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Avant de commencer, j'aimerais prendre le temps d'exprimer ma reconnaissance aux gardiens ancestraux du territoire non cédé du peuple Anishinabe. C'est un honneur et un privilège pour moi d'être ici.
Je tiens aussi à remercier les membres du Comité permanent du temps et de l'énergie qu'ils consacrent à cette étude extrêmement importante.
Comme cela a déjà été mentionné, je suis Vicki Chartrand. Je suis présentement professeure agrégée à l'Université Bishop de Sherbrooke, au Québec. Auparavant, j'étais la directrice administrative d'un foyer de transition pour femmes dans la région intérieure nord de la Colombie-Britannique. J'ai également travaillé au bureau national des sociétés Elizabeth Fry, et avant cela, j'ai travaillé au secteur bénévole du bureau de libération conditionnelle du Service correctionnel du Canada.
Vous savez peut-être qu'en 2016, le magazine Macleans a publié un article intitulé « Canada's prisons are the new residential schools », selon lequel les prisons canadiennes sont les nouveaux pensionnats. L'article s'appuie sur un très grand nombre d'études traitant de la façon dont le système de justice pénale au Canada défavorise les Autochtones, et ce, à tous les niveaux: les vérifications policières, les arrestations, le rejet des demandes de mise en liberté sous caution, le maintien en incarcération, les erreurs judiciaires dans la détermination de la peine, la disparité des peines et, bien sûr, le taux élevé d'incarcérations. De nombreuses études ont révélé que cela se produisait aussi dans d'autres régions coloniales comme les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Il est clair qu'il s'agit d'un problème systémique qui sévit dans les pays coloniaux comme le Canada. Même si une prison n'est pas un pensionnat en soi, il faut garder à l'esprit qu'elle est issue de la même logique moderne sur la mise en isolement et la réhabilitation des personnes. Je doute que ce soit par coïncidence que le système carcéral et les organismes de protection de la jeunesse ont commencé sournoisement à s'infiltrer dans la vie des Autochtones au cours des années 1950 et 1960, au moment même où on commençait à mettre un terme aux politiques d'assimilation. À dire vrai, avant les années 1960, la proportion d'Autochtones en milieu carcéral n'était que de 1 ou 2 %. Depuis les années 1960, cette proportion ne cesse d'augmenter chaque année.
Vous le savez probablement déjà, les femmes autochtones représentent 2 % de la population générale, mais entre 36 et 39 % de la population carcérale sous responsabilité fédérale. Cette réalité est ancrée dans notre passé colonial: les femmes autochtones sont plus souvent traduites en justice, puis emprisonnées pour ce qu'on appelle des « délits de survie » liés à la pauvreté, à un manque d'éducation et de possibilités d'emploi, à la toxicomanie, à des problèmes de santé mentale et à de la violence sexuelle, de la violence physique et des traumatismes dont elles ont été victimes dans le passé. Il est important que le Comité se penche dans son étude sur la façon dont le système carcéral reflète et renforce souvent la répression, la maltraitance et la violence que vivent les femmes autochtones depuis le début de la colonisation.
J'ai visité des établissements carcéraux dans tout le Canada et en Australie. J'ai aussi visité une prison au Cambodge. L'autoritarisme, le déséquilibre marqué entre les pouvoirs, la violence, la restriction imposée aux mouvements et aux activités, l'isolement, l'absence de liberté d'association et l'imposition de demandes frivoles et arbitraires sont des caractéristiques des prisons qui s'appliquent aussi énormément au colonialisme.
Les femmes autochtones se retrouvent dans les profondeurs du système carcéral, où elles continuent de subir les pratiques les plus sévères en matière de restrictions pénales. Je parle de classements au niveau de sécurité maximale, de mise en isolement, de transfèrements involontaires, de contraintes physiques, de fouilles à nu, d'isolement cellulaire, de recours à la force, de cellules nues, d'accusations d'infraction disciplinaire, de manque de soins médicaux et de taux élevés de mutilation et de suicide. Lorsqu'une personne se retrouve au plus profond du système pénal — et je ne dis pas cela pour être macabre —, elle n'en ressort généralement pas en vie.
Les femmes en établissement carcéral ont généralement des stratégies d'adaptation ou compensatoires, comme des crises de colère, la consommation de substances ou la mutilation. Ces comportements sont souvent une réaction à l'environnement carcéral et sont exacerbés par leurs antécédents de maltraitance, de violence et de traumatismes. Lorsque les femmes résistent à l'ordre établi dans les établissements ou sont incapables de s'y adapter, cela est souvent perçu comme du non-respect, une menace pour la sécurité à laquelle on doit opposer une forte répression. En conséquence, les femmes restent incarcérées encore plus longtemps.
Je vais vous donner deux exemples qui sont apparus dans les médias. Je suis sûr que vous en avez entendu parler.
Kinew James est décédée d'une crise cardiaque en établissement parce qu'on l'a ignorée une fois de trop après qu'elle a appuyé sur le bouton d'urgence de sa cellule. Au départ, Kinew James purgeait une peine de six ans pour homicide, mais sa peine a été prolongée à 15 ans en raison de la douzaine d'autres accusations qui ont été portées contre elles pendant son incarcération.
Une autre personne qui a capté l'attention médiatique était Renee Acoby. Sa peine a été prolongée de 21 ans pendant son incarcération. Elle a passé plus de la moitié de son temps en isolement avant de finalement être désignée comme délinquante dangereuse, ce qui fait, au bout du compte, qu'elle restera en prison toute sa vie. Ces exemples sont d'une très grande pertinence en ce qui concerne les femmes autochtones. Leur résistance à la domination ou à la violence font partie de leurs mécanismes de survie dans leur collectivité ou dans leur réserve, peu importe duquel il s'agit.
Depuis la Commission Brown en 1848, la répression systématique et la brutalité dans les établissements carcéraux continuent d'être un sujet d'intérêt.
