Bonsoir à vous tous et bienvenue à cette 55e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale en ce mardi 15 février 2011.
Nous en sommes à notre deuxième réunion aujourd'hui. Nous nous sommes réunis tôt ce matin, et il est prévu que la séance de ce soir dure environ quatre heures.
En ma qualité de président, je tiens à féliciter les membres du comité et l'ensemble de notre personnel. Ces derniers sont très dévoués et travaillent fort au profit de tous les Canadiens.
Ce soir nous examinons le projet de loi Nous comptons faire grandement progresser ce soir notre étude du projet de loi. Les membres du comité voudront également remercier les nombreux témoins qui sont parmi nous ce soir, et je me permets d'ajouter à ce sujet que les Canadiens seront très heureux de savoir que cet excellent groupe de témoins a accepté de comparaître, malgré le peu de préavis qui lui a été donné. Chacun d'entre vous a accepté notre invitation et je tiens à vous dire que le comité vous en est très reconnaissant et vous en remercie.
Nous aurons amplement le temps d'entendre les remarques liminaires de chacun d'entre vous qui désire en faire et de vous poser des questions aussi.
Je crois comprendre, à moins que le greffier ne vous ait dit autre chose dans l'invitation, que nous allons essayer de vous limiter à un maximum de cinq à sept minutes chacun pour vos exposés liminaires. Je vous demande donc d'être aussi concis que possible. Vous verrez que le président est tout de même assez souple; donc, si vous dépassez un peu le temps qui vous est imparti, on ne vous accusera pas nécessairement d'avoir commis un acte criminel, mais nous ne souhaitons pas non plus que vos déclarations soient trop longues.
Monsieur Holland, vous avez la parole.
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À mon avis, c'est une approche qui pose problème. Si chacun fait son exposé, nous aurons à ce moment-là une bonne idée de ce qu'il convient de faire; je pourrais toujours donner un peu plus de temps si vous voulez poser d'autres questions, mais si, après avoir entendu le premier groupe de témoins, un témoin qui fait partie du deuxième groupe vous permet de comprendre que vous auriez aimé demander un éclaircissement à ceux qui étaient là précédemment, vous avez un problème.
Donc, à moins qu'on ne conteste ma décision, je préfère qu'on s'en tienne à la méthode prévue. Comme c'est une décision qui relève du président, je pense que nous devrions tout simplement continuer selon ce qui était prévu.
Nous accueillons ce soir à titre personnel Pierre Gravel, Jackie Naltchayan — vous m'excuserez si je prononce mal vos noms — et Ali Reza Pedram. De l'Association des avocats et avocates en droit carcéral du Québec, nous accueillons Steven Fineberg, président, et Jacinthe Lanctôt, vice-présidente. Et du Bureau de l'enquêteur correctionnel, nous accueillons Howard Sapers, enquêteur correctionnel, et Ivan Zinger, directeur exécutif et avocat général.
Ensuite, de l'Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry, nous accueillons Kim Pate, directrice générale, et du ministère de la Santé publique et de la Protection civile, Mary Campbell, directrice générale, Direction générale des affaires correctionnelles et de la justice pénale. Elle s'est déjà retirée et se joindra à nous de nouveau pour l'étude article par article du projet de loi.
De la Société John Howard du Canada, nous accueillons Ed McIsaac, directeur de la politique. Certaines personnes sont assises sur le côté. Il s'agit des représentants du Conseil des Églises pour la justice et la criminologie, soit Lorraine Berzins, titulaire de la chaire de réflexion communautaire de la justice, et de Richard Haughian, vice-président.
Bienvenue à vous tous.
Vous avez la parole, monsieur Davies.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de l'invitation à comparaître ce soir, et d'avoir reconnu les difficultés que le peu de préavis que nous avons reçu a pu nous causer.
Je représente ce soir l'Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry. Je regrette d'avoir à vous dire que, en raison du peu de préavis qui a été donné, il m'a été impossible de me faire accompagner d'un membre de notre conseil d'administration; nos administrateurs se trouvent dans toutes les régions du pays.
Comme bon nombre des membres du comité le savent certainement, nous représentons d'un bout à l'autre du pays 26 regroupements qui sont nos membres et qui assurent des services surtout aux femmes et aux jeunes filles qui ont été marginalisées, victimisées, criminalisées et placées en établissement.
C'est donc en ma qualité de représentante de nos membres que je vous présente nos vues ce soir. Je vais être très brève.
Je voudrais préciser, dès le départ, que notre organisation n'appuie pas le projet de loi. En ce qui concerne le potentiel de réinsertion des femmes, à la fois les autorités correctionnelles et les membres de notre organisation estiment que ce potentiel est extrêmement élevé.
Le fait est que ce projet de loi aura une incidence sur de nombreuses femmes. D'après les études menées par les autorités correctionnelles, 61,6 p. 100 des personnes pouvant bénéficier de la PEE, soit la procédure d'examen expéditif, sont des femmes. Cette mesure influera donc de façon importante sur la date de leur libération, car bon nombre d'entre elles deviennent admissible très rapidement et présentent très peu de problèmes après avoir été réintégrées dans la collectivité. Leur potentiel de réinsertion est élevé, très peu d'entre elles enfreignent les conditions de leur libération, et quand cela se produit, en règle générale, il s'agit d'un simple manquement aux conditions, plutôt que d'une nouvelle infraction.
Donc, le taux de manquement aux conditions de la libération conditionnelle est très faible, le taux de réinsertion est très élevé et l'application de la procédure d'examen expéditif chez les femmes a donné de très bons résultats. Comme me l'a fait remarquer un de mes collègues qui travaille dans le domaine correctionnel, si ce projet de loi est adopté, il nous faudra sans doute plusieurs prisons de plus, assez rapidement, pour être en mesure d'incarcérer les femmes qui devront rester en détention pendant plus longtemps.
Voilà qui termine mon exposé. Je vous remercie.
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Au nom de la Société John Howard du Canada, je désire remercier le comité de l'occasion qui m'est donnée de vous faire part de nos vues sur le projet de loi .
Pour ceux et celles qui peuvent l'ignorer, la Société John Howard est un organisme à but non lucratif dont la mission consiste à faire la promotion d'interventions efficaces, justes et humaines par rapport aux causes et aux conséquences de la criminalité. La Société John Howard compte d'un bout à l'autre du Canada 65 bureaux de première ligne qui offrent une gamme de programmes et de services en vue de favoriser la réinsertion, en toute sécurité, des délinquants dans nos collectivités respectives.
La Société John Howard n'est pas en faveur de l'abolition de la procédure d'examen expéditif. J'ai déposé auprès du greffier une copie de notre document de principe sur la libération graduelle présomptive, en espérant que les membres du comité le trouveront utile dans le contexte de leur étude du projet de loi.
La protection de la société passe surtout par la réinsertion surveillée des délinquants dans la collectivité au bon moment, plutôt que par une prolongation des périodes d'incarcération. La procédure d'examen expéditif a été créée justement en vue de favoriser la libération en temps opportun des délinquants primaires fédéraux non violents. Les données actuellement disponibles indiquent qu'environ 900 délinquants par année profitent de ce régime de libération surveillée en temps opportun, et que plus de 80 p. 100 d'entre eux terminent avec succès leur période de surveillance dans la collectivité.
S'agissant de sécurité publique, envisager d'abolir les dispositions relatives à la mise en liberté sous condition qui ont facilité la libération en temps opportun de tant de délinquants semble tout à fait improductif. C'est d'autant plus le cas que nos pénitenciers sont surpeuplés et cette décision aura nécessairement pour résultat d'augmenter considérablement la population carcérale tout en limitant davantage l'accès aux programmes correctionnels.
En examinant ce projet de loi, j'exhorte donc les membres du comité à tenir compte des conséquences de l'abolition de la procédure d'examen expéditif — c'est-à-dire, les conséquences à la fois pour les délinquants primaires fédéraux non violents et le système correctionnel dans son ensemble.
Je vous remercie de m'avoir accordé ce temps de parole et je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
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Monsieur le président, honorables membres du comité, je vous remercie de cette occasion de comparaître devant vous ce soir.
Le Conseil des Églises pour la justice et la criminologie est une coalition confessionnelle nationale composée de 11 Églises fondatrices qui s'est constituée en personne morale en 1972. Nous faisons la promotion de la responsabilité de la collectivité dans le domaine de la justice, en mettant l'accent sur les mesures permettant de répondre aux besoins des victimes et des délinquants, le respect mutuel, la guérison, la responsabilité individuelle, et la prévention du crime.
En décembre 2010, le CEJC a envoyé une lettre au premier ministre du Canada pour exprimer ses inquiétudes au sujet des lois fédérales qui donnent lieu à la construction de nouvelles prisons. Le projet de loi est l'une des mesures législatives qui suscitent chez nous certaines inquiétudes.
Mme Lorraine Berzins, titulaire de la chaire de réflexion communautaire de la justice au CEJC, va maintenant vous parler de nos inquiétudes.
J'aimerais dire, d'entrée de jeu, que les conséquences de ce projet de loi — c'est-à-dire, l'incarcération d'un plus grand nombre de personnes pour de plus longues périodes avec tout ce que cela implique pour notre société en matière de coûts à la fois financiers et sociaux — sont pour nous une source à la fois d'inquiétude et de mécontentement. Par contre, nous comprenons très bien les attitudes, dans certains segments, de la population qui sont à l'origine de cette mesure.
Le public semble en effet scandalisé par le fait que des délinquants ayant commis certains types d'infractions semblent ne pas passer suffisamment de temps en prison, comparativement à la peine d'emprisonnement qui leur a été infligée. Nous comprenons très bien que cela suscite une réaction de déception, mais nous trouvons vraiment dommage que la solution que vous proposez touche autant d'autres personnes, et ce de façon très négative.
Nous souhaitons que vous proposiez une solution qui prévoie des exceptions lorsque l'application de la mesure que vous envisagez est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice, en raison de l'attitude du public à cet égard, et ce sans toucher aussi implacablement tous les autres qui en ont vraiment besoin… Cela cadre tout à fait avec l'approche que nous avons adoptée pour notre système carcéral au Canada, approche qui est semblable à celle des États-Unis. Mais les États-Unis ont justement compris qu'une démarche consistant à se servir de la prison pour transmettre un message à la population est complètement improductive. Nous avons besoin de la prison pour assurer la sécurité du public dans certains cas, mais le fait est qu'il existe un très grand nombre de délinquants non violents pour qui nous n'en avons pas besoin.
Il y a aussi le problème des dommages indirects que cela cause, pas seulement aux délinquants qui sont en prison et qui sont affectés par cet environnement, mais à leurs familles également. Les États-Unis ont justement documenté de façon très précise ces dommages indirects par l'entremise de la Fondation Pew. Cette dernière a documenté les effets indirects socioéconomique — et surtout économiques — sur le délinquant, sur sa famille, et sur les enfants du délinquant, effets qui durent très longtemps.
J'ai l'impression que nous croyons avoir le luxe de nous servir de la prison pour transmettre un message à la population, mais nous n'avons pas ce luxe-là. Il est temps que nous en rendions compte. Nous savons à présent — nous en avons la preuve — que les programmes de réinsertion dans la collectivité sont plus efficaces, beaucoup moins coûteux et donnent beaucoup plus de satisfaction aux victimes.
Selon moi, si les victimes demandent que les délinquants restent plus longtemps en prison, c'est souvent parce que leurs autres besoins ne sont pas satisfaits. Si on prend un peu de recul pour examiner cette attitude suffisante et aveugle qui nous amène à nous servir de la prison de cette façon… voilà ce que disent à présent certaines personnes aux États-Unis. Ces dernières nous disent que, lorsqu'elles examinent les résultats, elles comprennent que nous devrions ressentir de la tristesse et de la honte, et que nous devons absolument abandonner cette attitude suffisante dans laquelle nous nous sommes enfermés en ce qui concerne notre façon de nous servir de la prison, et toutes les conséquences négatives que cela suppose.
Je vous exhorte donc à trouver un meilleur moyen de répondre aux besoins de vos électeurs et des victimes de la criminalité — une démarche qu'ils trouveront beaucoup plus satisfaisante que la simple prolongation de la période d'emprisonnement, notamment quand les délinquants ne présentent pas de danger imminent pour la collectivité.
Je considère que je suis de l'autre côté de la clôture par rapport à ce qui vient d'être dit, car je suis une victime de l'affaire Norbourg. Heureusement que les parties qui ont été impliquées dans cette affaire n'ont pas voulu aller en cour, parce que la population aurait su comment ces gens avaient mal agi dans ce dossier. Je parle en connaissance de cause.
Je suis ici ce soir pour lancer un message clair. Il est tout à fait anormal qu'une personne, après avoir écopé d'une peine de 12 ans, quitte la prison avant même que les victimes n'aient été considérées de la part de la cour.
