et que j'ai examiné tous les cas que je pouvais y trouver concernant la citoyenneté, j'ai été en fait surpris de n'y trouver qu'un très petit nombre de cas. Il n'existe pas d'ensemble jurisprudentiel important dans ce domaine, et cela pose un problème aux citoyens; je leur souhaite d'ailleurs bonne chance pour trouver un avocat spécialisé dans les questions de citoyenneté. Les avocats spécialisés en droit de l'immigration sont très nombreux; c'est un domaine très lucratif. La citoyenneté n'est pas un domaine lucratif et, par conséquent, on a de la difficulté à trouver des spécialistes. Ça pose un problème pour les intervenants.
    L'autre observation est que le système produit des décisions tous azimuts mais qu'on n'en révèle jamais les motifs. Les motifs de ces décisions ne sont jamais mis à la disposition d'autres personnes pour qu'elles puissent les examiner à la loupe. Par conséquent, un secteur du système procède de telle façon alors qu'un autre secteur procède d'une autre façon. On refuse injustement quelque chose à une personne mais on n'en entend jamais parler. Il s'agit là de personnes qui se font attaquer dans le noir.
    Si vous voulez apporter de la transparence au système et relever la qualité des décisions, une des options serait d'annoncer ceci: « Cette décision sera affichée sur le site Web. Nous mettrons en place un panel de juges professionnels qui examineront ces questions à la loupe et, lorsqu'ils rendront une décision, celle-ci sera publique ». Une telle façon de procéder présenterait toutes sortes d'avantages et le fait que ces décisions puissent être utilisées à titre de référence, même s'il ne s'agit que d'avis juridiques administratifs, ne serait pas le moindre.
    Cela comblerait un très gros écart entre le présent système, dans le cadre duquel le juge de la citoyenneté est le seul autre recours qu'ait une personne en vertu du processus actuel, et la Cour fédérale. Si vous vous adressez à la Cour fédérale ou, avec de la chance, à un juge spécialisé en matière de citoyenneté, dont la décision est fondée sur un résumé préparé par le procureur, toutes vos petites économies risquent d'y passer. Je ne connais personne au monde qui pense qu'en cas de différend avec l'évaluateur du centre de traitement des demandes de citoyenneté, c'est bien que la personne chargée d'examiner votre cas rédige un rapport et le présente à une autre personne sans votre participation, si ce n'est l'information que vous avez fournie par écrit. La seule obligation qu'ont les juges de la citoyenneté, c'est de lire ce résumé, à moins qu'un fait ne pique leur curiosité; dans ce cas, ils peuvent réclamer le dossier. C'est en quelque sorte un avortement du droit à la justice.
    Je suis un ardent partisan de la transparence. Elle a été efficace pour la Californie dans plusieurs domaines. Je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas être efficace dans celui de la citoyenneté. Si nous attachons vraiment autant d'importance à la citoyenneté que nous le prétendons, il faut alors créer quelques postes de juge, mettre ce système en place et faire des vérifications. Il faut faire des vérifications au début, pour déterminer si on est sur la bonne voie et si le système est efficace. Il faut aussi faire des vérifications ponctuelles des décisions prises au centre de traitement des demandes. On verrait bien ce que ça donnerait. J'aimerais voir ça.
    L'autre raison pour laquelle il n'existe pas un ensemble de lois très volumineux dans ce domaine, c'est que certaines personnes n'ont pas l'argent nécessaire pour aller en cour.
    Un autre facteur entre en jeu. Quand on a affaire à des personnes venant de différents pays, ces personnes ont passé leur enfance dans une culture présentant certaines différences avec la nôtre. Ces personnes ont peut-être de la déférence envers l'autorité. Quand un employé du centre de Sydney rejette la demande, les requérants ne contestent pas la décision ou n'ont peut-être pas les ressources nécessaires pour le faire ou alors ne savent pas comment procéder. Le résultat est le même: ils abandonnent. D'autres personnes ont de l'argent et contestent la décision devant la Cour fédérale à grands frais et, au moment même où on a l'impression qu'elles vont perdre leur cause, les avocats du gouvernement font ce que ferait peut-être tout avocat: ils proposent un règlement. Ces cas ne sont donc pas répertoriés dans la banque de données non plus.
    La banque de données donne une image très déformée de ce qui se passe à Sydney et peut-être même à Ottawa, car les cas qui auraient pu y être répertoriés ne le sont pas tous, parce que le système s'y oppose. Je ne pense pas qu'il soit intéressant... Nous ne serions pas confrontés à certains de ces problèmes si le système était plus efficace et s'il accomplissait le travail à faire de la manière appropriée.
    C'est un facteur.
(1155)
    Nous ne pouvons pas aller plus loin. Il s'est déjà écoulé six minutes.
    Je donne la parole à M. Komarnicki pour cinq minutes, puis nous devrons arrêter. Certains membres m'ont demandé la permission de poser une question supplémentaire. Ce ne sera pas possible. Nous avons un deuxième groupe à accueillir.
    Monsieur Komarnicki.
    Merci, monsieur le président.
    Nous ne serons naturellement pas capables de poser des questions précises. Je ferai donc plutôt quelques commentaires. Je tiens à ce que vous sachiez que j'apprécie le fait que vous soyez venus pour exposer quelques préoccupations et faire des suggestions précises dont nous ne manquerons pas de tenir compte.
    Je sais que dans ce domaine la mésinformation et les idées fausses sont courantes. Il est essentiel d'éviter de tomber dans ce travers. Mon collègue M. Alghabra a attiré l'attention sur le fait qu'on avait l'impression que ce n'était pas un problème de très grosse envergure et qu'il ne concernait que 450 personnes. En fait, à sa décharge, la ministre n'a pas affirmé que c'était le nombre exact. Il s'agit du nombre de personnes qui ont communiqué avec le ministère au sujet de problèmes précis, ce qui n'est certainement pas une indication du nombre de personnes touchées. Ce nombre est certainement beaucoup plus élevé et si toutes les personnes concernées se manifestaient, on constaterait qu'il l'est effectivement.
    On ne peut pas mélanger les faits et jouer avec les faits et avec les chiffres avec désinvolture, car ce n'est pas correct. Nous nous rendons compte du fait que plus de 450 personnes sont touchées et qu'il y a des raisons pour lesquelles certaines d'entre elles n'ont pas communiqué avec le centre d'appel. Il est nécessaire de régler ces problèmes. Je sais que les épouses et les enfants de guerre sont nombreux. Une forte proportion d'entre eux sont venus au Canada et sont actuellement citoyens canadiens, mais c'est le cas des personnes qui ne sont pas considérées comme des citoyens qu'il faut régler. Nous avons plusieurs catégories — au moins six, mais peut-être plus — de cas à examiner. Je sais que beaucoup de parlementaires sont très tentés de politiser la question, d'en faire un enjeu politique et cherchent à en tirer des avantages politiques.
    Ce problème se pose depuis 1977, peut-être avant — peut-être 1947, comme vous l'avez mentionné. Il ne s'agit pas de faire des accusations et de vouloir faire passer le voisin pour un méchant. Il s'agit de déterminer si on peut aborder la question d'une façon logique qui permettrait de résoudre la plupart des problèmes. On peut probablement dire, sans trop de risque de se tromper, qu'on n'arrivera jamais à les résoudre tous, mais on devrait s'y appliquer. Nous estimons qu'il est essentiel de s'attaquer à ce problème. Il se pose depuis des années, sous de nombreux gouvernements et de nombreux ministres différents; par conséquent, ce serait bien qu'on amène ce dossier à un point où certains problèmes pourront être résolus.
    À l'instar de Charles Bosdet, j'estime qu'une certaine rationalisation dans l'administration serait probablement indispensable et qu'il faudrait aborder la question avec une attitude constructive. Il est peut-être essentiel de mettre en place un système de communication et d'administration qui canalise toutes ces questions vers un guichet unique où des personnes bien informées pourront les régler. En tout cas, je prends note de cette suggestion.
    M. Veeman vient de la même province que moi; je suis d'ailleurs heureux de le voir. Son cas est, de toute évidence, unique, et j'espère qu'il sera réglé. Vous avez abordé la question de ce qui se passe lorsque des infractions criminelles sont commises en pleine procédure, avant qu'intervienne le pouvoir discrétionnaire. Je me demande si vous estimez que ce pouvoir devrait être exercé sans tenir compte des problèmes de criminalité ou de sécurité ou s'il faudrait examiner le moment où a lieu...
(1200)
    Il ne nous reste qu'environ une minute et demie pour répondre à toutes ces questions.
    Je n'ai pas posé de question. J'en ai seulement posé une à M. Veeman et j'ai fait des commentaires.
    Estimez-vous qu'il faille en revenir au système en vertu duquel la personne devrait avoir acquis sa citoyenneté sans tenir compte des infractions criminelles ou des problèmes de sécurité ou que c'est un facteur qui devrait intervenir? Cette question s'adresse à M. Veeman.
    J'ai ensuite une question à poser à M. Smith. J'apprécie votre insistance et vos préoccupations, ainsi que votre considération sur le plan émotionnel. Je sais que la ministre a demandé, à titre provisoire, pendant que nous examinons la question, que des personnes fassent une demande de décision discrétionnaire pour... Je me demande si vous avez présenté votre demande en vertu de cette disposition, car on la prendrait certainement en considération.
    C'est encore la deuxième demande, mais je suis un fervent partisan du vieux principe selon lequel il ne faut pas croire ce que les gens disent, mais observer ce qu'ils font. J'en suis encore à la deuxième demande.
    J'espère que vous obtiendrez des résultats positifs.
    M. Veeman peut peut-être répondre à ma question puis je conclurai, si j'en ai le temps.
    Je pense que le traitement différent concerne peut-être les personnes qui demandent à la ministre de leur attribuer la citoyenneté, par exemple des résidents permanents qui demandent la citoyenneté. Je pense que la criminalité est un facteur qui devrait être pris en considération, mais lorsqu'il s'agit d'une personne qui est un citoyen de naissance, il faut à mon avis tenir compte de la date à laquelle le droit à la citoyenneté est acquis; la criminalité ne devrait pas intervenir dans ce cas-là.
    Je vous accorde 15 secondes.
    Je présume qu'en 15 secondes, la seule observation que je peux faire, c'est que j'apprécie le fait que vous ayez pris le temps et fait l'effort de porter à notre attention certaines questions qui vous préoccupent. Je vous garantis que nous vous écoutons et que nous prenons bonne note de vos observations. Espérons que nous obtiendrons des résultats positifs en temps et lieu.
    Merci. Vous avez dit le mot de la fin, monsieur Komarnicki.
    Je remercie les témoins d'avoir accepté notre invitation. Soyez assurés que nous partageons la plupart de vos préoccupations et que nous travaillerons assidûment pour que votre problème soit réglé.
    Nous demandons aux témoins de quitter la table pour laisser la place au deuxième groupe.

