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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 033 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 8 février 2007

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bonjour à tous.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui dans le cadre de notre étude des questions touchant les réfugiés. Nous accueillons Deborah Anker, professeure de droit clinique et responsable du programme de l'immigration et des réfugiés de la Harvard Law School; elle est accompagnée de son assistante de recherche, Efrat Arbel. Nous accueillons également Francisco Rico-Martinez, codirecteur du FCJ Refugee Centre. Bienvenue à tous.
    J'imagine que vous avez une déclaration liminaire à nous faire.
    Nous avons de 11 heures jusqu'à 12 h 45, heure à laquelle nous allons clore l'audience pour examiner d'autres points de l'ordre du jour. Je vous donne donc la parole sans tarder, et vous pouvez nous faire une déclaration liminaire si vous le souhaitez.
    Merci beaucoup de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui. J'apprécie infiniment.
    Je suis Deborah Anker, professeure de droit clinique à la Harvard Law School et directrice du Harvard immigration and refugee clinical program. Je vous parlerai aujourd'hui de l'Entente sur les tiers pays sûrs conclue entre le Canada et les États-Unis et traiterai également de certains autres aspects du régime d'asile des États-Unis.
    Le Canada et les États-Unis ont conclu entre eux une Entente sur les tiers pays sûrs. Elle a pris effet le 29 décembre 2004. L'objectif était censément de mieux contrôler la frontière canado-américaine. Aux termes de l'Entente sur les tiers pays sûrs — que je vais désigner par son sigle ETPS — le Canada et les États-Unis se reconnaissent mutuellement comme des tiers pays sûrs pour les demandeurs du statut de réfugié, chaque pays étant autorisé à renvoyer dans l'autre les demandeurs d'asile qui en proviennent, à quelques exceptions près.
    Je vais résumer un rapport publié il y a un an et apporter quelques renseignements plus récents. Le rapport a été publié par notre programme clinique, l'Immigration and Refugee Clinical Program de la Harvard Law School, en collaboration avec l'International Human Rights Clinical Program et Harvard Law Student Advocates for Human Rights.
    Ce rapport, intitulé Bordering on Failure: The U.S.-Canada Safe Third Country Agreement Fifteen Months After Implementation, est fondé sur des missions d'information à trois points d'entrée sur la frontière entre les États-Unis et le Canada, ainsi que sur des entretiens téléphoniques, des études de cas et des pétitions, ainsi que des recherches et commentaires juridiques.
    J'ai été l'un des enseignants qui a encadré l'étude et j'ai participé à l'une des missions d'information.
    Le rapport présente des renseignements et une analyse préliminaire des effets de l'ETPS. Bien que, depuis sa publication, des informations complémentaires aient vu le jour qui en confirment la teneur, l'on ne dispose toujours que de renseignements officiels limités concernant la mise en oeuvre de l'ETPS.
    Le rapport conclut que, 15 mois après sa prise d'effet, l'ETPS non seulement n'a pas atteint l'objectif de sécurisation de la frontière, mais a même rendu la frontière moins sûre en mettant en danger la vie des demandeurs d'asile et en menaçant la sécurité des États-Unis et du Canada. Je vais présenter de façon plus détaillée les quatre principales conclusions.
    Premièrement, l'Entente sur les pays tiers sûrs met en danger les demandeurs du statut de réfugié en leur refusant l'accès aux protections fondamentales. Les chiffres recueillis auprès d'organisations non gouvernementales actives le long de la frontière canado-américaine démontrent que l'ETPS a amené une baisse sensible du nombre de demandeurs d'asile passant légalement des États-Unis au Canada, et plus particulièrement du nombre de réfugiés colombiens. Même si les gouvernements des États-Unis et du Canada soutiennent qu'ils offrent un généreux régime de protection des réfugiés, plusieurs aspects du régime d'asile américain violent les normes juridiques internationales. Par exemple, aux États-Unis, nous avons un délai d'un an, si bien qu'une personne doit demander l'asile dans un délai d'un an après son arrivée aux États-Unis, faute de quoi elle est déclarée inadmissible. Si elle est inadmissible, elle n'a droit qu'à une forme de protection appelée « sursis d'expulsion », qui oblige le requérant à satisfaire à un fardeau de preuve supérieur.
    Cette situation est très présente dans mon esprit car hier encore nous avons déposé une demande de sursis et une motion de réouverture du dossier dans le cas très inquiétant d'un réfugié colombien à qui l'asile a été refusé parce que le délai d'un an était passé et qu'il ne répondait pas aux conditions plus strictes du sursis d'expulsion. Il a été arrêté par des agents d'immigration et est en passe d'être renvoyé en Colombie. Nous demandons un sursis d'expulsion. Il voulait entrer au Canada pour présenter une demande d'asile à la frontière mais on lui a dit qu'il ne le pourrait pas, ce qui est effectivement le cas en vertu de l'Entente sur les tiers pays sûrs.
    Il ne fait aucun doute dans mon esprit que si on le renvoie en Colombie, ses jours seront comptés à cause des activités politiques très courageuses auxquelles il s'y livrait, notamment en s'opposant au FARC et autres mouvements de guérilla de ce pays.
    En outre, aux États-Unis, la détention est courante — lui-même est détenu — et dans certains cas les demandeurs d'asile sont traités de manière inhumaine.
    Après l'entrée en vigueur de l'ETPS, le nombre, par exemple, des réfugiés colombiens qui sont entrés au Canada à partir des États-Unis a diminué d'environ 82 p. 100.
(1105)
    Alors que le taux d'acceptation du Canada s'établissait à 81 p. 100 en 2003 et 2004 et à 79 p. 100 en 2005, le taux d'acceptation aux États-Unis pendant l'exercice 2004 n'a été que de 45 p. 100 pour ceux ayant présenté une demande officielle et de 28 p. 100 pour ceux ayant comparu devant un juge de l'immigration.
    L'Entente sur les tiers pays sûrs rend également la frontière plus dangereuse pour les demandeurs d'asile en précarisant l'existence des ONG actives le long de la frontière. En effet, avant la mise en oeuvre de l'accord, les ONG de la frontière collaboraient avec les agents d'immigration pour aider les demandeurs d'asile à remplir les formalités d'inspection et de demande. Du fait que le nombre des réfugiés accueillis et aidés par les ONG a diminué depuis l'entrée en vigueur de l'ETPS, les responsables de ces refuges commencent à leur chercher d'autres usages. Si les ONG ferment leurs portes, la frontière deviendra de plus en plus dangereuse pour les réfugiés qui auront de moins en moins d'endroits où obtenir des renseignements, de la nourriture et un abri.
    L'ETPS incite aussi les individus qui seraient normalement passés par le système de détermination du statut de réfugié Canada à traverser illégalement la frontière ou à rester sans statut aux États-Unis. Les demandeurs du statut de réfugié qui sont laissés en plan aux États-Unis sont souvent empêchés par la loi de demander l'asile, comme je l'ai expliqué, et même ceux qui sont admissibles à l'asile sont fortement incités à ne pas régulariser leur statut. Par exemple, les demandeurs d'asile aux États-Unis ne peuvent recevoir de permis de travail pendant six mois après le dépôt de leur demande. Ils ne peuvent bénéficier d'avantages sociaux ni d'une aide juridique en attendant la décision sur leur demande. L'absence de représentation juridique est un problème extrêmement sérieux aux États-Unis. Il n'existe pas de crédits fédéraux pour la défense légale des demandeurs d'asile et les services d'aide juridique fédéraux sont même dans l'interdiction d'en distribuer à des organisations qui s'occupent de défendre les demandeurs d'asile. Il existe très peu d'organisations offrant une aide juridique et le fait d'être défendu ou non par un avocat détermine très largement le succès ou l'échec de la demande d'asile.
    Les demandeurs ne jouissent d'aucun statut et d'aucun droit pendant qu'ils attendent la décision sur leur demande, qui peut parfois se faire attendre des mois, voire des années. Beaucoup de réfugiés sont réticents à se mettre à la merci d'un système parfois dysfonctionnel et arbitraire. Je suis experte en droit d'asile américain, que je pratique depuis 20 ans. Si vous me posiez quelques questions élémentaires sur l'état du droit relativement à des aspects critiques tels que la persécution fondée sur le sexe ou même l'opinion politique, ou encore la manière d'établir un lien de causalité, j'aurais beaucoup de mal à vous donner une réponse claire car l'état du droit est si incertain, et il est donc très difficile de le décrire pour les demandeurs d'asile eux-mêmes.
    Je dirais que ces problèmes ont été particulièrement exacerbés au cours des deux dernières années, depuis que des lois ont été promulguées qui permettent de débouter les demandeurs pour cause d'incohérence dans leurs déclarations et qui permettent à des juges d'immigration de rejeter les demandes sur simple évaluation de comportement. Cela est manifestement problématique, mais aussi contraire aux normes du HCNUR et met potentiellement l'accent davantage sur la preuve que la persécution obéit à l'un des motifs spécifiés. Des contraintes de corroboration exorbitantes ont été imposées aux demandeurs qu'il est très difficile de satisfaire, même pour des demandeurs représentés par moi et encore davantage pour ceux qui sont incarcérés et n'ont pas d'avocat.
    Je sais que je dépasse le temps imparti, mais j'aimerais réellement souligner un élément en guise de conclusion.
    Pendant des décennies, le Canada a servi de modèle dont l'exemple a relevé les normes de protection des réfugiés à l'échelle internationale, et plus particulièrement aux États-Unis. En 1986, le Canada a été le seul pays à recevoir la médaille Nansen, présentée annuellement par le Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés à une personne ou à un groupe en reconnaissance de services exceptionnels en matière de soutien de la cause des réfugiés.
(1110)
    Au cours des années 80, le Canada a été une soupape de sûreté importante pour les réfugiés de l'Amérique centrale qui, comme l'ont reconnu plus tard les décideurs et les tribunaux américains, ont été victimes de discrimination sous le régime d'asile des États-Unis. L'exemple du Canada a inspiré une réforme en profondeur du régime américain et même des modifications de la politique des États-Unis à l'égard de l'Amérique centrale, ce qui a contribué à mettre un terme aux guerres civiles dans certains pays de la région.
    En 1993, le Canada est devenu le premier pays à publier des lignes directrices reconnaissant l'admissibilité des femmes au statut de réfugié et le droit des réfugiées à un traitement juste et égal. La publication des lignes directrices canadiennes a amené les États-Unis à introduire des lignes directrices similaires deux ans plus tard, en 1995. Le monde, et plus particulièrement les États-Unis, ont désespérément besoin du leadership du Canada.
    Aujourd'hui, malgré les disparités flagrantes dans le partage du fardeau entre pays développés et pays en développement — les pays en développement accueillent 71 p. 100 des réfugiés du monde — le Canada a adopté l'ETPS et a choisi de refouler le tiers des demandeurs d'asile qui arrivent à sa frontière. Bien que cet aspect déborde de votre sujet, les répercussions de ce type d'entente se font sentir largement au-delà des frontières des États-Unis, puisque les politiques d'interdiction s'étendent jusqu'au Mexique, à d'autres régions des Amériques et au monde entier.
