LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des langues officielles
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 23 mai 2013
[Enregistrement électronique]
[Français]
En ce jeudi 23 mai 2013, je vous souhaite la bienvenue à cette 82e séance du Comité permanent des langues officielles.
[Traduction]
Conformément à l'article 108 du Règlement, nous menons une étude sur les programmes d'immersion dans la seconde langue officielle au Canada.
[Français]
Nous avons aujourd'hui devant nous M. Corbeil et M. Nault, de Statistique Canada, ainsi que M. Maddix et M. Paul, de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones.
Je vous souhaite la bienvenue.
Monsieur le président, avant de débuter, j'ai une question à vous poser concernant la présence du ministre Kenney.
On a déposé une motion le 7 février. A-t-on eu des nouvelles à cet égard? Cela fait déjà trois mois qu'on attend la confirmation d'une rencontre avec le ministre.
La greffière a rejoint le bureau de M. Kenney hier et ils ont discuté d'une date possible pour son témoignage, soit le 4, le 6 ou le 13 juin.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les membres du comité d'avoir invité les représentants de Statistique Canada à comparaître devant eux afin de nourrir leur réflexion sur l'état de la situation et l'évolution historique en matière de fréquentation des programmes d'immersion linguistique au Canada ainsi que sur les enjeux qui y sont associés.
D'entrée de jeu, permettez-moi de mentionner qu'étant donné que Statistique Canada ne dispose pas d'informations permettant de mesurer l'accès à ces programmes, leur capacité, les listes d'attente ainsi que les meilleures pratiques en la matière, l'exposé de mon collègue Jean-Pierre Corbeil portera essentiellement sur les données que collige Statistique Canada sur l'évolution des effectifs et la proportion d'élèves fréquentant des programmes d'immersion au Canada comparativement à la fréquentation d'autres programmes de français langue seconde.
M. Corbeil fournira également de l'information sur le niveau de maintien des acquis en langue seconde parmi les personnes ayant fréquenté de tels programmes comparativement à celui des autres élèves.
Je lui cède donc la parole.
J'aimerais d'abord rappeler qu'à peine 10 ans après le début du projet expérimental de 1965 mené par deux chercheurs de l'Université McGill dans une école élémentaire de Saint-Lambert, sur la Rive-Sud de Montréal, un projet qui a donné naissance aux programmes d'immersion dans l'ensemble du Canada et ailleurs dans le monde, on dénombrait environ 250 écoles offrant un programme d'immersion en français à l'extérieur du Québec.
L'engouement pour ces programmes a été tel qu'en seulement trois ans, soit entre l'année scolaire 1981-1982 et 1984-1985, le nombre d'écoles offrant ces programmes est passé de 570 à 1 140. Pour l'année scolaire 2001-2002, dernière année pour laquelle cette information est disponible, près de 2 000 écoles du secteur public offraient un programme d'immersion en français à l'extérieur du Québec.
Cet accroissement du nombre d'écoles offrant de tels programmes à l'extérieur du Québec se reflète bien entendu dans la croissance du nombre d'inscriptions. Ainsi, au cours des 30 dernières années, le nombre d'élèves inscrits dans un programme d'immersion en français au sein du secteur public est passé de 39 000 à 341 705 élèves.
Cette hausse n'a cependant pas été constante puisque, à la suite de l'accroissement soutenu des inscriptions entre 1981 et 1982, on a assisté à une stagnation relative, voire à un recul au cours de la période allant de 1992 à 2003, puis à une nouvelle croissance des inscriptions entre l'année scolaire 2004-2005 et 2010-2011. À cet égard, notons que le nombre d'élèves inscrits dans des programmes d'immersion s'est accru de 52 735, soit une hausse de 18 % entre les années scolaires 2004-2005 et 2010-2011, comparativement à une croissance d'à peine 6 % au cours de la décennie précédente.
Depuis 2004, ce regain en matière d'inscriptions dans les programmes d'immersion au pays varie grandement d'une province ou d'un territoire à l'autre. Par exemple, l'Ontario, où l'on compte près de 190 000 élèves inscrits en immersion, soit 54,4 % de l'ensemble des inscriptions hors Québec, a vu cet effectif croître de 24 %. En comparaison, la Colombie-Britannique et l'Alberta ont vu leur effectif d'élèves en immersion s'accroître de 26 % et 16 % respectivement.
Bien que comptant une petite population, la province de Terre-Neuve-et-Labrador est celle où le taux de croissance de la fréquentation de programmes d'immersion a été le plus important depuis 2004, soit plus de 34 %, pour atteindre 8 700 élèves au cours de l'année 2010-2011.
[Traduction]
Maintenant, permettez-moi de faire une mise en contexte de l'augmentation des inscriptions dans les programmes d'immersion. J'aimerais préciser aux membres du comité qu'au cours des 20 dernières années, la croissance du nombre et de la proportion d'élèves inscrits dans les programmes d'immersion en français dans les provinces et les territoires à l'extérieur du Québec a eu lieu dans un contexte où le nombre de jeunes inscrits dans un programme régulier d'enseignement du français langue seconde a considérablement diminué.
Depuis l'année scolaire 1991-1992, le nombre de jeunes inscrits dans un programme d'immersion est passé de plus de 267 000 à près de 342 000, soit une augmentation de 27,7 p. 100. En revanche, le nombre de jeunes inscrits dans un programme régulier de français langue seconde est passé de 1,8 million à 1,36 million, soit un recul de 24 p. 100. En somme, en dépit de la croissance des inscriptions dans les programmes d'immersion, la proportion de jeunes de l'extérieur du Québec exposée à l'enseignement du français langue seconde depuis 20 ans est passée de 53,3 p. 100 à 43,9 p. 100.
Cette réalité qui émerge des statistiques sur les programmes et la fréquentation scolaire recueillies auprès des ministères de l'Éducation de chaque province et territoire se reflète dans les données de recensement sur la connaissance des langues officielles, en particulier depuis le recensement de 1996.
Puisque l'apprentissage du français chez les non-francophones dans plusieurs régions du pays à l'extérieur du Québec se fait d'ordinaire à l'école, le taux de bilinguisme français-anglais atteint un sommet au sein du groupe d'âge de 15 à 19 ans, au moment où les jeunes terminent leurs études secondaires. De nombreux adolescents de ce groupe d'âge ont en effet été inscrits dans un programme de français langue seconde ou dans un programme d'immersion. Or, depuis le recensement de 1996, le bilinguisme a perdu du terrain parmi les jeunes de ce groupe d'âge ayant l'anglais comme première langue officielle parlée. Ainsi, la proportion de ces jeunes qui peuvent soutenir une conversation dans les deux langues officielles du pays était de 15,2 p. 100 en 1996. Elle a diminué de façon continue depuis pour atteindre 11,2 p. 100 en 2011, soit une baisse de quatre points de pourcentage.
Les modes différents d'apprentissage du français en milieu scolaire chez les non-francophones de l'extérieur du Québec se répercutent de façon très différente sur l'un des enjeux clés de l'évolution du taux de bilinguisme français-anglais au pays, à savoir le maintien des acquis dans la langue seconde au fil du temps.
Les données de recensement montrent de façon éloquente que l'apogée du taux de bilinguisme observé chez les jeunes non-francophones âgés de 15 à 19 ans à l'extérieur du Québec décline au fur et à mesure que ces mêmes jeunes quittent le milieu scolaire et avancent en âge. Par exemple, la cohorte des anglophones de l'extérieur du Québec âgés de 15 à 19 ans en 1996 affichait alors un taux de bilinguisme de 15,2 p. 100. Quinze ans plus tard, soit en 2011, alors que ces jeunes avaient atteint l'âge de 25 à 34 ans, ce taux avait diminué de près de moitié.
Vu d'un autre angle, en suivant différentes cohortes de jeunes âgés de 5 à 9 ans au fil des recensements, on constate le même scénario, et ce, peu importe la cohorte. Par exemple, les jeunes âgés de 5 à 9 ans en 1981 avaient un taux de bilinguisme de 3,4 p. 100. Dix ans plus tard, à l'âge de 15 à 19 ans, ce taux atteignait près de 14 p. 100. À l'âge de 25 à 29 ans, ce taux avait diminué à moins de 10 p. 100 pour finalement se situer à 7 p. 100, 10 ans plus tard, soit en 2011.
Il est important de souligner que le niveau de bilinguisme et le maintien des acquis de l'apprentissage du français langue seconde au fil du temps varient considérablement selon qu'on a fréquenté un programme d'immersion ou intensif en français ou qu'on a suivi un programme régulier de français langue seconde.
