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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 028 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 24 octobre 2016

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Bienvenue.
    Une fois de plus aujourd’hui, d’excellents témoins vont prendre la parole dans le cadre de notre étude sur la violence envers les jeunes femmes et filles.
    Dans un premier temps, nous allons entendre Farrah Khan, qui occupe le poste de coordonnatrice du soutien et de la sensibilisation en matière de violence sexuelle à l’Université Ryerson. Elle est accompagnée de Hannah Kurchik, qui est une avocate-étudiante faisant partie du Healing Justice Advisory Committee.
    Nous sommes également heureux d’accueillir Kenya Rogers, qui occupe le poste d’analyse des politiques à la University of Victoria Student’s Society. Elle est accompagnée de Paloma Ponti, qui est responsable de bénévoles. Elles participent toutes deux au Anti-Violence Project.
    Farrah et Hannah vont maintenant prendre la parole pendant dix minutes.
    Allez-y, Farrah.
    Bon après-midi à tous. Nous sommes vraiment ravies d’être ici. Nous sommes heureuses d’avoir été invitées par l’honorable Comité permanent de la condition féminine.
    Nous sommes enthousiastes à l’idée de discuter de la violence sexuelle perpétrée sur les campus. Hannah ainsi que moi-même travaillons sur ce dossier. Pour ma part, je m’y consacre depuis 16 ans. De son côté, Hannah vient tout juste de s’engager dans la cause. Je suis très heureuse qu’elle soit ici avec nous.
    À tous les jours au Canada, des personnes sont victimes d’agressions sexuelles, y compris des transgenres, des personnes ayant des identités sexuelles non binaires, des femmes de couleur, des femmes handicapées et des allosexuels. Trop souvent, les questions liées à la violence sexuelle ne sont pas perçues comme étant importantes ou ne sont pas considérées comme des problèmes, bien qu’elles en soient. À de trop nombreuses occasions, des personnes survivantes se trouvant sur nos campus nous disent que c’est le prix à payer lorsque l’on est une femme. Elles nous disent qu'elles se font harceler sexuellement en direction ou en provenance de leurs cours, qu'elles ont l’impression qu’elles ne peuvent rien dire ou que lorsqu'elles parlent, les établissements et les institutions censés les soutenir les rejettent ou les blâment.
    Le fait que nous nous trouvions sur un territoire algonquin non cédé nous rappelle que les Autochtones subissent les conséquences néfastes de la violence sexuelle. On ne peut parler du dossier de la violence sexuelle perpétrée sur les campus sans traiter de la violence sexuelle subie par les Autochtones. Nous devons également nous pencher sur les liens existant entre la notion de consentement sur le plan des territoires et la notion de consentement sur le plan corporel. Nous voudrions vraiment que le Comité examine les discussions du Native Youth Sexual Health Network à ce sujet.
    Trop souvent, les actes de violence sexuelle perpétrés sur les campus sont considérés comme des événements isolés. On estime que les victimes n’ont subi qu’une agression dans leur vie. Toutefois, les personnes survivantes que nous côtoyons chaque jour ont subi des violences sexuelles à de multiples reprises. Elles se font harceler sexuellement lorsqu’elles se rendent au travail. Elles ont été agressées sexuellement alors qu’elles étaient des enfants. Elles arrivent sur le campus en ayant déjà connu la violence sexuelle sous diverses formes. Pourtant, nous faisons comme si la violence sexuelle n’était perpétrée que sur des personnes majeures. Il faut vraiment que nous remettions en question cette manière de penser.
    En considérant la violence sexuelle comme un événement isolé, nous poussons les personnes survivantes ayant subi des violences sexuelles à de multiples reprises au cours de leur vie à croire qu’elles doivent avoir honte ou être blâmées, et nous savons que ce n’est pas le cas. Les personnes survivantes allant chercher du soutien croient souvent qu’elles ne peuvent pas accéder aux services en raison du fait qu’elles ne cadrent pas avec la définition très étroite de ce qu’est une victime. À maintes reprises, des personnes survivantes m’ont dit qu’elles croyaient qu’elles ne pouvaient pas raconter leur histoire à la police pour de multiples raisons, y compris des dettes d’étude. Les étudiantes ont l’impression qu’elles ne possèdent pas l’argent nécessaire pour foncer et faire une déclaration et un rapport. Elles croient que leurs moyens financiers ne le leur permettent pas.
    En tant que membres du personnel, nous remarquons la naissance d’une énorme prise de conscience face à ce problème. C’est particulièrement le cas en Ontario, où la première ministre Wynne a élaboré le plan « Ce n’est jamais acceptable ». C’est une initiative qui nous rend très heureux. Elle a permis de sensibiliser davantage les étudiants de nos campus à cette question; cependant, aucune hausse n’a été observée en ce qui a trait à la prestation de services. Si nous souhaitons élaborer un plan de sensibilisation, il faut que davantage de services soient offerts. En tant que personne travaillant depuis longtemps sur le dossier de la violence envers les femmes, je vous incite fortement à vous pencher sur ce problème énorme.
    On dit également beaucoup trop souvent aux personnes survivantes qu’elles ne disposent que d’une option pour faire une déclaration, soit aller voir les policiers. Nous savons que moins de 10 % des personnes se faisant agresser sexuellement en informent les policiers. Nous devons arrêter de fétichiser la méthode consistant à signaler une agression aux forces de l’ordre afin que nous puissions parler des différentes manières par le biais desquelles les personnes survivantes peuvent engager des procédures judiciaires.
    Voici l’une des questions que je pose à toutes les personnes survivantes: « Pouvez-vous me décrire votre expérience de la justice? » Nous avons demandé à Hannah de venir s’entretenir avec nous afin qu’elle nous parle de son expérience de la justice lorsqu’elle a été agressée sexuellement.
    Bonjour, honorables membres du Comité permanent de la condition féminine.
    Je m’appelle Hannah Kurchik. Je suis une étudiante de troisième année au baccalauréat en travail social à l’Université Ryerson. Je suis une femme blanche cisgenre. Je suis ici pour vous parler de l’expérience que j’ai vécue lorsque j’ai signalé mon agression sexuelle. Je veux vous raconter mon histoire afin de vous démontrer que les répercussions de la violence sexuelle ne découlent pas seulement des agressions en elles-mêmes, mais également du système judiciaire actuel qui ne répond pas aux besoins des personnes survivantes sur certains points.
    J’avais 18 ans lorsque j’ai été agressée sexuellement. Cela s’est produit au cours des huit premières semaines de cours. C’est un autre étudiant, qui faisait partie de mon groupe d'amis, qui m’a agressée. Sur les campus, 80 % des agressions impliquent une personne connue par la victime. Les deux tiers de ces mêmes agressions sont perpétrés dans les huit premières semaines de cours.
    J’ai décidé de signaler cette agression à la police, car je croyais que le système judiciaire était là pour me soutenir. Au départ, l'enquêteur responsable de mon dossier m’a démontré beaucoup de sollicitude et d’appui. Je me sentais écoutée. Il m'a assuré que justice serait rendue. Les choses ont changé peu de temps à la suite d'une rencontre avec un avocat de la Couronne et le même enquêteur. Celle-ci ne ressemblait en rien à la première rencontre à laquelle j’avais pris part. L'enquêteur, qui me soutenait au départ, a déclaré: « J’ai rencontré beaucoup de sales types au cours de ma vie, et je peux affirmer que ton agresseur n’en est pas un. » Soudainement, c’était comme si la personne qui m’avait fait du mal avait besoin de plus de protection que moi. L'enquêteur a observé que mon agresseur pleurait lorsqu’il est venu le rencontrer avec son père.
    On m’a dit que je serais considérée comme une menteuse si jamais mon agresseur était acquitté, et que ce détail se trouverait dans mon dossier si jamais je signalais une autre agression. En plus de m’intimider grandement, et de me faire douter du bien-fondé de la poursuite des procédures, cette déclaration a suscité en moi le sentiment de ne pas être en sécurité. J’avais l’impression que personne ne me protégerait dorénavant, et que si mon agresseur était acquitté, je n’aurais certainement droit à aucune protection si je me faisais agresser de nouveau.
    L’offre d’une formation continue sur la violence sexospécifique tenant compte des traumatismes permettrait de savoir que toute personne qui écoute le témoignage d’une victime d’actes de violence sexuelle, qu’elle soit un agent de police ou un agent de l’Agence de services frontaliers du Canada, ne devrait pas être autorisée à formuler des commentaires subjectifs sur l’agresseur afin de ne pas bouleverser la personne survivante ou de ne pas influencer les décisions qu’elle pourrait prendre.
    On m’a dit qu’on communiquerait avec moi pour me faire part de l’issue des procédures concernant mon agresseur. Les mois ont passé, et je n’ai eu aucune nouvelle à ce sujet. J’ai essayé d’appeler l'enquêteur responsable de mon dossier à de nombreuses occasions, sans succès. Lorsqu’il a finalement retourné l’un de mes appels, il m’a informé que l’avocat de la Couronne avait abandonné mon dossier plusieurs mois auparavant, et que l’ordonnance d’interdiction de non-communication n’était plus en vigueur. Plusieurs mois après l'abandon sans préavis de l'affaire, j’ai communiqué avec la préposée fournissant une aide aux victimes et aux témoins qui avait été affectée à mon dossier. Elle m’a dit qu’elle m’avait laissé un message téléphonique à ce sujet. Cependant, elle n’avait aucune trace écrite de cet appel.
    Le système judiciaire, qui, selon les dires, était là pour me protéger, m’a encore fait plus de tort. On ne m’a pas fait part de mes droits, on ne m’a pas orientée, et on ne m’a même pas informée des décisions ayant été prises par rapport à mon dossier. Les personnes survivantes doivent être informées des processus, des résultats potentiels et des options s’offrant aux victimes souhaitant signaler une agression sexuelle afin d’assurer leur sécurité et de veiller à la prise de décisions éclairées. La présence d’un avocat lors de toutes les rencontres m’aurait été extrêmement utile, car je ne savais pas du tout ce que je faisais.
    Lorsque j’ai signalé mon agression à l’université, le service de sécurité a modifié quelques-uns des cours de mon agresseur qui se donnaient à proximité des miens en raison de ses conditions de remise en liberté. Au moment où j’ai tenté d’accéder à des services de counselling ou de soutien, on m’a informée qu’il y avait une liste d’attente de six semaines pour les services de counselling, et que je rencontrerais le même conseiller que l’un de mes amis avait rencontré dans un but complètement différent.
    Lors d’échanges avec mes pairs, j’ai découvert qu’il n’y avait également pas de ressources s’adressant précisément aux personnes survivantes de groupes racialisés ou aux personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, transexuelles, bispirituelles, intersexuelles et allosexuelles.
    Pendant que je tentais de m’orienter dans le système judiciaire et que je continuais à fréquenter le même établissement que mon agresseur, j’avais besoin de l'aide du campus. L'absence de ressources à cet endroit m'a longtemps donné l'impression que je n'y étais pas en sécurité. Il est essentiel de faire connaître les services offerts sur le campus par le biais de divers supports, et il est primordial que ces mêmes services soient conçus de façon à pouvoir répondre aux besoins des personnes ayant été victimes d’actes de violence sexuelle.
    Comme j’étudie en travail social, il est arrivé à quelques reprises qu’on traite de violence sexuelle dans mes cours. J’étais mal à l’aise et bouleversée lorsque le professeur et les étudiants faisaient des commentaires à propos des victimes qui mentent. Il est important d’offrir des cours dans le cadre desquels on tient compte des potentiels traumatismes des participants, non seulement dans le programme de travail social, mais également dans tous les programmes d'études. En effet, les personnes survivantes se trouvent dans tous les programmes et dans tous les cadres d’enseignement. Pour ce faire, les professeurs pourraient prendre part à une formation leur fournissant plus d’information sur la terminologie et les micro-agressions associées à l’humiliation des personnes survivantes.
    Depuis ma première expérience avec les services offerts sur le campus, l’Université Ryerson a embauché Farrah Khan, qui a joué un rôle déterminant dans ma guérison. Tous les établissements universitaires devraient compter parmi leurs employés une personne telle que Farrah Khan, ainsi qu’une équipe effectuant le même travail qu'elle.
    Le 24 mars 2016, j’ai décidé de raconter mon histoire dans une vidéo du Globe and Mail . J’y ai parlé de l’expérience que j’ai vécue lorsque j’ai signalé mon agression. Il était important pour moi de faire savoir que la trahison institutionnelle dont j’avais été victime n’est pas un cas isolé.
(1535)
    Mon expérience ne découle pas d'une erreur ou d'un accident. Elle illustre des problèmes systémiques qui ont des répercussions permanentes sur la vie des personnes survivantes. Ma vidéo est devenue virale et a été visionnée plus de cinq millions de fois, ce qui démontre que mon histoire a trouvé un écho auprès d’un nombre trop important de personnes survivantes.
    Je ne suis pas la première victime ayant dû composer avec l’incapacité complète du soi-disant système judiciaire et des établissements universitaires à prendre les victimes d’actes de violence sexuelle en charge. Si on n’apporte pas de modifications radicales aux processus, je ne serai sûrement pas la dernière personne survivante à vivre cette expérience.
    Je vais maintenant vous présenter les changements que nous aimerions voir adopter. Je vais faire très vite, car il y en a beaucoup. Nous souhaiterions voir la mise en place d’une approche multidimensionnelle en matière de droits de la personne qui reconnaît l’unicité des personnes survivantes et l’inefficacité des modèles uniformes. Nous aimerions entre autres qu’on reconnaisse que les collectivités rurales et du Nord du Canada doivent faire face à des défis uniques, et que même si les transgenres et les personnes ayant des identités sexuelles non binaires sont confrontés à un niveau élevé de violence sexuelle, ceux-ci doivent toujours composer avec la conception binaire du genre lorsqu’ils se présentent à l’hôpital, car les trousses médico-légales pour les victimes d’agressions sexuelles ont été conçues pour des corps masculins et féminins.