    L'ETPS n'est qu'une des pièces d'un puzzle qui fait les réfugiés se voient piégés dans leur pays d'origine, incapables de s'enfuir et privés de leurs droits fondamentaux. Nous nous rapprochons beaucoup d'une situation similaire à celle qui régnait en 1951, lorsque le monde a ratifié la Convention sur les réfugiés, animé par un énorme sentiment de culpabilité par rapport à ce qui s'est passé en Allemagne avec l'Holocauste qui a décimé tant d'êtres humains parce que les pays du monde ne voulaient pas accueillir de réfugiés. C'est suite à cela que la communauté mondiale s'est rassemblée pour adopter la Convention sur les réfugiés, afin d'assurer cette protection.
    Ce genre de mesures nous ramène en un certain sens à la case départ. Je pense que si nous ne faisons rien pour enrayer ce mouvement — et nous avons réellement besoin de votre leadership pour cela — l'histoire nous le reprochera durement.
    Merci beaucoup de votre attention.
(1115)
    Merci, madame Anker, de cet exposé très intéressant.
    Je crois que M. Rico-Martinez a également une déclaration liminaire.
    Bonjour et merci beaucoup de votre invitation. C'est toujours un plaisir de comparaître devant le comité permanent, et particulièrement sur ce sujet.
    Je vais éviter de parler de théorie ou d'aspects techniques. Nous sommes des travailleurs de première ligne qui sommes au contact de réfugiés chaque jour. Nous avons connaissance d'éléments d'information, nombreux et affligeants, tant statistiques qu'anecdotiques, qui prouvent que l'Entente sur les tiers pays sûrs conclue entre les États-Unis et le Canada est désastreuse pour l'accès des réfugiés au Canada.
    Par exemple, en 2006, 20 p. 100 des demandes d'asile étaient présentées à la frontière canado-américaine, contre 35 p. 100 en 2004; cela représente une réduction de 15 p. 100 de toutes les demandes, ce qui montre que la frontière se ferme à nombre de groupes particuliers. En 2006, 71 p. 100 des demandes déclarées inadmissibles l'étaient à cause de l'accord sur les tiers pays sûrs. Cette raison n'existait pas avant 2004, si bien que ce chiffre de 71 p. 100 de demandeurs d'asile inadmissibles pour cause d'Entente sur les tiers pays sûrs illustre bien la réduction de l'accès.
    Je m'oppose, et l'organisation que je représente s'oppose, à l'entente. Nous en voyons les effets pratiques dans les souffrances de ceux que nous servons. Nous sommes atterrés par la réalité de la mise en oeuvre — de voir combien il est difficile à ceux qui fuient la persécution de comprendre cette entente qui contredit toute la logique humaine canadienne. Comme vous pouvez le constater, ma répulsion face à cet accord est très profonde, mais je vais tenter de l'expliquer clairement et logiquement au moyen d'exemples très concrets.
    Le premier exemple est que l'Entente sur les tiers pays sûrs ne prévoit aucun recours. Lorsque nous tombons sur une situation réellement urgente, nous devons obtenir que vous, ou le Cabinet, ou le ministre de l'Immigration — quelqu'un — intervienne. Il n'existe pas de mécanisme particulier pour cela. C'est là notre première objection, à savoir comment régler les préoccupations que nous avons, car il n'existe aucun mécanisme.
    L'absence de clarté et d'accès à l'information concernant l'accord représente notre deuxième grand sujet de préoccupation. Il n'existe pas d'information facilement disponible sur l'accord pour ceux qui en ont besoin. CIC et l'ASFC déploient quelques efforts pour disséminer cette information, mais ils la fournissent sur leur site Internet; la plupart des réfugiés arrivant au Canada n'ont pas accès à ces renseignements. Autrement dit, il y a une absence de mécanisme pour les informer avant qu'ils arrivent à la frontière. Ce manque d'information est la source de la confusion générale qui règne dans les pays d'origine des réfugiés au sujet de l'accord. Les rumeurs voulant que la frontière canado-américaine soit fermée continuent à circuler. Des années après la prise d'effet, les gens continuent de croire que la porte est fermée, que le Canada a verrouillé la porte. Cela est dû au manque d'information.
    Où les demandeurs potentiels aux États-Unis peuvent-ils s'adresser pour savoir si l'accord et les exceptions s'appliquent à eux? Où? Ils peuvent s'adresser parfois aux ONG, aux ONG américaines, mais toutes ne possèdent pas cette information. Ces gens ne sont pas des experts de l'Entente sur les tiers pays sûrs. Lorsque les demandeurs sont à la frontière, face aux autorités canadiennes, il est trop tard pour les informer qu'ils ne remplissent pas les conditions de dérogation. Lorsque les conditions ne sont pas remplies, la personne est renvoyée aux États-Unis et risque sérieusement, comme vous l'avez entendu, d'être placée en détention et parfois simplement sommairement expulsée. La personne alors disparaît.
    Comment fonctionnent concrètement les critères au point d'entrée, selon notre expérience? Nous avons entendu dire et constaté dans plusieurs cas que l'avis de rejet de la demande n'indique pas suffisamment les motifs. Parfois les personnes reçoivent un avis disant que les renseignements fournis sont insuffisants. À d'autres moments, les explications que les demandeurs reçoivent sont tellement vagues qu'il est impossible de contester les motifs.
(1120)
    Le problème est que rien dans l'entente n'autorise une révision de cette importante décision. Il n'y a aucun mécanisme d'appel et aucun recours réel à un contrôle judiciaire. Il n'existe aucun mécanisme autorisant une révision de la décision prise par les agents d'immigration à la frontière canadienne qui renvoient la personne. Il n'y a pas de temps pour la moindre démarche, car la personne est immédiatement refoulée vers les États-Unis.
    Le plus grave, c'est que cette politique met clairement en danger des vies humaines. Des personnes se trouvent en danger dans un climat qui encourage les franchissements de frontières clandestins et met les personnes à la merci des trafiquants et pratiques de contrebande dangereuses. Nous savons que l'ASFC et la GRC affirment ne pas posséder de données à cet égard. Rien d'étonnant à cela. Ce sont des pratiques illégales et il n'existe aucune donnée les confirmant. Mais si vous venez me voir dans mon bureau, vous verrez arriver chaque jour des réfugiés. Ils ont franchi la frontière sans se faire prendre et ils ont parfois payé jusqu'à 10 000 $ pour passer au Canada.
    L'admissibilité aux dérogations à cette entente me paraît parfaitement arbitraire. Les conditions sont injustes et très discriminatoires à l'égard de groupes particuliers. Ce sont des critères que nul au Canada ne devrait accepter, et certainement pas votre comité permanent.
    Ce sont des conditions injustes, et vous avez votre mot à dire. Il n'y a pas de logique. Le Cabinet du Canada est seul à accepter la situation. Le Parti conservateur l'a reçue en héritage et je ne crois pas que vous le méritiez.
    Pourquoi seuls les pays faisant l'objet du moratoire sur les expulsions sont-ils exemptés? Par exemple, pourquoi tous les pays de la liste des pays sources ne sont-ils pas exemptés? Pourquoi les Mexicains sont-ils autorisés à présenter une demande d'asile à notre frontière, alors que l'on renvoie les Colombiens? Comment expliquez-vous que ce soit oui pour un Mexicain et non pour un Colombien? Je ne comprends pas. Je vous en prie, aidez-moi à comprendre ce régime illogique.
    Pouvez-vous nous aider à mettre fin à cette idiotie, je vous en prie? Pouvez-vous nous aider à mettre un terme à la discrimination fondée sur le lieu d'origine? L'un est autorisé à demander l'asile, mais si vous venez de tel pays particulier, vous êtes exclu. Pouvez-vous nous aider à mettre un terme à ces politiques qui exposent les gens au danger? Pouvez-vous nous aider à empêcher que la frontière du Canada devienne comme la frontière entre les États-Unis et le Mexique, où les contrebandiers ont la haute main et sont les rois de toute la frontière?
    Dans notre bureau, nous recevons chaque semaine des appels téléphoniques de personnes qui vivent dans des situations désespérées aux États-Unis, en raison de leur absence de statut légal. Certains ont fui la persécution de leur pays et n'ont aucune possibilité d'y retourner, mais ils n'ont pas le moindre espoir d'obtenir un statut légal aux États-Unis.
    Croyez-moi, leur voix trahit le désespoir et les questions sont toujours les mêmes : « Comment puis-je entrer au Canada? Comment faire pour aller au Canada? » Le premier rôle de notre organisation est d'essayer de les calmer, de leur demander d'essayer de faire confiance à une voix au téléphone, une voix qui va leur apporter des renseignements sur l'entente, qui va leur poser des questions sur leur situation afin de pouvoir les conseiller au mieux. Mais que pouvons-nous dire à quelqu'un qui appelle de la Floride, d'Atlanta ou d'un autre endroit, alors que nous sommes obligés de leur répondre que malheureusement il n'y a pas de place pour eux au Canada parce qu'ils ne remplissent pas les conditions de dérogation?
    Le sarcasme des demandeurs inadmissibles ressort très clairement des réactions que nous entendons au téléphone. Vous verrez à quel point la logique est absente de tout le régime. Ils nous disent : « Me dites-vous que si je ne remplis pas les conditions de dérogation et que je me présente à la frontière, on va me refuser l'entrée parce que les États-Unis sont un tiers pays sûr, et que si je parviens à atterrir dans n'importe quelle ville du Canada en provenance des États-Unis ou à débarquer dans un port, bien que je vive aux États-Unis, moi, la même personne, serai admissible à demander l'asile et qu'alors les États-Unis ne seront plus un tiers pays sûr? » Que répondre à cela?
(1125)
    Dans notre bureau, dans le courant de l'année dernière, nous avons vu au moins cinq cas par mois de personnes qui nous ont contactés par téléphone et que nous avons ensuite vues en personne au Canada. Près de 62 p. 100 des demandes sont présentées à l'intérieur du pays. En 2004, avant l'entrée en vigueur de l'Entente sur les tiers pays sûrs, c'était le cas de seulement 45 p. 100 des demandes, et la proportion a donc augmenté. Cela prouve bien que certaines de ces personnes ont franchi la frontière clandestinement.
    L'autre question qu'ils nous posent est celle-ci : « Me dites-vous que si je n'ai pas de parents au Canada, je ne serai pas admissible parce que les États-Unis sont un pays sûr, mais que si je parviens à produire un parent au Canada, je peux me présenter à la frontière et, bien que je vive aux États-Unis, moi, la même personne, je serai admissible à demander l'asile et les États-Unis ne seront alors plus un pays sûr? Qu'est-ce que cela a à voir avec ce qui m'est arrivé dans mon pays? », demandent-ils. « Qu'est-ce que cela a à voir avec la protection que je recherche? » Savez-vous qu'à la frontière l'existence d'un membre de la famille est le deuxième motif de dérogation le plus souvent invoqué, avec 31 p. 100? Ces personnes produisent des parents au Canada.
    L'autre question est celle-ci : « Me dites-vous que si un membre de ma famille parvient à franchir la frontière sans se faire prendre et présente plus tard une demande d'asile depuis l'intérieur, le restant de la famille pourra se présenter à la frontière et, bien que vivant aux États-Unis, ces mêmes personnes seront admissibles en faisant valoir que les États-Unis ne sont plus pour elles un tiers pays sûr? » Nous avons vu au moins un cas de cette sorte dans notre bureau. La famille a été admise par la CISR alors que le statut de réfugié lui avait déjà été refusé aux États-Unis. Maintenant, toute la famille, grâce au courage de la mère, attend le statut de résident permanent au Canada.
    « Me dites-vous que si j'ai déjà été déclaré inadmissible par les autorités canadiennes à la frontière mais que si j'attends six mois aux États-Unis et franchis clandestinement la frontière, bien que venant des États-Unis, moi, la même personne, je pourrai demander la résidence permanente et que les États-Unis ne seront plus un pays sûr? Comment cela se fait-il? »
