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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 055 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 15 février 2011

[Enregistrement électronique]

(1835)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bonsoir à vous tous et bienvenue à cette 55e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale en ce mardi 15 février 2011.
    Nous en sommes à notre deuxième réunion aujourd'hui. Nous nous sommes réunis tôt ce matin, et il est prévu que la séance de ce soir dure environ quatre heures.
    En ma qualité de président, je tiens à féliciter les membres du comité et l'ensemble de notre personnel. Ces derniers sont très dévoués et travaillent fort au profit de tous les Canadiens.
     Ce soir nous examinons le projet de loi C-59, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (procédure d'examen expéditif) et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois. Nous comptons faire grandement progresser ce soir notre étude du projet de loi. Les membres du comité voudront également remercier les nombreux témoins qui sont parmi nous ce soir, et je me permets d'ajouter à ce sujet que les Canadiens seront très heureux de savoir que cet excellent groupe de témoins a accepté de comparaître, malgré le peu de préavis qui lui a été donné. Chacun d'entre vous a accepté notre invitation et je tiens à vous dire que le comité vous en est très reconnaissant et vous en remercie.
    Nous aurons amplement le temps d'entendre les remarques liminaires de chacun d'entre vous qui désire en faire et de vous poser des questions aussi.
    Je crois comprendre, à moins que le greffier ne vous ait dit autre chose dans l'invitation, que nous allons essayer de vous limiter à un maximum de cinq à sept minutes chacun pour vos exposés liminaires. Je vous demande donc d'être aussi concis que possible. Vous verrez que le président est tout de même assez souple; donc, si vous dépassez un peu le temps qui vous est imparti, on ne vous accusera pas nécessairement d'avoir commis un acte criminel, mais nous ne souhaitons pas non plus que vos déclarations soient trop longues.
    Monsieur Holland, vous avez la parole.
    Monsieur le président, nous avons bon nombre de témoins à entendre ce soir. Serait-il possible de les répartir en deux groupes distincts, de façon à entendre un groupe à la fois? Certaines personnes ne trouvent même pas une place à la table des témoins. À mon sens, nous risquons de tomber dans le chaos si tous les témoins sont ensemble et les membres posent leurs questions à tout le monde en même temps. À mon avis, c'est trop. Je me demande donc si on ne pourrait pas faire cela en deux temps.
    J'ai essayé de faire de la place pour tout le monde à la table des témoins pour faciliter les échanges pendant la période de questions. Si nous répartissons les témoins en deux groupes, nous devrons à ce moment-là déterminer dans quel groupe il convient d'inclure les hauts fonctionnaires. En fait, s'il est question de faire cela en deux temps, on pourrait dire que les hauts fonctionnaires devraient témoigner avant les autres, alors que le nombre de hauts fonctionnaires est minime. L'une d'entre eux est présente uniquement pour l'étude article par article; elle attendra qu'on en soit là. Par contre, M. Sapers, l'enquêteur correctionnel, est seul, si bien qu'il faudrait en réalité les répartir en trois groupes distincts.
    C'est pour cette raison précise que je viens d'en discuter avec M. Sapers. Ce n'est pas la méthode habituelle, et je sais que cela présente des inconvénients pour lui, mais il semble être disposé à s'asseoir à la table des témoins et à faire son exposé, si bien qu'il s'agira, non pas de choisir entre un ou deux groupes, mais plutôt un et trois groupes.
    Je préférerais qu'on entende les témoins en deux temps. Je ne comprends pas pourquoi vous dites que ce n'est pas possible. Pendant que le premier et le deuxième groupes présentent leur témoignage, il sera peut-être nécessaire d'interroger également les hauts fonctionnaires ministériels; mais, quoi qu'il en soit, pour nous permettre d'avancer rapidement, décidons tout de suite de la marche à suivre
    Ce n'est qu'une simple suggestion. Si vous voulez connaître l'avis des membres à ce sujet, je suis tout à fait prêt à accepter une telle approche.
    À mon avis, c'est une approche qui pose problème. Si chacun fait son exposé, nous aurons à ce moment-là une bonne idée de ce qu'il convient de faire; je pourrais toujours donner un peu plus de temps si vous voulez poser d'autres questions, mais si, après avoir entendu le premier groupe de témoins, un témoin qui fait partie du deuxième groupe vous permet de comprendre que vous auriez aimé demander un éclaircissement à ceux qui étaient là précédemment, vous avez un problème.
    Donc, à moins qu'on ne conteste ma décision, je préfère qu'on s'en tienne à la méthode prévue. Comme c'est une décision qui relève du président, je pense que nous devrions tout simplement continuer selon ce qui était prévu.
    Nous accueillons ce soir à titre personnel Pierre Gravel, Jackie Naltchayan — vous m'excuserez si je prononce mal vos noms — et Ali Reza Pedram. De l'Association des avocats et avocates en droit carcéral du Québec, nous accueillons Steven Fineberg, président, et Jacinthe Lanctôt, vice-présidente. Et du Bureau de l'enquêteur correctionnel, nous accueillons Howard Sapers, enquêteur correctionnel, et Ivan Zinger, directeur exécutif et avocat général.
    Ensuite, de l'Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry, nous accueillons Kim Pate, directrice générale, et du ministère de la Santé publique et de la Protection civile, Mary Campbell, directrice générale, Direction générale des affaires correctionnelles et de la justice pénale. Elle s'est déjà retirée et se joindra à nous de nouveau pour l'étude article par article du projet de loi.
    De la Société John Howard du Canada, nous accueillons Ed McIsaac, directeur de la politique. Certaines personnes sont assises sur le côté. Il s'agit des représentants du Conseil des Églises pour la justice et la criminologie, soit Lorraine Berzins, titulaire de la chaire de réflexion communautaire de la justice, et de Richard Haughian, vice-président.
    Bienvenue à vous tous.
    Vous avez la parole, monsieur Davies.
(1840)
    Monsieur le président, vous avez dit à deux reprises que Mary Campbell est présente pour l'étude article par article du projet de loi. Je voudrais simplement préciser qu'elle est également témoin. Son nom figure sur la liste des témoins, et elle est donc à notre disposition pour répondre à nos questions également.
    Je crois savoir qu'elle ne fera pas d'exposé liminaire. Elle pourra répondre à vos questions, cependant.
    Merci, monsieur le président.
    Nous vous en remercions, madame Campbell.
    Je pense que la meilleure solution consiste à entendre les témoins à partir du centre en allant vers la droite, et par la suite, nous repartirons dans l'autre sens, si tout le monde est d'accord.
    Très bien. Madame Pate, vous avez la parole.
    Je vous remercie de l'invitation à comparaître ce soir, et d'avoir reconnu les difficultés que le peu de préavis que nous avons reçu a pu nous causer.
    Je représente ce soir l'Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry. Je regrette d'avoir à vous dire que, en raison du peu de préavis qui a été donné, il m'a été impossible de me faire accompagner d'un membre de notre conseil d'administration; nos administrateurs se trouvent dans toutes les régions du pays.
    Comme bon nombre des membres du comité le savent certainement, nous représentons d'un bout à l'autre du pays 26 regroupements qui sont nos membres et qui assurent des services surtout aux femmes et aux jeunes filles qui ont été marginalisées, victimisées, criminalisées et placées en établissement.
    C'est donc en ma qualité de représentante de nos membres que je vous présente nos vues ce soir. Je vais être très brève.
    Je voudrais préciser, dès le départ, que notre organisation n'appuie pas le projet de loi. En ce qui concerne le potentiel de réinsertion des femmes, à la fois les autorités correctionnelles et les membres de notre organisation estiment que ce potentiel est extrêmement élevé.
    Le fait est que ce projet de loi aura une incidence sur de nombreuses femmes. D'après les études menées par les autorités correctionnelles, 61,6 p. 100 des personnes pouvant bénéficier de la PEE, soit la procédure d'examen expéditif, sont des femmes. Cette mesure influera donc de façon importante sur la date de leur libération, car bon nombre d'entre elles deviennent admissible très rapidement et présentent très peu de problèmes après avoir été réintégrées dans la collectivité. Leur potentiel de réinsertion est élevé, très peu d'entre elles enfreignent les conditions de leur libération, et quand cela se produit, en règle générale, il s'agit d'un simple manquement aux conditions, plutôt que d'une nouvelle infraction.
    Donc, le taux de manquement aux conditions de la libération conditionnelle est très faible, le taux de réinsertion est très élevé et l'application de la procédure d'examen expéditif chez les femmes a donné de très bons résultats. Comme me l'a fait remarquer un de mes collègues qui travaille dans le domaine correctionnel, si ce projet de loi est adopté, il nous faudra sans doute plusieurs prisons de plus, assez rapidement, pour être en mesure d'incarcérer les femmes qui devront rester en détention pendant plus longtemps.
    Voilà qui termine mon exposé. Je vous remercie.
    Merci, madame Pate.
    Monsieur McIsaac, vous avez la parole.
    Au nom de la Société John Howard du Canada, je désire remercier le comité de l'occasion qui m'est donnée de vous faire part de nos vues sur le projet de loi C-59.
    Pour ceux et celles qui peuvent l'ignorer, la Société John Howard est un organisme à but non lucratif dont la mission consiste à faire la promotion d'interventions efficaces, justes et humaines par rapport aux causes et aux conséquences de la criminalité. La Société John Howard compte d'un bout à l'autre du Canada 65 bureaux de première ligne qui offrent une gamme de programmes et de services en vue de favoriser la réinsertion, en toute sécurité, des délinquants dans nos collectivités respectives.
    La Société John Howard n'est pas en faveur de l'abolition de la procédure d'examen expéditif. J'ai déposé auprès du greffier une copie de notre document de principe sur la libération graduelle présomptive, en espérant que les membres du comité le trouveront utile dans le contexte de leur étude du projet de loi.
    La protection de la société passe surtout par la réinsertion surveillée des délinquants dans la collectivité au bon moment, plutôt que par une prolongation des périodes d'incarcération. La procédure d'examen expéditif a été créée justement en vue de favoriser la libération en temps opportun des délinquants primaires fédéraux non violents. Les données actuellement disponibles indiquent qu'environ 900 délinquants par année profitent de ce régime de libération surveillée en temps opportun, et que plus de 80 p. 100 d'entre eux terminent avec succès leur période de surveillance dans la collectivité.
    S'agissant de sécurité publique, envisager d'abolir les dispositions relatives à la mise en liberté sous condition qui ont facilité la libération en temps opportun de tant de délinquants semble tout à fait improductif. C'est d'autant plus le cas que nos pénitenciers sont surpeuplés et cette décision aura nécessairement pour résultat d'augmenter considérablement la population carcérale tout en limitant davantage l'accès aux programmes correctionnels.
    En examinant ce projet de loi, j'exhorte donc les membres du comité à tenir compte des conséquences de l'abolition de la procédure d'examen expéditif — c'est-à-dire, les conséquences à la fois pour les délinquants primaires fédéraux non violents et le système correctionnel dans son ensemble.
    Je vous remercie de m'avoir accordé ce temps de parole et je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
(1845)
    Merci beaucoup, monsieur McIsaac.
    La parole est maintenant à Mme Berzins.
    Très bien.
    Vous avez la parole.
    Monsieur le président, honorables membres du comité, je vous remercie de cette occasion de comparaître devant vous ce soir.
    Le Conseil des Églises pour la justice et la criminologie est une coalition confessionnelle nationale composée de 11 Églises fondatrices qui s'est constituée en personne morale en 1972. Nous faisons la promotion de la responsabilité de la collectivité dans le domaine de la justice, en mettant l'accent sur les mesures permettant de répondre aux besoins des victimes et des délinquants, le respect mutuel, la guérison, la responsabilité individuelle, et la prévention du crime.
     En décembre 2010, le CEJC a envoyé une lettre au premier ministre du Canada pour exprimer ses inquiétudes au sujet des lois fédérales qui donnent lieu à la construction de nouvelles prisons. Le projet de loi C-59 est l'une des mesures législatives qui suscitent chez nous certaines inquiétudes.
    Mme Lorraine Berzins, titulaire de la chaire de réflexion communautaire de la justice au CEJC, va maintenant vous parler de nos inquiétudes.
    Madame Berzins, vous avez la parole.
    Bonsoir.
    J'aimerais dire, d'entrée de jeu, que les conséquences de ce projet de loi — c'est-à-dire, l'incarcération d'un plus grand nombre de personnes pour de plus longues périodes avec tout ce que cela implique pour notre société en matière de coûts à la fois financiers et sociaux — sont pour nous une source à la fois d'inquiétude et de mécontentement. Par contre, nous comprenons très bien les attitudes, dans certains segments, de la population qui sont à l'origine de cette mesure.
    Le public semble en effet scandalisé par le fait que des délinquants ayant commis certains types d'infractions semblent ne pas passer suffisamment de temps en prison, comparativement à la peine d'emprisonnement qui leur a été infligée. Nous comprenons très bien que cela suscite une réaction de déception, mais nous trouvons vraiment dommage que la solution que vous proposez touche autant d'autres personnes, et ce de façon très négative.
    Nous souhaitons que vous proposiez une solution qui prévoie des exceptions lorsque l'application de la mesure que vous envisagez est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice, en raison de l'attitude du public à cet égard, et ce sans toucher aussi implacablement tous les autres qui en ont vraiment besoin… Cela cadre tout à fait avec l'approche que nous avons adoptée pour notre système carcéral au Canada, approche qui est semblable à celle des États-Unis. Mais les États-Unis ont justement compris qu'une démarche consistant à se servir de la prison pour transmettre un message à la population est complètement improductive. Nous avons besoin de la prison pour assurer la sécurité du public dans certains cas, mais le fait est qu'il existe un très grand nombre de délinquants non violents pour qui nous n'en avons pas besoin.
    Il y a aussi le problème des dommages indirects que cela cause, pas seulement aux délinquants qui sont en prison et qui sont affectés par cet environnement, mais à leurs familles également. Les États-Unis ont justement documenté de façon très précise ces dommages indirects par l'entremise de la Fondation Pew. Cette dernière a documenté les effets indirects socioéconomique — et surtout économiques — sur le délinquant, sur sa famille, et sur les enfants du délinquant, effets qui durent très longtemps.
    J'ai l'impression que nous croyons avoir le luxe de nous servir de la prison pour transmettre un message à la population, mais nous n'avons pas ce luxe-là. Il est temps que nous en rendions compte. Nous savons à présent — nous en avons la preuve — que les programmes de réinsertion dans la collectivité sont plus efficaces, beaucoup moins coûteux et donnent beaucoup plus de satisfaction aux victimes.
    Selon moi, si les victimes demandent que les délinquants restent plus longtemps en prison, c'est souvent parce que leurs autres besoins ne sont pas satisfaits. Si on prend un peu de recul pour examiner cette attitude suffisante et aveugle qui nous amène à nous servir de la prison de cette façon… voilà ce que disent à présent certaines personnes aux États-Unis. Ces dernières nous disent que, lorsqu'elles examinent les résultats, elles comprennent que nous devrions ressentir de la tristesse et de la honte, et que nous devons absolument abandonner cette attitude suffisante dans laquelle nous nous sommes enfermés en ce qui concerne notre façon de nous servir de la prison, et toutes les conséquences négatives que cela suppose.
    Je vous exhorte donc à trouver un meilleur moyen de répondre aux besoins de vos électeurs et des victimes de la criminalité — une démarche qu'ils trouveront beaucoup plus satisfaisante que la simple prolongation de la période d'emprisonnement, notamment quand les délinquants ne présentent pas de danger imminent pour la collectivité.
(1850)
    Merci, madame Berzins.
    La parole est maintenant à M. Gravel.

[Français]

    Je considère que je suis de l'autre côté de la clôture par rapport à ce qui vient d'être dit, car je suis une victime de l'affaire Norbourg. Heureusement que les parties qui ont été impliquées dans cette affaire n'ont pas voulu aller en cour, parce que la population aurait su comment ces gens avaient mal agi dans ce dossier. Je parle en connaissance de cause.
    Je suis ici ce soir pour lancer un message clair. Il est tout à fait anormal qu'une personne, après avoir écopé d'une peine de 12 ans, quitte la prison avant même que les victimes n'aient été considérées de la part de la cour.
    Pour nous, les victimes, il s'agit d'envoyer un message très clair à ces bandits, que ce soit des bandits à cravate ou n'importe quels autres bandits, disant qu'il y a une limite à respecter dans notre société. Pour le moment, cela ne se fait pas. J'espère qu'avec le projet de loi qui a été déposé à la Chambre des Communes, on arrivera à une situation où les honnêtes citoyens qui deviennent des victimes seront vraiment protégés et qu'il y aura moins de victimes.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci. Merci, monsieur Gravel.
    Madame Naltchayan…
    Madame Mourani.

[Français]

    Monsieur le président, vous avez oublié M. Pedram.

[Traduction]

    Ah, oui; désolé. Il y a eu un changement de fauteuil.
    Vous avez la parole, monsieur Pedram.
    D'abord, je vous remercie de m'accorder l'occasion de m'adresser à vous ce soir.
    Moi, aussi, je suis victime de M. Leon Kordzian. Il a fraudé plus de 45 personnes, ce qui lui a permis de réunir de l'argent et d'offrir des taux d'intérêt se situant entre 20 p. 100 et 30 p. 100.
    Dans mon cas, quand ce monsieur nous a pressentis, il nous a fourni une sorte de garantie, une preuve de la légalité de l'opération — un document de notaire. Nous sommes allés voir le notaire, et il nous offrait sa maison comme garantie ou sûreté si nous acceptions d'investir de l'argent. Il était dans l'immobilier, et il voulait construire des maisons pour les couples qui sont nouvellement mariés. Il nous a dupés en nous convainquant d'investir de l'argent chez lui pour construire des maisons pour les jeunes mariés.
    Après quelque temps, nous avons su que c'était une fraude. Quand nous lui avons demandé de nous rendre notre argent, il avait toujours des excuses: il nous disait qu'il ne l'avait plus, que sa mère était malade, c'était simplement de la propagande. Quand j'ai su que ce type-là fraudait des gens depuis presque une dizaine d'années, nous nous sommes adressés à la police pour expliquer ce qui s'était produit.
    Grâce à Mme Mourani, grâce à son aide très précieuse, nous sommes passés par la police et l'intervention des autorités s'est révélée efficace. Nous avons réussi à le traîner devant les tribunaux. Le procès est actuellement en préparation. J'espère qu'il sera possible d'obtenir justice et de lui montrer que ce type de fraude est inadmissible; ainsi, s'il passe en justice, il sera possible de faire comprendre aux autres victimes que nous sommes là pour elles.
    Mme Naltchayan et moi représentons 45 personnes — les 45 victimes, quoi. Ce type-là nous a volé plus de 1 million de dollars, et moi je suis une de ces victimes. Je suis donc là pour vous demander de mettre fin à ce type de fraude par de telles personnes.
(1855)
    Merci beaucoup, monsieur Pedram.
    La parole est maintenant à Mme Naltchayan.

[Français]