    Le président: J'accueille notre deuxième groupe de témoins qui est composé de Barry Edmonston, professeur au département de sociologie de l'Université de Victoria, Donald Galloway, professeur en droit à l'Université de Victoria et des représentants de la B.C. Civil Liberties Association, à savoir Jason Gratl, le président, et Christina Godlewska, une stagiaire.
    Je pense que vous êtes au courant de la façon dont nous procédons. Je donne d'abord la parole à M. Edmonston pour ses observations liminaires, pour lesquelles il disposera d'environ cinq minutes.
    Vous avez la parole.
(1205)
    Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie pour votre invitation.
    Mon exposé se présentera en trois parties. Je ferai quelques commentaires liminaires. Je citerai quelques chiffres clés très brièvement, aborderai plusieurs questions puis ferai quelques mises en garde.
    J'ai une formation de démographe et ai consacré principalement ma recherche universitaire en démographie à l'immigration. Il y a environ quatre ans, j'ai reçu un appel d'un journaliste du Vancouver Sun. Il a expliqué qu'il faisait un article sur les Canadiens déchus de leur citoyenneté et m'a demandé quel en était le nombre. Certaines personnes disaient qu'ils étaient quelques centaines alors que d'autres parlaient de plusieurs millions. En fait, j'ai utilisé de l'information publique tirée de données de recensement pour obtenir un chiffre estimatif d'environ 85 000 Canadiens déchus vivant aux États-Unis. C'était il y a plusieurs années. Je continue de faire des travaux dans ce domaine, davantage dans le contexte de la fonction publique, pour faciliter la discussion. Je signale que ce n'est pas un sujet très populaire en démographie et que ça n'a par conséquent pas fait beaucoup progresser ma carrière universitaire.
    Je me base en fait sur des données de recensement américaines ou canadiennes. Ce sont des fichiers de données confidentiels d'usage public utilisées par de nombreux chercheurs universitaires et organismes gouvernementaux. Les noms ou adresses des personnes correspondantes ne sont pas indiqués et, par conséquent, ces fiducies n'ont rien de confidentiel. J'essaie de délimiter les groupes le plus soigneusement possible, un par un, selon certaines caractéristiques, et cherche à déterminer le nombre de personnes, pour les personnes nées entre 1947 et 1977, pour chacun de ces différents groupes.
    Je ferai quelques commentaires supplémentaires sur les épouses de guerre. J'examine le cas de femmes qui sont nées en Europe et qui devaient avoir 15 ans ou moins en 1945, qui n'étaient pas canadiennes lorsqu'elles sont nées, mais ont déclaré qu'elles avaient épousé un Canadien, un membre des forces armées ou un autre Canadien, et qui sont ensuite venues au Canada entre 1945 et 1955. Combien de femmes correspondent à cette définition? La réponse est qu'environ 25 000 femmes au Canada correspondent à ce type de définition d'épouse de guerre. Elles n'ont pas toutes nécessairement des problèmes de citoyenneté. Certaines d'entre elles n'ont même pas présenté de demande. Je pense par conséquent qu'il y a une grosse différence entre celles qui pourraient avoir des difficultés si elles présentaient une demande et celles qui sont représentées dans les chiffres de l'organisme gouvernemental. Il y en a cependant environ 25 000.
    Il y avait environ 5 000 bébés nés en Europe après la guerre d'une mère ou d'un père canadien. Il y a au Canada environ 10 000 bébés qui sont des Canadiens déchus. J'ai mentionné 85 000 Américains. Il y a environ 10 000 bébés nés à la frontière, des bébés qui sont nés de parents canadiens aux États-Unis et qui sont à nouveau au Canada. Enfin, environ 75 000 bébés sont nés à l'étranger, de parents canadiens.
    Les chiffres estimatifs totaux sont dès lors d'environ 115 000 Canadiens vivant au Canada qui pourraient avoir des problèmes de citoyenneté. Je le répète, ils n'en auraient probablement pas tous, mais c'est plus de quelques douzaines. Il y en a environ 85 000 qui vivent dans d'autres pays.
    J'aimerais conclure en faisant trois mises en garde.
    La première, c'est que les données de recensement n'incluent pas un historique sommaire relatif à l'immigration. Ce ne sont pas les mêmes que pour une demande de passeport ou de carte de citoyenneté. Par conséquent, nous n'obtenons pas toute l'information que nous voudrions avoir pour des cas individuels. Les données sont toutefois utiles, car elles nous aident à établir des chiffres estimatifs.
    La deuxième est que les chiffres estimatifs que j'ai préparés concernent certains groupes de personnes qui sont au Canada et aux États-Unis. Il existe peut-être d'autres groupes ayant des problèmes de citoyenneté que je n'ai pas examinés. Certaines personnes, nées de parents canadiens, vivent probablement en Allemagne, en Angleterre, en Australie, et sont confrontées à certains de ces problèmes. Je ne sais pas à combien leur nombre pourrait s'élever.
    La troisième est que les nombres changent. Si l'on se base sur les données de recensement canadiennes actuelles, les épouses de guerre sont âgées en moyenne d'environ 83 ans. Elles ne sont pas jeunes. Chaque année, environ 1 500 d'entre elles décèdent. Il n'en restera plus beaucoup après 15 ou 20 ans. Ces chiffres diminuent très rapidement. Dans un groupe par contre, le nombre de personnes augmente: chaque année, un millier de bébés issus de parents canadiens naissent à l'étranger. Par conséquent, le nombre augmente dans cette catégorie.
    Je répondrai volontiers aux questions que vous auriez à poser concernant mes travaux. Je vous remercie.
(1210)
    Nous commençons par les exposés, après quoi nous poserons des questions.
    Monsieur Galloway.
    Merci, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir invité.
    Je m'appelle Donald Galloway. Je suis professeur de droit à l'Université de Victoria. Je suis spécialisé en droit de l'immigration et en droit des réfugiés. J'ai publié quelques articles concernant le droit de la citoyenneté au Canada, qui est un domaine très obscur, croyez-le ou non. J'ai été membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada.
    J'ai remis un mémoire il y a deux semaines et, durant le temps dont je dispose, j'aimerais développer certaines des idées que j'y ai exposées.
    J'estime que la conception de la citoyenneté sur laquelle repose notre Loi sur la citoyenneté et les diverses lois qui énoncent les droits des Canadiens, comme la Loi électorale du Canada et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, est très simple et très mince.
    La conception toute simple est la suivante: un citoyen canadien est une personne au nom de laquelle le gouvernement du Canada agit et dont le gouvernement s'est engagé à défendre les intérêts. Ce sont ces deux facettes, ces deux principes, sur lesquels repose la Loi sur la citoyenneté et celle qui l'a précédée, la Loi sur la citoyenneté au Canada.
    Comment fait-on la distinction entre un citoyen et un non-citoyen? Peu importe qu'une personne soit résident permanent, résident temporaire, ressortissant étranger ou ennemi au combat pendant la guerre, le gouvernement a l'obligation de respecter ses droits. Ses obligations envers les citoyens canadiens sont encore plus grandes. Le gouvernement s'est engagé à défendre les intérêts des Canadiens et à les promouvoir, et pas seulement à les respecter. En outre, le gouvernement prétend agir non pas au nom des résidents permanents ou des ressortissants étrangers; il prétend agir au nom de tous les citoyens.
    Quand le gouvernement du Canada s'est-il mis à agir au nom des Canadiens? Était-ce en 1947 ou bien avant cela? Je pense que la réponse est évidente. Le gouvernement du Canada a pris ces engagements à une période de notre histoire bien antérieure à cela. C'est une idée simple que, à mon avis, le juge Martineau a comprise dans le cadre de l'affaire Taylor, en Cour fédérale. Je ne pense pas que ce soit une idée que le gouvernement, qui a décidé de faire appel de la décision rendue dans le cadre de cette affaire, a comprise — à savoir que, jusqu'en 1947, la notion de citoyenneté était très floue, mais existait néanmoins.
    C'est le premier facteur, et je pense qu'il est crucial pour comprendre tout ce qui suit.
    L'autre question que je voudrais poser, et c'est le premier commentaire de mon mémoire, est la suivante: le gouvernement s'acquitte-t-il des engagements qu'il a pris de défendre les intérêts des Canadiens et de les promouvoir? Je pense que, si l'on se base sur la Loi sur la citoyenneté, la réponse est négative. Dans la première partie de mon mémoire, j'essaie d'expliquer que c'est une lacune qui persiste. Il ne s'agit pas seulement d'anomalies historiques concernant des personnes qui sont arrivées au Canada ou qui sont nées ici, qui ont été mal traitées. Cette situation persiste.
    L'idée qu'un citoyen canadien né à l'étranger d'un parent qui était également né à l'étranger et est citoyen canadien puisse perdre sa citoyenneté automatiquement, sans écouter ses explications ou sans tenir compte de circonstances atténuantes — ces personnes perdent automatiquement leur statut à l'âge de 28 ans, sauf si elles se font enregistrer, la charge de se faire reconnaître comme citoyen leur incombant —, entraînera continuellement des difficultés.
    Le degré de transparence de notre processus et la mesure dans laquelle la procédure que nous suivons à l'égard des citoyens ou des personnes qui ont perdu leur citoyenneté est quasi judiciaire ou judiciaire n'ont aucune importance. S'il s'agit d'une perte de citoyenneté automatique et qu'on n'écoute pas les explications des intéressés concernant la citoyenneté canadienne de leur père et les raisons pour lesquelles ils avaient laissé passer l'échéance, si nous n'écoutons pas ces explications et n'en tenons pas compte, le problème ne disparaîtra pas.
(1215)
    C'est dans la première partie de mon mémoire. Le reste de mon mémoire est présenté par écrit, et je répondrai volontiers à vos questions concernant cette partie-ci.
    Merci. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Je donne maintenant la parole à M. Gratl.
    Je remercie le comité d'avoir invité la B.C. Civil Liberties Association à faire un exposé sur cette question importante.
    Je m'appelle Jason Gratl. Je suis président de la British Columbia Civil Liberties Association. Je suis accompagné de Christina Godlewska, une stagiaire en droit de notre association qui présentera notre mémoire.
    Vous avez la parole, madame Godlewska.
    Je pense que notre mémoire par écrit est arrivé et que vous l'avez sous les yeux. Je m'excuse d'avoir tardé à vous le faire parvenir, mais j'espère que vous avez eu l'occasion de l'examiner.
