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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 007 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 1er juin 2006

[Enregistrement électronique]

(1200)

[Traduction]

    Nous en sommes à la deuxième moitié de notre réunion d'aujourd'hui sur la situation du secteur manufacturier.
    Nous accueillons aujourd'hui trois témoins, dont deux du Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile, nommément M. Peter Kennedy et M. Bill Murnigham. De la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, nous recevons M. Pierre Laliberté, conseiller politique.
    Chacune des organisations aura 10 minutes. Vous pouvez prendre la totalité des 10 minutes ou moins. Nous passerons ensuite immédiatement aux questions.
    Nous tenons à vous remercier au nom du comité d'avoir accepté de témoigner devant nous aujourd'hui.
    Nous allons commencer par le Syndicat des travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile et je cède la parole à M. Kennedy.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de nous donner l'occasion de témoigner devant vous pour vous faire part de nos vues sur les défis auxquels est confronté le secteur manufacturier du Canada.
    Comme vous le savez, je m'appelle Peter Kennedy et je suis l'adjoint au secrétaire-trésorier des TCA.
    Je suis accompagné aujourd'hui de Bill Murnigham, de notre service de recherche. Nous allons nous partager la tâche de faire l'exposé et Bill va commencer.
    Je remercie les membres du comité.

[Français]

    Je présente mes excuses aux membres du comité puisque nous n'avons pas de copies en français de nos présentations. Nous n'avons que des copies en anglais. D'ailleurs, nous n'en avions pas beaucoup avant la préparation de cette rencontre. Je pourrai tout de même répondre à vos questions en français. Malheureusement, pour le moment, nous n'avons que des copies en anglais. Si voulez une copie, on pourra voir à cela après la présentation.

[Traduction]