Pour nous, les victimes, il s'agit d'envoyer un message très clair à ces bandits, que ce soit des bandits à cravate ou n'importe quels autres bandits, disant qu'il y a une limite à respecter dans notre société. Pour le moment, cela ne se fait pas. J'espère qu'avec le projet de loi qui a été déposé à la Chambre des Communes, on arrivera à une situation où les honnêtes citoyens qui deviennent des victimes seront vraiment protégés et qu'il y aura moins de victimes.
Je vous remercie.
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D'abord, je vous remercie de m'accorder l'occasion de m'adresser à vous ce soir.
Moi, aussi, je suis victime de M. Leon Kordzian. Il a fraudé plus de 45 personnes, ce qui lui a permis de réunir de l'argent et d'offrir des taux d'intérêt se situant entre 20 p. 100 et 30 p. 100.
Dans mon cas, quand ce monsieur nous a pressentis, il nous a fourni une sorte de garantie, une preuve de la légalité de l'opération — un document de notaire. Nous sommes allés voir le notaire, et il nous offrait sa maison comme garantie ou sûreté si nous acceptions d'investir de l'argent. Il était dans l'immobilier, et il voulait construire des maisons pour les couples qui sont nouvellement mariés. Il nous a dupés en nous convainquant d'investir de l'argent chez lui pour construire des maisons pour les jeunes mariés.
Après quelque temps, nous avons su que c'était une fraude. Quand nous lui avons demandé de nous rendre notre argent, il avait toujours des excuses: il nous disait qu'il ne l'avait plus, que sa mère était malade, c'était simplement de la propagande. Quand j'ai su que ce type-là fraudait des gens depuis presque une dizaine d'années, nous nous sommes adressés à la police pour expliquer ce qui s'était produit.
Grâce à Mme Mourani, grâce à son aide très précieuse, nous sommes passés par la police et l'intervention des autorités s'est révélée efficace. Nous avons réussi à le traîner devant les tribunaux. Le procès est actuellement en préparation. J'espère qu'il sera possible d'obtenir justice et de lui montrer que ce type de fraude est inadmissible; ainsi, s'il passe en justice, il sera possible de faire comprendre aux autres victimes que nous sommes là pour elles.
Mme Naltchayan et moi représentons 45 personnes — les 45 victimes, quoi. Ce type-là nous a volé plus de 1 million de dollars, et moi je suis une de ces victimes. Je suis donc là pour vous demander de mettre fin à ce type de fraude par de telles personnes.
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Je vous remercie de nous donner l'occasion, en tant que peuple, d'exprimer un peu la douleur que nous avons dans notre coeur et de parler de ce que nous avons vécu.
Je suis la conjointe de l'une des victimes de Leon Kordzian. J'ai été l'une des premières à découvrir qu'il y avait un stratagème derrière tout ça. Je suis allée voir la police, qui s'est dite désolée pour moi. On m'a dit qu'absolument rien ne pouvait être fait. Les policiers n'ont même pas eu la décence d'aller rencontrer ce monsieur. Ils ont dit qu'il n'y avait rien à faire face à ce genre de crime, que les coupables n'allaient jamais en prison et qu'on ne récupérait jamais l'argent.
J'ai alors mis mon travail de côté et je suis allée dans la communauté pour voir un peu qui monsieur côtoyait, avec qui il parlait. J'ai fait une petite enquête et j'ai découvert 45 victimes. Je suis allée les voir. Ce sont pour la plupart des personnes âgées, des gens vulnérables, des femmes à la tête de familles monoparentales, des gens qui avaient fait de petits investissements et qui ont tout perdu. Ce n'était pas des investisseurs très riches, mais ils avaient quelques économies. Ils ont tout perdu. Il a fallu mobiliser tous ces gens, changer la culture, leur dire qu'il ne fallait pas avoir peur et qu'il était nécessaire d'aller chercher de l'aide.
C'est à ce moment que nous sommes allés voir Mme Mourani — la plupart des victimes vivent dans sa circonscription, dans l'arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville — pour lui dire que nous avions besoin d'aide, que la police ne nous aidait pas et que rien ne se passait. Il y a eu une mobilisation. C'est de cette façon qu'on a finalement pu découvrir qu'il y avait 45 victimes. Parmi les victimes, il y a une personne qui ne parle ni le français ni l'anglais. M. Kordzian l'a emmenée à la banque et lui a fait ouvrir une marge de crédit de 55 000 $, dont il s'est emparé. La dame travaille aujourd'hui sept jours par semaine au salaire minimum pour rembourser cette marge de crédit. Certaines personnes âgées ont tout perdu et n'ont plus d'argent pour se faire soigner.
Or monsieur se promène toujours, comme si de rien n'était. C'est un psychopathe qui a planifié cette opération pendant des mois, voire de nombreuses années.
Du côté de Norbourg, un juge avait prononcé sa sentence et imposé une peine d'emprisonnement de 12 ans, mais tout à coup, la réalité est que cinq ans sont nécessaires pour faire les enquêtes, il faut des avocats, etc. Et en un tour de main, au bout de 11 mois, le monsieur en question est sorti de prison. Comment est-ce possible? Le juge avait tranché, alors qui décide, en réalité? En plus, ce monsieur aura, à sa sortie, 90 millions de dollars qui sont cachés quelque part dans le monde. Il va faire un peu de travaux communautaires, et il va jouer. En effet, ces gens sont de très bons manipulateurs. Il va s'en aller et se permettre le luxe d'une très belle retraite sur le dos de gens qui, eux, vont continuer à travailler toute leur vie pour récupérer ce qu'ils ont perdu.
Ce n'est pas juste. Les choses ne se passent pas de cette façon dans d'autres pays. Aux États-Unis, par exemple, Madoff a écopé de 100 ans de prison. Dans un cas pareil, un fraudeur ou un voleur y pense à deux fois avant de commettre son crime. Kordzian m'a dit, insouciant, que je ne pouvais rien faire. Il reste qu'aujourd'hui, nous sommes assis au Parlement et nous essayons de trouver une solution pour décourager ces gens-là.
Merci.
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Merci pour cette petite provocation, monsieur le président.
En fait, je suis très heureux de pouvoir comparaître devant le comité, monsieur le président, et j'apprécie votre sensibilité au rôle de mon bureau. Il est rare que nous fassions un exposé de ce genre. Et, en ce qui concerne le préavis qu'on nous a donné, c'était également l'occasion pour notre bureau de mettre à l'épreuve ses capacités d'intervention rapide.
Je me présente devant vous ce soir pour vous faire part de notre réflexion sur l'incidence du projet de loi , Loi sur l'abolition de la libération anticipée des criminels, et ses conséquences pour le système correctionnel et les personnes qui purgent actuellement une peine d'emprisonnement.
S'il est adopté, il est probable que le projet de loi se traduise par une hausse notable de la population carcérale administrée par le Service correctionnel du Canada, en raison de la prolongation de la période d'emprisonnement qui sera obligatoire avant la mise en liberté sous condition. Mon bureau s'inquiète de l'incidence d'une autre augmentation importante de la population carcérale sur un système correctionnel déjà surchargé. L'augmentation de la population carcérale fédérale aura des conséquences pour la sécurité des établissements, et pour la capacité des détenus à profiter des programmes et services qui les aident à réintégrer la société en temps opportun et en toute sécurité.
Je voudrais d'abord traiter des conséquences probables du projet de loi . Ensuite, je vais demander à notre directeur exécutif et avocat général, M. Ivan Zinger, de vous entretenir des répercussions du surpeuplement des prisons sur la sécurité du personnel et des délinquants.
Selon les statistiques pour 2009-10 obtenues auprès de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, 7 272 délinquants ont été jugés admissibles à la procédure d'examen expéditif, c'est-à-dire la semi-liberté au sixième de la peine, au cours des cinq dernières années. Sur ce nombre, 4 878 délinquants ont obtenu leur semi-liberté. Le taux d'octroi au titre de la procédure d'examen expéditif était de 67 p. 100. Ces cinq dernières années, le taux de succès des personnes ayant obtenu la semi-liberté a été de presque 84 p. 100. Ce qui est significatif, c'est que seulement 0,3 p. 100 des procédures d'examen expéditif ont donné lieu à une révocation pour une infraction violente, il s'agit, évidemment, du critère inscrit dans la loi telle qu'elle existe actuellement. La plupart des révocations étaient de nature administrative.
Au cours des cinq dernières années, 5 255 délinquants avaient droit à la procédure d'examen expéditif, soit la liberté conditionnelle totale au tiers de la peine. Sur ce nombre, 5 227 délinquants ont obtenu leur liberté conditionnelle totale. Le taux d'octroi a été de 99,5 p. 100. Ces cinq dernières années, leur taux de succès a été de 70 p. 100. Seulement 0,4 p. 100 des procédures d'examen expéditif donnant lieu à la liberté conditionnelle totale se sont soldées par une révocation pour une infraction violente.
Il convient également de préciser que la libération sous condition par suite de la PEE n'est pas automatique. Par exemple, les données de 2009-10 de la Commission des libérations conditionnelles du Canada indiquent que 947 libérations aux termes de la procédure d'examen expéditif ont été accordées, alors que 545 ont été refusées. Il faut aussi se rappeler que la CLCC libère seulement les délinquants qui ne présentent aucun risque inacceptable pour la société, et que ces derniers sont étroitement surveillés par les agents de libération conditionnelle dans la collectivité. Dans tous les cas, les délinquants en liberté conditionnelle continuent à purger leur peine et demeurent sous la surveillance du Service correctionnel du Canada jusqu'à la date d'expiration de leur mandat.
L'objet et les principes de la détermination de la peine sont décrits de façon détaillée dans le Code criminel du Canada. La mise en liberté sous condition ne va pas à l'encontre de ces principes. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition précise que la sécurité publique est un élément primordial dans les décisions liées au régime correctionnel et aux libérations conditionnelles. La loi prévoit également qu'on doit prendre ces décisions en choisissant les options les moins restrictives, sans pour autant compromettre la sécurité du public.
L'abolition de la PEE aura pour effet de maintenir les délinquants non violents dans des établissements carcéraux fédéraux pendant des périodes beaucoup plus longues avant qu'ils ne puissent faire l'objet d'une libération dans la collectivité, sans avantage marqué pour la sécurité du public. Il faut signaler que les coûts d'incarcération sont plus élevés que ceux d'une peine purgée dans la collectivité et assujettie à diverses conditions.
Nous pouvons également nous attendre à ce que la Commission des libérations conditionnelles du Canada tienne un plus grand nombre d'audiences que par le passé, étant donné que la procédure d'examen expéditif consiste normalement en un examen sur dossier.
Ces coûts connexes, auxquels s'ajoutent d'importants coûts d'incarcération, entrent en ligne de compte et doivent être calculés.
Monsieur Zinger.
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La surpopulation dans les établissements carcéraux a des conséquences négatives sur la capacité du système d'assurer une détention sécuritaire et humaine. De nombreux ouvrages démontrent que la surpopulation carcérale peut favoriser les tensions et la violence, et mettre en danger la sécurité du personnel et des détenus.
Lorsque la population carcérale s'accroît de façon importante, l'accès en temps opportun des délinquants aux programmes, aux soins et aux véritables possibilités d'emploi diminue considérablement, ce qui retarde leur retour dans la société.
Le Bureau de l'enquêteur correctionnel se préoccupe également des diverses répercussions du projet de loi sur certaines populations, notamment les délinquants autochtones et les délinquantes. La surreprésentation des délinquants autochtones dans les établissements carcéraux du Canada n'est un secret pour personne. Si, à l'échelle nationale, ils représentent moins de 4 p. 100 de la population canadienne, ils constituent en revanche près de 20 p. 100 de l'ensemble de la population carcérale fédérale. Chez les femmes, cette surreprésentation est encore plus prononcée. En effet, les Autochtones représentent 33 p. 100 de la population féminine dans les établissements fédéraux. Chez les délinquants autochtones, le taux d'octroi de la semi-liberté au terme de la procédure d'examen expéditif, au sixième de la peine, est déjà considérablement plus bas que le taux global, soit 39 p. 100 par rapport à 63 p. 100.
Le bureau a également certaines craintes au sujet des répercussions potentielles du projet de loi au sein de la population des délinquantes. Au cours des 10 dernières années, soit de 2000 à 2010, le nombre de femmes admises dans un établissement de responsabilité fédérale a connu une croissance de 35 p. 100. Le taux d'octroi de la semi-liberté au terme de la procédure d'examen expéditif, encore une fois au sixième de la peine, est très bon, c'est-à-dire de 89 p. 100. Le fait d'éliminer la procédure d'examen expéditif aura davantage de répercussions sur les femmes que sur les hommes.
Je parle ce soir en mon propre nom et au nom de ma collègue, Maître Jacinthe Lanctôt. Nous représentons l'Association des avocats et avocates en droit carcéral du Québec, qui existe depuis 1992. Nous représentons les avocats du Québec spécialisés dans le domaine du droit carcéral et des libérations conditionnelles.
