Je vous souhaite la bienvenue. Nous poursuivons l'étude sur la perte de la citoyenneté canadienne pour les années 1947, 1977 et 2007.
Nous accueillons aujourd'hui deux groupes de témoins. Notre premier groupe comparaîtra de 11 heures à 12 heures et le deuxième, de 12 heures à 13 heures.
Je souhaite la bienvenue aux membres du premier groupe, à savoir Wendy Adams, Charles Bosdet, William Smith et Christopher Veeman, qui témoignent à titre personnel, et pour Canadian War Brides, Melynda Jarratt, historienne.
Soyez les bienvenus. Je pense que vous savez comment nous procédons; nous passerons donc directement à vos exposés. Je pense que M. Chapman vous présentera.
Voulez-vous faire les présentations, monsieur Chapman?
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Sommes-nous déchus de notre citoyenneté?
J'aimerais avant tout vous remercier de m'avoir invitée. C'est un honneur. C'est mon premier voyage à Ottawa, et je suis par conséquent intimidée. Sommes-nous toutefois déchus de notre citoyenneté? C'est en substance la question qui m'a été posée. Je me la suis posée lorsque je suis tombée par hasard sur le compte rendu des audiences du comité permanent du 26 février, il y a quelques semaines. À la suite de plusieurs circonstances, mon frère et moi-même sommes déchus. Nous sommes considérés comme des Canadiens déchus. C'est ce qui est arrivé.
Nos parents se sont rencontrés en 1960 à Cold Lake, en Alberta. Notre mère faisait partie de la Police militaire, dans les Forces armées canadiennes, et notre père était dans l'Armée de l'air américaine. Ils se sont mariés en 1961 et notre mère a quitté les Forces canadiennes pour accompagner notre père. Puisque notre père était dans les forces armées, notre famille déménageait souvent. Mon frère est né à Peru, dans l'Indiana, en 1963. Je suis née cinq ans plus tard à Colorado Springs, au Colorado. En 1970, notre père est parti au Vietnam pour une mission d'un an et nous avons déménagé au Canada pour vivre dans la famille de ma mère. Lorsque notre père est rentré, nous sommes retournés à Omaha, au Nebraska. Puis, en 1972, nous avons déménagé à Spokane, dans l'État de Washington.
Sachant que les ordres suivants qu'il recevrait pourraient très bien concerner une affectation dans un lieu isolé, où il serait loin de nous pour une année de plus, mon père a décidé de prendre sa retraite. Étant donné que ma mère souhaitait vivre à proximité de sa famille et que mon père adorait la pêche, nous avons déménagé au Canada. Nous sommes arrivés dans la petite ville de Power River, en Colombie-Britannique, située en bordure de l'océan, en 1973. J'avais cinq ans. Nous vivons au Canada depuis 34 ans et, chose surprenante, presque toujours au même endroit. Quand nous étions enfants, lorsqu'il était question de citoyenneté, nous savions que nous étions nés aux États-Unis et que nous avions la citoyenneté américaine, mais nos parents nous avaient toujours dit que nous avions droit à la double citoyenneté parce que notre mère était canadienne.
Un jour, mon frère s'est même inscrit pour voter, mais ma mère lui a rappelé qu'il n'avait même pas encore fait sa demande de citoyenneté canadienne. À l'exception du fait que nous n'avions pas le droit de vote, nous considérions que les documents de citoyenneté n'avaient pas beaucoup d'importance pour nous, car nous pouvions alors traverser librement la frontière avec des documents photocopiés, des certificats et des documents d'immigration. Depuis le 11 septembre, les documents photocopiés ne sont plus acceptés et nous aurions besoin d'un passeport et d'une carte de résident permanent pour voyager.
Nous avons donc décidé qu'il était temps de faire une demande de citoyenneté canadienne. Nous avons rempli nos formulaires de demande pour obtenir la preuve de citoyenneté, avons fait vérifier nos documents pour obtenir des certificats et fait d'autres démarches nécessaires, en payant les droits. Cela nous a coûté 200 $ par personne. Nos demandes ont été envoyées par la poste au cours de l'automne 2004. Nous avons attendu très longtemps. Après plusieurs appels téléphoniques et un an plus tard, nous avons enfin pu parler à un fonctionnaire du ministère de l'Immigration. On nous a dit que notre demande n'avait pas été traitée. Nous avons attendu encore pendant un certain temps. Enfin, en novembre 2005, nous avons reçu une lettre indiquant que nos demandes avaient été rejetées et que nous avions laissé passer l'échéance du 14 août 2004. Nous ne savions même pas qu'il y avait une échéance. Nos demandes étaient arrivées au ministère en octobre 2004, donc quelques mois après la date d'échéance. Les fonctionnaires du ministère ont eu l'amabilité de nous envoyer des formulaires de demande de citoyenneté canadienne, semblables à ceux qu'auraient reçus d'autres immigrants. Nous étions frustrés.
Pendant les 32 des 34 dernières années que mon frère et moi avons passées au Canada, nous nous considérions comme des Canadiens. Imaginez le choc que nous avons eu quand on nous a dit que nous avions laissé passer une échéance. Quelle échéance? Nous ne savions même pas qu'une échéance avait été fixée.
Nous nous sentons réellement Canadiens. Nous avons passé la plus grande partie de notre vie au Canada. Nous avons fait nos études, avons travaillé et avons payé des impôts au Canada. Nous avons épousé des Canadiens et nos enfants sont canadiens. Nous étions persuadés que l'obtention de la citoyenneté canadienne n'était qu'une formalité. Pourtant, on nous demande maintenant de payer encore des droits, d'attendre de 12 à 15 mois et de passer un examen. Notre seule autre option serait de demander nos cartes de résident permanent, ce qui nous obligerait à payer encore des droits et à nous absenter du travail car, étant donné notre lieu de résidence, nous serions obligés de prendre une journée de congé et de prendre le traversier, ce qui représente une dépense d'une centaine de dollars, pour aller chercher nos cartes de résident permanent. Par conséquent, nous avons comparé les options que nous avions et décidé de remettre la demande de citoyenneté canadienne à plus tard. Cependant, il y a trois semaines, nous avons entendu parler de vos audiences et de la Lost Canadians Organization. Nous ne nous rendions pas compte que nous étions aussi nombreux.
J'espère en toute modestie que notre histoire pourra faire une différence pour les milliers de Canadiens et Canadiennes qui, comme nous, attendent pour obtenir la citoyenneté.
Je vous remercie pour votre attention. C'est un honneur pour moi d'être ici.
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Je remercie le comité pour cette occasion de faire un exposé.
Je m'appelle Charles Bosdet. Je suis heureux de voir quelques visages connus. Je voudrais surtout faire quelques suggestions et, pour expliquer d'où elles viennent, vous exposer comment j'ai adopté ce point de vue.
J'ai été engagé par des entreprises pour les aider à examiner de près leurs politiques et procédures et à préparer des vérifications de conformité; j'ai récemment aidé une entreprise à être en conformité avec la loi Sarbanes-Oxley, qui représente le plus gros changement dans la législation américaine sur les valeurs mobilières depuis 1934. J'ai été engagé pour aider dans des cas de conformité à divers régimes réglementaires, notamment en ce qui concerne l'assurance de la qualité dans la marine nucléaire et d'autres questions de gouvernance d'entreprise. Avant cela, j'étais directeur de l'information et éditorialiste du plus grand quotidien juridique des États-Unis et rédacteur en chef de deux ou trois plus petits journaux avant cela. Auparavant, j'avais été analyste documentaire pour deux ou trois cabinets d'avocats en Californie.
Le voyage qui m'a mené jusqu'ici a commencé lorsque j'ai présenté une demande de certificat de citoyenneté et que celle-ci a été refusée. Cet événement marqua le début de ce qui devint un processus tortueux, insensé pour moi, qui dura deux ans. Pour commencer, il semblait qu'on suivait un scénario dont je n'étais pas au courant. Je comprends les politiques et les procédures mais, à un certain moment, dans les lettres que m'envoyait mon évaluatrice, on n'accusait même pas réception des documents que j'envoyais et ces lettres ne correspondaient pas du tout au contenu de ces documents. Dans certains cas, on ne tenait pas compte des preuves secondaires qui, d'après le Guide des politiques de citoyenneté, sont acceptables et doivent être acceptées à la place de preuves primaires.
Dans mon cas, je pense que l'évaluatrice a totalement enfreint l'interdiction d'imposer un fardeau exagéré à un requérant indiquant qu'on ne peut pas imposer à une personne un fardeau financier anormal pour l'obliger à répondre aux exigences de l'évaluateur en matière de preuves.
Cette évaluatrice a en outre fait preuve d'un certain manque de professionnalisme. Elle a tenté d'apporter la preuve du contraire de ma citoyenneté en appliquant une loi concernant la nationalité étrangère à un de mes ancêtres. Dans un entretien ultérieur, il était parfaitement manifeste que cette évaluatrice ne comprenait — et, en fait, ignorait totalement — qu'il y avait une différence entre cette loi étrangère en matière de nationalité et celle du Canada. Les deux régimes traitaient la question de façons différentes et cette personne l'ignorait. Cela me préoccupait beaucoup, car elle est semble-t-il, l'évaluatrice de l'assurance de la qualité pour le centre de traitement des demandes de citoyenneté de Sydney. Cette évaluatrice porte des jugements sur d'autres dossiers qui arrivent sur son bureau et de nombreuses familles mennonites de ma province, à savoir le Manitoba, étaient traitées apparemment en suivant le même scénario que celui que nous avons présumé qu'elle avait suivi dans mon cas.