    Je vous remercie de nous donner l'occasion de faire un exposé devant vous aujourd'hui à un court préavis. Nous sommes très heureux d'avoir été en mesure de venir témoigner.
    Je vais commencer par dire que le secteur manufacturier au Canada demeure une source essentielle d'exportations à valeur ajoutée et de productivité. Votre comité a entendu des témoins, je crois que c'était le 16 mai, représentant un certain nombre d'importants groupes de gens d'affaires, notamment l'Association des manufacturiers et exportateurs du Canada, le Conseil canadien des chefs d'entreprise et d'autres. Ils ont passé en revue un certain nombre d'éléments clés faisant ressortir l'importance du secteur manufacturier pour l'économie canadienne.
    Pour énumérer quelques faits saillants — je ne vais pas repasser tout cela, parce que je suis certain que vous avez été bien informés au cours des réunions précédentes — 2,1 millions de Canadiens gagnent leur vie dans le secteur manufacturier; des expéditions d'une valeur de 610 milliards de dollars viennent du secteur manufacturier canadien; les deux tiers de nos exportations dans une économie de plus en plus mondialisée viennent du secteur manufacturier; le secteur manufacturier représente la principale source de dépenses en R et D dans notre pays.
    Par conséquent, le premier argument que nous voulons présenter d'entrée de jeu est que nous rejetons la notion générale voulant que le Canada soit en train d'élaborer une économie post-industrielle dans laquelle le secteur de la fabrication ne joue plus un rôle central. Nous avons besoin du secteur manufacturier pour créer des investissements, faire croître la productivité et donner aux Canadiens des emplois de qualité. Je pense que vous constaterez que les secteurs qui sont les plus menacés aujourd'hui au Canada sont exactement les mêmes secteurs que tous les pays du monde cherchent activement à attirer chez eux.
    L'autre élément qui n'est pas toujours reconnu mais qui est mis en relief par le secteur de la fabrication, c'est le rôle que ce secteur joue pour injecter dans l'économie des « dollars originaux », si je peux me permettre cette expression, créant à la fois des avantages en amont grâce aux matières premières qui servent à la fabrication et des avantages en aval, c'est-à-dire de bons emplois et de bons chèques de paye qui créent à leur tour d'autres emplois non seulement dans le secteur des services, mais aussi dans le secteur public. Donc, je le répète, le secteur manufacturier joue un rôle crucial dans notre économie.
    Aujourd'hui, les tendances dans le secteur manufacturier canadien sont assurément très négatives. L'explosion des cours des produits de base à l'échelle planétaire, conjuguée à l'appréciation du dollar canadien, a déclenché un virage historique dans notre économie, qui se détourne de la fabrication pour mettre en valeur les secteurs des ressources comme l'énergie et les minéraux. Cette tendance est illustrée par l'un des tableaux qui figurent dans notre présentation, où l'on voit que la plus grande partie de nos exportations de biens consiste de nouveau en produits non traités ou à peine traités dans le secteur des ressources et des minéraux.
    Depuis la Confédération, nous cherchons activement à diversifier notre économie. À bien des égards, aujourd'hui, nous sommes en train de redevenir des coupeurs de bois et des porteurs d'eau. Nous voyons des matières premières non traitées sortir de notre pays en quantités gigantesques, ce qui marque une évolution rétrograde du développement de notre pays. L'important, pour l'économie du Canada et pour notre avenir, c'est de viser sans relâche ce que certains intervenants que vous avez entendus avant nous ont décrit comme un effort pour capter la plus grande partie de la valeur ajoutée dans l'économie. Nous ne voulons pas nous contenter d'exporter du bois et de l'eau, pour ainsi dire.
    La devise canadienne est évidemment l'une des plus grandes inquiétudes dans le secteur manufacturier ces temps-ci. Notre devise a monté en flèche depuis 2002. Durant cette période de trois ans et demi, notre dollar s'est apprécié de 44 p. 100 par rapport au dollar US. C'est évidemment l'appréciation la plus rapide de l'histoire de notre devise. Cela reflète en partie certains événements planétaires comme la montée des cours des produits de base et la faiblesse du dollar américain, mais aussi un certain nombre de facteurs purement canadiens très importants, par exemple la position très ferme de la Banque du Canada dans la lutte contre l'inflation.
    La banque continue d'augmenter les taux d'intérêt, même si l'inflation demeure en deçà de l'objectif visé. Pour beaucoup d'observateurs, un fait assez remarquable ressort de l'évolution de l'économie de ces dernières années, à savoir la disparition du soi-disant lien entre une forte croissance, un chômage faible et des taux d'intérêt bas qui se conjuguent pour alimenter l'inflation. Ce scénario constitue l'hypothèse théorique de base de la Banque du Canada depuis au moins une quinzaine d'années; or l'expérience récente nous apprend que ce n'est pas ainsi que fonctionne l'économie de nos jours. La croissance a été solide, le chômage bas, et l'inflation demeure faible. Nous devrions tous nous pencher sur ce phénomène. La banque livre en fait une bataille mal choisie contre une inflation qui ne se manifeste pas.
    C'est une erreur. La banque soutient que le Canada s'adapte merveilleusement bien au changement. À notre avis, ces gens-là n'ont pas rendu visite à beaucoup de localités manufacturières ces derniers temps. Le secteur manufacturier a supprimé 200 000 emplois depuis le début de l'appréciation et un nombre au moins égal vont disparaître au cours des prochaines années si l'on persiste à appliquer cette approche.
    C'est fascinant, ce discours sur l'adaptation au changement. Bien sûr que les fabricants s'adaptent au changement. Ils s'adaptent au changement en envoyant les emplois ailleurs.
    Je pense que l'un des éléments qui sont camouflés aujourd'hui dans la montée du dollar canadien, c'est que l'on constate que les gens ne sont généralement pas conscients du décalage dans le temps qui existe dans le secteur manufacturier, surtout dans des secteurs à forte valeur ajoutée comme l'automobile et les pièces d'automobile.
(1205)
    Le dollar augmente de 44 p. 100 en une brève période et l'on ne peut pas retirer les machines-outils et les produits d'une usine du jour au lendemain. On prend aujourd'hui les décisions sur les mandats de fabrication des produits pour 2007, 2008 et au-delà. Dans quelques années, on commencera à constater l'impact de ces décisions. Le chômage va monter en flèche et il y aura une baisse de la production. Je le répète, nous ne serions pas étonnés d'assister à une chute spectaculaire dans certains secteurs d'ici quelques années.
    De tous les emplois qui ont été perdus récemment dans le secteur manufacturier, seulement un sur cinq a été compensé par la création de nouveaux emplois dans le secteur des ressources. C'est donc un mythe quand on dit que le secteur manufacturier est en baisse mais que les ressources sont en plein essor, créant ainsi de nouveaux emplois pour tout le monde. Ce n'est certainement pas vrai. Tous les laissés pour compte peuvent seulement espérer un emploi chez Tim Horton ou Wal-Mart, et je dirais que ce n'est pas exactement la nouvelle économie que nous cherchons à bâtir.
    Grâce en grande partie à la ligne dure suivie par la Banque du Canada, notre dollar s'est apprécié davantage que d'autres devises par rapport au dollar US, même si le Canada est beaucoup plus dépendant du marché américain que n'importe quel autre pays du monde. Cela veut dire que nos produits sont moins compétitifs, pas seulement vis-à-vis des producteurs américains, mais de ceux du monde entier.
    Je pense que les membres du comité doivent savoir pertinemment que le dollar canadien a augmenté plus rapidement par rapport au dollar US que l'euro, le yen ou le wan coréen. Pourtant, en même temps, l'économie américaine est beaucoup plus cruciale pour la santé de notre économie.
    Vis-à-vis des producteurs japonais, par exemple, nos produits sont moins compétitifs d'un tiers qu'ils ne l'étaient en 2002. Pourtant, au Japon, le gouvernement et la banque centrale ont géré activement leur devise de manière à préserver la compétitivité de leurs exportations. Si cela fonctionne au Japon, pourquoi pas au Canada?
    C'est vraiment fascinant de passer en revue l'histoire récente de la Banque du Canada. La banque est tout à fait disposée à venir à la rescousse du dollar dès qu'il est considéré trop bas. La question demeure : pourquoi ne pas intervenir quand le dollar augmente trop vite et que sa valeur est trop élevée?
    Je vais maintenant céder la parole à Peter.
    Merci.
(1210)
    L'industrie de l'automobile demeure le secteur d'exportation le plus important du Canada. Chaque jour, 148 000 Canadiens vont travailler dans le secteur de l'automobile. Ils fabriquent plus de 7 000 véhicules chaque jour. Ils produisent 290 millions de dollars de produits. Ils gagnent 26 millions de dollars et payent 6,3 millions de dollars en impôts sur le revenu et fonciers.
    Nous avons eu de bonnes et de mauvaises nouvelles dans ce secteur crucial. Grâce surtout à des mesures proactives prises par les gouvernements fédéral et de l'Ontario, nous avons obtenu au cours des trois dernières années de grands projets d'investissement d'une valeur d'au moins sept milliards de dollars, ce qui est essentiel si nous voulons rester compétitifs.
    Cependant, il y a aussi des tendances négatives troublantes. Le dollar, les problèmes à la frontière canado-américaine, la hausse du prix de l'énergie, et des problèmes structurels chez Ford et General Motors, de loin les plus grandes compagnies d'automobile au Canada, ont malmené ce secteur.
    En dépit de ces annonces d'investissement, le nombre total d'emplois a diminué et, d'après les prévisions, continuera de diminuer au cours des prochaines années. Le secteur de l'assemblage a connu une perte nette de 8 000 emplois depuis le point culminant atteint en 1998. Le secteur des pièces connaît actuellement les pires difficultés, ayant perdu 10 000 emplois depuis 2003, encore une fois surtout à cause de la hausse du dollar. Et ce ne sont pas seulement les vieilles compagnies syndiquées qui sont durement éprouvées. C'est le secteur tout entier qui est durement frappé. Et comme Bill l'a dit, il semble que le pire soit à venir, s'il faut se fier au carnet de commandes, car on ne peut pas enlever l'outillage des usines aussi rapidement que le dollar augmente. À moins qu'on donne un coup de volant très bientôt, on verra au moins 10 000 autres emplois disparaître dans le secteur des pièces d'automobile au cours des prochaines années.
    Nous voudrions aussi attirer votre attention sur une autre question urgente. Au moment même où le secteur manufacturier et le secteur de l'automobile en particulier ont besoin de toute l'aide possible des gouvernements, le gouvernement fédéral travaille sans relâche pour négocier un accord de libre-échange avec la Corée. Nos négociateurs veulent conclure un accord d'ici la fin de l'année, bien qu'aucun grand secteur de l'économie canadienne ne voie le marché coréen comme un débouché intéressant. Beaucoup de secteurs sont contre.
    L'industrie de l'automobile — pas seulement les trois grands, mais aussi Toyota, Honda, le secteur des pièces, et les TCA — a unanimement exprimé son opposition à la conclusion de cet accord. Je pense que le comité a entendu récemment Jason Myers, de Manufacturiers et Exportateurs canadiens, qui a exprimé un point de vue semblable.
    Notre commerce avec la Corée est déjà à sens unique. Depuis la crise financière qui a frappé la Corée en 1997, les exportations de ce pays vers le Canada ont augmenté de 90 p. 100. Ses exportations d'automobiles au Canada ont augmenté au taux ahurissant de 600 p. 100. Pour chaque dollar de produits automobiles que nous vendons en Corée, ce pays en vend pour 150 $ au Canada. C'est une situation manifestement inéquitable qui a déjà éliminé des milliers d'emplois canadiens. Le gouvernement coréen a utilisé les exportations comme source de croissance économique, et nous ne pouvons pas permettre que cette relation à sens unique se poursuive; le libre-échange avec la Corée va empirer les choses.
    Les importations coréennes sont étroitement contrôlées par une série de mesures, y compris des outils macro-économiques, la gestion de la devise, des barrières non tarifaires, et un chauvinisme exacerbé. Personne ne croit sérieusement que nos exportations vers la Corée, qui consistent essentiellement en produits de base, vont augmenter dans un régime de libre-échange, mais la Corée va profiter de l'élimination des droits de douanes dans le contexte de notre marché plus transparent pour accroître sensiblement ses ventes au Canada.
    Une voix: Nous avons dépassé les 10 minutes.
    M. Peter Kennedy: Je vais récapituler et formuler quatre recommandations.
    La première est d'encourager la Banque du Canada à relâcher sa politique des taux d'intérêt pour réduire les pressions à la hausse sur le dollar canadien. Deuxièmement, poursuivre la pratique fédérale récente consistant à offrir un appui aux grands investissements stratégiques dans le secteur de l'automobile au moyen de la participation au Conseil du partenariat pour le secteur canadien de l'automobile, qui a aidé à faciliter cet appui. Troisièmement, travailler avec vos collègues de l'Ontario et vos homologues des États-Unis pour améliorer rapidement l'infrastructure physique à la frontière canado-américaine à Windsor, notamment en construisant dans les plus brefs délais un nouveau passage. Et quatrièmement, se retirer des négociations de libre-échange avec la Corée et chercher plutôt à conclure un accord de commerce équitable, de concert avec les autorités américaines, pour s'assurer que les exportations nord-américaines vers la Corée, y compris dans des secteurs stratégiques comme l'automobile, augmentent proportionnellement à la croissance des exportations coréennes vers l'Amérique du Nord.
(1215)
    Encore une fois, merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue.
    Merci, messieurs.
    Nous allons maintenant entendre M. Laliberté.