    Sur le plan de l’accès à la justice, nous aimerions que la mesure adoptée en Ontario permettant aux personnes survivantes d’actes de violence sexuelle de bénéficier de quatre heures gratuites de services juridiques soit mise en oeuvre à l’échelle du Canada. Nous voulons également veiller à ce que les programmes pour les personnes survivantes offerts par le système de justice criminelle, qui, selon moi, n’est pas un système de justice, ne servent pas de modèles lors du traitement de cas de violence sexuelle sur les campus, en raison de leur inefficacité.
    Nous souhaitons également l’adoption d’une politique d’accès sans crainte afin que les personnes victimes de violence au statut précaire ne soient pas pénalisées et qu’on puisse assurer leur sécurité.
    Nous voulons que des programmes soient mis en oeuvre. Si vous envisagez de créer un programme visant à mieux faire connaître la violence sexuelle, veillez à ce qu’il s’attarde également à la responsabilité des agresseurs. Il ne suffit pas d’informer les gens de l’existence de la violence sexuelle, il faut également qu’ils assument la responsabilité des actes de violence sexuelle qu’ils perpètrent.
(1540)
    Je suis désolée, le temps qui vous était alloué est terminé.
    La parole va à présent à Kenya Rogers. Vous avez 10 minutes.
    Merci, mesdames et messieurs, de nous permettre de nous exprimer ici aujourd'hui. Paloma et moi-même allons nous partager les 10 minutes qui nous sont allouées, et alternerons donc la prise de parole.
    J'aimerais mentionner les communautés et nations hôtes sur les territoires desquels nous travaillons, apprenons et désapprenons aujourd'hui. Ce sont les territoires du peuple algonquin. Je souhaite en faire mention ici, car tous les membres du projet de lutte contre la violence ont conscience que le travail que nous faisons ici, en vue de lutter contre les violences sexuelles et les violences envers les femmes, est en lien étroit avec notre propre histoire - un lien que nous devons impérativement comprendre alors que nous étudions les appels à l'action formulés par la Commission de vérité et de réconciliation et que nous poursuivons nos efforts de décolonisation de notre travail. Nous devons garder ces histoires en tête et veiller à aborder ce travail avec le coeur et l'esprit ouverts.
    Enfin, nous souhaitons également souligner que le processus de création de changements culturels dans nos communautés est compliqué et souvent inconfortable, mais ce n'est qu'en acceptant cet inconfort que nous sommes en mesure de mettre en branle ces processus de changement.
    Je m'appelle Kenya Rogers et je suis conseillère en matière de politique pour le projet de lutte contre la violence. Je suis également en quatrième année d'études en science politique à l'Université de Victoria.
    Je m'appelle Paloma Ponti. Je suis responsable des bénévoles pour le projet de lutte contre la violence. Je suis en deuxième année d'études féminines.
    Le projet de lutte contre la violence est le centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle sur le campus de l'Université de Victoria. Il a été officiellement fondé en 1998, à la suite d'un référendum organisé auprès des étudiants. Je pense qu'il est très important pour nous de signaler que nous sommes financés exclusivement par les étudiants. Concernant les services que nous offrons, bien que nous soyons ouverts à l'ensemble de la communauté, c'est surtout et avant tout à notre communauté estudiantine que nous devons rendre des comptes. Nous ne sommes pas rattachés à l'institution, mais une grande partie de notre travail consiste à nouer des relations avec elle, et, nous l'espérons, guider le travail de ses membres. Pour ce faire, nous organisons par exemple des semaines de sensibilisation ainsi que des campagnes sur les violences sexuelles. Nous offrons un soutien gratuit, confidentiel et non clinique aux survivants, mais aussi aux personnes qui ont commis des actes malveillants sur le campus. Actuellement, notre travail tourne beaucoup autour du processus d’élaboration des politiques à l'Université de Victoria.
    Aujourd'hui, nous allons discuter de certaines de nos politiques de travail, et partagerons avec vous certaines définitions, avant de discuter des récents efforts en matière de lutte contre la violence qui ont été menés sur les campus de Colombie-Britannique. Nous allons également présenter certaines de nos recommandations concernant la création de communautés fondées sur le consentement, le souci de l'autre et le respect sur les campus postsecondaires du pays.
    Le projet de lutte contre la violence vise à offrir à notre communauté un espace découlant d'un cadre de travail féministe multidimensionnel se posant contre l'oppression. Cela signifie que nous sommes constamment en train de remettre en question l'ordre établi et de participer à un processus visant à ouvrir nos espaces, nos dialogues et notre travail afin d'y inclure les témoignages et l'expérience de chacun. Cela requiert de reconnaître que certains problèmes n'affectent pas de la même façon les différentes communautés. Cela signifie également qu'il nous faut désapprendre certaines des valeurs, certaines des croyances et certains des comportements qui ont causé du tort tant aux populations autochtones qu'au territoire.
    Nous devons penser aux personnes qui sont laissées pour compte lorsque nous abordons la question de la violence à l'endroit des femmes et des jeunes filles. Toutes les victimes n'entrent dans pas ces catégories de femmes et d'hommes, et les statistiques montrent que les femmes de couleur, les femmes autochtones, les femmes transsexuelles, les femmes transsexuelles de couleur et les femmes souffrant de handicaps sont victimes de manière disproportionnée d'actes de violence sexuelle.
     Ce type de violence continue d'exister, en dépit des réponses individuelles que nous mettons en oeuvre. Cela vient du fait que les réponses institutionnelles n'ont, le plus souvent, pas étudié les causes profondes de l'acte de violence. C'est ce que nous appelons la « culture du viol ». Il est important que nous nous attachions à comprendre la langue que nous utilisons. Les définitions sont essentielles, car de nombreux espaces ne parlent pas de manière active de ces choses-là. Nous allons donc définir certains des termes les plus importants dont nous estimons devoir parler.
    Nous définissons la « culture du viol » comme la culture dans laquelle nous vivons et qui normalise et glorifie les violences sexuelles, donnant ainsi naissance à un sentiment de légitimité autorisant la manipulation sans consentement d'une autre personne physiquement, émotionnellement et sexuellement. Cette culture est entretenue par plusieurs éléments différents.
(1545)
    Dans les documents que vous avez entre les mains, vous trouverez l'un des modèles auquel nous avons souvent recours dans nos programmes d'éducation. Il s'agit d'un triangle, que nous avons intitulé le triangle de la culture du viol. J'ai utilisé cet outil, car c'est un moyen visuel d'examiner les différentes façons dont notre société entretient la culture de la violence sexuelle. La pointe supérieure du triangle indique « SA », deux lettres qui signifient « agression sexuelle » en anglais. Tout ce qui flotte au travers du triangle représente les éléments qui entretiennent des espaces dans lesquels des actes de violence sexuelle peuvent être commis. Au milieu du triangle, nous avons représenté certaines des causes profondes et systémiques dont nous parlions. Il peut s'agir des attentes qui diffèrent selon le sexe de la personne, de la race, de la classe ou encore du sexisme. Et tout en bas du triangle se trouvent tous les actes quotidiens qui entretiennent la culture du viol : sifflement, remarques sexistes, plaisanteries sur le viol et mythes.
    Les mythes sont des idées dominantes concernant les violences sexuelles et les violences à l'endroit des femmes qui affligent notre société et qui sont à la base de ce triangle. Ces mythes incluent par exemple l'idée que les agressions sont le plus souvent perpétrées par des étrangers, quand en réalité, 80 % des agressions sexuelles sont commises par une personne que nous connaissons.
    Autre mythe dominant : l'idée que les agressions ont lieu le plus souvent dans les bars ou dans les parcs, alors qu'en réalité, nous savons que ces agressions surviennent à notre domicile.
    La pyramide de la culture du viol nous permet de conceptualiser le besoin de réévaluer nos modèles de réponse. Imaginez ce qui pourrait se passer si nous consacrions du temps et des ressources à organiser des interventions et à éduquer les gens, et que nous remédiions aux mille et une façons dont la culture du viol est entretenue au quotidien dans notre société.
    Nous aimerions également définir la notion de consentement. Le projet de lutte contre la violence a défini le consentement comme étant une compréhension mutuelle, émotionnelle, physique et psychologique entre plusieurs personnes sans aucun recours à la force. Vous trouverez également dans les documents qui vous ont été distribués l'un des outils que nous utilisons dans le cadre de nos ateliers sur le consentement, et lorsque nous allons à la rencontre des étudiants pour discuter avec eux. Cet outil définit un modèle de consentement. Il existe de multiples manières d'aborder la question, mais les six étapes sont décrites dans le document.
    Lorsque nous parlons de consentement, et notamment de la nécessité d'insister sur le consentement, nous parlons en réalité du besoin de mettre en place une culture du consentement, c'est-à-dire une culture dans laquelle demander le consentement est un comportement normal et attendu, et ce, dans tous les aspects de la vie, y compris dans les relations interpersonnelles et institutionnelles. C'est également une culture dans laquelle aider les survivants, et croire ce qu'ils disent quand ils rapportent les actes de violence qu'ils ont subis, est un comportement normal. C'est nous diriger vers une culture dans laquelle les occurrences d'actes violents sont réduites de manière exponentielle.
    Nous avons joint un glossaire aux documents que vous avez en main, si vous souhaitez étudier certains de nos termes plus en profondeur.
    Avec ces définitions en tête, nous aimerions aborder quelques instants le travail effectué en Colombie-Britannique, d'où nous venons, ainsi que la raison pour laquelle la législation sur les violences sexuelles commises sur un campus est si importante. Ce travail a débuté voilà déjà plusieurs décennies. Les gens demandent plus ou moins les mêmes choses depuis très longtemps. L'an dernier, les étudiants et défenseurs de la cause ont décidé d'exercer des pressions sur le gouvernement provincial et de pointer du doigt les institutions qui ne cessaient de les décevoir sur la question de la violence sexuelle, exigeant de la Colombie-Britannique qu'elle fasse en sorte que les étudiants bénéficient d'une politique qui accorderait la place centrale à leurs expériences. Ces efforts ont permis l'élaboration du projet de loi 23, le projet de loi relatif à l'inconduite sexuelle et aux agressions sexuelles sur les campus.
    Les étudiants qui se battent pour cette cause sont aux prises avec des obstacles institutionnels et sont chaque jour repoussés par les législateurs. Trois provinces, l'Ontario, la Colombie-Britannique et le Manitoba, ont pris position contre les violences sexuelles, mais il reste encore tellement de travail à accomplir. Les étudiants ne devraient pas avoir à se demander s'ils seront protégés par une politique en matière d'agression sexuelle lorsqu'ils choisissent leur université, mais en l'état actuel des choses, il existe d'importantes disparités au sein du Canada.
    Ceci étant posé, pourquoi avons-nous besoin que l'état fédéral montre l'exemple sur ces questions? Parce que nous avons besoin que les campagnes, les ressources et les dialogues soient mis en oeuvre à l'échelle du pays. Et bien que l'éducation postsecondaire relève actuellement des provinces, il n'est pas seulement question ici de législation et de politiques. Il est question d'une culture dans laquelle créer et naviguer dans les méandres des politiques est normal et de l'ordre du sens commun.
     Si l'on garde tout ceci en tête, comment pouvons-nous créer des processus adaptés sur les campus? Comment pouvons-nous veiller à ce que nos politiques et nos pratiques soient ancrées dans les complexités de nos communautés?
    Une première façon d'y parvenir est d'adopter une approche centrée sur les survivants. Bon nombre de ceux qui entreprennent ce travail sur les campus comprennent la complexité d'être des survivants, et ont conscience que nous ne nous battions pas seulement pour une politique, mais également pour une place autour de la table des discussions.
    Nous devons également parler des nombreuses communautés, toutes différentes, qui sont affectées par les violences sexuelles et par le fait que la survie prend des formes différentes pour les différentes catégories de personnes. Nous devons intégrer ces voix à nos processus.
(1550)
    Souvent, les personnes qui ont le pouvoir de décision en ce qui concerne les politiques institutionnelles sont celles qui sont les plus éloignées de la violence dont nous parlons aujourd'hui, mais si l'on permet aux étudiants, aux prestataires de services situés en première ligne et aux survivants de participer au processus, non seulement notre travail n'en sera que meilleur, mais nous pourrons être encore plus responsables et transparents vis-à-vis du travail que nous effectuons.
    De la même manière, nous avons besoin de politiques qui définissent des manières de travailler avec les personnes qui ont commis des actes répréhensibles, au sein de processus de responsabilisation. Nous avons tous fait du mal à des personnes au cours de notre vie, pourtant, dans notre monde, certains actes sont plus faciles à assumer que d'autres. Si vous avez un accident avec la voiture de quelqu'un d'autre, vous êtes responsables de vos actes vis-à-vis de cette personne. Vous vous chargez de faire réparer le véhicule, vous payez la facture, vous gérez les questions d'assurance. Vous n'aviez pas l'intention d'emboutir le véhicule, mais vous l'avez fait. Quelles que soient nos intentions, nous devons assumer les conséquences de nos actes sans que la culpabilité et la honte ne nous empêchent de le faire.
    Notre monde ne nous enseigne pas de manière active à veiller les uns sur les autres, et on nous répète tout le temps que nous n'avons pas le droit à l'erreur. La raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui est que nous avons eu la chance de pouvoir désapprendre des comportements nocifs, et que nous avons besoin de reconnaître ce fait et de le transformer en processus politiques.
    Nous souhaitons conclure en vous remerciant encore de nous avoir permis d'être présentes ici aujourd'hui et pour nous avoir accordé du temps pour avoir une conversation sur la violence qui est souvent passée sous silence. C'est un travail complexe, et aucun de nous ne détient toutes les réponses, mais nous pouvons créer des espaces dans lesquels nous pouvons, ensemble, étudier toutes les questions.
    Allan Wade a déclaré qu'au sein de chaque...
    Je suis désolée, le temps dont vous disposiez est écoulé. C'est la partie la plus difficile de ce travail, surtout quand on veut vraiment entendre les réponses.