Nous sommes opposés au projet de loi sur l'abolition de la procédure d'examen expéditif pour plusieurs raisons.
D'abord, nous estimons que la procédure d'examen expéditif est l'un des éléments les plus importants du régime correctionnel et de libération actuel. Elle permet d'atteindre plusieurs objectifs tout à fait cruciaux, entre autres, celui d'établir une distinction entre les délinquants violents et non violents, et c'est depuis toujours le souhait des Canadiens. Malgré les préjudices causés par les délinquants non violents, les Canadiens continuent d'être préoccupés par l'effet des crimes violents, et ils ne souhaitent pas que les deux catégories de délinquants soient traitées de la même façon.
De plus, la procédure d'examen expéditif enlève d'un environnement destructeur un nombre important de délinquants relativement non criminalisés qui sont souvent jeunes, si la Commission détermine que c'est approprié dans leur cas, et les retire de cet environnement le plus rapidement possible, de préférence avant qu'ils ne soient exposés à des gens encore pires. Dans bien des cas, la procédure d'examen expéditif offre la possibilité de corriger les difficultés liées à la nécessité, pour une personne qui purge une peine de courte durée, de se constituer un dossier qui puisse ensuite être étudié par la Commission des libérations conditionnelles. La procédure d'examen expéditif réduit de façon très considérable le coût du système. Vous avez tous vu les études indiquant que le coût moyen de l'incarcération d'un détenu dépasse 93 000 $ par an. Il est évident que la surveillance dans la collectivité représente une option bien moins coûteuse.
Nous désirons également attirer votre attention sur les effets concrets de l'abrogation de la PEE sur le fonctionnement de la CNLC. Jusqu'à il y a environ deux ans, la Commission des libérations conditionnelles tenait des audiences sur toutes sortes de questions différentes, telles que l'imposition de conditions de résidence aux détenus. Étant donné qu'elle n'a plus ni le temps ni les ressources nécessaires pour le faire, ces décisions sont prises à présent après étude du dossier. Or, le projet de loi C-59 propose que les ressources de la CNLC soient désormais consacrées au traitement des cas dont la libération est la plus justifiée, c'est-à-dire, les personnes qui vont nécessairement être libérées selon l'évaluation de tous les intervenants concernés. Ce n'est certainement pas le cas de tous les détenus qui y sont admissibles mais, dans la catégorie des personnes visées par la procédure d'examen expéditif, il y en a un grand nombre qui, de toute évidence, n'ont pas été criminalisées et qui devraient donc être retirées de cet environnement le plus rapidement possible — et c'est justement ce que ferait la CNLC au moment d'en arriver enfin à leurs dossiers. Mais, à partir de maintenant, la Commission devra tenir des audiences en personne pour des cas de ce genre, auxquels elle ne devrait même pas avoir à consacrer son énergie.
Est-ce un exemple de bonne gouvernance? Est-ce la bonne façon d'utiliser nos ressources?
La procédure d'examen expéditif ne doit pas être considérée comme un cadeau qu'on fait aux gens. Il s'agit simplement d'une mesure qui prolonge la période de surveillance des candidats jugés appropriés — de surveillance dans la collectivité. La surveillance dans la collectivité n'est pas une preuve de l'échec du système. Il s'agit au contraire d'un régime structuré et bien géré de réinsertion sociale qui favorise la sécurité publique. Il nous permet d'espérer que ces personnes ne vont pas commettre d'autres crimes ou créer de nouvelles victimes à l'avenir. Tel a toujours été l'objet de la libération surveillée, mais ce projet de loi nous amène à l'abandonner. Cela n'a pas de sens.
Certains membres du comité ne sont peut-être pas au courant de ce en quoi consiste la semi-liberté. Il y a différentes formes de semi-liberté. Même si la Commission des libérations conditionnelles se trouve dans l'obligation de libérer bon nombre de personnes par suite de la procédure d'examen expéditif, il lui appartient néanmoins de déterminer en quoi consistera cette semi-liberté, et dans le cas de bon nombre de délinquants qui passent pas la PEE, la Commission impose des projets communautaires qui sont administrés par des foyers de transition en milieu fermé. Cela veut donc dire que ces personnes sont obligées de faire du bénévolat non rémunéré dans un lieu surveillé par des agents du Service correctionnel. À la fin de leur journée de travail, elles retournent au foyer de transition. Elles ne peuvent pas aller où elles veulent lors du retour. Elles n'ont pas le droit d'aller au restaurant. Elles n'ont pas le droit d'aller à la banque. Elles n'ont pas non plus le droit d'aller chez elle ou de voir leur famille. Elles doivent retourner directement au foyer de transition, et c'est là qu'elles passent leurs soirées. Ces gens-là n'ont pas une vie facile. Elles sont surveillées. Si un détenu est condamné à 12 ans d'emprisonnement et fini par être libéré deux ans plus tard et admis dans un foyer de transition, cela veut dire qu'au cours des 10 années qui vont suivre, le détenu sera surveillé. Les personnes libérées par suite de la procédure d'examen expéditif peuvent à tout moment faire l'objet d'une suspension.
J'ai eu une fois un client qui a été libéré après avoir purgé un sixième de sa peine d'emprisonnement de 13 ans, et ce grâce à la procédure d'examen expéditif. Il n'a pas assumé ses responsabilités. Il a volé un bifteck à l'endroit où il travaillait dans le cadre d'un programme communautaire. Il est donc resté en liberté seulement une semaine. Il a dû purger les deux tiers de sa peine. La Commission des libérations conditionnelles a révoqué sa mise en liberté parce qu'il avait volé un bifteck à l'endroit où il travaillait dans le contexte d'un projet communautaire, si bien qu'il a fini par purger les deux tiers de sa peine. Tout ceux qui passent par cette procédure font l'objet de cette même pression et de cette même surveillance. Ce n'est pas une période facile pour eux.
Rappelez-vous que vous avez une seule chance de profiter de la PEE et que si vous la gâchez, vous n'y serez plus jamais admissible. Un détenu n'a qu'une chance de profiter de cela. Je pourrais, d'ailleurs, vous citer des exemples de clients qui étaient admissibles à la PEE — des gens relativement naïfs et innocents dont certaines organisations ont tendance à profiter. Ces gens-là se voient infliger une peine d'emprisonnement dans un établissement fédéral, en absence de condamnation antérieure, tout simplement parce que les tribunaux insistent beaucoup sur la dénonciation générale de certaines infractions, notamment celles liées à la drogue.
Les cours d'appel ont statué que les principes de la dénonciation générale doivent être mis en relief par le juge qui prononce la peine, de sorte que certains accusés se font infliger une peine très sévère — même quand le juge comprend très bien que ce dernier ne présente pas de risque pour le public — simplement parce qu'il faut dénoncer le crime. Or, ces personnes devraient sortir de prison le plus rapidement possible, parce qu'elles ne présentent aucune menace pour le public.
Abolir la procédure d'examen expéditif ne servira à strictement rien. D'autres solutions peuvent être envisagées. Les victimes qui sont présentes ce soir ont le droit d'obtenir justice. Certains criminels ont profité d'elles d'une manière tout à fait inexcusable, mais rappelons-nous qu'il n'est pas non plus nécessaire d'accorder aux criminels qui ont abusé d'elles le privilège de sortir automatiquement de prison. Il suffirait d'apporter quelques petites modifications au projet de loi pour empêcher que le genre de criminel qui a abusé des victimes qui sont présentes ce soir ne fasse jamais partie de la catégorie de personnes jugées admissibles à la procédure d'examen expéditif.
Il n'est pas nécessaire d'accorder aux fraudeurs à grande échelle le droit de profiter de cette procédure. Il n'est pas non plus nécessaire d'éliminer ce régime dans son ensemble et donc d'en priver les délinquants qui méritent d'y avoir accès simplement pour cibler ces grands fraudeurs et d'autres personnes dont on ne souhaite pas la libération. Rendre justice ne signifie pas qu'on doit traiter de façon cruelle et improductive les personnes auxquelles songeait le Parlement au moment d'établir ce régime.
Enfin, je tiens à préciser que notre association — tout comme les avocats d'un bout à l'autre du Canada — est vigoureusement opposée au caractère rétroactif du projet de loi. Il est à la fois choquant et scandaleux de proposer une telle chose.
Il arrive que les gens plaident coupables, alors qu'ils ne sont pas obligés de le faire, en s'appuyant sur le droit tel qu'il existe au moment où ils ont à prendre la décision. Ils consultent leur avocat criminaliste. Ils étudient toutes les options. Ils constatent qu'ils peuvent avoir droit à la procédure d'examen expéditif, qui correspond à un sixième de la peine. À ce moment-là, ils décident de ne pas se défendre. Ils n'ont pas envie de payer les frais d'un long procès. Le raisonnement est le suivant: « je vais avaler la pilule » étant donné que je pourrais avoir droit à la procédure d'examen expéditif. Cette dernière existe pour un type comme moi qui n'est pas violent et qui n'a aucun antécédent de violence. Ensuite, cette même personne découvre qu'elle n'aurait jamais dû plaider coupable. Elle découvre, rétroactivement, que ce projet de loi va lui enlever ce que le gouvernement lui offrait. C'est choquant. C'est sans doute inconstitutionnel, et j'imagine que nous allons le savoir, parce qu'il y aura nécessairement de nombreuses contestations de la loi d'un bout à l'autre du pays, au fur et à mesure que les gens se présenteront devant un tribunal pour affirmer, peut-être en s'appuyant sur les témoignages de leur avocat criminaliste, qu'ils ont plaidé coupable en raison de cette procédure qui existe aux termes de la loi, procédure que vous leur enlevez maintenant.
Que ce projet de loi soit inconstitutionnel ou non, il n'est certainement pas approprié. Les rédacteurs du projet de loi ne souhaitaient pas qu'il ait un effet rétroactif. Pourquoi? Pas parce que le gouvernement voulait rendre service aux détenus qui purgent leurs peines, mais parce que le gouvernement avait compris qu'il serait injuste de supprimer cette procédure réactivement. Les Canadiens ne se comportent pas de cette façon. Je vous exhorte donc à éliminer l'effet rétroactif si vous adoptez ce projet de loi. Une telle politique de la part du gouvernement serait tout à fait mal avisée.
Je vous remercie.
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Je peux vous donner un ou deux exemples de personnes qui ont bénéficié de la procédure d'examen expéditif. Ce sont des exemples récents que j'ai recueillis auprès de mes collègues, notamment celui d'une jeune fille d'environ 26 ans qui a été arrêtée à Aruba pour importation et trafic de stupéfiants. Elle a écopé d'une longue peine de huit ans. Elle s'était laissé influencer par son amoureux. Cette personne, alors qu'elle était incarcérée, s'est rendu compte qu'elle était enceinte. Elle a pu être transférée au Canada assez rapidement, compte tenu de sa situation. Elle a pu bénéficier de la procédure d'examen expéditif et être libérée en maison de transition. Elle a profité d'une longue semi-liberté, parce que plus la peine est longue, plus la période de semi-liberté et de surveillance en communauté sera longue. Elle a donc pu bénéficier de cette procédure, être libérée et s'occuper de son enfant à la maison de transition.
J'ai un autre exemple à vous soumettre. Il s'agit d'un individu, un père de famille, travailleur, qui avait des problèmes financiers importants et dont la maison était contaminée par les champignons. Les procédures légales étaient longues et coûteuses, il a perdu son emploi et les choses sont allées de mal en pis. Il a perdu non seulement son emploi, mais aussi sa conjointe. Il a donc vécu une séparation conjugale. Il s'est alors laissé tenter par un ami d'enfance qui lui a proposé de s'engager dans le trafic de stupéfiants, notamment la plantation de cannabis. Cet homme, grâce à la procédure d'examen expéditif, a obtenu une libération conditionnelle et a été remis en semi-liberté.
La jeune fille dont je vous parlais auparavant n'avait aucun antécédent, ni de violence ni d'autres sortes de crimes.
L'homme, quant à lui, avait un antécédent de possession simple de drogue et de vol simple, mais à part cela, il n'avait aucun antécédent. Il a donc pu bénéficier de la procédure d'examen expéditif et être libéré en maison de transition. Il a pu profiter des ressources disponibles à cet endroit. Il a reçu de l'aide pour mieux gérer ses finances et d'autres conseils afin de reprendre sa vie en main. Il n'aurait pas obtenu ces services s'il était resté incarcéré longtemps. Comme d'autres l'ont dit avant moi, plus longtemps les gens sont emprisonnés, plus la contamination par des criminels est dangereuse.
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Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, permettez-moi de transmettre à chacune des victimes qui ont pris la parole ce soir mes plus profonds regrets pour ce que vous avez subi.
Deuxièmement, nous sommes tout à fait d'accord avec vous quand vous dites que les fraudeurs de grande envergure — comme celui qui vous a fraudés — ne devraient pas être en mesure de profiter de cette procédure. En fait, au Comité de la justice, nous avons proposé des mesures il y a deux ans en vue d'apporter ce changement au régime actuel. C'est quelque chose qui nous tient vraiment à coeur.