[Français]

    Je m'appelle Pierre Laliberté et je suis conseiller politique auprès d'Henri Massé, président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Comme vous le savez, la FTQ représente près d'un demi-million de travailleurs au Québec, dont les deux tiers oeuvrent dans le secteur privé.
    Au nom de la FTQ, je voudrais remercier le comité d'avoir pris l'initiative de tâcher de faire le constat de ce qui se passe dans le secteur manufacturier et d'entamer le débat sur les mesures à adopter, parce qu'il est plus que temps de le faire.
    Il faut dire que le secteur manufacturier au Québec est frappé de plein fouet par une combinaison destructrice de trois facteurs. Le premier est l'augmentation du taux de change, dont on a parlé un peu plus tôt. Il est question de 40 p. 100 d'augmentation en moins de trois ans et demi. Le deuxième est l'augmentation des coûts de l'énergie, et plus particulièrement du carburant, ce qui augmente les coûts d'exploitation. Le troisième est la concurrence extérieure, qui est d'autant plus féroce que nos entreprises sont maintenant handicapées par une devise qui est trop élevée par rapport à sa valeur habituelle.
    Au Québec, environ 600 000 personnes travaillent dans le secteur manufacturier, soit environ 75 000 de moins qu'il y a trois ans et demi. On voit par là les répercussions de ce qui s'est passé depuis que la valeur du dollar a commencé à augmenter. Le Québec compte aussi beaucoup de secteurs dits à risque. On parle ici du secteur des produits de la forêt, du secteur du textile et du vêtement — qui a connu une perte de près de 40 000 emplois —, et de celui du meuble, qui subit également beaucoup de pression dans nos régions. On pourrait poursuivre la lecture de la liste, mais cela résume les points névralgiques.
    On peut se consoler en se disant que la situation pourrait être encore pire. Heureusement, le taux de croissance de l'économie mondiale a été encouragé par des politiques monétaires accommodantes, ce qui sauve la mise. On a entendu des commentaires pertinents à ce sujet un peu plus tôt. Cette demande soutenue pour les biens de consommation assure aussi la demande pour les biens d'investissement et les matières premières dans des pays comme la Chine. L'industrie sidérurgique, qui connaissait des problèmes il y a quelques années, est maintenant en pleine santé. Les firmes transnationales de sidérurgie se battent pour acheter les actifs, alors qu'il y a quelques années, on était dans une situation préoccupante. La situation n'est pas encore catastrophique, mais il s'agit là d'un échafaudage assez précaire.
    La hausse des matières premières et de l'énergie, et l'appréciation du dollar font en sorte que les compagnies sont prises dans un étau. Dans certains secteurs, comme celui de la forêt, c'est encore pire, car on y a subi les séquelles des politiques commerciales américaines et du changement des systèmes d'exploitation de la forêt. Il y a lieu de s'inquiéter.
    Je voudrais faire écho à ce que mon collègue des TCA a dit sur la politique monétaire. J'ai lu le compte rendu de la présentation du gouverneur Dodge, il y a un jour ou deux, et il me semble qu'il parlait un peu comme la reine Marie-Antoinette lorsqu'elle disait de ses sujets : qu'ils mangent du gâteau! Je pense que M. Dodge se lave les mains de ses responsabilités. Bien sûr, la situation n'est pas facile, mais comme on l'a souligné, il s'attaque à un problème qui est plutôt inexistant, globalement. Il est certain qu'on vit une surchauffe régionale en Alberta et dans les régions avoisinantes à cause du secteur pétrolier et du secteur gazier. Toutefois, la politique monétaire canadienne et ses taux d'intérêt élevés ne pourront pas empêcher le boom albertain de continuer et ne pourront pas arrêter la surchauffe. C'est une vue de l'esprit, et cela nous affecte. Non seulement on doit subir l'augmentation du taux de change et l'augmentation du coût de l'énergie, mais en plus on va devoir faire face à l'augmentation des taux d'intérêt. L'étau se resserre autour du secteur manufacturier.
(1220)
    Bien que l'on convienne que David Dodge ne contrôle pas le niveau du dollar canadien, il n'en reste pas moins que les écarts de taux d'intérêt entre les différentes devises sont des facteurs importants. On sait que le marché des changes est basé à 90 p. 100 sur de la spéculation. Il serait souhaitable, au moins, que le gouverneur tente de minimiser ces éléments de spéculation et essaie de s'assurer que, dans son ensemble, l'économie canadienne ou la politique monétaire favorise un climat accommodant pour les restructurations industrielles qui sont en cours et qui font mal à beaucoup de monde.
    D'ailleurs, nous avons déjà entendu le point de vue que M. Dodge a exprimé, car il prévaut dans les cercles de la Banque du Canada. Ces gens ne semblent pas trouver problématique que notre économie se transforme en une économie de porteurs d'eau, comme le disait mon collègue des TCA. Pour eux, si les matières premières valent cher et si les termes des changes s'améliorent à cause de cela, cela signifie que c'est là notre rôle dans l'économie mondiale.
    Pour toutes les raisons qui ont été avancées par les groupes d'employeurs qui ont, je crois bien, souligné l'apport du secteur manufacturier à l'économie canadienne, ainsi que ce que vous venez de dire, il s'agit là, selon nous, d'une attitude irresponsable et j'espère qu'on lui transmettra ce message de toutes les façons possibles.
     Pour nous, de la FTQ, ce qui se passe en ce moment devrait nous faire sortir d'une certaine torpeur. Depuis la fin des années 1980, la politique industrielle au Canada a été de se fier le plus possible au libre marché et de libéraliser le commerce. On espérait, en se croisant les doigts, que de cette façon les entreprises deviendraient plus productives, plus compétitives et que finalement tout cela se traduirait par une augmentation du niveau de vie des travailleurs et travailleuses canadiennes et québécoises. Nous constatons que cela n'a pas tout à fait fonctionné comme prévu. On a été sauvés, ou aidés énormément, par le fait que le dollar canadien a perdu beaucoup de valeur au début des années 1990. Cela nous a permis de profiter de notre proximité du marché qui connaissait alors la plus grande croissance sur la planète, les États-Unis. D'autre part, notre devise était en deçà de sa valeur normale, ce qui nous rendait très compétitifs. Cela nous a donné une marge de manoeuvre, mais malheureusement on constate après tout ce temps que lorsque l'on compare les taux de productivité des économies américaine et canadienne, nous ne sommes pas à la hauteur. Je suis convaincu que vous avez déjà vu tous ces chiffres. Quand on considère le capital investi par travailleur dans le secteur manufacturier, on voit que la proportion de ce qui se fait chez nous représente environ 60 ou 70 p. 100 de ce qui se fait aux États-Unis. C'est la même chose aux chapitres de la formation professionnelle et des investissements en recherche et développement.
    Il y a du rattrapage à faire sur le plan des investissements. Il faut dire aussi qu'au Canada, nous sommes plus portés vers les PME, ce qui demande une attention spéciale. Ne serait-ce qu'à cause de cela, il faut créer des outils pour aider les entreprises et nos régions à se sortir du trou. La complaisance n'était sûrement pas acceptable au cours des années 1990, mais on pouvait s'en tirer. On ne le peut plus maintenant, car tout arrive en même temps. Selon nous, il faut vraiment faire quelque chose.
    Dans tout cela, il y a bien sûr des facteurs internationaux, et le gouvernement fédéral doit s'en occuper. Plutôt que de chercher à libéraliser les marchés de plus en plus, le gouvernement canadien pourrait faire preuve de leadership et essayer de trouver une façon de stabiliser le marché des changes et les marchés financiers, afin de faire en sorte que les devises soient plus conformes à leur valeur réelle.
(1225)
    Prenons l'exemple des États-Unis. Notre dollar devrait valoir entre 82 cents et 85 cents. S'il est plus élevé que cela, on se trouve alors dans une zone carrément dangereuse.
    À ce sujet, je voudrais souligner le fait que la Chine manipule sa devise et en profite pour faire du dumping. Il s'agit d'une politique mercantiliste, et cela est insultant. Au Canada, on accepte cela, comme de bons boy-scouts du commerce international. Les Américains ont fait du bruit sur ce sujet, mais ils ne sont pas allés plus loin. C'est là un beau dérèglement qui, au moment où les grandes multinationales doivent prendre leurs décisions de localisation, fait pencher la table d'un côté plutôt que de l'autre.
    Au Québec, le secteur du vêtement vit une hémorragie. Pas plus tard qu'avant-hier, on entendait que Procycle, en Beauce, et Raleigh, à Waterloo au Québec, allaient fermer leurs portes. Même si le Tribunal canadien du commerce extérieur avait déterminé que des droits supplémentaires de douanes devaient s'appliquer, on a décidé de ne pas adopter de mesures pour s'assurer au moins d'un répit. À mon avis, c'est un élément important. Tant et aussi longtemps que les Canadiens, les Québécois et les travailleurs n'auront pas le sentiment que les termes du commerce international sont loyaux, vous pouvez vous attendre à beaucoup de résistance face à un discours de libéralisation.
    Avant de terminer, j'aimerais parler de mesures qui, à notre avis, pourraient être bénéfiques. Souvent, nous ne sommes pas d'accord avec les organismes patronaux, mais pour une fois, nous sommes d'accord sur une suggestion faite un peu plus tôt par les manufacturiers et les exportateurs. Ils ont parlé d'un amortissement accéléré pour des investissements en équipement et en technologie. Pour nous, ce genre de mesures fiscales est absolument impeccable. Cela aiderait à moderniser nos entreprises au moment même où elles peuvent explorer les marchés étrangers pour acheter des équipements plus performants à moindre coût, ce qui est d'ailleurs un des seuls avantages d'avoir une devise élevée.
    Je m'arrête ici. Vous pouvez me poser des questions.
    Merci.
(1230)