Ce qui m'inquiétait, c'est qu'elle ne connaissait pas la loi; ce qui m'ennuyait plus que tout, c'était son manque d'intérêt total pour l'acquisition de nouvelles connaissances. Je m'attendais à ce qu'elle dise qu'elle vérifierait ou à ce qu'elle me demande de lui envoyer de l'information lui confirmant mes déclarations ou bien alors qu'elle ne savait pas et qu'elle consulterait quelqu'un à ce sujet. Elle n'a rien fait de tout cela. Sa réaction a été de dire qu'on allait traiter la demande malgré cela et, qu'en outre, elle faisait ce travail depuis des années. J'ai été surpris de cette réaction.
Ensuite, j'ai reçu une série de lettres de demande fallacieuses qui semblaient raisonnables, à première vue mais, en fait, cela allait à l'encontre de la pile de preuves qu'elle avait sur son bureau et dont elle feignait d'ignorer l'existence.
Elle me refila la charge de la preuve d'une façon particulièrement astreignante pour moi, à savoir qu'il fallait tenter d'établir une preuve négative. Elle présuma qu'un de mes ancêtres était né à l'étranger et me suggéra de me rendre quelque part au milieu du Mexique pour aller consulter des dossiers, car c'était peut-être là que se trouvait le certificat de naissance de mon grand-père. Je lui ai dit qu'il pouvait être né dans n'importe quelle ville située entre le centre du Mexique et Arichat, en Nouvelle-Écosse, localité dont il était originaire, d'après toute une série de documents, y compris ses documents d'engagement militaire, son enregistrement comme citoyen britannique et, soit dit en passant, son passeport canadien de 1942, passeport qu'il avait obtenu pour la première fois dans les années 30. L'évaluatrice avait d'ailleurs une lettre du consulat britannique le confirmant.
Lorsque je suis allé en appel, l'affaire ne s'est pas arrêtée là. J'ai fait des histoires et mon cas a finalement été repris par une évaluatrice d'Ottawa. L'évaluatrice du centre de traitement des demandes qui avait travaillé sur mon dossier avait apparemment exposé mon cas de façon inexacte à la personne d'Ottawa; je l'appris lorsque l'évaluatrice d'Ottawa m'appela. C'est alors qu'on découvrit toutes sortes d'erreurs. L'évaluatrice d'Ottawa avait reçu de l'information inexacte sur la nature des preuves fournies dans ce dossier. Elle n'avait pas été informée de l'existence d'un grand nombre de documents clés. Je ne sais pas comment on peut omettre de mentionner des documents comme un enregistrement comme citoyen britannique ou des passeports, c'est-à-dire des preuves secondaires acceptables; de toute apparence, un grand nombre de ces documents n'avaient pas été mentionnés au cours de cet appel téléphonique.
L'évaluatrice de Sydney — et elle est l'évaluatrice de l'assurance de la qualité, s'il vous plaît — a ensuite envoyé par télécopieur ce qui, d'après elle, étaient les documents pertinents ou importants. Lorsque j'ai enfin eu l'occasion d'en discuter avec l'évaluatrice d'Ottawa, elle m'a dit qu'elle était surprise que certains documents ne lui avaient pas été envoyés par télécopieur, parce qu'elle avait une échéance à respecter. Elle devait prendre une décision sur mon cas. Mon dossier complet est arrivé de Sydney à Ottawa quelques heures seulement avant que la décision ne doive se trouver sur le bureau de la ministre.
Si je n'avais pas communiqué par télécopieur 110 pages de documents à l'évaluatrice d'Ottawa, elle n'aurait pu se baser que sur les commentaires de l'évaluatrice de Sydney pour prendre sa décision. Comme je l'ai compris plus tard, l'évaluatrice d'Ottawa en avait conclu que j'étais citoyen canadien. Je n'ai pourtant pas encore ce privilège, parce qu'une autre personne contestait cette décision et que l'affaire a déjà pris une tournure différente. Cependant, ces événements, et c'est la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui, m'ont fait comprendre que des problèmes systémiques se posent — à un niveau intermédiaire et à un niveau supérieur de ce ministère, comme j'ai pu le constater —, dont certains semblent être les mêmes de la base au sommet. Certains problèmes d'équité et d'inefficacité se posent. Aucune solution administrative comme telle n'a été prévue quand un employé fait de l'excès de zèle, ce qui fut apparemment le cas en ce qui concerne mon dossier. Pour l'amour du ciel, le ministère ne respecte pas les valeurs que nous prétendons nous être chères.
Ce qu'il est essentiel et ce que ce comité doit faire, c'est remédier aux lacunes de ce système d'une façon ou d'une autre, jusqu'au niveau du centre de Sydney, car rien d'autre que l'on pourrait faire n'a d'importance. Vous pouvez adopter des modifications et remanier la Loi sur la citoyenneté de sorte à en faire une loi parfaite, mais ce que j'ai appris dans le cadre de mes fonctions de vérificateur de processus et en aidant les personnes se trouvant dans ce type de situation, c'est que c'est comme dans une course de relais. Même si les trois premières personnes réussissent très bien, si la dernière laisse tomber le témoin, la course est perdue, et c'est, à mon avis, la situation à Sydney, en Nouvelle-Écosse, dans le centre de traitement par lequel passent toutes les demandes de citoyenneté.
Je voudrais aborder deux sujets, celui des preuves et celui du recours que l'on a lorsqu'on n'en tient pas compte. Comme je l'ai mentionné et comme le savent probablement les membres de ce comité, il y a des preuves primaires comme les certificats de naissance. Il y a aussi des preuves secondaires comme les passeports ou peut-être même les permis de conduire et autres documents. Toutes ces preuves sont énumérées dans le Guide des politiques, CP 14.
Je suggère que le comité pense à modifier par le biais de la loi la charge de la preuve par rapport à la façon dont elle est appliquée maintenant à Sydney — c'est-à-dire d'un point de vue axé sur les poursuites — pour qu'on énonce ce qui est considéré comme des preuves primaires acceptables et comme des preuves secondaires acceptables et que, si un requérant présente des preuves primaires et secondaires appropriées, ou des preuves secondaires au lieu de preuves primaires, elles doivent être acceptées.
La charge de réfuter absolument toutes les objections ne devrait pas être imposée à un citoyen dont les ressources sont beaucoup plus restreintes que celles de l'évaluateur. Dans de nombreux cas, il semblerait que ces objections n'aient absolument aucun rapport avec le cas. Les lettres de refus, si on en envoie, devraient informer les personnes des recours possibles, et je ferai d'autres commentaires à ce sujet dans quelques instants mais, actuellement, le seul recours semble être très insuffisant.
J'ai une suggestion à faire à ce sujet également. Je propose au comité d'examiner la possibilité d'imposer des dates d'échéance sur les contestations concernant des documents officiels délivrés par le gouvernement du Canada. Si l'on a délivré un passeport en 1942, personne ne devrait pouvoir décréter, 60 ans plus tard et sans la moindre justification, que ce n'est pas une preuve acceptable.
Je m'appelle Melynda Jarratt. J'habite Fredericton, au Nouveau-Brunswick, et je suis historienne des épouses de guerre canadiennes. J'étudie ce sujet depuis 20 ans. C'est la troisième fois que je comparais devant ce comité. J'ai comparu en avril 2005, puis j'ai été invitée à témoigner à nouveau en mai 2005. Je suis de retour pour raconter encore la même histoire.
Je sais que je dispose de cinq minutes seulement et, par conséquent, je m'efforcerai d'être aussi brève que possible. J'ai trois commentaires à faire qui pourraient très bien devenir cinq.
Mon premier commentaire est le suivant: en ma qualité de principal point de contact pour les épouses de guerre canadiennes au Canada et à l'échelle internationale, par l'intermédiaire du site Web que je gère, appelé canadianwarbrides.com — qui est en quelque sorte le centre d'échange d'information et le serveur de liste pour toutes les épouses de guerre et leurs enfants et petits-enfants —, je signale qu'ils sont choqués par ce qui se passe. Leurs pères, leurs grands-pères et leurs époux ont fait pour ce pays au cours de la Seconde Guerre mondiale des sacrifices pour lesquels ils méritent qu'on leur rende hommage. On parle beaucoup de rendre hommage aux anciens combattants, mais lorsqu'il s'agit de leur procurer la sécurité dont ils ont besoin dans leur vieillesse, alors qu'ils ont largement fait la preuve de leur civisme, tout ce que les gouvernements leur apportent, c'est de l'insécurité et de l'incertitude.