    Je vous remercie de nous donner l'occasion, en tant que peuple, d'exprimer un peu la douleur que nous avons dans notre coeur et de parler de ce que nous avons vécu.
     Je suis la conjointe de l'une des victimes de Leon Kordzian. J'ai été l'une des premières à découvrir qu'il y avait un stratagème derrière tout ça. Je suis allée voir la police, qui s'est dite désolée pour moi. On m'a dit qu'absolument rien ne pouvait être fait. Les policiers n'ont même pas eu la décence d'aller rencontrer ce monsieur. Ils ont dit qu'il n'y avait rien à faire face à ce genre de crime, que les coupables n'allaient jamais en prison et qu'on ne récupérait jamais l'argent.
    J'ai alors mis mon travail de côté et je suis allée dans la communauté pour voir un peu qui monsieur côtoyait, avec qui il parlait. J'ai fait une petite enquête et j'ai découvert 45 victimes. Je suis allée les voir. Ce sont pour la plupart des personnes âgées, des gens vulnérables, des femmes à la tête de familles monoparentales, des gens qui avaient fait de petits investissements et qui ont tout perdu. Ce n'était pas des investisseurs très riches, mais ils avaient quelques économies. Ils ont tout perdu. Il a fallu mobiliser tous ces gens, changer la culture, leur dire qu'il ne fallait pas avoir peur et qu'il était nécessaire d'aller chercher de l'aide.
     C'est à ce moment que nous sommes allés voir Mme Mourani — la plupart des victimes vivent dans sa circonscription, dans l'arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville — pour lui dire que nous avions besoin d'aide, que la police ne nous aidait pas et que rien ne se passait. Il y a eu une mobilisation. C'est de cette façon qu'on a finalement pu découvrir qu'il y avait 45 victimes. Parmi les victimes, il y a une personne qui ne parle ni le français ni l'anglais. M. Kordzian l'a emmenée à la banque et lui a fait ouvrir une marge de crédit de 55 000 $, dont il s'est emparé. La dame travaille aujourd'hui sept jours par semaine au salaire minimum pour rembourser cette marge de crédit. Certaines personnes âgées ont tout perdu et n'ont plus d'argent pour se faire soigner.
    Or monsieur se promène toujours, comme si de rien n'était. C'est un psychopathe qui a planifié cette opération pendant des mois, voire de nombreuses années.
    Du côté de Norbourg, un juge avait prononcé sa sentence et imposé une peine d'emprisonnement de 12 ans, mais tout à coup, la réalité est que cinq ans sont nécessaires pour faire les enquêtes, il faut des avocats, etc. Et en un tour de main, au bout de 11 mois, le monsieur en question est sorti de prison. Comment est-ce possible? Le juge avait tranché, alors qui décide, en réalité? En plus, ce monsieur aura, à sa sortie, 90 millions de dollars qui sont cachés quelque part dans le monde. Il va faire un peu de travaux communautaires, et il va jouer. En effet, ces gens sont de très bons manipulateurs. Il va s'en aller et se permettre le luxe d'une très belle retraite sur le dos de gens qui, eux, vont continuer à travailler toute leur vie pour récupérer ce qu'ils ont perdu.
    Ce n'est pas juste. Les choses ne se passent pas de cette façon dans d'autres pays. Aux États-Unis, par exemple, Madoff a écopé de 100 ans de prison. Dans un cas pareil, un fraudeur ou un voleur y pense à deux fois avant de commettre son crime. Kordzian m'a dit, insouciant, que je ne pouvais rien faire. Il reste qu'aujourd'hui, nous sommes assis au Parlement et nous essayons de trouver une solution pour décourager ces gens-là.
    Merci.
(1900)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Sapers. Bien entendu, M. Sapers a déjà comparu devant des comités, si je ne m'abuse. Je le connais du temps où il était en Alberta, mais cela remonte loin. Je suis sûr qu'il est en train de se demander s'il devrait ou non retourner en Alberta. Les possibilités y semblent tellement intéressantes.
    Quoi qu'il en soit, ce n'est pas de cela qu'il va nous entretenir ce soir.
    Monsieur Sapers, vous avez la parole.
    Merci pour cette petite provocation, monsieur le président.
    En fait, je suis très heureux de pouvoir comparaître devant le comité, monsieur le président, et j'apprécie votre sensibilité au rôle de mon bureau. Il est rare que nous fassions un exposé de ce genre. Et, en ce qui concerne le préavis qu'on nous a donné, c'était également l'occasion pour notre bureau de mettre à l'épreuve ses capacités d'intervention rapide.
     Je me présente devant vous ce soir pour vous faire part de notre réflexion sur l'incidence du projet de loi C-59, Loi sur l'abolition de la libération anticipée des criminels, et ses conséquences pour le système correctionnel et les personnes qui purgent actuellement une peine d'emprisonnement.
     S'il est adopté, il est probable que le projet de loi C-59 se traduise par une hausse notable de la population carcérale administrée par le Service correctionnel du Canada, en raison de la prolongation de la période d'emprisonnement qui sera obligatoire avant la mise en liberté sous condition. Mon bureau s'inquiète de l'incidence d'une autre augmentation importante de la population carcérale sur un système correctionnel déjà surchargé. L'augmentation de la population carcérale fédérale aura des conséquences pour la sécurité des établissements, et pour la capacité des détenus à profiter des programmes et services qui les aident à réintégrer la société en temps opportun et en toute sécurité.
     Je voudrais d'abord traiter des conséquences probables du projet de loi C-59. Ensuite, je vais demander à notre directeur exécutif et avocat général, M. Ivan Zinger, de vous entretenir des répercussions du surpeuplement des prisons sur la sécurité du personnel et des délinquants.
    Selon les statistiques pour 2009-10 obtenues auprès de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, 7 272 délinquants ont été jugés admissibles à la procédure d'examen expéditif, c'est-à-dire la semi-liberté au sixième de la peine, au cours des cinq dernières années. Sur ce nombre, 4 878 délinquants ont obtenu leur semi-liberté. Le taux d'octroi au titre de la procédure d'examen expéditif était de 67 p. 100. Ces cinq dernières années, le taux de succès des personnes ayant obtenu la semi-liberté a été de presque 84 p. 100. Ce qui est significatif, c'est que seulement 0,3 p. 100 des procédures d'examen expéditif ont donné lieu à une révocation pour une infraction violente, il s'agit, évidemment, du critère inscrit dans la loi telle qu'elle existe actuellement. La plupart des révocations étaient de nature administrative.
    Au cours des cinq dernières années, 5 255 délinquants avaient droit à la procédure d'examen expéditif, soit la liberté conditionnelle totale au tiers de la peine. Sur ce nombre, 5 227 délinquants ont obtenu leur liberté conditionnelle totale. Le taux d'octroi a été de 99,5 p. 100. Ces cinq dernières années, leur taux de succès a été de 70 p. 100. Seulement 0,4 p. 100 des procédures d'examen expéditif donnant lieu à la liberté conditionnelle totale se sont soldées par une révocation pour une infraction violente.
    Il convient également de préciser que la libération sous condition par suite de la PEE n'est pas automatique. Par exemple, les données de 2009-10 de la Commission des libérations conditionnelles du Canada indiquent que 947 libérations aux termes de la procédure d'examen expéditif ont été accordées, alors que 545 ont été refusées. Il faut aussi se rappeler que la CLCC libère seulement les délinquants qui ne présentent aucun risque inacceptable pour la société, et que ces derniers sont étroitement surveillés par les agents de libération conditionnelle dans la collectivité. Dans tous les cas, les délinquants en liberté conditionnelle continuent à purger leur peine et demeurent sous la surveillance du Service correctionnel du Canada jusqu'à la date d'expiration de leur mandat.
    L'objet et les principes de la détermination de la peine sont décrits de façon détaillée dans le Code criminel du Canada. La mise en liberté sous condition ne va pas à l'encontre de ces principes. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition précise que la sécurité publique est un élément primordial dans les décisions liées au régime correctionnel et aux libérations conditionnelles. La loi prévoit également qu'on doit prendre ces décisions en choisissant les options les moins restrictives, sans pour autant compromettre la sécurité du public.
    L'abolition de la PEE aura pour effet de maintenir les délinquants non violents dans des établissements carcéraux fédéraux pendant des périodes beaucoup plus longues avant qu'ils ne puissent faire l'objet d'une libération dans la collectivité, sans avantage marqué pour la sécurité du public. Il faut signaler que les coûts d'incarcération sont plus élevés que ceux d'une peine purgée dans la collectivité et assujettie à diverses conditions.
(1905)
    Nous pouvons également nous attendre à ce que la Commission des libérations conditionnelles du Canada tienne un plus grand nombre d'audiences que par le passé, étant donné que la procédure d'examen expéditif consiste normalement en un examen sur dossier.
    Ces coûts connexes, auxquels s'ajoutent d'importants coûts d'incarcération, entrent en ligne de compte et doivent être calculés.
    Monsieur Zinger.

[Français]

    La surpopulation dans les établissements carcéraux a des conséquences négatives sur la capacité du système d'assurer une détention sécuritaire et humaine. De nombreux ouvrages démontrent que la surpopulation carcérale peut favoriser les tensions et la violence, et mettre en danger la sécurité du personnel et des détenus.
    Lorsque la population carcérale s'accroît de façon importante, l'accès en temps opportun des délinquants aux programmes, aux soins et aux véritables possibilités d'emploi diminue considérablement, ce qui retarde leur retour dans la société.
    Le Bureau de l'enquêteur correctionnel se préoccupe également des diverses répercussions du projet de loi C-59 sur certaines populations, notamment les délinquants autochtones et les délinquantes. La surreprésentation des délinquants autochtones dans les établissements carcéraux du Canada n'est un secret pour personne. Si, à l'échelle nationale, ils représentent moins de 4 p. 100 de la population canadienne, ils constituent en revanche près de 20 p. 100 de l'ensemble de la population carcérale fédérale. Chez les femmes, cette surreprésentation est encore plus prononcée. En effet, les Autochtones représentent 33 p. 100 de la population féminine dans les établissements fédéraux. Chez les délinquants autochtones, le taux d'octroi de la semi-liberté au terme de la procédure d'examen expéditif, au sixième de la peine, est déjà considérablement plus bas que le taux global, soit 39 p. 100 par rapport à 63 p. 100.
    Le bureau a également certaines craintes au sujet des répercussions potentielles du projet de loi au sein de la population des délinquantes. Au cours des 10 dernières années, soit de 2000 à 2010, le nombre de femmes admises dans un établissement de responsabilité fédérale a connu une croissance de 35 p. 100. Le taux d'octroi de la semi-liberté au terme de la procédure d'examen expéditif, encore une fois au sixième de la peine, est très bon, c'est-à-dire de 89 p. 100. Le fait d'éliminer la procédure d'examen expéditif aura davantage de répercussions sur les femmes que sur les hommes.
(1910)

[Traduction]

     Monsieur le président, il est impératif de bien comprendre le projet de loi C-59 et de l'évaluer en profondeur, car les modifications proposées, conjuguées à d'autres propositions législatives, risquent d'avoir des conséquences importantes pour le taux, le coût et la répartition des incarcérations au Canada.
    Nous savons que la majorité des délinquants ne comparaissent pas systématiquement devant la CLCC dès qu'ils sont admissibles. Nous savons également que les cas de renonciation de la part du détenu et le report des audiences de libération conditionnelle sont liés à la capacité du Service correctionnel du Canada à veiller à ce que les délinquants aient terminé les programmes correctionnels de base dans les délais prescrits et que la préparation des modalités de gestion du cas a été menée à bien.
    Ainsi l'abolition de la PEE aura des conséquences pour l'ensemble du système et donc pour la capacité du Service correctionnel du Canada et de la Commission des libérations conditionnelles du Canada à traiter les cas dans un délai raisonnable.
    Je vous remercie, monsieur le président. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre aux questions des membres.
    Merci, monsieur Sapers et monsieur Zinger.
    Monsieur Fineberg, vous avez la parole.
    Je parle ce soir en mon propre nom et au nom de ma collègue, Maître Jacinthe Lanctôt. Nous représentons l'Association des avocats et avocates en droit carcéral du Québec, qui existe depuis 1992. Nous représentons les avocats du Québec spécialisés dans le domaine du droit carcéral et des libérations conditionnelles.
    Nous sommes opposés au projet de loi sur l'abolition de la procédure d'examen expéditif pour plusieurs raisons.
    D'abord, nous estimons que la procédure d'examen expéditif est l'un des éléments les plus importants du régime correctionnel et de libération actuel. Elle permet d'atteindre plusieurs objectifs tout à fait cruciaux, entre autres, celui d'établir une distinction entre les délinquants violents et non violents, et c'est depuis toujours le souhait des Canadiens. Malgré les préjudices causés par les délinquants non violents, les Canadiens continuent d'être préoccupés par l'effet des crimes violents, et ils ne souhaitent pas que les deux catégories de délinquants soient traitées de la même façon.
    De plus, la procédure d'examen expéditif enlève d'un environnement destructeur un nombre important de délinquants relativement non criminalisés qui sont souvent jeunes, si la Commission détermine que c'est approprié dans leur cas, et les retire de cet environnement le plus rapidement possible, de préférence avant qu'ils ne soient exposés à des gens encore pires. Dans bien des cas, la procédure d'examen expéditif offre la possibilité de corriger les difficultés liées à la nécessité, pour une personne qui purge une peine de courte durée, de se constituer un dossier qui puisse ensuite être étudié par la Commission des libérations conditionnelles. La procédure d'examen expéditif réduit de façon très considérable le coût du système. Vous avez tous vu les études indiquant que le coût moyen de l'incarcération d'un détenu dépasse 93 000 $ par an. Il est évident que la surveillance dans la collectivité représente une option bien moins coûteuse.
    Nous désirons également attirer votre attention sur les effets concrets de l'abrogation de la PEE sur le fonctionnement de la CNLC. Jusqu'à il y a environ deux ans, la Commission des libérations conditionnelles tenait des audiences sur toutes sortes de questions différentes, telles que l'imposition de conditions de résidence aux détenus. Étant donné qu'elle n'a plus ni le temps ni les ressources nécessaires pour le faire, ces décisions sont prises à présent après étude du dossier. Or, le projet de loi C-59 propose que les ressources de la CNLC soient désormais consacrées au traitement des cas dont la libération est la plus justifiée, c'est-à-dire, les personnes qui vont nécessairement être libérées selon l'évaluation de tous les intervenants concernés. Ce n'est certainement pas le cas de tous les détenus qui y sont admissibles mais, dans la catégorie des personnes visées par la procédure d'examen expéditif, il y en a un grand nombre qui, de toute évidence, n'ont pas été criminalisées et qui devraient donc être retirées de cet environnement le plus rapidement possible — et c'est justement ce que ferait la CNLC au moment d'en arriver enfin à leurs dossiers. Mais, à partir de maintenant, la Commission devra tenir des audiences en personne pour des cas de ce genre, auxquels elle ne devrait même pas avoir à consacrer son énergie.
    Est-ce un exemple de bonne gouvernance? Est-ce la bonne façon d'utiliser nos ressources?
    La procédure d'examen expéditif ne doit pas être considérée comme un cadeau qu'on fait aux gens. Il s'agit simplement d'une mesure qui prolonge la période de surveillance des candidats jugés appropriés — de surveillance dans la collectivité. La surveillance dans la collectivité n'est pas une preuve de l'échec du système. Il s'agit au contraire d'un régime structuré et bien géré de réinsertion sociale qui favorise la sécurité publique. Il nous permet d'espérer que ces personnes ne vont pas commettre d'autres crimes ou créer de nouvelles victimes à l'avenir. Tel a toujours été l'objet de la libération surveillée, mais ce projet de loi nous amène à l'abandonner. Cela n'a pas de sens.
    Certains membres du comité ne sont peut-être pas au courant de ce en quoi consiste la semi-liberté. Il y a différentes formes de semi-liberté. Même si la Commission des libérations conditionnelles se trouve dans l'obligation de libérer bon nombre de personnes par suite de la procédure d'examen expéditif, il lui appartient néanmoins de déterminer en quoi consistera cette semi-liberté, et dans le cas de bon nombre de délinquants qui passent pas la PEE, la Commission impose des projets communautaires qui sont administrés par des foyers de transition en milieu fermé. Cela veut donc dire que ces personnes sont obligées de faire du bénévolat non rémunéré dans un lieu surveillé par des agents du Service correctionnel. À la fin de leur journée de travail, elles retournent au foyer de transition. Elles ne peuvent pas aller où elles veulent lors du retour. Elles n'ont pas le droit d'aller au restaurant. Elles n'ont pas le droit d'aller à la banque. Elles n'ont pas non plus le droit d'aller chez elle ou de voir leur famille. Elles doivent retourner directement au foyer de transition, et c'est là qu'elles passent leurs soirées. Ces gens-là n'ont pas une vie facile. Elles sont surveillées. Si un détenu est condamné à 12 ans d'emprisonnement et fini par être libéré deux ans plus tard et admis dans un foyer de transition, cela veut dire qu'au cours des 10 années qui vont suivre, le détenu sera surveillé. Les personnes libérées par suite de la procédure d'examen expéditif peuvent à tout moment faire l'objet d'une suspension.
    J'ai eu une fois un client qui a été libéré après avoir purgé un sixième de sa peine d'emprisonnement de 13 ans, et ce grâce à la procédure d'examen expéditif. Il n'a pas assumé ses responsabilités. Il a volé un bifteck à l'endroit où il travaillait dans le cadre d'un programme communautaire. Il est donc resté en liberté seulement une semaine. Il a dû purger les deux tiers de sa peine. La Commission des libérations conditionnelles a révoqué sa mise en liberté parce qu'il avait volé un bifteck à l'endroit où il travaillait dans le contexte d'un projet communautaire, si bien qu'il a fini par purger les deux tiers de sa peine. Tout ceux qui passent par cette procédure font l'objet de cette même pression et de cette même surveillance. Ce n'est pas une période facile pour eux.
(1915)
    Rappelez-vous que vous avez une seule chance de profiter de la PEE et que si vous la gâchez, vous n'y serez plus jamais admissible. Un détenu n'a qu'une chance de profiter de cela. Je pourrais, d'ailleurs, vous citer des exemples de clients qui étaient admissibles à la PEE — des gens relativement naïfs et innocents dont certaines organisations ont tendance à profiter. Ces gens-là se voient infliger une peine d'emprisonnement dans un établissement fédéral, en absence de condamnation antérieure, tout simplement parce que les tribunaux insistent beaucoup sur la dénonciation générale de certaines infractions, notamment celles liées à la drogue.
    Les cours d'appel ont statué que les principes de la dénonciation générale doivent être mis en relief par le juge qui prononce la peine, de sorte que certains accusés se font infliger une peine très sévère — même quand le juge comprend très bien que ce dernier ne présente pas de risque pour le public — simplement parce qu'il faut dénoncer le crime. Or, ces personnes devraient sortir de prison le plus rapidement possible, parce qu'elles ne présentent aucune menace pour le public.
    Abolir la procédure d'examen expéditif ne servira à strictement rien. D'autres solutions peuvent être envisagées. Les victimes qui sont présentes ce soir ont le droit d'obtenir justice. Certains criminels ont profité d'elles d'une manière tout à fait inexcusable, mais rappelons-nous qu'il n'est pas non plus nécessaire d'accorder aux criminels qui ont abusé d'elles le privilège de sortir automatiquement de prison. Il suffirait d'apporter quelques petites modifications au projet de loi pour empêcher que le genre de criminel qui a abusé des victimes qui sont présentes ce soir ne fasse jamais partie de la catégorie de personnes jugées admissibles à la procédure d'examen expéditif.
    Il n'est pas nécessaire d'accorder aux fraudeurs à grande échelle le droit de profiter de cette procédure. Il n'est pas non plus nécessaire d'éliminer ce régime dans son ensemble et donc d'en priver les délinquants qui méritent d'y avoir accès simplement pour cibler ces grands fraudeurs et d'autres personnes dont on ne souhaite pas la libération. Rendre justice ne signifie pas qu'on doit traiter de façon cruelle et improductive les personnes auxquelles songeait le Parlement au moment d'établir ce régime.
    Enfin, je tiens à préciser que notre association — tout comme les avocats d'un bout à l'autre du Canada — est vigoureusement opposée au caractère rétroactif du projet de loi. Il est à la fois choquant et scandaleux de proposer une telle chose.
    Il arrive que les gens plaident coupables, alors qu'ils ne sont pas obligés de le faire, en s'appuyant sur le droit tel qu'il existe au moment où ils ont à prendre la décision. Ils consultent leur avocat criminaliste. Ils étudient toutes les options. Ils constatent qu'ils peuvent avoir droit à la procédure d'examen expéditif, qui correspond à un sixième de la peine. À ce moment-là, ils décident de ne pas se défendre. Ils n'ont pas envie de payer les frais d'un long procès. Le raisonnement est le suivant: « je vais avaler la pilule » étant donné que je pourrais avoir droit à la procédure d'examen expéditif. Cette dernière existe pour un type comme moi qui n'est pas violent et qui n'a aucun antécédent de violence. Ensuite, cette même personne découvre qu'elle n'aurait jamais dû plaider coupable. Elle découvre, rétroactivement, que ce projet de loi va lui enlever ce que le gouvernement lui offrait. C'est choquant. C'est sans doute inconstitutionnel, et j'imagine que nous allons le savoir, parce qu'il y aura nécessairement de nombreuses contestations de la loi d'un bout à l'autre du pays, au fur et à mesure que les gens se présenteront devant un tribunal pour affirmer, peut-être en s'appuyant sur les témoignages de leur avocat criminaliste, qu'ils ont plaidé coupable en raison de cette procédure qui existe aux termes de la loi, procédure que vous leur enlevez maintenant.
    Que ce projet de loi soit inconstitutionnel ou non, il n'est certainement pas approprié. Les rédacteurs du projet de loi C-39 ne souhaitaient pas qu'il ait un effet rétroactif. Pourquoi? Pas parce que le gouvernement voulait rendre service aux détenus qui purgent leurs peines, mais parce que le gouvernement avait compris qu'il serait injuste de supprimer cette procédure réactivement. Les Canadiens ne se comportent pas de cette façon. Je vous exhorte donc à éliminer l'effet rétroactif si vous adoptez ce projet de loi. Une telle politique de la part du gouvernement serait tout à fait mal avisée.
    Je vous remercie.
(1920)
    Merci, monsieur Fineberg.
    Madame Lanctôt, vous avez la parole.

[Français]