[Traduction]

    Nous allons commencer par M. Holland, qui a six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les délégués d'être venus aujourd'hui.
    J'ai deux ou trois observations.
    Premièrement, nous avons maintenant entendu des représentants de différentes associations et groupes qui sont venus nous parler du secteur manufacturier. Je pense que nous avons bien entendu qu'il y a des faiblesses et des sources d'inquiétude. C'est justement l'une des raisons pour lesquelles le comité a entrepris d'étudier le secteur pour voir comment nous pourrions lui venir en aide.
    Par exemple, je conviens assurément que des problèmes particuliers se posent dans les textiles, dont on a parlé tout à l'heure, et dans l'automobile. Mais il y a d'autres secteurs qui préoccupent notre comité et où il y a manifestement des faiblesses.
    Je signale par ailleurs que certaines délégations — par exemple celle des Manufacturiers et Exportateurs canadiens — nous ont dit que la situation est très bonne dans d'autres secteurs et qu'en fait, il se créera plus d'emplois qu'il n'en disparaîtra dans l'ensemble du secteur manufacturier.
    Pour les fins de notre étude, c'est important de discerner où se situent les faiblesses et ce que nous devrions faire pour y remédier.
    Je suis par ailleurs conscient que l'économie a fait preuve d'une bonne faculté d'adaptation, en particulier le secteur manufacturier. Nous nous en sommes relativement bien tirés, mais on peut se demander combien il est capable d'en prendre. Dans quelle mesure des facteurs comme la hausse du dollar et le ralentissement de l'économie américaine nuisent-ils?
    Je vais poser seulement une question. J'ignore même si c'est possible de la poser, parce que je sais que je n'aurai qu'un tour de parole et que je veux donner à M. Lapierre l'occasion de poser une question.
    C'est assurément possible. Je vais y voir.
    J'en arrive donc à mes questions, parce que j'en ai un certain nombre.
    Je pense que des ententes comme celle de Beacon sont exceptionnelles — j'en parle parce que ça s'est passé dans mon coin de pays — et extrêmement utiles.
    Je m'intéresse à deux aspects en particulier. Je m'adresse à M. Murnigham et aussi à M. Kennedy. Quelle est la nature de ces relations, investissements ou partenariats stratégiques et dans quelle mesure ont-ils aidé le Canada à demeurer compétitif et prospère, plus précisément dans le secteur de la fabrication d'automobiles?
    Deuxièmement, au sujet du dollar, la question de savoir s'il va ou non... Nous avons entendu beaucoup de gens dire que le problème tient non pas tellement à la valeur propre du dollar, mais plutôt à la vitesse à laquelle il s'est apprécié. Je peux imaginer qu'on agisse davantage sur la vitesse d'appréciation que sur la valeur ultime du dollar, parce que d'essayer de fixer la valeur de sa devise à un niveau donné et de maintenir cette valeur, c'est un exercice futile. On peut peut-être par contre prendre certaines mesures pour réduire la vitesse d'appréciation du dollar ou pour ralentir le déclin.
    Je vous invite à commenter ces deux facteurs.
    Je vais traiter de la question des investissements et des projets comme Beacon et tout le reste. Je vais ensuite laisser Bill traiter de la politique monétaire et fiscale.
    Nous avons eu beaucoup de succès. La réalité est que, jusqu'à l'apparition de projets comme Beacon et l'investissement de Ford à Oakville, nous avions affaire à ce qu'on pourrait qualifier... Je ne dirais pas que c'était de la technologie désuète, mais ce n'était certainement pas de la technologie dernier cri. Grâce au projet Beacon et à l'investissement auquel ont participé la province et le gouvernement fédéral dans l'usine Ford d'Oakville, nous avons maintenant des installations de fabrication offrant une plus grande souplesse qui permettront à l'avenir aux fabricants d'automobiles d'être encore plus productifs qu'ils ne l'étaient avant. Je pense que c'est particulièrement frappant dans le cas d'Oshawa, parce que cette usine se situait au premier rang en Amérique du Nord en termes de productivité et de qualité, même en incluant les usines de montage délocalisées.
    Je trouve donc important que le gouvernement soit conscient des avantages d'investir dans les secteurs de l'économie qui ont rapporté des dividendes à l'économie. Comme je l'ai dit, cela nous aide évidemment à rester à jour sur le plan technologique.
    Je vais ajouter quelques observations et je vais aussi répondre à la question que vous avez posée sur le dollar.
    En fait, la liste en est très longue. Évidemment, en plus des projets de Beacon et d'Oakville, nous avons eu l'annonce faite par Toyota, le projet de International Truck, et il y a eu un important fabricant de pièces, Linamar, etc. Ce type d'investissement ciblé est crucial et je pense qu'il y a une importante différence sur le plan des politiques entre un investissement ciblé et une approche éparpillée, par exemple en recourant à des mesures fiscales et tout le reste, dont on n'est jamais vraiment certain de connaître les retombées. Il y a des études qui circulent ces jours-ci, en particulier au gouvernement de l'Ontario, montrant que le coût de tels investissements ciblés est récupéré en impôts en deux ou trois ans, sans compter l'avantage économique additionnel résultant de la poursuite des activités que permet cette aide.
    Je pense qu'il n'y a aucun doute dans l'esprit de quiconque que certains de ces investissements clés n'auraient tout simplement pas pu arriver n'eut été de ces investissements ciblés. Je souscris donc entièrement aux commentaires de Peter quant à l'importance de telles mesures.
    Sur la question du dollar, je pense que vous avez raison sur un point en particulier : la vitesse du rajustement du dollar. Personne ne laisse entendre que le dollar ne devrait pas fluctuer dans une certaine fourchette sur une certaine période, mais c'est le fait qu'il s'apprécie avec une rapidité aussi extraordinaire, ce qui ne donne pas aux gens le temps voulu pour s'adapter et opérer les changements nécessaires.
    Je pense que la mission centrale de la Banque du Canada... L'argument voulant que nous allons tout simplement nous adapter à la valeur du dollar, quelle qu'elle soit, perd un peu de son lustre. Pourquoi pas 1,20 $? Pourquoi pas 1,30 $? À partir de quel point ne s'agit-il plus seulement de s'adapter à un nouveau niveau? Je pense que la Banque du Canada doit assumer davantage la responsabilité de gérer la rapidité du changement et aussi qu'elle doit savoir clairement dans quelle fourchette la valeur du dollar présente le plus d'avantages pour certains secteurs critiques de l'économie.
    Comme mon collègue Pierre l'a dit également, le boom pétrolier ne sera pas affecté de la même manière, dans un sens positif ou négatif, par quelques fluctuations du dollar; cela n'a aucun rapport. Ce boom va se poursuivre selon sa propre dynamique planétaire, peu importe l'évolution du dollar canadien.
    Je pense que cela répond peut-être à certaines de vos questions.
(1235)
    Eh bien, le temps est déjà écoulé, mais je pense que M. Lapierre a une question.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser une question à M. Laliberté. Lorsque vous avez abordé la question des mesures à envisager, vous avez parlé de restructuration industrielle. Selon moi, il faudrait plutôt parler de disparition industrielle. En général, une usine part, on garde un bureau de vente ici et on fait fabriquer le produit en Asie, ou quelque chose de semblable. Dans le domaine du textile et du vêtement, on parle de 40 000 emplois perdus. En ce qui a trait au meuble, même chez les grands détaillants québécois, environ 80 p. 100 des meubles sur le plancher viennent d'ailleurs. Pour ce qui est de l'industrie aérospatiale, je suis aussi inquiet. La série C n'avance pas. On ne garde que nos vieux produits. En ce qui a trait à l'industrie du bois, en plus de tous les malheurs qui l'affligent, elle connaît des réductions des droits de coupe. Même l'industrie pharmaceutique, qui est supposément une grande industrie, connaît beaucoup de pertes d'emplois. Le mot « restructuration » s'applique à l'automobile, mais moins aux secteurs que l'on connaît. Quand on regarde les perspectives qui nous ont été présentées par d'autres témoins un peu plus tôt, on voit qu'on se dirige vers plus de pertes d'emplois. Vous avez manqué de temps et n'avez pas pu nous dire quelles étaient les mesures que vous proposiez. À part les mesures d'amortissement, on n'a pas de politique pour l'industrie aérospatiale et on n'a pas de programme pour appuyer l'industrie du bois. Pourrait-on faire quelque chose de pratique pour essayer d'arrêter l'hémorragie?
    D'une part, chaque secteur a ses problèmes propres. En ce moment, beaucoup de joueurs de l'industrie du bois et du papier — ces deux domaines se recoupent — sont exsangues. On a besoin de ressources pour moderniser plusieurs installations. Celles-ci avaient été modernisées au début des années 1980, vous vous en souvenez sûrement, car il y avait eu une vague de modernisation. Le gouvernement du Québec avait élaboré un programme pour encourager la modernisation. Cela ne se fait pas en ce moment. Les entreprises ont énormément pâti de ce qui s'est passé au cours des dernières années. Des facteurs impondérables, comme les droits de coupe, viennent s'ajouter à tout cela.
    À ce sujet, il faut une marge de manoeuvre afin de pouvoir s'ajuster. Votre gouvernement avait proposé des garanties de prêts, ce qui est encore pertinent. Nous pensons que le gouvernement devrait considérer des formes de participation directe, car il en existe beaucoup. Il pourrait s'agir de subventions directes pour des choses concrètes comme l'achat de nouvel équipement. Ce pourrait être une participation au capital convertible. Au Canada, on pourrait, comme au Québec, utiliser l'argent du Régime de pensions du Canada pour créer des participations, pour aider à la capitalisation des PME, qui ont besoin de capital participatif.
    Vous avez raison. En fait, j'ai soulevé la question de la Chine parce que c'est un cas exemplaire, mais il n'y a pas que la Chine. On voit qu'on a besoin d'un gouvernement qui aille au front et nous défende, et qui démontre qu'il n'a pas peur. Si on a besoin de mesures de sauvegarde pendant trois ans, qu'on le fasse; qu'on protège nos secteurs le temps qu'il faudra. Les autres le font. Pourquoi se priver de le faire?
    Vous connaissez la Beauce. Procycle est là depuis des années et, à tout bout de champ, on réussit tant bien que mal à faire imposer ces droits de douane qui leur donnent un peu de répit. À l'heure actuelle, le gouvernement a décidé que ce n'était pas pertinent. Je me demande bien pourquoi. Ils pourront peut-être s'expliquer là-dessus.
    Je pense également qu'il existe une problématique qui...
(1240)