Mais notre véritable préoccupation concerne, non pas les fraudeurs de grande envergure, mais plutôt, comme de nombreux témoins nous l'ont fait remarquer, tous les autres qui vont être directement touchés par ces modifications. Nous ne comprenons pas pourquoi il faut nécessairement loger tout le monde à la même enseigne si on vise effectivement le genre de personne qui a fraudé les témoins ici présents.
Je voudrais commencer par poser une question à Mme Campbell: quel est le coût de ce projet de loi?
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Je crois que c'est effectivement un défi pour le Parlement et pour tous les députés.
En tant qu'enquêteur correctionnel du Canada, je ne suis pas à même d'aborder spécifiquement la question de leur incidence financière, mais je peux vous dire qu'il y a un effet de choc qui commence à se faire sentir dans l'ensemble du système. Quelqu'un a décrit cet effet de choc en parlant d'un « coup de fouet », en ce sens que les hommes et les femmes qui administrent le système doivent s'ajuster et se rajuster en permanence en raison du rythme soutenu des changements qui sont apportés au régime. Il est évident que l'aspect financier fait partie des ajustements qui deviennent nécessaires.
Donc, la Commission des libérations conditionnelles du Canada, le Service correctionnel du Canada et tous leurs partenaires dans les collectivités, bien entendu, travaillent un peu sous la contrainte, puisque les responsables sont obligés de suivre le rythme des changements, de réaffecter des crédits et de demander d'autres crédits en préparant des présentations au Conseil du Trésor, etc.
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Merci beaucoup, monsieur Holland.
J'ai eu le privilège et la responsabilité de siéger au comité consultatif qui essayait d'aider le directeur parlementaire du budget à évaluer le coût d'un des projets de loi précédents. Et, comme Mme Campbell vous le signalait, étant donné qu'il a été très difficile d'obtenir des chiffres du gouvernement, nous sommes effectivement très préoccupés par cet aspect-là de la question.
La dernière fois qu'on nous a annoncé des chiffres, on nous a dit que cela coûte environ 185 000 $ par année pour garder une femme en prison. Par rapport aux chiffres qu'on m'a fournis aujourd'hui, on m'a dit que cette mesure législative toucherait au moins environ 910 femmes par an. Et ces chiffres-là remontent à une dizaine d'années. Donc, en fonction de cela, on peut dire que le coût sera d'environ 10 millions de dollars, selon moi, seulement pour les femmes.
Nous savons que ce projet de loi aura une incidence disproportionnée sur les femmes, en faisant augmenter le nombre de femmes qui devront rester en prison pendant plus longtemps. Si les détenus doivent purger plus d'un sixième de la peine, on peut supposer qu'on parle au moins d'un an de plus d'emprisonnement, et peut-être davantage; il pourrait aussi s'agir d'une plus petite période — aussi peu que six mois, éventuellement — mais, quoi qu'il en soit, il est évident que cela coûtera plusieurs millions de dollars, ne serait-ce que pour les femmes.
Donc si nous parlons de 910 personnes par année, cela veut dire qu'il faudra au moins deux prisons de plus. Il pourrait même s'agir de trois à cinq prisons de plus, selon les chiffres sur lesquels on se fonde.
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Et les chiffres que vous nous avez donnés ne comprennent pas, bien entendu, les coûts d'immobilisation liés à la construction des prisons.
Je voudrais aller un peu plus loin. Les conservateurs disent souvent qu'on ne parle pas des victimes. Peut-être ont-ils mal compris l'élément essentiel, à savoir que si vous avez un taux de récidivisme inférieur et moins de criminalité, ou alors vous n'avez pas de victimes au départ, ou alors vous en avez moins, et je pense que c'est un élément extrêmement important.
Je m'intéresse beaucoup à l'effet de ce qui est proposé, notamment sur les femmes, ce qui correspond à votre domaine de spécialisation.
Monsieur McIsaac, pourriez-vous nous parler de l'incidence de ce projet de loi sur l'accès aux services de réadaptation pour les hommes? S'il leur faut une traduction, cela signifie qu'il y a moins de criminalité et moins de victimes.
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Permettez-moi de répondre.
En ce qui concerne les 1 000 détenus environ à qui la Commission des libérations conditionnelles accorde la libération conditionnelle totale par suite de la procédure d'examen expéditif, il est clair que les 1 000 dossiers environ dont on parle seraient désormais étudiés dans le contexte d'une audience en bonne et due forme.
S'agissant des pratiques actuelles du Service correctionnel du Canada, à l'heure actuelle, la plupart des libérations sont des libérations d'office, par rapport à une décision de mise en liberté conditionnelle prise par la CNLC. Si c'est le cas, c'est parce que la préparation des mesures de gestion du cas et des dossiers devant être présentés devant la CNLC lors de l'audience, est souvent retardée. Nous savons également qu'il y a un nombre accru de renonciations et de reports d'audiences. Donc, même si, à l'heure actuelle, environ 1 000 dossiers par an sont soustraits à ce processus-là et passent par la PEE, il y a toujours un arriéré, si bien que la plupart des libérations sont des libérations d'office, plutôt que de résulter d'une décision de la Commission. On peut donc supposer que, si ces 1 000 dossiers sont ramenés dans le système, l'arriéré qui en résultera sera encore plus grave. Mais ce sont de simples hypothèses.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais, moi aussi, exprimer mes profonds regrets pour les souffrances des victimes.
Je vais prendre un risque en vous disant quelque chose que tout le monde pense, à mon avis. La perspective de voir Earl Jones et M. Lacroix quitter la prison après avoir purgé un sixième de leur peine — soit deux ans sur une peine d'emprisonnement de 13 ans — est déconcertante pour les Canadiens. Mais nous devons aussi nous demander s'il est vraiment opportun d'imposer une politique qui touche 1 000 personnes par année afin de cibler deux personnes. Mes questions vont donc être posées dans cette optique-là.
Le comité a mené une étude de très grande envergure sur la fréquence des problèmes de maladie mentale et de toxicomanie au sein du système carcéral fédéral. Nous avons constaté que 80 p. 100 des détenus qui se trouvent dans nos établissements fédéraux ont des problèmes de toxicomanie ou d'alcoolisme, et qu'un pourcentage très élevé — je ne pense même pas qu'on ait réussi à en établir le nombre — sont atteints de problèmes de maladie mentale. Je sais aussi que l'accès en temps opportun à des programmes de traitement efficace de la toxicomanie ou de la maladie mentale est lamentable à l'heure actuelle dans les établissements fédéraux.
Dans ce contexte, le transfert des détenus admissibles — c'est-à-dire, des délinquants primaires non violents — à des maisons de transition dans la collectivité, où ils ont accès à une gamme de services communautaires beaucoup plus vastes, tels que le traitement de la toxicomanie et de la maladie mentale, ainsi qu'à la possibilité de réintégrer la société, de renouer leurs liens avec la famille et de travailler, favorise à la fois leur réinsertion et leur réadaptation.
Est-ce qu'il y en a qui ne sont pas d'accord avec moi à ce sujet?
Je voudrais aussi vous poser une question au sujet des coûts. Je crois savoir que chaque détenu de sexe masculin dans nos établissements fédéraux coûte environ 140 000 $ par an. Mme Page disait qu'il en coûte 185 000 $ pour une femme.
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Très bien. Le gouvernement est d'avis que les Canadiens n'ont pas besoin de savoir combien cela va coûter. Il semble penser que l'argent des contribuables canadiens… On n'a pas le droit de savoir combien cela va coûter, mais je vais tout de même essayer de faire quelques calculs.
Si 1 000 personnes par année doivent rester en prison pour y purger un tiers de leur peine, plutôt qu'un sixième de leur peine, la différence de coût est d'au moins 100 000 $ par personne, ce qui veut dire qu'on doit multiplier 100 000 $ par 1 000 pour chaque personne qui resterait en prison, au lieu d'être surveillée dans la collectivité. Mes calculs sont-ils inexacts?
Or, nous avons un problème de surpeuplement. Une note de service a été diffusée par le Service correctionnel il y a environ 10 jours. Selon cette dernière, le Service correctionnel est d'avis que, à eux seuls, ces deux projets de loi que propose le gouvernement donneront lieu à une augmentation de la population carcérale d'environ 4 000 au cours des deux ou trois prochaines années, ce qui signifie que nous devrons engager 3 300 gardiens de prison de plus. Par ailleurs, le projet de loi que nous examinons maintenant forcerait 1 000 personnes de plus par année à rester en prison, ce qui donne 5 000 détenus de plus dans nos établissements au cours des deux ou trois prochaines années. Et ça, c'est par rapport à une population carcérale de 13 000. Donc, il y aura 40 p. 100 de plus de détenus.
Avons-nous suffisamment de place dans les prisons actuelles pour héberger toutes ces personnes au cours des deux prochaines années?
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Permettez-moi donc de résumer. Ce projet de loi aura pour conséquence de faire augmenter en flèche les coûts, à la fois les coûts de fonctionnement et d'investissement. Il aggravera le problème de surpeuplement, ce qui créera plus de tension et plus de violence dont pâtiront à la fois les membres du personnel et les détenus.
Nous avons à l'heure actuelle un programme qui me semble être une réussite, étant donné que la grande majorité des gens qui sont libérés par suite de la procédure d'examen expéditif ne récidivent pas. Avons-nous des preuves que les résultats seront positifs si nous les gardons en prison plus longtemps?
Je rappelle également, monsieur le président, pour les fins du compte rendu, que nous n'avons personne de la Commission nationale des libérations conditionnelles, même si nous avons essayé de faire venir un responsable. Je voudrais donc vous lire leur réponse, encore une fois pour les fins du compte rendu:
Vu le très court préavis donné aux responsables de la Commission nationale des libérations conditionnelles — quelques heures seulement — nous devons malheureusement, n'ayant pas pu nous préparer pour la réunion d'aujourd'hui, refuser l'invitation du comité à comparaître plus tard ce soir. Nous serions ravis de comparaître devant le comité à une date ultérieure.
Je voudrais poser la question que voici aux membres du comité: les membres du Bloc et du Parti conservateur ont fait front commun en vue de faire adopter à la va-vite ce projet de loi par le Parlement — cela s'est fait en une semaine. Y a-t-il des preuves que vous pourriez nous fournir qui indiqueraient qu'il est urgent d'adopter ce projet de loi dès aujourd'hui, plutôt que d'en étudier les incidences, d'en déterminer le coût, de savoir qui serait touché et d'en connaître les conséquences pour notre politique dans ce domaine?
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Je ne vois pas ça dans la perspective du contribuable, je vois ça en tant que victime.
Ceux d'entre vous qui n'ont jamais connu ça ne voudraient pas vivre les cinq dernières années que j'ai vécues. Comme certaines autres victimes l'ont fait, j'ai décidé au tout début du processus d'oublier mon argent, de continuer, puisque j'avais la capacité de le faire. C'est 9 200 personnes qui ont été flouées par M. Lacroix. Ici, on parle de 5 000 délinquants. On ne compare pas les mêmes choses.
Pendant cinq ans, la vie de la grande majorité de ces gens a été détruite. Ils ont attendu après le système pendant cinq ans pour se faire dire que, oui, on allait s'occuper d'eux. On a compris que le système, aujourd'hui, est ainsi fait, il fonctionne comme ça. Toutefois, ça ne nous donne pas les cinq ans qu'on a perdus. Parmi ces personnes, certaines se sont suicidées, des couples ont divorcé. Des drames se sont joués. Des drames aussi importants, sinon plus, que ceux des personnes dont vous parlez qui, elles, ont provoqué ces situations. On parle de fraude, mais on peut parler de tous les autres crimes.
Je m'interroge un peu sur les arguments. Je vois bien que l'avis des gens autour de la table est clairement partagé. D'un côté, on dit qu'il ne faut pas toucher à ça, parce que cela aura peut-être un impact négatif sur des personnes. Je serais curieux de faire une étude pour déterminer combien cet impact a coûté au gouvernement du Québec, si l'on tient compte des personnes qui ont dû être hospitalisées ou traitées, des personnes décédées et des effets sur leur famille et tout le reste.
Moi, je m'en suis bien sorti. Pour quelle raison? Je ne pourrais pas le dire. J'ai décidé de passer à autre chose. Par contre, la majorité des gens qui ont été victimes de la fraude de Norbourg ne pouvaient pas se le permettre. Je connais des gens qui se sont suicidés. J'en ai connu deux personnellement. J'en ai connu plusieurs qui se sont retrouvés à l'hôpital. C'est le cas d'un de mes amis. Il a passé neuf mois en soins psychiatriques à l'hôpital.
Ce sont des impacts majeurs qui coûtent beaucoup d'argent.
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Je me sens trahie. Je me sens violée. Je ne fais pas plus confiance aux gens.
