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Je vous souhaite la bienvenue à la 137
e séance du Comité permanent de la condition féminine. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur les défis auxquels les femmes aînées font face et sur les facteurs qui contribuent à la pauvreté et à la vulnérabilité de ces femmes.
Je suis heureuse d'accueillir parmi nous Laura Tamblyn Watts, agente principale des politiques publiques à la CARP.
Nous accueillons aussi Lori Weeks, professeure agrégée à l'École des sciences infirmières de la Dalhousie University. Elle comparaît par vidéoconférence. Je dois mentionner que nous avons pour l'instant de petits pépins techniques. Lori, nous ferons de notre mieux pour garder la connexion avec vous et pour que vous puissiez répondre à nos questions, mais s'il y a des problèmes, il se pourrait que nous perdions la connexion.
Enfin, nous accueillons Anita Pokiak, membre du conseil des Pauktuutit Inuit Women of Canada.
Comme Laura et Lori nous ont déjà présenté leurs exposés de sept minutes, nous demanderons à Anita de faire de même. Le reste de la séance d'aujourd'hui sera consacré aux questions.
Anita, je vous cède la parole pour sept minutes.
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Qujannamiik, madame la présidente.
Ulaakut, mesdames et messieurs les députés, la présidente, les vice-présidentes, les témoins et le personnel.
Je m'appelle Anita Pokiak et je suis heureuse d'être des vôtres aujourd'hui au nom de notre présidente, Rebecca Kudloo. Je fais partie du conseil d'administration des Pauktuutit Inuit Women of Canada. Je viens de Tuktoyaktuk, dans les Territoires du Nord-Ouest, et je représente l'Arctique de l'Ouest. Les Pauktuutit Inuit Women of Canada forment l'organisation nationale qui représente les femmes inuites au Canada; elle a été incorporée en 1984.
Nos terres ancestrales sont importantes pour notre culture et notre mode de vie. Notre population s'élève à environ 65 000 personnes, qui vivent principalement dans 51 communautés de l'Inuit Nunangat. La plupart de ces communautés sont petites, isolées et seulement accessibles par avion. Nos aînés ont toujours joué et continuent de jouer un rôle important dans nos communautés; ils les guident grâce à leur sagesse et à leurs connaissances. Ce sont les gardiens de nos traditions, de notre patrimoine, de notre culture et de notre langue. Dans notre culture, les hommes comme les femmes sont considérés des aînés.
Il ne faut pas oublier qu'avant les années 1940, nous vivions sur les terres. À partir des années 1950, nous avons été forcés de nous installer dans des colonies permanentes, où l'on nous promettait éducation, soins de santé et logements. Jusqu'en 1970, ceux qui sont nés sur les terres ont assisté à la création de colonies permanentes où les conditions n'étaient pas adéquates pour assurer notre bien-être. Nos communautés sont encore aujourd'hui confrontées à un écart important avec les conditions qu'on trouve ailleurs en raison du sous-investissement chronique du gouvernement du Canada. Nous n'avons pas les mêmes normes de vie que la plupart des autres Canadiens, ni accès aux mêmes services en ce qui concerne la santé et les services sociaux, l'alimentation, le logement, l'emploi, l'éducation et le développement économique. Ces conditions ont des répercussions particulières sur nos aînés et les exposent à toutes sortes d'abus.
Par exemple, à cause de la grave pénurie de logements, la famille élargie dépend souvent de ses aînés pour se loger ou obtenir de l'aide financière. Les aînés sont souvent les locataires d'unités de logement social. Or, d'autres membres de leur famille peuvent profiter d'eux, ils emménagent chez eux sans pouvoir contribuer aux dépenses courantes, y compris au loyer.
Un aîné devrait pouvoir se sentir en sécurité chez lui. La vie dans un logement surpeuplé, puisqu'il peut parfois y avoir trois familles dans une unité de deux chambres, crée beaucoup de stress à tous les membres de la famille. Cela les expose tous à la malnutrition, à la maladie, à la violence familiale et à la violence contre les aînés. Il peut même être difficile pour les aînés de recevoir des soins à domicile dans ces circonstances. Les politiques sur le logement social interdisent la rénovation et l'installation de structures adaptées comme des rampes pour les fauteuils roulants.
Pour ce qui est des communautés où il y a des refuges sûrs pour les aînés, le peu de services offerts ne convient pas nécessairement aux femmes âgées. Ces refuges sont conçus que pour de brefs séjours. Quand des femmes aînées ont besoin d'un endroit où rester à long terme, il n'y a pas de logements de seconde étape dans l'Inuit Nunangat.
Les Inuits les plus vulnérables à l'insécurité alimentaire sont les mères monoparentales et les aînés, qui dépendent souvent d'un revenu de retraite. Même lorsqu'ils ont accès à de l'aide sociale, beaucoup d'aînés n'ont pas les moyens de s'acheter des aliments sains, en raison du coût exorbitant des aliments dans le Nord, et ont du mal à avoir simplement de quoi manger.