Cela fait depuis les années 1960 que nous essayons de trouver des façons de réduire le taux d'incarcération des Autochtones au Canada. Nous avons essayé de renforcer l'intervention pénale, ce qui n'a manifestement pas fonctionné. Ce serait une erreur de continuer à croire que les établissements carcéraux font partie de la solution, qu'ils pourraient aider à réduire la proportion d'Autochtones en incarcération alors qu'il s'agit en réalité d'une partie intrinsèque du problème.
Il y a des solutions que j'aimerais vous exposer. Elles reflètent le travail considérable que d'autres ont déjà fait dans ce domaine.
Premièrement, les stratégies de première ligne dirigées par des Autochtones ont davantage d'effets à long terme. Il y a un projet de loi qui a été déposé, le projet de loi , qui prévoit la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je tiens à féliciter le gouvernement au pouvoir de soutenir ce projet de loi, qui s'aligne sur des recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation.
Nous devons nous assurer de respecter les droits fondamentaux des Autochtones. Je parle de normes nationales de base, comme l'accès à de l'eau potable, à l'électricité, à des emplois, à l'éducation, à des services sociaux, à des soins de santé, etc.
Deuxièmement, nous devons réduire au minimum et atténuer les impacts néfastes des établissements carcéraux, par exemple l'élimination de la mise en isolement, du moins pour les femmes. D'après ce que j'en sais, l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry a lancé un projet pilote sur l'utilisation de mesures de sécurité dynamiques pour remplacer les mesures restrictives, par exemple le recours à la force. Cela pourrait aussi être réalisé grâce à une surveillance externe et indépendante et par l'obligation faite aux personnes compétentes de rendre des comptes. Cela peut se faire par contrôle judiciaire, comme cela est décrit dans le rapport Arbour ou, dans l'intérim, par l'intermédiaire d'un comité de surveillance parlementaire, comme l'a décrit la sénatrice Kim Pate.
Finalement, nous avons besoin de stratégies de désincarcération et d'options pour que les délinquantes puissent purger leur peine dans la collectivité. La loi offre déjà différents recours: dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, les accords convenus en vertu de l'article 29 permettent aux personnes atteintes de problèmes de santé mentale de purger leur peine dans la collectivité. Les accords conclus en vertu des articles 81 et 84 permettent aux détenus autochtones et non autochtones de purger leur peine et d'obtenir une libération conditionnelle dans la collectivité.
Évidemment, la mise en oeuvre de ces solutions suppose d'y investir les ressources nécessaires. Nous devons renforcer les forces et les capacités propres aux collectivités autochtones — je pourrais vous parler de cela en détail — et faire preuve de créativité dans nos choix.
Je veux insister sur le fait que les prisons ne font pas disparaître nos problèmes; elles ne font que faire disparaître les gens.
Je vous remercie énormément de votre attention.
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Je remercie le Comité d'avoir invité l'organisation de même que Mme Chartrand de son discours éloquent sur la situation.
Comme certains d'entre vous le savent peut-être, Femmes autochtones du Québec inc. est un organisme à but non lucratif qui vise à défendre les intérêts des femmes autochtones et à améliorer leurs conditions de vie partout sur le territoire québécois, qu'elles vivent en milieu urbain ou en communauté. Nous le faisons de différentes façons, notamment par la promotion de la non-violence, d'une bonne santé considérée selon une approche holistique et d'une justice accessible et équitable.
De cette façon, nous sommes appelées à travailler non seulement auprès des femmes issues de diverses nations présentes sur le territoire du Québec, mais aussi auprès d'organisations sur le terrain et d'autres plus grandes, ainsi qu'auprès d'institutions publiques fédérales et provinciales et de représentants gouvernementaux. Notre mission est d'agir en tant que porte-voix de ces femmes auprès des institutions qui ont un effet sur leur vie dans le but de donner la parole à ces femmes qui vivent de l'injustice.
La croissance fulgurante du nombre de détenues autochtones est un enjeu majeur pour nous puisqu'il touche plusieurs femmes autochtones et inuites au Québec ainsi que leur famille et leur communauté. Les problèmes n'atteignent pas qu'une seule personne.
D'abord, il est important de comprendre dans quel contexte la judiciarisation et l'incarcération des femmes autochtones a évolué au fil du temps et que la surreprésentation des femmes autochtones dans le système de justice et le système correctionnel répond nécessairement à un cycle intergénérationnel de prise en charge et d'institutionnalisation chez les autochtones. Pour la plupart, il s'agit là d'une continuité dans une histoire de vie commune teintée de traumas et de difficultés, qui tire incidemment son origine de politiques et pratiques coloniales.
Notre première recommandation en tant qu'organisation qui émane de ce contexte est d'offrir de la formation et des activités de sensibilisation sur l'histoire et les enjeux propres aux peuples autochtones. Cela doit être offert de façon systématique, automatique et obligatoire à l'ensemble des acteurs du milieu de la justice, soit les premiers contacts, les policiers, les avocats, les agents correctionnels, les juges, les agents de programme au sein des institutions, les agents de probation et les différents intervenants dans les maisons de transition. Cela englobe non seulement les enjeux d'hier, mais aussi les enjeux d'aujourd'hui.
Nous croyons qu'en étant sensibilisés et informés quant à l'histoire et aux enjeux propres aux peuples autochtones, les différents acteurs du système qui travaillent auprès de cette population autochtone judiciarisée pourront améliorer leurs pratiques. Ils contribueront également au changement et à la modification de politiques internes affectant la vie et l'expérience des femmes autochtones au sein des établissements carcéraux.
À titre indicatif, un commentaire sur cette recommandation avait été apporté par le Bureau de l'enquêteur correctionnel dans son rapport annuel de 2016-2017. Il y était énoncé que Service correctionnel Canada, ou SCC, ne donnait pas de directives ni de formation à ses employés sur la façon dont les antécédents sociaux des autochtones doivent être pris en compte dans les décisions qui sont prises.