[Traduction]

    Il nous reste environ 15 minutes. Au moins trois autres députés veulent poser des questions. Le temps pris par un témoin est imputé au temps de parole du député, de sorte que le temps que vous prenez pour répondre réduit d'autant le temps de parole d'un député.
    Nous avons M. Malo, M. Van Kesteren et Mme Chow.
    Pourrait-on essayer de poser des questions brèves et de donner des réponses brèves? Merci.
    Monsieur Malo.

[Français]

    Messieurs, je vous remercie d'être ici ce matin.
    Tout à l'heure, vous disiez qu'on voit maintenant les répercussions de la politique monétaire de la Banque du Canada, mais qu'on pourrait les sentir à plus long terme. Vous sembliez même dire qu'il était peut-être trop tard. J'aimerais que vous nous donniez plus de détails à ce sujet, en nous disant pourquoi il peut être trop tard et ce qui pourrait être fait maintenant pour renverser cette tendance.
    Prenons l'exemple de la banque des commandes dans le secteur des pièces. Hier, nous avons eu une réunion avec les gens de l'Automotive Parts Manufacturers' Association. Ils ont souligné qu'il y avait de nouvelles recherches précisément sur le type de banques de membres dans ce secteur et sur les investissements. Il s'agit d'un point clé pour analyser l'impact de l'augmentation de la valeur du dollar. À mon avis, il n'est pas trop tard pour changer les choses, car tout ne nous a pas échappé, mais cela prend du temps.
    Pour M. Dodge et les autres, tout est beau dans l'économie, tout est parfait et cela fonctionne bien, même avec la valeur actuelle du dollar. Ce n'est pas vraiment la façon dont les choses fonctionnent dans les secteurs clés. C'est le point que je voulais soulever.
    Monsieur Laliberté, vous sembliez vouloir proposer quelques pistes de solutions et mettre de l'avant quelques avenues pour le gouvernement, notamment afin d'augmenter la productivité des entreprises. Comme vous le savez, on ne pourra mettre un terme à la mondialisation et aux échanges commerciaux. Quelles pistes de solutions souhaitez-vous proposer?
    Il n'y a pas de solution magique. Il faut vivre avec la réalité que l'on a. Comme je le disais, il y a la faune et la flore du secteur de la fabrication. C'est sûr qu'il y a les géants comme les grands de l'automobile, mais il y a beaucoup de petites et moyennes entreprises qui sont souvent mal équipées pour faire face à des chocs comme ceux qu'on connaît. Il faut tenir compte de cela.
    On ne mettra certainement pas des murs autour du Canada. Cependant, il faut prendre des mesures de sauvegarde pendant quelques années pour protéger les secteurs qui sont en transition. On est censé prendre des mesures de sauvegarde sur le plan commercial quand il y a un choc, c'est-à-dire quand il y a pénétration importante des importations, pour quelque raison que ce soit. Si ces raisons n'existent pas dans les secteurs du vêtement, du meuble, des biens de consommation, des équipements sportifs ou dans n'importe quel autre secteur, je me demande bien quand on les invoquera. C'est pourquoi je suis désolé d'apprendre que le gouvernement ne va pas intervenir dans ce dossier.
    Il faut donc créer des structures. Nous pensons que c'est ainsi que cela va devrait être. Il y a des comités sectoriels sur la formation de la main-d'oeuvre qui cherchent des pistes de solutions pour pallier la pénurie de main-d'oeuvre spécialisée dans certains domaines.
    Il y a aussi des programmes. Par exemple, il y a le Programme d'assistance de recherche industrielle du Conseil national de recherches Canada qui a une expertise. Ce ne sont pas toutes les entreprises qui peuvent se payer des ingénieurs pour des choses bien précises.
    Pourquoi ne pas investir des ressources dans des secteurs donnés? Pourquoi ne pas avoir de ressources techniques expertes pour donner, à un coût raisonnable, des avis afin de permettre à ces entreprises de se moderniser pour pouvoir continuer à fonctionner?
    Il existe de telles avenues, mais nous devons avoir la volonté d'entraîner tout le monde ensemble. Au Canada, on ne fait pas cela. Malheureusement, on a laissé toutes les industries à elles-mêmes. Par exemple, M. Lapierre faisait mention de l'aérospatiale, qui est un beau cas. Nous sommes l'un des quatre premiers pays au monde dans cette industrie. Pourtant, on ne prend pas les mesures nécessaires pour continuer d'assumer ce leadership.
(1245)
    Enfin, j'aimerais savoir si le Canada peut faire quelque chose pour aider les fabricants de vélos à survivre. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
    La seule chose qu'il y aurait à faire serait d'accepter les mesures suggérées par le Tribunal canadien du commerce extérieur. Ce serait déjà un bon début.
    Par ailleurs, on sait que les vélos vendus au Canada comportent une valeur ajoutée. Bien que les travailleurs de ce secteur ne gagnent souvent que 12 $ ou 13 $ de l'heure, on ne peut pas prétendre faire concurrence à ceux dont le salaire horaire est de 60 ¢. Dans ce sens, il faut aider les entreprises à développer de nouveaux créneaux, c'est sûr. Je crois que cela s'inscrit dans l'ordre des choses. Il est possible de garder ces emplois, mais il faut évoluer.
     Je voudrais parler brièvement des travailleurs âgés, qui sont en quelque sorte prisonniers de cette dynamique. Souvent, dans ces secteurs, surtout en région, on ne peut pas se recycler. Lorsqu'on est âgé de 55 ans et qu'on a travaillé 30 ans au même endroit, la situation n'est pas évidente. Il existait auparavant des programmes, entre autres le fameux Programme d'adaptation des travailleurs âgés, ou PATA. Or, il n'existe plus.
     On demande aux travailleurs d'embrasser le libre-échange et tout ce qui vient avec, mais on ne leur donne pas les outils qui leur permettraient de s'adapter lorsqu'ils subissent des coups durs.