D'après ce que j'entends aujourd'hui, tout le monde est très préoccupé par la psychologie et la réhabilitation de ces gens qui ont fait des choses qu'ils n'auraient pas dû faire, alors que personne ne se préoccupe de la vie de leurs victimes qui doit continuer. Tous ces gens sont très inquiets. Il faut les réintégrer. Et nous, que faisons-nous? Comment pouvons-nous nous réintégrer? Comment continue-t-on sa vie quand on souffre de maladies psychologiques comme la dépression, quand il y a eu des suicides autour de soi, quand des personnes âgées ont tout perdu? Personne ne se soucie de cela.
Tout ce que je crois, c'est que la Charte des droits et libertés qu'on a ici, au Canada, sert à protéger les criminels et non les victimes ou les citoyens qui travaillent et paient leurs impôts. Je trouve ça très frustrant.
En plus, on doit payer. On n'a même pas de crédit d'impôt parce qu'on s'est fait flouer. On paie encore de l'impôt.
Ces gens se soucient de surpopulation. Il faut faire plus de prisons parce que ça va être la maladie du siècle. Il n'y a plus de braquage de banque, ça va plutôt être la fraude. Ce sont les voleurs à cravate dont on entend parler tous les jours. On est en train de les faire sortir.
Il faut trouver une solution, il faut que ces gens arrêtent. Il faut qu'on leur fasse peur et qu'on leur dise qu'ils doivent subir les conséquences. C'est ce qu'on apprend dès son jeune âge. On nous dit qu'il y a des lois à respecter et que si on ne les respecte pas, il y a des conséquences. Il ne faut pas qu'on leur donne des chances, ni qu'on dise que, psychologiquement, il faudrait les aider à se réintégrer et tout ça.
Qui pense à nous, ici?
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M. MacKenzie, qui a quitté la salle, lisait tout à l'heure une très longue lettre. Malheureusement, il n'est plus là, mais je voudrais qu'il sache que je suis d'accord avec lui. Nous sommes d'accord avec ce qu'on dit dans cette lettre. Tout le monde, les députés de tous les partis… Nous n'avons aucune sympathie pour Earl Jones. Nous ne voulons pas qu'il soit libéré.
Il y a une partie de la lettre qu'il a lu où on disait qu'il y a peu d'incitation à réprimer ce type de crime d'après le libellé du Code criminel. Nous sommes d'accord à ce sujet. Je pense que l'auteur de la lettre voulait dire que la loi actuelle n'est pas assez énergique. Nous sommes d'accord, là aussi.
Je voudrais également préciser pour la gouverne des victimes, pour que vous le sachiez, que nous compatissons à votre situation, que nous sommes de tout coeur avec vous et que nous appuyons votre position. S'agissant du projet de loi sur la criminalité en col blanc, les députés du Parti libéral ont essayé de faire apporter certains amendements au projet de loi à l'automne, lorsqu'il était à l'étude devant le Comité de la justice, pour que M. Lacroix ne soit pas libéré et pour éliminer justement le droit à la semi-liberté au sixième de la peine pour tous les fraudeurs qui ont commis des crimes graves. Mais les députés du Bloc et du Parti conservateur ont voté contre. Il aurait été possible de régler ce problème dès l'automne dernier. Mais le problème n'est toujours pas réglé et c'est pour cela que nous sommes là ce soir.
Après la deuxième prorogation du Parlement, nous avons organisé un forum au Parlement, lorsque ce dernier ne siégeait pas, sur la criminalité en col blanc. J'en ai été le coprésident. Nous avons examiné plusieurs possibilités et nous avons également fait des propositions au gouvernement.
J'aimerais donc vous demander si vous êtes d'accord avec ces propositions? Êtes-vous d'accord qu'il faut plus de crédits pour faire respecter la loi et donc éviter ce genre de situations? Je présume que vous êtes tous d'accord. Y en a-t-il qui ne le sont pas? Je ne vois personne qui lève la main.
Faut-il plus de crédits pour les enquêtes? Vous dites tous oui de la tête. Je présume que vous êtes tous d'accord. Mais on n'en a pas du tout parlé.
Et que pensez-vous des ordonnances de dédommagement? Vous qui avez perdu de l'argent devriez automatiquement faire l'objet d'une ordonnance de dédommagement. Les juges devraient vous dire: « Telle personne vous doit une certaine somme d'argent. Donc, vous ne serez pas obligé de vous adresser aux tribunaux pour lui intenter un procès. Vous n'aurez pas à dépenser de l'argent pour un avocat ». Toutes les victimes disent oui de la tête. Donc, vous êtes d'accord. Le gouvernement n'a absolument rien fait dans ce domaine.
Et des peines plus longues? M. Jones s'est fait imposer une peine d'emprisonnement de 11 ans pour son crime. Pourquoi la peine maximale ne serait-elle pas de 20 ans, par exemple? Pourquoi ne pas prévoir une peine plus sévère? Vous êtes d'accord là-dessus. C'est ce que nous avons proposé la dernière fois. Je vois que toutes les victimes disent oui de la tête; vous êtes d'avis que sa peine devrait être plus longue. Et nous sommes d'accord avec vous. Sa peine devrait effectivement être plus longue.
Et les crédits d'impôt? C'est vous qui avez mentionné cela, madame Naltchayan. Vous savez, le Parti libéral a fait justement cette proposition en janvier 2010. Nous avons dit: « Pourquoi n'y a-t-il pas encore de crédits d'impôt pour que les victimes d'une fraude bénéficient d'un traitement particulier de la part de l'ARC? » C'est nous qui avons dit cela. Mais où est le projet de loi qui permettrait de le concrétiser? Et il n'en est pas du tout question ici non plus.
Je vois que vous dites tous oui de la tête. Ce sont toutes de bonnes idées. Et le fait est que nous-mêmes avons proposé ces idées il y a longtemps.
L'automne dernier, les conservateurs et les membres du Bloc ont voté contre des amendements qui auraient permis de garder M. Lacroix en prison, et c'est la raison pour laquelle nous sommes maintenant en train d'en discuter dans le cadre d'un processus antidémocratique qui nous empêche de faire une étude en profondeur et d'obtenir les bons conseils. Voilà pourquoi nous nous y opposons. C'est la seule raison pour laquelle nous sommes opposés.
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Je voudrais remercier tous les témoins pour leur présence. Il est toujours intéressant d'entendre les affirmations des libéraux, qui nous disent qu'ils feraient toutes sortes de choses, mais le fait est qu'ils ne se sont attaqués à aucun de ces problèmes pendant les 13 ans où ils formaient le gouvernement. Nous essayons donc à présent de corriger la situation. C'est un début.
Il est intéressant de noter que, lorsqu'on était en train d'énumérer toutes sortes de statistiques au sujet des détenus qui ont droit à la libération conditionnelle et ce que cela voudrait dire, nous étions en train de nous dire que tous ces gens-là essaient de se remettre sur la bonne voie. Mais l'un des commentaires de M. Gravelle m'a vraiment interpellé lorsqu'il nous a rappelé qu'une seule personne a détruit la vie de plus de 9 000 victimes directes, et que ces 9 000 victimes ont des maris, des femmes, des enfants et des amis.
Ensuite, j'ai écouté les propos de M. Ali Reza Pedram, et là nous avons su qu'il y avait eu 158 victimes. Le criminel a droit à la libération conditionnelle au sixième de la peine, mais vous, qui êtes une seule victime parmi d'autres, vous devez travailler cinq, six, sept jours par semaine et 18 heures par jour. Il n'y a pas une armée de travailleurs sociaux qui vous disent que, comme vous êtes une victime, ils ont toutes sortes de services à vous offrir. Vous pouvez toujours obtenir des services en vertu de votre régime de soins de santé, mais vous êtes sans doute trop occupé à essayer de rembourser à la banque la somme d'argent que vous avez perdue en raison du crime commis par quelqu'un d'autre.
Madame Naltchayan, vous avez dit plus d'une fois que vous n'avez pas accès à toute une armée de personnes grassement payées qui travaillent pour le gouvernement ou qui défendent les mêmes personnes qui vous ont fraudée, ni à une armée d'études. Vous savez simplement qu'il y a à présent un grand vide dans votre vie et dans la vie de bon nombre de personnes comme vous.
Mon ami ici vient de dire, à juste titre, que nous n'aurions pas besoin de prisons supplémentaires et de toutes ces autres choses si les gens ne commettaient pas de crimes. Lorsqu'ils commettent un crime, nous nous inquiétons tellement des raisons pour lesquelles ils l'ont fait. Il faut effectivement les soigner. Comme je l'ai déjà dit, en tant que législateurs, nous avons la responsabilité, si nous mettons les gens en prison, de leur fournir les outils qui vont leur permettre d'éviter de retourner en prison après avoir été libérés. Mais cela ne veut pas dire que nous devons les aider à continuer ce genre d'activités. Il faut leur dire: « Vous avez commis un acte répréhensible. Vous allez payer votre dette à la société, et en tant que société, nous allons vous aider à vous en sortir. »
Cela veut-il dire que nous avons déjà fait tout ce que nous serions en mesure de faire? Non. Notre gouvernement a justement lancé l'étude dont parlait M. Davies. C'est une étude qui a été commandée par notre gouvernement. On a demandé au comité de l'examiner, d'ailleurs. Nous n'avons pas peur de l'examiner, mais nous disons simplement qu'avant de faire autre chose, il faut d'abord écouter les victimes. Nous devons savoir comment ils se sentent, et nous devons agir en conséquence.
Je suis un chrétien pratiquant, et je dois dire que je connais peu de membres de ma congrégation ou de celle de ma femme qui seraient d'avis que nous faisons fausse route. Il y a des choses qu'on a envie de dire sur des questions comme celle-là mais qu'on n'ose pas dire. Par contre, faire un feu de joie et se contenter de chanter Kumbaya en jouant de la guitare ne va absolument pas améliorer notre monde. À mon avis, nous réussirons à l'améliorer en étant à l'écoute des victimes et en essayant d'établir un juste équilibre et faire sentir aux gens qu'on… Vous dites que vous vous sentez un peu comme une victime de viol. C'est grave.
Monsieur Gravelle, pourriez-vous nous parler des expériences de vos amis qui sont victimes?
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Merci. Ce n'est pas beaucoup de temps.
Je tiens tout d'abord à vous remercier rapidement, mais le plus chaleureusement du monde, d'être venus ici.
Personnellement, je me demande depuis 1966 pourquoi les gens commettent des crimes. Je connais bien des réponses, mais je ne crois pas que la peur de la prison soit la réponse principale, et ce, depuis longtemps. Je crois profondément que nous avons trop recours à l'incarcération au Canada. En tout cas, notre taux d'incarcération est supérieur à celui des autres pays auxquels nous aimons nous comparer. Pourtant, c'est moi qui ai présenté ce projet de loi au début, et je vais vous expliquer pourquoi. J'aimerais bien avoir votre accord au moment opportun.
On peut se comparer aux autres pays. Le King's College de Londres mesure chaque année le taux d'incarcération dans 216 pays. L'an dernier, le Canada comptait 127 prisonniers pour 100 000 habitants; les États-Unis, avec lesquels nous nous comparons, 743; la Russie, 582. Le Canada se classait au 123e rang parmi les 216 pays. Nous nous situons donc un peu en bas du milieu. Examinons les pays comparables. En Nouvelle-Zélande, le taux est de 203; c'est beaucoup. Or, regardons les pays européens: pour la France, le taux est de 96; l'Allemagne, 88; la Suède, 78; le Danemark, 71. Quant au Japon, il est de 62. Le taux d'incarcération de la Finlande est encore plus bas.
On pourrait effectivement avoir moins recours à l'incarcération, mais en écoutant les victimes et l'opinion publique en général, je crois qu'on est prêt à accepter un système qui est raisonnable, dont on comprend la rationalité. Et l'une des rationalités que le grand public accepte, c'est la façon dont les peines sont établies par des juges indépendants, éduqués, impartiaux, qui rendent leur sentence après avoir entendu les deux parties et pris en considération les circonstances atténuantes ou aggravantes. D'ailleurs, je n'ai pas entendu beaucoup de victimes ici se plaindre des sentences rendues par les juges.
En effet, je crois qu'il est possible de convaincre les juges de réduire l'incarcération, de leur donner les moyens de le faire efficacement, si les gens y croient. Or, quand un juge a suivi ce processus, livré sa sentence et qu'on divise la durée de la peine par six, le public ne suit plus.
Avec l'appui de mon parti, j'ai présenté un projet en juin 2007 pour abolir le geste quasi automatique d'accorder la libération accélérée. Car c'est bien de cela qu'il s'agit ici. J'ai donc présenté ce plan en juin 2007, mais le gouvernement n'a rien fait. J'ai alors présenté un projet de loi, le 14 septembre 2009, pour proposer l'abolition de cette pratique. Le gouvernement a réagi en présentant un autre projet de loi en octobre 2009, mais il n'y a pas donné suite. J'ai donc présenté à nouveau le projet de loi en 2010, mais ce n'était pas assez pour réveiller le gouvernement. Récemment, quand il a vu cette révolte contre le système judiciaire, cette révolte parfaitement compréhensible contre la façon dont ces peines sont imposées — cette révolte se manifeste beaucoup au Québec par les victimes —, il a commencé à réagir. C'est vraiment drôle de voir les membres du gouvernement tenter de s'attribuer le mérite de ce changement d'attitude.