Je trouve que c'est déprimant. Je trouve que c'est insultant. Je trouve que c'est frustrant et je n'arrive pas à le croire. Ils sont mis au ban de la société. C'est ridicule. On discute avec des Canadiens et on leur demande ce qu'ils pensent des épouses de guerre. Les épouses de guerre sont un phénomène unique dans l'histoire du Canada. Elles sont arrivées au Canada — et c'est mon deuxième commentaire, qui est un bref historique — entre 1942 et 1948: 43 454 épouses de guerre ont été accueillies au Canada dans le cadre du système organisé par le gouvernement canadien, par l'intermédiaire du ministère de l'Immigration d'abord, mais le ministère de la Défense nationale a repris le flambeau en 1944. Elles ont été amenées au Canada dans le cadre d'un système organisé par le gouvernement. Elles ont amené avec elles 20 997 enfants en l'espace de six ans. Ces enfants ont été bien accueillis et les mères ont été accueillies à bras ouverts, considérées comme les meilleurs citoyens qu'on puisse espérer.
Les preuves documentaires convaincantes qui se trouvent dans les dossiers des Archives nationales — et je vous prie de croire que je les ai examinées sans relâche au cours des 20 dernières années — représentent des milliers de feuilles de papier sur microfilm, sans parler des journaux et des témoignages de l'époque et de simples documents d'archives que les enfants, les épouses et les petits-enfants ont conservés pendant toutes ces années et m'ont fait parvenir... les preuves d'archives sont précisément le troisième sujet sur lequel je voulais faire des commentaires. Leur quantité est surprenante; cela représente une montagne de documents. Au cours des deux prochaines années, le gouvernement sera submergé de demandes de pension de vieillesse et de demandes de pension du Canada et de passeport; les autorités seront par conséquent débordées. Nous avons entendu les chiffres ce matin. On estime qu'entre 25 000 et 35 000 épouses de guerre et leurs enfants seront touchés par les problèmes causés par la Loi sur la citoyenneté de 1947. Il est essentiel de faire quelque chose.
Je vais vous montrer deux ou trois petits documents; je mets d'ailleurs le gouvernement au défi de nier ce qu'ils disent. Voici les plus savoureux. Je les qualifie de « savoureux » parce qu'ils sont très significatifs.
Celui-ci ne porte aucune date de publication, mais je pense qu'il a été publié en 1944. Il est intitulé le Canadian Cook Book for British Brides. C'est un livre de recettes canadien qui explique comment préparer les pommes de terre et le homard, et toutes sortes d'autres plats. C'est amusant quand on jette un regard contemporain sur ces documents, car on y explique la façon de repasser et le mode de vie canadien. Les auteurs de ce document disent ceci: « Vous êtes maintenant Canadienne et voici quels sont vos services ». Ce document a été publié en 1944, avant l'existence d'une Loi sur la citoyenneté. Les auteurs de ce document ne disent pas « Vous êtes originaire de Bornéo » ou « Vous êtes originaire de la Nouvelle-Guinée ». Ils disent « Vous êtes Canadienne ». Il existait un concept appelé le Canada avant l'adoption de la Loi sur la citoyenneté. Les auteurs de ce document n'indiquent rien d'autre. Ils indiquent ceci: « Vous êtes Canadienne ».
Voici la princesse Alice, la belle-soeur de la reine Mary, qui avait épousé le gouverneur général du Canada. On lui avait demandé d'écrire un avant-propos en guise de mot de bienvenue aux épouses de guerre. Ce document a été publié en 1944 par le ministère de la Défense nationale et par la Commission d'information en temps de guerre. La princesse Alice y a écrit ce qui suit: « Le gouvernement du Canada m'a demandé de préparer ceci ». Compte tenu de la façon dont se comporte le gouvernement actuel et de la façon dont le gouvernement du Canada se comportait alors — en temps de guerre, on était très attentif aux moindres détails —, on pourrait se demander pourquoi, s'il n'existait alors rien de semblable à la citoyenneté canadienne, ce qu'explique actuellement le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, on aurait consacré un chapitre entier à la citoyenneté canadienne dans un document publié en 1944.
J'en lis une phrase. Nous rions en lisant cela, car nous n'arrivons pas à croire que certaines personnes tentent de le nier. « En venant des îles britanniques pour devenir une nouvelle citoyenne canadienne, vous devrez... » et cela continue ainsi. Il n'y est pas écrit qu'on est devenu une nouvelle citoyenne de Bornéo, mais qu'on est devenu une nouvelle citoyenne du Canada.
Voici un autre petit document qui m'a été donné par Marion Vermeersch, qui a témoigné la semaine dernière. Il s'agit d'un document qui a été remis à toutes les épouses de guerre — il est très beau et très coloré — intitulé « Dock to Destination ». C'est un document de deux pages qui sont pliées. Je l'ai scanné pour cet exposé. Dans l'introduction, il explique aux épouses de guerre à quoi elles peuvent s'attendre en arrivant au Canada :
Dès que le bateau arrive à quai, les agents canadiens de l'Immigration monteront à bord. Ces hommes compléteront les formalités pour votre entrée au Canada, qui fera automatiquement de vous une citoyenne canadienne.
Qu'est-ce qui est encore écrit dans ce document?
Puis-je faire encore un commentaire...
Le dernier commentaire que je veux faire est qu'en ce qui concerne le ministre des Affaires des anciens combattants... De nombreux autres ministres ont d'ailleurs été entraînés là-dedans pendant toutes ces années, car partout où les épouses de guerre se réunissaient, ou intercédaient auprès d'un ministère, les ministres intervenaient. À ce sujet, le ministre des Affaires des anciens combattants a précisé, dans un document publié en 1946, que les épouses de guerre étaient des citoyennes canadiennes, et il avait l'appui du ministre du Commerce et du ministre de l'Immigration.
À ce propos, Eswyn Lyster, qui était une épouse de guerre — je serai très brève — a écrit à Sa Majesté la Reine en octobre pour lui demander d'intercéder en faveur des épouses de guerre que, à son avis, le gouvernement du Canada ne traite pas très bien. Sa Majesté a demandé à la gouverneure générale du Canada de s'en occuper et celle-ci a demandé au ministre des Affaires des anciens combattants de s'en charger.
C'était déjà le ministre des Affaires des anciens combattants qui était chargé de s'occuper de cela en 1946. Que disait le gouvernement du Canada? Il disait que les épouses de guerre canadiennes étaient canadiennes. Tout le reste n'est que balivernes.
J'apprécie votre invitation et l'occasion que vous me donnez d'exposer certaines de mes réactions. Une des premières choses que je voudrais préciser, c'est qu'on ne trouvera jamais de solution à ce problème si personne n'en reconnaît l'existence. Il n'est pas évident qu'on ait l'intention ou la capacité de le résoudre. Je pense que la situation a été examinée sérieusement pendant des années, mais il semblerait qu'on ne soit pas encore sur le point de régler le problème. C'est une observation personnelle.
Dans mon esprit, les lois ont pour but de maintenir l'ordre et d'assurer la sécurité. Elles sont censées servir les intérêts de la population. Elles sont censées être basées sur le bon sens et être tempérées de raisonnabilité.
Je ne sais pas ce qui s'est produit, mais ça a très mal tourné. Je ne pense pas que ça correspondait à l'esprit initial de la Loi sur la citoyenneté. Je signale en outre que le temps qu'il a fallu pour que la loi soit promulguée, c'est-à-dire de 1945 à 1947, ne représente pas une longue période mais qu'il a fallu de nombreuses années pour en modifier les lacunes et s'occuper des dispositions de la loi qui n'avaient pas évolué.
Il y a les obligations imposées par la loi. Il y a le droit de la responsabilité délictuelle, le devoir de diligence et la responsabilité pour les actes et leurs conséquences. Les lacunes de ces obligations causent un préjudice à d'autres personnes. C'est un facteur auquel il est essentiel d'accorder beaucoup d'attention.
Il existe à mes yeux un droit absolument fondamental. Il s'exprime mieux en français qu'en anglais: c'est un droit acquis. Une mère et un père décident d'avoir des enfants. Les enfants grandissent dès leur conception. Avant même leur naissance, ils acquièrent le droit à la vie, alors qu'ils sont nourris. Pendant toute leur vie, même après leur naissance, des droits viennent s'ajouter à ces droits acquis. Avec le recul, je pense qu'un des droits que j'ai acquis par la voie génétique est le droit à la citoyenneté de mon père, avant même ma naissance, et je suis intraitable sur ce point.
Plus tard, après avoir fait mes études au Canada, j'ai pu obtenir mon numéro d'assurance sociale qui me permettait de travailler et de payer des impôts. Je vote aux élections. J'ai été appelé à faire partie du jury dans un procès pour meurtre. Ce sont de belles expériences canadiennes, mais des erreurs ont été commises tout au long de ma vie.
La première erreur a été commise trois semaines après ma naissance, en avril 1949. Ma mère avec son nouvel enfant était accompagnée de mon père, qui avait en effet quitté les États-Unis pour accompagner sa femme et son nouveau-né au Canada. Quand nous sommes arrivés à la frontière, sur le train, le seul commentaire des représentants de l'Immigration a été « Ah, vous nous ramenez un nouveau Canadien ». Aucun document n'attestait de mon entrée au Canada. Quelqu'un représentait le ministère de l'Immigration au poste-frontière à l'entrée d'un enfant dans le pays et quelque chose aurait dû être fait. Or, rien n'a été fait.