[Traduction]

    Bien.
    Nous entendrons maintenant M. Van Kesteren.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, de participer à nos audiences.
    Je peux attester ce que vous avez dit tout à l'heure, Bill, au sujet de certaines mesures incitatives du gouvernement qui ont donné de bons résultats. Ma circonscription est celle de Chatham—Kent—Essex, et nous y fabriquons de bons camions. En fait, nous fabriquons 200 camions par jour. Nous avons presque perdu cette industrie. Et en offrant des mesures incitatives et en travaillant de concert avec le syndicat...
    Une voix: C'était le gouvernement libéral.
    M. Dave Van Kesteren: Oui. Je pense que tout le monde reconnaissait que c'était de l'argent dépensé à bon escient, et le résultat a été à la hauteur.
    Quoi qu'il en soit, je suis dans le domaine des voitures et je constate la concurrence que les Japonais ont injectée dans ce secteur. Quand je songe aux années 1970, à l'époque où nous fabriquions du fer — on parlait de fer à cette époque — et que je compare avec ce qui se fait aujourd'hui, je constate toute l'innovation. Je vois la technologie qui a été implantée en grande partie grâce aux Japonais. Cela a forcé les Nord-Américains à produire une meilleure voiture. En fin de compte, c'est le consommateur qui en est avantagé.
    Voici ma question. Si je considère le sud-ouest de l'Ontario — j'habite tout près de la 401 et je vois un défilé constant de camions remplis à ras bord d'articles à destination des États-Unis — je crois vraiment que nous fabriquons un bon produit. Pour une raison quelconque, les fabricants d'automobiles aiment bien l'Amérique du Nord.
    On me reprendra si je me trompe, mais la productivité n'est-elle pas maintenant le point fort des Asiatiques, de Toyota et de Honda? Ne produisent-ils pas aujourd'hui autant de voitures que nous en fabriquions à une certaine époque? Et devrions-nous avoir peur de cette concurrence qui, en définitive, donne un meilleur produit aux consommateurs?
    Je n'ai pas beaucoup de temps et je ne veux pas l'utiliser en entier pour mon introduction, mais cela m'amène aux Coréens, et je conviens qu'à l'heure actuelle, cela ne semble pas... Je suis d'accord avec vous : c'est à sens unique. Mais n'est-il pas possible, si nous ouvrons nos marchés, que les Coréens soient obligés de commencer à fabriquer leurs produits chez nous? Je dirais que c'est ce qui se passerait, parce que leur usine à...
    Un dernier mot là-dessus. Je songe à l'exemple de la Grande-Bretagne, qui a refusé pendant tellement d'années d'ouvrir les yeux sur les problèmes de son industrie automobile. Ford a acheté Jaguar de British Leyland, BMW a acheté la Mini, etc. Il n'en reste plus rien, et tout cela parce qu'ils n'ont pas laissé les forces du marché évoluer librement chez eux. Je me trompe peut-être, mais c'est un gouvernement protectionniste qui a essayé de sauver le secteur à cette époque et le résultat, au bout du compte, a été l'anéantissement total.
    Ne sommes-nous pas capables de fabriquer de bonnes voitures? N'avons-nous pas toutes les possibilités? Ne pouvons-nous pas laisser le libre marché permettre que cela se produise? Et, en fin de compte, ne produirons-nous pas plus de voitures et n'aurons-nous pas un meilleur produit?
(1250)
    Eh bien, c'est vrai que nous fabriquons de bonnes voitures. La qualité et la productivité des usines canadiennes d'assemblage d'automobiles sont indéniables, et il n'y a aucun doute que la pénétration du marché par les producteurs japonais a forcé les fabricants nord-américains à accorder une attention beaucoup plus soutenue au design, à la qualité et à l'ajustage.
    Mais ils débarquent sur notre marché en disposant d'avantages qui sont exactement le contraire de la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui. On parle de la valeur du dollar canadien. Eh bien, le gouvernement japonais contrôle la valeur du yen depuis des décennies. Ils ont été en mesure de vendre une grande quantité de véhicules sur notre marché grâce au très net avantage dont ils disposaient en termes de la valeur de leur devise.
    Si l'on met cela de côté, on ne peut que constater que notre production d'automobiles est en déclin; la production au Canada a atteint un sommet en 1998, mais il est notoire que nous fabriquons plus de véhicules destinés à l'exportation, surtout aux États-Unis, que nous n'en fabriquons pour vendre ici au Canada.
    Pour revenir à votre argument de base, à savoir que nous pouvons fabriquer un véhicule de bonne qualité, je pense que c'est incontestable. Si vous jetez un coup d'oeil aux prix décernés par J.D. Power et aux études Harbour, vous constaterez qu'Oshawa est un exemple éclatant et vient au premier rang à la fois pour la qualité et la productivité en Amérique du Nord, même en incluant les producteurs étrangers, les usines de montage délocalisées.
    Pour revenir là-dessus, les travailleurs canadiens ont prouvé leur valeur, non seulement pour les trois grands fabricants traditionnels, mais aussi pour Toyota, qui a choisi l'Ontario pour y implanter sa nouvelle usine. Cela démontre hors de tout doute que, bien sûr, nous sommes capables de fabriquer de bonnes voitures — en fait, parmi les meilleures au monde.
    J'ajouterais qu'il y a parfois un débat sur la nationalité du producteur local. Cette question ne s'est jamais posée au Canada, pays qui n'a jamais eu d'industrie nationale de l'automobile. Nous avons eu une industrie américaine et nous avons maintenant une industrie qui est à la fois américaine, allemande et japonaise.
    Il est certain qu'il est possible de fabriquer des véhicules japonais ici et de les vendre au Canada dans un marché libre, mais le problème est que le marché n'est pas libre. L'Amérique du Nord a le plus fort taux de pénétration de tous les grands marchés de l'automobile du monde. Plus de 20 p. 100 des véhicules vendus en Amérique du Nord sont fabriqués à l'extérieur de l'Amérique du Nord, et cela comprend le Mexique. Au Japon, ce taux est de 5 p. 100 et en Corée, moins de 1 p. 100 des véhicules vendus dans ce pays sont fabriqués à l'étranger. Encore une fois, je pense que la question ne se pose pas : les consommateurs japonais aimeraient à mon avis acheter des véhicules fabriqués en Amérique du Nord, mais on ne le leur a pas permis. C'est ainsi que les choses se sont passées. En fait, les fabricants d'automobiles ont essentiellement renoncé à cette stratégie.
    La question ne se pose donc pas. Il est certain que le commerce mondial peut aider à accroître la productivité et l'innovation dans une industrie, mais la question qu'un pays doit se poser est celle-ci : que faut-il faire pour équilibrer les échanges commerciaux à l'avantage de l'économie nationale? Évidemment, des emplois sont en jeu, des emplois pour notre pays. Je pense donc que c'est un élément de l'équation.
    Au sujet de l'avenir et de la question de savoir si nous allons fabriquer autant de voitures à l'avenir, d'après les dernières prévisions, en dépit des annonces que nous avons vues, nous aurons une baisse nette d'environ 7 p. 100 de la production d'automobiles d'ici 2012. Une proportion beaucoup plus forte de ces véhicules seront assemblés dans des usines locales d'entreprises étrangères — Honda, Toyota et peut-être d'autres — qui, encore aujourd'hui, achètent beaucoup moins de pièces locales, de sorte que le nombre d'emplois va diminuer.
(1255)
    On nous a présenté des statistiques, notamment sur notre productivité comparée à celle des États-Unis. Je suis perplexe. Que s'est-il passé entre 2000 et 2005, quand nous avons baissé... en fait, ce n'est pas tellement que notre productivité a baissé, c'est plutôt la leur qui a augmenté. Ils ont connu une forte hausse tandis que nous avons subi une forte baisse.
    Pouvez-vous commenter cela?
    Je connais des chiffres globaux pour l'ensemble de l'économie; nous y reviendrons peut-être dans un instant. Dans le secteur de l'automobile, si l'on prend des chiffres globaux tirés des comptes nationaux des pays, etc., c'est un peu abstrait.
    L'une des études les plus détaillées qui existent sur la productivité dans le secteur de l'automobile, c'est la série d'études de Harbour. Ils ont envoyé une armée de gens dans toutes les usines d'automobiles du monde entier pour mesurer tous les bidules, compter le nombre de personnes qui s'y trouvent et calculer combien de temps il faut pour faire chaque geste, depuis se brosser les dents jusqu'à enfoncer une vis. Dans leur étude, qui est la bible de l'industrie, les usines canadiennes arrivent au premier rang, non pas au Canada, non pas en Amérique du Nord, mais dans le monde entier. Je pense que l'usine d'Oshawa se situait à un peu moins de 17 heures par véhicule et cela en faisait probablement l'usine la plus productive sur la planète.
    On constate donc des tendances contradictoires. Vous voyez des chiffres globaux qui nous disent que la productivité du Canada par rapport à celle des Américains est peut-être en baisse. Cela a peut-être à voir avec des investissements dans d'autres secteurs. Dans le secteur de l'automobile, cela n'est guère avéré. Quant aux raisons qui expliquent ces chiffres généraux pour le Canada, je réitère ce que mon collègue a dit, que l'on pourrait peut-être inverser en partie cette tendance en trouvant des manières proactives d'appuyer des investissements dans la nouvelle technologie de fabrication et dans d'autres secteurs. Mais encore une fois, globalement et historiquement, la productivité du Canada augmente. Peut-être que celle des États-Unis augmente encore plus rapidement.
    Nous allons passer à Mme Chow.
    ): Nous savons que la hausse du coût de l'énergie est un problème. Que pensez-vous de la problématique du réseau intégré est-ouest, de la construction d'un tel réseau? Deuxièmement, devrions-nous investir dans la fabrication de sources d'énergie de rechange, qu'il s'agisse de panneaux solaires, d'éoliennes, de voitures moins énergivores, etc., et dans l'affirmative, comment? En particulier pour exporter en Inde et en Chine, parce qu'ils ont besoin eux aussi de ces sources d'énergie.
    Que pensez-vous d'un réseau électrique est-ouest et de ce type d'investissement?
    Vous soulevez une question intéressante, parce qu'il est clair qu'une manière d'atténuer le problème est d'être moins dépendant et d'utiliser moins d'énergie par unité de production. À ce chapitre, il y a beaucoup de place pour des mesures gouvernementales fournissant des encouragements et de l'expertise, dans la mesure où cela peut se faire, pour permettre aux producteurs industriels de devenir plus efficients. Absolument tout le monde y serait gagnant. En fait, la conjoncture est justement propice à de telles initiatives.