    Je peux vous donner un ou deux exemples de personnes qui ont bénéficié de la procédure d'examen expéditif. Ce sont des exemples récents que j'ai recueillis auprès de mes collègues, notamment celui d'une jeune fille d'environ 26 ans qui a été arrêtée à Aruba pour importation et trafic de stupéfiants. Elle a écopé d'une longue peine de huit ans. Elle s'était laissé influencer par son amoureux. Cette personne, alors qu'elle était incarcérée, s'est rendu compte qu'elle était enceinte. Elle a pu être transférée au Canada assez rapidement, compte tenu de sa situation. Elle a pu bénéficier de la procédure d'examen expéditif et être libérée en maison de transition. Elle a profité d'une longue semi-liberté, parce que plus la peine est longue, plus la période de semi-liberté et de surveillance en communauté sera longue. Elle a donc pu bénéficier de cette procédure, être libérée et s'occuper de son enfant à la maison de transition.
    J'ai un autre exemple à vous soumettre. Il s'agit d'un individu, un père de famille, travailleur, qui avait des problèmes financiers importants et dont la maison était contaminée par les champignons. Les procédures légales étaient longues et coûteuses, il a perdu son emploi et les choses sont allées de mal en pis. Il a perdu non seulement son emploi, mais aussi sa conjointe. Il a donc vécu une séparation conjugale. Il s'est alors laissé tenter par un ami d'enfance qui lui a proposé de s'engager dans le trafic de stupéfiants, notamment la plantation de cannabis. Cet homme, grâce à la procédure d'examen expéditif, a obtenu une libération conditionnelle et a été remis en semi-liberté.
    La jeune fille dont je vous parlais auparavant n'avait aucun antécédent, ni de violence ni d'autres sortes de crimes.
    L'homme, quant à lui, avait un antécédent de possession simple de drogue et de vol simple, mais à part cela, il n'avait aucun antécédent. Il a donc pu bénéficier de la procédure d'examen expéditif et être libéré en maison de transition. Il a pu profiter des ressources disponibles à cet endroit. Il a reçu de l'aide pour mieux gérer ses finances et d'autres conseils afin de reprendre sa vie en main. Il n'aurait pas obtenu ces services s'il était resté incarcéré longtemps. Comme d'autres l'ont dit avant moi, plus longtemps les gens sont emprisonnés, plus la contamination par des criminels est dangereuse.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant ouvrir la période des questions.
    Monsieur Holland, pour le premier tour, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, permettez-moi de transmettre à chacune des victimes qui ont pris la parole ce soir mes plus profonds regrets pour ce que vous avez subi.
    Deuxièmement, nous sommes tout à fait d'accord avec vous quand vous dites que les fraudeurs de grande envergure — comme celui qui vous a fraudés — ne devraient pas être en mesure de profiter de cette procédure. En fait, au Comité de la justice, nous avons proposé des mesures il y a deux ans en vue d'apporter ce changement au régime actuel. C'est quelque chose qui nous tient vraiment à coeur.
    Mais notre véritable préoccupation concerne, non pas les fraudeurs de grande envergure, mais plutôt, comme de nombreux témoins nous l'ont fait remarquer, tous les autres qui vont être directement touchés par ces modifications. Nous ne comprenons pas pourquoi il faut nécessairement loger tout le monde à la même enseigne si on vise effectivement le genre de personne qui a fraudé les témoins ici présents.
    Je voudrais commencer par poser une question à Mme Campbell: quel est le coût de ce projet de loi?
    Je crois que le gouvernement considère que l'évaluation du coût d'une mesure est un document confidentiel du Cabinet. Par conséquent, je ne pense pas pouvoir répondre à cette question.
    Monsieur Sapers, nous sommes actuellement saisis d'environ 18 projets de loi touchant la criminalité. À votre avis, serait-il prudent que le Parlement vote sur ces 18 projets de loi sans avoir une estimation de ce qu'ils vont coûter? Je vous pose la question en votre qualité d'enquêteur correctionnel.
    Je crois que c'est effectivement un défi pour le Parlement et pour tous les députés.
    En tant qu'enquêteur correctionnel du Canada, je ne suis pas à même d'aborder spécifiquement la question de leur incidence financière, mais je peux vous dire qu'il y a un effet de choc qui commence à se faire sentir dans l'ensemble du système. Quelqu'un a décrit cet effet de choc en parlant d'un « coup de fouet », en ce sens que les hommes et les femmes qui administrent le système doivent s'ajuster et se rajuster en permanence en raison du rythme soutenu des changements qui sont apportés au régime. Il est évident que l'aspect financier fait partie des ajustements qui deviennent nécessaires.
    Donc, la Commission des libérations conditionnelles du Canada, le Service correctionnel du Canada et tous leurs partenaires dans les collectivités, bien entendu, travaillent un peu sous la contrainte, puisque les responsables sont obligés de suivre le rythme des changements, de réaffecter des crédits et de demander d'autres crédits en préparant des présentations au Conseil du Trésor, etc.
(1925)
    Je vais poser une question à Mme Pate à ce sujet dans une seconde. Mais je voulais juste vous dire que, si je suis préoccupé par le gonflement éventuel de la population carcérale, c'est entre autres parce que cela signifie nécessairement qu'il y a moins de ressources pour s'attaquer au type de personnes qui préoccupent les victimes, à savoir les délinquants qui ont commis des infractions de grande envergure. Disons que le système se dilue.
    D'après ce que nous avons pu constater, en inscrivant des questions au Feuilleton — et j'aimerais que vous me le confirmiez — c'est qu'à mesure que la population carcérale augmente, les crédits disponibles pour les programmes et services qui permettent aux gens d'être réhabilités, soit ne changent pas, soit diminuent. Donc, en chiffres absolus, l'enveloppe budgétaire affectée aux services qui permettent aux gens d'être réhabilités a diminué par rapport au nombre de détenus.
    Êtes-vous en mesure de confirmer que vous partagez cette même préoccupation? Comment voyez-vous cette trajectoire?
    Il y a eu quelques réinvestissements, notamment dans le domaine des services de santé mentale. Mais, dans l'ensemble, la capacité n'a pas augmenté, du point de vue des programmes et des interventions qui sont possibles, au même rythme par rapport à l'expansion de l'infrastructure matérielle qui est projetée.
    Bon nombre des annonces qui ont été faites concernent l'expansion de la capacité d'hébergement. Par contre, nous n'avons pas encore vu de projets détaillés sur les mesures qui permettront de faire concorder cette expansion avec la capacité accrue d'offrir les programmes et les autres interventions qui sont nécessaires dans un bon système correctionnel.
    Madame Pate, je voudrais vous poser une brève question — premièrement, sur la question de savoir si le Parlement devrait voter avec des oeillères. À votre avis, convient-il que le Parlement vote sur des mesures sans avoir la moindre idée de ce qu'elles coûteront?
    Deuxièmement, je voudrais revenir sur la diminution des services. Avec une population carcérale de plus en plus importante, et de plus en plus de délinquants primaires non violents qui passeront de plus longues périodes en prison en ayant accès à moins de services… disons, quels seront les effets de cette situation sur le personnel de première ligne qui assure les services de réadaptation? De plus, pourriez-vous développer un peu ce que vous nous disiez tout à l'heure concernant le fait que ce projet de loi aura un effet disproportionné sur les femmes?
    Merci beaucoup, monsieur Holland.
    J'ai eu le privilège et la responsabilité de siéger au comité consultatif qui essayait d'aider le directeur parlementaire du budget à évaluer le coût d'un des projets de loi précédents. Et, comme Mme Campbell vous le signalait, étant donné qu'il a été très difficile d'obtenir des chiffres du gouvernement, nous sommes effectivement très préoccupés par cet aspect-là de la question.
    La dernière fois qu'on nous a annoncé des chiffres, on nous a dit que cela coûte environ 185 000 $ par année pour garder une femme en prison. Par rapport aux chiffres qu'on m'a fournis aujourd'hui, on m'a dit que cette mesure législative toucherait au moins environ 910 femmes par an. Et ces chiffres-là remontent à une dizaine d'années. Donc, en fonction de cela, on peut dire que le coût sera d'environ 10 millions de dollars, selon moi, seulement pour les femmes.
    Nous savons que ce projet de loi aura une incidence disproportionnée sur les femmes, en faisant augmenter le nombre de femmes qui devront rester en prison pendant plus longtemps. Si les détenus doivent purger plus d'un sixième de la peine, on peut supposer qu'on parle au moins d'un an de plus d'emprisonnement, et peut-être davantage; il pourrait aussi s'agir d'une plus petite période — aussi peu que six mois, éventuellement — mais, quoi qu'il en soit, il est évident que cela coûtera plusieurs millions de dollars, ne serait-ce que pour les femmes.
    Donc si nous parlons de 910 personnes par année, cela veut dire qu'il faudra au moins deux prisons de plus. Il pourrait même s'agir de trois à cinq prisons de plus, selon les chiffres sur lesquels on se fonde.
     Et les chiffres que vous nous avez donnés ne comprennent pas, bien entendu, les coûts d'immobilisation liés à la construction des prisons.
    Je voudrais aller un peu plus loin. Les conservateurs disent souvent qu'on ne parle pas des victimes. Peut-être ont-ils mal compris l'élément essentiel, à savoir que si vous avez un taux de récidivisme inférieur et moins de criminalité, ou alors vous n'avez pas de victimes au départ, ou alors vous en avez moins, et je pense que c'est un élément extrêmement important.
    Je m'intéresse beaucoup à l'effet de ce qui est proposé, notamment sur les femmes, ce qui correspond à votre domaine de spécialisation.
    Monsieur McIsaac, pourriez-vous nous parler de l'incidence de ce projet de loi sur l'accès aux services de réadaptation pour les hommes? S'il leur faut une traduction, cela signifie qu'il y a moins de criminalité et moins de victimes.
(1930)
    Vous avez 10 secondes; alors soyez très brève.
    Il est certain que la capacité de les réintégrer sera considérablement touchée. Déjà les ressources diminuent. Nous constatons que les ressources sont réduites pour les personnes qui ont fini de purger leur peine, ce qui est susceptible de les mettre davantage en situation de risque. Nous sommes également au courant du taux de victimisation des femmes en particulier, des Autochtones et même de la plupart des personnes qui sont en prison.
    Si cette mesure allait vraiment permettre de décourager la fraude de grande envergure, j'imagine que la plupart d'entre nous y seraient favorables, mais nous savons fort bien que ce n'est pas le résultat qu'elle va avoir.
    Merci, madame Pate.
    La parole est maintenant à la représentante du Bloc québécois.

[Français]

    Madame Mourani, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonsoir à tous, et merci d'être ici si tard afin de nous éclairer sur ce projet de loi.
    Monsieur Sapers, j'ai quelques questions à vous poser. J'essaie de comprendre les chiffres que vous nous soumettez. Vous citez des statistiques de 2009-2010 selon lesquelles 7 272 délinquants ont été admissibles à la procédure d'examen expéditif au cours des cinq années précédentes. Vous parlez de ceux remis en semi-liberté après avoir purgé un sixième de leur peine, si je ne me trompe pas. Cela couvre une période de cinq ans. C'est donc dire que plus de 1 000 personnes par année, approximativement, y ont été admissibles.
    Si vous pouviez fournir des statistiques par année, ça m'aiderait à avoir un tableau plus précis. Est-ce qu'il s'agit de plus de 1 000 personnes par année?
     J'aimerais éclaircir la situation un peu. Lorsqu'on a été convoqués, on est allés sur le site Web de la Commission des libérations conditionnelles du Canada et on a trouvé le rapport de performance. Ce dernier donnait des pourcentages, mais pas de nombres précis. Nous avons donc fait une demande auprès de la commission pour obtenir des chiffres plus précis. Les chiffres cités aujourd'hui sont ceux qu'on a reçus. Ils couvrent une période de cinq ans. On a aussi obtenu les chiffres pour l'année 2009-2010.
    Ce sont ceux que j'ai ici.
    Le nombre est d'environ 1 500.
    Par année?
    Oui, pour une année. En fait, 1 500 personnes étaient admissibles à la procédure, un peu moins de 1 000 d'entre elles ont obtenu une semi-liberté et elle a été refusée à un peu plus de 500 autres.
    D'accord. Vous parlez également de 5 255 délinquants, en cinq ans, admissibles à la procédure en vue d'une libération conditionnelle totale après avoir purgé le tiers de leur peine. Il s'agit donc de plus ou moins 1 000 personnes par année.
    Corrigez-moi si je me trompe, mais êtes-vous en train de nous dire que la libération conditionnelle totale n'existera plus si ce projet de loi est adopté, comme ce sera sûrement le cas? Les gens purgeront-ils les deux tiers de leur peine?
    La réponse est non. C'est la procédure expéditive qui sera éliminée. Fondamentalement, cette procédure expéditive est une révision sur papier, fondée sur un dossier et sur un critère de risque.
    Elle ne s'appuie pas sur l'analyse d'un agent de libération conditionnelle qui a rencontré le délinquant plusieurs fois, a fait son évaluation avec une équipe multidisciplinaire et a déterminé si le risque de récidive est élevé ou non et s'il faut le libérer ou non. Êtes-vous d'accord avec moi?
    C'est la décision de la commission et non de l'agent de libération conditionnelle.
    Il fait sa recommandation à la commission.
    Voilà.
    Convenez-vous que, même si l'examen expéditif n'existe plus dans la loi, cela ne changera rien au fait que les délinquants seront admissibles à la semi-liberté six mois, par exemple, avant d'avoir purgé le tiers de leur peine, dans le cas où le risque de récidive n'est pas élevé?

[Traduction]

    Permettez-moi de répondre.
    En ce qui concerne les 1 000 détenus environ à qui la Commission des libérations conditionnelles accorde la libération conditionnelle totale par suite de la procédure d'examen expéditif, il est clair que les 1 000 dossiers environ dont on parle seraient désormais étudiés dans le contexte d'une audience en bonne et due forme.
    S'agissant des pratiques actuelles du Service correctionnel du Canada, à l'heure actuelle, la plupart des libérations sont des libérations d'office, par rapport à une décision de mise en liberté conditionnelle prise par la CNLC. Si c'est le cas, c'est parce que la préparation des mesures de gestion du cas et des dossiers devant être présentés devant la CNLC lors de l'audience, est souvent retardée. Nous savons également qu'il y a un nombre accru de renonciations et de reports d'audiences. Donc, même si, à l'heure actuelle, environ 1 000 dossiers par an sont soustraits à ce processus-là et passent par la PEE, il y a toujours un arriéré, si bien que la plupart des libérations sont des libérations d'office, plutôt que de résulter d'une décision de la Commission. On peut donc supposer que, si ces 1 000 dossiers sont ramenés dans le système, l'arriéré qui en résultera sera encore plus grave. Mais ce sont de simples hypothèses.
(1935)

[Français]

    Ce que vous me dites est très intéressant. En résumé, ce n'est pas que ces délinquants ne pourront pas sortir de prison, mais bien qu'ils devront être entendus par la commission, et non être jugés à partir d'un dossier, comme cela se fait actuellement. Ils seront donc entendus par la commission, ce qui créera peut-être un engorgement. Plus tard, ces gens seront évalués par une équipe multidisciplinaire. Une évaluation du risque sera faite, ils se retrouveront devant la commission et les commissaires devront statuer s'ils sont libérés ou non, selon la recommandation de l'équipe multidisciplinaire. On ne peut donc pas dire que ce projet de loi empêchera les gens de sortir de prison. C'est plutôt qu'ils seront dorénavant évalués minutieusement par un agent et se présenteront ensuite devant la commission. La décision ne se fera plus à la suite de l'étude d'un dossier. Ai-je bien compris?

[Traduction]

    Vous avez raison de dire que les détenus auront toujours le droit, aux termes de la loi, à une forme ou une autre de libération conditionnelle après avoir purgé une certaine proportion de leur peine. La différence se situe plutôt au niveau du moment de la libération et de la façon de traiter et d'étudier les dossiers. Donc, les effets vont surtout se faire sentir au sein du Service correctionnel, étant donné que plus d'hommes et de femmes détenus devront passer plus de temps en prison avant d'être libérés, et au sein également de la CNLC, qui devra organiser un plus grand nombre d'audiences pour étudier les dossiers des gens avant de leur accorder éventuellement la libération conditionnelle.
    Merci.
    Merci, madame Mourani. Malheureusement, votre temps est écoulé.
    Monsieur Davies, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais, moi aussi, exprimer mes profonds regrets pour les souffrances des victimes.
    Je vais prendre un risque en vous disant quelque chose que tout le monde pense, à mon avis. La perspective de voir Earl Jones et M. Lacroix quitter la prison après avoir purgé un sixième de leur peine — soit deux ans sur une peine d'emprisonnement de 13 ans — est déconcertante pour les Canadiens. Mais nous devons aussi nous demander s'il est vraiment opportun d'imposer une politique qui touche 1 000 personnes par année afin de cibler deux personnes. Mes questions vont donc être posées dans cette optique-là.
    Le comité a mené une étude de très grande envergure sur la fréquence des problèmes de maladie mentale et de toxicomanie au sein du système carcéral fédéral. Nous avons constaté que 80 p. 100 des détenus qui se trouvent dans nos établissements fédéraux ont des problèmes de toxicomanie ou d'alcoolisme, et qu'un pourcentage très élevé — je ne pense même pas qu'on ait réussi à en établir le nombre — sont atteints de problèmes de maladie mentale. Je sais aussi que l'accès en temps opportun à des programmes de traitement efficace de la toxicomanie ou de la maladie mentale est lamentable à l'heure actuelle dans les établissements fédéraux.
    Dans ce contexte, le transfert des détenus admissibles — c'est-à-dire, des délinquants primaires non violents — à des maisons de transition dans la collectivité, où ils ont accès à une gamme de services communautaires beaucoup plus vastes, tels que le traitement de la toxicomanie et de la maladie mentale, ainsi qu'à la possibilité de réintégrer la société, de renouer leurs liens avec la famille et de travailler, favorise à la fois leur réinsertion et leur réadaptation.
    Est-ce qu'il y en a qui ne sont pas d'accord avec moi à ce sujet?
    Je voudrais aussi vous poser une question au sujet des coûts. Je crois savoir que chaque détenu de sexe masculin dans nos établissements fédéraux coûte environ 140 000 $ par an. Mme Page disait qu'il en coûte 185 000 $ pour une femme.
    Oui, dans les établissements à sécurité minimale.
    Donc il pourrait s'agir d'une somme plus élevée.
    Y en a-t-il parmi vous qui savent combien cela coûte d'héberger un délinquant de sexe masculin dans une maison de transition dans une grande ville?
(1940)
    D'après les derniers chiffres que j'ai vus, environ 25 000 $.
    D'accord; environ 25 000 $.
    Oui.
    J'imagine que c'est la même chose pour les femmes.
    Tout dépend des économies d'échelle. Parfois il s'agit de plus petites maisons de transition. Mais il faut également se rappeler que les personnes qui y habitent sont sous surveillance à tout moment.
    Donc, si nous laissons 1 000 personnes… Avez-vous parlé de 900 femmes…?
    En 1999-2000, il y avait 910 femmes, d'après…
    Monsieur Sapers et monsieur Zinger, les chiffres que vous nous avez donnés s'appliquent-ils aux hommes et aux femmes?
    Oui. Les 1 000 personnes dont j'ai parlé tout à l'heure correspondent aux détenus à qui on accorde la libération conditionnelle totale, et non pas la semi-liberté. Chaque année, environ 1 500 détenus deviennent admissibles à la semi-liberté.
    Très bien. Le gouvernement est d'avis que les Canadiens n'ont pas besoin de savoir combien cela va coûter. Il semble penser que l'argent des contribuables canadiens… On n'a pas le droit de savoir combien cela va coûter, mais je vais tout de même essayer de faire quelques calculs.
    Si 1 000 personnes par année doivent rester en prison pour y purger un tiers de leur peine, plutôt qu'un sixième de leur peine, la différence de coût est d'au moins 100 000 $ par personne, ce qui veut dire qu'on doit multiplier 100 000 $ par 1 000 pour chaque personne qui resterait en prison, au lieu d'être surveillée dans la collectivité. Mes calculs sont-ils inexacts?
    Or, nous avons un problème de surpeuplement. Une note de service a été diffusée par le Service correctionnel il y a environ 10 jours. Selon cette dernière, le Service correctionnel est d'avis que, à eux seuls, ces deux projets de loi que propose le gouvernement donneront lieu à une augmentation de la population carcérale d'environ 4 000 au cours des deux ou trois prochaines années, ce qui signifie que nous devrons engager 3 300 gardiens de prison de plus. Par ailleurs, le projet de loi que nous examinons maintenant forcerait 1 000 personnes de plus par année à rester en prison, ce qui donne 5 000 détenus de plus dans nos établissements au cours des deux ou trois prochaines années. Et ça, c'est par rapport à une population carcérale de 13 000. Donc, il y aura 40 p. 100 de plus de détenus.
    Avons-nous suffisamment de place dans les prisons actuelles pour héberger toutes ces personnes au cours des deux prochaines années?
    Le Service correctionnel du Canada est en train d'augmenter la capacité cellulaire de ses établissements. Ce dernier a établi une projection de la capacité cellulaire au cours des cinq prochaines années, si je ne m'abuse — on peut toujours me corriger si je me trompe — qui exigera l'ajout de 2 700 cellules, alors que cette estimation s'appuyait sur les besoins découlant des lois adoptées jusqu'à ce moment-là relativement à l'accroissement de la capacité. Entre-temps, bien entendu, le problème de surpeuplement demeure entier, notamment dans les établissements à sécurité moyenne.
    Et c'est notamment le cas des prisons pour femmes, qui sont toutes déjà surpeuplées, alors que nous savons que cette mesure aura une incidence disproportionnée sur les détenues de sexe féminin.
    Permettez-moi donc de résumer. Ce projet de loi aura pour conséquence de faire augmenter en flèche les coûts, à la fois les coûts de fonctionnement et d'investissement. Il aggravera le problème de surpeuplement, ce qui créera plus de tension et plus de violence dont pâtiront à la fois les membres du personnel et les détenus.
    Nous avons à l'heure actuelle un programme qui me semble être une réussite, étant donné que la grande majorité des gens qui sont libérés par suite de la procédure d'examen expéditif ne récidivent pas. Avons-nous des preuves que les résultats seront positifs si nous les gardons en prison plus longtemps?
    Je rappelle également, monsieur le président, pour les fins du compte rendu, que nous n'avons personne de la Commission nationale des libérations conditionnelles, même si nous avons essayé de faire venir un responsable. Je voudrais donc vous lire leur réponse, encore une fois pour les fins du compte rendu:
Vu le très court préavis donné aux responsables de la Commission nationale des libérations conditionnelles — quelques heures seulement — nous devons malheureusement, n'ayant pas pu nous préparer pour la réunion d'aujourd'hui, refuser l'invitation du comité à comparaître plus tard ce soir. Nous serions ravis de comparaître devant le comité à une date ultérieure.
    Je voudrais poser la question que voici aux membres du comité: les membres du Bloc et du Parti conservateur ont fait front commun en vue de faire adopter à la va-vite ce projet de loi par le Parlement — cela s'est fait en une semaine. Y a-t-il des preuves que vous pourriez nous fournir qui indiqueraient qu'il est urgent d'adopter ce projet de loi dès aujourd'hui, plutôt que d'en étudier les incidences, d'en déterminer le coût, de savoir qui serait touché et d'en connaître les conséquences pour notre politique dans ce domaine?
    Non, c'est tout le contraire.
    Je voudrais poser une dernière question aux deux victimes.
    Vous, plus que n'importe qui d'autre, connaissez bien les répercussions d'une situation financière dévastée par un fraudeur. En tant que contribuable, pensez-vous qu'il soit souhaitable de savoir combien coûtera cette mesure avant de mettre sur pied un programme qui aura pour résultat de mettre 1 000 personnes en prison chaque année?
(1945)

[Français]