    « Si j'entrais au Canada clandestinement sans attendre les six mois, je serais déclaré inadmissible même à l'intérieur du Canada et ma demande serait rejetée. Je serais inadmissible à la résidence permanente parce que je n'aurais pas attendu les six mois, et je serais renvoyé dans mon pays d'origine, pour y subir la persécution, sans qu'aucune évaluation ne soit faite ni par les États-Unis ni par le Canada sur l'existence d'une crainte fondée de persécution ». Nous avons au moins quatre cas de cette sorte en ce moment au Canada — un à Montréal, un à Winnipeg et deux à Toronto.
    Comme vous pouvez le voir, l'Entente sur les tiers pays sûrs représente une rupture avec la réputation internationale de solidarité dont le Canada jouissait traditionnellement, et ce de la manière la plus illogique possible. Elle contrevient même à la conception canadienne courante de nos obligations morales et légales en droit international. Et permettez-moi de dire que l'Entente sur les tiers pays sûrs rompt plus particulièrement avec la réputation du Canada d'accroître la protection des femmes contre les abus et la violence.
    S'il vous plaît, demandez à Immigration Canada en quoi cette Entente sur les tiers pays sûrs protège les femmes, en quoi cette entente accroît l'accès des femmes à la protection et en quoi cette entente facilite l'accès des femmes au Canada. Elle ne fait rien de tel.
(1130)
    De fait, les statistiques sur les demandes d'asile déposées en 2005 sont parfaitement claires. Les demandes présentées à la frontière terrestre sont à 54 p. 100 le fait d'hommes. C'est le résultat de cette entente depuis deux ans.
    Je demande au comité permanent de nous aider et d'arrêter de renvoyer les gens dans des pays où ils vont être persécutés, sans même une audience où ils pourraient s'expliquer. Je demande davantage d'accès pour les femmes réfugiées. Si les États-Unis refoulent un réfugié vers la persécution, c'est comme si nous le faisions nous-mêmes, quel que soit le déguisement employé.
    L'affaire Arar a posé un précédent clair à cet égard. Le rapport Arar dit haut et fort qu'il n'est pas tolérable de renvoyer les gens pour être persécutés. Ne tolérez pas cela simplement parce que les demandeurs ne sont pas des citoyens canadiens.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    J'aimerais une petite précision. Dites-vous que nos fonctionnaires canadiens disent à la personne à la frontière canado-américaine : « Vous ne pouvez présenter une demande d'asile ici, vous devez le faire aux États-Unis », simplement parce que les États-Unis se trouvent être un pays tiers sûr? Est-ce là le noeud du problème?
    Non, mais c'est ce que l'entente permet à la marge.
    Est-ce là le problème, le fait que nos agents canadiens à la frontière vont dire : « Vous pouvez présenter votre demande aux États-Unis », parce qu'il existe cette Entente sur les tiers pays sûrs?
    Oui. Et la question —
    Tout cela semble tellement compliqué, et j'espère —
    Non, non, ce que je vous ai lu, ce sont les réponses aux questions qui nous sont posées. Lorsque vous dites aux gens : « Vous ne répondez pas à la définition », et que vous expliquez « Voici l'entente. Voici — » Voyez-vous ce que je veux dire? Les gens, selon leur situation, réagissent en nous disant cela.
    Oui, mais ce que je viens d'indiquer est un élément du problème, n'est-ce pas?
    C'est un élément. Bien sûr, il y a beaucoup d'autres aspects. C'est très complexe, et j'espère —
    — que notre analyste pourra tirer cela au clair et faire un tri dans tout ce que vous nous apprenez, car très franchement, je trouve cela très compliqué aussi.
    Pourrais-je juste —?
    Oui, certainement.
    L'entente consiste en cela: les demandeurs d'asile sont renvoyés à la frontière canadienne et doivent présenter leur demande aux États-Unis.
    Oui, c'est un gros élément.
    C'est la substance de l'entente, et ensuite il existe quelques dérogations, certes.
    Oui.
    D'accord, voyons voir si les membres du comité vont parvenir à jeter un peu plus de lumière sur la problématique.
    Nous allons passer aux tours de sept minutes. M. Alghabra va commencer.
    Merci beaucoup, monsieur Rico-Martinez. C'était très intéressant.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à vous tous. Merci d'être venus.
    Premièrement, je tiens à dire que la crise planétaire des réfugiés constitue une tragédie dont la faute appartient au monde entier. Je crois que les Canadiens reconnaissent qu'ils ont un rôle à jouer pour régler ce problème et acceptent de le jouer. Je ne pense pas qu'il s'agisse là d'une simple expression de bons sentiments. C'est la reconnaissance du fait qu'il est important d'offrir un refuge à ceux qui fuient véritablement la persécution et cherchent la possibilité de commencer une vie nouvelle.
    Il ne fait aucun doute que certains cas et exemples sont tragiques. Il est toujours très difficile de se montrer pragmatique lorsqu'on est confronté à la dimension humaine. C'est très difficile. Lorsqu'on est responsable gouvernemental, parlementaire, juge, avocat, on s'efforce de composer avec la dimension humaine tout en faisant preuve en même temps de sens pratique et de pragmatisme.
    J'accepte nombre des arguments que vous avancez et nous cherchons à cerner cette problématique. Il y avait des raisons de signer cette entente. Elle obéissait à une certaine logique, mais nous entendons maintenant vos réactions et vous mettez en lumière certaines faiblesses.
    C'est pour nous un problème très difficile à cerner, si je puis m'exprimer au nom du comité. J'essaie de comprendre. On nous a dit d'abord qu'il y a eu une réduction de 55 p. 100 des demandeurs d'asile en 2005, je crois, après la signature de l'entente.
    Qu'en pensez-vous, professeure Anker? Est-ce dû à l'entente ou bien d'autres raisons encore expliquent-elles cette réduction sensible du nombre des demandeurs?
(1135)
    C'est dû à l'entente. Je pense qu'une petite proportion de la baisse tient au fait que les réfugiés en général ont plus de mal à sortir de leur pays d'origine, mais cette réduction est largement attribuable à l'entente, oui.
    L' accord prévoit quelques dérogations et le chiffre que j'ai ici indique qu'il y avait en 2005 environ 4 000 demandeurs, dont 3 000 au titre de ces dérogations. Pensez-vous que ce pourcentage soit important parce qu'il représente réellement des cas légitimes ou pensez-vous que les seuls à présenter une demande étaient ceux qui se jugeaient admissibles et que les autres n'ont même pas pris la peine?
    Je pense que la dérogation est demandée principalement par des réfugiés admissibles. Cela n'a rien à voir avec le bien-fondé de leur demande de statut de réfugié, mais seuls ceux qui s'estiment admissibles à la dérogation présentent une demande d'asile, et ce sont justement les renseignements que les ONG cherchent à communiquer aux intéressés.
    Par exemple, la personne dont j'ai fait état, ce Colombien qui peut être renvoyé d'un jour à l'autre des États-Unis, s'est fait dire qu'il n'était pas utile de demander l'asile au Canada car il ne répondait à aucune des conditions de la dérogation, et effectivement il ne les remplit pas.
    Et il n'a jamais demandé l'asile.
    Non.
    Nous, législateurs, cherchons à faire preuve d'autant d'humanité et de compassion que possible tout en assumant nos responsabilités envers les Canadiens en nous montrant aussi efficaces et raisonnables que possible.
    Pensez-vous qu'il faille abolir cet accord ou bien le modifier? Et si on va le modifier, quelles sortes de changements proposeriez-vous?
    Pourquoi ne répondons-nous pas à tour de rôle?
    Avant l'entente, nous avions un système très structuré tel que la personne se présentait à la frontière et demandait l'asile. Chacun s'identifiait aux autorités canadiennes. Vous aviez une procédure. La demande allait à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, le statut de réfugié était reconnu à la personne ou non et soit elle est renvoyée soit elle restait au Canada.
    L'élément clé était que les réfugiés étaient incités à aller se présenter aux autorités tout de suite à la frontière. Aujourd'hui, avec l'entente, nous devons dire à tout le monde : si vous ne remplissez pas les conditions de dérogation, ne vous présentez pas à la frontière car on va vous renvoyer. Ils franchissent donc la frontière sans être détectés — je ne veux pas utiliser le terme « illégalement », mais je dis « sans être détectés » — et ils demandent l'asile plus tard. Vous avez donc une période de temps pendant laquelle les réfugiés se cachent des autorités canadiennes et se trouvent parfois aux mains de trafiquants et exposés aux activités illégales le long de la frontière, du fait qu'on leur oppose une barrière.
    Notre objectif est l'abrogation de l'Entente sur les tiers pays sûrs car elle ne répond à aucun des objectifs sur le plan de l'accès des réfugiés et est fondée sur des critères qui n'ont rien à voir avec le bien-fondé ou l'absence de fondement de la revendication du statut de réfugié. Si vous êtes persécuté chez vous en Colombie, quel rapport cela a-t-il avec le fait d'avoir un oncle au Canada? Il n'y a aucun rapport et l'on cherche par ce biais à sélectionner des personnes sur la base de la familiarité, ou de raisons familiales ou tout ce que vous voudrez, qui n'ont rien à voir avec la qualité de réfugié. Par conséquent, nous disons que la façon de créer l'accès consiste à abolir l'entente le plus vite possible et à laisser les gens venir à la frontière, se présenter aux autorités qui pourront alors prendre leurs empreintes digitales, leur faire passer des examens médicaux, tout ce que vous voudrez. C'est ainsi que l'on a fait les choses pendant des années et des années, avant l'entente.
(1140)
    Madame Anker.
    Permettez-moi de répondre également.
    Aux termes de l'entente, le Canada doit déterminer si les États-Unis sont un tiers pays sûr pour les demandeurs d'asile. Ce n'est pas le cas pour nombre d'entre eux. Un élément crucial me semble être le fait que les renseignements sur lesquels le Canada a fondé sa décision que les États-Unis sont un pays sûr remontent à 2002. Des développements majeurs sont intervenus aux États-Unis au cours des cinq dernières années et je dirais que la plupart des problèmes actuels de notre régime d'asile ont été causés par ces développements.
    Il n'existe actuellement pas de mécanisme. Le Canada n'a pas assumé sa responsabilité d'évaluer de nouveau si les États-Unis sont un tiers pays sûr.
    Un article est paru ce matin même, je crois que c'est dans le New York Times. C'est un rapport de la U.S. Commission on International Religious Freedom. C'est une commission du Congrès américain qui a produit un rapport évaluant divers aspects du système de détermination du statut de réfugié américain, et l'article déplore qu'aucune des recommandations n'ait été suivie. Je vous signale donc cet article paru dans le New York Times d'aujourd'hui.
    Je veux simplement savoir si vous préconisez d'abolir l'entente ou bien de l'évaluer.
    Nous en sommes presque à dix minutes maintenant.
    D'accord, allez-y.
    Je crois que M. Alghabra vous demande si vous prônez l'abolition ou —
    Quelle est votre recommandation?
    Je pense qu'il faut examiner l'évaluation.
    Merci.
    Il faut la revoir, désolée.
    Merci, monsieur Alghabra.
    Merci.
    Madame Faille.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais souhaiter la bienvenue à tous.
    Je pense que vous pourriez être ironiques aujourd'hui et nous dire que vous nous aviez prévenus. En lisant les notes et les témoignages reçus des différentes personnes qui ont comparu devant ce comité depuis 2002, on constate justement que ce que vous nous avez dit en 2002, 2003, 2004, 2005 et 2006 s'est produit. C'est malheureux.
    L'Entente sur les tiers pays sûrs reposait sur l'hypothèse selon laquelle le Canada et les États-Unis offraient une protection suffisante. Votre rapport fait état de faiblesses du système de détermination du statut de réfugié aux États-Unis.
    Pourriez-vous nous parler des problématiques et des réflexions qui ont cours actuellement aux États-Unis quant au système de détermination du statut de réfugié?