La deuxième recommandation vise à réduire la marginalisation des femmes autochtones dans les prisons, notamment les pénitenciers. Les femmes autochtones sont marginalisées en partie à cause de leur contexte particulier sur les plans sociohistorique et socioéconomique. Cette marginalisation se traduit trop souvent par une augmentation des facteurs de risque, qui sont établis selon les principes d'évaluation du risque. Ces facteurs de risque se manifestent sous la forme de cotes de sécurité plus élevées, par exemple moyenne ou maximale.
La marginalisation des femmes autochtones et les réalités qui leur sont propres sont considérées comme étant des risques puisque les facteurs de risque sont évalués de façon objective, indépendamment du contexte sociohistorique et socioéconomique de la personne. Les réalités qui touchent à un niveau supérieur les femmes autochtones, comme les traumas intergénérationnels, l'alcoolisme, la violence, les abus, le niveau d'éducation plus faible, la précarité ou la pauvreté, sont nécessairement liées à un niveau de risque plus élevé. Ainsi, les femmes autochtones sont davantage susceptibles d'obtenir une cote de sécurité plus élevée, comme les statistiques disponibles à cet égard le montrent bien.
Nous croyons absolument que ces étiquettes sont un frein à la guérison, à la réadaptation et à la réinsertion de ces femmes. Les pavillons de ressourcement pour les détenues autochtones prévus à l'article 81, qui n'acceptent que des femmes autochtones qui ont une cote de sécurité minimale alors qu'elles représentent une plus faible proportion, en sont un exemple très flagrant.
Les femmes autochtones qui ont des cotes de sécurité plus élevées et qui ont nécessairement des besoins plus complexes ou plus élevés n'ont pas accès à ce genre de programme. Il est contre-productif d'isoler ces femmes et de ne pas leur offrir le soutien nécessaire. Il faut soit faciliter l'accès à ce type de programme des femmes qui ont des cotes de sécurité plus élevées, soit évaluer le risque des femmes en tenant compte du contexte et des réalités particulières des femmes issues des Premières Nations ou des femmes inuites. Ces ressources sont disponibles. On peut argumenter de leur qualité, mais elles doivent être exploitées à leur plein potentiel.
La dernière recommandation consiste en la mise en place de services et de ressources culturellement sensibles et pertinents à l'extérieur des institutions carcérales. Les services et les ressources doivent être permanents et disponibles de façon régulière, ce qui n'est pas le cas, du moins au Québec.
Dans le cas où une libération conditionnelle est octroyée, les maisons de transition sont très peu adaptées pour répondre aux besoins des femmes issues des Premières Nations ou des femmes inuites. En fait, très peu de ressources financières et humaines sont allouées à ces maisons. À titre d'exemple, on pourrait parler de l'embauche d'intervenantes autochtones, mais surtout de la formation complète des intervenants, qu'ils soient autochtones ou non, sur les enjeux autochtones.
Plus encore, il est important de considérer le fait que plusieurs femmes autochtones ne...
Entre autres, nous devons avoir recours à des solutions créatives. Ce n'est pas en suivant le mandat du système correctionnel quant à l'évaluation du risque et la gestion des détenus à risque que nous allons trouver un moyen de mettre ces personnes en liberté dans la collectivité. Laissez-moi vous donner un exemple.
Le foyer de transition pour femmes auquel j'ai travaillé était un foyer de transition pour les femmes victimes de maltraitance. Il s'agissait souvent de femmes autochtones défavorisées. À dire vrai, un grand nombre de ces femmes avaient récemment obtenu leur mise en liberté d'un établissement carcéral.
Les personnes pauvres ne peuvent pas se payer un endroit convenable où vivre. Souvent, les femmes n'avaient d'autre choix que de vivre dans ce qu'on appelait des « crack shacks » — des cabanes à crack — et vous pouvez vous imaginer, vu le nom, ce que cela supposait. Bien sûr, lorsque vous travaillez aux libérations conditionnelles vous devez aller dans la collectivité pour évaluer les conditions, pour voir si les détenues vont être mises en liberté dans un environnement propice à leur réhabilitation. Mais elles n'en ont pas les moyens. Elles n'ont pas les moyens de vivre ailleurs que dans un environnement où les conditions ne sont pas favorables à leur libération conditionnelle.
Une solution créative, dans ce genre de cas, serait un foyer de transition. Nous n'avions pas de ressources, alors, pour ainsi dire, nous devions en assumer la responsabilité. S'il vous était possible de financer ce genre de ressources... Les détenues vont demeurer dans ce genre d'environnement, mais nous pourrions leur offrir un plan de secours, et si jamais il leur arrive quelque chose, elles seraient accueillies dans notre foyer — pendant une certaine période — jusqu'à ce qu'on puisse trouver une autre solution.
Nous devons trouver des solutions créatives qui émanent des collectivités, du travail sur le terrain. Laissez-moi vous donner un autre exemple.
Présentement, je travaille sur un projet lié aux femmes autochtones disparues et assassinées. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de Gladys Radek, mais elle a parcouru le Canada à cinq reprises pour sensibiliser la population et braquer les projecteurs sur ce problème. Les collectivités déploient depuis des années des efforts à ce chapitre, mais de notre côté, nous commençons tout juste.
Le système de justice pénale a fermé les yeux pendant beaucoup trop longtemps, et c'est pourquoi d'autres ont tenté d'enquêter sur les femmes autochtones disparues et assassinées. Il y a deux étés, nous avons sillonné le Canada pour discuter du travail formidable qui a été fait. Nous avons interviewé des personnes comme Bernadette Smith, la fondatrice de l'organisation Drag the Red. Je ne sais pas si vous la connaissez.
Ce que cet organisme a fait... Les services policiers ont refusé d'effectuer des recherches dans la rivière Rouge après la découverte du corps de Tina Fontaine. La police a déclaré que ce serait une perte de temps et d'argent, et c'est pourquoi Drag the Red a été lancée, pour fouiller la rivière Rouge. Les recherches se sont avérées peu fructueuses, seulement quelques dents ont été découvertes, mais cela a aussi eu une autre conséquence. En plus de reprendre l'une des fonctions des services policiers, l'organisme a aussi resserré les liens unissant la collectivité. C'est exactement le genre de choses que l'on veut voir dans les collectivités autochtones: une initiative dirigée par des gens autochtones.