    Je ne vois pas ça dans la perspective du contribuable, je vois ça en tant que victime.
    Ceux d'entre vous qui n'ont jamais connu ça ne voudraient pas vivre les cinq dernières années que j'ai vécues. Comme certaines autres victimes l'ont fait, j'ai décidé au tout début du processus d'oublier mon argent, de continuer, puisque j'avais la capacité de le faire. C'est 9 200 personnes qui ont été flouées par M. Lacroix. Ici, on parle de 5 000 délinquants. On ne compare pas les mêmes choses.
    Pendant cinq ans, la vie de la grande majorité de ces gens a été détruite. Ils ont attendu après le système pendant cinq ans pour se faire dire que, oui, on allait s'occuper d'eux. On a compris que le système, aujourd'hui, est ainsi fait, il fonctionne comme ça. Toutefois, ça ne nous donne pas les cinq ans qu'on a perdus. Parmi ces personnes, certaines se sont suicidées, des couples ont divorcé. Des drames se sont joués. Des drames aussi importants, sinon plus, que ceux des personnes dont vous parlez qui, elles, ont provoqué ces situations. On parle de fraude, mais on peut parler de tous les autres crimes.
    Je m'interroge un peu sur les arguments. Je vois bien que l'avis des gens autour de la table est clairement partagé. D'un côté, on dit qu'il ne faut pas toucher à ça, parce que cela aura peut-être un impact négatif sur des personnes. Je serais curieux de faire une étude pour déterminer combien cet impact a coûté au gouvernement du Québec, si l'on tient compte des personnes qui ont dû être hospitalisées ou traitées, des personnes décédées et des effets sur leur famille et tout le reste.
    Moi, je m'en suis bien sorti. Pour quelle raison? Je ne pourrais pas le dire. J'ai décidé de passer à autre chose. Par contre, la majorité des gens qui ont été victimes de la fraude de Norbourg ne pouvaient pas se le permettre. Je connais des gens qui se sont suicidés. J'en ai connu deux personnellement. J'en ai connu plusieurs qui se sont retrouvés à l'hôpital. C'est le cas d'un de mes amis. Il a passé neuf mois en soins psychiatriques à l'hôpital.
    Ce sont des impacts majeurs qui coûtent beaucoup d'argent.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Gravel. Votre temps est écoulé.
    La parole est maintenant à M. MacKenzie.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis très heureux d'entendre le son de cloche d'une victime, car bien souvent nous n'entendons que l'autre argument. Je me demande si les témoins seraient surpris si ce projet de loi était adopté à l'unanimité à la Chambre plus tard ce soir. Tous les partis y sont favorables. Tous les députés à la Chambre ont voté en faveur, alors se présenter ce soir…
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Nous allons entendre votre rappel au Règlement.
    Monsieur MacKenzie, je crois qu'il convient de vous rappeler que le projet de loi est maintenant à l'étude en comité. Les députés n'ont pas voulu simplement voter contre; ils ont dit qu'il fallait au moins l'examiner en comité ce soir.
    Vous avez la parole.
    À ce sujet, puisqu'il s'agit d'une distinction bien importante, je précise que nous avons clairement indiqué que nous sommes favorables à certains éléments du projet de loi qui visent les fraudeurs de grande envergure. Mais prétendre que nous appuyons le projet de loi dans son ensemble simplement parce que nous indiquons notre désir d'en discuter en comité…
    J'ai pris bonne note de votre argument, mais c'est un argument qui est plus acceptable dans le contexte d'un débat.
    Veuillez continuer, monsieur MacKenzie.
    Il reste que le projet de loi a été adopté à l'unanimité à la Chambre.
    Monsieur Gravel, je suis heureux d'avoir pu entendre le point de vue d'une victime. J'ai un document entre les mains qui vient du comité organisateur des victimes d'Earl Jones. On m'a demandé de vous le lire, et c'est ce que je vais faire maintenant:
En réponse au débat actuellement en cours à Ottawa au sujet du nouveau projet de loi sur la libération conditionnelle, soit le projet de loi C-59, les victimes d'Earl Jones désirent exprimer leur appui pour les efforts que le gouvernement conservateur et le Bloc québécois continuent à déployer en vue de mieux protéger les droits de toutes les victimes de la criminalité en col blanc.
Depuis 20 mois, les victimes travaillent en étroite collaboration avec le gouvernement conservateur à la préparation des nombreux projets de loi déposés qui visent à lutter contre la criminalité, et nous sommes très satisfaits de ces efforts législatifs. Nous ne souhaitons pas que les partis de l'opposition, qui estiment que les droits des délinquants l'emportent sur ceux des victimes, posent des gestes qui puissent faire échouer cet important projet de loi.
L'élimination de la procédure permettant d'accorder l'accès à la semi-liberté au sixième de la peine aux délinquants non violents non seulement assurera une meilleure protection des victimes, mais constituera le facteur de dissuasion le plus énergique qu'on puisse établir dans notre société pour décourager les actes de grande fraude, et le vol qui en résulte, de la part des criminels à cravate.
Il convient de noter que Vincent Lacroix est récemment devenu admissible à la semi-liberté active, a ensuite été libéré et se trouve maintenant en liberté dans les rues de Montréal.
Nous ne souhaitons pas qu'il arrive la même chose à Earl Jones, et nous transmettons une pétition à l'ensemble des partis politiques à Ottawa les exhortant à défendre les victimes d'Earl Jones, à faire ce que leur dicte leur conscience et à agir maintenant en appuyant l'adoption du projet de loi C-59.
« En tant que victime de la combine à la Ponzi d'Earl Jones, je sais pertinemment à quel point les effets de la criminalité en col blanc sont dévastateurs pour la vie des victimes, leur famille et leurs descendants. Presque chaque semaine au Canada, on découvre une nouvelle combine à la Ponzi et, jusqu'à présent, le Code criminel n'a guère comporté de dispositions qui pourraient décourager les criminels de suivre cette voie lucrative. La criminalité en col blanc devient très rapidement le crime le plus dévastateur pour les aînés du Canada. Nous sommes privés de nos économies et la presse nous a couvert de honte et tournés en dérision. Dans ce domaine, le temps presse. »
« Savez-vous ce que c'est que d'être prêt à prendre votre retraite, sachant que vous avez suffisamment d'argent pour continuer à profiter de votre maison et de voyager, et de vous faire couper l'herbe sous les pieds tout d'un coup? Nous nous sommes retrouvés dans cette situation à cause d'Earl Jones et de la fraude qu'il a commise pendant si longtemps. Nous avons perdu notre pécule, de même que l'argent que nous voulions laisser à nos enfants. Nous avons dû retourner au travail. Nous ne voulons pas que cet homme puisse profiter de la semi-liberté dès le mois de décembre. Ce n'est pas un bon système. Nous vous exhortons donc à travailler de pair avec les autres partis afin d'en arriver à un bon résultat pour nous qui avons été victimes de la criminalité en col blanc. »
(1950)
    Pourriez-vous ralentir s'il vous plaît?
    Oui, désolé.
« Il est évident que ni vous, ni vos êtres chers ont été victimes des criminels à cravate. Or, en tant que victime d'Earl Jones, je peux vous assurer que, d'après ce que prévoit actuellement la loi, Jones sera en liberté avant que, ne serait-ce qu'une seule de ses victimes, n'ait réussi à retrouver une vie normale ou à mettre tout cela derrière elle. Il n'est pas normal qu'un homme condamné à une peine d'emprisonnement de 11 ans pour avoir gâché la vie de plus de 158 personnes finisse par ne passer que 22 mois en prison. Je peux vous dire que mon père est mort et qu'on a volé tous les actifs de la succession, en l'espace de trois mois, ce qui nous complètement détruits. Deux ans plus tard, nous cherchons encore par tous les moyens à payer les impôts de papa pour 2008… Sachez qu'il s'agit d'un crime très grave qui a des répercussions graves à très long terme — il faut que la peine soit proportionnelle au crime. »
    Je voudrais demander à Jackie Nalthayan comment elle se sent en tant que victime.

[Français]

    Je me sens trahie. Je me sens violée. Je ne fais pas plus confiance aux gens.
    D'après ce que j'entends aujourd'hui, tout le monde est très préoccupé par la psychologie et la réhabilitation de ces gens qui ont fait des choses qu'ils n'auraient pas dû faire, alors que personne ne se préoccupe de la vie de leurs victimes qui doit continuer. Tous ces gens sont très inquiets. Il faut les réintégrer. Et nous, que faisons-nous? Comment pouvons-nous nous réintégrer? Comment continue-t-on sa vie quand on souffre de maladies psychologiques comme la dépression, quand il y a eu des suicides autour de soi, quand des personnes âgées ont tout perdu? Personne ne se soucie de cela.
    Tout ce que je crois, c'est que la Charte des droits et libertés qu'on a ici, au Canada, sert à protéger les criminels et non les victimes ou les citoyens qui travaillent et paient leurs impôts. Je trouve ça très frustrant.
    En plus, on doit payer. On n'a même pas de crédit d'impôt parce qu'on s'est fait flouer. On paie encore de l'impôt.
    Ces gens se soucient de surpopulation. Il faut faire plus de prisons parce que ça va être la maladie du siècle. Il n'y a plus de braquage de banque, ça va plutôt être la fraude. Ce sont les voleurs à cravate dont on entend parler tous les jours. On est en train de les faire sortir.
     Il faut trouver une solution, il faut que ces gens arrêtent. Il faut qu'on leur fasse peur et qu'on leur dise qu'ils doivent subir les conséquences. C'est ce qu'on apprend dès son jeune âge. On nous dit qu'il y a des lois à respecter et que si on ne les respecte pas, il y a des conséquences. Il ne faut pas qu'on leur donne des chances, ni qu'on dise que, psychologiquement, il faudrait les aider à se réintégrer et tout ça.
    Qui pense à nous, ici?

[Traduction]

    Il vous reste deux minutes.
    Monsieur Pedram, pourriez-vous nous donner une idée de l'effet que cela a pu avoir sur vous?
    Je voulais vous dire que j'ai prélevé cet argent sur la marge de crédit que j'avais pour mon entreprise. Depuis 2007, je travaille 18 heures par jour pour payer simplement les intérêts et les frais de service à la banque, et je n'ai toujours pas réussi à réunir suffisamment d'argent pour rembourser le montant intégral à la banque.
    J'ai encore beaucoup de mal à payer ne serait-ce que les intérêts sur l'argent que j'ai donné à Leon Kordzian. Je ne sais pas combien de temps il faudra pour réunir suffisamment d'argent pour rembourser la banque et enfin voilà justement un élément du problème. Tous les soirs les membres de ma famille et ma femme me disent que c'est de ma faute; que je n'aurais pas dû faire confiance à ce type-là. Donc, cela vous affecte sur le plan psychologique. Tout le monde m'en veut d'avoir mal agi, d'avoir fait confiance à cette personne. C'est la question de confiance. J'ai fait confiance à quelqu'un pour investir mon argent. Investir, ce n'est pas frauder. On ne peut pas s'empêcher d'y penser. Cela finit par affecter son moral, son esprit. Sur le plan émotionnel, vous êtes victime. C'est un peu comme si on vous avait violé.
    C'est tout ce que je peux vous dire.
(1955)
    Très rapidement, vous avez environ 20 secondes.
    Nous avons de la chance, en quelque sorte, car nous continuons à travailler. Nous sommes jeunes et nous travaillons toujours. Mais qu'en est-il des personnes âgées?

[Français]

    Les personnes âgées et les femmes qui ne parlent pas les langues officielles, qui sont très vulnérables et malades, qui va penser à les aider? Qui va penser à les réhabiliter dans la société pour qu'elles continuent à vivre?

[Traduction]

    Merci beaucoup. Votre temps est écoulé.
    La parole est maintenant à M. Kania.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Campbell, en réponse à la question de M. Holland, qui vous a demandé combien coûterait ce projet de loi, vous avez dit qu'il s'agit d'un secret du Cabinet et qu'il vous est donc impossible de répondre. J'aimerais donc vous demander d'être un peu plus précise.
    Pourriez-vous me dire si vous connaissez la réponse, mais que vous êtes en train de nous dire que, d'après le gouvernement, c'est un secret du Cabinet que vous n'êtes pas à même de nous révéler? Il y a une différence. Pourriez-vous nous dire si vous êtes au courant de la réponse, sans être en mesure de vous la fournir, ou si vous n'avez jamais pu avoir accès à cette information?
    Je possède la plupart des renseignements en question. Une de mes responsabilités consiste à tenir compte des coûts au moment de rédiger un nouveau projet de loi. Donc, je possède la majorité de ces renseignements ou du moins je peux y avoir accès. Le problème est celui de la divulgation. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le gouvernement m'a fait savoir que cette information est confidentielle.
    Donc, c'est vous qui avez fourni des données au gouvernement au sujet du coût de ces modifications?
    Je vous ai dit que je possède cette information ou que j'y ai accès. Je ne peux vraiment pas vous parler en détail de ce que j'ai fourni au gouvernement parce qu'il s'agit de conseils qui constituent des documents confidentiels.
    Donc, en théorie, si le gouvernement vous demandait de fournir cette information, vous seriez en mesure de lui répondre?
    Je crois être en mesure de répondre à toutes les questions qu'on me pose au sujet de propositions législatives.
    Hier et aujourd'hui à la Chambre des communes, nous avons posé des questions au gouvernement au sujet des coûts, mais ce dernier n'en a tenu aucun compte. Ils ont refusé de nous fournir les réponses. Vous conviendrez avec moi que si le gouvernement voulait faire savoir au Parlement, aux représentants de la population, combien coûtera ce projet de loi, il pourrait le faire?
    Je ne crois pas pouvoir vous dire ce que le gouvernement voudrait ou pourrait faire. Je suis fonctionnaire et je vous ai fourni la meilleure réponse que je puisse vous donner.
    M. MacKenzie, qui a quitté la salle, lisait tout à l'heure une très longue lettre. Malheureusement, il n'est plus là, mais je voudrais qu'il sache que je suis d'accord avec lui. Nous sommes d'accord avec ce qu'on dit dans cette lettre. Tout le monde, les députés de tous les partis… Nous n'avons aucune sympathie pour Earl Jones. Nous ne voulons pas qu'il soit libéré.
    Il y a une partie de la lettre qu'il a lu où on disait qu'il y a peu d'incitation à réprimer ce type de crime d'après le libellé du Code criminel. Nous sommes d'accord à ce sujet. Je pense que l'auteur de la lettre voulait dire que la loi actuelle n'est pas assez énergique. Nous sommes d'accord, là aussi.
     Je voudrais également préciser pour la gouverne des victimes, pour que vous le sachiez, que nous compatissons à votre situation, que nous sommes de tout coeur avec vous et que nous appuyons votre position. S'agissant du projet de loi C-21 sur la criminalité en col blanc, les députés du Parti libéral ont essayé de faire apporter certains amendements au projet de loi à l'automne, lorsqu'il était à l'étude devant le Comité de la justice, pour que M. Lacroix ne soit pas libéré et pour éliminer justement le droit à la semi-liberté au sixième de la peine pour tous les fraudeurs qui ont commis des crimes graves. Mais les députés du Bloc et du Parti conservateur ont voté contre. Il aurait été possible de régler ce problème dès l'automne dernier. Mais le problème n'est toujours pas réglé et c'est pour cela que nous sommes là ce soir.
    Après la deuxième prorogation du Parlement, nous avons organisé un forum au Parlement, lorsque ce dernier ne siégeait pas, sur la criminalité en col blanc. J'en ai été le coprésident. Nous avons examiné plusieurs possibilités et nous avons également fait des propositions au gouvernement.
    J'aimerais donc vous demander si vous êtes d'accord avec ces propositions? Êtes-vous d'accord qu'il faut plus de crédits pour faire respecter la loi et donc éviter ce genre de situations? Je présume que vous êtes tous d'accord. Y en a-t-il qui ne le sont pas? Je ne vois personne qui lève la main.
    Faut-il plus de crédits pour les enquêtes? Vous dites tous oui de la tête. Je présume que vous êtes tous d'accord. Mais on n'en a pas du tout parlé.
    Et que pensez-vous des ordonnances de dédommagement? Vous qui avez perdu de l'argent devriez automatiquement faire l'objet d'une ordonnance de dédommagement. Les juges devraient vous dire: « Telle personne vous doit une certaine somme d'argent. Donc, vous ne serez pas obligé de vous adresser aux tribunaux pour lui intenter un procès. Vous n'aurez pas à dépenser de l'argent pour un avocat ». Toutes les victimes disent oui de la tête. Donc, vous êtes d'accord. Le gouvernement n'a absolument rien fait dans ce domaine.
    Et des peines plus longues? M. Jones s'est fait imposer une peine d'emprisonnement de 11 ans pour son crime. Pourquoi la peine maximale ne serait-elle pas de 20 ans, par exemple? Pourquoi ne pas prévoir une peine plus sévère? Vous êtes d'accord là-dessus. C'est ce que nous avons proposé la dernière fois. Je vois que toutes les victimes disent oui de la tête; vous êtes d'avis que sa peine devrait être plus longue. Et nous sommes d'accord avec vous. Sa peine devrait effectivement être plus longue.
    Et les crédits d'impôt? C'est vous qui avez mentionné cela, madame Naltchayan. Vous savez, le Parti libéral a fait justement cette proposition en janvier 2010. Nous avons dit: « Pourquoi n'y a-t-il pas encore de crédits d'impôt pour que les victimes d'une fraude bénéficient d'un traitement particulier de la part de l'ARC? » C'est nous qui avons dit cela. Mais où est le projet de loi qui permettrait de le concrétiser? Et il n'en est pas du tout question ici non plus.
    Je vois que vous dites tous oui de la tête. Ce sont toutes de bonnes idées. Et le fait est que nous-mêmes avons proposé ces idées il y a longtemps.
    L'automne dernier, les conservateurs et les membres du Bloc ont voté contre des amendements qui auraient permis de garder M. Lacroix en prison, et c'est la raison pour laquelle nous sommes maintenant en train d'en discuter dans le cadre d'un processus antidémocratique qui nous empêche de faire une étude en profondeur et d'obtenir les bons conseils. Voilà pourquoi nous nous y opposons. C'est la seule raison pour laquelle nous sommes opposés.
(2000)
    Merci, monsieur Kania.
    La parole est maintenant à M. Norlock.
    Je voudrais remercier tous les témoins pour leur présence. Il est toujours intéressant d'entendre les affirmations des libéraux, qui nous disent qu'ils feraient toutes sortes de choses, mais le fait est qu'ils ne se sont attaqués à aucun de ces problèmes pendant les 13 ans où ils formaient le gouvernement. Nous essayons donc à présent de corriger la situation. C'est un début.
    Il est intéressant de noter que, lorsqu'on était en train d'énumérer toutes sortes de statistiques au sujet des détenus qui ont droit à la libération conditionnelle et ce que cela voudrait dire, nous étions en train de nous dire que tous ces gens-là essaient de se remettre sur la bonne voie. Mais l'un des commentaires de M. Gravelle m'a vraiment interpellé lorsqu'il nous a rappelé qu'une seule personne a détruit la vie de plus de 9 000 victimes directes, et que ces 9 000 victimes ont des maris, des femmes, des enfants et des amis.
    Ensuite, j'ai écouté les propos de M. Ali Reza Pedram, et là nous avons su qu'il y avait eu 158 victimes. Le criminel a droit à la libération conditionnelle au sixième de la peine, mais vous, qui êtes une seule victime parmi d'autres, vous devez travailler cinq, six, sept jours par semaine et 18 heures par jour. Il n'y a pas une armée de travailleurs sociaux qui vous disent que, comme vous êtes une victime, ils ont toutes sortes de services à vous offrir. Vous pouvez toujours obtenir des services en vertu de votre régime de soins de santé, mais vous êtes sans doute trop occupé à essayer de rembourser à la banque la somme d'argent que vous avez perdue en raison du crime commis par quelqu'un d'autre.
    Madame Naltchayan, vous avez dit plus d'une fois que vous n'avez pas accès à toute une armée de personnes grassement payées qui travaillent pour le gouvernement ou qui défendent les mêmes personnes qui vous ont fraudée, ni à une armée d'études. Vous savez simplement qu'il y a à présent un grand vide dans votre vie et dans la vie de bon nombre de personnes comme vous.
    Mon ami ici vient de dire, à juste titre, que nous n'aurions pas besoin de prisons supplémentaires et de toutes ces autres choses si les gens ne commettaient pas de crimes. Lorsqu'ils commettent un crime, nous nous inquiétons tellement des raisons pour lesquelles ils l'ont fait. Il faut effectivement les soigner. Comme je l'ai déjà dit, en tant que législateurs, nous avons la responsabilité, si nous mettons les gens en prison, de leur fournir les outils qui vont leur permettre d'éviter de retourner en prison après avoir été libérés. Mais cela ne veut pas dire que nous devons les aider à continuer ce genre d'activités. Il faut leur dire: « Vous avez commis un acte répréhensible. Vous allez payer votre dette à la société, et en tant que société, nous allons vous aider à vous en sortir. »
    Cela veut-il dire que nous avons déjà fait tout ce que nous serions en mesure de faire? Non. Notre gouvernement a justement lancé l'étude dont parlait M. Davies. C'est une étude qui a été commandée par notre gouvernement. On a demandé au comité de l'examiner, d'ailleurs. Nous n'avons pas peur de l'examiner, mais nous disons simplement qu'avant de faire autre chose, il faut d'abord écouter les victimes. Nous devons savoir comment ils se sentent, et nous devons agir en conséquence.
     Je suis un chrétien pratiquant, et je dois dire que je connais peu de membres de ma congrégation ou de celle de ma femme qui seraient d'avis que nous faisons fausse route. Il y a des choses qu'on a envie de dire sur des questions comme celle-là mais qu'on n'ose pas dire. Par contre, faire un feu de joie et se contenter de chanter Kumbaya en jouant de la guitare ne va absolument pas améliorer notre monde. À mon avis, nous réussirons à l'améliorer en étant à l'écoute des victimes et en essayant d'établir un juste équilibre et faire sentir aux gens qu'on… Vous dites que vous vous sentez un peu comme une victime de viol. C'est grave.
    Monsieur Gravelle, pourriez-vous nous parler des expériences de vos amis qui sont victimes?
(2005)
    Monsieur Norlock, vous ne lui avez laissé que 25 secondes.
    Je m'en excuse.
    Soyez bref, je vous prie.
    J'ai rencontré beaucoup de gens qui ont été fraudés par Lacroix. Ils étaient en très mauvaise posture. C'est encore le cas. Où est l'argent?
    Merci, monsieur Gravel.
    La parole est à M. Ménard.
    Bienvenue.

[Français]

    Vous disposez de cinq minutes.
    Merci. Ce n'est pas beaucoup de temps.
    Je tiens tout d'abord à vous remercier rapidement, mais le plus chaleureusement du monde, d'être venus ici.
    Personnellement, je me demande depuis 1966 pourquoi les gens commettent des crimes. Je connais bien des réponses, mais je ne crois pas que la peur de la prison soit la réponse principale, et ce, depuis longtemps. Je crois profondément que nous avons trop recours à l'incarcération au Canada. En tout cas, notre taux d'incarcération est supérieur à celui des autres pays auxquels nous aimons nous comparer. Pourtant, c'est moi qui ai présenté ce projet de loi au début, et je vais vous expliquer pourquoi. J'aimerais bien avoir votre accord au moment opportun.
    On peut se comparer aux autres pays. Le King's College de Londres mesure chaque année le taux d'incarcération dans 216 pays. L'an dernier, le Canada comptait 127 prisonniers pour 100 000 habitants; les États-Unis, avec lesquels nous nous comparons, 743; la Russie, 582. Le Canada se classait au 123e rang parmi les 216 pays. Nous nous situons donc un peu en bas du milieu. Examinons les pays comparables. En Nouvelle-Zélande, le taux est de 203; c'est beaucoup. Or, regardons les pays européens: pour la France, le taux est de 96; l'Allemagne, 88; la Suède, 78; le Danemark, 71. Quant au Japon, il est de 62. Le taux d'incarcération de la Finlande est encore plus bas.
    On pourrait effectivement avoir moins recours à l'incarcération, mais en écoutant les victimes et l'opinion publique en général, je crois qu'on est prêt à accepter un système qui est raisonnable, dont on comprend la rationalité. Et l'une des rationalités que le grand public accepte, c'est la façon dont les peines sont établies par des juges indépendants, éduqués, impartiaux, qui rendent leur sentence après avoir entendu les deux parties et pris en considération les circonstances atténuantes ou aggravantes. D'ailleurs, je n'ai pas entendu beaucoup de victimes ici se plaindre des sentences rendues par les juges.
    En effet, je crois qu'il est possible de convaincre les juges de réduire l'incarcération, de leur donner les moyens de le faire efficacement, si les gens y croient. Or, quand un juge a suivi ce processus, livré sa sentence et qu'on divise la durée de la peine par six, le public ne suit plus.
    Avec l'appui de mon parti, j'ai présenté un projet en juin 2007 pour abolir le geste quasi automatique d'accorder la libération accélérée. Car c'est bien de cela qu'il s'agit ici. J'ai donc présenté ce plan en juin 2007, mais le gouvernement n'a rien fait. J'ai alors présenté un projet de loi, le 14 septembre 2009, pour proposer l'abolition de cette pratique. Le gouvernement a réagi en présentant un autre projet de loi en octobre 2009, mais il n'y a pas donné suite. J'ai donc présenté à nouveau le projet de loi en 2010, mais ce n'était pas assez pour réveiller le gouvernement. Récemment, quand il a vu cette révolte contre le système judiciaire, cette révolte parfaitement compréhensible contre la façon dont ces peines sont imposées — cette révolte se manifeste beaucoup au Québec par les victimes —, il a commencé à réagir. C'est vraiment drôle de voir les membres du gouvernement tenter de s'attribuer le mérite de ce changement d'attitude.
    J'entends vos arguments soutenant que la prison coûte cher et que cela ne sert pas toujours. J'en conviens, j'en suis moi-même convaincu, mais il ne s'agit pas de cela, ici. Il est question de diviser presque automatiquement par six la durée des peines imposées par des juges qualifiés, après avoir entendu les parties. Il s'agit de cette pratique quasi automatique.
    Je m'attends à recevoir votre appui quand nous étudierons d'autres projets de ce gouvernement, comme cette loi calomnieuse pour la magistrature qui vise à empêcher les délinquants violents et dangereux de purger leur peine à domicile. Or, les juges n'ont pas le droit d'accorder aux délinquants violents et dangereux des peines qu'ils devront purger à domicile. Pourquoi fait-on une loi pour faire cela? C'est une insulte à la magistrature. De plus, cela fera fluctuer le taux d'incarcération de façon inutile. Cela va réduire le nombre de peines purgées à domicile, alors que celles-ci sont beaucoup utilisées dans les pays européens et ont des effets bénéfiques sur la criminalité.
(2010)
    Je m'attends donc à recevoir votre soutien pour ce qui est de ces autres projets de loi. Toutefois, dans ce cas-ci, vous devez réaliser qu'on a besoin d'un public qui comprend et qui est même prêt à approuver un taux d'incarcération comparable à celui du Japon ou de la France, à la condition qu'il sente qu'il y a une justice et un côté rationnel derrière les décisions rendues. Le fait de diviser presque automatiquement par six la durée des peines imposées par les juges n'a pas cette rationalité, et cela discrédite notre système judiciaire.