    Nous allons commencer notre première série de questions avec Mme Damoff.
    Je vais commencer par vous laisser finir.
    Notre dernier point était qu'Allan Wade a dit : [Traduction] « au sein de chaque histoire de violence et d’oppression, ces gens conduisent une histoire parallèle de résistance, prudente, créative, mais déterminée. » Lorsque les décisionnaires et les travailleurs situés en première ligne se réunissent et disposent de plateformes sur lesquelles partager nos expériences de résistance, nous avons la certitude que notre réponse à la violence peut être plus puissante et plus inclusive.
    C'est tout. Merci.
    Je vous en prie.
    Tout d'abord, j'aimerais tous vous remercier d'être là.
    Hannah, je tiens à vous féliciter d'être venue ici et de vous exprimer ainsi devant nous. Je ne peux imaginer ce que c'est que d'être à votre place, mais vous êtes une jeune femme incroyable. C'est merveilleux que vous soyez là, vraiment.
    Étant donné que vous avez dû passer par toutes les étapes du système et que vous avez surmonté tous les obstacles qui se sont dressés sur votre chemin, avez-vous en tête une seule recommandation que le gouvernement fédéral pourrait mettre en oeuvre afin de faciliter le processus pour les prochaines personnes qui se rendront au poste de police?
    Je pense que la seule recommandation que je pourrais faire, c'est de rappeler qu'il n'existe pas juste une seule recommandation.
    C'est une bonne réponse.
    Malheureusement, le problème se situe au sein même de la configuration systémique du système juridique. La violence passe par le langage, les appels téléphoniques et les opinions. Je pense que l'une des recommandations que je pourrais formuler, c'est de financer de véritables services et de considérer ces services comme un véritable travail, car c'en est un. Nous ne pouvons pas compter simplement sur des bénévoles. Nous devons débloquer des fonds de manière à disposer de plus de personnes comme Farrah Khan et de plus d'équipes pour soutenir Farrah, pour qu'elle ne se batte plus toute seule. Avoir des fonds et s'attaquer aux véritables problèmes, voilà ce que serait ma recommandation.
    Je pense aussi que nous devons veiller à ce que les pratiques exemplaires aussi puissent être partagées avec les autres universités. Vous avez mis en place un programme formidable, mais toutes les universités.... Il y a bien cette question de compétence fédérale/provincial en jeu ici, mais s'il était possible d'organiser des recherches sur les pratiques exemplaires, et les diffuser auprès des universités et des collèges....
    Vous secouez tous la tête. Est-ce un oui?
    Je pense que ce qui fait un peu peur aujourd'hui, c'est que nous nous tournons tout le temps vers les États-Unis pour nous inspirer de leurs pratiques exemplaires, mais nous ne sommes pas les États-Unis. Nous sommes le Canada. Ce que nous avons pu observer, c'est qu'il existe déjà des procédures officielles pour les violences sexuelles perpétrées sur les campus universitaires. Ce que je veux dire par là, c'est que si vous signalez une agression au service interne de l'université, un certain processus est mis en branle. Nous avons besoin de recherches factuelles sur les processus les plus efficaces pouvant être mis en place, afin de nous assurer que nous ne copions pas un système de justice pénale défectueux qui n'a pas su aider les survivants.
    Ce dont j'ai peur, c'est que les survivants se fassent dire qu'ils peuvent soit engager une procédure pénale, soit une procédure interne, quand dans les deux cas, ces systèmes leur ont été très néfastes. Nous avons besoin que de meilleurs systèmes soient mis en place. Nous avons également besoin de moyens financiers pour le mouvement de lutte contre la violence envers les femmes en général. Aujourd'hui, vous pouvez poser la question à tous les défenseurs de la lutte contre la violence envers les femmes du pays, je pense qu'ils vous répondront que très souvent, bon nombre d'entre eux exercent cette activité en plus de leur travail, avec très peu de financement. Si nous parlions d'une épidémie telle que le virus Ebola, ou encore du cancer, je pense que nous aurions une conversation très différente sur la question du financement.
(1555)
    Je n'ai jamais vu un tandem aussi efficace que le vôtre, alors toutes mes félicitations.
    Vous avez dit organiser des ateliers sur le consentement. J'ai participé à un événement au Sheridan College d'Oakville il y a deux semaines, et l'une des intervenantes était Leah Parsons. Ce fut un événement extraordinaire. Les organisateurs ont mis sur pied un formidable programme sur le campus, parce que des agressions sexuelles avaient lieu sur le campus, mais quand j'ai examiné la salle, j'ai réalisé que 95 % des personnes présentes étaient des femmes. Je sais que Leah Parsons a déclaré, entre autres, qu'elle avait sensibilisé sa fille, mais que les parents n'avaient pas sensibilisé les quatre garçons.
    Lorsque vous tenez ces ateliers sur le consentement, à qui s'adressent-ils, et qui y participe?
    Oui, ce que je peux dire, c'est que c'est quelque chose que nous avons également remarqué dans le cadre de notre propre travail. Nous proposons ces ateliers sur le consentement tous les mois, mais nous avons également instauré des programmes qui visent spécifiquement à créer des communautés fondées sur le consentement incluant les hommes du campus ainsi que des personnes identifiées comme telles. Nous avons également un programme appelé Le cercle des hommes de l'Université de Victoria. C'est un groupe qui se réunit deux fois par semaine pour discuter du consentement, de la manière de devenir de meilleurs alliés, et de prendre part à un processus de responsabilisation. Bon nombre des personnes qui participent à ce programme vont également participer à notre programme sur le consentement.
    Une part de notre travail nous a également amenés à collaborer avec différentes classes, et les étudiants se sont faire dire que s'ils venaient et rédigeaient un essai, ils obtiendraient — ils doivent écrire un essai.... Vous savez, j'ai beaucoup de choses à dire sur toute cette histoire de points supplémentaires, mais nous avons plusieurs façons de tenter de réunir dans une même pièce un groupe de personnes plus diversifié. Je pense que nous devons également aller à la rencontre des gens là où ils se trouvent, être sur le terrain et parler de ces sujets. C'est ainsi que nous pouvons intéger les gens à notre mouvement.
    C'est difficile, parce que le plus souvent, les personnes qui participent à ces ateliers ne sont pas les personnes qui en ont besoin, n'est-ce pas?
    Puis-je ajouter une réflexion sur ce sujet?
    Ce que nous avons fait, entre autres, c'est d'établir des relations avec notre bureau local des affaires judiciaires. C'est grâce à cela qu'une grande partie du travail a commencé à devenir réalité pour l'Université de Victoria, grâce à la reconnaissance des personnes qui avaient commis des actes répréhensibles, et à la volonté des affaires judiciaire d'accéder aux processus de transformation de la responsabilisation. Dans les faits, nous avons souvent travaillé avec les personnes qui ont commis des méfaits sur le campus.
    Il ne me reste que 30 secondes, l'une de vous deux a-t-elle quelque chose à ajouter durant ce laps de temps?
    Ce qui est fantastique, sur notre campus, c'est que chaque équipe universitaire est dans l'obligation de participer à un atelier sur le consentement, et que cela a donné lieu aux plus belles conversations qu'il m'a été donné d'avoir avec de jeunes hommes. Vendredi dernier, j'étais présente jusqu'à 9 heures en compagnie de 30 jeunes hommes membres d'une équipe de baseball, à discuter de la manière de flirter avec une femme sans se comporter comme un pervers, ou comment intervenir et dire à un ami que son comportement n'est vraiment pas correct.
    Il faut encourager ces conversations.
    Très bien.
    La parole va à présent à ma collègue Mme Vecchio, qui dispose de 7 minutes.
    Vos présentations étaient formidables.
    Hannah, j'aimerais commencer avec vous, parce que votre histoire est captivante, comme l'a souligné Pam. Vous vous êtes adressée à la police. À l'époque, existait-il sur le campus quelque procédure que ce soit pour signaler une agression? Est-ce qu'au moins un de ces services vous est accessible, afin de vous permettre de signaler votre agression en premier lieu directement à ce niveau, au niveau de l'université?
    La seule ressource que j'avais à ma disposition à l'époque était la sécurité de Ryerson. Ils m'ont donné un numéro à appeler si jamais je croisais mon agresseur.
     En termes de conseils, comme je l'ai dit, il y avait une liste d'attente de six semaines et le conseiller que j'allais voir était le même que celui que mon amie voyait pour quelque chose de complètement différent. Je ne me sentais vraiment pas en sécurité sur le campus à cette époque, non seulement parce que mon agresseur s'y trouvait toujours, mais aussi parce que je ne savais vraiment pas que faire. Je n'avais aucun soutien des personnes de ma classe, je ne savais pas ce que je devais faire si je voyais mon agresseur, pas même sur le plan juridique. L'université ne disposait vraiment d'aucune ressource. Et puis, Farrah est arrivée, et elle a fait avancer les choses.
(1600)
    Farrah, avez-vous quelque chose à ajouter au témoignage d'Hannah? J'ai l'impression que parfois, il existe un vide et que les jeunes femmes ne savent pas vers qui se tourner. Quels services sont accessibles aujourd'hui à Hannah à Ryerson? Quels services sont aujourd'hui mis à la disposition des victimes, quelles qu'elles soient?
    Il s'agissait d'une agression sexuelle commise en dehors du campus sur une étudiante de Ryerson. Je tiens à ce que ce soit clair.
    Sur le campus aujourd'hui, il y a mon bureau, mais je ne suis qu'une seule personne pour 40 000 étudiants, et c'est ce que nous attendons. Nous pouvons étudier le cas des communautés rurales et les personnes qui sont issues de communautés rurales le savent. Je connais des survivants vivant dans des communautés rurales ou nordiques qui ont fait deux jours de route pour que nous puissions pratiquer notre examen médico-légal et collecter des preuves. Cela veut dire que pendant ces deux jours, vous ne pouvez ni changer de vêtements, ni prendre de douche. Je veux que les gens réfléchissent à cette réalité. Sur notre campus, les gens peuvent venir me voir dans mon bureau, mais nous avons également fait un gros travail de formation des personnes qui sont en première ligne (c'est-à-dire les gardes de sécurité, les professeurs, ou les personnes qui travaillent à l'administration) afin qu'elles sachent quoi dire lorsqu'une personne signale une agression. Nous devons faire plus que simplement en parler, nous devons passer de « Voilà ce que c'est qu'une agression sexuelle » à « Voici ce que vous devez faire lorsque quelqu'un vient signaler une agression sexuelle. Voici cinq choses que vous pouvez dire à cette personne. » Ceci est un rappel qu'il existe plusieurs options, et que celles-ci n'incluent pas toute la police. Je pense qu'on n'a pas donné d'autre choix à Hannah que d'aller à la police, mais il existe également d'autres solutions. Nous ne dissuadons pas les gens de s'adresser à la police.
    C'est aussi une question de nommer les choses pour les étudiants, de sorte qu'ils puissent opter pour un processus interne ou un processus externe. En d'autres termes, ils peuvent choisir le processus interne, signaler l'agression aux services internes de l'université, auquel cas celle-ci est tenue de lancer une procédure et de mener une enquête, ou encore signaler l'agression à la police.
    La semaine dernière, nous avons entendu dire à propos de la décision de la province de l'Ontario, et vous avez également mentionné la première ministre Wynne, que lorsque la province mettait en place des programmes destinés aux universités et aux collèges, la question était étudiée de manière spécifique, pour ce groupe en particulier, et non en prenant en compte les ressources extérieures qui traitent également ce genre de problème tout le temps.
    Pensez-vous qu'il existe un moyen de commencer à établir des liens en dehors des organismes communautaires, avec les organismes de lutte contre la violence envers les femmes qui existent sur les campus? Est-ce une voie que nous devrions emprunter ou pensez-vous que la séparation soit nécessaire?
    En tant que membre de très longue date du mouvement de lutte contre la violence envers les femmes, je pense que nous devons impérativement aller dans cette direction. Je pense que nous devons respecter les connaissances des personnes qui font ce travail depuis des décennies, et qui réclament que cela se fasse. J'ajouterai à cela la question du financement. Comment partager les ressources financières également? Si nous commençons à rediriger toutes les ressources vers les agressions sexuelles sur les campus, nous oublions que pendant des dizaines d'années, d'autres personnes ont été victimes de violences sexuelles, lorsqu'elles étaient enfants, ou au collège. De nombreux étudiants arrivent sur nos campus en ayant déjà subi des agressions sexuelles quand ils étaient enfants, et ils sont à la recherche de classes axées sur les traumatismes parce qu'ils ne font pas face à ces agressions en tant qu'adultes de 18 ans, mais bien en tant qu'enfants.
    Excellent.
    Je vais passer à Paloma et à Kenya. Merci beaucoup, mesdames, vous avez fait un travail formidable également.
    Vous mentionniez le fait d'intervenir auprès des jeunes. Ce que je retiens du témoignage de Farrah, c'est que ces ateliers fonctionnent très bien auprès des équipes sportives masculines ou féminines, et je pense que c'est indéniablement un très bon début. Comme le dirait le ministre de mon église, c'est comme prêcher à des convertis. Je crois que Pam a souligné que ce sont les personnes intéressées qui se présentent aux ateliers.
    Vous avez mentionné essayer d'attirer plus de personnes, et je suis d'accord avec vous. Ne donnez pas des points supplémentaires aux étudiants qui assistent aux ateliers. C'est simplement être une bonne personne. Quels sont les autres moyens d'inciter les gens à participer? Si nous laissons de côté le marketing, quelles sont les propositions réellement efficaces que nous pouvons considérer?