[Traduction]

    Les principaux reproches que j'adresse au système américain sont, premièrement, comme je l'ai mentionné, le délai d'un an pour la présentation de la demande. Selon la loi américaine, vous ne pouvez demander l'asile que dans un délai d'un an après l'arrivée aux États-Unis. La seule forme de protection à laquelle vous avez officiellement droit est ce que l'on appelle le « sursis d'expulsion ».
    Nous imposons à la personne un fardeau de preuve plus lourd pour obtenir ce sursis d'expulsion et je crois que cela est contraire aux normes internationales — et c'est la conclusion de pratiquement tous les experts. Pour obtenir aux États-Unis l'équivalent du statut de réfugié au Canada, il faut présenter la demande dans un délai d'un an et satisfaire à la norme de preuve de la « probabilité claire ». Cela a été institué ces dernières années. C'est un problème majeur.
    Une personne à qui le statut de réfugié est refusé ne peut faire venir sa famille aux États-Unis et ne peut régulariser sa situation dans le pays. Je ne soulignerai jamais assez combien cela est pénalisant pour ces gens. Les personnes demandent le statut de réfugié mais ne peuvent faire venir un enfant aux États-Unis, ne peuvent faire venir un conjoint, ne peuvent régulariser la situation d'un conjoint ou d'un enfant qui les accompagne. C'est une souffrance terrible; c'est impossible; c'est une violation des droits fondamentaux en vertu de la Convention sur les droits de l'enfant de refuser ce genre de regroupement familial.
    Je dois dire aussi que le système américain impose, dans la pratique, des exigences de corroboration très élevées aux demandeurs d'asile, même à ceux invités à demander l'asile. Typiquement, les demandeurs présentent des dossiers très épais. On leur demande de corroborer des événements dans leur pays d'origine qui sont souvent très difficiles à prouver. C'est ce qui se passe dans la pratique. La REAL ID Act, promulguée en 2005, a entériné ces exigences, malheureusement, qui rendent les choses beaucoup plus difficiles dans la pratique.
    Il y a donc ce délai de dépôt d'un an.
    Il existe aux États-Unis une politique de détention presque systématique des personnes auxquelles l'accès est refusé à la frontière. Nombre des personnes auxquelles l'entrée est refusée vont se retrouver en détention aux États-Unis. Une fois que vous êtes détenu aux États-Unis, votre accès à un avocat, qui est très limité même si vous n'êtes pas incarcéré, en raison du petit nombre d'avocats qui sont capables de faire ce travail et sont disponibles et parce qu'il n'y a pas de droit à une représentation juridique... Lorsque vous êtes détenu, votre accès à un avocat est extrêmement restreint. Vous n'avez pas accès à ce genre de documentation. La détention des demandeurs d'asile a été jugée intrinsèquement problématique par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, particulièrement dans le cas des demandeurs d'asile.
    La détention est donc un énorme problème — ainsi que le couperet après une année de présence aux États-Unis.
    En outre, depuis 2002, les États-Unis ont virtuellement démantelé le mécanisme administratif d'appel. En 2002, un règlement a réduit de 50 p. 100 l'effectif de notre commission d'appel et imposé aux membres de la Commission de l'immigration d'approuver les décisions des juges de première instance dans la grande majorité des cas.
    Il n'existe plus aujourd'hui, à toutes fins pratiques, de recours administratif contre les refus d'asile. Toutes les demandes de révision avec représentation aboutissent devant les tribunaux fédéraux. Ces derniers — et je vous renvoie à cette documentation — aux États-Unis ont condamné avec virulence, avec bien plus de virulence que moi ici, les décisions des juges d'immigration et la qualité de la justice aujourd'hui offerte aux demandeurs d'asile.
    Je dirais que l'autre grand problème aux États-Unis c'est l'absence d'un droit de représentation juridique. Il n'existe pas de programme d'aide juridique financé sur fonds publics pour les réfugiés et les demandeurs d'asile. Les services sont très limités. Or, avec un avocat, la probabilité d'acceptation de votre demande est supérieure de 400 p. 100, mais il n'y a pas de droit à une représentation juridique.
(1145)
    Je dirais que ce sont là certains des problèmes majeurs que je vois.
    Merci.
    Il vous reste une demi-minute. Allez-y.