[Traduction]

    Merci, monsieur Ménard.
    La parole est de nouveau à un député de la majorité. Monsieur McColeman, s'il vous plaît.
    Merci, et permettez-moi aussi de remercier les témoins.
    Madame Berzins, dans vos témoignages, vous avez parlé d'une attitude suffisante et aveugle en évoquant la façon dont les prisons sont utilisées. Je crois que vous parliez de vos nombreuses préoccupations au sujet de l'orientation générale du projet de loi que propose le gouvernement. C'est bien cela?
    En fait, je citais…
    Je voudrais simplement savoir si c'est bien cela ou non.
    Je citais un commentateur américain qui a employé cette même expression en parlant de la façon dont les prisons sont utilisées aux États-Unis. Je vous dire que nous sommes en train de suivre cette même voie.
    Vous êtes donc d'accord avec cette affirmation.
    C'est exact.
    Et vous estimez que notre gouvernement fait fausse route en proposant ces différents projets de loi.
    À mon avis, nous avons tendance à nous servir de la prison comme symbole, sans nous rendre compte de ses conséquences dans la vraie vie et du fait que la prison n'aide aucunement les victimes.
    Pourriez-vous simplement répondre à la question? Êtes-vous d'avis que l'orientation du projet de loi n'est pas appropriée, oui ou non?
    Oui.
    Très bien. Avez-vous comparu devant le Comité des opérations gouvernementales le 8 février?
    Oui.
    Je voudrais vous lire un extrait d'un échange entre vous et un membre de notre parti, M. Warkentin.
    M. Warkentin vous a demandé si vous pensez que les gens qui violent des enfants devraient aller en prison. Votre réponse était: « Pas nécessairement. »
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Monsieur Davies.
    S'agissant de pertinence, vous n'avez pas hésité à divers moments à rappeler à un membre de s'en tenir à des questions qui portent sur le sujet à l'étude. J'aimerais donc vous demander si vous estimez qu'il est pertinent d'interroger un témoin au sujet du viol dans le cadre d'une réunion qui porte sur la procédure d'examen expéditif, procédure qui ne s'applique qu'aux délinquants non violents.
    Je crois que M. McColeman essaie de déterminer si elle est experte dans le domaine de la criminalité ou des projets de loi visant à lutter contre la criminalité.
    Essayez donc de vous en tenir à des questions qui concernent la criminalité ou la philosophie entourant la criminalité.
(2015)
    J'ai deux points à soulever, monsieur le président.
    Premièrement, j'espère que cela ne sera pas compté dans mon temps de parole.
    Le rappel au Règlement, non, mais à partir de maintenant, oui.
    Deuxièmement, j'essaie simplement de faire le rapport avec d'autres affirmations du témoin. C'est ce que j'ai dit dès le départ. Je compte faire le lien avec d'autres témoignages. Je voulais simplement vous le dire.
    M. Warkentin vous a demandé si vous croyez que le gens qui violent des enfants devraient aller en prison. Votre réponse était: « Pas nécessairement. »
    Est-ce exact, oui ou non?
    Il n'y a pas…
    Oui ou non.
    Madame, mon temps de parole est limité.
    J'ai un autre rappel au Règlement, monsieur le président.
    Nous allons permettre à Mme Berzins de répondre à la question.
    Monsieur le président, M. McColeman pose une question incendiaire et il est tout à fait injuste de mettre une femme représentant la Communauté chrétienne sur la sellette sur un sujet donné et de ne pas lui donner l'occasion par la suite de s'expliquer.
    Il faut lui donner le temps de répondre. Elle a admis qu'elle a effectivement dit cela le jour en question.
    Madame Berzins; je vous laisse répondre.
    À mon avis, un simple oui ou non en réponse à cette question ne traduirait pas correctement le point de vue de l'organisation pour laquelle je travaille, soit le Conseil des Églises pour la justice et la criminologie. Je crois que nous avons un problème de société en ce qui concerne notre façon d'utiliser la prison. Nous sommes convaincus que, pour la victime, la justice passe par une peine d'emprisonnement. Ce qui m'attriste ce soir, c'est d'entendre parler des souffrances des victimes et du fait qu'elles n'ont bénéficié d'aucune aide. Or, l'aide dont elles ont besoin devrait leur être disponible dès que nous nous rendons compte qu'elles ont subi un préjudice. Il reste que le fait d'investir davantage dans les peines d'emprisonnement ne va pas aider, par rapport à leurs véritables besoins, ne va pas nous permettre d'empêcher la perpétration d'un crime et, malheureusement, nous finirons par avoir moins de crédits à consacrer aux véritables services dont elles ont besoin dès le départ, étant donné ce qui leur est arrivé. À mon avis, c'est une priorité. J'estime que le gouvernement actuel n'investit pas suffisamment dans les services pour les victimes. Nous sommes au courant de moyens qui pourraient être pris au niveau communautaire pour mieux répondre à leurs besoins, sur le plan du stress, de la réparation et de l'indemnisation. C'est beaucoup plus important.
    Il n'existe pas d'infraction, par rapport à celle dont ils parlent, à l'égard de laquelle la peine d'emprisonnement automatique répondrait à l'intégralité de leurs besoins. Je voudrais vraiment qu'on en discute. Dans nos Églises, nous savons également que bon nombre de personnes — en fait la société et la culture en général — ont accepté cet argument. Or, il faut suivre l'exemple des gens aux États-Unis, qui se sont rendu compte de la gravité de leur erreur, en nous rendant nous-mêmes à l'évidence.
    Vous avez également parlé des juges. À l'heure actuelle, les juges, eux aussi, se sentent obligés de suivre le courant de l'opinion publique, selon laquelle il faut de la prison, et encore plus de prison, alors que cette solution ne répond pas à nos besoins. Nous avons besoin au contraire de meilleurs services pour vous permettre de composer avec tout ce que vous avez vécu, et il nous les faut dès le départ. Si tout doit passer par le système accusatoire, nous allons simplement continuer à opposer les gens, les uns contre les autres, sans investir dans ce qui compte le plus pour nous, en tant que collectivités.
    Merci.
    Il vous reste 30 secondes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Jackie, dans vos témoignages tout à l'heure, vous avez dit, me semble-t-il, que vous avez l'impression d'avoir été violée. Est-ce bien cela que vous avez dit?
    Oui.
    Pourriez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire?

[Français]

    J'ai dû me battre contre tout un système, en commençant par la police. Cette culture fait en sorte que nous ne soyons pas protégés.

[Traduction]

    Ils ont pitié de nous. C'est ce qu'on entend dire dès qu'on s'adresse à la police. Mais j'ai dû me battre contre tout le système toute seule, et trouver les victimes une à une. Mais ce n'est pas ma responsabilité. Il y a toute une culture à changer. Il faut que tout le monde se mette ensemble et se rende compte qu'il y a un problème. Je suis victime, et je dois me battre pour obtenir la protection qu'il me faut et pour protéger d'autres citoyens comme moi. Ce n'est pas normal.
    Je vous remercie.
    La parole est maintenant à M. Holland.
    Merci, monsieur le président.
    Ce que je trouve malheureux à propos de ce débat, c'est le fait que, en réalité, il y a beaucoup de consensus autour de cette table. Les victimes qui ont pris la parole ont parlé de la nécessité de ne pas faire profiter de ces dispositions les personnes qui ont commis des crimes contre elles. Mais je n'ai encore entendu personne qui soit en désaccord avec cela.
    D'ailleurs, nous avons entendu cela à plusieurs reprises. C'est une question qui a été soulevée à la Chambre. Quand nous parlions des délinquants primaires non violents… Nous avons déjà convenu que les fraudeurs de grande envergure ne devraient pas être inclus. Il y a des mesures concernant le viol des enfants dont nous serons bientôt saisis. À ce sujet, un député conservateur a laissé entendre que certains députés à la Chambre appuient la position d'organismes qui estiment qu'il ne faut rien faire contre une personne qui viole un enfant. Ce genre de commentaires dévalorise, non seulement le débat, mais la contribution de tous les députés à la Chambre.
    Selon moi, un certain nombre d'idées constructives ont été proposées autour de cette table. Pour ma part, je m'inquiète surtout de ceux qui citent des exemples extrêmes et s'en servent pour élaborer des politiques générales qui apportent à notre système des changements radicaux qui touchent, non seulement les exemples extrêmes, mais tous les autres, de sorte que les conséquences finissent par être dévastatrices.
    Nous devons répondre aux besoins de chaque victime, et nous devons le faire de façon intelligente. Je compatis fortement à la situation des personnes ici présentes, sachant ce qu'elles ont vécu. Oui, nous devons absolument réagir à cela, mais il faut trouver un moyen autre que l'incarcération. Il ne convient pas que nous profitions de vos expériences pour jouer à des jeux ou faire de la politicaillerie. Il faut que nous soyons en mesure de vous proposer des solutions honnêtes qui vont vraiment améliorer la sécurité des collectivités.
    Je voudrais justement demander à Mme Pate si elle peut nous parler de certaines possibilités à cet égard? Peut-être pourrions-nous trouver un terrain d'entente qui nous permettrait de progresser de manière constructive, au lieu de nous lancer des injures ou de présenter des exemples extrêmes.
(2020)
    Merci, monsieur Holland.
    J'ai apprécié les commentaires du témoin, car Mme Naltchayan a parlé des victimes. Les membres du comité seront peut-être surpris d'apprendre que, en fait, certaines victimes d'Earl Jones se sont adressées à notre organisme pour obtenir des services et nous les avons effectivement accompagnées durant cette période. Ce sont des gens qui ont clairement affirmé la nécessité d'entreprendre des réformes visant à renforcer la justice sociale, c'est-à-dire le genre de réformes que défend notre organisme. Je suis sensible au sentiment des victimes d'avoir été en quelque sorte violées, surtout qu'il y a eu de nouvelles manifestations hier d'un bout à l'autre du pays au sujet des femmes autochtones disparues et assassinées qui n'obtiennent pas justice.
    L'idée de mettre des ressources à la disposition des gens, avant qu'ils ne deviennent victimes, et après qu'ils le sont devenus, revêt une très grande importance pour notre organisme, et je crois que tous les organismes ici présents ont justement déployé énormément d'efforts pour obtenir cela. En investissant de plus en plus d'argent dans les prisons, pour pouvoir y enfermer de plus en plus de gens — au lieu de cibler uniquement les personnes que nous voulons empêcher de récidiver — nous finissons par soustraire à la collectivité les ressources qui nous auraient normalement permis d'accompagner les victimes, de les empêcher de devenir victimes, et d'aider ceux et celles qui ont payé leur dette à la société en les réintégrant dans la collectivité selon une formule qui rend cette approche plus sécuritaire dans l'ensemble.
    Donc, le fait de consacrer de plus en plus de ressources à l'incarcération ne renforce pas notre sécurité. Nous en avons de nombreuses preuves. Sinon, les États-Unis n'abandonneraient pas leur politique.
    Je voudrais poser une question à M. McIsaac.
    Mais, d'abord, pour la gouverne des membres du comité, pourriez-vous nous dire quelles Église vous représentez ce soir, madame Berzins?
    Nous représentons les 11 confessions tutélaires qui ont fondé le Conseil des Églises il y a 39 ans: l'Église anglicane du Canada; la Convention baptiste de l'Ontario et du Québec; la Conférence des évêques catholiques du Canada; la Christian Reformed Church en Amérique du Nord; les Disciples of Christ au Canada; l'Église évangélique luthérienne du Canada; le Comité Central Mennonite du Canada; l'Église presbytérienne au Canada; la Société religieuse des amis (Quakers) du Canada; l'Armée du Salut du Canada; et l''Église unie du Canada. Toutes ces Églises désignent des représentants qui siègent à notre conseil d'administration, comme c'est le cas depuis 39 ans, et elles choisissent des personnes qui ont des connaissances particulières dans le domaine de la justice pénale en raison de l'expérience qu'elles ont acquise de par leur travail avec des victimes, des délinquants et au sein de leurs collectivités en généra.
    Je vous remercie de cette information. Il est important que les membres du comité en soient informés.
    Monsieur McIsaac, pourriez-vous me parler rapidement des conséquences éventuelles de ce projet de loi pour la Commission nationale des libérations conditionnelles? La procédure d'examen expéditif a justement permis de réduire le surpeuplement carcéral et une partie de l'arriéré. Aimeriez-vous nous parler des incidences éventuelles dans ce domaine?
    Deuxièmement, aimeriez-vous vous prononcer sur la question de la réadaptation, étant donné que vous êtes sur la première ligne en ce qui concerne les services de réadaptation depuis de nombreuses années?
    En fait, votre temps est écoulé.
    La parole est maintenant à M. Lobb.
    Merci, monsieur le président.
(2025)
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je constate que vous avez permis à certains témoins de continuer bien longtemps après le moment où le temps de parole du député était écoulé alors que, dans d'autres cas, vous coupez la parole au membre dès que ses cinq minutes sont écoulées. Je vous demande simplement d'être juste envers tous.
    Voilà ce que j'essaie de faire. Si je vous donne un petit préavis, et je ne l'ai pas toujours fait… Je n'ai pas voulu couper la parole aux témoins, mais je coupe effectivement la parole aux membres quand leurs cinq minutes sont écoulées.
    Monsieur le président, une question a été posée et on n'a pas permis au témoin de répondre. J'ai remarqué que d'autres témoins ont pu prendre jusqu'à deux minutes de plus alors que le temps de parole du membre était déjà écoulé.
    Pour moi, « 30 secondes » voulait dire: « posez votre question en 30 secondes », monsieur le président. Si j'avais su, je n'aurais pas… je voulais effectivement qu'on me réponde.
    D'accord.
    Je vous donne 30 secondes. Allez-y, monsieur McIsaac.
    Merci de m'accorder ce temps.
    S'agissant du surpeuplement dans les prisons, si le problème du surpeuplement s'aggrave, cela aura pour résultat de limiter l'accès aux programmes de réadaptation qui sont actuellement offerts aux détenus. De plus, cela ralentira la procédure consistant à faire comparaître les détenus devant la Commission, ce qui aggravera de nouveau le problème du surpeuplement, étant donné que les libérations seront retardées.
    L'autre élément qu'il faut garder à l'esprit est le fait que, si les détenus passent plus de temps en prison, la période de surveillance dans la collectivité sera nécessairement écourtée. Selon moi, c'est dans l'intérêt de tout le monde de s'assurer que les délinquants peuvent être réintégrés dans la collectivité en temps opportun.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur McIsaac.
    La parole est maintenant à M. Lobb.
    Monsieur Lobb, vous disposez de cinq minutes, à la fois pour les questions et les réponses.
    Est-ce que tout le monde est traité de façon juste maintenant? Sommes-nous tous sur un pied d'égalité maintenant?
    En fait, j'ai donné beaucoup plus de temps à M. Davies que j'aurais dû le faire.
    Merci. Vous pourrez me couper la parole quand vous voudrez.
    Madame Lanctôt, j'aimerais vous poser une question. Dans vos remarques, vous avez fait état de deux délinquants non violents chez qui la procédure d'examen expéditif avait donné de bons résultats. Je pense bien que c'est cela que vous avez dit. Dans un cas, il s'agissait d'un passeur de drogues qui avait été transféré au Canada. Le deuxième était une personne qui s'était trouvée en difficulté et avait donc décidé de cultiver de la drogue dans une maison. C'est bien cela?

[Français]

     Oui.

[Traduction]

    Pour les téléspectateurs à la maison ou les gens qui auront peut-être le temps de lire le compte rendu de cette réunion, je tiens à préciser que plusieurs membres de l'opposition prétendent que cette mesure a été conçue pour cibler deux personnes, soit Lacroix et Jones. Mais le fait est que nous parlons ici, d'une part, de quelqu'un qui a été condamné pour avoir été passeur de drogues et, d'autre part, d'une personne condamnée pour avoir cultivé de la drogue. Ils n'ont pas été arrêtés pour avoir traversé illégalement la chaussée. Selon moi, ce sont des crimes graves. Je ne connais personne qui a été passeur de drogues. Ce sont des crimes graves. À mon avis, on rabaisse le débat si on persiste à prétendre que cette mesure ne vise que quelques personnes et que le système a bien marché jusqu'à présent. Je tenais absolument dire cela pour le compte rendu.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Gravel. Sentez-vous libre de répondre en français.
    S'agissant des gens qui ont été fraudés, des personnes comme vous et d'autres que vous connaissez, comment réagiraient-ils, à votre avis, face à l'argument que nous avons entendu ce soir de la part de certaines personnes, selon lesquelles il coûte tout simplement trop cher de garder ces gens-là en prison. Quelle serait la réaction des personnes dont on a soutiré des millions et des millions de dollars, dont le travail de toute une vie s'est volatilisé, dont les économies durement accumulées pour l'éducation de leurs enfants ou leur retraite se ont volatisées tout d'un coup? Que diraient les personnes que vous connaissez à qui cela est arrivé? L'argument de ceux qui s'opposent à cette mesure est que cela coûtera trop cher pour les garder en prison, ces criminels-là.

[Français]

    Malheureusement, on oublie trop souvent ce que vivent les victimes. Dans la Charte canadienne des droits et libertés, 19 articles concernent les contrevenants alors qu'un seul s'adresse aux victimes de ces personnes. En ce qui concerne l'argument voulant que ces gens manqueront de quelque chose, je ne connais pas tout le système, mais je peux vous dire que les gens comme moi, qui ont été plongés dans de telles situations de façon bien involontaire, ne voudraient certainement pas entendre un argument comme celui-là.
(2030)

[Traduction]

    Je ne suis ni avocat ni agent de police. Je suis quelqu'un de bien ordinaire qui avait un travail normal, sans doute comme vous. Ce que je trouve tout à fait fascinant, c'est l'argument de certains qui estiment qu'il faut surtout essayer de réhabiliter ces escrocs. Pour moi, c'est un escroc. C'est sa seule faiblesse. C'est un escroc et il a été cupide. Quel genre de programme de réadaptation faut-il offrir à un escroc, selon vous? Rappelez-vous que ce type-là n'a pas de dépendance à l'alcool ou à la drogue. Quel genre de programme de réadaptation faut-il offrir à un escroc, à part celui de purger sa peine d'emprisonnement et de rembourser l'argent aux personnes qu'il a volées?
    Il m'est très difficile de répondre à cette question car j'ignore le schéma de réflexion d'une telle personne. Ce type-là a sans doute caché 9 millions ou 11 millions de dollars quelque part, dans les pays qui acceptent ce genre de choses. Je suis convaincu que, dès qu'il en aura l'occasion, il quittera le Canada et il vivra ailleurs grâce à notre argent.
    Je crois que vous avez raison.
    Madame Naltchayan, quel genre de programme de réadaptation faut-il offrir à un escroc, à votre avis?

[Français]

    Je pense que ces gens sont des manipulateurs-nés et qu'on ne peut pas les réhabiliter. Ils connaissent très bien le système. Lorsque nous avons poursuivi ce monsieur au civil, il a demandé de l'aide juridique. Moi, j'ai payé pour être représentée par des avocats alors que lui était représenté gratuitement parce qu'il bénéficiait de l'aide juridique. Maintenant qu'il est poursuivi au criminel, les plus grands avocats criminalistes le protègent.
     Ce sont des manipulateurs et il n'y a aucun moyen de les réhabiliter. Ils savent très bien ce qu'ils font et où ils s'en vont.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Lobb.
    La parole est maintenant à Mme Mendes, suivie de Mme Mourani.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Madame Pate, j'aimerais vous poser quelques questions, spécifiquement pour faire la distinction entre les personnes qui pourraient vraiment profiter de cette libération accélérée et les crooks que mon collègue vient de décrire. J'aimerais que vous brossiez un portrait de ces personnes, plus précisément les femmes — la situation à cet égard m'a particulièrement frappée —, qui peuvent bénéficier de ce programme administratif.

[Traduction]

    Environ 82 p. 100 des femmes…

[Français]

    Veuillez m'excuser de répondre en anglais.