Il y eut ensuite une deuxième visite d'un homme qui était, je crois, un employé du ministère de l'Immigration, mais cela remonte à de nombreuses années. Il a laissé un document qui indique que la visite remonte au 7 décembre 1951. Cet homme est venu pour recueillir des renseignements sur le statut de citoyen, les certificats de naissance et les certificats de mariage de mes parents et de tous leurs enfants, pour que les enfants puissent être enregistrés et recevoir des prestations et pour que nos parents puissent recevoir les prestations du programme fédéral des allocations familiales. Il a pris tous les documents et nous avons été enregistrés; nos parents ont reçu ces prestations.
J'ai toujours pensé que j'avais la double nationalité: celle liée à mon lieu de naissance, à savoir les États-Unis, et celle acquise par mes parents.
Les conséquences de ces problèmes sont que j'ai perdu ma sécurité d'emploi. Pour tous les postes que je postule, on exige une preuve de citoyenneté canadienne. Je n'ai pas été capable de l'obtenir, même après de longues démarches. J'ai été obligé d'attendre pendant des mois, de mars à novembre 2006. N'ayant obtenu aucune information fiable, bien que tous les appels à Sydney soient enregistrés pour le contrôle de la qualité, aucune des personnes que j'ai eues à l'autre bout du fil n'avait l'autorité voulue et elles m'ont toutes dit que quelqu'un entrerait en contact avec moi.
Quand j'ai enfin reçu une lettre, j'ai été tellement estomaqué que c'était comme si quelqu'un avait éteint la lumière dans une pièce et que tout ce que je pouvais voir, c'était du rouge. J'ai vomi du sang pendant trois jours et ai été hospitalisé. Ma femme a alors demandé à mon frère aîné, qui avait travaillé pour le gouvernement fédéral jusqu'à sa retraite, s'il ne pouvait pas se renseigner sur cette affaire. Mon frère aîné est une personne très tenace, très logique et très méticuleuse. Il a envoyé des lettres au premier ministre Harper, à la gouverneure générale et à tous les paliers d'administration auxquels il avait accès, pour tenter de trouver une solution, pour aider son frère. Je pense que ses intentions étaient très nobles.
Le résultat de toutes ces démarches n'est pas encore connu, mais elles m'ont laissé dans une situation financière très précaire.
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Merci pour votre invitation.
Je ne suis pas un Canadien déchu ou, du moins, je ne pense pas l'être. Je suis né à Saskatoon et, avant d'intervenir dans ce dossier, je n'avais aucun doute que j'étais Canadien, mais on dirait qu'il s'est passé des choses étranges.
Bref, je suis avocat et je représente Robert Gene Clark, qui se trouve pris dans la situation d'une personne qui a traversé la frontière enfant.
Je voudrais faire un bref historique de sa famille. Son grand-père est arrivé au Manitoba, de l'Ontario, vers la fin du XIXe siècle. Le père de M. Clark est né au Manitoba en 1909. Sa mère est née au Manitoba en 1916. Ses parents se sont mariés en 1939. Le père de M. Clark a fait la Seconde Guerre mondiale dans la force aérienne. Puis, la soeur de M. Clark est née en 1940. Les trois frères sont nés après la guerre. M. Clark est né en 1947, immédiatement après l'entrée en vigueur de la première Loi sur la citoyenneté. La famille habitait juste à côté de la frontière américaine, dans le sud du Manitoba. L'établissement médical le plus proche était situé à Westhope, au Dakota du Nord. C'est là que tous les enfants naissaient. Ils revenaient au Canada immédiatement après leur naissance et ils ont toujours vécu au Canada depuis ce moment-là.
Depuis 1947, et jusqu'en 2006, M. Clark et ses frères et soeur se considéraient comme des Canadiens et faisaient tout ce qu'on s'attendait qu'un Canadien fasse; ils allaient à l'école, travaillaient, votaient, faisaient des emprunts à la Société de crédit agricole et les remboursaient, et recevaient des chèques d'allocations familiales. C'est en 2006 qu'on prit conscience de la situation, lorsque M. Clark fut reconnu coupable d'une infraction et que quelqu'un découvrit qu'il était né aux États-Unis. Cette découverte a déclenché une enquête en matière d'immigration. On lui a finalement dit qu'il était ressortissant étranger au Canada et qu'il n'avait aucun statut de citoyen ici; par conséquent, à cause de la condamnation, il reçut une ordonnance d'expulsion.
La Cour fédérale a suspendu l'exécution de l'ordonnance d'expulsion invoquant qu'il était en fait citoyen aux termes de la Loi sur la citoyenneté, quoiqu'il s'agisse d'une suspension provisoire. Quelques mois plus tard, la citoyenneté fut accordée aux deux frères de M. Clark aux termes du paragraphe 5(4) de la Loi sur la citoyenneté; ils sont donc citoyens depuis février 2007. Jusqu'alors, ils n'avaient apparemment pas le statut de citoyen. Cependant, M. Clark n'obtint pas le même traitement, probablement en raison de l'infraction en question.
Nous estimons qu'il est citoyen canadien. Tous les membres de la famille sont en fait citoyens en vertu de la loi. Même si nous faisions erreur, j'estime qu'un système qui permet à des personnes, qui se considèrent ouvertement comme des Canadiens, de vivre au Canada pendant 59 ans pour émettre ensuite une ordonnance d'expulsion après une audition sommaire en présence d'un fonctionnaire de l'Agence des services frontaliers du Canada est un système défectueux.
Voici les suggestions que je voudrais faire au comité: si vous comptez remanier la Loi sur la citoyenneté, il faudrait limiter autant que possible l'exercice du pouvoir discrétionnaire et envisager la nomination d'un décideur indépendant pour ces types de questions, comme l'a recommandé M. Bosdet.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
De nombreuses personnes comme vous et d'autres témoins continuent de mettre un visage humain sur ce que je considère comme être une tragédie. Il est très important que nous entendions ces histoires, que nous profitions de vos expériences et que nous collaborions pour tenter de régler ce problème. J'ai discuté tout à l'heure avec Mme Jarratt.
Vous avez dû malheureusement lutter sans cesse en raison de ce dilemme. Vous le faites au nom de tous les Canadiens. De nombreux Canadiens ne sont pas au courant de ce problème. Ils ne se sentent peut-être pas très concernés mais, à vrai dire, personne n'est à l'abri. Vous nous aidez à naviguer à travers ce problème créé par le gouvernement actuel, mais nous trouverons un moyen d'y mettre fin.
Je ne sais pas très bien qui voudrait répondre. La ministre et certains fonctionnaires ont témoigné et ont tenté de nous faire croire que le problème n'avait pas une portée très large. Ils ont parlé d'environ 450 personnes qui auraient été touchées par cette lacune dans la loi. Si c'est le cas, vous avez probablement entendu parler d'environ 10 p. 100 de ces personnes. Est-ce que l'un d'entre vous pourrait indiquer...
Allez-y, monsieur Bosdet.
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J'aimerais également faire un commentaire.
Vendredi dernier, j'ai reçu personnellement des appels de deux personnes dont je n'avais jamais entendu parler. Elles me demandaient de l'aide pour savoir comment obtenir leur liste de passagers — comme la liste pour le sénateur Roméo Dallaire, par exemple. Voici sa liste de passagers. Ces renseignements sont très difficiles à obtenir. Ce n'est pas tout le monde qui arrive à mettre la main là-dessus. Pourquoi leur demande-t-on ce document? Ce n'est pas le type de document dont ces personnes ont besoin pour faire la preuve de la citoyenneté.
Les gens ne comprennent pas la procédure. Les gens ont peur et ne savent que faire. Je ne suis pas experte en matière d'immigration, pour l'amour de Dieu — je suis experte en ce qui concerne les épouses de guerre, mais pas en matière d'immigration.
Je pense que c'est un tsunami en puissance. J'ai employé ce terme il y a quelques minutes, et je le pense sincèrement. Ça causera des problèmes. Les gens ont peur.
Je connais une dame dont je tairai le nom de famille. Son prénom est Jan. Elle a peur de parler. Elle serait venue aujourd'hui, mais n'a pas pu le faire. Elle craint d'être ciblée si elle parle.
Ces personnes se cacheront la tête dans le sable jusqu'au moment où elles n'auront plus le choix d'agir. Lorsqu'elles auront besoin de leur Régime de pensions du Canada, de leur pension de vieillesse ou d'un autre service fédéral, ça fera du grabuge. Cette affaire prendra des proportions énormes. C'est colossal.
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Merci, monsieur le président.
D'abord, je voudrais vous saluer tous. Ce n'est pas la première fois qu'on se rencontre. La question de la citoyenneté est très importante pour moi, pour deux raisons.
Premièrement, la question identitaire nous préoccupe beaucoup, comme Québécois, mais il y a également le fait que je suis députée de Vaudreuil-Soulanges. C'est une circonscription située juste à côté de l'hôpital des vétérans. Beaucoup de familles d'anciens combattants demeurent dans mon comté. Entre autres, le Manoir Cavagnal loge plusieurs personnes âgées. Lors de mes visites, j'ai rencontré des war brides, des épouses de guerre, qui m'ont raconté toutes leurs histoires. Lorsque je me suis intéressée à la question de la citoyenneté, cela leur disait quelque chose. Cela les inquiétait également par rapport à leurs enfants, je crois.