J'entends vos arguments soutenant que la prison coûte cher et que cela ne sert pas toujours. J'en conviens, j'en suis moi-même convaincu, mais il ne s'agit pas de cela, ici. Il est question de diviser presque automatiquement par six la durée des peines imposées par des juges qualifiés, après avoir entendu les parties. Il s'agit de cette pratique quasi automatique.
Je m'attends à recevoir votre appui quand nous étudierons d'autres projets de ce gouvernement, comme cette loi calomnieuse pour la magistrature qui vise à empêcher les délinquants violents et dangereux de purger leur peine à domicile. Or, les juges n'ont pas le droit d'accorder aux délinquants violents et dangereux des peines qu'ils devront purger à domicile. Pourquoi fait-on une loi pour faire cela? C'est une insulte à la magistrature. De plus, cela fera fluctuer le taux d'incarcération de façon inutile. Cela va réduire le nombre de peines purgées à domicile, alors que celles-ci sont beaucoup utilisées dans les pays européens et ont des effets bénéfiques sur la criminalité.
Je m'attends donc à recevoir votre soutien pour ce qui est de ces autres projets de loi. Toutefois, dans ce cas-ci, vous devez réaliser qu'on a besoin d'un public qui comprend et qui est même prêt à approuver un taux d'incarcération comparable à celui du Japon ou de la France, à la condition qu'il sente qu'il y a une justice et un côté rationnel derrière les décisions rendues. Le fait de diviser presque automatiquement par six la durée des peines imposées par les juges n'a pas cette rationalité, et cela discrédite notre système judiciaire.
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À mon avis, un simple oui ou non en réponse à cette question ne traduirait pas correctement le point de vue de l'organisation pour laquelle je travaille, soit le Conseil des Églises pour la justice et la criminologie. Je crois que nous avons un problème de société en ce qui concerne notre façon d'utiliser la prison. Nous sommes convaincus que, pour la victime, la justice passe par une peine d'emprisonnement. Ce qui m'attriste ce soir, c'est d'entendre parler des souffrances des victimes et du fait qu'elles n'ont bénéficié d'aucune aide. Or, l'aide dont elles ont besoin devrait leur être disponible dès que nous nous rendons compte qu'elles ont subi un préjudice. Il reste que le fait d'investir davantage dans les peines d'emprisonnement ne va pas aider, par rapport à leurs véritables besoins, ne va pas nous permettre d'empêcher la perpétration d'un crime et, malheureusement, nous finirons par avoir moins de crédits à consacrer aux véritables services dont elles ont besoin dès le départ, étant donné ce qui leur est arrivé. À mon avis, c'est une priorité. J'estime que le gouvernement actuel n'investit pas suffisamment dans les services pour les victimes. Nous sommes au courant de moyens qui pourraient être pris au niveau communautaire pour mieux répondre à leurs besoins, sur le plan du stress, de la réparation et de l'indemnisation. C'est beaucoup plus important.
Il n'existe pas d'infraction, par rapport à celle dont ils parlent, à l'égard de laquelle la peine d'emprisonnement automatique répondrait à l'intégralité de leurs besoins. Je voudrais vraiment qu'on en discute. Dans nos Églises, nous savons également que bon nombre de personnes — en fait la société et la culture en général — ont accepté cet argument. Or, il faut suivre l'exemple des gens aux États-Unis, qui se sont rendu compte de la gravité de leur erreur, en nous rendant nous-mêmes à l'évidence.
Vous avez également parlé des juges. À l'heure actuelle, les juges, eux aussi, se sentent obligés de suivre le courant de l'opinion publique, selon laquelle il faut de la prison, et encore plus de prison, alors que cette solution ne répond pas à nos besoins. Nous avons besoin au contraire de meilleurs services pour vous permettre de composer avec tout ce que vous avez vécu, et il nous les faut dès le départ. Si tout doit passer par le système accusatoire, nous allons simplement continuer à opposer les gens, les uns contre les autres, sans investir dans ce qui compte le plus pour nous, en tant que collectivités.
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Merci, monsieur le président.
Ce que je trouve malheureux à propos de ce débat, c'est le fait que, en réalité, il y a beaucoup de consensus autour de cette table. Les victimes qui ont pris la parole ont parlé de la nécessité de ne pas faire profiter de ces dispositions les personnes qui ont commis des crimes contre elles. Mais je n'ai encore entendu personne qui soit en désaccord avec cela.
D'ailleurs, nous avons entendu cela à plusieurs reprises. C'est une question qui a été soulevée à la Chambre. Quand nous parlions des délinquants primaires non violents… Nous avons déjà convenu que les fraudeurs de grande envergure ne devraient pas être inclus. Il y a des mesures concernant le viol des enfants dont nous serons bientôt saisis. À ce sujet, un député conservateur a laissé entendre que certains députés à la Chambre appuient la position d'organismes qui estiment qu'il ne faut rien faire contre une personne qui viole un enfant. Ce genre de commentaires dévalorise, non seulement le débat, mais la contribution de tous les députés à la Chambre.
Selon moi, un certain nombre d'idées constructives ont été proposées autour de cette table. Pour ma part, je m'inquiète surtout de ceux qui citent des exemples extrêmes et s'en servent pour élaborer des politiques générales qui apportent à notre système des changements radicaux qui touchent, non seulement les exemples extrêmes, mais tous les autres, de sorte que les conséquences finissent par être dévastatrices.
Nous devons répondre aux besoins de chaque victime, et nous devons le faire de façon intelligente. Je compatis fortement à la situation des personnes ici présentes, sachant ce qu'elles ont vécu. Oui, nous devons absolument réagir à cela, mais il faut trouver un moyen autre que l'incarcération. Il ne convient pas que nous profitions de vos expériences pour jouer à des jeux ou faire de la politicaillerie. Il faut que nous soyons en mesure de vous proposer des solutions honnêtes qui vont vraiment améliorer la sécurité des collectivités.
Je voudrais justement demander à Mme Pate si elle peut nous parler de certaines possibilités à cet égard? Peut-être pourrions-nous trouver un terrain d'entente qui nous permettrait de progresser de manière constructive, au lieu de nous lancer des injures ou de présenter des exemples extrêmes.
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Merci, monsieur Holland.
J'ai apprécié les commentaires du témoin, car Mme Naltchayan a parlé des victimes. Les membres du comité seront peut-être surpris d'apprendre que, en fait, certaines victimes d'Earl Jones se sont adressées à notre organisme pour obtenir des services et nous les avons effectivement accompagnées durant cette période. Ce sont des gens qui ont clairement affirmé la nécessité d'entreprendre des réformes visant à renforcer la justice sociale, c'est-à-dire le genre de réformes que défend notre organisme. Je suis sensible au sentiment des victimes d'avoir été en quelque sorte violées, surtout qu'il y a eu de nouvelles manifestations hier d'un bout à l'autre du pays au sujet des femmes autochtones disparues et assassinées qui n'obtiennent pas justice.
L'idée de mettre des ressources à la disposition des gens, avant qu'ils ne deviennent victimes, et après qu'ils le sont devenus, revêt une très grande importance pour notre organisme, et je crois que tous les organismes ici présents ont justement déployé énormément d'efforts pour obtenir cela. En investissant de plus en plus d'argent dans les prisons, pour pouvoir y enfermer de plus en plus de gens — au lieu de cibler uniquement les personnes que nous voulons empêcher de récidiver — nous finissons par soustraire à la collectivité les ressources qui nous auraient normalement permis d'accompagner les victimes, de les empêcher de devenir victimes, et d'aider ceux et celles qui ont payé leur dette à la société en les réintégrant dans la collectivité selon une formule qui rend cette approche plus sécuritaire dans l'ensemble.
Donc, le fait de consacrer de plus en plus de ressources à l'incarcération ne renforce pas notre sécurité. Nous en avons de nombreuses preuves. Sinon, les États-Unis n'abandonneraient pas leur politique.
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Environ 82 p. 100 des femmes incarcérées le sont pour des infractions liées à la pauvreté. Donc, un certain nombre de femmes qui auraient accès à la procédure d'examen expéditif seraient incarcérées pour des infractions liées à la fraude, mais pas des fraudes de l'envergure de celles dont nous parlons aujourd'hui. Elles ont peut-être accepté de passer des colis en les transportant d'un quartier de la ville à un autre ou même en traversant une frontière, mais il ne s'agit pas toujours de la drogue — cela peut être autre chose.
Elles sont souvent recrutées en groupes aux centres d'assistance sociale. Il y a un certain nombre de cas qui sont très bien documentés où nous savons que les femmes en question ont été ciblées parce qu'elles sont pauvres. Cela représente une proportion importante des femmes incarcérées. Il y en a d'autres qui ont été condamnées pour d'autres types d'infractions, non violentes, bien entendu, qui peuvent concerner la drogue, mais sont souvent liées à leurs antécédents de victimes.
De plus, 82 p. 100 de toutes les femmes et 91 p. 100 des femmes autochtones incarcérées ont des antécédents de sévices physiques ou sexuels, ou les deux. Étant donné qu'elles n'ont pas bénéficié de soutien en tant que victimes, lorsqu'elles étaient enfants ou même plus âgées, il arrive souvent qu'elles optent pour l'automédication, ce qui donne lieu à des problèmes de dépendance croisée et de santé mentale, si bien qu'elles finissent souvent par entrer dans le système.
Nous avons des femmes qui ont commis des infractions, qui ont pris de l'argent ou qui se sont montrées agressives en demandant de l'argent dans la rue, et qui ont fini… Il s'agit de personnes qui ont des incapacités intellectuelles et des problèmes de santé mentale qui s'aggravent par la suite. Nous connaissons tous l'histoire de Ashley Smith qui lançait des pommettes, qui n'a pas respecté les conditions de sa probation et qui a fini en prison…
Nous ne parlons pas de personnes qui sont considérées comme… Les femmes représentent la population carcérale qui augmente le plus rapidement. Comme nous l'avons déjà entendu, et d'après les données que j'ai reçues aujourd'hui des autorités correctionnelles, la grande majorité… d'après le chiffre qu'on m'a fourni, 61,6 p. 100 des personnes qui ont droit à la procédure d'examen expéditif sont des femmes. Il est donc clair que cette mesure législative aura une incidence disproportionnée sur les femmes, alors qu'elles représentent déjà la population carcérale qui augmente le plus rapidement; de plus, elles sont déjà surreprésentées et les ressources mises à leur disposition sont moindres, dans la collectivité et dans les prisons, qui pourraient les empêcher d'être victimisées et…
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Je voudrais simplement faire un commentaire, étant donné qu'il ne me reste que 30 secondes.
M. Lobb disait que cela coûte trop cher de garder ces gens-là en prison. C'est ce qu'il a dit. Mais personne autour de cette table, y compris les membres de notre parti et vous là-bas, n'est d'accord avec une telle affirmation.
Nous ne sommes pas en train de dire que cela coûte trop cher de garder des gens comme M. Jones et M. Lacroix, qui ont commis des crimes graves, en prison; nous vous disons simplement que nous préférerions être en train d'examiner un projet de loi qui vous aiderait à récupérer votre argent, par exemple, monsieur Gravel, ou encore un projet de loi qui offrirait à des gens comme vous, madame Pate, un crédit d'impôt ou quelque chose du genre, pour que vous puissiez quitter cette salle en étant convaincus qu'on a pris des mesures concrètes pour vraiment aider les victimes, au lieu de s'abaisser à faire de la politique politicienne.
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Je crois que nous avons déjà entendu certains éléments du profil du détenu fédéral: ce sont des personnes qui ont une dépendance, soit à la drogue, soit à l'alcool, et il y en a également un grand nombre qui ont des problèmes de santé mentale également.
Quant à savoir qui sera touché par l'élimination de la PEE c'est difficile à dire, à mon avis. Les données de la CNLC dont j'ai pris connaissance ne présentent pas de ventilation en fonction de la durée de la peine ou du profil du délinquant.
Mais je me permets de répéter ce qui a été dit tout à l'heure. Si le système fonctionnait aussi bien que nous le souhaitons, il est possible que les répercussions seraient bien moindres par rapport à celles que nous avons évoquées ce soir. Mais, le fait est que, étant donné que les détenus n'ont pas accès aux programmes en prison, qu'il y a un problème de surpeuplement et un manque de ressources, l'étude de leur admissibilité pour la PEE a lieu beaucoup plus tard. Par conséquent, l'effet cumulatif de l'élimination de la PEE sera considérable avec le temps, et même dans l'immédiat.