Une étude menée par Statistique Canada à partir des données de l'Enquête auprès des jeunes en transition a mis en évidence l'écart considérable qui sépare le taux de bilinguisme des jeunes de 21 ans ayant déjà fréquenté un programme d'immersion en français comparativement à ceux n'ayant pas fréquenté un tel programme. L'Enquête auprès des jeunes en transition menée en 2006 a permis de recueillir des renseignements sur une cohorte de jeunes ayant participé en l'an 2000 au Programme international pour le suivi des acquis des élèves alors qu'ils étaient âgés de 15 ans. Les données de 2006 permettaient ainsi de faire le lien entre l'auto-évaluation des jeunes quant à leur capacité de pouvoir soutenir une conversation en français et en anglais à l'âge de 21 ans et le fait d'avoir déjà été inscrits à une forme quelconque de programme d'immersion ou de programme d'enseignement enrichi ou intensif de français ou d'anglais langue seconde.
Cette étude a révélé que plus de 80 p. 100 des jeunes non francophones à l'extérieur du Québec n'ont jamais été inscrits dans un programme d'immersion ou enrichi en français. Seuls 6 p. 100 d'entre eux ont déclaré pouvoir soutenir une conversation en français à l'âge de 21 ans. En revanche, ceux ayant déjà été inscrits à un programme enrichi ou d'immersion en français affichaient un taux de bilinguisme français-anglais de 57 p. 100.
[Français]
Le taux de bilinguisme et, par conséquent, le taux de rétention beaucoup plus élevés des jeunes ayant déjà été inscrits dans un programme d'immersion varient cependant selon le nombre d'années et le moment où les jeunes ont été inscrits pour la première fois dans un tel programme. Ainsi, les jeunes ayant été inscrits dans un programme d'immersion pendant au moins six années scolaires affichaient encore un taux de bilinguisme de 75 % à l'âge de 21 ans. De même, les jeunes ayant été inscrits dans ces programmes avant la quatrième année avaient un taux de bilinguisme de 64 % à l'âge de 21 ans, comparativement à un taux de 45 % chez les jeunes ayant été inscrits pour la première fois en quatrième année ou plus tard dans leur cheminement scolaire.
Finalement, mentionnons que lorsque les jeunes avaient été inscrits en immersion au niveau primaire seulement, leur taux de bilinguisme à l'âge de 21 ans était de près de 40 %, comparativement à 66 % chez les jeunes ayant poursuivi un tel programme au niveau secondaire. Les statistiques présentées ici permettent de tirer les constats suivants.
D'une part, le taux de bilinguisme chez les jeunes non francophones de l'extérieur du Québec qui sont âgés de 15 à 19 ans est en baisse depuis les 15 dernières années. Cette situation découle d'un certain nombre de facteurs, dont celui de la baisse importante du nombre et de la proportion de jeunes exposés à l'enseignement du français. S'y ajoute l'érosion des acquis dans la langue seconde, principalement en raison du manque d'occasions d'utiliser la langue seconde une fois les études secondaires terminées.
D'autre part, l'intérêt pour la fréquentation des programmes d'immersion en français semble évident, comme en témoigne la croissance de 28 % du nombre de jeunes qui y sont inscrits depuis les 20 dernières années. Aussi, compte tenu des taux de bilinguisme et de rétention élevés de la langue seconde observés chez les jeunes adultes ayant fréquenté de tels programmes au cours de leur passage à l'école primaire et secondaire, il semble évident que le taux de bilinguisme chez les non-francophones de l'extérieur du Québec serait encore plus faible n'eût été du succès des programmes d'immersion partout au pays.
En conclusion, permettez-moi de mentionner que l'information obtenue auprès de nos partenaires provinciaux et territoriaux est des plus importantes pour nous permettre de suivre l'évolution des inscriptions dans les programmes de français langue seconde au Canada. L'intégration des diverses sources de données statistiques s'avère ainsi des plus utiles pour éclairer le débat public sur les enjeux entourant l'apprentissage des langues officielles au pays.
Je vous remercie.
Merci.
Je laisse maintenant la parole à la Fédération nationale des conseils scolaires francophones.
Merci, monsieur le président et membres du comité.
À titre de président, je représente aujourd'hui la Fédération nationale des conseils scolaires francophones. Je suis aussi président de la Commission scolaire de langue française de l'Île-du-Prince-Édouard. Je suis accompagné du directeur général de notre fédération, M. Roger Paul.
Nous tenons à vous remercier d'avoir invité notre organisme à comparaître devant le Comité permanent des langues officielles dans le cadre de son étude sur les programmes d'immersion dans la seconde langue officielle du Canada.
Qui sommes nous? La présentation que nous ferons cet après-midi permettra de vous faire connaître davantage la fédération tout en partageant le point de vue de l'organisme sur l'éducation nationale et, en particulier, sur les programmes d'immersion.
La fédération est l'organisme chargé de représenter les intérêts des 29 conseils scolaires francophones et acadiens de toutes les provinces et territoires canadiens, à l'exception du Québec. Elle intervient sur le plan politique auprès des diverses instances concernées et, sur les plans pédagogique et administratif, par l'intermédiaire du Regroupement national des directions générales de l'éducation, au sein duquel oeuvrent les 29 directions de l'éducation au pays.
Au sujet de notre lien avec l'immersion, permettez-moi d'emblée de vous informer que les programmes d'immersion ne font pas partie du champ d'activités de la fédération. Toutefois, nous portons un très grand intérêt au déploiement de ces programmes puisqu'ils contribuent — comme c'est le cas pour le système d'éducation de langue française — à l'évolution et la promotion de la dualité linguistique au Canada.
Je cède maintenant la parole à notre directeur général, M. Paul.
Merci, monsieur Maddix.
Bonjour tout le monde.
D'entrée de jeu, je ferai une petite mise au point en ce a trait à l'apprentissage d'une langue. Tout d'abord, permettez-moi de citer Pierre Calvé, un ancien professeur en linguistique et en éducation à l'Université d'Ottawa, afin d'expliquer notre point de vue sur les programmes d'immersion. Il a dit ceci:
Une langue sert essentiellement à quatre choses : a) à communiquer; b) à penser, réfléchir, élaborer des idées; c) à acquérir et emmagasiner de l'information; d) à se forger une identité en tant que membre d'une communauté humaine particulière.
Or, selon nous, l'apprentissage de la langue, tant dans les programmes d'immersion que dans les écoles de langue française, répond à ces quatre fonctions d'une langue, qu'elle soit première ou seconde.
Je tiens à faire une distinction entre l'immersion et l'école de langue française. Dans les programmes d'immersion, l'apprentissage d'une langue seconde, en plus de permettre de communiquer, de penser et d'acquérir de l'information, contribue à la construction d'une identité canadienne caractérisée par la dualité linguistique et culturelle. Dans les écoles de langue française, les apprentissages se font dans un contexte de socialisation linguistique, culturelle et citoyenne. En d'autres mots, toutes les activités liées à l'enseignement du curriculum contribuent à l'apprentissage du français langue première, que ce soit les spectacles, les arts, les fêtes, les mathématiques ou les sciences. Effectivement, on apprend et on construit notre identité culturelle autant pendant les cours de mathématiques et de sciences que pendant les cours de français. Cela caractérise nos écoles de langue française.
C'est ainsi que l'approche culturelle de l'enseignement dans le contexte d'une école communautaire citoyenne de langue française contribue et influence la construction d'une identité culturelle non seulement individuelle, mais aussi collective. Quand un jeune entre à l'école, il se construit donc une identité culturelle individuelle et collective propre aux communautés francophones et acadiennes qui sont à l'origine de la création du Canada.
Vous nous avez demandé des recommandations. La Fédération nationale des conseils scolaires francophones en a trois à vous présenter. Les programmes d'immersion et l'école de langue française répondent à des besoins distincts et complémentaires dans une perspective d'unité nationale. Il nous apparaît donc essentiel d'en assurer le développement et d'en faire une promotion éclairante et loyale pour l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens.
La première recommandation a trait à l'information et à la promotion. Pour cette raison, nous souhaitons que votre comité recommande, dans son rapport, que le gouvernement canadien appuie les démarches entreprises pour informer la population canadienne, y compris la population immigrante, de l'existence du système d'éducation en langue française et des programmes d'immersion dans les écoles de langue anglaise, ainsi que de la distinction de la portée et du mandat particulier des deux systèmes. Nous croyons qu'une meilleure compréhension de cette distinction de la part de l'ensemble de la population canadienne pourrait faire en sorte que le haut pourcentage de la population étudiante provenant de familles d'ayants droit ne fréquentant pas les établissements d'éducation de langue française et les écoles d'immersion pourrait diminuer.
Dans ses études, Rodrigue Landry nous disait qu'à peine un ayant droit sur deux fréquente les écoles de langue française. Où sont ces ayants droit?
Cette approche axée sur l'information et la promotion pourrait contribuer à résoudre le problème lié à la capacité des écoles d'immersion de répondre à une demande toujours croissante et permettrait aux écoles de langue française de réaliser leur mission.