[Français]

    En ce qui a trait au fonctionnement en tant que tel, lorsqu'on questionne une personne réfugiée, est-ce qu'on utilise une méthode plus accusatoire aux États-Unis?
(1150)

[Traduction]

    Il existe une étape non accusatoire, mais les gens en sont exclus s'ils n'ont pas déposé leur demande dans un délai d'un an après l'arrivée aux États-Unis. Quiconque se voit appréhendé à la frontière après avoir été refoulé par le Canada se verra refuser également cette tribune. Donc, à toutes fins pratiques, presque tous ceux qui se voient refuser l'accès au Canada n'auront la possibilité que de suivre la procédure accusatoire.

[Français]

    D'accord, merci.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Siksay.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux remercier tous nos invités de leur témoignage ce matin. Cela nous est très utile. Je dois dire que la position initiale de mon parti concernant cette entente — à savoir qu'il ne fallait pas la signer — a été confirmée par ce que vous dites. Rien dans vos propos ne m'a fait changer d'avis. Je pense que nos pires craintes concernant les conséquences de cette entente sur notre travail de protection de réfugiés sont avérées. Je persiste à penser que c'est un accord qu'il faudrait abroger sans tarder.
    J'ai une question très précise qui découle du rapport de suivi sur les tiers pays sûrs du Haut Commissariat des Nations Unies que nous avons reçu en juin. L'un des problèmes majeurs qui y est signalé — et peut-être, monsieur Rico-Martinez, pourriez-vous répondre à cela — concerne la politique du renvoi temporaire signalée particulièrement par le HCNUR. Il s'agit là de la situation où quelqu'un se présente à la frontière et demande l'asile et, si les agents canadiens ne peuvent traiter le cas immédiatement, la personne est renvoyée aux États-Unis avec une date de rendez-vous pour la présentation de la demande, et parfois la personne ne peut pas revenir parce qu'elle est placée en détention aux États-Unis après le renvoi. L'engagement avait été donné que cette politique prendrait fin l'été dernier. Je me demande si, selon votre expérience, tel a été effectivement le cas ou bien si les renvois temporaires sont toujours pratiqués.
    Je suis heureux de vous dire que les renvois temporaires ont cessé. En gros, les autorités s'efforcent aujourd'hui d'effectuer tout de suite les formalités lorsque la personne se présente et ne la renvoient pas, pour les raisons que vous venez de mentionner. Nous avions toujours eu des doléances concernant cette procédure car parfois les personnes se voient arrêtées sans raison particulière de sécurité publique ou d'autre motif. Il peut suffire qu'il n'y ait pas d'interprète sur place au moment voulu. Voyez-vous ce que je veux dire?
    À tous les postes frontières que nous connaissons, et particulièrement aux principaux points de passage de l'Ontario et du Québec, on ne pratique plus les renvois temporaires.
    Professeure Anker, je suis réellement heureux que vous ayez abordé la question de la REAL ID Act car je sais que le Conseil canadien pour les réfugiés, dans sa soumission récente au Cabinet canadien sur la problématique des tiers pays sûrs, a bien mis en lumière les problèmes qui en découlent — la question du soutien matériel à des organisations terroristes, la difficulté à prouver les motifs du persécuteur, les problèmes de preuve corroborative. Vous avez mentionné également la U.S. Commission on International Religious Freedom et ses objections à la procédure accélérée d'expulsion des demandeurs d'asile. Ce sont tous là des problèmes très sérieux et je pense que vous les avez clairement mis en lumière. Avez-vous d'autres choses à ajouter concernant la REAL ID Act et ses répercussions sur le processus de détermination du statut de réfugié aux États-Unis?
    Excusez-moi, j'ai complètement omis de mentionner le « soutien matériel » au terrorisme, mais c'est là une disposition de la REAL ID Act voulant que, si vous êtes reconnu avoir apporté un « soutien matériel » à une organisation terroriste, l'asile vous est refusé de même que toute forme de protection. Le « soutien matériel » selon la définition américaine — et cela est reconnu par les fonctionnaires américains — est un appui sous n'importe quelle forme. Aucune dérogation de minimis ou pour cause de contrainte n'est admise.
    L'un des exemples les plus frappants de l'application de cette règle est le cas des réfugiés colombiens. Les organisations de guérilla, notamment les FARC en Colombie, enlèvent souvent les gens et extorquent des rançons à leurs parents; c'est ainsi qu'elles se procurent leurs fonds, en kidnappant les gens et en rançonnant les familles. Ces dernières, bien entendu, payent la rançon pour ne pas voir leurs parents tués. Mais si elles payent, la loi américaine estime qu'elles ont fourni un « soutien matériel » à une organisation terroriste. Le niveau de contrainte subi, comme le veut le sens humanitaire fondamental que chacun dans cette salle partage, devrait constituer une dérogation absolue à l'interdiction du soutien matériel au terrorisme. Si vous êtes un enfant et que vous vivez dans une zone de conflit et que vous donnez un verre d'eau à une personne participant à ce conflit, vous aurez soutenu une organisation terroriste. C'est ce que dit la loi américaine aujourd'hui.
    Il y a quelques semaines, l'autorisation a été donnée aux agents d'immigration de faire preuve d'une certaine latitude à l'égard des réfugiés à cet égard. Cette latitude a été exercée dans le cas de certains réfugiés birmans vivant dans des camps à l'étranger. On ne sait pas encore ce qui va en résulter, mais l'exercice de cette latitude ne donne lieu à aucun recours. Ce que nous avons vu jusqu'à présent ne nous permet pas de penser que cela va suffire.
(1155)
    Nous traitons le cas de deux frères colombiens qui demandent l'asile au Canada et dont la mère est toujours aux mains des guérilleros en Colombie. Même ici, ils sont contraints d'envoyer de l'argent aux ravisseurs pour garder en vie leur mère en Colombie. Tout le coeur de leur dossier est une distorsion, lorsqu'on voit comment ils sont contraints de payer pendant que leur mère est toujours là-bas. Cela se voit très souvent. Un avocat américain leur a dit de ne pas présenter leur demande aux États-Unis, car s'ils mentionnaient leur véritable situation, ils se verraient immédiatement interdits de séjour et expulsés. Ici au Canada, l'audience aura lieu dans deux mois et il est clair que ces personnes ont la chance d'être admises par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié car son taux d'acception est de près de 80 p. 100 dans le cas de la Colombie.
    La situation est donc très différente d'un pays à l'autre. La détention obligatoire n'existe pas au Canada et nous n'avons pas non plus le délai d'un an. Tout le monde convient que ce dernier ne serait pas possible, car le délai d'un an est encore pire pour les femmes, car ce sont elles qui... Le demandeur principal est un homme, et s'il se produit ultérieurement une situation de violence familiale ou autre, la femme serait interdite d'asile, même si sa première intention était de présenter une demande immédiatement lorsque la situation s'est produite. Dans ce cas particulier, les différences sont abyssales.
    Merci beaucoup.
    Il vous reste environ 15 secondes, si vous voulez —
    Je veux juste remercier les témoins — et j'espère avoir un deuxième tour.
    Merci, monsieur Siksay.
    Monsieur Komarnicki.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur participation et M. Rico-Martinez des cas précis qu'il a évoqués. Je ne doute pas qu'il existera toujours un certain nombre de cas difficiles. Bien entendu, vous examinez la question selon l'optique des réfugiés et je voudrais pour ma part l'aborder sous un angle un peu différent et poser quelques questions.
    J'ai cru comprendre, madame Anker, que vous ne préconisez pas la suppression de l'Entente sur les tiers pays sûrs, mais plutôt son renforcement ou son amélioration. Ai-je bien saisi?
    Non, ce n'est pas tout à fait juste. J'ai dit qu'il est indispensable de faire une évaluation sérieuse de la situation actuelle aux États-Unis pour déterminer s'ils sont toujours un pays sûr pour les demandeurs d'asile. Le Canada a l'obligation de le déterminer et n'a pas fait cette évaluation depuis 2002.
    Elle respecte beaucoup le Canada et ne veut pas donner l'impression de juger nos politiques, mais si vous lui parlez dans un autre cadre, vous verrez que —
    J'ai remarqué dans l'évaluation globale du HCNUR que les modalités de l'entente sont en général respectées par les parties et que ces modalités sont conformes au droit international des réfugiés.
    Ainsi, lorsque le Haut-commissaire des Nations Unies aux réfugiés était au Canada et a comparu devant notre comité, il nous a dit considérer les États-Unis comme un pays sûr, sinon il n'aurait pas accepté de contrôler l'application de l'entente et il l'aurait fait savoir dès le début.
    Contestez-vous le point de vue du Haut-commissaire des Nations Unies?
(1200)
    Oui.
    Je ne sais pas ce que le Haut-commissaire vous a précisément dit. Son rapport de suivi consistait simplement à déterminer si les modalités de l'entente, à savoir l'application des exceptions, sont respectées et il a conclu que tel était bien le cas.
    Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux réfugiés a une faculté très restreinte de critiquer les États-Unis, surtout dans une tribune aussi publique que celle-ci. Mais il a spécifiquement jugé que la détention des demandeurs d'asile viole la convention de 1951.
    Mais il a estimé que les parties ont apporté certaines améliorations.
    Oui, mais seulement pour ce qui est de l'application des exceptions. Cela n'a rien à voir avec l'évaluation sous-jacente et le postulat fondamental sur lequel repose l'Entente sur les tiers pays sûrs, à savoir que les États-Unis sont un tiers pays sûr.
    D'accord.
    Vous vous intéressez plus particulièrement au mécanisme de demande d'asile, mais l'un des objectifs, ou la politique derrière l'Entente sur les tiers pays sûrs, est de prévenir ce que l'on appelle familièrement le « magasinage d'asile », c'est-à-dire le fait pour des demandeurs d'asile de négliger les possibilités d'asile rencontrées plus tôt pour demander plutôt la protection dans le pays de leur choix, souvent pour des raisons qui n'ont rien à voir avec leur besoin de protection contre le renvoi dans des pays où ils sont exposés au danger.
    Comment voyez-vous le « magasinage d'asile »? Pensez-vous que l'entente règle ce problème? Est-ce un problème que de ne pas demander la protection dans le premier pays où vous avez la possibilité de le faire?
    L'Entente sur les tiers pays sûrs a été conclue entre les États-Unis et le Canada, et donc s'il se pose un problème de magasinage, c'est entre les États-Unis et le Canada. Cela ne concerne aucun autre pays. C'est uniquement entre les États-Unis et le Canada.
    D'autres accords de tiers pays sûrs ont été signés en Europe et par d'autres pays qui connaissent ce problème du magasinage d'asile. N'est-ce pas là l'objectif qui sous-tend l'entente, même si elle est entre deux pays?
    Je ne pense pas du tout que cette explication soit fondée dans la réalité de la situation des États-Unis et du Canada. Ceux qui ne trouvaient pas protection aux États-Unis, parce que ce n'est pas un tiers pays sûr pour eux, s'adressaient au Canada. Le Canada n'a jamais été submergé à ses frontières par un grand nombre de réfugiés venant des États-Unis.
    Mais il a été un refuge important pour des personnes venant des États-Unis qui n'ont pas pu y trouver asile. C'était une valve de sécurité essentielle pour les ressortissants de pays d'Amérique centrale. C'était une valve de sécurité essentielle pour les Colombiens.
    De façon générale, la raison pour laquelle, dans le monde, on voit conclure des ententes sur les tiers pays sûrs, la raison pour laquelle les pays signent, c'est qu'ils ne respectent pas leurs obligations en vertu de la convention de 1951.
    La tendance mondiale est à une baisse spectaculaire du nombre de demandes d'asile adressées aux pays de l'hémisphère nord. Le HCNUR s'en inquiète beaucoup. Et la vaste majorité des réfugiés languissent dans le monde en développement.
    Donc, non, je ne pense pas que la raison de signer ces accords soit le magasinage d'asile.
    Professeure, j'aimerais juste attirer votre attention sur un autre professeur. David A. Martin, professeur de droit à la University of Virginia, qui est un expert de renommée internationale du système de détermination du statut de réfugié américain, se sépare de vous et a sur nombre des sujets que vous avez abordés un point de vue diamétralement opposé au vôtre. L'admettez-vous?
    Deuxièmement, il indique qu'au cours de la période 2001-2005, 148 000 personnes sur 205 000 demandeurs ont obtenu l'asile aux États-Unis, soit un taux global de 45 p. 100 environ. Le taux d'acceptation du Canada pour la même période était d'environ 43 p. 100. N'admettez-vous pas que le taux d'acceptation global des deux pays est similaire, même s'il peut y avoir des différences au niveau de l'application et des mécanismes? L'admettez-vous?
    Reconnaissez-vous que le professeur David A. Martin adopte un point de vue contraire au vôtre sur nombre des enjeux que vous avez abordés ici aujourd'hui?
(1205)
    Je pense que le professeur Martin et moi sommes en désaccord sur certains points importants. Mais je ne pense pas que nous soyons en désaccord sur tout. Quant à ces chiffres, les États-Unis acceptent les demandes d'asile de certains groupes de réfugiés et rejettent celles de beaucoup d'autres, particulièrement les Colombiens.