Comme je l'expliquais plus tôt, en ce qui me concerne, le meilleur moyen de protéger la société est d'assurer leur réinsertion dans la collectivité en toute sécurité. Plus les détenus passent de temps en prison, moins ils seront sujets à la surveillance après être sortis de prison.
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Très bien. Merci beaucoup. C'est bien gentil de votre part.
S'agissant de peines de courte durée, il faut bien comprendre que les personnes condamnées à une peine d'emprisonnement de courte durée ne bénéficient pas de la libération conditionnelle. C'est-à-dire que la PEE change le calcul. En vertu de la procédure d'examen expéditif, la Commission est obligée de libérer les détenus au moment où ils ont purgé un certain pourcentage de leur peine, à moins qu'il s'agisse de cas problème. En l'absence de la PEE, ces mêmes personnes devront présenter une demande pour passer devant la Commission. Même si elles arrivent à passer devant la Commission dans le cadre d'une audience, elles vont être perdantes, car il y a inversion de la charge de la preuve. En d'autres termes, la Commission refusera de libérer un détenu à moins que ce dernier ne puisse prouver que ses attitudes et son comportement ont changé de façon importante et durable. Or, c'est tout à fait impossible lorsqu'on n'a pas accès aux programmes, et justement les programmes ne sont pas accessibles aux personnes condamnées à une peine d'emprisonnement de courte durée. Donc, quand nos clients purgent une peine de courte durée en pénitencier, s'ils n'ont pas accès à la procédure d'examen expéditif, nous savons pertinemment qu'ils devront purger les deux tiers de leur peine. Dès le départ, ils commencent à supplier les autorités de leur permettre de participer aux programmes. Ils présentent des demandes écrites. Ils déposent des griefs. Malgré tout, ils n'ont pas accès aux programmes. Ces programmes ne sont pas disponibles. Donc, la Commission va automatiquement refuser leurs demandes. C'est ça la réalité.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier tous les témoins pour leur présence parmi nous ce soir. Je sais que la soirée a été longue.
Monsieur Sapers, dans le texte de votre exposé liminaire, vous avez dit ceci — et je suis en train de lire votre texte à la page 5 — « Il est également important de faire observer que la libération d'un délinquant à l'issue de la procédure d'examen expéditif après qu'il a purgé le sixième de la peine n'est pas automatique. » Vous avez même souligné les mots « n'est pas ». Or, notre ami, M. Ménard, a mentionné, au moment de poser une de ses questions, que c'est automatique ou quasi-automatique pour les criminels à cravate. À mon avis, c'est une distinction importante. Si j'ai bien compris — et vous me corrigerez si je me trompe — en ce qui concerne les délinquants non violents, la Commission des libérations conditionnelles n'a pas le pouvoir de ne pas libérer un délinquant après qu'il a purgé le sixième de sa peine, ce qui veut dire que les criminels à cravate ont automatiquement droit à la libération conditionnelle au sixième de la peine.
Je vois que M. Fineberg dit non de la tête, et je vais peut-être lui redonner la parole dans une seconde, mais j'aimerais que M. Sapers me réponde d'abord.
La Cour supérieure du Québec s'est clairement exprimée sur la question, en déclarant que, tant que la Commission des libérations conditionnelles n'a pas pris une décision en bonne et due forme dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, la libération ne sera pas possible. Certains ont fait valoir devant un tribunal que, parce que leur client est un criminel à cravate et qu'il n'y a absolument aucune indication de comportement violent, il doit être libéré, et la Cour supérieure a dit non, que la Commission doit exercer son pouvoir discrétionnaire. En prenant sa décision, la Commission se fonde sur la possibilité qu'un délinquant présente un potentiel de comportement violent à l'avenir, en s'appuyant non seulement sur l'infraction qui vient d'être commise, mais sur le casier judiciaire au niveau provincial dans son ensemble, sur tout ce qu'elle a pu obtenir comme information par le biais de la police, etc., et ce même si l'intéressé n'a jamais été accusé ou trouvé coupable de l'infraction en question.
Donc, si la Commission possède de l'information indiquant que vous avez été mêlé à des bagarres dans des bars ou que la police vous a interpellé pour un incident de violence conjugale, même si vous n'avez jamais été trouvé coupable d'infraction de ce genre, la Commission s'appuiera sur cette information pour refuser votre libération conditionnelle.
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Merci, monsieur MacKenzie.
Moi, aussi, je voudrais vous remercier tous de votre présence et d'avoir accepté de comparaître devant le comité. Nous avons déjà eu une longue journée ici à la Chambre des communes, et il nous reste encore au moins une heure de travail.
Je crois que M. Kania a fait une suggestion intéressante. Il a dit qu'il aimerait que les criminels remboursent l'argent qu'ils ont volé avant de sortir de prison. C'est une idée originale, me semble-t-il. S'il nous est possible de faire en sorte que les victimes soient dédommagées, je vous assure que nous ferons le nécessaire.
Ce projet de loi constitue une première étape. Il y aura de nombreuses autres étapes et de nombreux autres projets de loi par la suite. J'espère qu'un certain nombre d'entre eux répondra aux préoccupations que vous avez exprimées ce soir en tant que victimes.
Nous allons suspendre nos travaux pendant cinq minutes, pour permettre aux témoins de quitter la salle. Merci encore une fois de votre présence.
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Je vais donc vous expliquer très brièvement la raison d'être de cet amendement, monsieur le président.
Nous avons clairement indiqué, dès le début de cette étude, qu'en ce qui concerne la fraude de grande envergure, nous sommes d'accord pour supprimer l'accès à la procédure d'examen expéditif mais, en même temps, je crois que nous avons reçu des témoignages très convaincants devant le comité, et même de dehors du comité, concernant la nécessité de ne pas y mettre fin pour tout le monde.
Mme Pate, de même que d'autres témoins, ont évoqué l'incidence disproportionnée de cette mesure sur les femmes. Plus de 60 p. 100 des personnes qui seraient touchées par l'élimination de cette procédure sont des femmes. Bon nombre de ces femmes sont d'un milieu pauvre. Bon nombre d'entre elles ont dû être abusées ou se trouver dans une situation où on se servait d'elles ou elles étaient vulnérables. Nous savons fort bien que plus de 80 p. 100 des femmes incarcérées ont des problèmes de dépendance. Nous savons étalement que plus de 30 p. 100 des femmes incarcérées sont Autochtones, même si elles ne représentent que 4 p. 100 de la population globale.
Il est donc évident que cette mesure législative vise de manière disproportionnée les femmes, et notamment les femmes autochtones et, cela étant, ce sont des gens extrêmement vulnérables qui vont en subir les contrecoups, et ce de façon disproportionnée. Le projet d'article que vous avez sous les yeux, à supposer que les intentions qui ont été exprimées soient sincères — et si je peux me fier à tout ce qui a été dit dans le contexte de la discussion autour de cette table au sujet de la nécessité de s'attaquer aux fraudeurs, surtout aux fraudeurs de grande envergure, devrait effectivement régler le problème. Je pense que nous pouvons l'accepter à l'unanimité et progresser assez rapidement après cela.
J'exhorte donc tous les membres à voter en faveur de cet amendement. À mon avis, il fixe la bonne cible. Il n'impose pas un fardeau injustifié à notre système correctionnel, et il garantit que toutes sortes de personnes qui, d'après nos délibérations, ne devraient pas être touchées, ne seront pas visées par cette mesure législative.
Je vous dis cela en m'appuyant tout particulièrement sur le fait que tous les témoignages que nous avons reçus, pas seulement ceux de l'enquêteur correctionnel, mais dans l'ensemble, indiquent que la procédure d'examen expéditif s'est révélée très efficace en ce qui concerne la réadaptation des détenus. Comme on vous l'a déjà dit, le taux de récidive est de 0,3 p. 100 et de 0,4 p. 100, respectivement, et pour cette raison, monsieur le président, il convient, selon moi, d'appuyer cet amendement.
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Merci beaucoup. Comme vous le savez, à l'étape de l'étude article par article, nous examinons chacun des amendements qui est proposé.
S'agissant de cet amendement, la décision du président est qu'il est irrecevable. Le projet de loi modifie la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin de supprimer la procédure d'examen expéditif par l'abrogation des articles 125 à 126.1 de la loi. Cet amendement propose de laisser intacts ces articles et de modifier l'article 125 afin d'y ajouter les infractions visées à l'article 380 du Code criminel, si la valeur de l'objet de l'infraction dépasse 100 000 $.
Dans l'ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes (2e édition), à la page 766, on peut lire ceci:
Un amendement à un projet de loi renvoyé à un comité après la deuxième lecture est irrecevable s'il dépasse la portée et le principe du projet de loi.
De l'avis du président, le maintien des articles 125 à 126.1 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, comme le propose l'amendement, est contraire au principe du projet de loi et est, par conséquent, irrecevable.
Donc, l'amendement en question est irrecevable.
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Merci, monsieur le président. Je vais être bref.
Les amendements que propose le NPD visent ce que nous considérons comme le véritable problème. Nous admettons que le genre de fraude commise par M. Jones et M. Lacroix contre plusieurs centaines, voire même plusieurs milliers, de Canadiens est inacceptable. À notre avis, ce genre de délinquants ne devraient pas avoir droit à la procédure d'examen expéditif.
Mais nous savons également que… et là nous nous permettons de vous rappeler les témoignages que nous avons reçus, selon lesquels 1 500 délinquants sont admissibles à cette procédure chaque année et que bon nombre d'entre eux bénéficient de la PEE. Cela les aide à ne pas récidiver. Donc, monsieur le président, cet amendement vise à ajouter à l'article en vertu duquel M. Lacroix et M. Jones ont été condamnés, ainsi qu'à plusieurs autres articles, qui concernent tous en quelque sorte les infractions commises par les criminels à cravate… Afin d'encadrer un peu le projet de loi, nous disons ici que quiconque a été déclaré coupable d'un crime en col blanc où la valeur de l'objet de l'infraction dépasse 1 million de dollars n'aurait pas droit à la procédure d'examen expéditif.
Ainsi nous séparons le bon grain de l'ivraie. Nous ciblons les personnes qui ne devraient vraiment pas avoir droit à la procédure d'examen expéditif tout en conservant les avantages de cette dernière pour bon nombre de délinquants qui peuvent en bénéficier, si bien qu'on économise l'argent des contribuables, on favorise la réinsertion, on permet à beaucoup de gens d'avoir accès aux services communautaires et on réduit le taux de récidivisme.
Encore une fois, cela nous permet de préserver la procédure d'examen expéditif pour les délinquants primaires non violents, tout en nous permettant, en tant que parlementaires, d'éliminer la PEE pour les fraudeurs et criminels à cravate comme M. Jones et M. Lacroix.
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Monsieur le président, pour toutes les raisons que vous avez évoquées en déclarant que cet amendement est irrecevable — même si les membres de l'opposition ont réussi à infirmer cette décision — nous sommes contre. Il est tout à fait contraire à l'intention du projet de loi.
Je suis un peu déçu de voir que Mme Mourani a cru bon d'appuyer l'autre point de vue au lieu d'appuyer votre décision. Nous en avons parlé précédemment et elle nous avait fait savoir qu'elle était contre tous les amendements. À mon avis, cet amendement est tout à fait contraire à l'intention du projet de loi. Je ne vois pas comment je pourrais dire cela en termes plus clairs: ce qu'il propose ici ne cadre pas du tout avec l'intention du projet de loi, et ce depuis toujours.
C'est cela qui avait été convenu; nous avions une entente. Là, tout d'un coup, on indique une valeur, alors qu'il n'en a jamais été question tout au long de cette démarche. Le Bloc québécois s'est entendu avec notre parti pour faire adopter le projet de loi sans amendement; donc, je ne comprends pas comment ce qu'ils font maintenant peut être légitime. Si on inscrit une valeur, eh bien, c'est tout à fait contraire à ce qui était prévu et à l'intention originale, et pour moi, cela ne fait qu'édulcorer le texte original.
Je ne sais pas si Mme Mourani veut en parler ou non, mais je suis très déçu de voir ce qui arrive étant donné la décision que vous aviez prise.
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Monsieur le président, si j'ai cassé votre décision, ce n'était pas pour des raisons personnelles, mais simplement pour permettre le débat.
Je doutais fort que votre décision ait été juste. Après réflexion, on pense que l'amendement est quand même recevable. C'est pour ça que je ne comprenais pas pourquoi vous estimiez que c'était irrecevable, d'autant plus qu'il n'y avait pas de débat.
Par contre, nous allons voter contre. Je ne vous dis pas que nous allons voter en faveur. Nous voterons contre tous les amendements qui seront apportés aujourd'hui. C'est clair, je les ai tous regardés. On va voter contre tout ça.
Cela dit, nous estimions qu'ils allaient quand même dans le sens du projet de loi. On est dans une enceinte démocratique, les gens ont le droit de présenter leurs amendements et on peut en discuter. Toutefois, on votera contre, on peut vous l'assurer.