    J'utiliserai le peu de temps dont nous disposons pour exposer certaines de nos principales recommandations sur les possibilités qu'aurait le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration de rectifier ses priorités afin de modifier son approche fondamentale à ce problème, pour respecter davantage la valeur de la citoyenneté canadienne.
    Le premier principe en est un que le professeur Galloway a très bien souligné. Nous avons le même principe de départ, à savoir que la citoyenneté est un droit. Ce n'est pas une dispense spéciale. C'est un droit fondamental qui est, sur le plan conceptuel, plus fondamental à bien des égards que certains des autres droits énoncés dans la Charte.
    Notre principale observation est qu'il faut envoyer au ministère un message vigoureux et clair indiquant qu'il est temps de prendre cette citoyenneté au sérieux et qu'il ne faut pas pour autant fermer la porte au plus grand nombre possible de personnes pour que ça reste quelque chose de spécial mais plutôt faire tout notre possible pour nous assurer que des Canadiens ne soient jamais déchus de leur citoyenneté ou qu'ils ne soient jamais rejetés par leur pays.
    Notre recommandation de base pour atteindre cet objectif, celle sur laquelle nous avons insisté dans notre mémoire, et qui n'a pas été faite dans la plupart des autres mémoires qui ont été présentés jusqu'à présent... La plupart des témoins estiment qu'un remaniement de la Loi sur la citoyenneté est essentiel, et nous sommes d'accord avec eux sur un plan fondamental. Cependant, nous avons également entendu dire que les fonds que vous recevez pour ce projet ont été réduits. Les risques de déclenchement d'élections génèrent de l'incertitude et, compte tenu de ce climat politique, le fait sur lequel nous voudrions insister est que la loi prévoit un certain pouvoir discrétionnaire. Il existe un pouvoir discrétionnaire dans le cadre juridique actuel, et le comité est en mesure d'exhorter la ministre à y avoir recours pour chercher à régler immédiatement ce problème et à modifier les attitudes des fonctionnaires à l'égard des personnes revendiquant la citoyenneté.
    Je pense que M. Galloway a très bien mis l'accent sur le fait que la citoyenneté est un droit fondamental. Je m'appliquerai donc à expliquer comment on pourrait déterminer quand une personne a en sa possession ce que j'appellerais une preuve prima facie lui permettant de revendiquer la citoyenneté et tout ce qui en découle.
    Au cours de son témoignage, la ministre a signalé qu'elle avait créé un groupe de travail à son centre d'appel, qui était chargé de s'occuper des cas personnels. Nous appuyons cette initiative, mais elle a en outre reconnu qu'elle n'avait jusqu'à présent eu recours à son pouvoir discrétionnaire que pour 33 personnes. Le gouvernement fait appel de la décision dans Taylor c. Canada. Le sénateur Dallaire a employé les termes « terrorisme bureaucratique » et on se demande pourquoi. Que se passe-t-il? Que veulent ces gens-là? Le ministère adopte peut-être une approche selon laquelle une personne est coupable jusqu'à ce qu'elle ait démontré son innocence, ce qui est totalement inapproprié dans ce contexte-ci.
    Notre recommandation clé est qu'il faut prendre des mesures pour s'assurer que les personnes concernées soient traitées avec égard et de façon judicieuse afin qu'elles puissent présenter au moins quelques preuves démontrant qu'elles ont peut-être eu de bonnes raisons de se considérer comme des citoyens canadiens, autrement dit des personnes ayant une preuve prima facie de citoyenneté.
    À quoi cela pourrait-il ressembler? J'aimerais attirer votre attention sur trois thèmes qui se dégagent des témoignages que vous avez entendus jusqu'à présent et qui, à notre avis, constituent le fondement de cette preuve prima facie. Le premier est la naissance au Canada. La ministre a affirmé à plusieurs reprises que dans la plupart des cas, les personnes qui sont nées au Canada sont des Canadiens. Nous estimons que c'est une conception de la citoyenneté canadienne partagée et acceptée par un grand nombre de personnes et qui mérite une plus large reconnaissance et une protection plus efficace.
    Le deuxième est le fait d'être né de parents canadiens. Comme l'a fait remarquer M. Galloway dans son mémoire, un des principaux avantages de la citoyenneté est le droit de la transférer à ses enfants. La preuve que c'est un principe qui relève du simple bon sens est que nous sommes choqués d'apprendre qu'on refuse la citoyenneté ou qu'on prive de leur citoyenneté canadienne sans préavis, pendant qu'ils sont à l'étranger, des fils et des filles d'anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale et des Québécois de la 10e génération.
    Le troisième thème est probablement un peu plus discutable, mais la plupart de ces histoires révèlent toute une série d'erreurs administratives, un manque de diligence raisonnable et une absence de préavis, qui renforcent une croyance subjective dans la citoyenneté canadienne existant depuis des années. Les cartes de citoyenneté sont un bon exemple, celle qui n'ont pas de date d'échéance. On les conserve parce qu'on pense qu'on est citoyen canadien, et à juste titre. Nous estimons que c'est une raison supplémentaire de dire qu'il faudrait empêcher le gouvernement de faire volte-face et de leur refuser la citoyenneté sans avoir de bonnes justifications conformes à la Charte des droits
(1220)
    La façon dont on pourrait procéder sur le plan légal est exposée en détail dans nos mémoires écrits, que je vous conseille de lire, mais nous estimons essentiellement qu'il faut confier la tâche au groupe de travail et que les administrateurs spécialisés doivent aider les personnes à établir la preuve pour l'obtention de la citoyenneté en vertu du paragraphe 5(4) de la Loi.
    Merci. Je m'excuse de vous interrompre, mais j'essaie d'arriver à faire deux tours de table, de cinq minutes chacun. Au lieu de faire un tour de sept minutes et un de cinq minutes, je pense que nous en ferons deux de cinq minutes. Je crois qu'il nous reste encore assez de temps.
    C'est M. Telegdi qui posera la première question.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord signaler que sur le site Web de CBC Radio, on répartit le nombre de Canadiens déchus en se basant sur les catégories suivantes: les enfants considérés comme des biens, celle dont M. Chapman fait partie; les bébés nés à la frontière, les épouses de guerre, les enfants de guerre, les bébés nés à l'étranger avant 1977 et ceux nés après 1977, les Canadiens illégitimes, catégorie qui touche des dizaines de milliers de Mennonites, ainsi que les enfants de militaires. D'après ces chiffres, qui concernent les principales catégories, votre nombre s'élève à environ 400 000 personnes. Cela inclut deux catégories — les enfants de militaires et les Canadiens illégitimes — que M. Edmonston a omis de mentionner. Elles n'étaient pas dans sa mire.
    Je vous invite donc à examiner ces chiffres et je recommande aux membres du comité d'aller jeter un coup d'oeil sur cette page Web, car les chiffres sont choquants.
    La question que je voudrais poser concerne le paragraphe 5(4) de la Loi en vertu duquel le ministre a le pouvoir discrétionnaire d'attribuer la citoyenneté à certaines personnes et pas à d'autres, comme l'ont signalé les témoins précédents, pouvoir en vertu duquel trois membres de la même famille étaient des enfants nés à la frontière, qui ont obtenu la citoyenneté en vertu de ce paragraphe, mais on tente d'expulser le quatrième du pays parce qu'il a des démêlés avec la justice.
    Par conséquent, la question à laquelle je voudrais que vous répondiez concerne le principe qu'il est tout aussi déplacé pour un politicien d'attribuer la citoyenneté en bloc que de priver quelqu'un de sa citoyenneté. Quand on tente de régler ce type de question, il est essentiel d'avoir à sa disposition une loi sur la citoyenneté qui respecte la Charte. Pourriez-vous faire des commentaires sur la question suivante: il est essentiel de disposer d'une loi sur la citoyenneté qui respecte la Charte.
(1225)
    La réponse est, naturellement, affirmative.
    Il s'agit d'une situation dans laquelle, comme l'a fait remarquer M. Bosdet ce matin, si je ne me trompe, un gros problème de primauté du droit se pose. Comment obtient-on l'aspect le plus important de son statut canadien et comment le perd-on? Est-ce que cela doit être régi par une loi ou en vertu d'un pouvoir discrétionnaire? Notre société est une société fondée sur le droit. Ce ne sont pas seulement des valeurs reconnues par la Charte, mais des valeurs constitutionnelles fondamentales que nous nous sommes engagés à respecter, qui sont en jeu. Nous nous sommes engagés à respecter le principe de la primauté du droit. Par conséquent, la réponse est visiblement très claire.
    L'autre question que je voudrais aborder concerne le fait que la Loi sur la citoyenneté de 1947, avec toutes ses dispositions discriminatoires, a 60 ans cette année. La Loi sur la citoyenneté de 1977 a 30 ans cette année. La Charte des droits et des libertés a 25 ans cette année. Il est grand temps de mettre en place une loi sur la citoyenneté qui réunisse tous ces éléments et soit clairement conforme à la Charte.
    Je présume que le seul commentaire que je puisse faire est que le gouvernement précédent s'était engagé à présenter une loi sur la citoyenneté et avait prévu 20 millions de dollars pour financer ce projet. Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration a fait deux tournées à travers le pays en 2003 et en 2005 pour consulter la population à ce sujet. Une bonne partie des éléments de base d'une nouvelle loi sur la citoyenneté sont déjà réunis et une des décisions que le comité a prises, c'est qu'elle soit conforme à la Charte; le comité y accorde une très grande importance. Par conséquent, une somme de 20 millions de dollars ne représente pas beaucoup d'argent dans un budget de 200 milliards de dollars, mais c'est une question d'une importance fondamentale, surtout lorsque la citoyenneté signifie qu'on veut que les citoyens adhèrent à la Charte et à la Constitution.
    Pourrions-nous avoir une brève réponse?
    En bref, on peut procéder de deux façons pour s'assurer que la loi soit conforme à la Constitution. La première, qui est la voie du litige, consiste à forcer les personnes concernées à consacrer le temps et à faire les dépenses nécessaires pour pousser le système judiciaire à abroger les lois anticonstitutionnelles ou à y insérer des dispositions plus conformes à la Constitution. C'est un processus coûteux et long qui impose un fardeau extrêmement injuste et coûteux aux intéressés.
    La deuxième façon de procéder possible est que l'Assemblée législative et ses comités prennent la responsabilité d'assurer la conformité à la Charte; c'est à notre avis la plus appropriée.
    Merci, monsieur Gratl.
    Nous donnons maintenant la parole à Mme Faille ou à M. Gravel.
    Allez-y, madame Faille.