J'ai encore beaucoup d'autres exemples à donner, et, bien sûr, je vais entreprendre d'autres études sur le sujet afin de pouvoir fournir d'autres exemples des capacités des collectivités.
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C'était une longue question, que je ne suis pas certaine d'avoir parfaitement comprise.
Pour ce qui est de mettre fin au cycle de la violence, je crois qu'on en revient toujours aux ressources et au soutien. De plus en plus, nous parlons aux femmes, dans nos communautés, et les incitons à briser le silence qui entoure ce cycle de violence, qui découle d'un passé de violence. La première étape consiste à en parler, et c'est ce que nous faisons de plus en plus. Or l'absence de services disponibles, que ce soit dans les communautés, à l'extérieur de ces dernières ou en milieu urbain, demeure un problème. Beaucoup de nos femmes se retrouvent à Montréal et ont accès à très peu de ressources. Je crois que le problème, au départ, repose sur le peu de ressources et de financement alloués. Il y a beaucoup d'autres difficultés et cela fait en sorte qu'on met de côté ce grand problème, qui englobe bien des choses et qu'il faut voir d'un point de vue holistique. Selon moi, c'est avant tout à cela qu'il faut s'attaquer.
On parlait plus tôt des communautés et des personnes à qui l'on pouvait s'adresser. Je pense qu'il est important de communiquer avec les communautés. Certaines d'entre elles sont tout à fait en mesure d'offrir ce genre de ressources et d'encadrement. D'autres en seraient tout à fait capables, mais, dans le cas de certains services, manquent de ressources humaines et financières. En milieu urbain, la situation est exactement la même. En outre, comme les femmes y sont très isolées, elles risquent davantage de subir certaines formes de violence. Même lorsque ces femmes en sont victimes, les policiers, notamment, peuvent faire preuve de beaucoup de discrimination à leur endroit. Par conséquent, une certaine méfiance se développe.
Pour ma part, je crois que tout tourne autour des services et des ressources auxquels les femmes autochtones peuvent accéder, qu'elles soient en communauté ou en milieu urbain.
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J'ai une amie en Colombie-Britannique avec qui j'ai parlé. Elle est Carrier-Sekani. Sa soeur est en prison pour meurtre actuellement. Je vais vous raconter l'histoire.
L'histoire commence avec leur père qui les maltraitait. Elles vivaient dans une famille où il y avait beaucoup de mauvais traitements. La mère buvait beaucoup. Elle a le cancer maintenant, alors elles risquent de perdre leur mère. Sa soeur boit aussi, et son conjoint est aussi violent envers elle. À un moment donné, on lui enlève la garde de ses deux enfants, ce qui exacerbe son alcoolisme. Une nuit, alors qu'ils sont sortis boire et peut-être prendre de la drogue, une dispute éclate. Ce qui devait arriver arriva... Elle avait un couteau de poche avec elle et elle... pardon, elle avait une connaissance avec elle, et son conjoint a été poignardé. Elle s'est fait arrêter. Elle n'a pas voulu parler à un avocat, parce qu'elle ne voulait pas avoir à penser à tout cela, à revivre cette soirée. Elle n'a donc pas pu se défendre en disant que c'était de l'autodéfense, qu'elle avait été provoquée ou quelque chose du genre. Elle va passer le reste de sa vie en prison. Le juge va la condamner à perpétuité. Tout cela s'est passé très vite, mais c'est très commun.
Ces gens pourraient vous parler des interventions policières excessives qui se font dans les collectivités autochtones, et du manque de sensibilité. Il n'y a pas de fin. Ce serait peut-être une bonne expérience pour vous d'aller passer une journée « dans la peau de », d'aller dans les collectivités ou même d'aller dans les prisons, juste pour parler aux gens et prendre conscience de ce qu'ils ont vécu. Ce serait une expérience précieuse.
J'ai essayé de visiter certains établissements carcéraux, mais on m'a refusé l'accès. Cependant, les établissements carcéraux doivent admettre les juges et les parlementaires, alors je vous encouragerais énormément à aller visiter une prison, en particulier une prison à sécurité maximale. Allez voir comment c'est; c'est intense.
Merci énormément d'avoir pris le temps d'être parmi nous aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Je crois que la plupart de mes questions vont s'adresser à vous deux. Si vous le permettez, je vais toutefois adresser ma première question à Véronique.
Vous parlez de ressources communautaires et du fait que les femmes autochtones ont besoin de pouvoir accéder à ces ressources une fois qu'elles sortent du système carcéral, afin de favoriser leur réhabilitation et qu'elles réussissent leur réinsertion sociale.
Avez-vous été témoins de cas où l'utilisation d'une obligation communautaire a bien fonctionné? Je veux dire, existe-t-il une collectivité où le gouvernement a donné de l'argent à une organisation pour mettre en oeuvre un programme pour aider ces femmes qui sortent du système carcéral et où les organismes qui lancent ces programmes — en général, ce sont des organismes sans but lucratif qui s'en occupent — devraient rendre des comptes au sujet des résultats? En d'autres mots, combien de femmes qui participent au programme finissent par être réincarcérées en comparaison des autres anciennes détenues? Cela permettrait peut-être aussi d'étudier d'autres facteurs du même coup.
Essentiellement, l'idée serait d'utiliser une obligation communautaire pour aider ces femmes à prendre un nouveau départ dans la société canadienne. Je me demande si vous avez déjà été témoin d'endroits où cela fonctionne, si vous avez des exemples à nous donner ou si vous pouviez nous dire si vous croyez que ce modèle pourrait fonctionner.