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Je voudrais me prononcer sur l'amendement. Pour moi, ce dernier ne cadre pas du tout avec l'intention originale du projet de loi.
Deuxièmement, en introduisant le genre de notion que propose l'amendement, nous diluons l'intention originale. Il y a tellement de victimes de la criminalité en col blanc, et ce sont celles-là dont la situation est la plus difficile à traiter. Nous avons reçu des témoins aujourd'hui qui sont parmi les gens les plus vulnérables. Ce sont des personnes âgées. Ce sont des personnes qui, comme bon nombre des résidents de ma collectivité, ont réussi à économiser 60 000 $ ou 70 000 $ pour leur permettre de finir leur vie dans la dignité. Mais elles sont fraudées par quelqu'un qui peut arnaquer seulement cinq ou six personnes finalement. Est-ce que cela diminue l'importance de leur situation par rapport aux victimes d'une grande combine à la Ponzi? À mon avis, non. En fait, ce sont les personnes les plus vulnérables; celles qui souffrent le plus.
Nous avons entendu les propos de nos témoins, notamment ceux des victimes qui sont présentes — le monsieur ici — qui nous décrivaient ce soir ce qui est arrivé aux personnes qui ont été humiliées et qui ont tout perdu. Ce n'était peut-être pas une grosse somme d'argent, aux yeux de certains. Il reste que certaines d'entre elles se sont suicidées ou reçoivent des soins psychologiques depuis des années à cause de cela. Cela leur a essentiellement gâché la vie.
Donc, diminuer l'importance de tout cela en établissant une distinction entre une personne qui veut victimiser de telles personnes en les fraudant… prétendre que son crime est moins important que celui d'un fraudeur de grande envergure… pour ma part, je n'accepte pas cet argument.
Cet amendement nous amènerait à classer les fraudeurs. Il nous amènerait à conclure qu'il y a les fraudeurs de grande envergure très sophistiqués qui réussissent à voler des millions de dollars — et, évidemment, nous ne voulons pas que ces personnes aient accès à la libération conditionnelle hâtive — et qu'il y a également des fraudeurs de moindre importance. Par exemple, si c'est une petite localité, et si on a affaire à une personne en qui tout le monde avait confiance et qui, tout d'un coup, tourne mal, et il y a 10 résidents de la collectivité qui ont peut-être perdu une certaine somme d'argent, peut-être tout l'argent qu'ils possédaient… Je suis personnellement interpellé par la situation de personnes de ce genre. Si elles perdent 60 000 $ ou 70 000 $, cela leur gâche complètement la vie. Ces gens-là sont septuagénaires ou octogénaires. Ils sont très vulnérables.
Il m'est impossible d'accepter ces amendements pour cette raison-là.
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Il est clair, à la lumière des arguments qui viennent de nous être présentés, que les membres du comité sont contre les amendements proposés. Cependant, ma décision antérieure découle de ma conviction que les amendements devraient être reçus pour qu'on en discute. C'est exactement ce que Mme Mourani a compris et ce qu'elle vous a expliqué.
Je suis assez étonné d'assister aux études en détail des projets de loi, en comité, de vraies farces où tout devient une question de procédure. Je pense bien que c'est within the scope — je cherche encore la traduction correcte en français —, que c'est dans l'étendue de la loi. Oui, il y a différents choix face à une loi, et c'est pour cela qu'on propose des amendements. Cependant, chaque fois que quelqu'un n'est pas favorable à l'amendement proposé ou que le président ne l'est pas, il le déclare contraire au Règlement. C'est une farce. On tue les amendements par l'entremise de la procédure. Pourquoi ne pas procéder correctement, comme cela se fait ailleurs, soit dit en passant? Quand quelqu'un propose un amendement lié au sujet du projet de loi, eh bien, on en discute et on recueille l'opinion des membres. Dans ce cas-ci, on vous a annoncé...
Je suis parfaitement d'accord avec les arguments de M. McColeman parce que, franchement, 1 million de dollars, même 100 000 $, c'est beaucoup trop. En fait, je ne désire pas, quant à moi, que ces amendements soient apportés. Toutefois, je vais contester les décisions du président quand je sentirai qu'elles sont un bâillon pour les membres d'un comité qui tente d'améliorer une loi ou d'en restreindre la portée parce qu'elle va trop loin, ou d'apporter des amendements qui vont permettre à la loi d'avoir des effets plus bénéfiques. C'est cela que je défends quand je conteste les décisions. Il est certain que si c'était complètement hors sujet et qu'on ne traitait pas de l'application des libérations conditionnelles, le président aurait raison de décider que ce n'est pas dans l'étendue du projet de loi, que ce n'est pas within the scope, comme on dit en anglais. Cependant, ce qu'il dit, c'est:
[Traduction]
« Il ne dépasse pas la portée du projet de loi, mais je ne suis pas d'accord avec ce qu'il propose. »
[Français]
C'est pourquoi j'ai voté contre la décision du président. Je voterai aussi contre l'amendement sur lequel je ne suis pas d'accord, comme vous d'ailleurs, comme ceux qui ont parlé avant moi.
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D'abord, je tiens à remercier mes collègues du Bloc, M. Ménard et Mme Mourani, d'avoir fait preuve d'intégrité en défendant leurs principes. Nous pouvons ne pas être d'accord sur le fond du projet de loi mais, à mon avis, leur prise de position démontre qu'ils respectent le processus, et je trouve cela tout à fait admirable.
Je sais que M. Ménard a été ministre de la Justice au Québec, et il est certain qu'il a une solide expérience de la rédaction législative. Donc, s'il estime que cet amendement est recevable, son opinion compte beaucoup pour moi.
Je voulais dire également que M. Rathgeber a recours aux coups classiques, c'est-à-dire, les insultes. Il a qualifié mon amendement de ridicule. Il ne se donne pas la peine de parler de logique; il se contente de lancer des insultes.
Je vais vous dire d'où vient le chiffre de 1 million de dollars, monsieur le président. S'agissant du seuil de 1 million de dollars, si mon confrère lisait le Code criminel — les articles qu'il qualifie de ridicule — alors qu'il est évident qu'il ne l'a jamais fait, il verrait que le chiffre de 1 million de dollars vient directement du Code criminel. C'est justement le seuil qui est fixé au Code criminel pour certaines de ces infractions. Le chiffre de 1 million de dollars est mentionné, au niveau de la détermination de la peine, dans un contexte où il convient de tenir compte de facteurs aggravants; c'est pour cela que nous avons repris le montant de 1 million de dollars.
Je me permets également de vous signaler que le Code criminel est rempli de distinctions de ce genre qui visent à établir des degrés de gravité. Par exemple, il y est question de vol d'objets d'une valeur de plus de, ou de moins de… Cela ne veut pas dire qu'un vol d'une valeur de 20 $ est moins grave qu'un vol d'une valeur de 200 millions de dollars; seul un imbécile assimilerait les deux dans le contexte de la détermination de la peine. Ces différences sont importantes.
Des voix: Oh, oh!
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Je n'ai jamais laissé entendre que quiconque dans cette salle était un imbécile, mais c'est étonnant de voir avec quelle rapidité les gens ont réagi.
Quoi qu'il en soit, si nous avons fixé le seuil à 1 million de dollars, c'était pour établir une distinction entre les fraudes de grande envergure et celles de moins grande envergure. Il s'agit essentiellement de distinguer entre le crime d'une femme autochtone qui a peut-être donné des chèques sans provision parce qu'elle a un problème d'alcoolisme ou de toxicomanie, ou parce qu'elle est victime d'abus sexuel, si bien qu'elle finit dans une prison fédérale.
Ashley Smith était également enfermée dans une prison fédérale. Nous savons tous que des gens qui sont des délinquants primaires non violents peuvent très bien finir dans une prison fédérale. Je ne pense pas que quiconque ici présent dirait qu'Ashley Smith aurait dû finir dans la prison où elle était enfermée. Je tiens à faire la différence entre une Ashley Smith et un Earl Jones.
Nous avons choisi un chiffre arbitraire — celui qui se trouve déjà dans le Code criminel.
Je vous signale également que ce libellé est extrait du projet de loi proposé par le NPD. Nous avons proposé un certain nombre d'amendements visant à faire baisser le seuil de 1 million de dollars, mais ces amendements ont été rejetés par les partis représentés dans cette salle.
Par rapport au seuil de 1 million de dollars, M. McColeman disait que quelqu'un peut perdre 60 000 $ ou 70 000 $. C'est vrai. C'est une assez grosse somme d'argent. On arrive assez rapidement à la somme de 1 million de dollars. Au fond, il suffit de frauder 15 personnes pour arriver au seuil de 1 million de dollars. Par contre, je suis tout à fait disposé à accepter la suggestion de ceux qui voudraient proposer un seuil inférieur.
Mes collègues libéraux ont proposé un seuil de 100 000 $. Ce chiffre-là le semble tout aussi raisonnable. Il s'agit au fond de mettre les crimes en col blanc à part et de fixer une limite permettant de distinguer entre ce que nous considérons comme une cleptocracie organisée à grande échelle et d'autres types d'infractions commises par des gens qui ne font pas partie de cette catégorie-là.
En conclusion, je voudrais préciser que, par définition, ces infractions sont des infractions de grande envergure. Il pourrait s'agir du dépôt de faux prospectus ou de contrefaçon d'une marque de commerce pour des raisons commerciales. Les gens ne font pas ce genre de choses pour gagner 60 $; ils font cela parce qu'ils participent au crime organisé à une très grande échelle.
Encore une fois, je respecte le vote. Je ne vais pas retarder les choses, monsieur le président. Nous avons beaucoup de travail à faire, et je propose donc que nous mettions l'amendement aux voix, à moins que d'autres désirent proposer autre chose.
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Oui, monsieur le président.
Très rapidement, nous avons reçu certains témoignages et, pour moi, l'un des problèmes que présente la procédure d'examen expéditif est le fait qu'elle inverse la charge de la preuve, si bien que la Commission des libérations conditionnelles est obligée de prouver, en s'appuyant sur la norme des motifs raisonnables, que le délinquant est susceptible de commettre une autre infraction violente.
Cet amendement inverse la charge de la preuve, de sorte qu'un délinquant qui demande à bénéficier de la procédure d'examen expéditif aurait la charge de la preuve et devrait donc convaincre la Commission qu'il n'existe aucun motif raisonnable de croire qu'il commettrait une infraction. Voilà le premier résultat de cet amendement; il y a inversion de la charge de la preuve, si bien que c'est au délinquant de faire la preuve du manque de risque. Il devrait convaincre la Commission que, s'il est remis en liberté, il n'est pas susceptible de commettre quelque infraction que ce soit — pas seulement une infraction violente.
Selon le régime actuel, bien entendu, quand la Commission des libérations conditionnelles est saisie d'office de la demande, c'est à elle que revient la charge d'indiquer que le délinquant en question est susceptible de commettre une autre infraction violente. La situation qui en résulte est inacceptable, étant donné qu'une personne qui pourrait être tout à fait susceptible de commettre une autre infraction bénéficie néanmoins de la procédure d'examen expéditif.
Je me disais que ce serait une façon de réparer ce tort et de faire cadrer le système actuel avec la conception de la justice qu'ont les Canadiens.
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Merci, monsieur le président.
À mon avis, l'amendement 049 devrait être examiné de pair avec l'amendement 843, étant donné que le 049 modifie le projet de loi et, si je ne m'abuse, le 843 apporte une modification corrélative au Code criminel. Je veux bien qu'on traite les deux ensemble, pour gagner du temps.
Monsieur le président, l'amendement en question a exactement le même effet que celui que je viens de vous décrire. Il inverse la charge de la preuve pour que ce soit au délinquant de convaincre la Commission que, s'il est libéré à l'issue de la procédure d'examen expéditif, il ne sera pas susceptible de commettre une autre infraction, violente ou non. Il s'agit d'une approche différente qui permettrait au juge d'exercer son pouvoir discrétionnaire lors du prononcé de la peine pour ce qui est de déterminer si le délinquant devrait ou non avoir droit à la procédure d'examen expéditif. De cette façon, nous conservons le concept de l'examen expéditif au Canada tout en accordant aux juges du Canada le pouvoir discrétionnaire de l'appliquer comme bon leur semble.
J'ai entendu des réactions favorables de part et d'autre — et certainement de la part des conservateurs — par rapport à l'idée que, lorsqu'un juge prend sa décision, cette décision devrait être respectée. Donc, si nous respectons la décision du juge quant à la durée de la peine, nous devrions également respecter sa capacité de déterminer, en toute indépendance et en s'appuyant sur ses connaissances, quel type de délinquant primaire non violent serait un bon candidat pour la procédure d'examen expéditif, à condition de remplir les critères — il serait toujours tenu de faire la demande et de s'acquitter du fardeau de la preuve — et quel type de délinquant ne devrait pas y avoir droit.
J'exhorte tous mes collègues à appuyer cet amendement, puisqu'il s'agit d'une approche raisonnable et intelligente pour la procédure d'examen expéditif.