[Français]

    Merci. Je vais poser la question.
    En fait, je ne peux pas être plus en accord avec M. Galloway lorsqu'il déclare que la citoyenneté est un droit humain fondamental. C'est sur cette base que je travaille depuis que je siège à ce comité. Comme Andrew le mentionnait lorsqu'on a fait la tournée pancanadienne, certains témoins sont venus nous exprimer la même chose. Rattachée à la citoyenneté, il y a une série de droits.
    Je veux vous amener à parler de la question de l'immigration. J'ai eu un dossier récemment de jeunes enfants nés en sol canadien de parents réfugiés, donc qui ont fait leur demande de statut de réfugié. Malheureusement, leur demande pour considérations humanitaires a été rejetée, un avis de renvoi a été émis contre eux et ils ont dû quitter le Canada.
    Monsieur Edmonston, je ne sais pas si vous avez des statistiques à cet effet, à savoir combien de jeunes enfants nés en sol canadien ont été renvoyés du Canada. Et en matière de droits civils, auriez-vous un aperçu de la qualité de l'information qui est transmise aux personnes renvoyées, en ce qui a trait à la rétention de leur citoyenneté?
(1230)

[Traduction]

    Je n'ai pas les chiffres correspondants. C'est le genre de statistiques provenant probablement de sources administratives, pour autant qu'on ait conservé des données intéressantes, mais j'ai toujours des inquiétudes au sujet des sources administratives, car les données qu'elles recueillent ont des fonctions très spécifiques; lorsque je m'adresse à elles en ma qualité de démographe, j'ai souvent l'impression non pas que les chiffres sont erronés, mais plutôt qu'ils sont d'un usage très restreint et très spécialisé.
    Je ne sais pas quelles informations sont données aux personnes se trouvant dans cette situation. Je pense toutefois qu'étant donné la nature du sujet, on a tout intérêt à établir des règles simples: lorsqu'on est né au Canada, on est Canadien et lorsqu'on est Canadien, on le reste pour toujours; c'est ainsi que les gens l'interprètent, et je pense que c'est pour une bonne raison.
    Quoi qu'il soit tentant d'examiner le problème de la citoyenneté dont le comité est saisi sous l'angle de l'immigration, comme si on voulait concilier les exigences en matière de sécurité sociale et de sécurité nationale avec le besoin qu'a le Canada d'avoir recours à l'immigration pour soutenir la croissance — et je sais que le sujet a déjà été abordé au cours de la période des questions —, nous estimons que pour que le ministère adopte une bonne attitude à l'égard de ce problème, il est nécessaire de se concentrer sur l'essence même de la citoyenneté et de ne pas la confondre avec l'immigration.
    Nous ne distribuons pas des dispenses spéciales en décidant qui peut être citoyen et qui ne peut pas l'être. Il est primordial de comprendre l'essence même de la citoyenneté et de défendre ce concept. Ce sont deux types de considérations différentes.

[Français]

    D'accord.
    Plusieurs personnes sont venues témoigner au comité au cours des dernières semaines. Il semble que plusieurs d'entre elles n'avaient pas l'information voulue ou avaient une mauvaise interprétation de leur statut au Canada. Je ne sais pas si vous pouvez nous donner votre appréciation de la qualité de l'information qui était disponible? Lors de notre première rencontre avec les officiels du ministère, nous avions posé des questions sur la qualité de l'information, sur les efforts du ministère à publier les renseignements. On nous avait dit qu'il y avait eu des campagnes de publicité et tout cela. Bref, nous avons reçu une lettre par la suite nous disant le contraire et dans laquelle on s'excusait d'avoir induit le comité en erreur.
    À la lumière de votre expérience, quelle est votre appréciation de l'information qui existait à ce moment-là? Qu'est-ce qui fait en sorte qu'une personne peut se retrouver dans une situation tellement injuste?