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Pour ce qui est de la Loi sur les Indiens, nous avons toujours été très catégoriques relativement à son utilité en tant qu'outil d'assimilation. De plus, les femmes souffrent davantage de discrimination.
Nous avons soumis plusieurs recommandations d'amendements, quand il y en a, et de modifications qui devraient être apportées à l'article 6, par exemple. C'est surtout cet article qui nous touche de façon particulière.
À notre avis, le débat entourant la Loi sur les Indiens est très large. Toutefois, nous avons toujours dit que la discrimination basée sur le sexe, c'est aussi de la discrimination. Nous ne tenons pas vraiment compte de fait que des femmes auraient perdu leur statut et qu'elles n'auraient donc plus accès à ce genre de services. À nos yeux, une femme qui dit être une Autochtone est une Autochtone, mais elle ne l'est pas aux yeux d'une telle loi.
Par contre, elle n'a pas nécessairement accès aux services et aux ressources de sa communauté si elle a des besoins en matière de justice, de santé, de dénonciations ou de consultations, par exemple.
Je ne sais pas dans quel sens vous demandiez quelles modifications on devrait apporter à la Loi sur les Indiens, mais...
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C'est une question importante.
Commettre des crimes peut faire partie du processus de guérison. Tout tourne autour de l'histoire. Tout à l'heure, nous avons parlé du cycle de la violence. Cela part des pensionnats autochtones et des traumatismes intergénérationnels. Nous reproduisons ce que nous avons subi. À mon avis, il va s'écouler plusieurs années avant de s'en sortir.
La première chose à faire, c'est d'en parler et de briser le silence. De plus, il faut que les institutions offrent les ressources et les services nécessaires dans les communautés pour répondre à ce bris de silence, pour répondre aux personnes qui veulent entamer ce processus de guérison. Je ne dirais pas qu'il s'agit d'un changement culturel, parce que cela ne fait pas partie de la culture, toutefois, un changement de mentalité doit avoir lieu au sein même des communautés.
C'est difficile de dire ce qu'il faudrait faire pour prévenir le crime. Je pense qu'il faut s'en tenir à la base. Par exemple, dans certaines communautés, il y a des problèmes de logement. Ainsi, plusieurs personnes sont entassées dans le même logement, parce qu'il y en a très peu. Ce genre de situation peut certainement entraîner plus de crimes. Il y a plus de personnes et ce sont des situations de précarité. Dans certaines communautés, les éléments qui sont à la base même des conditions de vie minimales nécessaires à l'épanouissement d'une population ne sont pas présents. Je pense que cela commence là. Sur le plan des ressources, il y a encore des lacunes.
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Merci. Merci au Comité de m'avoir invité à comparaître.
Je travaille en effet pour les Aboriginal Legal Services, mais j'aimerais vous dire son nom en ojibwa. Nous avons demandé un nom à l'aînée Jackie Lavalley. Nous lui avons donné du tabac et nous lui avons demandé de nous donner un nom. Le nom que nous avons reçu, c'est Gaa Kina Gwai Wabaama Debwewin, un nom que les traducteurs ne peuvent pas traduire. Il signifie en fait: « tous ceux qui recherchent la vérité ».
Ce nom ne signifie donc pas, évidemment que nous possédons la vérité; il signifie que, dans tous les aspects de notre travail, nous nous efforçons d'aider les gens à découvrir la vérité. Il s'agit parfois des personnes avec qui nous travaillons, d'autres fois, des tribunaux devant lesquels nous comparaissons, et j'espère que les exposés que nous allons vous présenter aujourd'hui et les discussions qui s'ensuivront vous aideront dans votre quête.
J'aimerais présenter trois points. Le premier point dont je veux parler concerne le rôle du Parlement au moment de trouver une solution à la surreprésentation des femmes autochtones au sein de la population carcérale.
Avant de penser à ce que font la Commission des libérations conditionnelles ou le SCC, nous devons penser au fait qu'il existe encore des sentences minimales obligatoires qui empêchent les juges d'infliger aux femmes autochtones les peines qu'ils voudraient leur infliger. Certaines dispositions empêchent encore les juges de recourir à des peines avec sursis, lesquelles évitent l'incarcération aux femmes.
Nous sommes en plein milieu d'une contestation de la Charte liée au cas d'une femme autochtone accusée d'avoir importé de la drogue au Canada. Elle fait face à une sentence minimale de deux ans. Malheureusement, bien que le gouvernement actuel ait promis de modifier le Code criminel, aucun changement n'a encore été apporté. Sans notre intervention et l'intervention de son avocat, cette dame purgerait actuellement une peine de ressort fédéral. Le Parlement peut prendre des mesures immédiates. C'est ce que nous recommandons, car il est grand temps de le faire.
Il n'y a pas seulement les peines minimales obligatoires. Il y a aussi les restrictions qui accompagnent les peines avec sursis. Une étude réalisée par Ryan Newell fait l'objet d'un article intitulé « Making Matters Worse ». L'article a paru dans le Osgoode Hall Law Journal. Je peux vous envoyer les renseignements relatifs à ce site.
L'auteur fait état de la recherche effectuée par une universitaire qui s'intéressait à la façon dont les tribunaux s'appuyaient sur les arrêts Gladue et Ipeelee au moment de déterminer la peine à infliger aux femmes autochtones. L'universitaire a relevé 31 cas de femmes autochtones qui avaient reçu une peine avec sursis. Après l'adoption de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, en 2012, 29 des femmes de ce groupe n'auraient pas eu droit à une peine avec sursis, ce qui veut dire qu'elles auraient probablement toutes abouti en prison.
La première chose que nous implorons votre comité de recommander ou encore de faire, c'est d'amener le gouvernement actuel à adopter la loi qu'il avait promis d'adopter pour redonner aux juges leur pouvoir discrétionnaire de façon qu'ils puissent déterminer une peine sans avoir à se charger du fardeau des peines minimales obligatoires et des restrictions relatives aux peines avec sursis.