[Traduction]

    Allez-y. Il n'y a pas de problème.
    Environ 82 p. 100 des femmes incarcérées le sont pour des infractions liées à la pauvreté. Donc, un certain nombre de femmes qui auraient accès à la procédure d'examen expéditif seraient incarcérées pour des infractions liées à la fraude, mais pas des fraudes de l'envergure de celles dont nous parlons aujourd'hui. Elles ont peut-être accepté de passer des colis en les transportant d'un quartier de la ville à un autre ou même en traversant une frontière, mais il ne s'agit pas toujours de la drogue — cela peut être autre chose.
    Elles sont souvent recrutées en groupes aux centres d'assistance sociale. Il y a un certain nombre de cas qui sont très bien documentés où nous savons que les femmes en question ont été ciblées parce qu'elles sont pauvres. Cela représente une proportion importante des femmes incarcérées. Il y en a d'autres qui ont été condamnées pour d'autres types d'infractions, non violentes, bien entendu, qui peuvent concerner la drogue, mais sont souvent liées à leurs antécédents de victimes.
    De plus, 82 p. 100 de toutes les femmes et 91 p. 100 des femmes autochtones incarcérées ont des antécédents de sévices physiques ou sexuels, ou les deux. Étant donné qu'elles n'ont pas bénéficié de soutien en tant que victimes, lorsqu'elles étaient enfants ou même plus âgées, il arrive souvent qu'elles optent pour l'automédication, ce qui donne lieu à des problèmes de dépendance croisée et de santé mentale, si bien qu'elles finissent souvent par entrer dans le système.
    Nous avons des femmes qui ont commis des infractions, qui ont pris de l'argent ou qui se sont montrées agressives en demandant de l'argent dans la rue, et qui ont fini… Il s'agit de personnes qui ont des incapacités intellectuelles et des problèmes de santé mentale qui s'aggravent par la suite. Nous connaissons tous l'histoire de Ashley Smith qui lançait des pommettes, qui n'a pas respecté les conditions de sa probation et qui a fini en prison…
    Nous ne parlons pas de personnes qui sont considérées comme… Les femmes représentent la population carcérale qui augmente le plus rapidement. Comme nous l'avons déjà entendu, et d'après les données que j'ai reçues aujourd'hui des autorités correctionnelles, la grande majorité… d'après le chiffre qu'on m'a fourni, 61,6 p. 100 des personnes qui ont droit à la procédure d'examen expéditif sont des femmes. Il est donc clair que cette mesure législative aura une incidence disproportionnée sur les femmes, alors qu'elles représentent déjà la population carcérale qui augmente le plus rapidement; de plus, elles sont déjà surreprésentées et les ressources mises à leur disposition sont moindres, dans la collectivité et dans les prisons, qui pourraient les empêcher d'être victimisées et…
(2035)

[Français]

    Ces chiffres que vous nous soumettez maintenant vous ont été communiqués aujourd'hui par le Service correctionnel du Canada. C'est bien cela?

[Traduction]

    C'est exact.

[Français]

    On parle donc d'une population carcérale féminine qui va subir le plus gros de l'impact négatif de l'abolition de cette libération. C'est bien ce que vous nous dites?

[Traduction]

    C'est exact. Autant que je sache, aucun des cas que l'on essaie de cibler de par cette mesure ne concerne une femme. À ma connaissance, il n'y a pas eu de cas de fraude de grande envergure qui aurait concerné des femmes.

[Français]

    Contrairement à ce que disait plus tôt ma collègue Mme Mourani, ces individus vont avoir droit plus tard à la libération conditionnelle, étant donné que ça fait partie du système juridique canadien, mais ça signifie qu'ils vont passer beaucoup plus de temps dans un milieu qui n'est pas du tout favorable à leur réhabilitation, au traitement de leur problème. C'est ce que je comprends.

[Traduction]

    C'est exact. Par exemple, je viens de comparaître devant un autre comité au sujet de la violence faite aux femmes. Je suis au courant du cas d'une femme qui attendait une autre audience, après un deuxième ajournement, et elle a pu être libérée parce que nous avons eu gain de cause dans l'appel interjeté à propos de sa peine. Sinon, elle serait encore en prison en train d'attendre de passer par la procédure d'examen expéditif, alors qu'on considère qu'elle ne présente pas de risque.

[Français]

    Évidemment, on ne parle pas ici de personnes qui commettent des fraudes économiques comme celles de Norbourg, d'Earl Jones ou de l'entrepreneur en immobilier dont on entend parler. Il ne s'agit pas de ce genre de crime.

[Traduction]

    Je ne prétends pas qu'il est impossible qu'une femme commette ce genre d'infraction, à un moment donné, mais il est certain que celles qui se trouvent actuellement dans nos prisons ne font pas partie de cette catégorie-là.
    Je vous remercie.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste encore 30 secondes, et cela comprend à la fois la question et la réponse.
    Mme Alexandra Mendes: D'accord.
    Le président: Monsieur Kania.
    Je voudrais simplement faire un commentaire, étant donné qu'il ne me reste que 30 secondes.
    M. Lobb disait que cela coûte trop cher de garder ces gens-là en prison. C'est ce qu'il a dit. Mais personne autour de cette table, y compris les membres de notre parti et vous là-bas, n'est d'accord avec une telle affirmation.
    Nous ne sommes pas en train de dire que cela coûte trop cher de garder des gens comme M. Jones et M. Lacroix, qui ont commis des crimes graves, en prison; nous vous disons simplement que nous préférerions être en train d'examiner un projet de loi qui vous aiderait à récupérer votre argent, par exemple, monsieur Gravel, ou encore un projet de loi qui offrirait à des gens comme vous, madame Pate, un crédit d'impôt ou quelque chose du genre, pour que vous puissiez quitter cette salle en étant convaincus qu'on a pris des mesures concrètes pour vraiment aider les victimes, au lieu de s'abaisser à faire de la politique politicienne.
    Merci, monsieur Kania.
    La parole est maintenant à Mme Mourani.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Madame Pate, parlons de ces femmes. Vous avez dit que 61 p. 100 d'entre elles auraient accès à l'examen expéditif. Pouvez-vous me dire quelle est la peine moyenne? S'agit-il de deux, trois ou quatre ans?

[Traduction]

    Je n'ai pas l'information que vous demandez. Je sais que la peine d'emprisonnement moyenne des femmes a baissé. Donc on note une certaine polarité. Un certain nombre de femmes qui ont eu recours à la force dans des situations violentes, pour se défendre ou en réaction, sont en prison pour des infractions violentes. De telles infractions sont assorties d'une peine d'emprisonnement très longue. Par contre, nous avons beaucoup de femmes qui ont été condamnées à une peine d'emprisonnement de seulement deux ou trois ans.
    Donc, je présume que la plupart des femmes font partie de la population carcérale ayant à purger une peine de moins longue durée…

[Français]

    Si j'ai bien compris ce que vous me dites, vous estimez à 61 p. 100 le pourcentage des femmes qui ont accès à l'examen expéditif, et vous dites qu'elles ont des peines d'à peu près deux ou trois ans, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Ce n'est pas mon estimation; ce chiffre nous vient du Service correctionnel du Canada. Je n'ai pas le chiffre exact, mais je suis convaincue que ce dernier pourrait vous le fournir.

[Français]

    Alors, quels sont vos chiffres? Vous dites que cela va avoir un impact majeur sur les femmes. Quels sont vos chiffres?

[Traduction]

    D'accord. D'après les chiffres qui m'ont été fournis par le Service correctionnel du Canada concernant le nombre de personnes qui ont droit à la semi-liberté, 61 p. 100…

[Français]

    Non, mais je parle de vos chiffres à vous. En avez-vous? Vous n'en avez peut-être pas, et c'est correct. Avez-vous des chiffres?

[Traduction]

    Oui…
    Le président: Je crois qu'elle parle de votre propre étude.
    Ah, bon.
    Je peux certainement vous donner des exemples, mais je n'ai pas de tels chiffres. Le Service correctionnel du Canada possède les chiffres réels…

[Français]

    D'accord, mais quelle est la moyenne pour les femmes que vous connaissez qui sont admissibles à l'examen expéditif? Les peines sont-elles de deux ans ou trois ans?

[Traduction]

    En règle générale, ce sont des peines de deux à cinq ans.

[Français]

    C'est de deux à cinq ans, très bien.
    Madame Campbell, j'aimerais savoir si ce projet de loi abolit le tiers de la peine. Vous pouvez simplement me dire oui ou non.

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Abolit-il la semi-liberté qui peut être octroyée six mois avant le tiers de la peine?

[Traduction]

    Non. Le régime normal des libérations conditionnelles reste en vigueur — y compris les dates et les critères d'admissibilité.

[Français]

    Merci, madame Campbell.

[Traduction]

    J'ai des chiffres concernant la durée des peines d'emprisonnement des femmes, si cela vous intéresse.
(2040)

[Français]

    Allez-y, oui.

[Traduction]

    J'ai les chiffres pour le nombre d'admissions et selon ce que nous appelons une « analyse sélective ». Je ne sais pas exactement ce qui vous intéresse.

[Français]

    La durée moyenne des peines est-elle de deux à trois ans pour les femmes?

[Traduction]

    Selon les données que je possède, 64 p. 100 des femmes incarcérées dans un pénitencier purgent des peines de moins de trois ans.
    À n'importe quel moment — il s'agit d'un « instantané » de la situation, par rapport au nombre exact d'admissions — 39 p. 100 des femmes purgent des peines de moins de trois ans.

[Français]

    Très bien.
    Madame Campbell et monsieur Sapers, j'ai fait un petit calcul. Le sixième d'une peine de trois ans correspond bien à six mois; le tiers, à 12 mois; les deux tiers, à 24 mois. Compte tenu du fait que la semi-liberté six mois avant le tiers de la peine n'est pas abolie, cela reviendrait au même. Une personne pourrait avoir une semi-liberté avant le tiers, après six mois, ce qui revient à une semi-liberté, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Oui. Pour les personnes qui purgent une peine d'emprisonnement de trois ans, la période d'admissibilité est identique. Ce qui changerait aux termes du projet de loi, ce sont les critères qui seraient pris en compte pour l'étude du dossier en prévision de la semi-liberté.

[Français]

    C'est bien.

[Traduction]

    Bien sûr, pour une peine plus longue que trois ans, les dates d'admissibilité seraient différentes.

[Français]

    Merci, madame Campbell.
    Voici ce qu'on comprend relativement aux coûts. On peut se demander si les coûts seraient si élevés que ça. Je ne vous poserai pas la question, je sais que vous ne pouvez pas le dire, mais je mets en doute l'affirmation selon laquelle les coûts seraient majeurs, et ce, par simple logique. Juste pour les peines de trois ans, cela ne change absolument rien. La seule différence est qu'au lieu que ce soit une étude sur des dossiers, des études seront faites par la commission, de personne à personne. Une équipe multidisciplinaire va évaluer ça.
    Madame Campbell, ou plutôt monsieur Sapers — vous êtes du Service correctionnel —, est-ce que je me trompe? Ce sera toujours six mois dans le cas d'une peine de trois ans.

[Traduction]

    Madame Mourani, concluez rapidement. Votre temps est écoulé, et si vous voulez que M. Sapers vous réponde, vous avez intérêt à vous dépêcher.

[Français]

     Cette période de six mois, pour une peine de trois ans, restera la même. Il n'y a aucune différence. En fait, il y a une seule différence avec ce projet de loi, une petite, c'est que la procédure est différente. Cela dit, si la personne ne présente pas un risque de récidive, elle va sortir au bout de six mois.
    Est-ce vrai ou faux?

[Traduction]

    Très rapidement, je précise que le Bureau de l'enquêteur correctionnel est un organe tout à fait indépendant du Service correctionnel du Canada. Donc, je ne représente pas ce soir le Service correctionnel du Canada.
    Deuxièmement, il va y avoir deux effets. Le premier concerne le fait qu'il faudra désormais tenir des audiences, au lieu de s'en tenir à une étude du dossier. L'autre effet concerne le fait que ces chiffres-là — votre calcul — suppose que les délinquants auront leur audience dès qu'ils deviennent admissibles. Mais, en réalité, ce n'est pas le cas pour la plupart d'entre eux. Souvent, il y a un écart important entre les deux. Cela rejoint ce que je vous expliquais plus tôt quand je vous ai dit que la plupart des libérations à l'heure actuelle sont des libérations d'office. En d'autres termes, les intéressés sont libérés d'office après avoir purgé les deux tiers de leur peine.
    Donc, votre hypothèse serait exacte si tous les détenus obtenaient leur audience dès qu'ils deviennent admissibles, alors que ce n'est pas le cas à l'heure actuelle.
    Merci à vous deux.
    Monsieur Davies, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Nous avons entendu certains témoignages ce soir au sujet du profil des détenus de sexe féminin, et nous avons également entendu M. Lobb, qui a présenté un stéréotype du délinquant moyen dans un établissement fédéral qui, selon lui, serait une sorte de multimillionnaire sain d'esprit, sans dépendance aucune, ni à l'alcool ni à autre chose…
    J'invoque le Règlement.
    M. Lobb, pour un rappel au Règlement.
    Ce n'est pas ce que j'ai dit. Vous pouvez toujours improviser ou inventer comme bon vous semble, mais ce n'est pas ce que j'ai dit, et il vaudrait mieux que vous vous rétractiez et que vous recommenciez.
    Veuillez continuer, monsieur Davies. Si vous avez l'intention de citer les propos de M. Lobb ou encore de les résumer, encore une fois, assurez-vous de…
    Monsieur le président, encore une fois, je ne veux pas que ce soit compté dans mon temps de parole.
    Ce n'est jamais le cas.
    Je ne résume pas les propos de M. Lobb; je les caricature.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Don Davies: Il parlait d'un escroc qui n'aurait pas de dépendances, qui n'aurait pas une maladie mentale, quelqu'un qui veut simplement voler les gens.
    Monsieur McIsaac, madame Pate, monsieur Sapers, avez-vous passé du temps dans un pénitencier fédéral?
(2045)
    Oui.
    En tant qu'invités, bien entendu.
    Oui, non pas en tant que détenue.
    Pourriez-vous me dire quelle proportion de la population carcérale de sexe masculin correspond à ce genre de description, par rapport…
    J'invoque le Règlement.
    M. McColeman, pour un rapport au Règlement.
    Je me permets de remettre en question la pertinence de ce genre de questions pour le projet de loi à l'étude. Quel est le rapport avec le projet de loi C-59?
    Je me suis montré plutôt souple par rapport à la question qui a été posée.
    Encore une fois, la question de la pertinence concerne tous les membres. Quand vous posez une question, vous devez tenir compte de cela. J'ai donné une certaine latitude à M. McColeman, et je vais faire la même chose pour vous, mais vos questions doivent tout de même porter sur le sujet à l'étude.
    Veuillez continuer, monsieur Davies.
    Oui.
    Pourriez-vous décrire la population carcérale de sexe masculin qui sera touchée par ce projet de loi?
    Je crois que nous avons déjà entendu certains éléments du profil du détenu fédéral: ce sont des personnes qui ont une dépendance, soit à la drogue, soit à l'alcool, et il y en a également un grand nombre qui ont des problèmes de santé mentale également.
    Quant à savoir qui sera touché par l'élimination de la PEE c'est difficile à dire, à mon avis. Les données de la CNLC dont j'ai pris connaissance ne présentent pas de ventilation en fonction de la durée de la peine ou du profil du délinquant.
    Mais je me permets de répéter ce qui a été dit tout à l'heure. Si le système fonctionnait aussi bien que nous le souhaitons, il est possible que les répercussions seraient bien moindres par rapport à celles que nous avons évoquées ce soir. Mais, le fait est que, étant donné que les détenus n'ont pas accès aux programmes en prison, qu'il y a un problème de surpeuplement et un manque de ressources, l'étude de leur admissibilité pour la PEE a lieu beaucoup plus tard. Par conséquent, l'effet cumulatif de l'élimination de la PEE sera considérable avec le temps, et même dans l'immédiat.
    Comme je l'expliquais plus tôt, en ce qui me concerne, le meilleur moyen de protéger la société est d'assurer leur réinsertion dans la collectivité en toute sécurité. Plus les détenus passent de temps en prison, moins ils seront sujets à la surveillance après être sortis de prison.
    Je voudrais réagir brièvement à ce qui a été mentionné par plusieurs personnes, à savoir que les détenus quittent la prison après avoir purgé un sixième de leur peine. Je me permets de vous faire remarquer, cependant, que lorsqu'une personne est condamnée à une peine d'emprisonnement de 10 ou de 12 ans, sa peine dure effectivement 10 ou 12 ans. Ici il s'agit simplement de savoir où ils vont purger leur peine. Une maison de transition est tout de même un lieu d'incarcération, n'est-ce pas?
    Oui.
    Oui.
    Je voudrais consacrer ce qui reste de mon temps de parole à M. Fineberg et M. Zinger. Vous n'avez pas eu suffisamment de temps pour vous exprimer ce soir, et je voudrais donc donner à chacun d'entre vous ce qui reste de mon temps pour vous permettre d'intervenir.
    Très bien. Merci beaucoup. C'est bien gentil de votre part.
    S'agissant de peines de courte durée, il faut bien comprendre que les personnes condamnées à une peine d'emprisonnement de courte durée ne bénéficient pas de la libération conditionnelle. C'est-à-dire que la PEE change le calcul. En vertu de la procédure d'examen expéditif, la Commission est obligée de libérer les détenus au moment où ils ont purgé un certain pourcentage de leur peine, à moins qu'il s'agisse de cas problème. En l'absence de la PEE, ces mêmes personnes devront présenter une demande pour passer devant la Commission. Même si elles arrivent à passer devant la Commission dans le cadre d'une audience, elles vont être perdantes, car il y a inversion de la charge de la preuve. En d'autres termes, la Commission refusera de libérer un détenu à moins que ce dernier ne puisse prouver que ses attitudes et son comportement ont changé de façon importante et durable. Or, c'est tout à fait impossible lorsqu'on n'a pas accès aux programmes, et justement les programmes ne sont pas accessibles aux personnes condamnées à une peine d'emprisonnement de courte durée. Donc, quand nos clients purgent une peine de courte durée en pénitencier, s'ils n'ont pas accès à la procédure d'examen expéditif, nous savons pertinemment qu'ils devront purger les deux tiers de leur peine. Dès le départ, ils commencent à supplier les autorités de leur permettre de participer aux programmes. Ils présentent des demandes écrites. Ils déposent des griefs. Malgré tout, ils n'ont pas accès aux programmes. Ces programmes ne sont pas disponibles. Donc, la Commission va automatiquement refuser leurs demandes. C'est ça la réalité.
    Je vous remercie.
    Merci.
    Votre temps sera écoulé dans trois secondes — deux, un… Voilà, c'est fini.
    La parole est donc à M. Rathgeber.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier tous les témoins pour leur présence parmi nous ce soir. Je sais que la soirée a été longue.
    Monsieur Sapers, dans le texte de votre exposé liminaire, vous avez dit ceci — et je suis en train de lire votre texte à la page 5 — « Il est également important de faire observer que la libération d'un délinquant à l'issue de la procédure d'examen expéditif après qu'il a purgé le sixième de la peine n'est pas automatique. » Vous avez même souligné les mots « n'est pas ». Or, notre ami, M. Ménard, a mentionné, au moment de poser une de ses questions, que c'est automatique ou quasi-automatique pour les criminels à cravate. À mon avis, c'est une distinction importante. Si j'ai bien compris — et vous me corrigerez si je me trompe — en ce qui concerne les délinquants non violents, la Commission des libérations conditionnelles n'a pas le pouvoir de ne pas libérer un délinquant après qu'il a purgé le sixième de sa peine, ce qui veut dire que les criminels à cravate ont automatiquement droit à la libération conditionnelle au sixième de la peine.
    Je vois que M. Fineberg dit non de la tête, et je vais peut-être lui redonner la parole dans une seconde, mais j'aimerais que M. Sapers me réponde d'abord.
(2050)
    Merci, monsieur Rathgeber.
    En fait, c'est une exagération que de dire que c'est « automatique ». La Commission des libérations conditionnelles peut accorder ou non la libération conditionnelle, aux termes de la loi actuelle. Si la libération est accordée à l'issue de la procédure d'examen expéditif, le délinquant bénéficiera de la libération conditionnelle, soit en semi-liberté, soit en libération conditionnelle totale. Par contre, si la Commission n'accorde pas la libération au moment du premier examen — l'étude du dossier — le délinquant devra attendre d'obtenir une audience.
    L'année dernière, sur un total de 1 000 audiences environ, 545 se sont soldées par un rejet de la demande, et la libération conditionnelle n'a donc pas été accordée. Donc, ce n'est pas automatique.
    Monsieur Fineberg.
    Merci beaucoup.
    La Cour supérieure du Québec s'est clairement exprimée sur la question, en déclarant que, tant que la Commission des libérations conditionnelles n'a pas pris une décision en bonne et due forme dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, la libération ne sera pas possible. Certains ont fait valoir devant un tribunal que, parce que leur client est un criminel à cravate et qu'il n'y a absolument aucune indication de comportement violent, il doit être libéré, et la Cour supérieure a dit non, que la Commission doit exercer son pouvoir discrétionnaire. En prenant sa décision, la Commission se fonde sur la possibilité qu'un délinquant présente un potentiel de comportement violent à l'avenir, en s'appuyant non seulement sur l'infraction qui vient d'être commise, mais sur le casier judiciaire au niveau provincial dans son ensemble, sur tout ce qu'elle a pu obtenir comme information par le biais de la police, etc., et ce même si l'intéressé n'a jamais été accusé ou trouvé coupable de l'infraction en question.
    Donc, si la Commission possède de l'information indiquant que vous avez été mêlé à des bagarres dans des bars ou que la police vous a interpellé pour un incident de violence conjugale, même si vous n'avez jamais été trouvé coupable d'infraction de ce genre, la Commission s'appuiera sur cette information pour refuser votre libération conditionnelle.
    Mais vous êtes bien d'accord avec moi pour dire que la Commission n'a pas le pouvoir de refuser la libération conditionnelle au sixième de la peine pour autre chose que la propension d'un délinquant à commettre des actes violents?
    C'est exact.
    Très bien. Si une personne tramait un complot en vue de commettre une autre fraude, alors qu'elle est encore dans un établissement correctionnel au Canada, et si la Commission des libérations conditionnelles ou le Service correctionnel du Canada était au courant, la Commission des libérations conditionnelles n'aurait pas le droit de ne pas libérer cette personne si elle n'a pas d'antécédents de violence ou une propension à commettre des actes de violence, et si elle n'a pas laissé entendre dans des communications avec autrui qu'elle est sur le point de commettre un acte violent.
    C'est pour cette raison que la fraude de grande envergure doit être exclue des infractions ouvrant droit à la procédure d'examen expéditif.
    Donc, vous êtes d'accord avec moi pour dire que la Commission n'aurait pas le pouvoir de refuser de libérer cette personne après qu'elle a purgé le sixième de sa peine?
    Si la Commission des libérations conditionnelles est d'avis que le délinquant en question est susceptible de commettre un autre crime non violent, elle doit le libérer quand même. C'est vrai.
    Vous avez émis une opinion au sujet de la constitutionnalité de ce projet de loi, et je dois dire que votre pronostic me préoccupe.
    Vous êtes d'accord avec moi pour reconnaître que l'administration de la peine relève de la responsabilité du Service correctionnel du Canada et ne fait pas partie de la peine à proprement parler. Vous êtes d'accord à ce sujet?
    Oui.
    Je voudrais revenir sur une question qui a été posée par mon confère, M. Davies. Si une personne est condamnée à une peine d'emprisonnement de 12 ans et a droit à la PEE après deux ans, ou à la libération totale après avoir purgé un tiers de la peine, ou encore à la libération d'office aux deux tiers de la peine, la peine qu'elle purge dure néanmoins 12 ans.
    C'est exact.
    Puisque la Cour suprême a déclaré que l'administration de la peine ne fait pas partie de la peine, qu'est-ce qui vous fait croire que ce projet de loi pourrait éventuellement être jugé inconstitutionnel en raison de son effet rétroactif?
    Deux choses: le paragraphe 11a) de la Charte et l'article 7 de la Charte.
    Nous avons déjà l'arrêt dans l'affaire Abel c. Edmonton Institution for Women, où la Cour en Alberta a déclaré que, dans le cas d'une personne qui avait commis son crime à l'époque où la PEE était disponible, et à qui la PEE cessait d'être disponible du fait d'avoir été éliminée, alors que son crime lui en donnait droit, il y avait violation du paragraphe 11a) de la Charte, et la cour en Alberta…
    D'accord. Je vais lire…
    … c'est fondé sur l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Gamble et sur une décision de la Cour d'appel de Terre-Neuve.
    En plus du paragraphe 11a), il y a article 7. L'article 7…
    Très bien. Mon temps est limité; je vais donc lire l'arrêt Abel. Merci. J'ai très peu de temps.
    D'accord.
    Vous avez également déclaré que, à votre avis, la société ne souhaite pas que les criminels violents et non violents soient traités de la même façon. Est-ce bien cela que vous avez dit dans votre exposé liminaire?
    C'est ce que j'ai dit.
    Je voudrais savoir ce qu'en pensent les victimes.
    C'est votre dernière question.
    Qu'en pensez-vous? Commençons par M. Gravel.
    Faute de temps, vous devrez vous contenter d'une seule réponse.
    Je crois y avoir déjà répondu. Je n'ai pas grand-chose à dire à ce sujet.
    Très bien. La parole est de nouveau à M. Kania.
(2055)
    Je vais reprendre la discussion avec les victimes.
    Par rapport au système actuel, je voudrais savoir si l'un d'entre vous a bénéficié d'aide. Avez-vous reçu une indemnisation par le biais du régime pénal? Y a-t-il eu des ordonnances de dédommagement?
    Les témoins disent non de la tête.
    Y en a-t-il parmi vous qui ont reçu quelque chose?
    Tout le monde dit non.
    Si, nous avons reçu quelque chose.
    Ah, bon. Par l'entremise du régime civil ou du régime criminel?
    C'était par l'entremise de l'AMF. Nous ne sommes jamais passés devant le tribunal, parce qu'ils ne voulaient pas le faire.
    Très bien. C'est l'autorité provinciale du Québec.
    Avez-vous reçu un dédommagement quelconque…? Monsieur Gravel, en réponse à une des questions, vous avez dit que vous craigniez que le fraudeur quitte le Canada après sa libération et qu'il vive grâce à votre argent. C'est bien cela?
    Oui.
    Ne pensez-vous pas qu'il aurait été préférable qu'on soit ici ce soir en train de voir comment on peut aider les victimes, en exigeant que de tels criminels remboursent l'agent qu'ils ont volé lors de leur sortie de prison ou quelque chose de ce genre?
    Oui, certainement.
    Et je suis tout à fait d'accord à ce sujet. Nous devrions être en train d'aider les victimes, au lieu de voir un gouvernement qui fait semblant d'être pur et dur.
    Le problème consiste à voir comment on peut garder les fraudeurs de grande envergure en prison ou les forcer à rembourser les victimes — quelque chose de ce genre. Il ne s'agit pas simplement de faire comme si tous ceux qui se font infliger ce genre de peines sont des gens non violents qu'il faut garder en prison.
    Madame Naltchayan, je vais vous dire la même chose qu'à M. Gravel. Vous avez des problèmes d'impôt, n'est-ce pas?
    Oui.
    Est-ce à cause de cela?
    Oui.
    Et ces problèmes ne sont pas de votre faute, n'est-ce pas?
    Non.
    Bien sûr ils ne sont pas de votre faute. Nous ne pensons pas non plus qu'ils sont de votre faute.
    J'aurais préféré qu'on soit là ce soir à étudier un projet de loi permettant de régler vos problèmes d'impôt. Que le gouvernement dépose donc un projet de loi qui aidera les victimes.
    J'ai une question. Vincent Lacroix a volé 90 millions de dollars, mais nous voilà ici en train de discuter. Où est l'argent? Comment se fait-il que personne ne cherche à savoir où se trouve l'argent? Nous parlons de ce qui arrive à l'intérieur et à l'extérieur des prisons, mais où se trouve l'argent? Où est-il, l'argent?
    Vous avez raison. Vous vous souviendrez…
    Une voix: Nous n'avons pas pu l'obtenir.
    Comment se fait-il que le gouvernement n'ait pas le pouvoir de saisir cet argent quelque part? Nous avons tenté des poursuites civiles. Il a plaidé coupable, mais il n'y a pas d'argent parce qu'il a mis cet argent au nom de quelqu'un d'autre, et personne n'y peut rien.
    Tout à fait, c'est l'argument que j'ai fait valoir il y a presque deux heures, quand j'ai dit que, lors de la conférence du Parti libéral en janvier 2010, nous avons proposé différentes idées relatives à l'application de la loi, aux enquêtes, au dédommagement des victimes, aux dégrèvements fiscaux et à d'autres mesures visant à aider les victimes. Mais le gouvernement n'a donné suite à aucune de nos idées. En conséquence, nous sommes tous là ce soir à examiner une mesure qui n'aidera aucun d'entre vous. Elle ne changera absolument rien en ce qui vous concerne, et vous êtes d'accord à ce sujet.
    M. Lobb, pour un rappel au Règlement.
    Je me permets de vous faire remarquer que les paroles ne valent pas grand-chose. Le fait est qu'ils ont eu de nombreuses occasions de déposer un projet de loi d'initiative parlementaire sur l'un ou l'autre élément qui vient d'être mentionné, alors qu'ils n'en ont pas soufflé mot.
    Ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Veuillez continuer, monsieur Kania.
    Je tiens à réagir à cette remarque, parce que M. Lobb a parlé de la possibilité de déposer des projets de loi d'initiative parlementaire. C'est vrai, sauf que seulement le gouvernement peut déposer un projet de loi qui propose une dépense. Donc, si M. Lobb savait comment fonctionne notre système, il saurait que ce n'est pas possible. Il faut que ce soit un projet de loi du gouvernement. Justement, je mets le gouvernement au défi de déposer un projet de loi qui va vraiment aider les victimes qui sont parmi nous ce soir.
    Je vois que toutes les victimes disent oui de la tête. Elles aimeraient bien recevoir cette aide, et nous aimerions vous aider, plutôt que d'assister à ce genre de jeux politique.
    Merci.
    Avez-vous terminé, monsieur Kania?
    Oui, j'ai terminé.
    Très bien. Monsieur MacKenzie.
    L'un des problèmes les plus graves, ce dont tout le monde se rend compte dès lors qu'il parle de ce que le gouvernement a fait ou n'a pas fait, c'est que les libéraux étaient au pouvoir pendant 13 ans et n'ont absolument rien fait.
    Par contre, nous avons l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels. Nous avons pris d'autres mesures également.
    Ils seraient parfaitement en mesure de déposer un projet de loi d'initiative parlementaire. Il est possible qu'il ne soit pas adopté, parce qu'il faut une recommandation royale, mais il y a toutes sortes de projets de loi d'initiative parlementaire qui sont déposés à la Chambre et qui n'ont pas…
    Et vous votez contre systématiquement.
(2100)
    Permettez-moi donc de finir, je vous prie.
    Silence, s'il vous plaît.
    Un certain nombre de projets de loi d'initiative parlementaire sont bel et bien déposés à la Chambre qui ont besoin d'une recommandation royale, mais au moins ils font l'objet d'un débat. Eux n'ont jamais fait cela, et ils ne devraient donc pas monter sur leurs grands chevaux.
    Je voudrais surtout présenter mes excuses aux victimes, étant donné ce qu'elles ont dû subir, surtout ce soir. Vous êtes tous venus témoigner, malgré le peu de préavis que vous avez reçu. J'apprécie aussi la présence des autres témoins, mais je sais également que, s'ils sont là ce soir, c'est parce que cela fait partie de leur travail. Par contre, les victimes sont venues témoigner à titre personnel, et c'est pour cette raison que nous vous sommes particulièrement reconnaissants d'être présents et de nous avoir raconté votre histoire.
    Merci, monsieur MacKenzie.
    Moi, aussi, je voudrais vous remercier tous de votre présence et d'avoir accepté de comparaître devant le comité. Nous avons déjà eu une longue journée ici à la Chambre des communes, et il nous reste encore au moins une heure de travail.
    Je crois que M. Kania a fait une suggestion intéressante. Il a dit qu'il aimerait que les criminels remboursent l'argent qu'ils ont volé avant de sortir de prison. C'est une idée originale, me semble-t-il. S'il nous est possible de faire en sorte que les victimes soient dédommagées, je vous assure que nous ferons le nécessaire.
    Ce projet de loi constitue une première étape. Il y aura de nombreuses autres étapes et de nombreux autres projets de loi par la suite. J'espère qu'un certain nombre d'entre eux répondra aux préoccupations que vous avez exprimées ce soir en tant que victimes.
    Nous allons suspendre nos travaux pendant cinq minutes, pour permettre aux témoins de quitter la salle. Merci encore une fois de votre présence.