La deuxième recommandation touche le financement. La distinction fondamentale entre les écoles d'immersion et les écoles de langue française passe également par un financement distinct. À cet égard, nous souhaitons que votre comité recommande une meilleure reddition de comptes quant aux paiements de transfert pour l'éducation versés par le gouvernement fédéral aux provinces et aux territoires. En ce moment, il est presque impossible de savoir précisément de quelle façon ces sommes sont utilisées. Il apparaît toutefois que des sommes considérables destinées à l'éducation en français langue première aient été investies par certaines provinces ou territoires pour développer des programmes d'immersion; et peut-être vice-versa également, on ne le sait pas. Les besoins en matière d'éducation en langue française sont considérables et les contributions fédérales prévues à ces fins sont essentielles au déploiement du système d'éducation en langue française et au déploiement de l'immersion.
Notre troisième et dernière recommandation porte sur le continuum.
Lorsque vient le temps de faire le choix important de la langue d'enseignement, les Canadiennes et les Canadiens prennent en considération un ensemble de facteurs liés entre autres à l'accessibilité et à la qualité de l'enseignement. Un des facteurs qui influencent ce choix est la possibilité de poursuivre des études postsecondaires dans la langue de son choix.
À cet égard, nous souhaitons que votre comité recommande au gouvernement canadien de se pencher sur l'enseignement postsecondaire en français afin que les Canadiennes et les Canadiens puissent choisir l'école d'immersion en français langue seconde ou l'école de langue française langue première avec l'assurance de pouvoir poursuivre leurs études dans cette langue au niveau postsecondaire. Cela fait directement allusion à ce que notre collègue, M. Corbeil, vient de mentionner. Les étudiants n'ont pas la chance de parler cette langue. Il n'y a donc pas de suivi et il n'y a peut-être pas de débouchés. Par conséquent, ils se découragent.
On garantirait ainsi à notre pays une génération de jeunes citoyens professionnels bilingues aptes à relever les défis politiques, économiques et culturels de notre société.
En tant qu'organisme national dont l'un des plus grands intérêts est la vitalité des communautés francophones et acadienne, la fédération reconnaît l'importance du bilinguisme pour l'ensemble des Canadiennes et Canadiens. Le bilinguisme additif que nous recommandons est le gage de l'harmonie entre les deux peuples fondateurs de ce pays. Nous croyons que les écoles d'immersion constituent un instrument essentiel dont notre société dispose pour permettre à la population anglophone du Canada d'accéder à ce bilinguisme. C'est donc dans cet esprit que nous vous avons fait ces recommandations.
Nous vous remercions encore de cette invitation. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Merci, monsieur Maddix.
M. Maddix et M. Paul doivent quitter à 17 heures. Par conséquent, si vous avez des questions pour eux, il faut les poser avant leur départ.
Monsieur Dionne Labelle, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Bonjour et bienvenue à tous.
Il est toujours intéressant de rencontrer les gens de Statistique Canada. La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, c'était au moment de la publication des données démolinguistiques. Je crois que c'était en octobre 2012. Vous faisiez alors état d'un plafonnement du bilinguisme au Canada et d'un recul au sein du groupe de jeunes de 15 à 19 ans. Je trouve intéressant qu'on ait des données sur ce groupe d'âge parce que ces gens auront des enfants dans 10 ans. Parallèlement à cela, on sait qu'au Canada l'usage du français à la maison est en déclin. Présentement, 1 380 000 étudiants ont accès à des cours de langue seconde. Combien d'étudiants au Canada ne sont jamais en contact avec le français?
Tout d'abord, le nombre que vous avez mentionné est plus élevé. En effet, 1,4 million de jeunes à l'extérieur du Québec sont inscrits à des programmes réguliers d'enseignement du français langue seconde. Comme je le mentionnais plus tôt, environ 57 % des jeunes aujourd'hui n'ont pas de contact avec l'enseignement du français, que ce soit dans le cadre de programmes d'immersion ou de programmes de français langue seconde de base. C'est environ 57 %.
Cela veut donc dire que 57 % des jeunes étudiants canadiens ne sont jamais en contact avec la langue française.
Par conséquent, pour eux, la notion de dualité linguistique n'existe pas, ou très peu. Comment expliquez-vous cela?
C'est toutefois ma conclusion. Si on n'est jamais en contact avec la langue française à l'école et si personne ne l'enseigne, la dualité linguistique ne veut pas dire grand-chose.
Comment expliquez-vous la baisse de 1,8 million à 1,4 million? Comment cela peut-il s'expliquer?
Oui, c'est une baisse. Est-ce parce que la cohorte de jeunes est moins importante? Comment explique-t-on cela?
Je vais en profiter pour faire un peu de publicité.
Le 28 mai, Statistique Canada diffusera une étude sur l'évolution du bilinguisme au cours des 50 dernières années. Le facteur de l'immigration joue, notamment. Cependant, il faut savoir que l'éducation est de compétence provinciale. L'enseignement du français langue seconde n'est pas obligatoire dans la plupart des provinces à l'ouest de l'Ontario. Toutes sortes de raisons peuvent mener à cela, mais le fait que la composition de la population canadienne soit en profonde transformation est également un facteur. C'est tout ce que je peux dire pour l'instant.
De toute évidence, je cherche à comprendre cette réalité. Malgré l'arrivée des immigrants, normalement, si les institutions continuent à enseigner le français, ces gens devraient l'apprendre à tout le moins comme langue seconde.
Je vais maintenant adresser mes questions aux deux autres invités.
Quel bilan faites-vous de la Feuille de route? Ces sommes d'argent vous ont-elles été profitables? Si oui, comment expliquer que, à la suite de la Feuille de route, on se retrouve dans une situation où le bilinguisme est en perte de vitesse?
D'entrée de jeu, je vous dirais que oui, la Feuille de route a été très profitable. On en a profité de plusieurs façons.
Par rapport à la deuxième partie de votre question, à savoir comment il se fait que le bilinguisme soit en perte de vitesse, plusieurs scénarios pourraient expliquer ce phénomène. Toutefois, je ne veux pas nécessairement m'aventurer à cet égard. Je ne suis pas un expert au chapitre de la rétention des langues, sauf que j'ai peut-être une expertise pour ce qui est de la rétention de la langue par rapport à la minorité qui apprend la langue anglaise. La langue anglaise et le bilinguisme dans nos écoles de langue française ne sont pas en perte de vitesse, au contraire.
La semaine dernière, des enseignants qui travaillent dans des écoles d'immersion sont venus témoigner pour nous dire que, en général, dans les écoles où il y a un enseignement de la langue seconde, la qualité des professeurs qui l'enseignent aux jeunes Canadiens n'était pas au rendez-vous. Dans le réseau des écoles, il y aurait des difficultés énormes à recruter des enseignants qui maîtrisent bien le français.
Êtes-vous au fait de cette situation?
Je ne peux pas me prononcer pour eux, mais je dirais que plusieurs des personnes qui enseignent dans les écoles d'immersion sont aussi des produits des facultés d'éducation de français langue première. Je peux vous dire que je ne pense pas que ces enseignants qui sont des produits de ces écoles, et il y en a quand même un bon nombre dans les écoles d'immersion,...
Je ne parlais pas des écoles d'immersion. Je parlais vraiment de l'enseignement du français langue seconde dans les écoles publiques.
Pour ce qui est de l'enseignement du français langue seconde dans les écoles publiques, plusieurs de ces professeurs ont entre autres été formés pour enseigner le français langue première. Ils ont une qualification supplémentaire en français langue seconde. Je pense que c'est comme dans n'importe quel système. Il y a peut-être des professeurs qui ont davantage besoin de formation et d'expérience.
Toutefois, d'après l'information que j'ai, plusieurs de ces professeurs sont très qualifiés. Ils sont très bons, très pertinents et très performants. Il est toutefois possible qu'il y ait des enseignants qui ont besoin d'une aide supplémentaire. Cela se voit dans n'importe quel système.
Croyez-vous qu'il y aurait de la place au sein de la Feuille de route pour soutenir cet aspect et pour l'améliorer?
Je pense que si c'est une priorité pour l'enseignement du français, que ce soit au chapitre de la langue seconde ou de la langue première, il y a de la place pour cela. Cela devrait être le cas.
Au sein de vos fédérations, avez-vous des programmes d'échange d'enseignants avec des conseils scolaires anglophones?
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Je vais commencer avec les données de Statistique Canada.
Le choix pour les Canadiens d'envoyer leurs enfants dans des cours d'immersion est souvent motivé soit par l'aspect culturel ou, économiquement parlant, par l'espoir que leurs enfants puissent avoir des emplois de qualité. À certains égards, le bilinguisme peut permettre d'avoir des emplois intéressants.
Toutefois, chez les gens qui se déclarent bilingues, pouvez-vous mesurer leur niveau de revenus par rapport à celui de l'ensemble des autres Canadiens? Y a-t-il une différence? Si oui, avez-vous ces détails province par province?
Oui, absolument.
Cette information, qui intéresse d'ailleurs beaucoup de gens, est disponible dans les données du recensement d'avant 2011. Cela se retrouve dans l'enquête nationale auprès des ménages dont l'information sur le revenu sera diffusée au moins d'août. Effectivement, il est possible de connaître le revenu moyen par secteur d'industrie et de professions.