Melynda, tu connais justement une de ces dames de Hudson, avec qui tu as travaillé. J'aimerais te poser des questions. Tu parlais du fait qu'en 1944, il y avait ce concept de citoyenneté canadienne. La semaine dernière, les vétérans de la Légion canadienne sont venus témoigner. À l'approche des célébrations de l'anniversaire de la bataille de Vimy, on parle de l'émergence d'une nation à ce moment-là aussi.
Dans les recherches que tu as faites du point de vue historique, pourrait-on retourner jusqu'en 1917?
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Je trouve en fait intéressant qu'on pose cette question, car j'ai discuté vendredi avec Pierre Allard, de la Légion royale canadienne, et avec Joe Taylor, par téléconférence. Au cours de cette téléconférence, M. Allard m'a surprise en en disant qu'il n'était pas suffisant de remonter jusqu'à 1910. Il veut qu'on remonte jusqu'à 1867.
J'utilise sans cesse l'exemple de Bornéo car je trouve que cette affaire est tout à fait ridicule. Quand nous discutons du Canada, il est possible que la Loi sur la citoyenneté n'ait pas encore été en place, mais l'esprit de citoyenneté canadienne existait déjà. Ma mère est née en 1917, à Bathurst, au Nouveau-Brunswick. Elle est canadienne. Mon père est né au Québec en 1915. Il est canadien. Ces enfants d'épouses de guerre sont des enfants de militaires canadiens. Joe Taylor est canadien. On ne peut pas changer cela.
C'est la perception de la citoyenneté canadienne. Et même les documents gouvernementaux canadiens le démontrent. En 1942, 1943, 1944 et 1945, on parlait de « citoyenneté canadienne ». Il était indéniablement question de citoyenneté. Le premier ministre Mackenzie King a accueilli les épouses de guerre en août 1946 en ces termes: « Soyez les bienvenues, citoyennes canadiennes ». Le ministre des Affaires des anciens combattants disait, en 1946, que les épouses de guerre étaient des citoyennes canadiennes.
C'est donc une continuité, comme M. Kish, représentant la Légion, l'a signalé la semaine dernière. Il y a une continuité de la citoyenneté. Ce n'est pas parce qu'un document appelé Loi sur la citoyenneté est entré en vigueur le 1er janvier 1947 que toutes les personnes qui vivaient au Canada avant cela n'étaient pas des Canadiens.
J'espère avoir répondu à la question.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous d'être venus. Pour certains c'entre vous, c'était la première fois, alors que d'autres avaient déjà témoigné plusieurs fois. Je suis désolé que vous soyez obligés de revenir et de continuer à travailler sur ce dossier, mais je suis content que vous soyez persévérants et que vous soyez disposés à faire cet effort.
Ce qui est intéressant, monsieur Veeman, en ce qui concerne le cas que vous avez exposé, c'est que nous avons longuement discuté en comité, lors de l'examen du projet de loi S-2, de ce qu'il faudrait faire dans le cas d'un Canadien ayant un casier judiciaire. Je me souviens que certains d'entre nous trouveraient que cela ne devrait avoir aucune importance et que, s'il s'agissait d'un Canadien, le cas de ce criminel relevait de notre responsabilité. C'est peut-être une façon directe de s'exprimer, mais je pense qu'il faut se faire à l'idée qu'il n'y a aucune raison de faire de la discrimination à l'égard de cette personne pour cette raison. Nous avons déjà pris cette décision lorsque nous examinions le projet de loi S-2 et que nous essayions de décider quelles en étaient les répercussions. La citoyenneté reconnaît implicitement qu'on puisse commettre des erreurs sans toutefois la perdre pour la cause.
Monsieur Bosdet, vous avez manqué de temps pour terminer votre exposé et je me demande si vous vouliez aborder d'autres questions. Vous avez fait des suggestions spécifiques concernant des groupes d'experts en droit administratif. M. Veeman a fait une suggestion semblable également, mais auriez-vous aimé faire d'autres recommandations ou aborder d'autres sujets que vous n'avez pas eu le temps d'aborder?
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Oui. J'aimerais faire deux autres observations.
Le panel de juges spécialisés en droit administratif est une bonne idée car, lorsque j'ai consulté la banque de données de la Cour fédérale il y a quelque temps, et que j'ai examiné tous les cas que je pouvais y trouver concernant la citoyenneté, j'ai été en fait surpris de n'y trouver qu'un très petit nombre de cas. Il n'existe pas d'ensemble jurisprudentiel important dans ce domaine, et cela pose un problème aux citoyens; je leur souhaite d'ailleurs bonne chance pour trouver un avocat spécialisé dans les questions de citoyenneté. Les avocats spécialisés en droit de l'immigration sont très nombreux; c'est un domaine très lucratif. La citoyenneté n'est pas un domaine lucratif et, par conséquent, on a de la difficulté à trouver des spécialistes. Ça pose un problème pour les intervenants.
L'autre observation est que le système produit des décisions tous azimuts mais qu'on n'en révèle jamais les motifs. Les motifs de ces décisions ne sont jamais mis à la disposition d'autres personnes pour qu'elles puissent les examiner à la loupe. Par conséquent, un secteur du système procède de telle façon alors qu'un autre secteur procède d'une autre façon. On refuse injustement quelque chose à une personne mais on n'en entend jamais parler. Il s'agit là de personnes qui se font attaquer dans le noir.
Si vous voulez apporter de la transparence au système et relever la qualité des décisions, une des options serait d'annoncer ceci: « Cette décision sera affichée sur le site Web. Nous mettrons en place un panel de juges professionnels qui examineront ces questions à la loupe et, lorsqu'ils rendront une décision, celle-ci sera publique ». Une telle façon de procéder présenterait toutes sortes d'avantages et le fait que ces décisions puissent être utilisées à titre de référence, même s'il ne s'agit que d'avis juridiques administratifs, ne serait pas le moindre.
Cela comblerait un très gros écart entre le présent système, dans le cadre duquel le juge de la citoyenneté est le seul autre recours qu'ait une personne en vertu du processus actuel, et la Cour fédérale. Si vous vous adressez à la Cour fédérale ou, avec de la chance, à un juge spécialisé en matière de citoyenneté, dont la décision est fondée sur un résumé préparé par le procureur, toutes vos petites économies risquent d'y passer. Je ne connais personne au monde qui pense qu'en cas de différend avec l'évaluateur du centre de traitement des demandes de citoyenneté, c'est bien que la personne chargée d'examiner votre cas rédige un rapport et le présente à une autre personne sans votre participation, si ce n'est l'information que vous avez fournie par écrit. La seule obligation qu'ont les juges de la citoyenneté, c'est de lire ce résumé, à moins qu'un fait ne pique leur curiosité; dans ce cas, ils peuvent réclamer le dossier. C'est en quelque sorte un avortement du droit à la justice.
Je suis un ardent partisan de la transparence. Elle a été efficace pour la Californie dans plusieurs domaines. Je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas être efficace dans celui de la citoyenneté. Si nous attachons vraiment autant d'importance à la citoyenneté que nous le prétendons, il faut alors créer quelques postes de juge, mettre ce système en place et faire des vérifications. Il faut faire des vérifications au début, pour déterminer si on est sur la bonne voie et si le système est efficace. Il faut aussi faire des vérifications ponctuelles des décisions prises au centre de traitement des demandes. On verrait bien ce que ça donnerait. J'aimerais voir ça.
L'autre raison pour laquelle il n'existe pas un ensemble de lois très volumineux dans ce domaine, c'est que certaines personnes n'ont pas l'argent nécessaire pour aller en cour.
Un autre facteur entre en jeu. Quand on a affaire à des personnes venant de différents pays, ces personnes ont passé leur enfance dans une culture présentant certaines différences avec la nôtre. Ces personnes ont peut-être de la déférence envers l'autorité. Quand un employé du centre de Sydney rejette la demande, les requérants ne contestent pas la décision ou n'ont peut-être pas les ressources nécessaires pour le faire ou alors ne savent pas comment procéder. Le résultat est le même: ils abandonnent. D'autres personnes ont de l'argent et contestent la décision devant la Cour fédérale à grands frais et, au moment même où on a l'impression qu'elles vont perdre leur cause, les avocats du gouvernement font ce que ferait peut-être tout avocat: ils proposent un règlement. Ces cas ne sont donc pas répertoriés dans la banque de données non plus.
La banque de données donne une image très déformée de ce qui se passe à Sydney et peut-être même à Ottawa, car les cas qui auraient pu y être répertoriés ne le sont pas tous, parce que le système s'y oppose. Je ne pense pas qu'il soit intéressant... Nous ne serions pas confrontés à certains de ces problèmes si le système était plus efficace et s'il accomplissait le travail à faire de la manière appropriée.
C'est un facteur.
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Merci, monsieur le président.