Mon deuxième point a trait aux programmes destinés aux femmes autochtones. Je sais que vous avez entendu des témoins du Service correctionnel du Canada et qu'ils ont parlé du programme des Sentiers autochtones en disant que des aînées étaient disponibles pour aider les femmes autochtones désirant utiliser ce service.
Ce sont de bonnes initiatives, mais le problème des initiatives du SCC, c'est qu'elles ne sont offertes qu'aux délinquantes autochtones prêtes à participer aux programmes traditionnels. Certaines des délinquantes autochtones emprisonnées ne sont pas intéressées par les programmes traditionnels. Certaines délinquantes autochtones qui respectent la tradition ne veulent pas participer au programme offert dans leur établissement parce que les aînées de leur établissement ne respectent pas leurs pratiques traditionnelles. C'est comme si ces femmes n'étaient pas des Autochtones, puisqu'aucun service ne leur est offert.
Il faut que des programmes soient élaborés en fonction du besoin de toutes les femmes autochtones, non pas seulement les femmes autochtones qui correspondent au stéréotype entretenu par le SCC sur ce que doivent être les femmes autochtones.
Nous offrons notre appui à une initiative de Toronto qui s'appelle « Thunder Woman Healing Lodge »; et il s'agit d'un pavillon de ressourcement. Son objectif, c'est de réunir dans un même pavillon de ressourcement pour femmes autochtones de Toronto les délinquantes visées par les articles 81 et 84, puisqu'il n'existe aucune autre option de ce type, en Ontario. Le programme sera offert à toutes les délinquantes autochtones et saura répondre à tous leurs besoins. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire à une Autochtone qu'elle aura droit à un service parce qu'elle correspond à l'idée que l'on se fait d'une femme autochtone et que d'autres n'y auront pas droit parce qu'elles n'y correspondent pas.
La troisième chose que je voulais dire a trait à la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Je sais que vous avez reçu des témoins de la Commission des libérations conditionnelles du Canada et qu'ils vous ont parlé des audiences de libération conditionnelle qui se déroulaient avec le soutien des aînés. C'est bien beau d'offrir le soutien des aînés pendant une audience de libération conditionnelle au sens où le déroulement de cette audience sera peut-être mieux adapté à la culture, mais cela ne règle pas le problème touchant l'information qu'ont en main les commissaires à propos de la délinquante qui comparaît devant eux. Le problème auquel nous sommes aujourd'hui confrontés, c'est que lorsqu'une délinquante autochtone demande une libération conditionnelle, la Commission des libérations conditionnelles n'a accès qu'à l'information recueillie essentiellement par le SCC et par le personnel du SCC, et c'est la seule information qui existe à leur sujet.
La Commission des libérations conditionnelles et le SCC ne se sont pas attaqués adéquatement, entre autres, au problème touchant la manière de présenter des rapports Gladue. Notre organisme présente ces rapports depuis au moins 2001. Comment pouvons-nous communiquer cette information à la Commission des libérations conditionnelles de façon que cette dernière ait accès à une autre source d'information, à un autre point de vue sur la situation des délinquantes autochtones qui comparaissent devant elle?
C'était ma déclaration préliminaire. Merci.
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Bonjour. Je remercie moi aussi le Comité de nous avoir invités à venir témoigner ici aujourd'hui. J'aimerais dire pour commencer que rien ne devait être fait sans nous. C'est une de mes expressions favorites, étant donné que les Métis sont souvent laissés pour compte.
Plusieurs exposés ont déjà été présentés, et l'un de mes préférés porte sur l'exposition Un peuple dans l'ombre, où vous avez pu voir les illustrations et toutes sortes d'images de la nation métisse, qui existe depuis maintenant des décennies; personne ne veut vraiment parler de notre situation, et nous ne figurons jamais à l'ordre du jour, nous ne sommes jamais invités à la table, jamais. C'est pourquoi j'apprécie le fait que vous ayez décidé de nous inviter à participer.
J'aimerais en apprendre davantage, par exemple sur ce que votre comité et d'autres envisagez de faire au sujet des femmes autochtones incarcérées. Il y aura beaucoup à dire pendant les discussions quant aux enjeux qui les affectent et qui les touchent, mais je vais parler uniquement des enjeux qui concernent les Métis.
Vous devez savoir qui nous sommes et d'où nous venons pour comprendre qu'une bonne partie des programmes et des activités offerts en milieu correctionnel et par d'autres moyens nous mettent souvent de côté. Nous voulons nous assurer que, dans le cadre de ce genre de travail, quand les gens élaborent des processus pour aller de l'avant avec des politiques et une mobilisation, les Métis ne sont pas vus comme un groupe autochtone. Nous sommes tous distincts et différents les uns des autres, et il faut faire place aux Métis. Un de vos précédents témoins disait justement que ça ne convient pas à tout le monde. Nous devons nous assurer de donner aux femmes métisses l'occasion de participer lorsqu'il est question de trouver des solutions au problème de leur incarcération.
J'aimerais vous parler entre autres des rapports Gladue et des membres de notre nation qui ont des démêlés avec les systèmes de justice. Nous savons à quel point c'est lourd pour ces personnes. Et dans de nombreux cas, aucun rapport Gladue n'est présenté à leur sujet.
Le système d'aide juridique est surchargé étant donné le type de clients auquel il a affaire. Les avocats considèrent qu'un rapport Gladue est un fardeau de plus pour leurs clients, et ils vont même jusqu'à décourager les gens qui doivent comparaître devant le tribunal d'en demander un rapport. Ils leur disent que cela ne fera que prolonger la durée de leur incarcération dans l'un des divers établissements de détention provisoire.
L'objectif même des rapports Gladue, c'est d'exposer les facteurs qui font que les personnes visées ont abouti là où elles ont abouti. Il sert non pas à présenter des excuses, mais plutôt à amener les établissements correctionnels à trouver une issue et à sortir les délinquantes de ce pétrin pour qu'elles ne deviennent pas des récidivistes ou encore, si ce sont des récidivistes, à chercher des lieux où elles pourront avoir accès à d'autres solutions et, ainsi, sortir du système.