(2105)
    Je rouvre la séance.
    Conformément au paragraphe 75(1) du Règlement, l'article 1 est réservé. Il s'agit du titre abrégé. Nous allons le garder pour la fin.
    Je mets donc en délibération l'article 2. Il n'y a aucun amendement sur l'article 2.
    (L'article 2 est adopté avec dissidence.)

[Français]

    Ralentissez un peu, monsieur le président. J'aimerais avoir la loi devant moi. Laissez-moi le temps.

[Traduction]

    Nous allons ralentir un peu.
    Donnez-moi une minute.
    Une minute.
    Je voudrais vous indiquer, à titre d'information, que nous avons des amendements qui visent l'article 5. Je n'ai pas été informé d'autres amendements touchant des articles qui précèdent.
    (Les articles 3 et 4 sont adoptés avec dissidence.)
    (L'article 5)
    Le président: M. Holland propose son amendement, et je lui cède la parole pour vous en parler.
(2110)
    Merci, monsieur le président. Faut-il que je lise l'amendement, ou les membres l'ont-ils déjà reçu?
    Je crois que tout le monde en a une copie.
    Je vais donc vous expliquer très brièvement la raison d'être de cet amendement, monsieur le président.
    Nous avons clairement indiqué, dès le début de cette étude, qu'en ce qui concerne la fraude de grande envergure, nous sommes d'accord pour supprimer l'accès à la procédure d'examen expéditif mais, en même temps, je crois que nous avons reçu des témoignages très convaincants devant le comité, et même de dehors du comité, concernant la nécessité de ne pas y mettre fin pour tout le monde.
    Mme Pate, de même que d'autres témoins, ont évoqué l'incidence disproportionnée de cette mesure sur les femmes. Plus de 60 p. 100 des personnes qui seraient touchées par l'élimination de cette procédure sont des femmes. Bon nombre de ces femmes sont d'un milieu pauvre. Bon nombre d'entre elles ont dû être abusées ou se trouver dans une situation où on se servait d'elles ou elles étaient vulnérables. Nous savons fort bien que plus de 80 p. 100 des femmes incarcérées ont des problèmes de dépendance. Nous savons étalement que plus de 30 p. 100 des femmes incarcérées sont Autochtones, même si elles ne représentent que 4 p. 100 de la population globale.
    Il est donc évident que cette mesure législative vise de manière disproportionnée les femmes, et notamment les femmes autochtones et, cela étant, ce sont des gens extrêmement vulnérables qui vont en subir les contrecoups, et ce de façon disproportionnée. Le projet d'article que vous avez sous les yeux, à supposer que les intentions qui ont été exprimées soient sincères — et si je peux me fier à tout ce qui a été dit dans le contexte de la discussion autour de cette table au sujet de la nécessité de s'attaquer aux fraudeurs, surtout aux fraudeurs de grande envergure, devrait effectivement régler le problème. Je pense que nous pouvons l'accepter à l'unanimité et progresser assez rapidement après cela.
    J'exhorte donc tous les membres à voter en faveur de cet amendement. À mon avis, il fixe la bonne cible. Il n'impose pas un fardeau injustifié à notre système correctionnel, et il garantit que toutes sortes de personnes qui, d'après nos délibérations, ne devraient pas être touchées, ne seront pas visées par cette mesure législative.
    Je vous dis cela en m'appuyant tout particulièrement sur le fait que tous les témoignages que nous avons reçus, pas seulement ceux de l'enquêteur correctionnel, mais dans l'ensemble, indiquent que la procédure d'examen expéditif s'est révélée très efficace en ce qui concerne la réadaptation des détenus. Comme on vous l'a déjà dit, le taux de récidive est de 0,3 p. 100 et de 0,4 p. 100, respectivement, et pour cette raison, monsieur le président, il convient, selon moi, d'appuyer cet amendement.
    Merci beaucoup. Comme vous le savez, à l'étape de l'étude article par article, nous examinons chacun des amendements qui est proposé.
    S'agissant de cet amendement, la décision du président est qu'il est irrecevable. Le projet de loi C-59 modifie la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin de supprimer la procédure d'examen expéditif par l'abrogation des articles 125 à 126.1 de la loi. Cet amendement propose de laisser intacts ces articles et de modifier l'article 125 afin d'y ajouter les infractions visées à l'article 380 du Code criminel, si la valeur de l'objet de l'infraction dépasse 100 000 $.
     Dans l'ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes (2e édition), à la page 766, on peut lire ceci:
Un amendement à un projet de loi renvoyé à un comité après la deuxième lecture est irrecevable s'il dépasse la portée et le principe du projet de loi.
    De l'avis du président, le maintien des articles 125 à 126.1 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, comme le propose l'amendement, est contraire au principe du projet de loi C-59 et est, par conséquent, irrecevable.
    Donc, l'amendement en question est irrecevable.
    Je conteste la décision du président.
    La décision du président est contestée, et cette motion ne peut faire l'objet d'un débat.
    La décision du président est-elle maintenue?
    Ils demandent un vote par appel nominal. C'est leur droit.
    (La décision du président est maintenue: [Voir Procès-verbaux et témoignages])
    Le président: Nous passons maintenant à l'amendement du NPD… nous allons vous donner les trois derniers chiffres du numéro de référence de l'amendement, soit 356.
(2115)
    Merci, monsieur le président. Je vais être bref.
    Les amendements que propose le NPD visent ce que nous considérons comme le véritable problème. Nous admettons que le genre de fraude commise par M. Jones et M. Lacroix contre plusieurs centaines, voire même plusieurs milliers, de Canadiens est inacceptable. À notre avis, ce genre de délinquants ne devraient pas avoir droit à la procédure d'examen expéditif.
    Mais nous savons également que… et là nous nous permettons de vous rappeler les témoignages que nous avons reçus, selon lesquels 1 500 délinquants sont admissibles à cette procédure chaque année et que bon nombre d'entre eux bénéficient de la PEE. Cela les aide à ne pas récidiver. Donc, monsieur le président, cet amendement vise à ajouter à l'article en vertu duquel M. Lacroix et M. Jones ont été condamnés, ainsi qu'à plusieurs autres articles, qui concernent tous en quelque sorte les infractions commises par les criminels à cravate… Afin d'encadrer un peu le projet de loi, nous disons ici que quiconque a été déclaré coupable d'un crime en col blanc où la valeur de l'objet de l'infraction dépasse 1 million de dollars n'aurait pas droit à la procédure d'examen expéditif.
    Ainsi nous séparons le bon grain de l'ivraie. Nous ciblons les personnes qui ne devraient vraiment pas avoir droit à la procédure d'examen expéditif tout en conservant les avantages de cette dernière pour bon nombre de délinquants qui peuvent en bénéficier, si bien qu'on économise l'argent des contribuables, on favorise la réinsertion, on permet à beaucoup de gens d'avoir accès aux services communautaires et on réduit le taux de récidivisme.
    Encore une fois, cela nous permet de préserver la procédure d'examen expéditif pour les délinquants primaires non violents, tout en nous permettant, en tant que parlementaires, d'éliminer la PEE pour les fraudeurs et criminels à cravate comme M. Jones et M. Lacroix.
    Merci, monsieur Davies.
     Encore une fois, de l'avis du président, le maintien des articles 125 à 126.1 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition que propose l'amendement est contraire au principe du projet de loi C-59 et est par conséquent, irrecevable.
    Je conteste la décision du président.
    Encore une fois la décision du président est contestée.
    La décision du président est-elle maintenue?
    Monsieur le président, je demande un vote par appel nominal.
    M. Davies demande un vote par appel nominal.
    (La décision du président est infirmée: [Voir Procès-verbaux et témoignages])
    Le président: La décision du président est infirmée. Le débat est donc ouvert sur cet amendement, et nous n'allons pas partir tant que le débat ne sera pas terminé.
    Monsieur MacKenzie.
(2120)
    Monsieur le président, pour…
    Une voix: Allons-nous dépasser…?
    Le débat n'est pas limité.
    Une voix: Comme d'habitude.
    Monsieur le président, pour toutes les raisons que vous avez évoquées en déclarant que cet amendement est irrecevable — même si les membres de l'opposition ont réussi à infirmer cette décision — nous sommes contre. Il est tout à fait contraire à l'intention du projet de loi.
    Je suis un peu déçu de voir que Mme Mourani a cru bon d'appuyer l'autre point de vue au lieu d'appuyer votre décision. Nous en avons parlé précédemment et elle nous avait fait savoir qu'elle était contre tous les amendements. À mon avis, cet amendement est tout à fait contraire à l'intention du projet de loi. Je ne vois pas comment je pourrais dire cela en termes plus clairs: ce qu'il propose ici ne cadre pas du tout avec l'intention du projet de loi, et ce depuis toujours.
    C'est cela qui avait été convenu; nous avions une entente. Là, tout d'un coup, on indique une valeur, alors qu'il n'en a jamais été question tout au long de cette démarche. Le Bloc québécois s'est entendu avec notre parti pour faire adopter le projet de loi sans amendement; donc, je ne comprends pas comment ce qu'ils font maintenant peut être légitime. Si on inscrit une valeur, eh bien, c'est tout à fait contraire à ce qui était prévu et à l'intention originale, et pour moi, cela ne fait qu'édulcorer le texte original.
    Je ne sais pas si Mme Mourani veut en parler ou non, mais je suis très déçu de voir ce qui arrive étant donné la décision que vous aviez prise.
    Nous sommes en train de débattre de l'amendement. Donc, le fait de savoir si Mme Mourani… le fait est qu'elle a voté pour infirmer la décision du président.
    Madame Mourani, je vais vous donner la parole, et ensuite ce sera le tour de M. McColeman, suivi de M. Rathgeber.
    Madame Mourani.

[Français]

     Monsieur le président, si j'ai cassé votre décision, ce n'était pas pour des raisons personnelles, mais simplement pour permettre le débat.
    Je doutais fort que votre décision ait été juste. Après réflexion, on pense que l'amendement est quand même recevable. C'est pour ça que je ne comprenais pas pourquoi vous estimiez que c'était irrecevable, d'autant plus qu'il n'y avait pas de débat.
    Par contre, nous allons voter contre. Je ne vous dis pas que nous allons voter en faveur. Nous voterons contre tous les amendements qui seront apportés aujourd'hui. C'est clair, je les ai tous regardés. On va voter contre tout ça.
    Cela dit, nous estimions qu'ils allaient quand même dans le sens du projet de loi. On est dans une enceinte démocratique, les gens ont le droit de présenter leurs amendements et on peut en discuter. Toutefois, on votera contre, on peut vous l'assurer.