En fait, il faut toujours savoir que plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. Fréquemment, ce n'est pas autant le bilinguisme qui influence le niveau de revenus que l'utilisation des deux langues. Quand on compare les gens qui sont bilingues, ceux qui doivent utiliser la langue seconde dans leur travail ont généralement un revenu supérieur à ceux qui sont bilingues, mais qui n'ont pas nécessairement la possibilité d'utiliser les deux langues dans leurs milieux de travail. Cette information est effectivement disponible à partir des données de Statistique Canada.
Dans votre présentation, vous avez dit qu'après leurs études postsecondaires, les étudiants avaient tendance à perdre leur français. On peut imaginer que certains ont la chance d'évoluer dans un milieu — de travail ou autre — où ils peuvent utiliser les deux langues, mais que d'autres retournent dans un milieu où une seule langue est utilisée.
Pensez-vous que cette dernière situation peut faire en sorte que les étudiants ayant suivi des cours d'immersion en anglais ou en français perdent leur deuxième langue?
La recherche indique assez clairement que l'environnement dans lequel la personne évolue et, bien sûr, les contacts avec cette langue, sont notamment ce qui permet le maintien des acquis de la langue seconde. Les études portant sur les premiers programmes d'immersion ont clairement indiqué que le soutien et l'encadrement des jeunes par leur école ou leurs parents et le fait de vivre dans un environnement permettant d'utiliser la deuxième langue encourageaient énormément le maintien des acquis.
Beaucoup de jeunes anglophones qui ont quitté l'école anglaise pour ensuite apprendre le français disent ne plus avoir l'occasion d'utiliser cette langue une fois qu'ils ont quitté le milieu scolaire. Bon nombre de francophones décident de parler l'anglais parce qu'ils se disent que personne ne parle le français autour d'eux. Cet espace de communication peut être problématique, justement parce que l'usage de la langue française n'est pas nécessairement valorisé dans cet environnement. Il faut pousser plus loin les études pour arriver à mieux comprendre pourquoi certaines personnes qui ont quitté des programmes d'immersion et dont le taux de bilinguisme était très élevé arrivent à maintenir celui-ci par la suite.
À défaut de pouvoir utiliser une deuxième langue officielle dans leur environnement, les gens pourraient-ils être encouragés à écouter des émissions de télévision ou à utiliser les réseaux sociaux, soit Facebook, Internet ou Skype, par exemple, pour créer des contacts avec des jeunes d'autres milieux dans leur deuxième langue? Ces personnes ont investi de 6 à 12 ans de leur vie dans l'apprentissage d'une deuxième langue, ce qui demande de la motivation. Malheureusement, elles perdent presque totalement cette langue en quatre ou cinq ans. Il faut trouver une façon de les motiver à conserver ce capital humain, cet apprentissage dans lequel ils ont tant investi.
Bien sûr, tout passe par la valorisation de la langue. Une perception purement instrumentale de l'utilisation des langues est très différente d'une perception selon laquelle on valorise l'apprentissage des langues et qu'on la considère comme une richesse. La langue n'est pas seulement un moyen de communication. Comme mes collègues l'ont mentionné, c'est aussi une façon d'exprimer et de véhiculer une culture. À mon avis, si on véhicule la richesse des deux cultures dominantes du pays, on a déjà une partie des ingrédients.
Ma prochaine question s'adresse à la Fédération nationale des conseils scolaires francophones.
Les cours d'immersion sont vraiment très populaires. Or d'autres témoins ont dit avoir vraiment de la difficulté à trouver des enseignants de qualité et compétents. La demande est vraiment très élevée.
Si la demande croissait de 20 % et que ces enfants avaient la possibilité de s'inscrire à ces programmes, aurait-on présentement suffisamment d'enseignants ou faudrait-il créer des programmes et motiver les enseignants à dispenser ces cours? En effet, s'il n'y a pas d'enseignants, même si on crée d'autres cours, il va être impossible de continuer.
On a parlé de promouvoir l'importance de l'immersion, du français langue première et du français langue seconde. On a aussi parlé de valorisation, mais valorise-t-on suffisamment la dualité linguistique? C'est peut-être ce qui va motiver de futurs enseignants à aller enseigner dans les écoles.
Je pense que les meilleurs enseignants francophones sont québécois. J'en connais quelques-uns. Ce sont des jeunes qui sont allés travailler dans d'autres provinces. Ils tentent l'expérience pendant trois ou quatre ans, mais l'isolement fait que 50 % d'entre eux reviennent au Québec pour y enseigner dans d'autres domaines ou changent carrément de profession.
Devrait-on offrir un soutien aux enseignants qui s'exilent de leur province? S'ils sont prêts à s'exiler pour les 25 prochaines années, ils doivent refaire leur vie. On dit que « Qui prend mari prend pays », mais ce n'est pas nécessairement automatique.
Dans les écoles de langue française, on en connaît beaucoup sur cette question. L'isolement est un gros facteur. Il y a moyen de briser cet isolement par le réseautage. Il y a toutes sortes de façons de le faire aujourd'hui. Vous avez d'ailleurs parlé de l'importance et de l'accès actuel aux médias sociaux, l'accès par Skype et l'accès à des cours de toutes sortes. Certaines associations d'enseignants favorisent ce réseautage.
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos quatre invités de leur présence.
Monsieur Nault et monsieur Corbeil, vous allez dévoiler une étude le 28 mai prochain. Pouvez-vous nous donner un scoop? Qu'y aura-t-il de plus dans cette étude qui n'est pas déjà dans ce que nous avons ici?
Quand on a diffusé les données du recensement, le 24 octobre dernier, très peu d'informations portaient sur l'évolution du bilinguisme. De plus en plus, beaucoup de gens s'intéressent aux facteurs qui influencent l'évolution du bilinguisme au fil des ans. Je pense que c'est un peu l'objectif de cette étude qui vise à identifier ces facteurs principaux.
Je peux quand même dire une chose intéressante. Il faut se rappeler qu'il y a 50 ans, on a commencé à se poser de sérieuses questions sur la façon de faire la promotion du bilinguisme au pays. Peu de gens savent à quel point le bilinguisme a connu une croissance importante au cours des 20 premières années qui ont suivi les travaux de la Commission Laurendeau-Dunton. Je peux simplement vous dire que l'objectif de ce court article est de quantifier l'évolution de ce phénomène et de mettre le doigt sur certains des facteurs clés qui ont influencé l'évolution du bilinguisme au fil des ans.
J'ai hâte de lire votre rapport qui sera dévoilé le 28 mai, mais on peut voir dans celui d'aujourd'hui qu'il y a eu une relance des écoles d'immersion. Il n'y avait pas eu vraiment de baisse, mais peut-être un ralentissement de la croissance. Maintenant, il y a une relance. Ça me fait plaisir, parce que lorsque je suis devenu ministre responsable des Langues officielles en 2000, on avait constaté que Parents for French devenait de plus en plus « Grand-Parents for French ». On craignait qu'il n'y ait pas de relève. On a donné vraiment un coup de barre dans tout cela pour relancer la chose. On peut maintenant dire qu'une nouvelle génération de parents est passée par là et relance la chose.
Je suis d'accord avec vous. Au cours des dernières années, il y a eu des réactions quand on a constaté la baisse du bilinguisme chez les jeunes au Canada. Certaines personnes ont peut-être été portées à penser que les programmes d'immersion ne fonctionnaient pas. Les statistiques qu'on a présentées aujourd'hui démontrent de façon assez éloquente à quel point il y a une ferveur croissante pour ces programmes. Elles indiquent aussi que les gens qui ont fréquenté ces programmes d'immersion maintiennent leur bilinguisme beaucoup plus longtemps au fil des ans.
Je ne sais pas si elle est fondée, mais il y a tout de même la crainte que, puisque les élèves les plus motivés fréquentent les écoles d'immersion, les écoles ordinaires seront peut-être moins poussées dans le dos pour promouvoir le français.
Pour ce comité, ne s'intéresser qu'aux écoles d'immersion serait une erreur, parce que cela peut voiler un recul. En fait, cela voile un recul. Vos statistiques le démontrent assez clairement.
Avant de passer à M. Maddix et à M. Paul pour ma dernière question, j'aimerais mentionner que dans les écoles d'immersion, la rétention est bien meilleure que dans les écoles où on donne des cours de français ordinaires de base. Il y a quand même une perte et on s'étonne lorsqu'on voit ce qui se passe avec des élèves qui ont pu passer six ans de leur vie à suivre supposément tous leurs cours en français. Dans les hautes sphères, on sait que ce n'est pas tout à fait le cas. Le fait qu'on ait une perte de 25 %, ou même du tiers, selon certains de vos chiffres, est un peu inquiétant. Comment peut-on passer tout son secondaire en école d'immersion et ne pas être bilingue à la fin?
C'est la raison pour laquelle je disais plus tôt que cela montre l'importance de pousser l'étude plus loin. On a des données montrant qu'il faudrait fouiller davantage pour essayer d'expliquer ce qui distingue ceux qui maintiennent leurs acquis par rapport à ceux qui ne les maintiennent pas. Bien sûr, la question de l'environnement et du milieu de travail joue très certainement un rôle.