Il n'y a pas assez d'Inuits qualifiés pour offrir des soins à domicile à nos aînés non plus. Le fait qu'ils doivent se déplacer pour avoir accès à la plupart des services de santé diminue la qualité de vie des aînés et de leurs familles. Les membres des communautés ayant un accès limité à des services de santé n'ont pas toujours accès à la technologie, à l'équipement et au matériel médicaux nécessaires pour répondre à leurs besoins. Le manque de soins palliatifs sécuritaires et culturellement adaptés est une autre grande lacune dans les communautés.
Au Nunavut, il y a 25 communautés dont les membres n'ont accès qu'à 44 lits de soins de longue durée répartis en Igloolik, Gjoa Haven, Cambridge Bay, Iqaluit et Arviat. Le temps d'attente pour y avoir accès est de presque trois ans.
Il n'y a aucun établissement dans l'Inuit Nunangat qui offre des soins aux personnes atteintes de démence. Par conséquent, les aînés sont constamment renvoyés vers des résidences situées à des milliers de kilomètres de distance. Ici, à Ottawa, il y a une trentaine de Nunavummiuts âgés à la résidence Embassy West Senior Living. Dans ma région, à cause de l'absence de centre de soins de longue durée, nos aînés sont envoyés dans des établissements d'Inuvik et de Yellowknife, qui ont souvent de longues listes d'attente. Nous ne devrions pas avoir à envoyer nos aînés si loin de nos communautés, ni dans le Sud pour recevoir des soins spécialisés. Le fait qu'il soit difficile et coûteux d'offrir des soins dans l'Inuit Nunangat n'est pas une excuse.
Beaucoup d'aînés de l'Inuit Nunangat envoyés au Sud pour y recevoir des soins sont les personnes mêmes qui ont vécu la colonisation et les pensionnats, sauf que cette fois, elles ne reviendront jamais de cet exil. Ils ont commencé par prendre nos enfants et ils nous prennent maintenant nos aînés. Nos familles et nos communautés perdent leurs aînés. Ils ne devraient pas être retirés de leur famille, ni être privés de leur alimentation traditionnelle, de leur langue, de leur culture et de leur environnement. Y aura-t-il une nouvelle vague d'indemnités et de nouvelles excuses pour tout cela dans 50 ans? Ce n'est pas ce que j'appelle la réconciliation.
Les femmes inuites sont les principales fournisseuses de soins aux membres de leur famille, y compris aux aînés. Le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership en consultation avec les femmes inuites, afin de trouver une solution qui préserve la dignité de nos aînés et améliore leur qualité de vie. Cela nécessitera un investissement double: pour intégrer notre mode de vie aux établissements existants et en construire dans nos propres communautés pour que nous puissions nous-mêmes prendre soin de nos aînés.
Je vous remercie de m'avoir écoutée.
Qujannamiik.
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Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui.
Ma première question est pour Mme Pokiak.
Je vous remercie de nous avoir parlé de l'expérience des femmes inuites. Ma question porte sur le respect des traditions et de la culture.
Un autre témoin a indiqué qu'il est important que les femmes conservent leur autonomie, leur indépendance, leur volonté, leur force, leur pouvoir et leur importance, sans être isolées, et qu'il est aussi essentiel qu'elles soient honorées et respectées au sein de leur communauté, qu'elles y occupent une place importante et qu'elles soient valorisées et traitées avec dignité et respect.
Je suppose que certaines de ces choses sont aussi vraies ou importantes dans la culture inuite. Je me demande si vous pouvez faire des commentaires à ce sujet.
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Ma principale recommandation est liée à la nécessité de garder nos aînées dans la communauté, car elles connaissent beaucoup de difficultés dans le Sud. Il est très coûteux de venir les visiter. Leur état de santé se détériore très rapidement lorsqu'elles sont ici, dans le Sud.
Je vais vous donner un exemple. Supposons qu'une personne de Resolute Bay ou de Rankin Inlet est à l'Embassy West et qu'elle va bientôt mourir. Un proche est appelé à son chevet. Il lui faudra des jours pour arriver ici, et c'est sans compter la météo, qui est un facteur dans le Nord. C'est d'une grande tristesse lorsque les gens décèdent dans la solitude, et c'est ce qui va se produire lorsque les gens seront placés ici dans le Sud parce que les gens n'ont pas les moyens de venir jusqu'ici pour être au chevet de leur proche. Le gouvernement paie le déplacement de deux membres de la famille une fois par année pour rendre visite à un proche. Voilà la véritable priorité, à mon avis.
L'autre recommandation est de doter les communautés de refuges pour femmes. Il n'y a pas de refuges dans nos communautés, en particulier dans les plus petites communautés. Voilà les véritables priorités: des refuges pour assurer la sécurité, des installations pour les aînées — y compris d'essentielles résidences pour personnes âgées autonomes —, et de l'aide financière.
Merci.
Pendant plusieurs années, j'ai été la porte-parole du NPD en matière de logement. À ce titre, j'ai effectué une tournée un peu partout au Canada. Je suis entre autres allée au Nunavik avec mon collègue Romeo Saganash. Ce que vous avez décrit tout à l'heure, soit le fait que 14 personnes habitent dans une maison de deux chambres avec des salles de bain noircies de moisissure, je l'ai vu. Je sais donc que cela se passe un peu partout au Canada.