[Traduction]

    Il nous reste environ 45 secondes pour une réponse. Je donne donc la parole aux témoins.
    La citoyenneté est un droit tellement fondamental et un aspect tellement fondamental de la qualité de membre de notre collectivité démocratique que seule de l'information complète et l'envoi d'un avis personnel à la personne dont la citoyenneté pourrait être annulée, retirée ou ne jamais être accordée, sont appropriés et fondamentalement justes. Toute autre façon de procéder ne s'accorde pas avec l'obligation du gouvernement d'avoir recours à un processus équitable pour refuser les droits et ce n'est; ce n'est donc pas conforme à l'article 7 de la Charte des droits et libertés.
    Merci.
    Monsieur Siksay, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie pour vos exposés.
    Madame Godlewska, vous avez signalé à la fin de votre exposé qu'il serait peut-être utile d'aider les gens à établir la preuve de leur citoyenneté. Pourriez-vous expliquer de façon un peu plus précise comment vous concevez cela ou ce que cela pourrait impliquer?
    D'après les témoignages, je pense qu'il y a de nombreux points de premier contact et que le ministère a créé le groupe de travail spécial pour tenter de régler certains problèmes provisoires. Voici comment les membres de ce groupe de travail doivent concevoir leurs fonctions.
    Nous avons affaire à des personnes dont un droit fondamental est menacé. Comment recueillir suffisamment d'informations pour établir le bien-fondé de leur cause dans leur situation particulière afin de faire reconnaître ce droit? Cela implique qu'il faut accepter des éléments de preuve qui tombent sous le sens, comme le fait d'être au Canada depuis 49 ans ou d'avoir été agent électoral à Osoyoos, en Colombie-Britannique, pendant 60 ans. Il faut aider les personnes concernées à rassembler ces preuves.
    Il semblerait que la procédure actuelle soit qu'un administrateur de niveau peu élevé dise aux intéressés qu'ils ne sont pas des citoyens et qu'alors leur vie s'écroule. Il ne leur reste plus qu'à trouver les types de documents signalés par les témoins du groupe précédent. On les oblige à faire des choses qu'aucun Canadien ne sait comment faire. Un changement fondamental est essentiel à ce niveau-là.
    Un administrateur prend une décision qui aura des répercussions considérables sur la vie d'une autre personne. Par conséquent, il est essentiel de se baser sur les principes de justice fondamentale. Il faut d'abord aviser les personnes concernées, tenir une audience et leur donner une représentation. Il faut mettre à leur disposition tous les moyens qu'on met à la disposition des personnes accusées d'infractions criminelles ou des personnes menacées d'expulsion. Dans ces autres contextes, nous reconnaissons que lorsque les droits d'une personne sont menacés, cette personne obtient ce qu'on appelle l'application régulière de la loi. C'est ce que nous demandons en l'occurrence.
(1235)
    Existe-t-il des modèles semblables à ce que vous suggérez, des modèles qui sont efficaces dans d'autres secteurs du droit ou de l'administration. Pouvez-vous en mentionner comme ça?
    Dans le contexte des droits de la personne, il existe des commissions qui aident les personnes à recueillir des preuves et à déterminer s'il y a preuve prima facie. Lorsqu'il s'agit de types de violations qui paraissent à première vue moins graves ou moins extrêmes que le retrait de la citoyenneté, le gouvernement est disposé à mettre des organismes en place pour aider les citoyens ou les résidents permanents à établir la preuve.
    Dans ce contexte-ci, il semblerait que, dans les cas courants, Citoyenneté et Immigration Canada adopte une procédure semblable à celle applicable aux demandes de statut de réfugié et de statut de citoyenneté. C'est le citoyen qui a l'obligation de démontrer son admissibilité et c'est le requérant qui doit présenter les documents nécessaires. Il existe à notre avis une différence fondamentale, sur le plan conceptuel, entre une demande régulière de statut et le cas d'une personne qui a été déchue ou privée de sa citoyenneté.
    Il faut accorder aux personnes qui étaient des citoyens ou qui auraient dû être considérées comme des citoyens les protections procédurales de niveau supérieur qui sont accordées aux demandeurs du statut de citoyen ou de réfugié, lorsqu'elles peuvent établir une preuve prima facie qu'elles font partie d'une des catégories manifestes de Canadiens déchus. Il faut mettre en place des politiques qui guideront le pouvoir discrétionnaire du ministre afin que ses délégués connaissent leurs obligations, qui sont différentes de la façon habituelle dont le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration procède. Il y a un virage conceptuel fondamental à faire, et il faut établir une ligne de démarcation principale et mettre en place des politiques dans le but d'aider les délégués du ministre à prendre ces décisions.
    Puis-je faire un commentaire également?
    Bien, vous avez 30 secondes.
    Je pense que le point de comparaison pertinent est avec les résidents permanents qui perdent leur statut. Ils comparaissent devant la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Alors, dans la plupart des circonstances, ils ont un droit d'appel devant un autre service de la Commission et, à ce niveau-là, on est en rapport avec des preneurs de décisions quasi judiciaires. Les citoyens, qui ont un statut plus fondamental, n'ont rien de cela.
    Merci, monsieur Galloway.
    Monsieur Komarnicki.
    Merci.
    J'adresse la plupart de mes questions à M. Edmonston.
    Ce dossier est malheureusement devenu très politisé à bien des égards. M. Telegdi a mentionné que la Loi sur la citoyenneté a été présentée, mais plus depuis 2002. On a eu l'occasion de régler la question, mais on ne l'a pas fait. Nous procéderons certainement par petites étapes et tenterons notamment de régler les problèmes dont nous sommes saisis en ce qui concerne les diverses catégories de Canadiens déchus pour voir s'il n'est pas possible de régler d'abord les petits problèmes pour s'attaquer ensuite à un problème plus général. La ministre a invité le comité à faire des propositions unanimes concernant des amendements qui seraient susceptibles de s'attaquer à ces questions pour pouvoir régler un grand nombre de problèmes.
    En ce qui concerne les chiffres, comme l'a fait remarquer M. Edmonston, on constate des fluctuations assez spectaculaires, avec des chiffres extrêmement élevés mais, de toute évidence, vous avez tenté du moins de déterminer combien de personnes pourraient faire partie de ces catégories. Je pourrais essayer de faire une estimation approximative, mais je propose de procéder par catégorie. Je choisirai deux catégories.
    En ce qui concerne tout d'abord les épouses et les bébés de guerre, la témoin précédente, Mme Jarratt, a signalé qu'il y avait un certain nombre d'épouses de guerre. Je ne sais plus très bien quel chiffre elle a mentionné. Il était peut-être de l'ordre de 65 000. Vous avez indiqué qu'il y avait environ 25 000 ou 30 000 épouses de guerre. Je pense que la plupart de ces épouses de guerre qui sont venues au Canada sont restées ici comme citoyennes, qu'elles ont toujours été citoyennes et qu'elles n'ont aucun problème de citoyenneté. Est-ce exact?
(1240)
    Je pense que c'est une des principales mises en garde à faire. À propos des groupes démographiques, j'ai signalé dans mon mémoire écrit qu'on aurait le nombre réel si toutes les personnes concernées avaient fait une demande de citoyenneté; dans ce cas, nous aurions pu voir ce qui s'est passé. Cependant, je ne connais personne qui sache exactement quel pourcentage des membres de ce groupe...
    Vous n'avez donc pas déterminé le nombre d'épouses de guerre qui sont confrontées à un problème parce que, pour une raison ou une autre, elles ne sont pas citoyennes canadiennes.
    C'est exact. J'ai délimité trois groupes. L'un est...
    Dites seulement si vous n'avez pas déterminé leur nombre exact.
    Non.
    Vous n'avez aucune idée du pourcentage des personnes de ce groupe de 25 000 à 30 000 épouses de guerre légitimes qui sont confrontées à un problème de citoyenneté canadienne. Vous ne savez pas quel est ce pourcentage.
    C'est exact, je ne le sais pas. Je ne connais d'ailleurs non plus personne qui le sache.
    Vous savez toutefois que c'est beaucoup moins que les 25 000 ou 30 000 personnes qui font partie de ce groupe.
    C'est bien cela. J'ai été très clair à ce sujet. Le nombre de personnes qui ont des problèmes est certainement moins élevé que celui que j'ai indiqué.
    Très bien. Par conséquent, vous indiquez seulement le nombre maximum de personnes faisant partie de ces catégories. Vous ne savez pas exactement combien de personnes sont concernées, mais vous savez que leur nombre est beaucoup moins élevé que le nombre que vous avez indiqué.
    Je ne sais pas si c'est beaucoup moins. Je sais que c'est moins.
    Bien.
    Voyons maintenant en ce qui concerne les bébés de guerre. Vous avez indiqué que cette catégorie comptait environ 6 000 individus. Je pense que vous avez signalé que 71 p. 100 de ces personnes ont déclaré que leur père était né au Canada. Pensez-vous comme moi que ces bébés de guerre, nés d'un père canadien, sont citoyens canadiens et qu'on n'a aucune difficulté à prouver leur citoyenneté canadienne? Êtes-vous d'accord?
    Il ne devrait y avoir aucune difficulté.
    Bien. Par conséquent, il ne faudrait pas tenir compte de ces personnes-là. Combien de personnes parmi ces 71 p. 100 sont nées d'un père canadien à l'intérieur d'un mariage?
    Je ne suis pas au courant de l'état matrimonial de leurs parents à leur naissance.
    Vous n'avez donc aucune idée du pourcentage en question.
    Non, pas dans cette catégorie.
    Cela nous aiderait pourtant à déterminer le nombre exact de cas problématiques. Est-ce bien cela?
    Oui, si nous avions les informations nécessaires. Si nous étions au courant de l'historique exact en matière d'immigration, de l'état matrimonial, et avions toutes les autres informations que nous obtiendrions en faisant un examen de leur cas, cela nous aiderait à en établir le nombre exact. Les données du recensement ne contiennent toutefois pas ce type d'information.
    Vous indiquez en outre que 21 p. 100 de ces enfants sont nés d'une mère canadienne.
    C'est bien cela.
    Et, s'ils étaient nés hors mariage de mères canadiennes, ils n'auraient aucune difficulté en ce qui concerne leur citoyenneté canadienne en vertu de la loi telle qu'elle était alors.
    Ils ne devraient pas en avoir.
    Non. Par conséquent, savez-vous quel nombre cela représente, parmi ces 21 p. 100?
    Non. Nous n'avons aucun renseignement sur les antécédents matrimoniaux de ces personnes.
    Il serait par conséquent exact de dire que vos travaux ne permettent pas de déterminer le nombre de cas problématiques, c'est-à-dire le nombre de personnes qui n'ont pas la citoyenneté canadienne à cause des dispositions de la loi. Est-ce bien cela?
    C'est cela. Le seul nombre exact que nous ayons, en consultant les documents administratifs, est le nombre de cas examinés au sujet desquels des décisions ont été prises, et ce nombre est très réduit.
    J'aimerais poser une dernière question.
    Vous avez cinq secondes.
    Parmi les personnes que vous classez dans la catégorie des enfants nés à l'étranger, étant donné leur nombre, il est probable que certaines d'entre elles ne désirent pas obtenir la citoyenneté canadienne. En avez-vous déterminé le nombre?
    Non.
    Merci.
    Merci beaucoup, messieurs.
    Nous entamons maintenant un deuxième tour de cinq minutes.
    Monsieur Karygiannis.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'être venus.
    Je ne jouerai pas sur les chiffres. Je serai très direct. M. Komarnicki aimerait peut-être jouer sur les chiffres et ergoter.
    Le chiffre que j'examine est celui qu'ont mentionné le groupe de témoins précédent — à savoir que 20 000 enfants sont arrivés avec leur mère; je pense que c'est Mme Jarratt qui l'a mentionné. Ils sont arrivés il y a une soixantaine d'années. Par conséquent, quand on tient compte du fait que cela représente deux générations et à supposer que chaque enfant ait eu deux enfants lui-même, cela pourrait représenter 80 000 personnes. C'est un calcul tout simple que n'importe qui peut faire; il n'est pas nécessaire d'être mathématicien pour cela. Il n'est pas nécessaire d'être avocat pour faire un calcul à rebours, comme l'a fait M. Komarnicki, pour y arriver.
    Pour le compte rendu, je voudrais dire que la ministre a témoigné le 19 février et, lorsqu'on lui a demandé si elle avait fait de la publicité, elle s'est adressée à son collègue qui a répondu affirmativement. Depuis lors, le sous-ministre a envoyé une lettre au comité pour s'excuser d'avoir — je ne veux pas utiliser le terme « menti », car il est antiréglementaire et j'utiliserai donc un autre terme — induit le comité en erreur.
    Environ combien de personnes auraient réagi, d'après vous, si le ministère avait fait une vaste campagne publicitaire exposant aux Canadiens les difficultés auxquelles ils pourraient être exposés?
(1245)
    C'est une bonne question car la situation actuelle est uniquement due au fait qu'il est maintenant nécessaire d'avoir un passeport. De nombreuses personnes demandent pour la première fois leur certificat de citoyenneté. J'ai essayé de me faire une idée approximative de l'envergure du problème. D'après certaines personnes, ça ne concerne que quelques douzaines de personnes mais, d'après d'autres, ça en concerne plusieurs millions, et j'estime qu'il serait bon d'avoir un chiffre plus précis. Peu importe que le nombre soit aussi élevé que ceux que j'ai mentionnés, j'ai signalé clairement que certaines personnes n'auraient pas de problèmes de citoyenneté si elles avaient fait une demande. Il faut dire que certaines personnes ne présenteront probablement jamais de demande. Elles ne sont pas dans une situation qui les oblige à se préoccuper de cela. Une demande qui aurait fait l'objet d'une annonce et pour laquelle on aurait informé les personnes concernées des démarches à faire serait probablement le type de donnée qui permettrait de calculer le nombre de façon plus précise.
    Est-ce que l'un de vous ou un des témoins du groupe précédent pourrait indiquer un nombre approximatif?
    Des dizaines de milliers, je présume.
    Des dizaines de milliers?
    Au moins cela.
    Plus de 100 000 ou moins?
    Il y en a 100 000 au Canada et, par conséquent, je ne pense pas que leur nombre soit beaucoup plus élevé que cela.
    Il y a aussi les enfants qui sont nés à l'étranger.
    Ma question suivante concerne quelqu'un qui pense que cela pourrait causer un raz-de-marée ou un tsunami. Je voudrais extrapoler. Un Canadien est à l'étranger et se trouve dans une situation semblable aux événements qui se sont produits au Liban, où il a fallu évacuer les citoyens canadiens. Dans ce cas-ci, il s'agit de l'enfant d'un ancien combattant qui a donné sa vie et qui a versé son sang pour son pays, grâce à qui nous jouissons des libertés et des droits actuels. Qu'allons-nous dire à cette personne? Lui dirons-nous que nous sommes désolés mais qu'elle ne peut pas embarquer sur le navire parce qu'elle n'est pas citoyen canadien?
    Si c'est une question, tous ceux qui veulent y répondre ou faire des commentaires peuvent le faire. Sinon, nous pouvons passer à la question suivante.
    Nous avons donc deux types de citoyens: ceux qui sont aptes à être citoyens et les autres, qui n'ont même pas besoin de présenter une demande, car la ministre actuelle ne s'intéresse pas à leur cas.
    J'aimerais poser une question à M. Galloway. Vous êtes professeur de droit et vous avez remis certainement un mémoire. A-t-on à votre avis les moyens, pour autant que le gouvernement en ait la volonté, de régler ce problème et ce, très rapidement, de sorte que, même si des élections sont déclenchées au printemps, nous puissions nous en aller en sachant que nous avons fait ce qu'il fallait faire et que nous avons assumé nos responsabilités, contrairement à la ministre qui a fait preuve d'irresponsabilité lorsqu'elle est venue témoigner et nous a induits en erreur au sujet de la publicité? Pouvons-nous corriger la situation?
    Vous avez 45 secondes.
    Je pense que oui. Il serait à mon avis beaucoup plus important que la solution soit appropriée plutôt que rapide.
    Dans le passé, nous avons notamment agi à la hâte pour résoudre des problèmes visibles. Je pense qu'il faut s'interroger sur tous les problèmes visibles auxquels ont été confrontés des individus que nous ne connaissons pas. Nous devons y réfléchir. Je pense qu'on a déjà beaucoup réfléchi à toute cette affaire. J'ai l'impression qu'un problème se posera en ce qui concerne les personnes qui ont déjà été privées de leur citoyenneté. On pourrait peut-être examiner ces cas rétroactivement.
    Comme je l'ai souligné aujourd'hui, le problème persiste. Il faut examiner l'application de l'article 8 de la Loi sur la citoyenneté qui prive automatiquement certaines personnes de leur citoyenneté.
    J'ai une dernière question à poser avant d'être interrompu: le gouvernement devrait-il faire ce qu'il y a à faire et faire de la publicité pour prévenir certaines personnes qu'elles risquent de perdre leur citoyenneté canadienne?
    Une partie de mes commentaires signifie que je pense que le gouvernement actuel a beaucoup de responsabilités auxquelles il ne se soustrait peut-être pas, mais qu'il néglige, en ce qui concerne la promotion des intérêts de ses citoyens.
    Merci, monsieur Galloway.
    J'essaierai de donner la parole à trois autres personnes. Si vous n'avez pas besoin de cinq minutes, quatre pourraient être suffisantes pour vos questions, ce qui nous permettrait de faire un tour complet.
    Monsieur Gravel.