C'est non seulement ça, mais il y a aussi des élèves qui finissent leur programme d'immersion sans être bilingues. Notre crainte est que le bilinguisme de certaines écoles soit un bilinguisme de façade. Ce sont des écoles d'immersion. Elles attirent du monde et donnent un certain prestige, mais il faudrait voir si les professeurs sont vraiment compétents, si on parle bel et bien le français dans les cours de mathématiques, etc. Je me demande s'il n'y a pas parfois une dilution du concept d'immersion.
Non. C'est plus difficile. Cela dit, il ne serait pas impossible, dans le cadre d'une enquête existante, d'ajouter un module qui nous permettrait de poser des questions pertinentes à ce sujet. Je pense entre autres à l'Enquête sociale générale, qui représente un échantillon de 25 000 personnes. Nous pourrions poser des questions à des gens qui ont suivi un programme d'immersion et leur demander s'ils ont maintenu leurs acquis. Il y a des possibilités de ce côté.
D'accord, merci beaucoup.
Monsieur Maddix et monsieur Paul, dans votre rapport, vous nous parlez d'un fait assez inquiétant qu'on soupçonne néanmoins, à savoir que les provinces transfèrent des fonds et que les écoles des communautés ne sont pas toujours gagnantes dans ce cas.
Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Je vais d'abord répondre et Roger pourra continuer.
Cela varie d'une province à l'autre. La communauté et les conseils scolaires ne sont pas impliqués dans le processus consistant à préciser pourquoi ils ont besoin de fonds. S'agit-il de la rétention ou de la formation des enseignants? Nous ne participons pas à la phase au cours de laquelle la demande de financement est soumise et on ne nous demande pas pourquoi nous avons besoin de financement. Dans certaines provinces et territoires, une fois que les fonds sont transférés, ces gens ne participent pas à la répartition des fonds entre l'immersion, l'enseignement du français, etc.
Finalement, ce sont deux fonds différents. Il y a des fonds pour l'immersion et il y en a pour les écoles des communautés. Dans votre paragraphe, on laisse entendre que...
C'est exact. On n'a aucune indication. On ne participe pas à ça. On ne peut donc pas savoir quels fonds vont à l'immersion et lesquels vont à l'enseignement de la langue française.
Chez nous, à l'Île-du-Prince-Édouard, des fonds sont alloués au développement des programmes, mais si des fonds sont prélevés de la section de la langue française, c'est pour développer des programmes de Core French, des programmes d'immersion et des programmes de français langue première.
La répartition des fonds est vraiment confuse. Nous aimerions participer davantage au processus.
Comme M. Maddix vient de le mentionner, c'est différent d'une province à l'autre. Il est évident que l'information est difficile à obtenir.
Je vais vous donner l'exemple le plus flagrant, qui est public. Au Yukon, la sous-ministre a avoué qu'une somme d'un peu plus de 1 de dollars qui devait être allouée au français langue première a été consacrée au français langue seconde. Ce n'est qu'un exemple, mais s'il y en a un, il y en a peut-être d'autres. Comment peut-on le savoir? Personne ne le sait. En ce qui concerne la reddition de comptes, une fois que les fonds sont octroyés au ministère, celui-ci peut s'en laver les mains.
Ça va même plus loin. Dans plusieurs de nos provinces, le conseil scolaire — il n'y a souvent qu'un seul conseil scolaire francophone pour la province — n'est même pas invité à la table lorsque des discussions ont lieu entre le gouvernement fédéral et les provinces. Pourtant, on parle des fonds qui vont servir à nos programmes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les invités d'être ici aujourd'hui.
Monsieur Maddix, monsieur Paul, vous avez apporté de bonnes précisions sur les diverses façons d'enseigner le français dans une situation minoritaire. L'éducation est assez atomisée, dans le sens où il y a des programmes de Core French, des cours d'immersion, des cours de français langue première et, dans des provinces comme l'Ontario, un système scolaire catholique de même qu'un système scolaire public.
Dans ma ville, Toronto, les étudiants ont beaucoup de choix. Parfois, la notion d'ayant droit n'existe pas vraiment, dans le sens où le français langue première est souvent enseigné dans une école d'immersion destinée à des non-francophones. En effet, ils y ont droit légalement. Ces jeunes étudiants peuvent fréquenter des écoles francophones, même s'ils ne sont pas francophones. C'est une question légale qui concerne le trajet que suivent les étudiants pour pouvoir aller à l'école le matin, par exemple.
Selon vous, quand un étudiant devrait fréquenter une école d'immersion, mais fréquente une école de français langue première, est-ce que ça nuit à son éducation, ? Souvent, cela existe plus ou moins dans la même communauté ou la même région. On a ce mélange d'étudiants. Est-ce que cela nuit à l'expérience d'un groupe ou de l'autre? Je ne sais pas si vous avez vécu cette expérience.
À Toronto, c'est un problème réel et il y a toujours des chicanes entre parents. Disons que certains parents ne veulent pas que la présence de non-ayants droit diminue la qualité de l'éducation française.
C'est une excellente question.
Je m'apprête à aller témoigner dans un procès en Colombie-Britannique où l'on me posera la question que vous venez de me poser, à savoir si l'on doit accepter dans nos écoles de langue française des élèves qui ne maîtrisent pas la langue française ou qui ne la parlent pas du tout. On peut aussi faire le parallèle avec les écoles d'immersion.
Les qualités ou les lacunes de certains élèves en ce qui concerne la langue influencent-elles les autres élèves qui tentent d'apprendre le français et de maîtriser le français et la culture?
D'après notre expérience, la réponse est non. Je vous explique pourquoi. Je parle surtout de l'apprentissage de la langue pour les plus jeunes, qui nous arrivent à la maternelle ou au jardin d'enfants. C'est habituellement à ce moment-là que les parents choisissent une école pour leur enfant. On voit rarement un parent choisir une école lorsque leur enfant est en 7e ou en 8e année. Ils choisissent l'école en fonction de la langue, et ce, dès un très jeune âge. À cet âge, les enfants sont des éponges qui absorbent l'information. Je ne dis pas que ces enfants vont devenir parfaitement bilingues, mais je dis qu'un jeune qui débute dans une école de langue française en septembre pourra parler français en décembre.
Assurément, il y a des programmes d'appui et on tente de regrouper les jeunes en fonction de leur niveau de langue. Toutefois, il n'y a aucune preuve selon laquelle le fait d'accepter des élèves qui ne maîtrisent pas la langue aura une influence négative sur les autres élèves.
D'accord.
L'une des questions que le comité pose à l'occasion de cette étude a trait à la capacité. On observe dans la région torontoise des vrais problèmes en matière de capacité du fait que la demande pour des programmes d'immersion est plus grande que l'offre.
Selon vous, qu'est-ce qui détermine ces problèmes en matière de capacité dans de telles situations? Est-ce le manque d'enseignants, de matériel, de volonté du conseil scolaire?
J'ai l'impression qu'il pourrait y avoir plusieurs explications. Assurément, si on parle d'offre et de demande, il semble qu'il y a trop de demande par rapport aux possibilités, c'est-à-dire aux ressources humaines.
J'ai été auparavant directeur général d'un conseil scolaire. Je ne dirais donc pas nécessairement qu'il y a trop de demande par rapport aux ressources financières. Dans une école, il y a un nombre x d'élèves et un nombre x de dollars alloués aux services. À mon avis, il s'agit davantage d'une question de disponibilité des ressources humaines.
J'aimerais poser une question supplémentaire sur les choix d'enseignement.
En ce qui concerne les élèves anglophones qui fréquentent des écoles françaises plutôt que des écoles d'immersion française, je conçois bien que dans le cadre de la salle de classe, ça aille assez bien. Cependant, le problème qui frustre le plus les professeurs et les parents des élèves francophones ne se passe pas dans la classe, mais dans la cour d'école. Surtout dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire, les enfants francophones savent parler l'anglais. Ensuite, ils se lient d'amitié avec un enfant anglophone. C'est facile de le faire.
Tout naturellement, si une dizaine d'enfants francophones et un enfant anglophone sont ensemble dans la cour d'école, ils vont parler la langue commune, soit l'anglais. Cela frustre les professeurs et les parents des élèves. Par la suite, les professeurs, exaspérés, imposent des mesures punitives. Si on crie aux élèves de parler français, c'est assez pour que ceux-ci ne veuillent pas parler français.
D'ailleurs, cette question m'a toujours chicoté. On devrait développer des méthodes incitatives pour aider ces enseignants exaspérés à oublier les mesures punitives et à utiliser des moyens incitatifs. Comment fait-on pour ne pas diluer l'utilisation du français dans la cour d'école? La socialisation est aussi importante pour l'enseignement que ce qui se passe à l'intérieur de la salle de classe.
Je vais vous la donner et elle va peut-être vous surprendre. La réponse est dans l'approche. Poser la question, c'est y répondre.