    Une des façons dont nous avons tenté de réaliser ce travail de défense sur les campus afin d'impliquer les membres de notre communauté fut dans le cadre d'une campagne intitulée « Mettons-nous d'accord ». La campagne évolue lentement pour s'étendre à la province, de sorte que certaines institutions de partout dans la province y ont adhéré. En principe, cette campagne concerne ce dont j'ai fait mention auparavant. Elle consiste en grande partie à rencontrer les gens où ils se trouvent, comme les parties sur les campus, lors d'événements importants sur les campus. Nous nous y rendons et nous parlons des six étapes menant au consentement et nous inscrivons des gens aux ateliers s'ils sont d'accord. Nous organisons également une campagne médiatique passablement vaste. Il semble bizarre de parler d'image de marque et de marketing, mais je crois que nous avons réussi pour la principale raison que notre campagne est passablement « cool » et que les gens la reconnaissent. Ils voient notre logo et savent de quoi nous parlons. Je crois qu'il s'agit là d'une façon importante qui nous a permis de nous impliquer. Ce sont de petites choses, par exemple, lorsque chaque étudiant résident installe un cintre sur sa porte avant d'aller à l'école, alors qu'il existe six étapes au consentement et six façons d'apporter son appui à un survivant. Leurs porte-clés sont munis d'un porte-clés plus petit sur lequel il est inscrit « Mettons-nous d'accord ». La reconnaissance de la marque qui présente un lien avec ce changement de culture est vraiment importante.
(1605)
    Formidable.
    Farrah a constaté, lorsque nous en avons parlé, que cela ne commence pas simplement parce que vous atteignez l'âge de 18 ans.
    Y a-t-il une façon de voir que le programme — qui se déroule uniquement à l'échelle provinciale — rejoint également les élèves plus jeunes, ainsi que l'école secondaire?
    Oui. En réalité, nous avons entrepris ce processus, mais c'est difficile. Notre bureau compte trois employés à temps partiel, alors que moi et Paloma travaillons 10 heures par semaine chacune. Nous possédons vraiment peu de ressources.
    Ceci étant dit, nous avons commencé à travailler avec quelques écoles secondaires, alors que le Collège Brentwood a également entrepris ce travail. On y trouve plus ou moins quelques responsables communautaires — alors que nous formerons près de 200 étudiants en décembre. Ce travail a débuté, mais je crois que nous avons plutôt besoin d'une stratégie provinciale afin que nous disposions du financement et des ressources nécessaires pour amener le tout au niveau K-12.
    De plus, les priorités provinciales qui consistent à atteindre le niveau K-12 sont vraiment importantes.
    Très bien. Votre temps est écoulé.
    Nous allons maintenant passer la parole à Mme Malcolmson pour sept minutes.
    Je vous remercie toutes les quatre de votre travail essentiel et parce que vous êtes des présentatrices vraiment articulées et au grand coeur. Tout cela a vraiment des répercussions.
    J'aurais tellement aimé que Jonathan Kay entende une partie de votre matériel avant d'apparaître à l'émission The National hier soir. J'ai trouvé vraiment difficile de le voir définir la culture du viol d'une manière que je n'avais jamais entendue. Mais je m'écarte du sujet.
    Une de vous quatre peut-elle me dire ce que vous a coûté l'absence d'un financement de base sur plans personnel et professionnel? Nous entendons au cours de cette étude de nombreux témoins qui nous décrivent ce qu'on perd lorsqu'on n'obtient aucun financement du fédéral pour la prestation des services.
    Pour voir Farrah, j'ai dû réserver trois semaines d'avance. Lorsque je vois Farrah, elle court en direction de son bureau. Les services qu'elle offre, du moins à moi, et pour autant que je sache, sont formidables. Il est difficile pour moi de la voir offrir ces services à l'ensemble de Ryerson, parce qu'il est presque préoccupant de voir une personne qui fait tant de choses sur le campus.
    Dans le cadre du Projet contre la violence, je suis responsable des bénévoles. Autrement dit, je m'efforce d'impliquer les gens… En ce moment, nous formons 15 bénévoles. Cela demande énormément d'énergie, mais nous devons le faire, parce que nous n'avons pas assez de personnel. Nous passons un mois à former nos bénévoles trois fois par semaine et nous consacrons maintenant toute notre énergie à ces bénévoles. Le nombre d'heures de soutien que nous sommes en mesure d'offrir en raison de ce nombre de bénévoles a considérablement diminué. Cela nous fait mal, parce que nous pouvons être ouverts à peine quatre heures par jour, trois fois par semaine afin d'apporter un soutien. Cela ne suffit pas.
    Je veux simplement ajouter à cela que c'est très difficile, parce que nous occupons cette position intéressante qui est séparée de l'institution, mais nous effectuons ce travail. L'institution s'implique finalement dans le processus d'élaboration de la politique. Nous voulons prendre place à la table, comme nous l'avons déclaré lors de notre présentation, mais nous devons parler de la façon de faire en sorte que ces places à la table soient accessibles aux collègues. Lorsque je travaille 10 heures par semaine au centre pour les agressions sexuelles, près de cinq d'entre eux passent en revue divers documents, effectuent des consultations et assistent à des réunions. Cela me laisse cinq heures pour effectuer le travail de première ligne sur le terrain.
    Il s'agit d'amener les gens à la table et de leur fournir les ressources nécessaires afin qu'ils puissent venir et de reconnaître que leur travail est important.
    Les gens disaient récemment que le nombre d'agressions sexuelles est en hausse ou qu'on assiste à une augmentation de la violence sexuelle. Certains m'ont déclaré aujourd'hui que tel est le cas sur les campus universitaires. Je ne crois pas que les agressions soient autant en augmentation, mais plutôt que les gens prêtent finalement une oreille attentive aux survivants et reconnaissent que cela fait vraiment partie du véritable problème et que celui-ci demeure une réalité au Canada.
    J'attends littéralement qu'on m'offre mon voyage gratuit à Hawaii en raison du travail énorme que nous avons réalisé — moi et les autres travailleurs dans le domaine de la violence sexuelle — parce c'est comme si nous avions réalisé tant de choses, dont tout particulièrement au cours des deux dernières années. En raison du cas Gomeshi, nous avons constaté que plusieurs personnes se sont manifestées, alors les gens disent: « Oh oui, cela m'est arrivé au travail » ou « cela m'est arrivé au Parlement » ou « cela m'est arrivé dans mon village ».
    Il arrive trop souvent, en raison des limites dont ces mesures de soutien font l'objet, que nous voyions des gens occupant ces positions qui s'enragent à un point tel que nous gardons simplement la foi. Chaque soir, je me couche en me demandant quelle survivante m'appellera le lendemain et ce que vais manquer — parce que nous manquons des choses. Nous manquons des choses tout le temps, parce que nous ne parvenons pas à faire tout le travail que nous avons. Cela n'est pas juste pour les gens qui travaillent auprès de celles qui subissent la violence, en particulier parce que nous sommes des survivantes pour la plupart, parce que nous sommes des femmes en majeure partie et parce que nous devons suivre tous ces dossiers même si nous n'obtenons pas tout le financement que nous devrions.
    Je crois qu'il s'agit là d'un grand problème, et ce, non seulement sur le campus. Je crois que le campus est important, mais les femmes sont victimes d'agressions sexuelles partout, tout comme les enfants. Lorsque nous ne bénéficions pas d'un financement adéquat, nous disons aux gens que la violence n'a aucune importance, que nos corps n'ont aucune importance.
    À l'heure actuelle, c'est ce qu'on ressent de manière constante. Je le sais, parce qu'au cours des 10 dernières années de notre dernier gouvernement — je suis désolée —, mais je crois que cela concerne également les mandats provinciaux et le mandat de tout le monde. Les gens n'osent pas tenir cette conversation.
(1610)
    Merci de vous exprimer en des termes si clairs. Je partage votre préoccupation profonde à l'effet que nous invitons les gens à rouvrir d'anciennes blessures pour parler de l'expérience la plus terrible et la plus vulnérable qui leur soit arrivée, alors qu'aucun système n'est en place pour appuyer ce processus. Cela est vrai dans le cas de la violence domestique, de la violence sur les campus, de la prévention du suicide — tout cela. Nous avons une responsabilité énorme.
    Il est possible que le gouvernement fédéral finance ces efforts. Il le faisait avant. Il le faisait il y a 20 ans. Il s'est retiré en prétendant qu'il s'agit d'une responsabilité provinciale, mais vous avez des alliés qui sont en quête de ce genre de leadership au fédéral.
    Il me reste à peine une minute, mais j'espère que vous — n'importe qui — pouvez parler du coût que doivent assumer les étudiants en raison de l'accès inégal à la justice au pays. La situation n’est pas la même sur tous les campus.
    Avant même de parler de disparité sur le plan politique, nous pouvons parler de l'accès en lien avec la crise de la dette étudiante actuelle. Je crois que Farrah est vraiment parvenue à faire passer son message selon lequel il existe sur nos campus une telle disparité qui concerne les gens aux prises avec 35 000 $ de dettes et la façon dont vous impliquez ces gens dans ces processus vraiment intenses et n'avez aucune idée de ce à quoi cela ressemblera et dont nous aidons ces gens sur le campus.
    Je crois que nous devons commencer ici et nous arrêter également sur ce point pour ensuite reconnaître… je crois, dans mon cas, en tant que survivante ayant été victime d'une agression sexuelle avant même d'aller à l'université — de sorte que j'ai continué en tant que nouvelle étudiante… Alors que nous commençons à parler de ces choses et nous commençons à dire aux amis que nous allons parler de ces choses, il s'agit là d'une décision… Dans mon cas, alors que je m'inscrivais à l'école, on n'en parlait absolument pas. C'est certain.
    Nous allons avoir davantage de conversations. Je ne pense pas que la violence a changé. Je pense que la conversation a changé. Comme Paloma l'a dit, c'est devenu un peu la même chose que si nous nous inscrivions à l'école maintenant, je ne voudrais pas fréquenter une école où je sais que je ne serai pas protégée, parce que je connais la prévalence de la violence sexualisée.
    Très bien. Je vous remercie de votre temps.
    Nous allons maintenant laisser la parole à Mme Ludwig pendant sept minutes.
    Merci beaucoup d'être venues ici aujourd'hui, de partager avec nous et de nous présenter un aperçu si profond de cette situation qu'est la violence faite aux femmes.
    Nous avons entendu les témoins passés nous parler, malheureusement, d'un thème constant. Vous avez mentionné que près de 80 % des agresseurs sont des gens que vous connaissez et que les deux tiers des cas de violence et d'agression sexuelle se déroulent au cours des huit premières semaines. Nous avons également entendu parler de sujets, comme la normalisation — soit le fait de blâmer les gens et de rejeter le blâme sur eux.
    Madame Khan, ma première question est pour vous. Seriez-vous en mesure de nous fournir la liste des recommandations que nous tentions d'obtenir au début par l'intermédiaire de la greffière?
    Je vais les remettre à la greffière. Cela ressemble à une composition.
    Ma prochaine question s'adresse à vous toutes. Existe-t-il maintenant des programmes à l'intention des soignants, ces gens qui occupent vos postes? Il existe une expression qui concerne les soins destinés aux gens qui s'occupent des aînés: qui prend soin des soignants?
    Farrah, si vous cherchez ou essayez de regrouper et d'aider 40 000 étudiants à la fois, nous ne pouvons nous permettre de vous perdre. Vous ne pouvez pas tomber malade. Quel genre de programmes sont en place pour vous venir en aide et pour faciliter tout le travail que vous faites? Également, quel genre de recommandations présenteriez-vous ici?
(1615)
    Il s'agit vraiment d'un programme formidable. Si un individu a déjà été aux prises avec un genre de trauma, l'ouvrage Trauma Stewardship est formidable et je vous le recommande. Il s'agit d'un programme qui fait partie de… Je fais partie d'un réseau de gens qui effectuent un travail aux premières lignes de la violence sexuelle dans les universités en Ontario. Nous avons maintenant d'autres membres en Colombie-Britannique et au Nouveau-Brunswick. Nous nous réunissons et nous discutons. Je crois que nous devons en réalité obtenir une telle aide, parce que nous sommes en train de créer un autre mouvement en silo dans le domaine de la violence à l'endroit des femmes. Nous avons le mouvement qui s'occupe de la violence à l'endroit des femmes et nous avons maintenant un mouvement en silo dans les universités. Nous devons nous assurer que les deux collaborent. Les choses que nous demandons de mettre en place dans les universités sont les mêmes que nous demandons au mouvement qui s'occupe de la violence faite aux femmes. Je crois qu'il s'agit là de la raison de mes inquiétudes. Je suis sortie abruptement d'un mouvement alors que j'évoluais dans un bureau comptant 25 personnes pour me retrouver seule. Nous ne pouvons créer ce facteur d'isolation.
    L'autre chose dont nous devons vraiment nous assurer, sachant que les survivantes adhèrent à ce mouvement en si grand nombre, consiste à les rémunérer convenablement. J'en ai parlé en long et en large avec Hannah. On insiste tellement, dans les universités, pour que les gens travaillent bénévolement de 10 à 15 heures. Ce sont des survivantes étudiantes auxquelles on demande de parler de politiques, d'aider une autre survivante… et elles sont épuisées.
    Hannah peut probablement vous en parler. Combien de gens vous ont fait parvenir un courriel au cours de la première semaine de cette vidéo?
    J'ai reçu en tout 150 courriels ou messages de survivantes, et ce, uniquement au Canada.
    La sensibilisation est presque obligatoire pour apporter son soutien. Il arrive qu'il soit difficile d'écouter les autres révéler leurs secrets, parce que cela peut provoquer la réapparition du traumatisme. En tant que défenseur des survivantes, je dois pratiquement m'exprimer comme si j'étais Farrah, qui évolue sur le terrain depuis 16 ans.
    J'ai une question, qui fait suite à votre déclaration.
    Avez-vous une idée du taux d'obtention de diplôme des étudiants qui ont souffert de la violence?
    Lorsqu'il s'agit d'étudiants qui jouent le rôle de bénévoles et qui s'efforcent de terminer leurs propres études après avoir vécu une telle expérience, il doit exister un nombre disproportionné d'étudiants qui abandonnent avant la fin de leurs études universitaires.