    Du fait que les États-Unis —
    Contestez-vous les taux d'acceptation globaux de 43 à 45 p. 100 dans les deux pays au cours de la période?
    Je pense que ces taux sont probablement justes.
    J'ai remarqué également que dans la catégorie de dérogation que beaucoup peuvent invoquer pour expliquer leur désir de demander asile au Canada, sur 4 000 personnes qui ont demandé l'asile à des points d'entrée terrestres canadiens, entre le 29 décembre 2004 et le 28 décembre 2005, plus de 3 000 ont été acceptés au titre de la dérogation. Il m'apparaît que beaucoup de demandes d'asile sont acceptées sous le régime des exceptions.
    Je crois savoir que vous avez été favorablement impressionnée par le Bureau de l'asile du Department of Homeland Security américain. Vous dites qu'il y a beaucoup de choses favorables à dire sur ce bureau. Ce dernier a reçu plus de 75 p. 100 des demandes d'asile présentées au cours des cinq dernières années, et nombre d'entre elles avancent de manière raisonnable.
    Reconnaissez-vous que beaucoup de réfugiés sont acceptés au Canada sous le régime des exceptions et qu'aux États-Unis, le Department of Homeland Security, qui s'occupe de la plupart des demandes d'asile, fait un assez bon travail?
    Il nous reste du temps pour une courte réponse. Je dois ouvrir le deuxième tour. Vous en êtes déjà à sept minutes et 38 secondes, mais j'autorise une courte réponse.
    Les 4 000 ne représentent que le nombre des personnes qui se sont présentées à la frontière. La grande majorité des réfugiés ne se présentent plus à la frontière canadienne car ils savent qu'ils ne remplissent pas les conditions de la dérogation. Cela donne une impression très fausse —
    Mais sur les 4 000, 3 000 sont acceptés.
    Les gens sont généralement bien informés des conditions. Ce chiffre est de moitié inférieur à celui d'avant l'entente. La plupart des gens ne se présentent plus à la frontière car ils savent qu'ils ne remplissent pas les conditions de dérogation.
    Bien, merci. C'est la fin du tour de sept minutes et nous ouvrons donc les tours de cinq minutes.
    Nous allons commencer avec M. Karygiannis.
    Professeure et estimés membres du panel, merci d'être venus nous rencontrer. Je trouve votre témoignage très émouvant.
    L'une des choses que nous avons vues au fil des ans c'est que les pays, qu'il s'agisse de ceux de l'Amérique du Nord, de l'Europe ou d'autres, se concertent et décident de la forme de l'acceptation, si on peut l'appeler ainsi, qu'ils vont adopter. En Europe, par exemple, si vous demandez l'asile dans un pays donné, le régime sera le même dans les autres. Les personnes arrivent dans un pays d'Europe et se disent réfugiées. Ensuite, elles partent au Canada et cherchent à cacher aux yeux du Canada la demande d'asile qu'elles ont présentée en Europe.
    Ma question globale est de savoir s'il ne serait pas avantageux pour nous de dire, voilà, fixons une norme uniforme à travers le monde. Prenons les leçons du Canada, prenons les leçons des pays européens qui sont ouverts aux réfugiés, prenons les pratiques exemplaires et prenons ce qu'ils utilisent comme facteur déterminant, puis, par l'intermédiaire d'un organe unique, qu'il s'agisse du HCNUR ou d'un médiateur désigné par le HCNUR, disséminons cette information aux autres pays en leur disant que c'est la norme à suivre. Prenons les pratiques exemplaires, que ce soit celles des États-Unis, du Canada ou de l'Europe, puis établissons un régime de détermination qui les intègre et que tous les pays suivent cette méthode. Cela devrait mettre un terme au magasinage d'asile.
    J'ai vu des cas, j'ai travaillé sur des cas, de gens venus d'Europe et demandant le statut de réfugié au Canada. On découvre qu'ils ont reçu l'asile en Europe. Mais parce qu'ils ont peut-être de la famille au Canada... Ils font l'objet d'ordonnances d'expulsion. J'ai vu des gens qui ont vécu pendant plusieurs années aux États-Unis sans que rien ne se passe, et qui veulent venir au Canada.
    Si l'on veut se placer à un niveau supérieur, ne serait-il pas bénéfique pour nous, étant un pays que le restant du monde considère comme un modèle sur le plan de l'ouverture aux réfugiés — et je suis sûr qu'il y a des personnes autour de cette table qui sont arrivées dans ce pays soit comme réfugié soit comme immigrant en quête d'une vie ou situation économique meilleure — d'établir une norme et de demander à nos fonctionnaires ou à notre ministère d'aller voir le HCNUR pour proposer de mettre sur pied une boutique — si on peut l'appeler ainsi — qui disséminerait l'information et chapeauterait tout cela? Il y aurait une seule pratique, et si un pays ne respectait pas ces normes, alors le médiateur irait faire des remontrances à ces dirigeants, afin que les réfugiés puissent se trouver un pays de refuge sans avoir à aller d'une frontière à une autre frontière et une autre encore. Lorsqu'on ignore ces frontières, on risque certainement un malheur et l'on peut causer toutes sortes de difficultés.
    Si l'on pouvait reproduire ailleurs le régime appliqué au Canada, si nous pouvions enseigner à nos collègues américains ou européens, ou si les Européens pouvaient nous enseigner un système unifié, cela ne serait-il pas mieux?
(1210)
    Monsieur Rico-Martinez.
    C'était tout l'objectif de la Convention sur les réfugiés de 1951. Tout l'objectif était de mettre en place un cadre que tous les pays respecteraient et appliqueraient.
    Mais cela ne marche pas, n'est-ce pas?
    Cela ne marche pas.
    Alors n'est-il pas temps de reconsidérer?
    Non, il est temps d'appliquer la convention. La convention n'est pas respectée par tous les pays car elle est interprétée d'une certaine manière et la définition de réfugié varie selon les normes nationales. Le problème est que la convention contient un article qui parle de mécanismes monétaires que les Nations Unies doivent mettre en place pour appliquer cette convention dont vous parlez. Mais le problème est que les gouvernements et les États ne sont pas intéressés à mettre en place un mécanisme et ils ne tiennent pas à être observés et à être critiqués et à se faire imposer une norme particulière.
    Monsieur Rico-Martinez, vous dites que cela n'a pas marché, que les pays ne sont pas prêts à ce qu'on leur fasse honte. Mais ne nous incombe-t-il pas alors de demander à nos responsables, de demander à notre ministre, d'aller voir le HCNUR et d'actionner les leviers voulus pour que l'on s'attaque vigoureusement à ce problème et qu'il existe un médiateur qui va passer au crible tout le système et se rendre dans les différents pays et contrôler leurs décisions et fixer une norme qu'il leur faudra respecter? Et s'ils ne respectent pas cette norme, alors....
    Allez-y. N'hésitez pas.
    Nous avons été formés comme ONG pour essayer de mettre en place ces mécanismes, mettre en place ces normes. Le HCNUR s'est efforcé de fixer des normes pour tous — avec des interprétations standards et différentes choses. Les réalités nationales engendrent différentes définitions. Par exemple, la définition canadienne est beaucoup plus ouverte que celle de tout autre pays signataire de la Convention sur les réfugiés. Aussi, je vous en prie, n'hésitez pas, essayez d'imposer —
    Permettez-moi d'esquisser un scénario.
    D'accord, vous avez 30 secondes. Vous en êtes déjà à cinq minutes et demie.
    Monsieur Karygiannis, avez-vous une question complémentaire?
    Permettez-moi d'esquisser un scénario.
    Chaque mois de septembre, les gouvernements étrangers se réunissent aux Nations Unies. Pouvez-vous imaginer notre premier ministre se lever et tenter de fixer un objectif, disant que le système ne marche pas, que nous voulons le faire marcher et que nous, Canadiens, prendront l'initiative pour faire en sorte que cela marche?
    Madame Anker.
    De la façon dont il est constitué, le HCNUR n'est pas en mesure d'être cet organisme indépendant. Beaucoup de gens ont préconisé qu'un organe international véritablement indépendant se charge de ces déterminations, qui seraient contraignantes pour tous les pays.
    Permettez-moi juste de vous dire ce qui se passe aux États-Unis vis-à-vis du HCNUR. Dans certaines affaires cruciales, le gouvernement américain aujourd'hui veut empêcher les organes administratifs de seulement écouter l'opinion du HCNUR. Nous avons une grosse affaire en instance devant le Board of Immigration Appeals où le Department of Homeland Security s'oppose à ce que le HCNUR présente un mémoire exposant son opinion.
    Vous pouvez donc imaginer une affaire où —
    Madame Anker, le président me dit que j'ai largement dépassé le temps imparti.
    Oui, d'accord. Excusez-moi.
    Cependant, je crois que vous êtes d'accord avec le thème d'un médiateur ou d'un organe externe, qu'il s'agisse du HCNUR... et que l'on fasse en sorte que cela marche. Vous êtes d'accord sur ce thème?
    D'accord, une courte réponse, et je vais passer à Mme Grewal.
    Je crois que oui, si je vous suis bien. Oui.
    C'était bref.
    Merci, monsieur Karygiannis.
    Madame Grewal.
(1215)
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de leur comparution aujourd'hui, du temps qu'ils nous consacrent et de leurs exposés.
    Ma question s'adresse à Mme Anker.
    Madame Anker, vous avez largement critiqué dans votre témoignage le mécanisme américain de détermination du statut de réfugié, donnant à entendre qu'il viole les normes légales internationales. Je serais curieuse de savoir quelles mesures, le cas échéant, ont été prises pour répondre à ces préoccupations.
    Je ne pense pas que des mesures ont été prises pour répondre à ces préoccupations et je crois que la protection des réfugiés s'est énormément détériorée au cours des cinq dernières années. C'est réellement là la conclusion primordiale que j'aimerais transmettre.
    En fait, nos normes s'étaient améliorées. Le système que loue le professeur Martin est le résultat du leadership et de l'exemple canadiens au cours des années 80 et 90. Il a relevé la norme aux États-Unis.
    Mais les cinq dernières années ont été marquées par une nette détérioration, ce qui ne veut pas dire qu'il n'existait pas de problèmes auparavant. Le délai d'un an pour demander l'asile, la détention et les exigences de corroboration ont tous été introduits au cours de cinq dernières années.
    Comme je l'ai mentionné, le New York Times d'aujourd'hui fait état d'un rapport d'un comité du Congrès, la U.S. Commission on International Religious Freedom, qui exprime une énorme frustration devant le fait qu'elle a formulé des recommandations cruciales il y a deux ans, recommandations que les autorités administratives américaines chargées de statuer sur les demandes d'asile ont complètement ignorées.
    Le Canada offre de nombreux recours à une personne qui se voit refuser le statut de réfugié. J'aimerais savoir si les États-Unis offrent également des mécanismes d'appel que peut utiliser un réfugié auquel l'asile est refusé à un quelconque niveau, qu'il soit administratif ou judiciaire.
    Je tiens à préciser qu'il n'y a pas de mécanisme d'appel pour les réfugiés au Canada. La loi en prévoit un, mais il n'a pas été encore mis en oeuvre. Je tenais à le signaler.
    Vous songez peut-être à différents programmes auxquels une personne peut postuler selon divers critères, mais le mécanisme d'appel n'a pas encore été mis en place par le gouvernement.
    D'accord, merci.
    Madame Anker.
    Le principal organe administratif d'appel a été décimé il y a cinq ans par des règlements promulgués par le procureur général de l'époque. Le nombre de ses membres a été réduit de moitié et il a reçu instruction, à toutes fins pratiques, de confirmer les décisions des juges d'immigration, sauf circonstances exceptionnelles.
    De ce fait, presque tous les cas sont maintenant portés devant les cours fédérales. Les cours fédérales sont débordées et elles commencent à fermer leurs portes.
    J'aimerais juste vous citer une déclaration. Elle est du juge Posner, de la Seventh Circuit Court. Il y a eu toute une série de commentaires similaires sur la qualité de la justice au niveau administratif émanant de juges fédéraux.
    Le juge Posner appartient d'ailleurs au camp conservateur sur l'échiquier politique américain. Il a dit ceci :
le traitement des dossiers [d'immigration] au niveau administratif est tombé en dessous des normes minimales de la justice légale.
    D'autres magistrats fédéraux ont formulé des commentaires similaires.
    Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous indiquer quels sont les taux d'acceptation des demandes d'asile aux États-Unis, ainsi que les taux équivalents au Canada.
    Selon le rapport 2005 du HCNUR — et c'est là où je conteste les chiffres du professeur Martin qui ne sont pas des statistiques publiquement disponibles. Au Canada, le taux d'acceptation global était de 50,4 p. 100, comparé à 34,7 p. 100 aux États-Unis.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Il vous reste 35 secondes.
    Je vais faire preuve d'un peu de flexibilité mais ensuite je vais devoir me montrer strict car nous avons encore quatre autres personnes qui demandent cinq minutes et nous devons mettre fin à cette audience à 12 h 40.
(1220)
    Je crois que je vais m'arrêter là.
    Vous avez terminé? D'accord, merci, madame Grewal.
    Nous allons tâcher de nous en tenir à cinq minutes car j'aimerais donner la parole à tous ceux qui n'ont pas encore posé de questions.
    Madame Faille, allez-y.