[Français]

    Ce sera assez bref. Je voudrais un éclaircissement. On parle beaucoup de Canadiens déchus. Je suis du Québec. La réalité est-elle la même dans cette province? Je sais que les enregistrements qu'on faisait des enfants nés hors des liens du mariage étaient différents. Il y avait beaucoup de crèches au Québec. Les religieuses s'occupaient de ces enfants, et ils étaient adoptés. Si ces jeunes ou ces adultes se manifestent aujourd'hui, s'ils veulent avoir un passeport, s'ils veulent savoir s'ils sont citoyens canadiens même s'ils sont nés en dehors des liens du mariage, y a-t-il quelque chose de particulier pour eux? Souvent, c'étaient des enfants de filles-mères, et les religieuses prenaient ces enfants en charge et les faisaient adopter. Est-ce qu'ils sont des citoyens à part entière, ou seront-ils déclarés déchus, à un certain moment, s'ils font la demande?
(1250)

[Traduction]

    Dans l'immédiat, ma réponse serait que je pense que les citoyens du Québec ont été confrontés aux mêmes problèmes avec la loi de 1947 et antérieurement, que le reste du Canada. C'est un problème d'annulation automatique de la citoyenneté si l'on ne répond pas à certains critères. Je pense que ça s'applique à l'échelle nationale.
    Dans nos mémoires, nous faisons quelques commentaires concernant la prise de ce type de décisions fondées sur le fait qu'un enfant est né à l'intérieur d'un mariage ou hors mariage. Je ne sais pas très bien si vous faisiez allusion à des enfants nés ici, mais adoptés à l'étranger.
    Notre principe fondamental est qu'une nouvelle loi sur la citoyenneté devra faire des distinctions définitives. Ce qui est clair, c'est que non seulement la loi, mais aussi les décisions discrétionnaires prises actuellement doivent être conformes à la Charte afin qu'il ne soit plus possible de refuser la citoyenneté à une personne en se basant sur l'illégitimité de sa naissance, à une date postérieure à la Charte. Ce fut une décision unanime. Un jugement rendu en 1997 par la Cour suprême du Canada indique qu'actuellement, lorsqu'une personne demande une carte de citoyenneté ou le statut de citoyen, quand cette demande est rejetée, il s'agit d'une décision postérieure à la Charte qui doit être conforme à celle-ci. À notre époque, en cette période postérieure à l'adoption de la Charte, on ne peut plus refuser la citoyenneté à une personne parce qu'on a des doutes sur la légitimité de sa naissance.
    Bien.