Assez souvent, pour un grand nombre de nos clientes, le chemin aboutit à un établissement correctionnel parce qu'il n'y a pas dans la collectivité de soutien pour les personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Elles s'y retrouvent parce qu'elles ont des problèmes de toxicomanie.
La toxicomanie est un problème de santé. Le système correctionnel ne sera jamais une solution pour ceux qui ont un problème de toxicomanie ou de santé mentale. On ne trouve ni programme ni soutien, dans les établissements correctionnels, qui pourraient constituer une solution, et c'est pourquoi nous devons trouver une autre façon d'intervenir auprès des femmes autochtones de notre nation qui se retrouvent dans ces systèmes.
Les rapports Gladue sont très importants s'ils sont établis de la façon prévue. Comme la Cour suprême l'a souligné, les rapports Gladue doivent soumettre aux juges des suggestions quant aux programmes dont la personne en question a besoin, lorsqu'elle se retrouvera en établissement. Il peut s'agir d'un programme de justice réparatrice autant que d'un programme de justice corrective. Je crois qu'il est important pour nous, les femmes autochtones et les femmes métisses, de nous assurer dès aujourd'hui que ces facteurs sont pris en considération.
Je sais qu'il faut régler certaines choses dans les établissements correctionnels et les tribunaux étant donné tout le temps qu'il faut pour que les choses se passent. De nos jours, les accusées sont de plus en plus nombreuses à plaider coupables avant même de recevoir leur verdict, parce que c'est plus facile pour elles de retourner à la maison auprès de leurs enfants que de se concentrer sur la préparation de leur défense.
Parfois, les femmes, et en particulier les jeunes femmes, qui se retrouvent dans ces établissements font l'expérience d'un système qui va changer leur vie et qui les traumatisera. J'encourage vivement le Comité à commencer à s'intéresser aux enjeux auxquels les femmes métisses font face.
Il ne s'est pas fait beaucoup de recherches sur les femmes métisses en tant que telles, je tenais à le dire. La plupart des recherches, des travaux, des informations que nous avons pu consulter, en particulier en vue de notre comparution d'aujourd'hui, reflètent davantage une approche pan-autochtone, et cette approche n'est pas efficace dans notre cas. Elle ne tient pas compte de notre identité. Elle n'aide pas les femmes avec qui nous essayons de travailler à régler les problèmes auxquels elles sont confrontées entre les murs de ces établissements.
Nous aimerions savoir de quelle façon les programmes sont évalués. Nous avons lu les documents d'information qui nous ont été communiqués en vue de notre comparution. Certains programmes... j'imagine que si j'avais à élaborer des programmes, j'aimerais qu'ils soient mis en valeur. Qui examine ces programmes? Qui s'assure de leur efficacité?
Comme je l'ai déjà dit, nous devons permettre aux femmes autochtones de participer à ces travaux, si nous voulons être certains qu'elles en tireront des avantages.
Merci.
Je remercie les membres du Comité de mener cette très importante étude et de m'avoir invitée à y participer.
Mes recommandations s'arriment sur deux grands points: la fragilité des programmes et services destinés aux Autochtones offerts dans les établissements correctionnels pour femmes et les besoins en soutien et services destinés aux femmes autochtones à l'extérieur des prisons.
L'intention du SCC de fournir des services appropriés aux délinquantes autochtones est fragile, parce que ces services sont conçus pour s'insérer dans le cadre existant, un cadre qui reflète les approches occidentales en matière de réinsertion sociale. Même si le SCC a apporté de nombreux changements pour soutenir les femmes autochtones, ces dernières sont déjà devenues, ou risquent de devenir, comme elles le disent elles-mêmes, blanchies.
Par exemple, pendant que j'effectuais ma recherche à l'établissement Grand Valley, j'ai été témoin des relations et des liens très étroits qui unissent les femmes et leur conseillère spirituelle. Les détenues l'appelaient leur « grand-mère ». Juste avant la fin de ma recherche, cette conseillère spirituelle m'a dit être préoccupée, parce que le SCC lui avait demandé de rédiger des évaluations des détenues. À ce moment-là, il s'agissait d'une simple demande, non pas d'une obligation, mais le processus a été un peu plus légitimé en 2016 et présenté comme un aspect essentiel des interventions efficaces et adaptées à la culture offertes aux Autochtones.
Une grand-mère ne prend pas de notes, et elle ne rapporte pas ce que vous dites et faites aux autorités. Comme les femmes m'ont dit: « Grand-mère nous aime et prend soin de nous »; et c'est ce qui faisait la différence, à leurs yeux. J'ai eu l'occasion de revoir à deux ou trois occasions, depuis cette étude, quelques-unes des femmes que j'avais rencontrées à l'Établissement Grand Valley, et elles m'ont dit que ce n'était plus comme avant. Oui, il y a davantage de conseillères spirituelles aujourd'hui, et il y a aussi plus de programmes, mais les relations ont perdu en qualité. C'est pourquoi je recommande au SCC de se demander comment il pourrait changer ses politiques ou prévoir des exceptions à ces politiques pour les adapter à la culture et au mode de vie des Autochtones.
Par exemple, je recommanderais de suivre des principes similaires aux principes énoncés dans l'arrêt Gladue au moment de déterminer la cote de sécurité des délinquantes. À l'heure actuelle, de nombreuses délinquantes autochtones n'ont pas accès aux soutiens et services existants, parce qu'elles ont été classées aux niveaux de sécurité moyenne et maximale. Si l'on avait tenu compte des antécédents des femmes, de leur colonisation et des traumatismes qu'elles ont vécus, lorsque l'on a établi leur cote de sécurité, elles seraient plus nombreuses à avoir accès aux différents programmes et services, par exemple les pavillons de ressourcement.