[Traduction]

    M. McColeman, suivi de M. Rathgeber.
    Je voudrais me prononcer sur l'amendement. Pour moi, ce dernier ne cadre pas du tout avec l'intention originale du projet de loi.
    Deuxièmement, en introduisant le genre de notion que propose l'amendement, nous diluons l'intention originale. Il y a tellement de victimes de la criminalité en col blanc, et ce sont celles-là dont la situation est la plus difficile à traiter. Nous avons reçu des témoins aujourd'hui qui sont parmi les gens les plus vulnérables. Ce sont des personnes âgées. Ce sont des personnes qui, comme bon nombre des résidents de ma collectivité, ont réussi à économiser 60 000 $ ou 70 000 $ pour leur permettre de finir leur vie dans la dignité. Mais elles sont fraudées par quelqu'un qui peut arnaquer seulement cinq ou six personnes finalement. Est-ce que cela diminue l'importance de leur situation par rapport aux victimes d'une grande combine à la Ponzi? À mon avis, non. En fait, ce sont les personnes les plus vulnérables; celles qui souffrent le plus.
    Nous avons entendu les propos de nos témoins, notamment ceux des victimes qui sont présentes — le monsieur ici — qui nous décrivaient ce soir ce qui est arrivé aux personnes qui ont été humiliées et qui ont tout perdu. Ce n'était peut-être pas une grosse somme d'argent, aux yeux de certains. Il reste que certaines d'entre elles se sont suicidées ou reçoivent des soins psychologiques depuis des années à cause de cela. Cela leur a essentiellement gâché la vie.
    Donc, diminuer l'importance de tout cela en établissant une distinction entre une personne qui veut victimiser de telles personnes en les fraudant… prétendre que son crime est moins important que celui d'un fraudeur de grande envergure… pour ma part, je n'accepte pas cet argument.
    Cet amendement nous amènerait à classer les fraudeurs. Il nous amènerait à conclure qu'il y a les fraudeurs de grande envergure très sophistiqués qui réussissent à voler des millions de dollars — et, évidemment, nous ne voulons pas que ces personnes aient accès à la libération conditionnelle hâtive — et qu'il y a également des fraudeurs de moindre importance. Par exemple, si c'est une petite localité, et si on a affaire à une personne en qui tout le monde avait confiance et qui, tout d'un coup, tourne mal, et il y a 10 résidents de la collectivité qui ont peut-être perdu une certaine somme d'argent, peut-être tout l'argent qu'ils possédaient… Je suis personnellement interpellé par la situation de personnes de ce genre. Si elles perdent 60 000 $ ou 70 000 $, cela leur gâche complètement la vie. Ces gens-là sont septuagénaires ou octogénaires. Ils sont très vulnérables.
    Il m'est impossible d'accepter ces amendements pour cette raison-là.
(2125)
    M. Rathgeber, suivi de M. Ménard, de M. Davies et de M. MacKenzie.
    Très rapidement, monsieur le président, je dois dire que même si l'amendement proposé précédemment par M. Holland, qui visait à fixer un seuil de 100 000 $, me paraissait ridicule, celui-ci l'est encore davantage.
    Établir un seuil de 1 million de dollars voudrait dire qu'une fraude, combine ou crime en col blanc où les dommages causés se montent à 990 000 $ deviendrait mineure. C'est tout à fait contraire à la logique et à tout ce que nous ont dit les victimes. C'est ridicule. Pour moi, c'est complètement contraire à l'esprit du projet de loi.
    Je vous félicite pour votre décision selon laquelle cet amendement est irrecevable.
    Mais, étant donné que les membres d'en face ont cru bon de contester la décision du président — et j'accepte la parole de Mme Mourani, qui nous dit qu'elle va agir de façon honorable et voter contre cet amendement ridicule — , qui propose que la valeur soit établie à 1 million de dollars pour distinguer entre une fraude mineure et une fraude majeure.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Il est clair, à la lumière des arguments qui viennent de nous être présentés, que les membres du comité sont contre les amendements proposés. Cependant, ma décision antérieure découle de ma conviction que les amendements devraient être reçus pour qu'on en discute. C'est exactement ce que Mme Mourani a compris et ce qu'elle vous a expliqué.
    Je suis assez étonné d'assister aux études en détail des projets de loi, en comité, de vraies farces où tout devient une question de procédure. Je pense bien que c'est within the scope — je cherche encore la traduction correcte en français —, que c'est dans l'étendue de la loi. Oui, il y a différents choix face à une loi, et c'est pour cela qu'on propose des amendements. Cependant, chaque fois que quelqu'un n'est pas favorable à l'amendement proposé ou que le président ne l'est pas, il le déclare contraire au Règlement. C'est une farce. On tue les amendements par l'entremise de la procédure. Pourquoi ne pas procéder correctement, comme cela se fait ailleurs, soit dit en passant? Quand quelqu'un propose un amendement lié au sujet du projet de loi, eh bien, on en discute et on recueille l'opinion des membres. Dans ce cas-ci, on vous a annoncé...
    Je suis parfaitement d'accord avec les arguments de M. McColeman parce que, franchement, 1 million de dollars, même 100 000 $, c'est beaucoup trop. En fait, je ne désire pas, quant à moi, que ces amendements soient apportés. Toutefois, je vais contester les décisions du président quand je sentirai qu'elles sont un bâillon pour les membres d'un comité qui tente d'améliorer une loi ou d'en restreindre la portée parce qu'elle va trop loin, ou d'apporter des amendements qui vont permettre à la loi d'avoir des effets plus bénéfiques. C'est cela que je défends quand je conteste les décisions. Il est certain que si c'était complètement hors sujet et qu'on ne traitait pas de l'application des libérations conditionnelles, le président aurait raison de décider que ce n'est pas dans l'étendue du projet de loi, que ce n'est pas within the scope, comme on dit en anglais. Cependant, ce qu'il dit, c'est:

[Traduction]

« Il ne dépasse pas la portée du projet de loi, mais je ne suis pas d'accord avec ce qu'il propose. »

[Français]

     C'est pourquoi j'ai voté contre la décision du président. Je voterai aussi contre l'amendement sur lequel je ne suis pas d'accord, comme vous d'ailleurs, comme ceux qui ont parlé avant moi.
(2130)

[Traduction]

    Encore une fois, monsieur Ménard, pour que vous soyez sûr de bien comprendre la situation, je précise qu'il ne s'agit pas là d'une décision unilatérale. Nous consultons nos légistes de la Chambre qui s'appuient sur les règles de procédure afin de déterminer si l'amendement dépasse ou non la portée du projet de loi. Si, en s'appuyant sur la procédure, ils m'indiquent qu'il dépasse la portée du projet de loi, je suis essentiellement lié par leur opinion d'expert. Si les membres décident d'infirmer ma décision, la question fait l'objet d'un débat à ce moment-là.
    Ce sont nos experts législatifs qui m'ont fait savoir que l'amendement en question est contraire à l'esprit du projet de loi.

[Français]

    Je suis absolument convaincu que c'est ce qu'ils pensent et je suis entièrement en désaccord avec eux. Ils sont d'avis qu'on ne peut pas amender un projet de loi, à moins de modifier une virgule ou le temps d'un verbe, ou de corriger une erreur d'orthographe. Ce n'est pas ce que je pense.
    Si on décide, par exemple, que la peine pour telle infraction doit être de 14 ans et que, moi, je pense qu'elle doit être de 7 ans, je peux proposer un amendement. Cela va peut-être contre le but recherché, mais c'est dans l'étendue de la loi qui est proposée. De toute façon, connaissant ce qui se fait dans d'autres législatures, je sais que c'est ainsi qu'on procède et c'est plus logique, ou alors le vote article par article n'a plus aucun sens.

[Traduction]

    Merci, monsieur Ménard.
    M. Davies, suivi de M. MacKenzie.
    D'abord, je tiens à remercier mes collègues du Bloc, M. Ménard et Mme Mourani, d'avoir fait preuve d'intégrité en défendant leurs principes. Nous pouvons ne pas être d'accord sur le fond du projet de loi mais, à mon avis, leur prise de position démontre qu'ils respectent le processus, et je trouve cela tout à fait admirable.
    Je sais que M. Ménard a été ministre de la Justice au Québec, et il est certain qu'il a une solide expérience de la rédaction législative. Donc, s'il estime que cet amendement est recevable, son opinion compte beaucoup pour moi.
    Je voulais dire également que M. Rathgeber a recours aux coups classiques, c'est-à-dire, les insultes. Il a qualifié mon amendement de ridicule. Il ne se donne pas la peine de parler de logique; il se contente de lancer des insultes.
    Je vais vous dire d'où vient le chiffre de 1 million de dollars, monsieur le président. S'agissant du seuil de 1 million de dollars, si mon confrère lisait le Code criminel — les articles qu'il qualifie de ridicule — alors qu'il est évident qu'il ne l'a jamais fait, il verrait que le chiffre de 1 million de dollars vient directement du Code criminel. C'est justement le seuil qui est fixé au Code criminel pour certaines de ces infractions. Le chiffre de 1 million de dollars est mentionné, au niveau de la détermination de la peine, dans un contexte où il convient de tenir compte de facteurs aggravants; c'est pour cela que nous avons repris le montant de 1 million de dollars.
    Je me permets également de vous signaler que le Code criminel est rempli de distinctions de ce genre qui visent à établir des degrés de gravité. Par exemple, il y est question de vol d'objets d'une valeur de plus de, ou de moins de… Cela ne veut pas dire qu'un vol d'une valeur de 20 $ est moins grave qu'un vol d'une valeur de 200 millions de dollars; seul un imbécile assimilerait les deux dans le contexte de la détermination de la peine. Ces différences sont importantes.
    Des voix: Oh, oh!
    Plus d'insultes, monsieur Davies.
    Je n'ai jamais laissé entendre que quiconque dans cette salle était un imbécile, mais c'est étonnant de voir avec quelle rapidité les gens ont réagi.
    Quoi qu'il en soit, si nous avons fixé le seuil à 1 million de dollars, c'était pour établir une distinction entre les fraudes de grande envergure et celles de moins grande envergure. Il s'agit essentiellement de distinguer entre le crime d'une femme autochtone qui a peut-être donné des chèques sans provision parce qu'elle a un problème d'alcoolisme ou de toxicomanie, ou parce qu'elle est victime d'abus sexuel, si bien qu'elle finit dans une prison fédérale.
    Ashley Smith était également enfermée dans une prison fédérale. Nous savons tous que des gens qui sont des délinquants primaires non violents peuvent très bien finir dans une prison fédérale. Je ne pense pas que quiconque ici présent dirait qu'Ashley Smith aurait dû finir dans la prison où elle était enfermée. Je tiens à faire la différence entre une Ashley Smith et un Earl Jones.
    Nous avons choisi un chiffre arbitraire — celui qui se trouve déjà dans le Code criminel.
     Je vous signale également que ce libellé est extrait du projet de loi C-21 proposé par le NPD. Nous avons proposé un certain nombre d'amendements visant à faire baisser le seuil de 1 million de dollars, mais ces amendements ont été rejetés par les partis représentés dans cette salle.
    Par rapport au seuil de 1 million de dollars, M. McColeman disait que quelqu'un peut perdre 60 000 $ ou 70 000 $. C'est vrai. C'est une assez grosse somme d'argent. On arrive assez rapidement à la somme de 1 million de dollars. Au fond, il suffit de frauder 15 personnes pour arriver au seuil de 1 million de dollars. Par contre, je suis tout à fait disposé à accepter la suggestion de ceux qui voudraient proposer un seuil inférieur.
    Mes collègues libéraux ont proposé un seuil de 100 000 $. Ce chiffre-là le semble tout aussi raisonnable. Il s'agit au fond de mettre les crimes en col blanc à part et de fixer une limite permettant de distinguer entre ce que nous considérons comme une cleptocracie organisée à grande échelle et d'autres types d'infractions commises par des gens qui ne font pas partie de cette catégorie-là.
    En conclusion, je voudrais préciser que, par définition, ces infractions sont des infractions de grande envergure. Il pourrait s'agir du dépôt de faux prospectus ou de contrefaçon d'une marque de commerce pour des raisons commerciales. Les gens ne font pas ce genre de choses pour gagner 60 $; ils font cela parce qu'ils participent au crime organisé à une très grande échelle.
    Encore une fois, je respecte le vote. Je ne vais pas retarder les choses, monsieur le président. Nous avons beaucoup de travail à faire, et je propose donc que nous mettions l'amendement aux voix, à moins que d'autres désirent proposer autre chose.
(2135)
    Il y a encore deux ou trois personnes qui ont demandé la parole, monsieur Davies.
    Monsieur MacKenzie, vous avez la parole.
    Je voudrais préciser quelque chose pour la gouverne de M. Davies. Je crois savoir que, soit Jones, soit Lacroix, a été condamné en vertu de la loi provinciale sur les valeurs mobilières. Donc, tous vos amendements qui sont rattachés aux infractions du Code criminel ne s'appliqueraient pas.
    Je me demande si Mme Campbell pourrait…
    En fait, monsieur le président, je peux aider mon confrère à ce sujet.
    Non, ce n'est pas nécessaire. La question s'adresse à Mme Campbell.
    Je ne voudrais pas empêcher les délibérations d'aboutir. Autant que je me souvienne, l'une des personnes dont le nom a été mentionné a été condamnée en vertu de la loi provinciale sur les valeurs mobilières seulement, mais je ne peux pas vous le garantir.
    Si quelqu'un dans la salle a accès à Internet et voulait nous le confirmer…
    Je me souviens effectivement que l'une d'entre elles n'a pas été condamnée en vertu du Code criminel.
    Veuillez continuer, monsieur MacKenzie.
    Même si elle ne l'était pas, elle pourrait être condamnée en vertu d'une loi provinciale sur les valeurs mobilières et se voir infliger une peine. À ce moment-là, cet amendement ne s'appliquerait pas de toute façon.
    C'est ce que je crois comprendre.
    Oui.
    Deux autres personnes ont demandé la parole.
    M. Holland voudrais intervenir, et après ce sera le tour de Mme Mendes.
    Monsieur le président, je voudrais proposer un sous-amendement visant à faire réduire le montant inscrit à 100 000 $.
    Si c'est le seul changement que vous proposez, je crois savoir que cet amendement serait alors identique à l'autre. C'est bien ça? Or, cet amendement-là a été jugé irrecevable.
    C'est 100 000 $.
    Monsieur le président, je vous fais remarquer qu'il s'agit d'une autre catégorie d'infractions dans les…
    D'abord, c'est différent. C'est une autre catégorie.
    Le fait de changer le chiffre ne le rend pas identique à l'autre, car ma motion englobe un plus grand nombre d'infractions que celle de M. Holland.
    Encore une fois, en appuyant sur le même principe que la décision de tout à l'heure, je vous informe que, de l'avis du président, en proposant un sous-amendement qui maintient les articles 125 à 126.1, déjà…
    Il s'agit d'un nouveau sous-amendement, et je le déclare irrecevable.
    Sur ce point, monsieur le président, étant donné que le comité a voté précédemment, non pas pour vous destituer mais plutôt pour infirmer votre décision… Nous ne voudrions jamais vous destituer, monsieur le président.
    Il est encore possible que cela m'arrive avant la fin de la soirée…
    Le fait est que nous avons infirmé votre décision. Par conséquent, le comité est effectivement saisi de l'amendement, et l'amendement consiste donc… Je vais garder le montant de 100 000 $, étant donné qu'il s'agit d'une autre catégorie.
(2140)
    Très bien. Si tel est le cas, le débat est ouvert sur le sous-amendement.
    Allez-y, monsieur Rathgeber.
    J'ai une question. Avez-vous décidé que le sous-amendement est recevable?
    Oui.
    Je n'ai rien à dire. Je vais voter contre.
    Y a-t-il d'autres interventions sur le sous-amendement?
    (Le sous-amendement est rejeté [Voir Procès-verbaux et témoignages])
    Le président: Êtes-vous prêts à vous prononcer sur l'amendement, ou voulez-vous continuer à en discuter?
    Le sous-amendement a été rejeté, et nous devrons maintenant mettre aux voix l'amendement de M. Davies.
    Je demande un vote par appel nominal.
    Ce sera un vote par appel nominal.
     (L'amendement est rejeté: [Voir Procès-verbaux et témoignages])
    Le président: Nous passons maintenant à l'amendement NPD-3. Le numéro de référence est 368.
    Vous avez la parole, monsieur Davies.
    Oui, monsieur le président.
    Très rapidement, nous avons reçu certains témoignages et, pour moi, l'un des problèmes que présente la procédure d'examen expéditif est le fait qu'elle inverse la charge de la preuve, si bien que la Commission des libérations conditionnelles est obligée de prouver, en s'appuyant sur la norme des motifs raisonnables, que le délinquant est susceptible de commettre une autre infraction violente.
    Cet amendement inverse la charge de la preuve, de sorte qu'un délinquant qui demande à bénéficier de la procédure d'examen expéditif aurait la charge de la preuve et devrait donc convaincre la Commission qu'il n'existe aucun motif raisonnable de croire qu'il commettrait une infraction. Voilà le premier résultat de cet amendement; il y a inversion de la charge de la preuve, si bien que c'est au délinquant de faire la preuve du manque de risque. Il devrait convaincre la Commission que, s'il est remis en liberté, il n'est pas susceptible de commettre quelque infraction que ce soit — pas seulement une infraction violente.
    Selon le régime actuel, bien entendu, quand la Commission des libérations conditionnelles est saisie d'office de la demande, c'est à elle que revient la charge d'indiquer que le délinquant en question est susceptible de commettre une autre infraction violente. La situation qui en résulte est inacceptable, étant donné qu'une personne qui pourrait être tout à fait susceptible de commettre une autre infraction bénéficie néanmoins de la procédure d'examen expéditif.
    Je me disais que ce serait une façon de réparer ce tort et de faire cadrer le système actuel avec la conception de la justice qu'ont les Canadiens.
    Merci, monsieur Davies.
    De l'avis du président, cet amendement est contraire au principe du projet de loi C-59 et est, par conséquent, irrecevable.
    Je conteste la décision du président.
    La décision du président est contestée.
    La décision du président est-elle maintenue?
     (La décision du président est maintenue: [Voir Procès-verbaux et témoignages])
    La décision du président est maintenue. L'amendement NPD-3 est irrecevable.
    Monsieur Davies, vous avez la parole pour présenter l'amendement 049.
(2145)
    Merci, monsieur le président.
     À mon avis, l'amendement 049 devrait être examiné de pair avec l'amendement 843, étant donné que le 049 modifie le projet de loi C-59 et, si je ne m'abuse, le 843 apporte une modification corrélative au Code criminel. Je veux bien qu'on traite les deux ensemble, pour gagner du temps.
    Monsieur le président, l'amendement en question a exactement le même effet que celui que je viens de vous décrire. Il inverse la charge de la preuve pour que ce soit au délinquant de convaincre la Commission que, s'il est libéré à l'issue de la procédure d'examen expéditif, il ne sera pas susceptible de commettre une autre infraction, violente ou non. Il s'agit d'une approche différente qui permettrait au juge d'exercer son pouvoir discrétionnaire lors du prononcé de la peine pour ce qui est de déterminer si le délinquant devrait ou non avoir droit à la procédure d'examen expéditif. De cette façon, nous conservons le concept de l'examen expéditif au Canada tout en accordant aux juges du Canada le pouvoir discrétionnaire de l'appliquer comme bon leur semble.
    J'ai entendu des réactions favorables de part et d'autre — et certainement de la part des conservateurs — par rapport à l'idée que, lorsqu'un juge prend sa décision, cette décision devrait être respectée. Donc, si nous respectons la décision du juge quant à la durée de la peine, nous devrions également respecter sa capacité de déterminer, en toute indépendance et en s'appuyant sur ses connaissances, quel type de délinquant primaire non violent serait un bon candidat pour la procédure d'examen expéditif, à condition de remplir les critères — il serait toujours tenu de faire la demande et de s'acquitter du fardeau de la preuve — et quel type de délinquant ne devrait pas y avoir droit.
    J'exhorte tous mes collègues à appuyer cet amendement, puisqu'il s'agit d'une approche raisonnable et intelligente pour la procédure d'examen expéditif.
    Très bien. Il nous est impossible de traiter les deux amendements ensemble parce que l'un des amendements concerne un article qui vient plus loin; par conséquent, nous devrons ne traiter que celui-ci pour le moment.
    Très bien.
    Encore une fois, on me dit que cet amendement est irrecevable, et je le déclare donc irrecevable.
    Je conteste la décision du président.
    Encore une fois, la décision du président est contestée. La décision du président est-elle maintenue?
    Voulez-vous de nouveau un vote par appel nominal?

[Français]

    N'ai-je pas le droit de parole?

[Traduction]

    Vous n'avez pas le droit de parole quand la décision du président est contestée.

[Français]

    C'est bien.

[Traduction]

    Très bien.
     (La décision du président est maintenue: [Voir Procès-verbaux et témoignages])
    Le président: Il y en a un autre qui concerne le même article.
    Monsieur Holland, nous en sommes à l'amendement 367.
    Je n'ai pas l'intention de vous le présenter. Je vais simplement le proposer. Devrais-je vous le lire rapidement?
    Vous n'avez même pas besoin de le lire.
    Vous l'avez tous reçu. Je vais attendre votre décision en retenant mon souffle, étant donné que le résultat est incertain, et je vais vous l'expliquer selon votre décision.
    Très bien.
    La décision du président est que cet amendement est irrecevable, et encore une fois, la décision du président est contestée. Nous allons donc procéder à un vote par appel nominal.
     (La décision du président est maintenue: [Voir Procès-verbaux et témoignages])
    Si je ne m'abuse, ce sont les seuls amendements visant l'article 5.
    (Les articles 5 à 13, inclusivement, sont adoptés avec dissidence.)
(2150)
    Monsieur le président, je voudrais proposer un amendement qui vise à faire ajouter au projet de loi un nouvel article 13.1.
    Allez-y, monsieur Davies.
    Je ne sais pas si c'est le bon moment de parler de cet amendement.
    C'est maintenant qu'il faut en parler.
    Étant donné que l'article 5 a déjà été adopté, encore une fois, votre amendement est irrecevable. Non, ce n'est pas le bon terme. C'est plutôt le mot « absurde » qui convient. Encore une fois, il n'y a pas d'article 125 et 126.
    Mais cela ne vous empêche pas d'en parler, monsieur Davies.
    En fait, je me trompe. Ma décision est que l'amendement est irrecevable à cause de ces… Vous ne pouvez même pas le proposer. Donc, à moins que ma décision ne soit contestée…
    Pourriez-vous me donner une seconde, monsieur le président?
    Qu'est-il arrivé aux articles 125 et 126?
    Ils ont été supprimés.
    Ils ont été abrogés par quel article?
    L'article 5.
    Cet article a déjà été adopté. Dans ce cas, monsieur le président, je n'ai pas l'intention de continuer.
    (Les articles 14 à 16 sont adoptés avec dissidence.)
    L'article 1 est-il adopté? Il s'agit du titre abrégé.
    Des voix: D'accord.
    Des voix: Avec dissidence.
    Le président: Le titre est-il adopté?
    Des voix: D'accord.
    Des voix: Avec dissidence.
    Le président: Le projet de loi est-il adopté?
    On nous demande un vote par appel nominal.
     (Le projet de loi C-59 est adopté [Voir Procès-verbaux et témoignages])
    Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?
    Des voix: D'accord.
(2155)
    Nous avons donc terminé l'étude du projet de loi.
    M. Ménard a levé la main et voudrait intervenir. Allez-y, monsieur Ménard.

[Français]

    Pour que les savants légistes puissent comprendre le sens et la logique de mes votes, qui sont loin d'être contradictoires, je leur signalerai qu'on peut apporter des amendements à une loi pour l'améliorer, pour changer quelque chose. Cependant, si cette loi traite de la libération conditionnelle et traite des amendements qui doivent être apportés lorsque le juge rend sa sentence, je pense que cela sort de l'étendue de la loi. C'est pourquoi j'étais prêt à maintenir vos décisions. J'estime que ces amendements étaient légitimes, même si je n'étais pas favorable à ces amendements légitimes.

[Traduction]

    Monsieur MacKenzie.
    Je voudrais simplement remercier tous les gens ici présents — le personnel de même que tous les membres du comité. La journée a été longue. Je suis sûr qu'à divers moments, nous étions en train de nous dire que nous préférerions être ailleurs, mais nous sommes reconnaissants envers tous ceux qui étaient présents ce soir. Merci beaucoup.
    Encore une fois, merci.
    Madame Campbell, je tiens à vous remercier de votre présence et d'avoir accepté de rester jusqu'à la fin. Parfois nous tenons pour acquise la grande expertise dont nous bénéficions ici à la Chambre des communes. Je voudrais donc vous remercier personnellement pour l'excellent travail que vous faites depuis des années et pour la contribution que vous nous avez apportée ce soir.
    Merci, monsieur le président.
    La séance est levée.
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