    Au sujet du réseau est-ouest, ce que je trouve renversant, c'est que le Canada est un pays riche en énergie, mais que nous n'avons pas de politique de l'énergie. Nos voisins du Sud ont besoin d'énergie et ils ont une politique de l'énergie qui est essentiellement fondée en grande partie sur ce que nous pouvons leur envoyer. J'ai trouvé amusant d'entendre en fin de semaine dernière le premier ministre du Québec se vanter en disant : « Nous aussi, nous pouvons être des gagnants. Nous allons exporter de l'hydroélectricité ». Nous aussi, nous pouvons exporter de l'énergie aux États-Unis.
    Pourquoi diable voudrait-on envoyer à nos concurrents au sud de la frontière une richesse qui pourrait être à la source d'un avantage comparatif? Bien sûr qu'on peut en tirer des revenus, mais il n'y a par contre aucune valeur ajoutée. Au Québec, le secteur de l'aluminium consomme beaucoup d'énergie, mais il crée de bons emplois; il suscite des retombées industrielles.
    Nous devons commencer à rassembler tous ces éléments épars. Il est certain que le réseau intégré ne devrait pas se limiter à l'électricité. Un réseau électrique, c'est bien, mais on pourrait en faire autant pour le gaz, le pétrole et tout le reste. Nous devons commencer à voir cette problématique selon un angle d'approche mettant le Canada en premier, en nous tournant vers l'avenir et en songeant à tous les avantages que nous pourrions en tirer. Au sujet du gaz, nous allons utiliser du gaz pour extraire du pétrole des sables bitumineux. Nous pourrions tirer du gaz beaucoup d'autres produits dérivés.
    Cela exige un certain leadership, une gestion, une intendance des ressources. Au Québec, vous pouvez parier votre chemise que si quelqu'un propose d'envoyer l'électricité en Ontario plutôt qu'aux États-Unis, cette idée va se buter à une certaine résistance. Par contre, on pourrait rassembler tous les éléments et décréter : « Tout le monde va y trouver son compte, il y aura du pétrole pour vous aussi ».
    Nous avons les éléments de base qui nous permettraient d'avoir une politique tout à fait productive et tournée vers l'avenir, mais nous n'en avons pas parce que nous sommes au Canada.
(1300)
    Je vous remercie pour cette question importante.
    Sur la question d'un réseau électrique est-ouest, je souscris jusqu'à un certain point à ce qu'a dit mon collègue Pierre. Cela devient une question de souveraineté énergétique, de souveraineté des deux nations au sein de la Confédération canadienne. C'est très important que l'on ne permette pas que nos ressources soient dominées par une autre nation. Nous discutons du secteur de la fabrication. Cet aspect prendra de l'importance à l'avenir.
    Pourquoi ne pouvons-nous pas envisager une politique nationale de l'énergie dans laquelle nos ressources naturelles serviraient à bâtir l'économie, au lieu de continuer d'envoyer toutes nos ressources au sud de la frontière? Pourquoi ne pas les utiliser pour en tirer le maximum d'avantages, pour édifier une économie solide?
    Sur la question des énergies de remplacement, je peux vous parler de la voiture verte et des derniers développements dans le secteur de l'automobile. Je ne peux pas comprendre pourquoi le Canada et tous ses dirigeants ne voient pas que le Canada a une belle occasion de se placer à l'avant-garde de cette technologie, en espérant qu'il ne soit pas quasiment trop tard dans certains domaines. Je ne sais pas. Si le monde doit se tourner vers l'énergie éolienne, pourquoi le Canada ne se positionnerait-il pas pour devenir le plus grand fabricant de turbines, si nous devons trouver de nouvelles sources d'énergie de remplacement?
    Nonobstant le fait que nous avons parmi les plus grandes usines de fabrication de moteurs au monde, pourquoi ne pas nous assurer d'être à l'avant-garde de ces nouvelles technologies? Si le monde doit adopter les moteurs hybrides ou quelqu'autre technique nouvelle dans le domaine de l'automobile, pourquoi ne pas être des chefs de file dans ce secteur?
    Je pense qu'il faut savoir manoeuvrer. Le marché lui-même ne va pas nécessairement répartir tout cela d'une manière qui sera favorable au Canada. Il faut que les gouvernements fassent preuve d'initiative et interviennent pour s'assurer que nous en profitions. Ce serait une belle occasion ratée. Nous en avons fait l'expérience.
    Les matériaux légers représentent un créneau particulier du secteur de l'automobile. Nous sommes bien placés au Canada parce que nous avons un secteur de l'aluminium et, en même temps, nous avons une expertise de la fabrication secondaire dans le secteur des pièces automobiles et de l'aérospatiale. Il faut que quelqu'un donne un coup de pouce pour opérer la jonction et s'assurer que le Canada récolte les avantages de ce changement dans l'économie.
    Merci.
    Merci, madame Chow.
    Je sais que nous vous retenons plus longtemps que prévu. M. Fontana a demandé de poser une très brève question. Je n'ai jamais entendu M. Fontana poser une très brève question, mais je suis disposé à tenter l'expérience.
    Je me rends compte que le temps est écoulé, chers collègues et monsieur le président.
    Je suis d'accord avec 90 p. 100 de ce que vous avez dit. C'est très réfléchi; nous devrions envisager d'établir une politique de l'énergie et une politique industrielle qui englobe bon nombre d'éléments que vous avez énumérés. Maintenant que le travail a été amorcé, j'espère que notre comité saura trouver une certaine valeur dans des occasions de ce genre qui se présentent pour l'économie canadienne.
    J'ai une question sur le secteur de l'automobile. Il est très compétitif. Je pense que nous sommes les meilleurs au monde. En fait, nous pourrions examiner le coût de production chez nous. Pourrions-nous exporter davantage au Japon et ailleurs? Je suis écoeuré que nous soyons les seuls à laisser tout le monde entrer, alors que dès que nous essayons de faire entrer un produit canadien au Japon ou n'importe où ailleurs, on nous en empêche — peut-être pas par des droits de douane, mais par des barrières non tarifaires qui interdisent aux Japonais d'acheter de bonnes voitures fabriquées au Canada. Je sais qu'ils veulent le faire. La Corée en est un bon exemple.
    Je pense que nous devrions tenir notre bout et dire que nous aurons la réciprocité ou bien vous n'aurez rien. En bout de ligne, je pense que c'est important, parce qu'ils veulent accéder à ce riche marché de 350 milliards de dollars de l'Amérique du Nord. Je pense que nous devons appliquer les freins et leur dire que nous allons commencer par vendre nos produits, après quoi nous réfléchirons à l'opportunité d'ouvrir totalement notre marché.
    Si nous voulons continuer d'être les plus compétitifs au monde dans le secteur de l'automobile, je sais que sur le plan des ressources humaines, dans sept à dix ans, de 30 à 40 p. 100 de notre main-d'oeuvre aura pris sa retraite, mais la Chambre de commerce et beaucoup d'autres intervenants nous ont dit que nous aurons beau discuter de capitaux ou de technologie, il n'en demeure pas moins que nous devons discuter de ressources humaines dans notre pays.
    À votre avis, que devons-nous faire pour nous assurer de demeurer compétitifs en pouvant compter sur les gens et les habiletés dont nous avons besoin à l'avenir?
(1305)
    Ce que je trouve le plus frustrant, c'est d'entendre constamment cette phrase toute faite, quand les gens vous disent que leurs employés sont leur ressource numéro un. Vous avez entendu aujourd'hui des intervenants vous dire que nous traversons actuellement une crise, pas seulement pour les métiers spécialisés, mais aussi certains métiers semi-spécialisés. Depuis que je m'intéresse au marché du travail, et cela remonte à 1972, j'ai toujours entendu exactement les mêmes arguments.
    Il me semble que tous les gouvernements, au cours de toutes ces années, ont adopté des approches différentes en essayant de résoudre un problème fondamental. Je ne pense pas que ce soit faute d'avoir essayé, mais je suis convaincu que les efforts ont peut-être été trop éparpillés.
    L'une des recommandations que nous avons faites ici même aujourd'hui est de continuer d'être membres du Conseil du partenariat pour le secteur canadien de l'automobile. On a mentionné l'aérospatiale et nous avons mis sur pied un exercice semblable dans le domaine des partenariats canadiens de l'aérospatiale, qui a permis aux intervenants du secteur de rassembler leurs forces pour s'attaquer à ces mêmes problèmes. Je pense que c'est important de poursuivre sur cette lancée. Mais tant que nous ne serons pas disposés à mettre de l'argent sur la table pour assurer une formation légitime, je crains que nous sommes condamnés à en discuter encore dans les mêmes termes dans 30 ans. Il faut absolument un engagement catégorique pour ce qui est de financer des programmes légitimes de formation en ligne.
    Je peux ajouter à cela. On dirait que chacun veut des travailleurs formés et qualifiés, mais que personne n'est vraiment disposé à aller de l'avant et à financer la formation d'un réservoir de travailleurs qualifiés, si vous voyez ce que je veux dire. Et quand on a besoin d'eux, on n'en trouve pas. Par ailleurs, nous avons un problème de discontinuité entre le système scolaire et les métiers.
    Au Québec, on constate de plus en plus que la formation spécialisée se fait parallèlement au système scolaire. On se trouve essentiellement à forcer le réseau scolaire à s'adapter, parce que, comme vous le savez, c'est en grande partie un problème de titres de compétence. Tant et aussi longtemps que le système scolaire ne reconnaît pas les compétences que les gens acquièrent sur le tas et que l'on ne trouvera pas le moyen d'assurer cette transition, et tant que nous ne trouverons pas le moyen de libérer les gens de la ligne de montage pour qu'ils aillent acquérir de la formation, nous continuerons de subir ce problème.
    C'est en grande partie une question de ressources. Il n'y a aucune raison que ces ressources ne viennent pas des trois sources que nous connaissons : la compagnie elle-même, le gouvernement et la personne qui reçoit la formation. Je partage votre frustration. Il me semble que j'entends les mêmes arguments depuis 20 ans. Le temps est peut-être venu de passer à l'action, étant donné que les besoins sont criants, mais beaucoup de suggestions et de recommandations sont formulées.
(1310)
    Nous avions quelque 3,5 milliards de dollars sur la table pour la formation. J'ose croire que le gouvernement du Canada et peut-être le comité de l'industrie voudront se pencher sur la question.
    Je suis un éternel optimiste.
    M. Malo a demandé de poser une brève question supplémentaire.
    Encore une fois, nous vous retenons contre votre gré. Accepteriez-vous encore une brève question?