Vous avez mentionné précédemment que les mesures punitives n'encourageaient absolument pas l'élève à changer sa façon de faire. Le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada, ou CMEC, subventionne des programmes. Entre autres, il y a un programme qui vient d'être dévoilé. Il est destiné, bien sûr, aux écoles de langue française, mais je crois qu'il pourrait profiter également aux écoles d'immersion. Ce programme tente de démontrer aux enseignants que le fait que quelqu'un ait 20 ans d'expérience en enseignement ne signifie pas qu'il ne doit pas changer d'approche.
Tout est donc une question d'approche. Il faut, par exemple, tenter de valoriser l'élève et discuter ouvertement avec lui. Il faut essayer de ne pas rabrouer celui qui s'exprime en anglais, mais plutôt tenter de le raisonner et de prendre ses pairs à témoin pour lui expliquer les choses sans le sermonner. Cela se situe dans un cadre d'appropriation culturelle qui vient tout juste d'être rendu public. C'est un document pancanadien.
On l'a dit d'entrée de jeu, l'apprentissage de la langue est intimement lié à la culture. La langue et la culture vont donc ensemble. Il faut arrêter de dévaloriser les élèves, autant en immersion qu'en français langue première, relativement à leurs compétences et à leur utilisation de la langue. Il faut valoriser les élèves beaucoup plus. L'inverse, on l'a vu, ne fonctionne pas. Utilisez la valorisation. Laissez-les parler et discuter entre eux de moyens et de façons de faire. Ils en sont capables.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Paul, lors de votre comparution du 22 novembre 2011 devant le Comité permanent des langues officielles, vous nous avez recommandé une meilleure reddition de comptes par rapport aux paiements de transfert pour l'éducation versés par le gouvernement fédéral aux provinces et aux territoires, autant pour le français langue seconde que pour le français langue première.
Lors de votre allocution d'aujourd'hui, vous avez aussi mentionné cela dans la section qui traite du financement. Il s'agit de votre deuxième recommandation. Avez-vous des suggestions à nous faire en matière de reddition de comptes afin que nous puissions les transmettre à Patrimoine canadien et au gouvernement? Je souhaiterais avoir un peu plus de détails sur ce qui fonctionnerait le mieux.
Je vous remercie de la question.
Je suis heureux de constater que vous voyez que j'ai de la suite dans les idées, d'une présentation à l'autre.
On se base sur une étude réalisée par la firme Heenan Blaikie. Pour ne pas le nommer, Mark Power, professeur adjoint à la Section de common law de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, nous mentionne que la meilleure façon d'assurer une meilleure reddition de comptes par rapport au transfert d'argent, même en ce qui a trait au français langue première et au français langue seconde, est de passer par les personnes les mieux placées.
Un peu plus tôt, on vous disait que dans plusieurs provinces, les représentants des conseils scolaires ne sont même pas invités dans plusieurs cas à discuter de leurs besoins avec Patrimoine canadien. Ils passent par l'intermédiaire du ministère de l'Éducation. Qu'est-ce qui se dit par la suite? On demande une rétroaction dans certains cas, mais souvent, on ne le fait pas à ce niveau.
Me Power nous mentionne qu'il n'y a pas d'obstacle légal à l'implication de cet autre ordre de gouvernement que sont les conseils scolaires, les commissions scolaires et les districts scolaires, parce qu'il s'agit d'un ordre de gouvernement reconnu par l'article 23. Ils pourraient faire aussi bien, sinon mieux, et seraient davantage redevables.
Même si l'éducation est de compétence provinciale, rien n'empêche les conseils scolaires d'être impliqués de façon beaucoup plus directe et même de négocier directement avec les conseils scolaires. Il existe déjà de nombreux exemples. Patrimoine canadien le fait déjà auprès des communautés et en ce qui a trait à la santé.
Je peux aussi vous suggérer de lire cet article, qui compte à peu près 85 pages. Quand on parle d'un article, je m'attends à ce qu'il ait quatre ou cinq pages, mais celui-ci compte 85 pages. C'est une lecture de chevet très intéressante.
On commence à être habitués à lire des documents qui ont beaucoup de pages.
J'ai épousé un anglophone. Nous nous sommes donc demandé si nos enfants allaient fréquenter l'école francophone. Mes deux enfants ont fait leur cours primaire à l'école francophone. Toutefois, ma fille a connu des difficultés. On a demandé de l'aide parce qu'on nous disait qu'elle constituait presque un cas d'échec. Comme on n'avait pas les fonds pour lui fournir de l'aide, quand est arrivé le temps d'aller secondaire, elle est allée à l'école anglophone. Je pensais qu'elle ferait mieux, mais ce ne fut pas le cas. C'était vraiment la même chose. J'aurais dû la laisser à l'école francophone.
Il y avait un bon reportage diffusé par la CBC il n'y a pas si longtemps. C'est exactement ce que cela mentionnait. On encourage les jeunes qui ont des problèmes d'apprentissage à quitter le système francophone parce qu'on pense qu'ils feraient mieux dans le système anglophone. Je me demande si c'est votre cas. Avez-vous vu cela dans vos écoles?
Par ailleurs, mon fils est à l'Université Laurentienne, à Sudbury. Il a voulu faire ses études en français, mais plus les cours sont spécialisés, moins ils sont offerts en français. Je crois que cela peut aussi jouer un rôle important.
Notre troisième recommandation porte sur le continuum. Si les parents et les élèves en immersion et en français langue première ne voient pas de débouchés au niveau postsecondaire, ils vont être plus hésitants.
J'irais même plus loin. Où perd-on nos élèves qui sortent des écoles de langue française et possiblement des écoles d'immersion? Comme on vient de nous le confirmer, on les perd surtout dans les années de transition. On est en mesure de bien les accueillir à la maternelle, au jardins d'enfants et en 1ère année. Tout de suite après, les parents, que ce soit dans un système ou dans l'autre, se disent que quand leur enfant était plus jeune, à la maternelle, au jardin d'enfants ou en 1ère année, ce n'était pas sérieux car il jouait. Maintenant, c'est sérieux. Il va devoir se concentrer sur une langue.
Il y a toutes sortes de faussetés. Je l'ai dit plus tôt. Au risque de me répéter, en ce qui a trait à l'apprentissage des langues, pourquoi a-t-on tellement de problèmes avec l'apprentissage de deux langues alors que, dans d'autres pays, on apprend trois langues, quatre langues ou cinq langues? Pour répondre directement à votre question, il faut absolument que l'accent soit mis sur les services du début jusqu'à la fin, ce qui inclut évidemment les niveaux secondaire et postsecondaire.
D'accord.
Merci, madame Hughes.
Monsieur Maddix et monsieur Paul, je crois que vous devez partir. Nous allons poursuivre notre séance pendant encore 30 minutes avec M. Nault et M. Corbeil.
D'entrée de jeu, nous voulions nous excuser. Comme la réunion devait commencer à 15 h 30, nous pensions disposer d'une heure et demie, mais cela n'a malheureusement pas été le cas.
Il n'y a pas de problème. Je vous remercie d'être venus témoigner devant le comité.
Monsieur Chisu, vous avez la parole.
[Traduction]
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai écouté attentivement l'exposé sur les statistiques et je l'ai beaucoup aimé. Avant de commencer, j'aimerais souligner que Statistique Canada n'a pas les renseignements nécessaires pour mesurer l'accès à ces programmes, leur capacité, leurs listes d'attente ou leurs pratiques exemplaires. Ce sont des éléments essentiels, car la façon d'interpréter les données est influencée par un grand nombre d'autres facteurs qui ont des répercussions sur les conclusions qu'on peut tirer de l'analyse statistique.
Je suis ingénieur, et c'est pourquoi je peux vous dire que les statistiques sont très importantes. Toutefois, si vous n'avez pas tous les éléments du problème en main, vous ne serez pas en mesure de le résoudre. C'est ce qui me pousse à poser ma question.
D'après les données que vous nous avez présentées, les étudiants qui apprennent le français abandonnent à un certain âge et leur niveau de français diminue, mais qu'en est-il des enseignants? Qu'en est-il des statistiques sur les enseignants et comment ces statistiques établissent-elles une corrélation entre les taux de décrochage et le maintien des acquis linguistiques en français, etc.? Pouvez-vous répondre à cette question?
Je pourrais avoir recours à mon collègue, François Nault, qui a été directeur du Centre des statistiques sur l'éducation. Mais pour répondre à votre question, nous devons savoir d'où proviennent ces données, comment elles sont recueillies et qui nous a demandé de les recueillir.
J'aimerais demander à mon collègue de nous préciser d'où proviennent ces données. Ce sont des données administratives. Pour mieux comprendre les points que vous avez soulevés, il faudrait que nous menions un sondage. Dans ce cas, il nous faudrait évidemment du financement et des partenaires qui sont intéressés à recueillir ce type de renseignements.