[Français]

    Je pense que la question de principe est la manière dont on traite ceux qui s'établissent ici. Cela reflète aussi notre ouverture et notre générosité en tant que société. Quant à la mise en vigueur de l'entente, selon ce que je peux constater sur le terrain, auprès des organismes qui s'occupent de l'accueil des Colombiens au Québec, l'harmonisation des politiques canadiennes avec celles des États-Unis prive le Québec et le Canada d'un potentiel de réfugiés, de personnes qui s'intègrent bien à notre société. Si l'on considère, par exemple, la communauté latino-américaine, celle du Québec se retrouve surtout en région. Pour nos politiques de régionalisation, c'est très important. On se prive justement d'une clientèle qui, pour nous, est facile à intégrer à notre société. Cette privation nous oblige aussi à renoncer à un apport économique de la part de ces gens. Il me semble tout à fait déplorable que l'entente fasse en sorte que moins de personnes puissent immigrer ici.
    Sur le plan de la réunification familiale, c'est un défi également ici, au Canada. Tout à l'heure, vous faisiez état des difficultés du fait que les gens veulent demeurer un an, mais je crois qu'il faut considérer aussi la difficulté de réunir la famille proche. La définition de famille est très restreinte, d'après ce que je comprends.
    Recommanderiez-vous que cette définition soit élargie?

[Traduction]

    Excusez-moi, de quelle définition de la famille parlez-vous?

[Français]

    Actuellement, ce qui se passe, c'est que des gens prennent, malheureusement, le mauvais chemin et passent par les États-Unis. Les familles tentent de faire venir leurs proches, un cousin, une tante ou un frère, et elles font face à des difficultés.
    Seriez-vous en faveur d'un élargissement de la définition de la famille, pour permettre de faire venir plus facilement un membre de la famille proche, un cousin par exemple?

[Traduction]

    La question porte sur l'élargissement de la définition de la famille de telle façon qu'un cousin ou un autre parent puisse être admis.
    Voulez-vous dire en vertu de l'Entente sur les tiers pays sûrs?
    Oui.
    L'exception concerne actuellement le conjoint, les fils, filles, parents, tuteurs légaux, les frères et soeurs, les grands-parents, les petits-enfants, les tantes, oncles, nièces et neveux. Ce serait certainement une mesure positive mais je ne pense pas que l'Entente sur les tiers pays sûrs puisse être récupérée par un élargissement des exceptions. Je pense qu'elle repose sur un postulat fondamentalement problématique qui n'a pas été réévalué depuis cinq ans, soit la question de savoir si les États-Unis constituent un tiers pays sûr pour les réfugiés.
    Je crois que M. Martinez aimerait répondre aussi.
    Mon reproche est que la définition de la famille dans l'entente ne reflète pas les définitions que nous avons dans d'autres domaines du droit, car il n'est pas possible de parrainer spécialement une nièce ou un neveu pour faire venir cette personne au Canada. Nous avons toujours défendu l'idée d'une conception plus flexible de la famille afin d'y englober les membres de facto de la famille. La notion de famille consacrée dans le droit familial canadien ne reflète pas les réalités culturelles des collectivités de réfugiés et d'immigrants.
    Madame Faille.

[Français]

    J'aurais peut-être une question. Ici, au Canada, des décisions ont été prises par le Comité contre la torture.
    En ce qui touche le Comité contre la torture aux États-Unis, existe-t-il un précédent en termes de dossiers? Je sais qu'ici, au Canada, il y a le cas de M. Enrique Falcon Ríos, entre autres, qui n'est toujours pas réglé. Il y a aussi un cas à Toronto qui n'est toujours pas réglé. La situation de ces personnes ici, malgré le fait que des organismes internationaux aient statué —

[Traduction]

    Poursuivez. Je vous demande pardon.

[Français]

    Je voudrais simplement avoir un aperçu de la situation aux États-Unis par rapport à la torture. Y a-t-il des précédents? Des reproches ont-ils été adressés par le Comité contre la torture?
(1225)

[Traduction]

    Très brièvement.
    Le noeud du problème que je vois dans ce comité tient aux obligations américaines en vertu de la Convention sur les réfugiés. Malheureusement, le respect par les États-Unis de la Convention contre la torture laisse à désirer et il s'est certainement détérioré ces dernières années.
    Merci.
    Monsieur Devolin, je vous prie.
    Ma question porte sur les ententes sur les tiers pays sûrs. J'aimerais avoir l'avis de chacun d'entre vous.
    Adhérez-vous au principe des ententes sur les tiers pays sûrs ou bien pensez-vous qu'elles posent un problème fondamental et sont intrinsèquement inacceptables?
    Pour avoir des ententes sur les tiers pays sûrs, il faut une norme commune à tous et cette norme doit être respectée, mise en oeuvre et contrôlée. Dans la réalité, chaque pays aujourd'hui décide de sa définition et de sa procédure concernant la détention, l'expulsion et tout le reste et les comparaisons sont très difficiles. Vous êtes contraints de comparer votre système aux autres systèmes.
    Les critères utilisés pour définir un tiers pays sûr laissent fondamentalement à désirer. Il s'agit d'un pays qui a signé la Convention sur les réfugiés et a un mécanisme de détermination du statut de réfugié — ces deux éléments sont nécessaires. Donc, de manière très superficielle, chaque pays du monde pourrait être considéré comme un tiers pays sûr pour les réfugiés, mais dans la pratique nous savons que chaque réalité nationale entraîne des répercussions très claires.
    Permettez-moi de vous donner un exemple qui, à nos yeux, est totalement inacceptable. Un Cubain prend pied sur le sol américain et est accepté et protégé. Au Canada, ce serait totalement illégal, car nous n'accordons pas ce genre de privilège à des groupes particuliers d'arrivants. Il en va de même pour la détention obligatoire et différentes choses pouvant arriver. Des problèmes tels que les violations du droit international, etc. signifient qu'une comparaison très superficielle entre les pays ne permet pas de dire quel pays tiers est sûr dans la réalité.
    Vous dites que théoriquement tout est beau, mais que dans la pratique, dans pratiquement toutes les circonstances que je peux imaginer, les critères sont inappropriés.
    Exactement. La convention est appliquée à l'échelle nationale; par conséquent, chaque pays est doté de normes totalement différentes. Il n'y a aucun point de comparaison.
    Mme Anker souhaite répondre également.
    Premièrement, j'aimerais nuancer pour ce qui est des normes différentes. Chaque pays signataire de la Convention sur les réfugiés interprète les mêmes normes selon un traité international qui est contraignant. Cela est devenu de plus en plus apparent dans la jurisprudence de —
    Encore une fois, le Canada a été en pointe à cet égard. La Cour suprême du Canada a été en pointe s'agissant de définir un cadre international et a devancé de nombreux pays du monde — le Royaume-Uni, l'Australie et d'autres — en suivant des normes internationales et en interprétant la définition de réfugié. En principe, nous devons tous appliquer un cadre commun puisque nous sommes signataires de la même convention. Et je pense que la prémisse fondamentale des ententes sur les tiers pays sûrs est fausse.
(1230)
    Monsieur Devolin.
    En guise de clarification, et sans vouloir contester vos propos, lorsque vous dites que le Canada était en pointe sur le plan de l'interprétation, je suppose que cela signifie qu'il donnait l'interprétation la plus généreuse. Est-ce exact?
    Non, la plus ancrée dans les principes.
    Merci, monsieur Devolin.
    Nous avons M. Siksay, M. Telegdi, puis M. Wilson.
    Monsieur Siksay.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir à la question de la conformité des États-Unis à la Convention internationale contre la torture. Encore une fois, c'est un aspect que le Conseil canadien pour les réfugiés a soulevé par rapport à ses très sérieuses réserves sur l'Entente sur les tiers pays sûrs.
    Il fait remarquer que l'une des dispositions primordiales de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés veut qu'un tiers pays sûr doit respecter l'article 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture, qui interdit le renvoi dans un pays pratiquant la torture. Il énumère ensuite une série de cas où les États-Unis ont enfreint cette interdiction. Je pense que le cas le plus connu par tout le monde ici est celui de Maher Arar, qui a été extradé en Syrie pour y être torturé.
    Il existe aux États-Unis la pratique consistant à demander des assurances diplomatiques aux autres pays que les personnes qui y sont renvoyées ne seront pas torturées, encore qu'apparemment même les responsables américains reconnaissent qu'elles représentent une protection limitée dans la pratique.
    Il se pose toute la question de l'enfermement dans des installations de détention secrètes, que l'Union européenne a vigoureusement condamné. Je pense qu'il y a eu une grande indignation dans le monde lorsque nous avons appris cette pratique américaine, et aussi concernant tout ce qui se passe à Guantanamo Bay.
    Ensuite, deux lois américaines sont perçues comme alarmantes, en particulier par le CCR. L'une est la Detainee Treatment Act de décembre 2005. Apparemment, le président Bush a ajouté à la loi une déclaration de signature disant qu'il pouvait, à titre de commandant en chef, lever l'interdiction d'emploi de la torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, ce qui me paraît être un problème très sérieux.
    Enfin, il y a la Military Commissions Act de 2006, qui accorde une immunité rétroactive aux militaires et autres responsables pour les abus passés liés à des actes de torture.
    Le CCR a soulevé d'autres problèmes encore et je sais qu'il les a également abordés dans des causes judiciaires.
    Le témoin voudrait-il nous parler de la question du respect de la Convention des Nations Unies contre la torture et de l'interdiction du renvoi dans des pays pratiquant la torture?
    Je dirais simplement que je partage les préoccupations exprimées par le CCR.
    Une autre question concerne la protection accordée au Canada et aux États-Unis aux femmes persécutées en raison de leur sexe. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Je sais que vous avez dit qu'il est difficile de se prononcer sur la situation aux États-Unis. Pouvez-vous nous en dire plus sur la situation à cet égard?
    Le Canada reconnaît clairement la violence faite aux femmes comme une forme de persécution et la persécution fondée sur le sexe comme motif de protection. Le droit américain est incertain à ce stade. C'est tout ce que je puis dire. De fait, une cause est devant le Conseil actuellement qui pourrait bien décider les paramètres à ce sujet.
    En 1995, les États-Unis avaient suivi l'exemple du Canada et promulgué des règlements favorables aux femmes demandant l'asile. Ils sont ensuite revenus en arrière lors d'une décision de 1999. Des règlements sont en instance maintenant depuis sept ans, depuis 2000, afin de rectifier cette décision. Mais ces règlements n'ont toujours pas été promulgués.
    Il est donc très incertain si une femme obtiendra la protection sur la base de ces normes et des normes couramment pratiquées dans maints pays d'origine des réfugiés.
    D'accord, merci.
    Je dois alterner — M. Komarnicki, puis M. Telegdi.
(1235)
    Madame Anker, sur la question de savoir si certains pays présentent un meilleur dossier que d'autres, de toute évidence, du moins à votre avis, le Canada se classe en très bonne position. Mais est-ce que la norme pour ce qui est des ententes sur les tiers pays sûrs n'est pas simplement de savoir si le pays respecte des normes internationales acceptables pour être conçues comme sûres, plutôt que des normes exceptionnelles?
    Autrement dit, certains pays font mieux que d'autres, mais il existe des normes internationales minimales à remplir. Est-ce que les États-Unis et le Canada ne remplissent pas tous deux ces normes internationales?
    Je formulerai deux remarques, l'une très fondamentale. Le jugement actuel du Canada que les États-Unis sont un pays sûr est fondé sur une évaluation de 2002. Je dirais ceci aux Canadiens : vous êtes obligés de refaire cette évaluation si vous allez continuer à être partie à cette entente.
    Je vous rappelle l'article du New York Times sur la commission du Congrès qui vient de publier un rapport disant qu'il existe des problèmes très sérieux sur le plan du respect par les États-Unis de la Convention sur les réfugiés. C'est un article qui est paru aujourd'hui.
    La détention des réfugiés, qui est une pratique courante aux États-Unis, a été jugée inacceptable et contraire à la convention de 1951 par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés.
    Ce sont là les choses que j'aimerais —
    Les États-Unis traitent bien mieux les demandeurs d'asile aujourd'hui qu'il y a 20 ans, mais il s'est produit une détérioration marquée au cours des cinq dernières années.
    Le système que le professeur Martin a aidé à mettre sur pied a été gravement sapé au cours des cinq dernières années.
    En toute équité, le professeur Martin a suggéré un certain nombre de réformes, et je crois savoir que le procureur général a lancé une vaste étude ministérielle et —
    Nous n'en avons pas vu le moindre résultat.
    Je vous recommande de lire l'article de ce matin et le rapport de la U.S. Religious Freedom Commission qui exprime une énorme frustration face à l'absence de réaction à ses recommandations.
    Des recommandations ont été faites en vue de l'amélioration du système. Mais le système américain comporte des recours administratifs et judiciaires contre les décisions administratives prises aux paliers inférieurs. Ces recours existent aujourd'hui, même sans les réformes.
    Ils ont été gravement amputés depuis 2001, si bien qu'il n'existe aucun recours administratif dans la plupart des cas.
    Dites-vous qu'il n'existe aucun contrôle judiciaire des décisions administratives des paliers inférieurs?
    Ils ne sont pas accessibles par la plupart.
    Mais le mécanisme existe et on peut choisir de s'en prévaloir?
    Ce n'est pas une question de choisir de s'en prévaloir ou non. Si l'on n'a pas d'avocat, l'on n'a pas accès à cette protection.
    Les cours fédérales refusent de plus en plus la tâche d'administrer le mécanisme de l'asile. Et il est normal qu'elles refusent, car ce n'est pas leur rôle.
    Merci.
    Je vais maintenant passer à M. Telegdi.
    Nous espérons donner la parole à tout le monde.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    L'une des choses que possède l'Union européenne, ce sont des normes en matière de droits de la personne et tous les membres de l'Union européenne doivent les respecter. Il existe même la Cour européenne des droits de l'homme qui a imposé la modification du mécanisme des certificats de sécurité de l'Angleterre. Il n'y a rien d'équivalent entre le Canada et les États-Unis.
    J'ai toujours formulé des réserves à cet égard et je pense que le 11 septembre a joué un très grand rôle. Pour vous donner un exemple parlant de la différence entre les normes américaines et les nôtres, prenez le cas Arar. Nous avons blanchi M. Arar, mais les États-Unis ne l'ont pas fait. Il est toujours sur leur liste d'interdiction de vol. C'est un bon exemple de normes divergentes.
    Un autre aspect m'inquiète, professeur. Vous avez mentionné l'Amérique latine. Il règne pas mal de tensions en Amérique latine, avec tout ce qui se passe dans divers pays. Chaque fois que des élections démocratiques sont tenues, les tensions semblent croître entre les États-Unis et certains pays d'Amérique latine comme le Nicaragua, le Venezuela, le Brésil, et ainsi de suite.
    Si je remonte en arrière dans l'histoire, je vois ce qui est arrivé aux Salvadoriens. Le gouvernement américain a appuyé une junte militaire au Salvador. La même chose s'est passée au Chili où le gouvernement démocratique d'Allende a été renversé par Pinochet qui a été jugé et condamné pour violation des droits de l'homme et le meurtre d'un très grand nombre d'opposants. Je crois que près de 50 000 Chiliens ont trouvé refuge au Canada. Si on les capturait aux États-Unis, ils étaient couramment renvoyés au Chili où ils s'ajoutaient à la liste des disparus de Pinochet.
    Dans ce contexte, pourriez-vous nous parler des situations et expériences que vous avez connues aux États-Unis, à la lumière de ce qui est arrivé aux Chiliens? Ces réfugiés sont devenus un groupe très apprécié au Canada. L'un d'eux est même devenu député. Pouvez-vous nous parler de la façon dont les États-Unis traitent les personnes qu'ils jugent hostiles, en quelque sorte?
(1240)
    Historiquement, cela a été un problème majeur aux États-Unis. Je dirais que les problèmes actuels sont assez similaires, mais souvent ils sont dus aussi à des actes arbitraires individuels du fait de l'absence de supervision administrative et d'une véritable règle de droit aux États-Unis.
    Je suis tout à fait d'accord avec votre description de l'histoire. Je dirais que les Colombiens aujourd'hui sont dans une situation analogue. Les Colombiens forment le plus important groupe de réfugiés dans cet hémisphère et soit on leur refuse, à toutes fins pratiques, l'accès à l'asile — ce qui n'est pas le cas au Canada — soit on leur refuse la protection d'une manière qui contrevient clairement à la Convention sur les réfugiés et est clairement différente de ce qui se passe au Canada. Les Colombiens sont les nouveaux Chiliens, les nouveaux Guatemaltèques et les nouveaux Salvadoriens. Les Colombiens ne peuvent pas demander la protection au Canada en raison de l'Entente sur les tiers pays sûrs.
    J'envisage davantage de problèmes avec ce qui pourrait arriver à Cuba avec la succession de Castro. Le problème semble aller croissant et le potentiel d'abus va croissant.
    Je suis d'accord.
    Vous disposez de quelques minutes, madame Grewal, et ensuite nous aurons une minute ou deux pour Blair et une minute ou deux pour M. Gravel. Je veux donner la parole à tout le monde.
    Après la séance, nous avons quatre points relatifs aux travaux du comité. Je sais que la coutume est d'alterner avec des tours de cinq minutes jusqu'à la fin de la séance. Quoi qu'il en soit, je parle plus longtemps que je ne devrais.
    Madame Grewal.
    Merci, monsieur le président.
    D'après les renseignements qui nous sont donnés, il semble que l'Entente sur les tiers pays sûrs nuise à tout le monde, mais que les plus touchés sont les demandeurs d'asile colombiens.
    Madame Anker, vous dites dans votre mémoire que « malgré la poursuite de la violation grave et généralisée des droits de la personne en Colombie, plusieurs aspects du régime d'asile des États-Unis constituent des obstacles de taille à la présentation par les réfugiés colombiens de demandes d'asile aux États-Unis ». Pourriez-vous, s'il vous plaît, préciser ces obstacles et nous expliquer pourquoi les réfugiés colombiens connaissent un meilleur taux d'acception ici, au Canada?
    Soyez aussi brève que possible. Pourquoi les Colombiens ont-ils un taux d'acceptation meilleur que d'autres ici au Canada?
    Cela est dû en partie au fait que l'interdiction opposée par la loi américaine à ceux qui offrent un soutien matériel ignore la notion de contrainte, comme je l'ai expliqué. Ainsi, ceux qui paient une rançon pour leurs parents enlevés sont considérés comme ayant fourni un appui matériel au terrorisme. Une autre partie est due à l'arbitraire et aux problèmes qui sont maintenant devenus endémiques dans le système américain: des exigences de corroboration excessives, le recours excessif à la détention, l'obligation de prouver les motifs du persécuteur dans bien des cas, et le délai d'un an.
(1245)
    Très bien. Merci.
    M. Gravel et M. Wilson.
    Monsieur Gravel.