Nous ne serons naturellement pas capables de poser des questions précises. Je ferai donc plutôt quelques commentaires. Je tiens à ce que vous sachiez que j'apprécie le fait que vous soyez venus pour exposer quelques préoccupations et faire des suggestions précises dont nous ne manquerons pas de tenir compte.
Je sais que dans ce domaine la mésinformation et les idées fausses sont courantes. Il est essentiel d'éviter de tomber dans ce travers. Mon collègue M. Alghabra a attiré l'attention sur le fait qu'on avait l'impression que ce n'était pas un problème de très grosse envergure et qu'il ne concernait que 450 personnes. En fait, à sa décharge, la ministre n'a pas affirmé que c'était le nombre exact. Il s'agit du nombre de personnes qui ont communiqué avec le ministère au sujet de problèmes précis, ce qui n'est certainement pas une indication du nombre de personnes touchées. Ce nombre est certainement beaucoup plus élevé et si toutes les personnes concernées se manifestaient, on constaterait qu'il l'est effectivement.
On ne peut pas mélanger les faits et jouer avec les faits et avec les chiffres avec désinvolture, car ce n'est pas correct. Nous nous rendons compte du fait que plus de 450 personnes sont touchées et qu'il y a des raisons pour lesquelles certaines d'entre elles n'ont pas communiqué avec le centre d'appel. Il est nécessaire de régler ces problèmes. Je sais que les épouses et les enfants de guerre sont nombreux. Une forte proportion d'entre eux sont venus au Canada et sont actuellement citoyens canadiens, mais c'est le cas des personnes qui ne sont pas considérées comme des citoyens qu'il faut régler. Nous avons plusieurs catégories — au moins six, mais peut-être plus — de cas à examiner. Je sais que beaucoup de parlementaires sont très tentés de politiser la question, d'en faire un enjeu politique et cherchent à en tirer des avantages politiques.
Ce problème se pose depuis 1977, peut-être avant — peut-être 1947, comme vous l'avez mentionné. Il ne s'agit pas de faire des accusations et de vouloir faire passer le voisin pour un méchant. Il s'agit de déterminer si on peut aborder la question d'une façon logique qui permettrait de résoudre la plupart des problèmes. On peut probablement dire, sans trop de risque de se tromper, qu'on n'arrivera jamais à les résoudre tous, mais on devrait s'y appliquer. Nous estimons qu'il est essentiel de s'attaquer à ce problème. Il se pose depuis des années, sous de nombreux gouvernements et de nombreux ministres différents; par conséquent, ce serait bien qu'on amène ce dossier à un point où certains problèmes pourront être résolus.
À l'instar de Charles Bosdet, j'estime qu'une certaine rationalisation dans l'administration serait probablement indispensable et qu'il faudrait aborder la question avec une attitude constructive. Il est peut-être essentiel de mettre en place un système de communication et d'administration qui canalise toutes ces questions vers un guichet unique où des personnes bien informées pourront les régler. En tout cas, je prends note de cette suggestion.
M. Veeman vient de la même province que moi; je suis d'ailleurs heureux de le voir. Son cas est, de toute évidence, unique, et j'espère qu'il sera réglé. Vous avez abordé la question de ce qui se passe lorsque des infractions criminelles sont commises en pleine procédure, avant qu'intervienne le pouvoir discrétionnaire. Je me demande si vous estimez que ce pouvoir devrait être exercé sans tenir compte des problèmes de criminalité ou de sécurité ou s'il faudrait examiner le moment où a lieu...
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Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie pour votre invitation.
Mon exposé se présentera en trois parties. Je ferai quelques commentaires liminaires. Je citerai quelques chiffres clés très brièvement, aborderai plusieurs questions puis ferai quelques mises en garde.
J'ai une formation de démographe et ai consacré principalement ma recherche universitaire en démographie à l'immigration. Il y a environ quatre ans, j'ai reçu un appel d'un journaliste du Vancouver Sun. Il a expliqué qu'il faisait un article sur les Canadiens déchus de leur citoyenneté et m'a demandé quel en était le nombre. Certaines personnes disaient qu'ils étaient quelques centaines alors que d'autres parlaient de plusieurs millions. En fait, j'ai utilisé de l'information publique tirée de données de recensement pour obtenir un chiffre estimatif d'environ 85 000 Canadiens déchus vivant aux États-Unis. C'était il y a plusieurs années. Je continue de faire des travaux dans ce domaine, davantage dans le contexte de la fonction publique, pour faciliter la discussion. Je signale que ce n'est pas un sujet très populaire en démographie et que ça n'a par conséquent pas fait beaucoup progresser ma carrière universitaire.
Je me base en fait sur des données de recensement américaines ou canadiennes. Ce sont des fichiers de données confidentiels d'usage public utilisées par de nombreux chercheurs universitaires et organismes gouvernementaux. Les noms ou adresses des personnes correspondantes ne sont pas indiqués et, par conséquent, ces fiducies n'ont rien de confidentiel. J'essaie de délimiter les groupes le plus soigneusement possible, un par un, selon certaines caractéristiques, et cherche à déterminer le nombre de personnes, pour les personnes nées entre 1947 et 1977, pour chacun de ces différents groupes.
Je ferai quelques commentaires supplémentaires sur les épouses de guerre. J'examine le cas de femmes qui sont nées en Europe et qui devaient avoir 15 ans ou moins en 1945, qui n'étaient pas canadiennes lorsqu'elles sont nées, mais ont déclaré qu'elles avaient épousé un Canadien, un membre des forces armées ou un autre Canadien, et qui sont ensuite venues au Canada entre 1945 et 1955. Combien de femmes correspondent à cette définition? La réponse est qu'environ 25 000 femmes au Canada correspondent à ce type de définition d'épouse de guerre. Elles n'ont pas toutes nécessairement des problèmes de citoyenneté. Certaines d'entre elles n'ont même pas présenté de demande. Je pense par conséquent qu'il y a une grosse différence entre celles qui pourraient avoir des difficultés si elles présentaient une demande et celles qui sont représentées dans les chiffres de l'organisme gouvernemental. Il y en a cependant environ 25 000.
Il y avait environ 5 000 bébés nés en Europe après la guerre d'une mère ou d'un père canadien. Il y a au Canada environ 10 000 bébés qui sont des Canadiens déchus. J'ai mentionné 85 000 Américains. Il y a environ 10 000 bébés nés à la frontière, des bébés qui sont nés de parents canadiens aux États-Unis et qui sont à nouveau au Canada. Enfin, environ 75 000 bébés sont nés à l'étranger, de parents canadiens.
Les chiffres estimatifs totaux sont dès lors d'environ 115 000 Canadiens vivant au Canada qui pourraient avoir des problèmes de citoyenneté. Je le répète, ils n'en auraient probablement pas tous, mais c'est plus de quelques douzaines. Il y en a environ 85 000 qui vivent dans d'autres pays.
J'aimerais conclure en faisant trois mises en garde.
La première, c'est que les données de recensement n'incluent pas un historique sommaire relatif à l'immigration. Ce ne sont pas les mêmes que pour une demande de passeport ou de carte de citoyenneté. Par conséquent, nous n'obtenons pas toute l'information que nous voudrions avoir pour des cas individuels. Les données sont toutefois utiles, car elles nous aident à établir des chiffres estimatifs.
La deuxième est que les chiffres estimatifs que j'ai préparés concernent certains groupes de personnes qui sont au Canada et aux États-Unis. Il existe peut-être d'autres groupes ayant des problèmes de citoyenneté que je n'ai pas examinés. Certaines personnes, nées de parents canadiens, vivent probablement en Allemagne, en Angleterre, en Australie, et sont confrontées à certains de ces problèmes. Je ne sais pas à combien leur nombre pourrait s'élever.
La troisième est que les nombres changent. Si l'on se base sur les données de recensement canadiennes actuelles, les épouses de guerre sont âgées en moyenne d'environ 83 ans. Elles ne sont pas jeunes. Chaque année, environ 1 500 d'entre elles décèdent. Il n'en restera plus beaucoup après 15 ou 20 ans. Ces chiffres diminuent très rapidement. Dans un groupe par contre, le nombre de personnes augmente: chaque année, un millier de bébés issus de parents canadiens naissent à l'étranger. Par conséquent, le nombre augmente dans cette catégorie.
Je répondrai volontiers aux questions que vous auriez à poser concernant mes travaux. Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir invité.
Je m'appelle Donald Galloway. Je suis professeur de droit à l'Université de Victoria. Je suis spécialisé en droit de l'immigration et en droit des réfugiés. J'ai publié quelques articles concernant le droit de la citoyenneté au Canada, qui est un domaine très obscur, croyez-le ou non. J'ai été membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada.
J'ai remis un mémoire il y a deux semaines et, durant le temps dont je dispose, j'aimerais développer certaines des idées que j'y ai exposées.
J'estime que la conception de la citoyenneté sur laquelle repose notre Loi sur la citoyenneté et les diverses lois qui énoncent les droits des Canadiens, comme la Loi électorale du Canada et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, est très simple et très mince.