[Français]

    Je parlais d'autrefois, je parlais des années 1940 et 1950 au Québec parce que beaucoup d'adoptions se faisaient à ce moment-là. Je me demandais si c'était... Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Ça ne fonctionne pas de cette manière, je le sais.

[Traduction]

    Avez-vous de brefs commentaires à faire au sujet de l'observation de M. Gravel, avant que je ne donne la parole à M. Siksay? Non? Bien. Nous pouvons donner maintenant la parole à M. Siksay, puis à M. Komarnicki.
    Aviez-vous un commentaire à faire, monsieur Gravel?

[Français]

    Si on évalue le nombre de citoyens qui sont dans cette situation au Québec, combien y en a-t-il, à peu près?

[Traduction]

    Il y a environ 11 000 personnes au Québec qui déclarent être nées à l'étranger et qui se considèrent comme des Canadiens à la naissance.
    Merci.
    Monsieur Siksay, j'apprécierais que vous soyez bref et que cela dure moins de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis heureux que Mme Godlewska ait fait des commentaires sur la question de la rétroactivité de la Charte, car je sais que c'est un sujet qui a été abordé par le professeur Galloway et par la B.C. Civil Liberties Association dans leur mémoire. C'est un facteur très important. Je ne sais pas si quelqu'un a d'autres observations à faire sur cette question.
    L'autre question que je voulais poser à M. Gratl et à Mme Godlewska concerne l'affaire Taylor et les commentaires que vous avez faits dans votre mémoire, à savoir que des préoccupations spéculatives étaient inappropriées dans le type de réaction du gouvernement. Je me demande si vous pourriez faire d'autres observations à ce sujet.
    J'invite le comité à examiner cette partie de notre mémoire en particulier. Nos recommandations sont en caractères gras et la première est que les lois actuelles du ministère doivent être conformes à la Charte. Quand on rejette la requête de certaines personnes en raison du sexe de leur parent canadien, à cause d'un problème de légitimité de leur naissance, même si l'on accuse la loi de 1947 d'en être responsable, la vérité est que ça n'a pas changé dans la loi actuelle. Elle applique toujours le fantôme de ces dispositions qui se perpétuent parce qu'on continue de s'y référer. La Cour suprême du Canada a examiné la question. M. Yakabuski a rédigé un jugement très percutant et très éclairé en 1997. Les neuf juges ont reconnu que c'était de la discrimination et ont fait une analogie — comme le professeur Galloway d'ailleurs — avec le racisme. Si on refusait la citoyenneté à une personne sous prétexte qu'elle est noire et qu'autrefois les noirs n'avaient pas droit à la citoyenneté, personne ne l'approuverait. La situation est la même en ce qui concerne la légitimité de la naissance.
    Lorsque la ministre a témoigné, elle a énuméré quelques raisons d'en appeler du jugement Taylor. Je doute du bien-fondé de ses commentaires sur le plan juridique. Elle a cité quelques motifs, par exemple que si nous procédions ainsi pour la citoyenneté, les contribuables pourraient utiliser l'excuse de l'absence d'avis, lorsque le moment serait venu de payer leurs impôts. Dans notre mémoire, nous soulignons que ce n'est pas un très bon raisonnement sur le plan juridique. Il semblerait que l'on ait des craintes fondées sur l'hypothèse que c'est ce qui se produirait si on ouvrait la porte. Ce n'est pas un type d'approche à adopter en matière de citoyenneté. C'est la même chose que si on se demandait ce qui pourrait arriver si on accordait l'égalité dans notre société et si on donnait aux femmes accès à l'emploi. C'est le type de prétexte qui a été invoqué lorsque la question s'est posée. La question qui se pose actuellement est différente, mais ce n'est pas une bonne approche de se demander ce qui pourrait se produire si on permettait à certaines personnes d'exercer leurs droits.
(1255)
    Merci, monsieur Siksay.
    Monsieur Devolin.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'avoir accepté notre invitation.
    Je n'ai pas eu l'occasion de poser une question au cours du premier tour, mais j'aimerais remercier le premier groupe de témoins également.
    Madame Godlewska, je trouve que vous avez fait deux ou trois excellents commentaires pour les personnes qui suivent nos délibérations, ou même pour moi qui suit assis ici, en ce qui concerne la différence, sur le plan de la citoyenneté, entre le cas des immigrants qui viennent s'établir au Canada, qui est un processus qui se poursuit, à savoir que la loi n'indique pas que le Canada a la responsabilité ou l'obligation d'accorder la citoyenneté à des personnes qui ne sont pas des citoyens, si elles arrivent de l'étranger, et le cas des personnes qui vivent au Canada et qui pourraient être des citoyens déchus. La situation est totalement différente. C'est davantage une question de statut que de processus. Certains de vos arguments concernant l'importance de la citoyenneté dans un régime démocratique, le rôle que cela joue et la crainte que l'État ait en quelque sorte le pouvoir de retirer la citoyenneté à certaines personnes, devraient susciter une réaction générale de frayeur, et pas seulement chez les personnes qui sont directement concernées. Je pense que vous avez très bien développé ces arguments.
    Vous avez mentionné qu'il fallait d'abord poser trois ou quatre questions toutes simples pour déterminer si une personne a une preuve prima facie, des questions comme: « Êtes-vous né au Canada? ». Je pense que vous n'avez pas dressé de liste. Avez-vous prévu une série de questions qui seraient un point de départ en ce qui concerne ce processus?
    Mes trois arguments ne sont pas exhaustifs. Je pense qu'une des principales tâches de ce comité est d'énumérer les critères qui permettent de faire la distinction. Les trois critères que j'ai mentionnés sont la naissance au Canada — ce sont des principes fondamentaux du droit international — le fait d'être issu de parents canadiens et le troisième principe est de tenir compte des situations dont nous entendons parler.
    Je pense notamment à la situation de Rod Donaldson. Il a témoigné il y a trois semaines. C'est une situation que personne n'aurait pu prévoir. Il a été enlevé à plusieurs reprises, il a été adopté par des notaires publics qui ont falsifié des documents. C'est dément. Par conséquent, je pense que même en apportant des modifications à la loi, on ne peut pas nécessairement prévoir toutes ces situations hors normes et que, dans ces cas, il faut encourager le ministère à avoir recours à son pouvoir discrétionnaire pour adopter une approche pleine de bon sens fondée sur la préclusion. Lorsqu'une personne vit ici et que le gouvernement a reconnu son statut en lui accordant un passeport, un numéro d'assurance sociale ou en lui faisant payer des impôts, la citoyenneté devrait lui être accordée pour des raisons d'ordre humanitaire en quelque sorte.
    Je ne sais pas si un autre témoin aurait des commentaires à faire.
    Un autre témoin aurait-il des commentaires à faire sur les questions de M. Devolin?
    Sinon, nous remercions les témoins, ceux des deux groupes, d'être venus aujourd'hui. Merci beaucoup pour votre participation. Vous avez présenté des arguments très convaincants pour qu'on examine ce problème et qu'on le règle. C'est notre quatrième séance et je présume qu'après Pâques, nous préparerons notre rapport. Par conséquent, restez à l'écoute. Merci encore.
    Nous passerons aux travaux du comité dans un instant. Nous laisserons aux témoins le temps de partir, puis nous examinerons la motion du 20 mars de M. Karygiannis
    Merci beaucoup.
    Nous siégeons toujours en public. Nous ne siégeons pas à huis clos. Je rappelle aux membres que la séance et toujours publique et que nous examinons la première motion, celle de M. Karygiannis, à savoir :
    Que le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration demande à la ministre, au sous-ministre et aux autres fonctionnaires concernés du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration de comparaître devant le comité pour continuer de discuter de la question des personnes qui ont perdu leur citoyenneté canadienne et des mesures que prend le gouvernement pour informer les Canadiens et Canadiennes pouvant être visés par l'exigence relative à la conservation de la citoyenneté, dont il est question dans la lettre du 23 février 2007 du sous-ministre Richard B. Fadden, et que cette lettre soit mise en annexe du compte rendu des délibérations du comité.
    La motion est jugée recevable et, par conséquent, je donne la parole à M. Karygiannis pour qu'il fasse des commentaires, puis aux membres du comité.
(1300)
    Monsieur le président, à titre de clarification, j'ai remarqué que lorsque nous discutions de cette motion l'autre jour, on a retardé le délai pour voir si le ministère ne voulait pas publier un communiqué le confirmant.
    Je me demande si le secrétaire parlementaire, qui s'est chargé de faire cette proposition, pourrait nous expliquer si un communiqué est affiché sur le site Web — je n'en ai pas vu il y a quelques secondes — ou le sera bientôt.
    Voulez-vous répondre, monsieur Komarnicki?
    Je suis, bien sûr, disposé à répondre.
    Je peux annoncer que le ministère ne publiera pas de communiqué. Une lettre a été envoyée au comité par M. Richard B. Fadden pour expliquer les circonstances et le contexte dans lesquels la réponse a été donnée et en exposer les raisons. C'est très précis et très clair. On pourrait faire consigner la lettre au compte rendu. Je suis prêt à le faire; cela clarifierait la situation.
    Je ne pense pas que ce soit la responsabilité de ce comité de donner à quelqu'un l'ordre de publier un communiqué. Si le comité le désire, c'est son affaire mais, en ce qui concerne cette question, j'estime que la lettre devrait être lue pour être consignée au compte rendu. Je suis d'ailleurs disposé à le faire.
(1305)
    Allez-y, monsieur Karygiannis.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, je signale également que, malheureusement, M. Komarnicki n'a pas indiqué dans la réponse si le ministère était prêt à le faire.
    J'aimerais cependant lire deux ou trois extraits de la lettre. Il y est écrit ceci :
J'ai répondu que nous y avions eu recours, mais que je ne savais pas à quel moment ni à quel endroit puisque ça remontait à quelques années.
    Le sous-ministre a écrit en outre ceci :
Je tiens à vous informer que cette réponse était inexacte.
    Le sous-ministre m'a envoyé une note personnelle, contre laquelle je m'inscris en faux, et que j'aimerais lire pour que mes collègues en prennent connaissance. Elle dit ceci :
Monsieur Karygiannis,