[Français]

    C'est une question brève que je veux poser à Mme Anker. Vous avez dit, tout à l'heure, que cela prendrait peut-être une instance internationale pour faire respecter l'entente, que l'entente était une bonne chose, mais qu'elle devait être réévaluée.
    Comment peut-on créer une instance internationale qui soit reconnue par les États-Unis, par exemple? Le pays va-t-il accepter une instance internationale qui pourrait décider que l'entente doit être modifiée?
    Il me semble que les politiques canadiennes sont trop en harmonie avec celles des États-Unis, actuellement. Le climat se détériore de plus en plus. Alors, est-il possible d'améliorer cette situation en nommant une instance? Et qui va reconnaître cette instance internationale?

[Traduction]

    Je ne crois pas que la création d'un organe international soit envisageable en ce moment. C'est la bonne solution en principe, mais le HCNUR ne peut pas être cette instance. Il est politiquement trop compromis, son financement est totalement à la merci des États donateurs et les États-Unis, franchement, ne se montrent pas prêts à respecter des normes fixées par des organisations internationales. Comme je l'ai mentionné, les États-Unis en ce moment s'opposent même à ce que le HCNUR dépose des mémoires devant ses propres tribunaux, alors ne parlons même pas d'accepter l'interprétation d'une entité internationale du droit des réfugiés. Aussi, tant que l'on ne pourra pas garantir l'indépendance d'une telle instance — une indépendance et une autorité réelles — cette solution n'est pas réaliste. Je n'ai peut-être pas été claire à ce sujet précédemment.
    Bien, merci.
    Monsieur Wilson, je vous prie.
    Merci, et merci à vous, professeure Anker et monsieur Rico-Martinez, de votre témoignage d'aujourd'hui.
    Je voudrais aller à ce qui me paraît être le noeud du problème ici. Il ressort de vos propos et des questions posées que l'Entente sur les tiers pays sûrs a été conclue et mise en oeuvre en 2004 afin de réduire les dédoublements de procédure et peut-être liquider un arriéré de demandes d'asile qui s'était accumulé au Canada. Il me semble que c'était l'intention initiale et c'était fondé, je crois, sur le fait qu'à cette époque le Canada et les États-Unis appliquaient à peu près les mêmes normes pour ce qui est de la reconnaissance du statut de réfugié dans leurs pays.
    Mais depuis lors, selon votre témoignage, les politiques suivies aux États-Unis et au Canada ont divergé, si bien qu'il faudrait effectuer une évaluation annuelle pour comparer les politiques des deux pays et, dans la mesure où nous appliquerions nos normes de manière uniforme, alors une entente sur les tiers pays sûrs pourrait légitimement être appliquée. Le problème se pose lorsqu'il y a divergence entre les deux pays.
    Je pense que la situation aujourd'hui est que le Canada, ou le gouvernement du moment, a cédé aux États-Unis notre souveraineté et le contrôle de notre politique en matière de réfugiés, disant, à toutes fins pratiques, que nous acceptons la politique américaine et donnons carte blanche.
    Est-ce une bonne description de la situation?
    Disons que cet accord n'a pas résolu le dédoublement. Initialement, il y a 10 ans, lorsque le débat a démarré, il s'agissait d'éviter la duplication et d'empêcher quiconque a présenté une demande d'asile aux États-Unis de venir en faire une autre ici. Mais l'accord ne parle nullement de cela. Je ne dis pas qu'il faut l'y englober, mais que l'accord est silencieux sur le magasinage d'asile et constitue une façon très simpliste d'éviter que des demandes soient présentées dans deux pays. Quoiqu'il en soit, cette entente a mis fin au dédoublement des procédures.
    Ensuite, je pense que la société civile canadienne a fait une erreur en 2004 en ne contestant pas alors au niveau judiciaire l'Entente sur les tiers pays sûrs. Je pense que la situation à ce moment là aux États-Unis était déjà devenue très différente, par suite du 11 septembre et de toutes ces choses. Nous ne l'avons pas fait pour différentes raison — manque de ressources, manque de vision.
    Les choses sont encore plus claires aujourd'hui qu'à l'époque. Vous avez lu tous nos documents en opposition aux ententes sur les tiers pays sûrs. Ils sont très clairs. Il est encore plus clair que les divergences sont abyssales et qu'il n'est plus possible de concilier les divergences.
(1250)
    Merci beaucoup.
    J'aurais voulu disposer de plus de temps, car manifestement les membres voudraient poser davantage de questions. Je vous remercie des exposés que vous avez présentés aujourd'hui. Ils étaient extrêmement intéressants.
    Bien entendu, vous savez que nous allons déposer un rapport sur la problématique des réfugiés, et ce rapport contiendra sept chapitres dont l'un traitera de l'Entente sur les tiers pays sûrs. Je suis sûr que vous êtes impatients de voir les recommandations que contiendra notre rapport.
    Encore une fois, merci infiniment d'être venus. Je suis sûr que nous nous reverrons. Merci.
    Devons-nous suspendre la séance? Ce n'est pas nécessaire. Je demanderais simplement aux témoins de quitter la table et nous allons poursuivre avec nos affaires internes. Merci.
    Le premier point à l'ordre du jour, l'un de quatre, est un avis de motion de M. Karygiannis. Voici la motion : « Que le comité visite le centre de détention de Kingston pour y rencontrer les détenus et voir leur état de santé dans l'immédiat ».
    Monsieur Karygiannis.
    Ayant vu les détenus de ma propre initiative dimanche dernier — et je sais que lorsque M. Siksay a posé une question au ministre, ce dernier a rétorqué que M. Siksay n'a pas rendu visite aux détenus pour constater leur état — je recommande fortement que nous rendions visite aux détenus le plus tôt possible afin d'observer leur état, de façon à être témoins de première main de leur détérioration et de leur état de santé.
    D'accord, merci, monsieur Karygiannis.
    Monsieur Devolin.
    Juste quelques réflexions. Premièrement, pour ce qui est de la logistique d'une visite dans les meilleurs délais, je me demande si un groupe plus restreint, peut-être une personne de chaque caucus, ne serait pas plus facile à organiser et si l'on n'obtiendrait pas ainsi plus facilement des whips l'autorisation de voyager. C'est une suggestion amicale.
    Vous savez quoi? Si une personne choisit d'y aller ou si les députés peuvent s'y rendre par leurs propres moyens... Ce n'est pas trop loin d'Ottawa et nous sommes nombreux à avoir une voiture. Donc, outre limiter la délégation à une personne dans l'intérêt de la rapidité, si quelqu'un veut y aller par ses propres moyens, qu'il n'hésite pas.
    Oui, d'accord.
    Monsieur Telegdi.
    Sachant que le comité au complet s'y est rendu précédemment, je pense qu'il serait bon que nous y allions tous. Je viens d'apprendre, ayant parlé avec M. Komarnicki, que les responsables — le ministre et le sous-ministre — ne seront pas disponibles lundi, mais qu'ils le seront le lundi suivant. Sachant que nous avions déjà au calendrier cette réunion du 12 février où nous devions les entendre, nous pourrions saisir l'occasion pour nous y rendre dans les meilleurs délais. Ce pourrait être un jour propice, alors prenons cette journée et allons-y.
    Je trouve que c'est une excellente motion.
(1255)
    Le greffier m'informe que nous pourrions avoir de la difficulté à le faire car il nous faut un budget —
    Si le comité approuve le budget, il faudra demander les fonds au comité de liaison budgétaire et ensuite un ordre de renvoi de la Chambre. Je pense donc que la première date possible — Il pourrait nous falloir toute la semaine prochaine pour obtenir la permission.
    Cela pourrait prendre une semaine.
    Monsieur le président, je pense qu'il y a urgence, vu le temps que dure déjà cette grève de la faim, et je n'aimerais pas que quelqu'un décède pendant que nous sommes aux prises avec les lourdeurs bureaucratiques. Nous avons tous des allocations de voyage, et nous pouvons tous nous y rendre par nos propres moyens. Nous avons nos propres budgets.
    D'accord, expédions la motion de toute façon.
    Je pense que nous devrions voter sur la motion et si nous avons le consentement unanime quant à la date, nous pourrons le faire. Mais je pense qu'il faut d'abord adopter la motion.
    Voyons d'abord la motion.
    Monsieur Siksay, voulez-vous intervenir?
    Merci, monsieur le président.
    Je pense que cela est très important, sachant que nous en sommes maintenant à 77 et 66 jours de grève de la faim, ce qui est très long, et le temps compte. Je pense qu'il importe que le comité dans son entier aille rendre une visite officielle, plutôt qu'à titre personnel, même si nous y allons ensemble, afin de bien manifester qu'il s'agit là d'une question cruciale qui requiert l'attention du gouvernement et des parlementaires.
    Notre personnel ne pourra y aller en l'absence d'une ordonnance en règle.
    Je pense également important que nous soyons accompagnés par du personnel. Mais je suis troublé par le temps dont le greffier nous dit qu'il faudra pour obtenir l'approbation, et s'il existe une procédure d'urgence, je proposerais que nous y ayons recours ou trouvions une façon d'accélérer les choses.
    Le greffier vient de me dire que les membres pourraient s'adresser à leur leader en Chambre respectif et faire approuver cela, et ce serait donc à notre initiative. Quoi qu'il en soit, c'est la question accessoire.
    Nous allons mettre aux voix la motion — vous avez le texte — prévoyant que le comité visite le centre de détention de Kingston pour y rencontrer les détenus et voir leur état de santé dans l'immédiat.
    (La motion est adoptée.)
    C'est fait. C'est unanime.
    Cela étant, nous avons un budget de voyage, à hauteur de 9 066 $. Quelqu'un doit-il le proposer?
    Monsieur Telegdi, voulez-vous proposer ce budget? Vous avez vu le budget de voyage à hauteur de 9 066 $. Souhaitez-vous intervenir à ce sujet, ou bien dois-je passer à M. Siksay?
    D'accord, monsieur Siksay.
    C'est pour aller à Kingston?
    Oui, c'est cela.
    Eh bien, pouvons-nous faire le déplacement lundi?
    Mettons aux voix ce budget de voyage.
    Je le propose.
    D'accord, nous n'avons pas de pénurie de motionnaires. Puisque c'est la motion de M. Karygiannis, laissons-le proposer le budget.
    Je propose l'adoption de ce budget.
    Monsieur le président, pourrais-je ajouter une chose — je demande le consentement unanime.
    Beaucoup de journalistes se sont montrés intéressés à rendre visite aux détenus. Malheureusement, l'ASFC élève toutes sortes d'obstacles. Je me demande si nous pourrions avoir le consentement unanime afin d'inviter un journaliste de chaque média à nous accompagner?
    Cela exigerait le consentement unanime, car si c'est une motion... Y a-t-il consentement unanime...?
    Monsieur Karygiannis, nous devons prendre d'abord une décision sur le budget de voyage. Faisons les choses dans l'ordre.
    M. Karygiannis propose l'adoption du budget de voyage.
    (La motion est adoptée.)
    Nous demandons maintenant —
(1300)
    Voulez-vous que je mette quelque chose par écrit?
    Non.
    Je demande le consentement unanime afin que, lors de notre visite du centre de détention de Kingston —
    Que des journalistes —
    — nous invitions un journaliste des différents médias à nous accompagner.
    Des journalistes souhaitent en ce moment rencontrer les détenus. Malheureusement, ils doivent le faire dans le bâtiment administratif et les détenus refusent de sortir s'ils ne sont pas accompagnés par un responsable du Service correctionnel du Canada.
    Donc, puisqu'on le leur refuse —
    Cela n'est pas de notre ressort, car nous devrions nous adresser d'abord à l'ASFC.
    Cela relève de l'immigration. Le centre de détention relève de la LIPR et de l'ASFC.
    Oui, et il nous faudrait obtenir le consentement de l'ASFC pour —
    D'accord. J'ai demandé le consentement unanime à la motion.
    Y a-t-il consentement unanime? Non.
    D'accord, poursuivons.
    Puis-je contester la décision de la présidence à ce sujet?
    Non, vous ne pouvez pas.
    Je vais le faire par écrit.
    D'accord, voyons maintenant la demande de budget opérationnel.
    Ceci couvrira les réunions supplémentaires que nous allons tenir dans un avenir pas trop éloigné, celles que le comité directeur a prévues.
    Le budget pour couvrir les frais des témoins est de 63 200 $.
    Quelqu'un veut-il proposer la motion?
    De quel budget s'agit-il, monsieur le président?
    C'est le budget opérationnel pour la comparution des témoins à ces réunions supplémentaires.
    Je le propose.
    D'accord.
    Monsieur le président, je le propose s'il est bien de 65 200 $ et non de 63 200 $.
    Il me faut mes lunettes. D'accord, c'est 65 200 $.
    (La motion est adoptée.)
    D'accord. Cela conclut notre —
    Non. N'avons-nous pas une motion?
    Je peux la lire pour le procès-verbal.
    Étant donné ce que nous avons entendu aujourd'hui et le fait que certains témoins nous ont dit souhaiter qu'une instance internationale supervise — qu'il s'agisse du HCNUR ou d'une autre entité — je demande le consentement unanime — Je vous lis le texte :
Étant donné que l'ETPS ne fonctionne manifestement pas, et que les pays signataires de la protection des réfugiés relevant du HCNUR ont des façons différentes de déterminer le statut de réfugié, que ce soit en Amérique, en Europe ou ailleurs dans le monde, le comité demande au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de porter cette question aux Nations Unies et de demander à ce qu'on établisse des protocoles et des lignes directrices pour l'ensemble des pays signataires.
Le comité demande aussi au ministre de demander à ce qu'un ombudsman du HCNUR surveille les cas, conseille les pays et leur fasse connaître les pratiques exemplaires dans ce domaine.
    D'accord, M. Karygiannis a lu le texte aux fins du procès-verbal.
    Cela met fin à nos travaux.
    Je demande le consentement unanime, si je peux le faire aujourd'hui. Sinon —
    Non.
    J'ai plusieurs questions.
    Monsieur Telegdi, je suppose que nous sommes d'accord sur la comparution du ministre et des fonctionnaires le 19 février.
    Nous devons ouvrir le calendrier, monsieur le président, car le ministre et les fonctionnaires ne seront pas en mesure de comparaître avant le 19 février. Je pense qu'il nous faut donc tout déplacer —
    Au lieu de?
    Au lieu du 12 février?
    Au lieu du 12 février. Pour les réunions supplémentaires?
    Oui, pour les réunions.
    Je propose donc d'utiliser le 12 février pour nous rendre à Kingston. Ensuite, nous commencerons les réunions les 19 et 26 février et ainsi de suite.
    Aussi, au lieu d'avoir deux réunions pour les témoins — vu leur nombre et sachant qu'il pourrait s'en ajouter encore — nous pourrions prolonger les audiences. En ce moment, nous avons prévu trois réunions; on porterait ce chiffre à quatre.
    Nous devrions être ouverts à la possibilité de siéger de 11 heures jusqu'à 13 h 30, vu l'intérêt porté à cette question et le fait qu'il s'agit d'avoir assez de temps avec les témoins —
    Monsieur Siksay.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai entendu la suggestion et je ne sais pas quand nous allons en discuter, mais je suggère aussi que si nous allons lundi à Kingston, nous partions tôt le matin et revenions le même jour. Cela nous ferait économiser les frais d'hébergement prévus dans le budget.
    Je pense que nous pourrions probablement faire le déplacement dans la journée.
    Une voix: J'aimerais bien savoir où nous en sommes —
(1305)
    Monsieur le président, puis-je lire ceci?
    Oui.
    Andrew souhaite recevoir les fonctionnaires le 19 février. Puis, le 26 février, nous commencerions l'audition des témoins, et ensuite de quoi nous aurons un congé de deux semaines.
    Je vous demande votre attention, mesdames et messieurs les membres, afin que tout le monde sache de quoi il s'agit.
    Le 19 mars, nous entendrons des témoins, et de nouveau le 26 mars.
    Pourriez-vous relire cela, s'il vous plaît, monsieur le président?
    Oui.
    Le 19 février nous aurons le ministre et les fonctionnaires, le 26 février nous aurons des témoins et nous aurons des témoins le 19 mars. Nous ne savons pas si le 26 mars sera nécessaire, mais si c'est le cas, nous tiendrons quatre réunions. Nous verrons. Nous pouvons le faire.
    Monsieur le président, j'ai dit aussi que nous pourrions prolonger... au lieu de limiter la séance à deux heures. Une fois que les témoins sont là, nous pourrions vouloir siéger jusqu'à 13 h 30, au lieu de 13 h.
    Je suis presque sûr, étant donné les témoins que nous allons inviter, que nous voudrons avoir cette quatrième séance.
    Oui, et nous l'aurons probablement.
    Non, non, il faut la prévoir tout de suite. Nous voulons avoir trois réunions avec les témoins, ce qui nous mènera jusqu'au 26 mars.
    Il se pose un autre problème: est-ce que notre budget couvrira cela?
    Oh, oui. Nous payons déjà leurs frais de déplacement. Nous assumons ces frais. Il s'agit d'en avoir pour notre argent.
    D'accord.
    Monsieur le président, en ce qui concerne la demande de M. Siksay, je ne sais pas combien de temps il faut à l'ASFC pour approuver des personnes —
    Je crois savoir que lorsqu'il s'agit de députés, l'Agence demande un préavis de 24 heures.
    La deuxième chose —
    S'agit-il de la visite à Kingston?
    Oui.
    [Note du rédacteur — Difficulté technique]... le sous-comité de liaison devra approuver le budget. Vous dites donc que les membres devraient prendre langue avec leur leader en Chambre respectif pour faire avancer les choses.
    À ce sujet, monsieur le président, nous aurons une motion mardi demandant l'autorisation d'être accompagnés par des journalistes. Je me demande si M. Siksay accepterait que nous examinions la motion en premier mardi, avant toute autre chose.
    Il est important que nous ne soyons pas seuls à pouvoir les voir; étant donné ce que le ministre a dit et étant donné leurs conditions de vie, des témoins indépendants doivent également —
    Nous avons besoin du consentement unanime pour cela.
    Eh bien, une motion a été déposée. Il y a une motion pour mardi.
    Non, il n'y a pas de motion.
    Je viens de présenter une motion à cet effet.
    Oh, sous forme d'avis de motion.
    Oui.
    D'accord.
    Monsieur le président, je pense que nous avons convenu de l'urgence de la visite, et j'espère que nous pourrons avoir l'approbation lundi.
    Le budget que nous avons adopté, qui est un gros montant, doit prévoir l'hébergement à l'hôtel. Je reconnais que nous n'avons pas besoin de passer la nuit. Ma préférence serait de partir tôt lundi matin — très franchement, je partirai directement de chez moi — et que nous revenions ici lundi après midi.
    Je suppose que la probabilité d'une approbation rapide sera bien meilleure si nous demandons 500 $ au lieu de demander 6 000 $. Je ne sais donc pas —
    Cela ne fera pas de différence.
    Si, il faut faire la demande. Je suggère de partir lundi matin, d'effectuer la visite lundi et de rentrer aussitôt — et non pas de passer une nuit à l'hôtel comme la dernière fois.
    Oui, et c'est que nous cherchons à organiser.
    Madame Faille.

[Français]

    C'est exactement la même chose pour moi. La dernière fois, c'est ce que j'ai fait. Je peux me rendre là le matin et revenir à Ottawa par la suite. Cela n'occasionnera pas de frais additionnels pour le comité.

[Traduction]

    Eh bien, laissez le choix aux membres du comité. Certains voudront y aller à un moment et d'autres à un autre. Ne nous chicanons pas là-dessus.
    Y a-t-il d'autres commentaires?
    Monsieur Siksay.
    Monsieur le président, pourrions-nous avoir l'engagement de tous d'aller voir leurs leaders en Chambre pour demander l'approbation accélérée et urgente du financement pour le déplacement de lundi?
(1310)
    Je suis sûr qu'il n'y a pas d'objection à cela.
    D'accord?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Bien.
    La séance est levée.