La conception toute simple est la suivante: un citoyen canadien est une personne au nom de laquelle le gouvernement du Canada agit et dont le gouvernement s'est engagé à défendre les intérêts. Ce sont ces deux facettes, ces deux principes, sur lesquels repose la Loi sur la citoyenneté et celle qui l'a précédée, la Loi sur la citoyenneté au Canada.
Comment fait-on la distinction entre un citoyen et un non-citoyen? Peu importe qu'une personne soit résident permanent, résident temporaire, ressortissant étranger ou ennemi au combat pendant la guerre, le gouvernement a l'obligation de respecter ses droits. Ses obligations envers les citoyens canadiens sont encore plus grandes. Le gouvernement s'est engagé à défendre les intérêts des Canadiens et à les promouvoir, et pas seulement à les respecter. En outre, le gouvernement prétend agir non pas au nom des résidents permanents ou des ressortissants étrangers; il prétend agir au nom de tous les citoyens.
Quand le gouvernement du Canada s'est-il mis à agir au nom des Canadiens? Était-ce en 1947 ou bien avant cela? Je pense que la réponse est évidente. Le gouvernement du Canada a pris ces engagements à une période de notre histoire bien antérieure à cela. C'est une idée simple que, à mon avis, le juge Martineau a comprise dans le cadre de l'affaire Taylor, en Cour fédérale. Je ne pense pas que ce soit une idée que le gouvernement, qui a décidé de faire appel de la décision rendue dans le cadre de cette affaire, a comprise — à savoir que, jusqu'en 1947, la notion de citoyenneté était très floue, mais existait néanmoins.
C'est le premier facteur, et je pense qu'il est crucial pour comprendre tout ce qui suit.
L'autre question que je voudrais poser, et c'est le premier commentaire de mon mémoire, est la suivante: le gouvernement s'acquitte-t-il des engagements qu'il a pris de défendre les intérêts des Canadiens et de les promouvoir? Je pense que, si l'on se base sur la Loi sur la citoyenneté, la réponse est négative. Dans la première partie de mon mémoire, j'essaie d'expliquer que c'est une lacune qui persiste. Il ne s'agit pas seulement d'anomalies historiques concernant des personnes qui sont arrivées au Canada ou qui sont nées ici, qui ont été mal traitées. Cette situation persiste.
L'idée qu'un citoyen canadien né à l'étranger d'un parent qui était également né à l'étranger et est citoyen canadien puisse perdre sa citoyenneté automatiquement, sans écouter ses explications ou sans tenir compte de circonstances atténuantes — ces personnes perdent automatiquement leur statut à l'âge de 28 ans, sauf si elles se font enregistrer, la charge de se faire reconnaître comme citoyen leur incombant —, entraînera continuellement des difficultés.
Le degré de transparence de notre processus et la mesure dans laquelle la procédure que nous suivons à l'égard des citoyens ou des personnes qui ont perdu leur citoyenneté est quasi judiciaire ou judiciaire n'ont aucune importance. S'il s'agit d'une perte de citoyenneté automatique et qu'on n'écoute pas les explications des intéressés concernant la citoyenneté canadienne de leur père et les raisons pour lesquelles ils avaient laissé passer l'échéance, si nous n'écoutons pas ces explications et n'en tenons pas compte, le problème ne disparaîtra pas.
C'est dans la première partie de mon mémoire. Le reste de mon mémoire est présenté par écrit, et je répondrai volontiers à vos questions concernant cette partie-ci.
Je pense que notre mémoire par écrit est arrivé et que vous l'avez sous les yeux. Je m'excuse d'avoir tardé à vous le faire parvenir, mais j'espère que vous avez eu l'occasion de l'examiner.
J'utiliserai le peu de temps dont nous disposons pour exposer certaines de nos principales recommandations sur les possibilités qu'aurait le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration de rectifier ses priorités afin de modifier son approche fondamentale à ce problème, pour respecter davantage la valeur de la citoyenneté canadienne.
Le premier principe en est un que le professeur Galloway a très bien souligné. Nous avons le même principe de départ, à savoir que la citoyenneté est un droit. Ce n'est pas une dispense spéciale. C'est un droit fondamental qui est, sur le plan conceptuel, plus fondamental à bien des égards que certains des autres droits énoncés dans la Charte.
Notre principale observation est qu'il faut envoyer au ministère un message vigoureux et clair indiquant qu'il est temps de prendre cette citoyenneté au sérieux et qu'il ne faut pas pour autant fermer la porte au plus grand nombre possible de personnes pour que ça reste quelque chose de spécial mais plutôt faire tout notre possible pour nous assurer que des Canadiens ne soient jamais déchus de leur citoyenneté ou qu'ils ne soient jamais rejetés par leur pays.
Notre recommandation de base pour atteindre cet objectif, celle sur laquelle nous avons insisté dans notre mémoire, et qui n'a pas été faite dans la plupart des autres mémoires qui ont été présentés jusqu'à présent... La plupart des témoins estiment qu'un remaniement de la Loi sur la citoyenneté est essentiel, et nous sommes d'accord avec eux sur un plan fondamental. Cependant, nous avons également entendu dire que les fonds que vous recevez pour ce projet ont été réduits. Les risques de déclenchement d'élections génèrent de l'incertitude et, compte tenu de ce climat politique, le fait sur lequel nous voudrions insister est que la loi prévoit un certain pouvoir discrétionnaire. Il existe un pouvoir discrétionnaire dans le cadre juridique actuel, et le comité est en mesure d'exhorter la ministre à y avoir recours pour chercher à régler immédiatement ce problème et à modifier les attitudes des fonctionnaires à l'égard des personnes revendiquant la citoyenneté.
Je pense que M. Galloway a très bien mis l'accent sur le fait que la citoyenneté est un droit fondamental. Je m'appliquerai donc à expliquer comment on pourrait déterminer quand une personne a en sa possession ce que j'appellerais une preuve prima facie lui permettant de revendiquer la citoyenneté et tout ce qui en découle.
Au cours de son témoignage, la ministre a signalé qu'elle avait créé un groupe de travail à son centre d'appel, qui était chargé de s'occuper des cas personnels. Nous appuyons cette initiative, mais elle a en outre reconnu qu'elle n'avait jusqu'à présent eu recours à son pouvoir discrétionnaire que pour 33 personnes. Le gouvernement fait appel de la décision dans Taylor c. Canada. Le sénateur Dallaire a employé les termes « terrorisme bureaucratique » et on se demande pourquoi. Que se passe-t-il? Que veulent ces gens-là? Le ministère adopte peut-être une approche selon laquelle une personne est coupable jusqu'à ce qu'elle ait démontré son innocence, ce qui est totalement inapproprié dans ce contexte-ci.
Notre recommandation clé est qu'il faut prendre des mesures pour s'assurer que les personnes concernées soient traitées avec égard et de façon judicieuse afin qu'elles puissent présenter au moins quelques preuves démontrant qu'elles ont peut-être eu de bonnes raisons de se considérer comme des citoyens canadiens, autrement dit des personnes ayant une preuve prima facie de citoyenneté.
À quoi cela pourrait-il ressembler? J'aimerais attirer votre attention sur trois thèmes qui se dégagent des témoignages que vous avez entendus jusqu'à présent et qui, à notre avis, constituent le fondement de cette preuve prima facie. Le premier est la naissance au Canada. La ministre a affirmé à plusieurs reprises que dans la plupart des cas, les personnes qui sont nées au Canada sont des Canadiens. Nous estimons que c'est une conception de la citoyenneté canadienne partagée et acceptée par un grand nombre de personnes et qui mérite une plus large reconnaissance et une protection plus efficace.
Le deuxième est le fait d'être né de parents canadiens. Comme l'a fait remarquer M. Galloway dans son mémoire, un des principaux avantages de la citoyenneté est le droit de la transférer à ses enfants. La preuve que c'est un principe qui relève du simple bon sens est que nous sommes choqués d'apprendre qu'on refuse la citoyenneté ou qu'on prive de leur citoyenneté canadienne sans préavis, pendant qu'ils sont à l'étranger, des fils et des filles d'anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale et des Québécois de la 10e génération.
Le troisième thème est probablement un peu plus discutable, mais la plupart de ces histoires révèlent toute une série d'erreurs administratives, un manque de diligence raisonnable et une absence de préavis, qui renforcent une croyance subjective dans la citoyenneté canadienne existant depuis des années. Les cartes de citoyenneté sont un bon exemple, celle qui n'ont pas de date d'échéance. On les conserve parce qu'on pense qu'on est citoyen canadien, et à juste titre. Nous estimons que c'est une raison supplémentaire de dire qu'il faudrait empêcher le gouvernement de faire volte-face et de leur refuser la citoyenneté sans avoir de bonnes justifications conformes à la Charte des droits
La façon dont on pourrait procéder sur le plan légal est exposée en détail dans nos mémoires écrits, que je vous conseille de lire, mais nous estimons essentiellement qu'il faut confier la tâche au groupe de travail et que les administrateurs spécialisés doivent aider les personnes à établir la preuve pour l'obtention de la citoyenneté en vertu du paragraphe 5(4) de la Loi.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais d'abord signaler que sur le site Web de CBC Radio, on répartit le nombre de Canadiens déchus en se basant sur les catégories suivantes: les enfants considérés comme des biens, celle dont M. Chapman fait partie; les bébés nés à la frontière, les épouses de guerre, les enfants de guerre, les bébés nés à l'étranger avant 1977 et ceux nés après 1977, les Canadiens illégitimes, catégorie qui touche des dizaines de milliers de Mennonites, ainsi que les enfants de militaires. D'après ces chiffres, qui concernent les principales catégories, votre nombre s'élève à environ 400 000 personnes. Cela inclut deux catégories — les enfants de militaires et les Canadiens illégitimes — que M. Edmonston a omis de mentionner. Elles n'étaient pas dans sa mire.