Je peux seulement être d'accord avec le fait que plus on a de données, plus l'analyse est précise. Comme Jean-Pierre l'a mentionné, nous travaillons en partenariat avec les provinces et leurs ministères de l'Éducation pour recueillir des données sur les étudiants, et aussi sur les enseignants. Parfois, il est très difficile d'obtenir des données normalisées qui peuvent être comparées d'une province à l'autre, mais c'est un autre débat.
Il s'agit de tenter de collaborer avec la province pour obtenir tous ces renseignements. Je ne sais pas. Actuellement, nous vous communiquons ce que nous avons. On a déjà beaucoup parlé d'autres données qui pourraient nous aider à mieux comprendre la situation, mais en ce moment, c'est ce que nous avons obtenu des provinces.
Mais vous partagez ces données avec les provinces ou elles vous les font parvenir. Comment mesurez-vous ces données à l'objectif d'avoir un pays parfaitement bilingue? Une province procède à sa façon, l'autre province d'une autre façon, mais vous êtes un statisticien, un professionnel, donc vous devez extraire les données, les données réelles, de ce mélange de renseignements, comme on isole un signal de la friture. Si vous tenez seulement compte des statistiques, elles peuvent vous fournir des renseignements erronés et vous faire tirer de mauvaises conclusions. Ce que je vous demande donc, en tant que professionnel dans ce domaine, c'est que vous nous guidiez et que vous formuliez quelques recommandations sur la façon dont vous interprétez les statistiques et sur la façon dont nous pouvons nous améliorer, ou ce que nous pouvons faire pour que le pays soit vraiment bilingue.
Je vais répondre à votre question en vous donnant un exemple.
En 2006, nous avons mené un sondage postcensitaire sur les minorités de langue officielle. C'était un sondage très détaillé, qui avait pour objectif de comprendre les divers éléments qui contribuent à la vitalité des minorités de langue officielle. Nous avions cinq modules très détaillés sur l'éducation, ce qui nous a permis de demander aux parents pourquoi ils avaient choisi d'envoyer leurs enfants dans différentes écoles et quels obstacles ou problèmes ils avaient eu à surmonter.
Ces renseignements étaient disponibles pour les minorités de langue officielle. Mais à l'époque, on avait manifesté un intérêt envers l'élaboration de ce sondage et sa réalisation. Vous devez comprendre que la plupart des sondages menés par Statistique Canada sont financés par l'entremise de partenariats avec les différents ministères et organismes du gouvernement fédéral.
Ce que j'essaie de faire valoir, c'est qu'il serait évidemment possible de mener un tel sondage pour mieux comprendre les obstacles, les objectifs et les défis. La seule chose que nous pouvons vraiment faire, en ce moment, c'est d'utiliser les données disponibles, qu'elles proviennent du recensement, de l'Enquête auprès des ménages, ou de données administratives recueillies par les provinces et les territoires, afin de mieux comprendre la situation actuelle.
Toutefois, vous avez parfaitement raison: il faudrait que nous menions un sondage de ce genre.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Corbeil, j'aimerais vous poser des questions au sujet des statistiques.
Premièrement, est-il possible d'extraire les données par zones géographiques régionales dans les provinces autres que le Québec? Par exemple, on s'entend que la réalité vécue à Dubreuilville, en Ontario, n'est pas tout à fait la même que celle vécue à Toronto. Est-il donc possible d'extraire les données à partir de zones géographiques plus petites?
Cela dépend de la nature des données. Je peux peut-être laisser mon collègue répondre à votre question.
Selon moi, ce n'est pas possible de le faire à partir des données que nous avons. Les ministères de l'Éducation nous envoient des données agrégées relatives au nombre d'étudiants fréquentant des écoles d'immersion. Toutefois, je ne crois pas qu'on ait les détails à l'échelle infraprovinciale. On est donc effectivement limités du point de vue des données recueillies par Statistique Canada.
Par exemple, on ne peut donc pas savoir si certaines zones géographiques performent mieux en raison de facteurs sociaux ou environnementaux ou si la situation est meilleure en région rurale plutôt qu'en région urbaine pour un certain nombre de raisons?
Cela dépend effectivement des données. Les données du recensement nous permettent effectivement de mesurer des taux de bilinguisme anglais-français par région et de faire des corrélations entre la taille de la population qui parle français et la rétention du français ou du taux de bilinguisme, par exemple.
Ce serait un projet en soi, mais la chose est possible. Par exemple, on retrouve sur le site Internet de Statistique Canada de l'information ayant trait aux petites municipalités. Pour ce qui est de l'Enquête nationale auprès des ménages, cela dépend des régions géographiques.
D'accord.
Grosso modo, vous dites que ces données n'existent pas. Il faudrait donc les trouver nous-mêmes.
Les taux de bilinguisme peuvent être obtenus pour les différentes unités géographiques au Canada. Toutefois, si vous voulez pousser plus loin l'analyse, c'est-à-dire essayer de comprendre les facteurs qui influencent ou qui sont associés à des taux plus élevés ou plus faibles, il faut alors pousser et faire des analyses spécifiques à partir des données disponibles.
Sur le plan de la variation des effectifs dans les programmes réguliers d'apprentissage de la langue seconde, des liens de cause à effet ont-ils été établis pour certaines données afin d'expliquer ce qui s'est passé?
Par exemple, on constate une augmentation constante des pourcentages en Alberta. A-t-on vérifié si cette augmentation est entre autres associée à la croissance d'immigrants dont la deuxième langue est le français, puisqu'ils viennent de pays d'Afrique qui ont été colonisés par la France?
En quelque sorte, peut-on établir des liens de cause à effet entre certains éléments? Au fond, des mesures ont-elles vraiment été mises en place afin d'augmenter la performance de certaines provinces? Si oui, ce serait intéressant de nous en faire part. Cette augmentation est-elle plutôt tout simplement liée à un contexte social ou géographique?
C'est une excellente question.
À titre d'information, les données portant sur la migration interprovinciale et sur la mobilité seront disponibles le 26 juin prochain. Bien sûr, la raison pour laquelle on observe une telle croissance en Colombie-Britannique et en Alberta n'est certainement pas étrangère à la migration des Québécois vers ces provinces.
Ce n'est pas tout. Ce n'est pas nécessairement l'explication complète, mais la composition de la population et des facteurs tels que la migration et l'immigration internationale ont bien sûr un rôle à jouer et peuvent nous permettre d'expliquer ces facteurs. Il serait donc effectivement nécessaire de faire des analyses un peu plus poussées.
Autrement dit, à l'heure actuelle, on ne peut pas déterminer de façon certaine si l'augmentation est due à de bonnes pratiques ou simplement à des phénomènes sociaux ou environnementaux.
C'est exact.
À titre d'information, environ 15 % des enfants dont au moins un des parents est de langue française fréquentent les programmes d'immersion. Il est donc clair qu'on a de l'information sur la composition et le nombre total des effectifs. Cependant, il faudrait aussi savoir, dans le temps, dans quelle mesure le fait que certains élèves auraient pu fréquenter des écoles de la minorité mais fréquentent plutôt des écoles d'immersion influence la hausse ou la baisse des effectifs des programmes d'immersion.
Est-ce que des analyses statistiques qualitatives ont été faites pour déterminer pourquoi les parents choisissent l'école d'immersion française pour leurs enfants? Le cas échéant, est-ce pour la qualité du programme ou parce qu'un parent est francophone ou immigrant?
L'information est disponible pour les minorités de langue officielle. J'ai mentionné plus tôt l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle, qui a été menée en 2006 et au cours de laquelle on a posé ce genre de questions. Malheureusement, on n'a pas cette information quant à l'ensemble de la population pour qui le français n'est pas la première langue officielle parlée. Ce genre de questions n'a jamais été posée aux autres personnes, du moins d'un point de vue statistique.
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins qui s'entendent sur ces questions.
Monsieur Corbeil, mes questions vont porter également sur vos données.
Si j'ai bien compris la présentation de vos collègues qui nous ont quittés, je crois que le programme d'immersion est totalement différent du programme dispensé dans les écoles de langue française.
Pour qu'un élève puisse fréquenter une école de langue française — et c'est bien sûr le cas au Manitoba —, il doit avoir un parent francophone qui parle très bien le français. Est-ce exact?
Il me semble que l'un des programmes est une orange et que l'autre est une pomme et que vous avez mêlé les deux dans vos données.
Il est très important, pour augmenter la capacité d'immersion dans notre pays, que nous développions d'autres programmes. Je respecte beaucoup le programme destiné aux écoles de langue française, mais il y a aussi les programmes d'immersion. Dans vos données, où sont les informations qui portent seulement sur les programmes d'immersion et celles qui portent seulement sur les programmes réservés aux élèves qui viennent de familles francophones?
[Traduction]
[Français]
Les informations que je vous ai communiquées dans le texte ne portent que sur les programmes d'immersion. Elles ne portent pas sur les écoles de la minorité, c'est-à-dire celles qui sont considérées comme étant de langue française.
Ce sont les programmes de la minorité, autrement dit les écoles de langue française où tout se fait en français, y compris la gestion.
C'est ça. Mais je n'ai pas à aborder cette question puisque l'objectif était vraiment de se pencher sur les programmes d'immersion.