    Nous voyons davantage d'étudiantes victimes d'une agression sexuelle qui demandent un congé ou qui abandonnent l'université que de personnes qui le font parce qu'on les accuse d'avoir causé des torts. Cela en dit beaucoup sur ce que nous observons dans la société: l'attente voulant que la survivante encaisse et qu'elle prenne soin de tout le monde.
    Je l'ignore, Kenya…
    Un des aspects difficiles lorsqu'on tente de connaître toutes les choses qui entourent ces questions consiste dans ce que, parce que nous commençons vraiment à amener la conversation sur des plateformes comme celle-ci, nous ignorons de toute la recherche consacrée sur le sujet. À titre de communautés de survivantes, nous connaissons notre réalité. Nous savons ce avec quoi les membres de nos communautés doivent composer. Une recherche menée auprès des étudiantes est récemment apparue de l'Université de Victoria grâce à l'équipe d'intervention contre la violence sexuelle. J'encouragerais ainsi quiconque à prendre connaissance de cette recherche parce qu'on y trouve énormément d'information sur le contexte qui règne à cette université.
    J'ai une question que je vais tenter de poser très rapidement.
    Sachant qu'on parle le plus souvent des huit premières semaines, du point de vue statistique, et que les universités et les collèges ne ménagent aucun effort en termes de recrutement, si vous pouviez retourner et vous adresser aux étudiants, aux conseillers en orientation, aux capitaines des équipes universitaires, aux enseignants principaux du secondaire, que leur diriez-vous que vous aimeriez qu'ils sachent afin de se préparer aux universités et aux collèges?
    Nous y allons et nous parlons de sexe avec les parents. Comment faites-vous pour parler de sexe avec votre enfant à part parler de condoms et des façons de ne pas tomber enceinte ou de définir ce qu'est le plaisir ou de parler de votre plaisir? Nous serions pour la plupart bien mal à l'aise d'entretenir une telle conversation, mais je le suis davantage en compagnie d'une victime d'agression sexuelle. Une des conversations les plus intéressantes que j'ai eue avec des parents ressemblait à ceci: « Je vais en parler à la table au moment du petit-déjeuner. Je vais en parler. » L'éducation en ce qui concerne la santé sexuelle constitue la clé afin de prévenir la violence sexuelle.
    J'aimerais ajouter que nous avons également élaboré des programmes qu'on offre au cours des huit premières semaines à l'école. Nous organisons une semaine de sensibilisation à la violence sexuelle au cours de la troisième semaine de septembre. Cette année, Farrah est venue et a prononcé un discours renversant dans le cadre de cet événement.
    Parmi les recommandations qui découlent de notre comité des politiques, l'une d'elles concerne la façon de créer des programmes avant d'atteindre l'Université de Victoria et la façon de parler de la culture du consentement comme un phénomène que nous nous efforçons d'intégrer à notre programme de recrutement, ainsi qu'à tout ce que nous faisons.
(1620)
    Collaborez-vous avec les gens dans les résidences?
    Oui, je suis certain que nous collaborons tous de près avec les résidences.
    Dans quelle mesure partage-t-on les données ou un genre de statistiques qu'on recueille dans les différentes résidences ou dans les différentes écoles?
    Nous parlons davantage, mais je crois que cela dépend de l'université. À Ryerson, on disait: « Oui, voici toutes nos données; nous n'allons pas avoir honte des agressions sexuelles qui se déroulent sur notre campus. » Je crois que les autres universités, par contre, n'ont signalé aucune agression sexuelle sur leurs campus.
    C'est notre cas… Nous n'en avons signalé aucune, mais c'est faux.
    Merveilleux.
    Nous allons maintenant laisser la parole à M. Genuis pendant cinq minutes.
    Merci à tous les témoins de votre présence et de votre témoignage convaincant.
    Il y a différents sujets que je désire explorer, à commencer par Mme Khan et Mme Kurchik.
    Madame Kurchik, vous avez parlé principalement de l'expérience de survivante et de ce que vous avez vécu dans le système. Je me demande si vous pouvez proposer certaines réformes en profondeur du système de justice criminelle que nous pourrions être en mesure de proposer.
    Vous avez parlé de mieux informer les survivantes, un sujet qui, je crois, nous aurons bien plus à coeur au fur et à mesure que le processus ira en progressant. Il existe cependant d'autres changements possibles auxquels on pourrait penser, comme les changements aux règles de poursuite en ce qui concerne la façon dont un procureur détermine les causes qui feront l'objet de poursuites ou non. Je comprends qu'on tient maintenant compte de la probabilité d'accusations et d'autres facteurs comparables. Aimeriez-vous proposer certains changements en ce sens, des questions et des normes en matière de preuves ou d'autres choses du genre? Je suis curieux de connaître votre point de vue sur le sujet.
    Le modèle de Philadelphie fait partie des choses que nous examinons, puisqu'on y trouve un défenseur des cas de violence faite aux femmes (VFF) et on examine les cas qui surviennent au sein de la communauté, soit les cas que la police considère non fondés, afin d'y jeter un nouveau regard pour déterminer vraiment ce qu'ils pourraient comprendre.
    Nous pensons également que la notion de consentement informé est vraiment importante, mais Hannah peut nous en dire plus sur le sujet. Eh bien, elle a déclaré de manière si éloquente que nous n'avons parfois pas toute l'information lorsque les survivantes franchissent les différentes étapes du système, de sorte qu'on aura en réalité un avocat à ce niveau.
    La présence d'un avocat nous aiderait à rendre des décisions informées. Lorsque j'assistais à des réunions avec mon procureur de la Couronne et le détective affecté à mon cas, il y avait le procureur, le détective et moi. J'étais là, accompagnée de deux professionnels qui savaient tout de la marche à suivre… eh bien, pas tout, mais bien plus que ce que j'en savais, et c'était vraiment intimidant. Il était très facile de me convaincre qu'on s'occupait de moi alors que je n'avais en réalité aucune idée de ce qui se passait, de ce que je devais faire et de ce qui était le mieux pour moi dans la situation. La présence d'un avocat est donc très importante.
    J'ignore si les gens ont pris connaissance du travail de David Tanovick, mais lui et Elaine Craig ont effectué un travail formidable. Ils parlent des mythes entourant la culture du viol qui sont incrustés dans le système de justice criminelle et de ces choses que le juge Robin Camp a qualifiées de fréquentes dans les processus de justice criminelle. Il a dit « gardez vos genoux collés et bien serrés » à une femme autochtone qui avait été victime d'agression sexuelle.
    Je pense également à la façon dont nous voyons la recherche et procédons en réalité à certains des changements dont ils ont fait mention. Je crois qu'ils font mieux d'examiner ce travail.
    D'accord. Croyez-vous que ces changements feraient la différence quant aux taux de condamnation ou s'il existe encore de nombreux cas qui, pour la simple raison qu'une norme de preuve existe…?
    Nous savons que plusieurs individus coupables de crimes se promènent en liberté simplement en raison de la norme de preuve que nous avons établie. Croyez-vous que de tels changements feraient vraiment la différence en ce qui concerne les taux de condamnation ou d'autres éléments sont-ils nécessaires?
     Nous devons avoir également des tribunaux qui tiennent compte des traumatismes. Je crois qu'un mouvement a été mis sur pied afin de créer de tels tribunaux ou même des tribunaux qui traitent uniquement les cas des victimes de traumatisme. C’est la même chose selon nous en ce qui concerne les cas de violence conjugale; on devrait avoir des tribunaux distincts pour les cas de violence conjugale. Nous pourrions examiner la possibilité d'avoir des tribunaux qui s'occupent des cas de violence sexuelle. Nous pourrions faire appel à des programmes pour travailleurs de soutien dans les tribunaux à l'intention des survivantes d'agressions sexuelles afin d'offrir plus que les quatre heures de conseils juridiques gratuits, pour compter en réalité sur des avocats à toutes les étapes du processus.
    Suis-je convaincue que les choses iront mieux? Oui, mais je crois également que le système de justice criminelle constitue l'unique forme de justice. Pouvons-nous investir dans les choses et dans la recherche fondée sur des éléments de preuve dans le cadre de programmes, comme la justice réparatrice et la justice transformatrice? Nous avons constaté que cette façon de faire fonctionnait très bien à l'Université Dalhousie. Nous pouvons faire mieux. Nous pouvons faire mieux pour les survivantes en leur offrant des options.
(1625)
    Merci.
    Je crois qu'il me reste une minute. Je veux en dire plus long au sujet de la question de la justice réparatrice, mais également à propos des autres processus qui existent sur les campus.
    Il arrive que ces processus soient critiqués par différents individus parce qu'ils fonctionnent en dehors du système juridique. D'après vous, quels genres de processus devraient exister ou devrions-nous simplement faire appel à la police chaque fois qu'un incident survient?
    Nous devons vraiment commencer à délaisser l'approche axée sur les survivantes. Les processus de responsabilisation doivent être motivés par ce que la survivante désire tirer de ce processus. Dans le cadre du projet contre la violence, par exemple, des étudiantes faisaient appel au processus des affaires judiciaires dans le cadre de la politique sur les inconduites en dehors des universités que nous avons à l'Université de Victoria. En collaborant avec la survivante, on a constaté qu'elle souhaitait que la personne qui lui avait causé du tort soit soumise à un genre de processus dans le cadre du projet contre la violence.
    La situation ne peut être la même pour tout le monde. Il n'existe aucune formule à cet effet. À nos yeux, cela ressemblait à des conversations individuelles ou à un genre d'atelier. Vous verrez, dans les trousses que nous vous avons remises, une revue. Je crois qu'elle s'intitule Quoi faire lorsque vous êtes l'auteur d'un cas de violence sexuelle.
    Je suis désolée, mais votre temps est écoulé.
    Nous allons maintenant laisser la parole à Mme Nassif pour les cinq dernières minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Merci également aux témoins de leurs présentations.
    La semaine dernière, Alexander Wayne MacKay, professeur de droit à l'Université Dalhousie, nous a présenté un bref résumé très intéressant de l'évolution des termes « agression sexuelle » et « viol » dans notre système juridique. Il a expliqué comment ces termes ont été définis à différents niveaux et comment les différents types de voies de fait ont évolués au fil des ans, selon le besoin de la société et du droit.
    Comme bien d'autres témoins, il a affirmé qu'un changement culturel est nécessaire pour venir à bout de la violence sexuelle et de la violence sexiste. Cependant, aucune loi ne peut y arriver, bien que la législation puisse orienter les efforts en ce sens.
    M. MacKay a présenté plus tard un mémoire en réponse à une question soumise par un membre de mon personnel. Il a noté que, aujourd'hui encore, les définitions des termes « agression sexuelle », « agression sexuelle grave » et autres ne répondent pas aux besoins modernes, que ce soit dans notre cadre juridique ou lorsqu'on tient compte des vues actuelles de la société sur la question.
    Selon vous, est-il nécessaire de redéfinir nos termes juridiques pour refléter les différents niveaux de gravité associés aux termes « agression sexuelle » ou « culture du viol »?

[Traduction]

    Je peux répondre à une de ces trois interventions.
    J'aimerais que nous rouvrions une conversation sur la non-divulgation des cas de VIH et sur les cas de violence sexuelle, parce qu'il arrive trop souvent qu'on qualifie le refus de dévoiler qu'on est porteur du VIH comme une des pires formes de violence sexuelle, alors qu'il s'agit là, d'après moi, d'un tout autre problème. Voilà un sujet sur lequel j'aimerais vraiment que nous nous penchions. À l'heure actuelle, on qualifie ce refus d'agression sexuelle grave et je crois que le problème est différent.
    En ce qui concerne le langage, je crois que nous devons examiner son utilisation, mais sans revenir maintenant sur les lois. Je crois qu'on parle de la façon dont on aborde et on décrit la violence sexuelle.
    En voici un exemple. Dans les médias, on utilise des mots du genre « rendez-vous » pour décrire l'agression sexuelle d'une fillette de 12 ans par un homme de 30 ans. C'est ce qu'on a vu dans un journal d'Ottawa. On a utilisé cette expression à maintes reprises dans un journal d'Ottawa pour décrire l'agression sexuelle d'une fillette de 12 ans par un homme de 30 ans — je vais simplement le répéter.
     Un autre exemple, dans le journal au plus fort tirage au Canada, soit The Toronto Star, on disait dans un des articles sur une agression sexuelle, soit le viol collectif d'un jeune homme dans le secteur des clubs, que le viol d'un homme représente le fantasme sexuel d'un autre homme.
    Nous avons également un problème, dans ce cas, quant à la façon d'employer le langage et les mots. Il existe un guide intitulé Use the Right Words publié par un groupe du nom de femifesto, dont je fais partie. Depuis cinq ans, nous passons les médias en revue et la façon dont ils relatent les cas de violence sexuelle.
    C'est comme si nous n'étions pas en position de modifier le langage employé dans notre système de justice criminelle avant de commencer à décrire la façon dont nous, en tant que société, incluant le gouvernement, allons parler de violence sexuelle, prendre ce phénomène au sérieux et examiner la façon de formuler notre description de la violence sexuelle.
    Oui, donnez-moi une partie de notre système de justice criminelle, mais celui-ci représente un seul et même système.
(1630)
    Dans le cadre d'UVic, l'une des premières choses que nous avons accomplies lorsque notre comité d'orientation s'est formé a été de consulter l'ensemble des étudiants, les enseignants et le personnel. La première question ressemblait à ceci: Le comité d'orientation utilise le terme de « violence sexuelle ». Que signifie ce terme pour vous et existe-t-il à votre avis un meilleur terme pour englober ce qu'est selon vous la violence à caractère sexuel?
    Il doit s'ancrer dans la collectivité en premier lieu, avant de pouvoir penser à d'autres choses. Je crains, ou je me méfie, des termes trop nombreux, car il peut s'établir une hiérarchie dans la violence sexuelle, mais en tant que victimes, que personnes qui ont souffert, nous savons quand nous avons subi la violence. Ces réponses sont inscrites au plus profond de nous et dans la manière dont nous réagissons au monde qui nous entoure. C'est une chose très compliquée, mais je crois qu'il doit s'ancrer dans la collectivité en premier lieu.