Je joins une copie d'une lettre que j'ai envoyée à M. Doyle (à titre de président du comité permanent) pour lui faire savoir que j'ai, par inadvertance, donné une réponse inexacte au Comité lorsque j'ai comparu avec la ministre Finley.

Étant donné que la question venait de vous, j'ai tenu à présenter directement mes excuses. Peu importe que j'approuve ou désapprouve les motifs qui se cachent derrière la question posée par un parlementaire, je suis convaincu que vous avez le droit de connaître les faits. Je regrette tout incident que ma réponse aurait pu causer.
    J'aimerais déposer cette note.
    Mesdames et messieurs, j'estime qu'il est essentiel que les Canadiens sachent ce que le sous-ministre savait et ce qu'il ignorait et ce que la ministre savait et ce qu'elle ignorait. Je pense qu'il faut examiner cette information qu'a obtenue le comité. Les hauts fonctionnaires qui témoignent devant le comité doivent être prêts à répondre aux questions. Les fonctionnaires qui sont venus témoigner savaient très bien que nous allions leur poser ces questions, car j'avais écrit deux ou trois jours avant à la ministre pour lui demander si le ministère mènerait une vaste campagne d'information à ce sujet. Elle savait que la question serait posée, et il est déplacé de donner au comité de l'information erronée sur la date à laquelle cette campagne avait eu lieu. Le ministère n'a pas fait diligence raisonnable et il a la responsabilité de venir exposer les faits exacts.
    J'exhorte mes collègues à appuyer la motion.
    Bien.
    Y a-t-il d'autres commentaires sur la motion?
    Je donne la parole à M. Siksay, puis à M. Komarnicki et à M. Telegdi.
    Vous avez la parole, monsieur Siksay.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais signaler que j'appuierai la motion. Je suis convaincu qu'il sera utile que la ministre et le sous-ministre reviennent témoigner sur la question des Canadiens déchus de leur citoyenneté.
    Je tiens à faire remarquer également que j'accepte les excuses fournies par M. Fadden pour avoir omis de donner de l'information exacte au comité lorsque cette question lui a été posée. Cela ne m'intéresse pas beaucoup de continuer à faire des histoires à ce sujet. Une erreur a été commise et des excuses ont été présentées. J'apprécie donc que le sous-ministre ait pris cette initiative. J'estime toutefois que la motion mérite d'être appuyée, car il serait utile d'avoir une autre discussion avec les porte-parole du ministère après avoir entendu tous les témoignages sur les questions de citoyenneté que nous avons entendus au cours des dernières semaines.
    Merci.
    M. Komarnicki a maintenant la parole.
    Nous nous opposerons naturellement à la motion en ce qui concerne l'erreur qui a été commise; c'est une autre question si le comité désire que la ministre réponde après tous les autres témoignages.
    Il est clair que la ministre avait confié la réponse à cette question au sous-ministre qui donne des explications tout à fait claires dans sa lettre. Il a écrit ceci :
Au cours de la réunion du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration qui a eu lieu le 19 février 2007, on nous a demandé dans quelle mesure le Ministère a eu recours à la publicité dans les journaux pour informer les Canadiens qui pourraient être visés par l'exigence relative à la conservation de la citoyenneté. J'ai répondu que nous y avions eu recours, mais que je ne savais pas à quel moment ni à quel endroit, puisque ça remontait à quelques années.
Je tiens à vous informer que cette réponse était inexacte. Le Ministère a bel et bien mené une campagne de sensibilisation au moyen d'affiches et d'avis divers dans ses bureaux au Canada et à l'étranger. Il a aussi informé des communautés et des intervenants, dont les mennonites, mais n'a fait aucune publicité commerciale.
D'un point de vue plus général, j'aimerais confirmer que depuis 1980, toutes les personnes nées à l'étranger qui étaient visées par la disposition relative à la conservation de la citoyenneté ont reçu une lettre à cet égard lorsque leurs parents les ont fait enregistrer. Le 1er janvier 2007, conformément à la recommandation du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration en 2005, Citoyenneté et Immigration Canada a ajouté une date d'expiration sur le certificat de citoyenneté des personnes visées par cette disposition, en guise de rappel supplémentaire.
    Elle expose clairement les faits. C'est une question bien précise. Par conséquent, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de faire revenir ces personnes. Ce n'est pas nécessaire; l'explication a été fournie.
    J'estime donc que cette motion doit être rejetée. Si vous voulez présenter une autre motion ou une autre demande de comparution de la ministre, c'est une autre question qui n'a aucun rapport avec celle-ci.
    Monsieur Telegdi.
    J'appuierai la motion. J'estime qu'il est important que les porte-parole du ministère reviennent témoigner après que nous ayons eu l'occasion d'examiner les autres témoignages. Les chiffres que la ministre a mentionnés étaient très en deçà de la réalité. Je suppose qu'on pourrait demander si la ministre a donné de l'information inexacte au comité ou si elle avait elle-même de l'information inexacte. J'ai tendance à penser qu'elle avait elle-même de l'information inexacte.
    J'ai observé au fil des années comment cela se passait dans cette bureaucratie, et j'estime qu'il est très important que les porte-parole du ministère reviennent pour nous expliquer dans quel délai et de quelle façon on compte mettre fin aux terribles difficultés dont les membres du comité ont entendu parler de la bouche même des intéressés, tout en sachant que bien d'autres personnes se trouvent dans des situations semblables. Il est essentiel que ce soit une priorité et il est important que les porte-parole du ministère viennent répondre à nos questions et reconnaissent que les chiffres qu'ils ont mentionnés étaient faux.
(1310)
    Merci.
    Madame Faille.

[Français]

    En fait, je vais aller dans le même sens qu'Andrew en ce qui touche cet avis de motion. Nous allons l'appuyer également pour des raisons similaires. La question posée était claire, à savoir si une campagne de publicité avait été effectuée. La réponse était positive. Alors, si on n'avait pas demandé un compte rendu plus détaillé — je formule une hypothèse —, peut-être qu'on n'aurait pas eu cette réponse du ministère. Ces excuses, on ne les aurait peut-être pas eues. Après ce qu'on a entendu de la part de témoins qui ont eu à se défendre face à la Loi sur la citoyenneté, je crois qu'on leur doit une réponse, et ce serait une occasion pour le ministère de venir aborder cette question.

[Traduction]

    Merci.
    M. Karygiannis fera un dernier commentaire, puis nous mettrons la motion aux voix.
    Monsieur Karygiannis.
    J'aimerais lire un passage du troisième paragraphe de la lettre et signaler à M. Komarnicki qu'il dit ceci :
J'aimerais confirmer que depuis 1980, toutes les personnes nées à l'étranger... ont reçu une lettre à cet égard lorsque leurs parents les ont fait enregistrer.
    Par conséquent, la ministre ou le sous-ministre me raconte un mensonge, ou alors celui-ci ne sait pas ce qu'il dit. Ma fille est née à l'étranger en 1982 et je n'ai pas du tout reçu de lettre.
    Non seulement nous avons la signature du sous-ministre sur cette lettre, mais celui-ci et la ministre sont venus témoigner et ils ont demandé aux fonctionnaires... J'ai alors demandé au sous-ministre s'il inviterait la personne à laquelle il s'était adressé à venir témoigner. Il a par conséquent indéniablement induit le comité en erreur.
    Je mets la motion aux voix.
    Pourrions-nous avoir un vote par appel nominal, monsieur le président?
    (La motion est adoptée par 7 voix contre 4.)
    Il nous reste deux autres motions, mais leur auteur n'est pas présent. Si quelqu'un veut présenter ces motions, il faudra que ce soit avec le consentement unanime.
    L'un de vous souhaite-t-il présenter les motions ou avons-nous votre consentement unanime?
    Il n'y a pas consentement unanime et, par conséquent, il est inutile de poser la question suivante.
    Étant donné qu'il n'y a pas d'autres questions, je lève la séance.