Ma deuxième recommandation serait de verser un financement égal aux pavillons de ressourcement gérés par les collectivités — ils reçoivent actuellement 60 ¢ pour chaque dollar reçu par les pavillons de ressourcement gérés par le SCC — et aussi de créer de nouveaux pavillons de ressourcement en milieu urbain. Je vous renvoie au rapport annuel de l'enquêteur correctionnel, où vous trouverez une justification de cette recommandation, et en particulier à la partie qui porte sur l'article 81.
Ma troisième recommandation serait de créer les possibilités de guérison intergénérationnelle. Les traumatismes liés à la colonisation et les chemins menant à l'incarcération sont pour de nombreuses femmes autochtones un héritage qui remonte à plusieurs générations. Même si les enfants sont autorisés à rester dans les prisons fédérales — les enfants de quatre ans et moins peuvent y vivre à temps plein, et ceux de 6 ans et moins peuvent y vivre à temps partiel —, je crois qu'il serait logique de permettre non seulement aux femmes de guérir, mais de le permettre aux générations qui les précèdent et à ceux qui les suivent.
Ma quatrième recommandation concerne la formation et l'éducation du personnel du SCC et des organismes communautaires ordinaires, qui joueront ou jouent déjà un rôle dans les mesures de soutien offertes aux femmes autochtones. Comme nous le savons déjà, le Canadien moyen n'est pas suffisamment renseigné au sujet des cultures autochtones et de la colonisation des peuples autochtones. Un bon point de départ serait l'exercice des couvertures, organisé par Kairos. La GRC s'en est déjà servie, de même que le Service de police de Montréal, et les deux organismes estiment que c'est jusqu'ici une expérience positive.
Ma dernière recommandation, qui me ramène à mon premier point, serait de travailler en partenariat avec des organisations autochtones et de leur demander d'offrir des programmes et services destinés aux femmes. Cela nous permettrait peut-être de dépasser l'approche pan-autochtone sur laquelle certains témoins ont déjà attiré votre attention.
Cette recommandation est aussi conforme à mon second point: le besoin d'offrir des soutiens et des services aux femmes autochtones à l'extérieur des prisons.
Le fait est que, même si les soutiens et programmes destinés aux Autochtones offerts dans les prisons fédérales ont besoin d'être améliorés, ils restent meilleurs que ce à quoi de nombreuses femmes autochtones ont accès dans la collectivité. J'ai entendu de nombreuses anecdotes touchant des femmes qui manquent aux conditions de leur libération conditionnelle ou récidivent dans le but de retourner en prison. « C'est bon de revenir chez soi, dans sa famille », disent-elles en parlant de leurs soeurs, membres de la sororité autochtone, « juste à temps pour Noël. »
C'est qu'il faut savoir que certaines femmes voient leur culture présentée sous un jour favorable pour la première fois, lorsqu'elles se retrouvent en prison, et que, une fois remises en liberté, elles ne savent pas où trouver un appui pour continuer à vivre cette expérience. Les lacunes des soutiens et services offerts aux femmes remises en liberté sont déjà connues. Mais elles sont pires dans le cas des femmes autochtones.
Mes recommandations comprennent la création de maisons de transition, ou du moins d'unités dans les maisons de transition existantes, où seraient offerts des services et programmes adaptés à la culture et destinés aux femmes autochtones. Je répète que cela doit se faire en collaboration avec les organisations autochtones qui existent déjà. Je crois que les programmes destinés aux détenues autochtones devraient comprendre un service de liaison avec la collectivité qui assurerait en quelque sorte une continuité pour les femmes remises en liberté.
Je vous renvoie ici à un programme hébergé par l'association Community Justice Initiatives, appelé « Stride », qui est offert à l'Établissement Grand Valley. Il convient de souligner que les femmes autochtones ne sont pas très nombreuses à participer à ce programme, mais ce programme cherche des façons de communiquer et collaborer avec des organisations autochtones ou avec des membres des collectivités autochtones afin de pouvoir joindre les femmes autochtones.
C'est un problème courant de nombreux organismes ordinaires. Je sais que les intervenants de la Société Elizabeth Fry eux aussi cherchent partout les moyens d'aider et de soutenir les femmes autochtones. L'étude que mène votre comité constitue un pas important dans la bonne direction, parce qu'elle ouvre la voie à la collaboration et, au bout du compte, favorise la création d'un réseau de soutien des femmes autochtones plus solide.
La surreprésentation des femmes autochtones n'est pas la responsabilité du seul SCC; c'est notre responsabilité à tous.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les trois témoins.
De nouveau, si on parle des peines minimales obligatoires, voici un scénario que j'ai entendu: le fait d'enlever aux juges la capacité d'utiliser le pouvoir discrétionnaire dans la détermination d'une peine a été un réel problème, et il est très décevant que le gouvernement n'ait en réalité pas corrigé cette politique du gouvernement précédent. Voici comment on m'a décrit la chose.
Une femme — dans le cas présent, une femme autochtone — se retrouve de façon accidentelle à être complice d'un crime. Son petit ami utilise sa voiture pour s'enfuir, et l'adresse sur l'immatriculation est celle de sa maison. Il pourrait s'agir de quelque chose d'aussi éloigné. Elle n'a pas un très bon accès au système de justice, les moyens de se défendre ni une bonne représentation. De toute façon, dans le passé, le juge aurait pu dire: « Je vois que vous êtes ici dans une impasse. Je vais vous autoriser à purger votre peine en prison les fins de semaine, moment où vous pouvez demander à une grand-mère ou à quelqu'un de s'occuper des enfants. » Si la règle absolue est que vous devez purger votre peine à partir du jour un et la terminer à la troisième année ou peu importe, cette femme peut perdre ses enfants, et ces enfants peuvent être mis dans un foyer d'accueil ou être séparés de leur famille, puis surgissent les traumatismes intergénérationnels que Mme Yuen a décrits.
Le crime pourrait-il être si simple et si petit, mais ensuite avoir des dommages collatéraux, lorsque les peines minimales obligatoires sont le cadre en fonction duquel les femmes sont condamnées?