    Merci. Je pense que c'est tout.
    C'était un merveilleux témoignage. Merci à tous de votre participation aujourd'hui. Si vous avez d'autres commentaires ou éléments que vous aimeriez faire lire au Comité, envoyez-les au greffier.
    Je tiens à nouveau à vous remercier de votre aide et de tout ce que vous faites pour éradiquer la violence faite aux femmes dans notre pays.
    Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes, le temps que le groupe suivant s'installe.
(1630)

(1635)
    Nous allons commencer.
    Dans le cadre de notre discussion, nous allons accueillir des invitées du South Asian Women's Centre. Je souhaite la bienvenue à Kripa Sekhar, directrice exécutive; Reena Tandon, présidente du conseil d'administration et Marmitha Yogarajah, coordonnatrice de projet.
    Bienvenue mesdames. Nous sommes heureux d'écouter vos témoignages aujourd'hui. Je comprends que vous allez partager vos 10 minutes de parole. Je vous laisserai poursuivre et je vous interromprai à la fin de vos 10 minutes de temps de parole, afin que nous puissions commencer à vous poser des questions.
    Vous pouvez commencer.
    Je m'appelle Kripa Sekhar. Je suis celle au centre. Je suis la directrice exécutive du South Asian Women's Centre.
    Nous souhaitons sincèrement remercier le Comité de nous offrir la possibilité de présenter notre travail dans le domaine de la violence et des abus envers les femmes et les filles.
    Le South Asian Women's Centre est un organisme multiservices fondé en 1982 par un groupe de bénévoles très engagées qui voulaient venir en aide aux femmes de la collectivité victimes de violence. Le centre travaille dans une optique féministe, anti-oppression et anti-raciste, et prône l'égalité entre les sexes. Cet état d'esprit se reflète dans tout ce que nous entreprenons, qu'il s'agisse de prestation de service, de recherche ou de politique autour de cette question.
    Comme dans beaucoup d'autres collectivités, les jeunes femmes et les filles de l'Asie du Sud doivent faire face à la violence et aux abus. Cependant, la complexité de ces questions rend la parole encore plus difficile pour elles. Notre expérience nous enseigne que le problème de la violence envers les jeunes femmes et les filles de l'Asie du Sud se répète. Il est relié à leurs mères, à leurs grand-mères et aux générations précédentes de la colonisation, ainsi qu'aux années de socialisation et de patriarcat. Cependant, ces éléments ne s'excluent pas les uns les autres, mais ils se recoupent pour pleinement comprendre les strates complexes formées par les années de violence que les jeunes femmes et les filles immigrantes ou réfugiées ont du mal à aborder, même en paroles.
    Beaucoup sont mariées très jeunes, souvent de force. Outre nos nouvelles missions et nos projets en cours dans le domaine de la violence faite aux femmes et aux filles au sein des collectivités de l'Asie du Sud, le travail de collaboration que nous effectuons dans le contexte pancanadien et international, y compris avec des agences comme METRAC, Springtide Resources, St. Michael's Hospital et We Are Your Sisters, témoigne de l'excellent travail en matière de lutte contre l'oppression et de défense de l'intersexualité.
    Nous voulons affirmer ici qu'il existe une volonté d'en finir avec la violence faite aux femmes. Nous devons nous assurer que ce problème est traité dans une véritable optique d'égalité des sexes. La violence faite aux femmes et aux filles doit être considérée dans la continuité des macro- et micro-facteurs que sont le racisme, l'âgisme, le classisme et le sexisme, parmi d'autres.
    Les jeunes femmes font partie intégrante de la société dans son ensemble. Elles sont intégrées à des réseaux familiaux, des groupes d'amis, des établissements scolaires ou d'autres groupes socioculturels et lieux professionnels, qui sont des lieux qui peuvent être sources de violence. Afin de s'occuper des problèmes de violence envers les jeunes femmes, il est indispensable de tenir compte du rôle de l'entourage proche, comme les mères, les sœurs, les belles-mères, les employeurs, les enseignants, les amis et les victimes — hommes et femmes.
    Ceci se passe [Note de la rédaction: difficultés techniques] qui sont les observateurs et les catalyseurs des valeurs qui présentent un contexte de violence différent. Bien que nous soyons conscientes qu'il faille appréhender les différentes formes de violence au travers du vécu des jeunes femmes et des filles, nous pouvons affirmer, sur la base d'un travail et de recherches approfondis et d'une présence continue au sein de la collectivité, que le fait d'isoler ce problème rend les jeunes femmes et les filles encore plus vulnérables et marginalisées. Tout guide des meilleures pratiques ou toute intervention devrait prendre en compte le rôle important joué par les mères, et les femmes plus âgées en général, dans la transmission des valeurs et le transfert des connaissances, et ceci dans une grande majorité des familles avec lesquelles nous travaillons.
    Bien qu'il faille assurément s'intéresser aux jeunes femmes et aux filles, pour bien comprendre certaines formes de violence qui peuvent être particulières à ce groupe d'âge, nous devons garder à l'esprit le fait que les jeunes femmes, quelle que soit la manière dont on les définit, vivent dans des milieux très différents. Les jeunes femmes d'Asie du Sud qui ont immigré ici très jeunes, ou qui sont arrivées en tant que jeunes mariées, subissent la violence de manières très différentes, ce qui les isole encore plus, car elles n'ont pas de famille directe, en dehors des personnes avec qui elles ont immigré.
(1640)
    Marmitha va vous parler de certains de nos projets.
    Pour remettre les choses en contexte, au cours des deux dernières années, le South Asian Women's Centre a soutenu 900 femmes victimes de violence. Ce chiffre vous donne une idée de la nature de notre analyse, profondément ancrée dans des problèmes très complexes.
    Je laisse la parole à Marmitha.
    Je suis la coordonnatrice du projet In My Mother's House, une histoire de violence sexuelle, de viol conjugal et de mariage forcé, financé par Condition féminine Canada. Je vais vous parler du projet proprement dit.
    Le South Asian Women's Centre a récemment terminé la phase de recherche, qui correspond à la première phase du projet, en procédant à des sondages, des entrevues et des séances de groupe avec plus de 150 victimes. Il s'agissait de jeunes femmes et de filles, d'hommes et de femmes plus âgées également. Nos résultats ont montré que, bien sûr, les jeunes femmes et les filles étaient fortement touchées par le problème, mais l'étude a révélé bien d'autres choses. Le South Asian Women's Centre a vraiment été surpris et consterné de constater, au travers de la phase de recherche, que nombre de femmes de plus de 45 ans étaient également concernées au premier chef par le problème, car elles subissaient toujours le traumatisme lié à leur relation antérieure ou présente. Cette tranche particulière de population parmi les femmes, selon nous, est passée au travers des mailles du filet et semble passer inaperçue, leur bien-être étant souvent tenu pour acquis du fait qu'elles sont peu enclines à en parler. La cohésion de la famille passe avant tout.
    Beaucoup de femmes rencontrées par le South Asian Women's Centre ont révélé avoir été mariées alors qu'elles étaient enfant, entre 8 et 17 ans, à des hommes qui avaient 10, 20 ou 30 ans de plus qu'elles. L'une de nos histoires raconte le témoignage d'une jeune Bengalaise de 11 ans mariée à un homme de 27 ans, dont elle a eu un enfant à l'âge de 14 ans. Souvent, ces femmes ont subi des violences toute leur vie, jusqu'à la mort de leur mari, ou jusqu'à ce qu'elles craignent pour leur propre vie et leur santé. C'est seulement à ce moment-là que le cycle de la violence cesse, même si parfois elles restent dans cet environnement de mauvais traitements. Beaucoup de ces femmes ont immigré au Canada pour vivre dans des communautés et se font dicter leur conduite par leur mari. Fortement tributaires de leur belle-famille, elles perdent leur autonomie, n'ont que peu, voire aucune, indépendance financière, ne peuvent pas accéder à leurs papiers juridiques et finissent isolées de leur propre communauté au sens large.
    Le South Asian Women's Centre a remarqué que dans ce groupe, personne n'avait vraiment idée de ce qu'était un consentement éclairé. Il faut se soumettre au mariage et continuer à le subir, afin de préserver la réputation de la famille. La plupart ont accepté leur sort, en vertu de traditions patriarcales et du principe acquis qui veut qu'on choisisse un partenaire pour ses enfants sans tenir compte de leur consentement. Donc évidemment, il est important de reconnaître que les jeunes femmes et les filles subissent des violences et des abus tous les jours à cause des traditions patriarcales ancestrales. Mais les femmes de plus de 45 ans continuent d'intérioriser leurs traumatismes sans aide. Idéalement, nous devons mettre en place des pratiques exemplaires ouvertes qui englobent ces femmes et tiennent compte des différents groupes.
(1645)
    Avant de poursuivre, j'aimerais dire que ces projets se sont révélés de puissants indicateurs du travail qu'il reste à accomplir pour protéger les femmes les plus vulnérables, celles qui sont en dehors de tout système éducatif, et les soutenir afin qu'elles se sentent moins isolées.
    Imaginez une jeune mariée arrivant au Canada, qui n'a pas accès à l'éducation. Elle ne sait pas ce qu'est un viol. Elle ne sait même pas qu'elle a la possibilité de dire non.Ce sont ces femmes que le South Asian Women's Centre cherche à aider. Il en faut beaucoup avant qu'elles décident de sortir de cette situation.
    Cela montre également que le gouvernement a la possibilité de faire davantage pour les femmes les plus isolées, ce qui comprend les nouvelles arrivantes et les immigrantes racialisées, dans le but de les intégrer au travers d'un processus de véritables consultations à l'échelle du pays. Même si à un certain niveau nous restons unis en affichant une solidarité quant à l'universalité des expériences, pour recentrer le débat sur les jeunes femmes et les problèmes de violence qu'elles rencontrent, nous voulons souligner que toutes les politiques ou les recommandations de bonne pratique bénéficieraient de l'apport de la sensibilité culturelle et de la reconnaissance des diverses formes et expressions de la violence faite aux femmes.
    Nous formulons quatre recommandations: reconnaître qu'une analyse fondée sur le sexe doit tenir compte de la complexité des vies des femmes qui peuvent se trouver en dehors du milieu éducatif; veiller à une intégration intergénérationnelle dans les pratiques exemplaires; reconnaître que l'isolement est le résultat d'une incapacité à participer due à des obstacles structurels, tels que le racisme ou des systèmes et des processus gouvernementaux générateurs d'exclusion; fournir des ressources et s'efforcer de donner un financement de base aux organismes en charge de ces travaux.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux questions, en donnant d'abord la parole à mon collègue, M. Fraser.
    Merci à chacune de vous de votre témoignage, que j'ai trouvé très intéressant.
    Vous avez parlé vers la fin de votre présentation des différents défis auxquels les immigrantes et les nouvelles arrivantes sont confrontées lorsqu'il s'agit de parler ou de faire face aux conséquences d'agressions sexuelles. Autrefois, il m'est arrivé de travailler bénévolement auprès de femmes immigrantes qui disaient que leur statut d'immigrante rendait très difficile, en particulier pour celles qui venaient par l'intermédiaire du Programme des travailleurs étrangers temporaires, de se plaindre ou de faire quoi que ce soit concernant des agressions sexuelles et leurs conséquences, car elles dépendaient d'un seul employeur, qui pouvait potentiellement les renvoyer si elles se plaignaient.
    Pouvez-vous donner plus de détails sur les problèmes rencontrés par les immigrantes et les nouvelles arrivantes et sur ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour les aider à y remédier?
    La question de la violence envers les femmes est liée tôt ou tard à l'immigration et à la citoyenneté. L'une des difficultés rencontrées est imputable au statut de résidence permanente conditionnelle qui fait maintenant partie du dossier de l'immigration. Un très grand nombre de femmes... un nombre incroyable en fait est venu chercher de l'aide au South Asian Women’s Centre (SAWC) au cours de la première année de leur mariage, en raison d'une rupture. Une femme enceinte de trois mois a dû être admise au refuge. Elle l'a quitté pour finalement y revenir avec son bébé âgé d'un mois.
    Voici des exemples des situations que nous rencontrons. Une autre femme a été refoulée à l'aéroport puisque son mari a affirmé que leur mariage était annulé, et devait être renvoyée dans son pays d'origine. Elle a été conduite à notre agence, mais son père ne voulait plus être impliqué. Elle n'avait que 23 ans. Elle n'avait nulle part où aller, ni aucun endroit où habiter. Nous lui avons signifié que nous lui trouverions le soutien nécessaire, mais elle a reconnu d'elle-même que la bataille était loin d'être gagnée. Elle a choisi de retourner chez elle, sachant très bien qu'elle serait ostracisée, ayant déjà été mariée. Il serait peu probable qu'elle se trouve un mari ou fonde un foyer, en plus d'avoir vécu un traumatisme considérable.
    Je crois que c'est à cela que nous faisons référence lorsque nous parlons des systèmes en place.
    Nous avons clairement identifié que cela était un problème criant, mais la solution n'est-elle pas d'assurer que les nouveaux arrivants au Canada disposent d'une voie d'accès déterminée à la citoyenneté, sans notion de statut temporaire ou conditionnel?
    Cela est certainement une solution. Un autre moyen est de soutenir, comme je l'ai déjà mentionné, les organismes communautaires pour qu'ils puissent se rendre dans les quartiers difficiles d'accès, afin d'identifier et aider les femmes dans le besoin, en leur donnant accès à de l'éducation et de la formation. C'est ce que nous offrons: du mentorat . Nous formons environ quatre groupes par semaine. Parmi ces groupes, il y a ceux destinés aux aînés, au mieux-être et à la couture. Il s'agit de groupes composés de survivants qui se sont rejoints et travaillent de concert.