Par ailleurs, je peux vous dire que les statistiques de 2011 dont on dispose en ce moment révèlent qu'environ 148 000 élèves fréquentent des écoles de langue française. Il faut savoir que les programmes d'immersion sont offerts dans des écoles de langue anglaise alors que les programmes de la minorité sont offerts dans des écoles de langue française.
Ces données portent sur les écoles d'immersion, c'est-à-dire que ce sont des écoles de langue anglaise qui offrent des programmes d'immersion en langue française.
Vous n'avez donc pas tenu compte des programmes de la Division scolaire franco-manitobaine, la DSFM.
Or, dans leurs présentations, vos collègues ont parlé d'écoles de langue française. Ainsi, les étudiants qui fréquentent les écoles de langue française ne sont pas recensés dans vos données.
Étant donné que la réunion du comité portait essentiellement sur les programmes d'immersion, je n'ai pas présenté de données sur les écoles françaises.
Statistique Canada diffuse chaque année un document dans lequel on distingue et fournit des données sur les effectifs par province. Or, pour chacune des provinces, les données relatives aux programmes d'immersion et aux écoles de langue française sont publiées séparément.
En réponse au point que vous avez soulevé en ce qui a trait au Manitoba, je peux vous dire que 5 236 élèves de cette province étaient inscrits en 2011 au programme public dans une école de langue française. On ne parle pas ici d'un programme d'immersion, mais bien d'une école de langue française.
Si vous le voulez, nous pouvons facilement vous faire parvenir cette information. Elle est disponible sur le site Internet de Statistique Canada et fournit les statistiques des cinq dernières années.
Monsieur le président, il me semble que ces données seraient très utiles dans le contexte de nos études, parce que c'est un autre...
Madame Bateman, je tiens à mentionner que Mme Lecomte utilise tout le temps le site Internet de Statistique Canada pour documenter notre étude.
Monsieur Dionne Labelle, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
J'aborderai trois points.
Monsieur Corbeil, les modifications apportées au dernier formulaire du recensement ont-elle permis à vos services de tracer un portrait de la situation?
Toutes les communautés ont-elles été prises en compte dans le portrait démolinguistique que vous avez tracé lors du dernier recensement?
Aviez-vous toutes les données à votre disposition? Le changement de formulaire ne vous a-t-il pas privé de certaines données essentielles?
Je vous remercie de votre question.
Il faut bien s'entendre sur ce que signifie l'expression « portrait démolinguistique ». Si l'objectif est de brosser un portrait à un niveau géographique très fin, le recensement nous fournit cette information. Il recense des données portant sur l'évolution du bilinguisme, sur les effectifs et les proportions des populations de langue maternelle, de langue d'usage ou celles dont le français ou l'anglais est la première langue officielle parlée.
Les premiers résultats de l'Enquête nationale auprès des ménages, qui ont été diffusés le 8 mai dernier, fournissaient différentes données autres que des données linguistiques. En plus des données linguistiques, on diffusera le 26 juin prochain des données sur la langue de travail ainsi que sur la scolarité, l'éducation, l'industrie, la profession et le lieu de travail. Bien sûr, certains défis y sont associés sur le plan géographique et, pour de petites régions géographiques, il pourrait potentiellement y avoir certaines difficultés.
Je vais être plus clair.
Des données qu'on allait chercher historiquement, mais qu'on ne va plus chercher, pourraient-elles vous être utiles?
Encore là, tout dépend du niveau géographique.
Lors de la diffusion du 8 mai dernier, on a mentionné que les données étaient jugées de bonne qualité au niveau des provinces, au niveau national et au niveau des grandes régions métropolitaines.
Bien sûr, on a quand même largement mentionné que plus de 1 100 petites municipalités n'auraient pas cette information en raison des taux de non-réponse trop élevés ou des difficultés qui y sont associées.
D'accord, je vous remercie.
Concernant les ayants droit, je reviens à ce qu'ont dit nos amis des conseils scolaires.
Est-ce que Statistique Canada possède des données sur les ayants droit et sur ceux qui ne font pas valoir leurs droits? Est-ce que vous avez cela dans vos documents?
En 2006, dans le cadre de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle, nous sommes arrivés pour la première fois à mesurer avec précision le phénomène des parents ayants droits.
Par le passé, nous utilisions essentiellement les estimations à partir des données du recensement portant sur la langue maternelle, étant donné qu'il s'agit de l'un des trois critères importants. Toutefois, l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle nous a permis de poser des questions concernant les trois facteurs mentionnés à l'article 23 de la Charte.
Ces données, qui datent de l'automne 2006, nous permettent de savoir que 53 % des parents ayants droits à l'extérieur du Québec ont choisi d'envoyer leurs enfants dans une école de la minorité, que 15 % ont choisi d'envoyer leurs enfants dans un programme d'immersion et que les autres ont choisi d'envoyer leurs enfants dans une école de langue anglaise. Nous avons poussé l'enquête un peu plus loin et avons demandé à ces parents s'ils auraient envoyé leurs enfants dans une école de la minorité s'ils en avaient eu le choix. Or, 40 % de ces parents ont dit qu'ils l'auraient fait si cela avait été possible. Parmi les raisons invoquées...
Attendez, j'ai de la difficulté à vous suivre.
Vous dites que 47 % des parents francophones qui avaient le droit d'envoyer leurs enfants à l'école française les ont envoyés à l'école anglaise.
Et que sur ces 47 %, 43 % auraient préféré les envoyer à l'école française si cette possibilité leur avait été offerte.
D'accord.
Faisons un peu de prospective.
Nous nous revoyons dans 15 ans. Entretemps, les choses sont restées les mêmes. Les tendances actuelles sont devenues des constantes. Que nous direz-vous à propos du bilinguisme au Canada?
C'est une bonne question.
Bien sûr, on note des tendances très lourdes. Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, des défis sont associés aux changements en ce qui a trait à la composition de la population. La proportion plus importante d'immigrants qui s'orientent vers l'anglais, à l'extérieur du Québec, est un facteur qui joue à cet égard.
Cela dit, Statistique Canada dispose de modèles de microsimulation. Il serait possible de les utiliser pour voir, en fonction de tous les paramètres qui ont une influence sur l'évolution de la situation, quelle serait la situation dans 20 ou 30 ans. Cet exercice a été fait dans le cas des minorités visibles, des populations immigrantes et des populations actives.
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins de leurs présentations.
[Traduction]
Je sais que vous avez dit au début que vous n'aviez pas eu accès aux données nécessaires pour mesurer les problèmes liés à l'accessibilité, aux listes d'attente, et à certaines des choses dont nous avons entendu parler. Ce qui me frappe, c'est la corrélation apparente entre l'augmentation de 27 p. 100 dans les programmes d'immersion et la diminution de 24 p. 100 dans les programmes réguliers de français. Je sais que vous n'avez pas de données empiriques pour établir une corrélation directe entre les deux.
Cela vous amène-t-il à supposer qu'il y a un lien direct entre les deux situations et qu'une augmentation dans les programmes d'immersion dans un grand nombre de provinces est responsable de cette situation? Y a-t-il quelque chose dans la suggestion de Mme Bateman concernant l'augmentation des inscriptions dans les écoles de langue française pour les enfants de parents francophones? J'aimerais entendre vos commentaires à cet égard.
C'est une très bonne question.
Ce n'est pas facile. Il est évident que nous devons mener une enquête à ce sujet. Nous n'avons pas vraiment les données nécessaires pour appuyer cela, mais je crois que nous avons entendu souvent qu'un grand nombre de parents considèrent que l'apprentissage du français est un avantage certain et un outil formidable. Ils considèrent que la fréquentation de ces programmes d'immersion représente vraiment un avantage. Toutefois, la fréquentation d'un programme de français régulier de langue seconde pourrait présenter certains défis, ou il pourrait y avoir des problèmes de rétention.
Je ne sais pas si certains parents qui pourraient avoir envisagé d'inscrire leur enfant dans le programme régulier ont changé d'avis et les ont inscrits dans le programme d'immersion. Nous savons que les personnes qui ont fréquenté ces programmes et qui étaient inscrits dans ces programmes d'immersion ont adopté, lorsqu'ils sont devenus parents, l'attitude selon laquelle il était très important que leurs enfants et que les enfants de leur collectivité fréquentent ces programmes.
Nous pouvons le voir très clairement. Nous savons qu'il y a plus de filles qui fréquentent les programmes d'immersion ou qui y sont inscrites que de garçons. Lorsque nous examinons certains de ces sondages, nous constatons que les femmes sont beaucoup plus susceptibles que les hommes de dire qu'il est très important que leurs enfants fréquentent ces programmes. En fait, nous n'avons pas vraiment tous les renseignements nécessaires pour établir une corrélation, mais nous savons que dans l'ensemble, les personnes qui ont fréquenté les programmes d'immersion sont beaucoup plus susceptibles d'envoyer ou d'inscrire leurs propres enfants dans ces programmes.
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