Je vous invite donc à examiner ces chiffres et je recommande aux membres du comité d'aller jeter un coup d'oeil sur cette page Web, car les chiffres sont choquants.
La question que je voudrais poser concerne le paragraphe 5(4) de la Loi en vertu duquel le ministre a le pouvoir discrétionnaire d'attribuer la citoyenneté à certaines personnes et pas à d'autres, comme l'ont signalé les témoins précédents, pouvoir en vertu duquel trois membres de la même famille étaient des enfants nés à la frontière, qui ont obtenu la citoyenneté en vertu de ce paragraphe, mais on tente d'expulser le quatrième du pays parce qu'il a des démêlés avec la justice.
Par conséquent, la question à laquelle je voudrais que vous répondiez concerne le principe qu'il est tout aussi déplacé pour un politicien d'attribuer la citoyenneté en bloc que de priver quelqu'un de sa citoyenneté. Quand on tente de régler ce type de question, il est essentiel d'avoir à sa disposition une loi sur la citoyenneté qui respecte la Charte. Pourriez-vous faire des commentaires sur la question suivante: il est essentiel de disposer d'une loi sur la citoyenneté qui respecte la Charte.
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Merci. Je vais poser la question.
En fait, je ne peux pas être plus en accord avec M. Galloway lorsqu'il déclare que la citoyenneté est un droit humain fondamental. C'est sur cette base que je travaille depuis que je siège à ce comité. Comme Andrew le mentionnait lorsqu'on a fait la tournée pancanadienne, certains témoins sont venus nous exprimer la même chose. Rattachée à la citoyenneté, il y a une série de droits.
Je veux vous amener à parler de la question de l'immigration. J'ai eu un dossier récemment de jeunes enfants nés en sol canadien de parents réfugiés, donc qui ont fait leur demande de statut de réfugié. Malheureusement, leur demande pour considérations humanitaires a été rejetée, un avis de renvoi a été émis contre eux et ils ont dû quitter le Canada.
Monsieur Edmonston, je ne sais pas si vous avez des statistiques à cet effet, à savoir combien de jeunes enfants nés en sol canadien ont été renvoyés du Canada. Et en matière de droits civils, auriez-vous un aperçu de la qualité de l'information qui est transmise aux personnes renvoyées, en ce qui a trait à la rétention de leur citoyenneté?
J'adresse la plupart de mes questions à M. Edmonston.
Ce dossier est malheureusement devenu très politisé à bien des égards. M. Telegdi a mentionné que la Loi sur la citoyenneté a été présentée, mais plus depuis 2002. On a eu l'occasion de régler la question, mais on ne l'a pas fait. Nous procéderons certainement par petites étapes et tenterons notamment de régler les problèmes dont nous sommes saisis en ce qui concerne les diverses catégories de Canadiens déchus pour voir s'il n'est pas possible de régler d'abord les petits problèmes pour s'attaquer ensuite à un problème plus général. La ministre a invité le comité à faire des propositions unanimes concernant des amendements qui seraient susceptibles de s'attaquer à ces questions pour pouvoir régler un grand nombre de problèmes.
En ce qui concerne les chiffres, comme l'a fait remarquer M. Edmonston, on constate des fluctuations assez spectaculaires, avec des chiffres extrêmement élevés mais, de toute évidence, vous avez tenté du moins de déterminer combien de personnes pourraient faire partie de ces catégories. Je pourrais essayer de faire une estimation approximative, mais je propose de procéder par catégorie. Je choisirai deux catégories.
En ce qui concerne tout d'abord les épouses et les bébés de guerre, la témoin précédente, Mme Jarratt, a signalé qu'il y avait un certain nombre d'épouses de guerre. Je ne sais plus très bien quel chiffre elle a mentionné. Il était peut-être de l'ordre de 65 000. Vous avez indiqué qu'il y avait environ 25 000 ou 30 000 épouses de guerre. Je pense que la plupart de ces épouses de guerre qui sont venues au Canada sont restées ici comme citoyennes, qu'elles ont toujours été citoyennes et qu'elles n'ont aucun problème de citoyenneté. Est-ce exact?
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Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'être venus.
Je ne jouerai pas sur les chiffres. Je serai très direct. M. Komarnicki aimerait peut-être jouer sur les chiffres et ergoter.
Le chiffre que j'examine est celui qu'ont mentionné le groupe de témoins précédent — à savoir que 20 000 enfants sont arrivés avec leur mère; je pense que c'est Mme Jarratt qui l'a mentionné. Ils sont arrivés il y a une soixantaine d'années. Par conséquent, quand on tient compte du fait que cela représente deux générations et à supposer que chaque enfant ait eu deux enfants lui-même, cela pourrait représenter 80 000 personnes. C'est un calcul tout simple que n'importe qui peut faire; il n'est pas nécessaire d'être mathématicien pour cela. Il n'est pas nécessaire d'être avocat pour faire un calcul à rebours, comme l'a fait M. Komarnicki, pour y arriver.
Pour le compte rendu, je voudrais dire que la ministre a témoigné le 19 février et, lorsqu'on lui a demandé si elle avait fait de la publicité, elle s'est adressée à son collègue qui a répondu affirmativement. Depuis lors, le sous-ministre a envoyé une lettre au comité pour s'excuser d'avoir — je ne veux pas utiliser le terme « menti », car il est antiréglementaire et j'utiliserai donc un autre terme — induit le comité en erreur.
Environ combien de personnes auraient réagi, d'après vous, si le ministère avait fait une vaste campagne publicitaire exposant aux Canadiens les difficultés auxquelles ils pourraient être exposés?
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Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'avoir accepté notre invitation.
Je n'ai pas eu l'occasion de poser une question au cours du premier tour, mais j'aimerais remercier le premier groupe de témoins également.
Madame Godlewska, je trouve que vous avez fait deux ou trois excellents commentaires pour les personnes qui suivent nos délibérations, ou même pour moi qui suit assis ici, en ce qui concerne la différence, sur le plan de la citoyenneté, entre le cas des immigrants qui viennent s'établir au Canada, qui est un processus qui se poursuit, à savoir que la loi n'indique pas que le Canada a la responsabilité ou l'obligation d'accorder la citoyenneté à des personnes qui ne sont pas des citoyens, si elles arrivent de l'étranger, et le cas des personnes qui vivent au Canada et qui pourraient être des citoyens déchus. La situation est totalement différente. C'est davantage une question de statut que de processus. Certains de vos arguments concernant l'importance de la citoyenneté dans un régime démocratique, le rôle que cela joue et la crainte que l'État ait en quelque sorte le pouvoir de retirer la citoyenneté à certaines personnes, devraient susciter une réaction générale de frayeur, et pas seulement chez les personnes qui sont directement concernées. Je pense que vous avez très bien développé ces arguments.
Vous avez mentionné qu'il fallait d'abord poser trois ou quatre questions toutes simples pour déterminer si une personne a une preuve prima facie, des questions comme: « Êtes-vous né au Canada? ». Je pense que vous n'avez pas dressé de liste. Avez-vous prévu une série de questions qui seraient un point de départ en ce qui concerne ce processus?
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Un autre témoin aurait-il des commentaires à faire sur les questions de M. Devolin?
Sinon, nous remercions les témoins, ceux des deux groupes, d'être venus aujourd'hui. Merci beaucoup pour votre participation. Vous avez présenté des arguments très convaincants pour qu'on examine ce problème et qu'on le règle. C'est notre quatrième séance et je présume qu'après Pâques, nous préparerons notre rapport. Par conséquent, restez à l'écoute. Merci encore.
Nous passerons aux travaux du comité dans un instant. Nous laisserons aux témoins le temps de partir, puis nous examinerons la motion du 20 mars de M. Karygiannis
Merci beaucoup.
Nous siégeons toujours en public. Nous ne siégeons pas à huis clos. Je rappelle aux membres que la séance et toujours publique et que nous examinons la première motion, celle de M. Karygiannis, à savoir :
Que le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration demande à la ministre, au sous-ministre et aux autres fonctionnaires concernés du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration de comparaître devant le comité pour continuer de discuter de la question des personnes qui ont perdu leur citoyenneté canadienne et des mesures que prend le gouvernement pour informer les Canadiens et Canadiennes pouvant être visés par l'exigence relative à la conservation de la citoyenneté, dont il est question dans la lettre du 23 février 2007 du sous-ministre Richard B. Fadden, et que cette lettre soit mise en annexe du compte rendu des délibérations du comité.
La motion est jugée recevable et, par conséquent, je donne la parole à M. Karygiannis pour qu'il fasse des commentaires, puis aux membres du comité.