(1650)
    Pour préciser le thème du soutien communautaire, l'un des problèmes que j'ai rencontrés lorsque je travaillais dans un contexte où les gens étaient très vulnérables est que si ma femme n'avait pas oeuvré dans le domaine de la société civile, je n'aurais pas eu l'information d'un simple coup de fil, au sujet de ce qui s'offre à la communauté notamment en matière de ressources.
    Travaillez-vous souvent en collaboration avec les employés du système de justice et d'application de la loi et d'autres groupes de société civile? De quelle façon le gouvernement fédéral favorise-t-il ces collaborations ou vous aide à les améliorer?
    Nous avons une très bonne relation avec la plupart des corps policiers qui sont venus sur place afin de soutenir l'agence. Ils nous ont offert un soutien inégalé lorsque nous avons fait appel à leurs services. Ils nous ont écoutés lorsque nous avons souligné certains points. Par exemple, dans certains cas où des femmes ont été accusées d'agression envers des hommes. Nous savions que cela était faux et avons travaillé avec des avocats pour le prouver. En réalité, l'homme voulait faire déporter la femme dans son pays d'origine, et avait même déjà tenté la manoeuvre auparavant.
    Nous avons été témoins de plusieurs cas où des femmes étaient abandonnées de manière frauduleuse et étaient sans papiers dans leur pays d'origine. Nous travaillons en collaboration avec le Haut-commissariat du Canada pour rapatrier ces femmes. Le Haut-commissariat a été utile à cet égard.
    Docteure Tandon
    J'aimerais ajouter qu'en raison de la nature patriarcale du mariage, la dépendance des femmes envers leur époux et la différence d'âge sont les enjeux essentiels de cette question. Pour ce qui est de la collaboration, il pourrait être utile de privilégier la transparence à des fins d'interconnectivité entre les différents joueurs. Des études portant sur le mariage forcé ont été menées de concert avec le SAWC et des organismes tels que SALCO.
    Du financement ou des collaborations supplémentaires seraient très utiles pour diffuser davantage cette information, permettre aux intervenants de se regrouper et ainsi passer au niveau suivant.
    Il s'agit d'une transition naturelle vers ma prochaine question. Vous avez mentionné la nature patriarcale de la relation. Plus tôt dans votre témoignage, vous avez souligné l'importance de promouvoir l'autonomie financière et l'accès à des documents juridiques, entre autres. Le gouvernement fédéral peut-il contribuer à la promotion de l'indépendance des femmes dans ce type de relation, qu'il s'agisse d'aide financière, juridique ou autre?
    D'autre part, nous reconnaissons que l'hébergement représente également un problème majeur. Nous travaillons en étroite collaboration avec les maisons d'hébergement à Toronto et dans la région du Grand Toronto. Il s'agit de l'un des enjeux principaux. Nous reconnaissons également que les femmes ont besoin de leur propre logement. Les maisons d'hébergement transitoires n'offrent pas la durabilité, ni la structure nécessaires aux femmes ayant été victimes d'abus.
    Le soutien en santé mentale est un autre enjeu d'importance. Les femmes victimes d'abus n'ont peu ou pas de soutien dans ce domaine en raison des barrières linguistiques, de l'isolement et du refus de parler de ces difficultés. Voici quelques enjeux qui méritent que l'on s'y attarde davantage.
    Nous apprécions votre témoignage. Continuez votre bon travail.
    Je cède maintenant la parole à ma collègue Mme Vecchio pour les sept prochaines minutes.
    C'est fantastique que vous soyez les trois parmi nous pour discuter de ces enjeux.
    Je ne sais pas si vous pourrez répondre à ma question, mais nous avons abordé le sujet des générations et de la famille patriarcale. Croyez-vous que dans le cas d'immigrants de première ou deuxième génération, les familles n'ont pas été ici assez longtemps pour que nous ayons cumulé des données antérieures? Croyez-vous que la majorité de ces familles s'éloignent de ces valeurs une fois installées au Canada?
    Voulez-vous répondre à la question puisque vous avez effectué vos recherches?
    Puis-je vous demander de répéter votre question?
    Je me questionne au sujet des valeurs patriarcales. Croyez-vous qu'une fois établis ici, les gens s'en éloignent, une génération à la fois? Les données historiques sont-elles suffisantes pour en arriver à cette conclusion?
(1655)
    Il y a deux volets à cette réponse.
    Tout d'abord, oui, nous parlions justement de lancer un autre projet fondé sur la recherche et destiné à l'étude de la deuxième génération. Il y a déjà un projet en cours visant à éduquer les gens à savoir que les mariages forcés représentent une forme de traite de personnes. Marmitha travaille déjà à ce projet.
    Nous avons observé que la deuxième génération de femmes ayant été éduquées ici est davantage sensibilisée. C'est bien cela Marmitha? Elles sont plus au fait de ces enjeux et plus ouvertes à en parler. Cependant plusieurs d'entre elles évoluent encore dans un cadre familial rigide. Je peux affirmer avec certitude qu'au moins 50 % de ces femmes veulent se conformer aux désirs des membres de leur famille lorsqu'il est question de mariage et autres décisions du genre. Les familles de l’Asie du Sud sont étroitement liées. Il ne s'agit pas que de la famille immédiate, mais également de la famille étendue lorsque les femmes sont mariées.
    Je peux commenter brièvement le sujet, mais Marmitha voulait dire quelque chose.
    Nous travaillons avec des preuves anecdotiques. Nous nous basons sur les travaux réalisés par le SAWC fondés sur nos études de cas. Je suis de la Ryerson University. Le projet de première génération de Ryerson étudie le phénomène en général, et ne se restreint pas à l’Asie du Sud. Je discute avec les femmes de l’Asie du Sud auxquelles je m'associe, ainsi qu'avec nos étudiants. Nous mettons l'accent sur le continuum puisque la famille est le coeur de la culture.
    La continuité et la transmission de valeurs sont un projet familial d'envergure. Nous savons que le transfert de valeurs, notamment le patriarcat entretenu par les femmes, est un puissant phénomène que nous observons. C'est le système de valeurs qui empêche les femmes de dénoncer. La conversation au sujet de la violence doit donc être mise de l'avant. Permettez-moi de vous donner un exemple rapide. Olivia Chow est une professeure invitée au Jack Layton Leadership School. J'animais un groupe de femmes, et neuf d'entre elles sur dix, alors qu'elles discutaient des raisons qui les ont menées à vouloir devenir des leaders, voulaient remédier d'une quelconque façon à la violence sexuelle et à la violence sexiste, mais elles étaient incapables d'adresser le sujet et se sont effondrées en larmes. C'est cette incapacité à en parler, si imprégnée dans nos systèmes qui rend assurément ces moments essentiels.
    Absolument
    Si quelqu'un veut ajouter quelque chose?
    Pour préciser le thème de Reena, les immigrants de deuxième générations ne sont pas nécessairement aux prises avec des barrières linguistiques et sont en mesure de s'y retrouver dans le système. Cela ne signifie pas pour autant qu'elles ne sont pas isolées ou liées à leurs valeurs familiales. Lorsque nous procédions aux entrevues, aux sondages, aux ateliers et aux séances de groupe, j'ai discuté avec une jeune fille élevée ici. À l'âge de 17 ans, son diplôme secondaire en poche, elle savait que le mariage ne saurait tarder et a été mariée de force. Bien qu'elle savait parler la langue et était en mesure de mieux naviguer dans le système canadien que ses parents, cela ne lui a pas évité le mariage forcé. Elle n'a réussi à s'échapper de la situation qu'à la fin de la vingtaine.
    L'isolement extrême, ainsi que le mentionnait Reena, est ancré dans les valeurs familiales. Le fait d'habiter ici ne signifie pas nécessairement que la situation de ces femmes est meilleure.
    Je vous donne un autre exemple. Plusieurs jeunes femmes nous ont abordés. Nous dirigeons le groupe jeunesse différemment maintenant. Nous effectuons davantage de mentorat individuel pour renforcer le leadership de différentes façons. Aurapavant, nous procédions à une rencontre. Nous étions souvent confrontées à la même situation, c'est-à-dire que la jeune fille devait retourner rapidement à la maison, car ses parents travaillaient et elle devait s'occuper de ses jeunes frères et soeurs. La fille aînée tient par défaut le rôle de mère. Elle ne bénéficie pas des mêmes privilèges que ses pairs. Ce fut un moment marquant pour ma part, puisque je me suis dit: « cette enfant, comme bien d'autres jeunes filles de son groupe d'âge, n'a pas le temps de jouer ou de faire ce qui lui plaît ». Ou dans d'autres situations, des grand-mères venaient également occuper ce rôle.
(1700)
    Il reste environ une minute pour ma dernière question. Je réfléchis à ce dont nos avons discuté. Nous observons la différence entre....Certaines d'entre elles reconnaissent leurs obligations culturelles. D'autres reconnaissent les fondements juridiques de notre mission afin que de telles situations ne se produisent plus. Mais je comprends que les liens familiaux étroits peuvent représenter un enjeu de taille.
    Comment faites-vous pour identifier ces femmes dans vos communautés de la région du Grand Toronto? Est-ce que quelqu'un se présente avec un cas précis, ou vous rendez-vous plutôt dans les centres culturels pour avoir ces discussions?
    Vous seriez étonnée d'apprendre de quelle façon les clientes sont dirigées vers le South Asian Women's Centre. Il peut s'agir de bouche à oreille, de références d'agences gouvernementales, de médecins ou de policier. Elles viennent d'aussi loin qu'Ajax, Brampton, Scarborough, etc. Nous disposons d'un bureau à Scarborough et Markham où un employé y travaille trois jours par semaine.
    J'espère avoir répondu à votre question.
    Oui, vous y avez répondu. Le temps est écoulé.
    Je cède maintenant la parole à Mme Malcolmson pour les sept prochaines minutes.
    Merci pour votre travail. Vous avez l'air d'une très bonne équipe. Merci de témoigner devant notre Comité.
    Il ne s'agit pas particulièrement de violence envers les jeunes femmes et les filles, mais dans certaines communautés, nous entendons dire que parmi les enfants réfugiés qui fréquentent l'école, certains souffrent d'un trouble de stress post-traumatique et on n'a pas l'impression que l'école soit vraiment équipée pour aider ces enfants. Constatez-vous la même chose dans votre communauté?
    Oui.
    Vous soulevez ici un point très important, sur lequel nous avons discuté de façon continue. L'équipe précédente a livré un témoignage d'un point de vue universitaire. Je pense qu'au niveau scolaire, en ce qui a trait au genre, ils aimeraient souligner le fait que nous devons redéfinir le langage de la violence. Ce qui est défini comme une violence est très... l'omniprésence des formes de violence nécessite, selon nous, un langage différent.
    Il est difficile de mettre une étiquette dessus, difficile de le nommer. Le niveau scolaire représente le lieu où peut commencer la préparation et la détection, ainsi les étudiants seront un peu mieux préparés une fois à l'université.
    Mais il est certain qu'au niveau scolaire et chez les adolescents, il manque des services. Les conseillers d'orientation doivent peut-être... Il existe de nombreuses lacunes qui peuvent être comblées.
    Autre point. Nous avons servi une grande communauté tamoule. Ces personnes ont fui l'oppression et la guerre. Nous avons servi la communauté bangladaise. Nous continuons de servir ces populations, ainsi que la communauté tibétaine, les communautés de langue arabe et la communauté pakistanaise. De nombreuses personnes issues de ces communautés ont également fui l'oppression et sont venues dans ce pays souffrant de traumatismes causés par l'oppression qu'elles ont fuie, mais aussi par le fait qu'elles ne sont pas capables de s'intégrer.
    En réalité, le SWAC a mené il y a quelques années une étude sur la santé mentale, et plus particulièrement sur le suicide. Nous avons examiné une communauté en particulier, les jeunes issus de la communauté pakistanaise appartenant au groupe d'âge, je dirais, de 16 à 25 ans. Il s'agissait d'une petite étude réalisée sur un échantillon de 200 personnes. Nous avons découvert qu'un grand nombre de ces jeunes étaient suicidaires. Beaucoup d'entre eux étaient confrontés à une forme de dépression. Nombreux sont ceux qui avaient besoin de soutien en santé mentale. Leur problème était relié au fait qu'ils avaient dû quitter leur pays d'origine et venir ici.
    Ce sont des problèmes graves. Nous n'avons rien mentionné dans nos documents, car nous n'avions que 10 minutes. Si nous devions raconter notre histoire, cela prendrait 34 ans pour en faire le récit, mais c'est tout ce que nous pouvons faire en un temps si court, car il y a tant de problèmes qui se posent.
    Il est surprenant que tant de femmes nous aient parlé.... Nous les avons dirigées vers des refuges et elles sont retournées vers l'autorité masculine. Nous leur avons demandé, afin d'assurer un suivi, pourquoi elles l'on fait, et elles ont répondu qu'« Il est le seul repère sécurisant que je connaisse ». Je pense que c'est une histoire triste pour nous tous, et nous devons y mettre un terme rapidement, si nous souhaitons vraiment contrer le problème de violence envers les femmes et éliminer toutes formes de violence envers toutes les femmes.
(1705)
    Nous partageons votre souhait.
    Pouvons-nous parler un peu plus des refuges pour les victimes de violence conjugale? Avez-vous suffisamment de places? Avez-vous suffisamment de fonds? Y a-t-il assez de logements pour accueillir les femmes quittant une relation violente, et les héberger de façon permanente?
    Nous ne sommes pas un refuge. Nous sommes un centre, mais nous travaillons étroitement avec les refuges. On nous dit souvent qu'il n'y a pas assez de places dans un refuge, et de faire appel à un autre refuge. Nous appelons l'unité centrale, et là bien sûr nous obtenons la même réponse.
    Parfois, il est vraiment difficile de trouver des places. Je pense qu'on doit augmenter le nombre de places dans les refuges, mais il est encore plus important d'offrir des logements permanents aux femmes qui ont vécu ce genre de violence que de concentrer tous les efforts dans les logements de transition. Ces femmes ont besoin d'un endroit où élever leurs enfants et où vivre en paix. Je pense que c'est quelque chose que l'on peut réaliser concrètement.