[Français]

    Il y a des gens autour de cette table qui ont proposé qu'un certain montant d'argent provenant de la caisse d'assurance-emploi soit utilisé pour améliorer les programmes de formation.
    Qu'en pensez-vous?
    Le CTC a fait cette proposition il y a au moins cinq ans.
    Au fond, nous avons constaté que les travailleurs et travailleuses voulaient avoir accès à la formation, mais que cela n'était pas évident. Pourquoi accepteraient-ils de consacrer trois mois, six mois ou un an pour se perfectionner, alors qu'ils doivent nourrir leur famille et qu'il n'y a pas nécessairement de débouchés? Il règne toujours une incertitude.
    Par conséquent, selon nous, l'assurance-emploi devient un mécanisme naturel pour motiver les gens. De fait, il existe déjà des congés pour plusieurs motifs. Donc, pourquoi ne pas envisager la création, à l'intérieur du système d'assurance-emploi, d'un congé de formation auquel les travailleurs auraient droit après avoir contribué pendant un minimum d'années? En tout cas, on pourrait trouver une formule qui corresponde à cela. Nous avons calculé que chaque travailleur pourrait accumuler une banque de congés de formation qu'il pourrait utiliser pour son cheminement personnel.
    Également, l'employeur pourrait mettre cette banque à contribution en offrant des possibilités de formation aux travailleurs qui bénéficieraient en même temps d'un revenu payé par l'assurance-emploi. En pareil cas, l'employeur pourrait peut-être renchérir en accordant un avantage complémentaire, comme on le fait dans le cas de l'assurance-santé et des congés de maternité.
    Cette formule aurait donc l'avantage de fournir de la flexibilité. En outre, on pourrait donner des outils aux travailleurs qui, parfois, n'ont pas nécessairement la marge de manoeuvre pour assumer eux-mêmes leur formation professionnelle.
    Je pense que le gouvernement précédent commençait à faire preuve de compréhension vis-à-vis de cette question, mais cela n'a pas été très loin. Nous espérons obtenir plus d'intérêt de la part du nouveau gouvernement, compte tenu des besoins qui sont évidents maintenant. Voilà certes une bonne façon d'utiliser un outil existant, que l'on peut équiper de nouveaux accessoires.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup pour vos exposés. Merci d'être restés pendant un certain temps supplémentaire; nous vous en sommes vraiment reconnaissants.
    Si vous avez quoi que ce soit d'autre... Je sais que vous avez tous les deux remis le texte de vos mémoires; on les fera traduire et distribuer à tous les membres du comité.
    Merci.
    La séance est levée.