    Beaucoup de femmes de ce centre appartenant à ce groupe d'âge ont des familles. Pour appuyer ce que disait Kripa, il n'y a pas de femmes célibataires. Souvent, ces femmes se sont mariées très jeunes et ont eu des enfants, ce qui fait en sorte qu'il est plus difficile de sortir d'un environnement violent et d'éviter d'y retourner.
    Marmitha, souhaitez-vous prendre la parole?
    Non, ça va.
    Nous pouvons aborder le sujet des répercussions intergénérationnelles. Si ces jeunes filles sont exposées aux violences conjugales que subisse leur mère, cela peut les marquer à vie et aussi les traumatiser.
    C'est un cycle.
    Nous avons entendu des témoins dire qu'ils souhaitaient que le système éducatif soit mieux informé des traumatismes et mieux préparés pour aider les jeunes hommes et les jeunes femmes en ce qui a trait aux comportements appropriés, en particulier lorsqu'il n'y a plus d'unité familiale. Pouvez-vous en dire plus sur ce que vous souhaitez à ce sujet?
    Je pense que le système éducatif est un facteur critique, et qu'il forme un maillon essentiel de l'ensemble du processus. L'enjeu est d'aider les gens à intégrer le système éducatif, à les faire évoluer dans ce système, et aussi de comprendre la complexité de ce que vivent les jeunes femmes et les jeunes hommes d'origine sud-asiatique lorsqu'ils sont dans le système, rencontrent leurs pairs, et qui tiennent des conversations différentes de celles qu'ils ont à la maison.
    Vous savez, ces conversations au contenu contrasté peuvent engendrer des conflits ou des traumatismes. Souvent, on fait appel à la société d'aide à l'enfance, car on dit aux enfants que si l'un de leurs parents les frappe, il faut le rapporter. Nous avons vu de tels cas. Le SWAC a travaillé avec la société d'aide à l'enfance afin de tenter de réunir les familles, car les enfants et les parents se sont retrouvés complètement isolés dans ces situations. Nous devons nous pencher sur ce point. C'est la raison pour laquelle je dis que ce ne sont pas des processus d'exclusion. Il doit y avoir un moyen de tenir compte de tous les facteurs et de tous les intervenants; autrement, vous allez vous attaquer uniquement à un seul problème et ne pas régler l'autre.
    Merci, c'est très bien. Votre temps est écoulé.
    Nous allons maintenant aborder nos dernières questions.
    M. Serré dispose de sept minutes.
    Merci beaucoup pour vos témoignages, vos réponses aux questions et votre travail.
    Ma question est davantage liée à la recherche et aux données. Nous avons entendu de nombreux témoins dire au Comité qu'il y a très peu de recherche et de données, et je suppose que le manque de données est encore plus criant lorsqu'il s'agit de l'immigration asiatique au Canada.
    Vous avez mentionné plus tôt que vous aviez 900 cas. Avez-vous des données à ce sujet et les groupes d'âge? Échangez-vous certaines de ces données avec d'autres groupes de la communauté asiatique, peut-être à Toronto, ou avec d'autres centres partout au Canada? Quel rôle le gouvernement fédéral peut jouer pour faciliter la collecte et l'échange de données à l'échelle nationale?
    Voici ce que nous faisons et ce que nous faisons de mieux. Lorsqu'une femme franchit la porte, nous devons d'abord nous assurer qu'elle se sent à l'aise pour parler de son problème. Puis, nous faisons ce qu'on appelle une inscription et une évaluation. En nous appuyant sur cette évaluation, nous étudions le nombre d'unités de service dont elle a besoin. A-t-elle besoin d'une aide juridique? A-t-elle besoin d'aide, que cela concerne son statut d'immigrant, sa famille ou le droit de la famille? A-t-elle besoin d'aide pour trouver un refuge? A-t-elle besoin d'une aide financière?
    Nous examinons toutes ces questions, puis les membres de personnel commencent à monter des dossiers. Les femmes sont ensuite orientées vers l'extérieur. Nous gardons les dossiers pour faire le suivi, et nous nous assurons que ces femmes reçoivent des services adéquats offerts par des organismes compétents. Bon nombre d'entre elles reviennent vers nous et nous disent « Je ne suis pas heureuse dans ce refuge » ou « Je ne suis pas satisfaite de cet avocat ». Alors, notre rôle est d'essayer de trouver quelqu'un avec qui elles peuvent collaborer.
    Certains cas sont réglés. D'autres ne le sont pas encore. D'autres sont simplement... Je ne sais pas ce qui va arriver à ces personnes. Les 900 cas dont j'ai parlé ont évolué au cours de ces deux dernières années. Certaines femmes viennent et disent « Voici ce que mon mari me fait subir. Que dois-je faire? ». Notre travail consiste à planifier une stratégie de sortie avec elle, si elle souhaite quitter leur foyer, et de les aider durant tout le processus. Nos conseillers ont tous les dossiers en place. Nous n'avons pas encore documenté chaque cas, car c'est très difficile de le faire, mais nous avons un certain nombre d'histoires que nous sommes prêts à vous raconter.
(1710)
    J'aimerais ajouter que nous sommes vraiment heureux des conseils qui nous ont été demandés quant aux changements que le gouvernement fédéral peut apporter. C'est très encourageant. Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons des données non scientifiques, mais... certaines ressources et peut-être un groupe de travail, où quelqu'un comme Kripa peut s'atteler à la tâche pendant un certain temps afin d'examiner les indicateurs de violence révélés dans ces dossiers, les formes que prend la violence, la façon dont nous pouvons analyser la politique. Contrairement au groupe précédent issu du milieu universitaire, qui était plus organisé, plus textuel ou académique dans leur approche, les organisations communautaires possèdent les connaissances et la sagesse, et je pense que nous devons les faire participer à l'étude des dossiers en ce qui a trait à la politique fédérale et aux lacunes à combler. Je pense que ce qu'ils sont en train de déterminer ici, c'est le prochain groupe de travail. Nous pouvons faire de notre mieux pour donner une série d'exemples, mais si nous sommes vraiment sérieux à ce sujet, et vu qu'il y a beaucoup d'information provenant directement de la base, nous pouvons alors passer à l'étape suivante.
    D'accord. Je vais également parler très brièvement du travail que nous avons accompli avec l'Hôpital St. Michael. On nous a demandé de collaborer avec l'Hôpital St. Michael qui a obtenu une subvention pour étudier les questions liées aux petites filles, aux bébés filles et à l'avortement sélectif selon le sexe. Nous avons travaillé sur ce problème et les résultats sont étonnants. J'ai été interviewée par les médias. Des données ont été recueillies à ce sujet. Nous avons parlé du fait que dans beaucoup de cas, les femmes n'avaient pas le choix, et lorsqu'elles ont concu leur deuxième ou troisième enfant et qu'on a su que c'était une fille, elles ont été contraintes d'avorter. Donc, la question du choix ne va pas plus loin.
    Nous travaillons en collaboration avec un certain nombre de partenaires qui ont joué un rôle dans cette étude.
    Merci.
    Nous avons entendu de nombreux témoignages sur la sensibilisation des hommes. Avez-vous un programme qui vise à sensibiliser les hommes d'origine asiatique? Vous ne pourrez peut-être pas tout dire aujourd'hui, mais si vous pouviez en parler ultérieurement au Comité, ce serait bénéfique.
    Parmi les choses que nous avons mises en place avec ce projet et pour un projet précédent, citons le fait d'amener les jeunes hommes et les pères dans la pièce. Nous avons organisé des séances séparées avec eux pour parler de la façon dont ils pourraient soutenir leurs filles ou leur conjointe. Les résultats étaient parfois surprenants. Certains jeunes hommes disaient: « Nous devons protéger nos soeurs. » Nous voulions avoir cette conversation. Il était important de l'avoir. Les pères parlaient également du fait qu'ils avaient besoin d'être... Par conséquent, nous avons essayé. Nous essayons de créer un groupe d'hommes. Les heures de travail sont à nouveau un problème. Nous soutenons les hommes d'autres façons, par des conseils individualisés. Mais il s'agit de leur travail. Beaucoup d'entre eux travaillent par postes. Peuvent-ils participer à un groupe? Sont-ils disponibles? L'organisme Punjabi Community Health Services offre, je pense, un groupe de soutien aux hommes panjabi. Nous aimerions étendre ce type de service à un groupe d'hommes plus large. Cela fait partie de nos objectifs.
(1715)
    Je pense que les possibilités de collaboration sont nombreuses, comme avec la Campagne du ruban blanc, les organismes liés aux dirigeants de la communauté, aux jeunes professionnels, et il y a moyen de discuter de l’égalité des sexes. Le South Asian Women’s Centre possède ses propres méthodes de travail [Note de la rédaction: inaudible].
    Vous avez dit que vous aviez beaucoup d’autres recommandations. Merci de les communiquer au greffier.
    Et merci beaucoup de votre patience.
    Mesdames, nous vous remercions de votre témoignage. C'était très intéressant et je veux vous entendre davantage sur cette question. Merci de votre présence aujourd'hui.
     Notre comité a du travail à faire, par conséquent nous allons éteindre les caméras et nous nous reverrons une autre fois. Merci.
    Membres du comité, je veux juste vous avertir que nous avons eu des annulations de dernière minute pour mercredi. Vous avez vu qu'il y avait des points à examiner.
    Mme Malcolmson a présenté deux avis de motion qui nécessitent normalement 48 heures, mais nous ne disposons pas de ce délai avant la réunion de mercredi. Elle aimerait faire une présentation orale, ce qui veut dire qu'elle peut lire les motions, mais nous n'en débattrons pas aujourd'hui. Nous pourrions alors en parler et voter mercredi.
    Mme Malcolmson, si vous voulez bien prendre la parole.
    Merci, madame la présidente.
    J'ai des exemplaires à distribuer et, oui absolument, j'ai l'intention de lire les motions à voix haute aujourd'hui, puis d'en débattre et de les voter en respectant le délai qui s'impose.
    Je commencerai par la plus courte. Il s'agit d'une suite à nos recommandations sur l'analyse différenciée selon les sexes:
Que le comité invite dès que possible la ministre de la Condition féminine, l'honorable Patty Hajdu, afin qu'elle présente et explique la réponse officielle du gouvernement au rapport du comité intitulé La mise en œuvre de l'analyse comparative entre les sexes plus au sein du gouvernement du Canada, et que cette réunion soit télévisée.
    La seconde motion est, d'après ce que je comprends, cohérente avec une motion adoptée par PROC et qui commence à faire son chemin jusqu'aux autres comités, afin de s'assurer qu'il existe une compréhension commune de la raison de passer à huis clos, ce dont nous avons parlé de manière informelle en tant que comité, mais il semble judicieux de le formaliser. La motion est la suivante:
Que le comité se réunisse à huis clos pour les raisons suivantes uniquement:
(a) pour examiner des questions de salaires, de gages et autres avantages sociaux;
(b) pour examiner des contrats et des négociations contractuelles;
(c) pour discuter de relations de travail et de questions personnelles;
(d) pour discuter d'un projet de rapport ou d'un ordre du jour provisoire
(e) pour participer à des séances d’information sur la sécurité nationale ou parlementaire
(f) pour examiner des questions nécessitant le respect de la vie privée ou la protection des renseignements personnels;
(g) pour recevoir des conseils en matière de droit, d’administration ou de procédure de l’Administration de la Chambre des communes;
(h) pour toute autre raison, avec le consentement unanime du Comité;
Que le président puisse prévoir la tenue à huis clos d’une totalité ou d’une partie d’une réunion pour les raisons susmentionnées; [et]
Que toute motion portant sur une séance à huis clos soit soumise à un débat au cours duquel le motionnaire et un membre de chacun des autres partis reconnus seraient autorisés à intervenir sur celle-ci pendant un maximum de trois minutes chacun; et que le motionnaire ait alors une minute pour répondre.
    Merci, madame la présidente.
    Très bien.
    Lors de la réunion de mercredi après-midi, les travaux du comité consisteront à débattre de ces motions, à revoir les projets de lettre concernant l'éclairage de la tour de la Paix, et à discuter de la prochaine étude à aborder après celle en cours concernant la violence envers les femmes. Alors, pensez-y.
    M. Fraser.
    Sur cette note, concernant notre prochaine étude, j'ai préparé une motion que je n'ai pas encore transmise au groupe, car je souhaite la remanier un peu. Le thème général provient en réalité de ce que je considère comme le thème le plus couramment soulevé au départ, que nous n'avons pas encore étudié, à savoir la promotion des femmes dans l'économie canadienne. J'ai scindé ce thème en une poignée de sous-catégories, telles que les conseils d'administration, les responsabilités gouvernementales... Je n'ai plus toutes les sous-catégories en tête, mais je prévois faire circuler la motion.
    Par courtoisie envers le comité, nous n'aurons peut-être pas à voter mercredi, mais je la ferai circuler à l'avance au cas où nous aurions le temps d'en discuter.
    Parfait. Je vous encourage tous également à vous mettre en mode réflexion.
    Mme Malcolmson.
    Madame la présidente, puis-je vous demander de préciser le point suivant de l'ordre du jour des travaux de jeudi? S'agit-il d'une discussion ou prévoyez-vous un vote et une décision à ce stade?
(1720)
    Non, il s'agira d'une discussion. Je m'attends à ce que les gens apportent des idées. Il est possible que certains viennent avec une motion. La première fois, nous avions eu une discussion sur ce dont nous voulions parler, une motion a été présentée accompagnée d'une profusion de renseignements sur la violence faite aux femmes, et nous avons fini par voter sur cette motion, je pense.
    L'intention est d'avoir une discussion, et elle n'a pas besoin d'être définitive, mais si quelqu'un présente une motion, c'est acceptable.
    Nous nous reverrons mercredi.
    La séance est levée.
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