J'ai aussi entendu, la semaine dernière, des chefs du Sud de l'Ontario, l'une des régions les plus riches du Canada, signaler qu'il n'y avait pas d'eau potable chez eux parce que le système de purification de l'eau était trop vieux. Je suis tombée sur le dos quand j'ai entendu cela.
Ainsi, les conditions de vie dans le Nord et ailleurs sont difficiles pour les peuples autochtones, incluant les Inuits.
Récemment, le gouvernement a présenté une stratégie en logement. À mon avis, c'est un début de stratégie, parce qu'il me semble qu'il manque encore certaines choses, notamment une stratégie ciblée sur le logement autochtone.
J'aimerais savoir ce que vous, madame Pokiak, et votre groupe pourriez recommander au gouvernement. Ce dernier nous dit que la stratégie ciblée sur le logement autochtone s'en vient, ce qui inclut le logement inuit, bien sûr. Qu'est-ce que vous pourriez recommander au gouvernement d'inclure dans une stratégie sur le logement autochtone afin de sortir les femmes inuites de la pauvreté?
Je n'ai pas beaucoup d'expérience dans le domaine du logement. Je vais donc parler de mon expérience. Ce qui manque, dans nos communautés, ce sont des mesures qui permettent de réduire le surpeuplement... et des mesures permettant à nos personnes âgées d'échapper à la violence. Elles subissent un stress considérable. En outre, les communautés ont besoin de logements pour personnes autonomes, des appartements avec entrée privée pour les couples âgés. Il faut aussi une résidence offrant des soins 24 heures sur 24. Ce n'est pas la même chose que les centres de traitement de la démence; ils ont seulement besoin de soins 24 heures par jour.
Certaines communautés ont des logements pour personnes autonomes, mais pas assez. Je sais que beaucoup de personnes âgées n'aiment pas être en résidence, car elles tiennent à leur dignité et à leur indépendance. Si elles avaient accès à un appartement pour personnes autonomes avec entrée privée pour que leurs proches puissent leur rendre visite sans déranger les voisins, je pense que ce serait beaucoup mieux. Cela permettrait de réduire le surpeuplement des logements et de réduire le stress et la violence que subissent les personnes âgées.
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Il y a donc un manque flagrant de logement, premièrement, et de logement social. Là où je suis allée, du moins, il y avait 95 % de logements sociaux. Construire une ou deux maisons par village chaque année, c'est nettement insuffisant.
Vous avez dit une autre chose qui m'a touchée. Quand on envoie des personnes âgées dans des centres résidentiels pour aînés à des milliers de kilomètres de chez elles, cela leur rappelle beaucoup les écoles résidentielles. C'est un traumatisme qui revient.
Vous demandez aussi au gouvernement la construction de refuges pour les femmes aînées. J'imagine que c'est pour les jeunes femmes également. De plus, vous demandez la construction de centres où les aînés qui le veulent peuvent recevoir de l'aide. Vous parliez de soins offerts 24 heures sur 24.
Pour ce qui est des refuges pour femmes, je pensais plutôt à des refuges pour jeunes femmes. On entend souvent dire que les jeunes femmes ne veulent pas aller dans des refuges loin de chez elles parce qu'elles risquent de perdre leur enfant. Toutefois, vous m'avez rappelé que les femmes aînées aussi avaient besoin de refuges adaptés à leur situation.
Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
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La maltraitance des aînés est une question de genre. Cela ne fait aucun doute. Lorsqu'on regarde les statistiques sur les personnes âgées victimes de maltraitance, environ deux tiers sont des femmes. On constate également que l'auteur est un homme dans trois quarts des cas, sauf pour l'exploitation financière, où ce pourcentage est plus faible. J'exclus les fraudes et l'escroquerie. Je parle de maltraitance des personnes âgées dans un contexte relationnel, c'est-à-dire une situation censée être une relation de confiance. Les fraudes et l'escroquerie sont des cas à part; nous n'avons pas nécessairement de données démographiques à cet égard.
J'attire votre attention sur l'étude sur la maltraitance des aînés réalisée en 2015 par la Dre Lynn McDonald de l'Université de Toronto, principalement, mais à laquelle j'ai aussi participé. L'étude portait sur les cas de maltraitance des aînés selon les sexes à l'échelle nationale. Des données provinciales et territoriales sont aussi disponibles. Je serais ravie de transmettre ces renseignements au Comité, si vous le voulez. Dans les études qualitatives sur les expériences des femmes âgées, on constate de plus en plus que le caractère multidimensionnel de leur vulnérabilité sociale est d'une importance capitale.
J'aimerais parler brièvement des nouveaux arrivants et des immigrants parrainés, qui sont peut-être parmi les plus vulnérables. Je parle de l'exigence selon laquelle les membres de la famille acceptent l'entière responsabilité financière pour les adultes plus âgés qu'ils font venir au pays. Cela suscite de graves préoccupations quant à la possibilité de mauvais traitements et négligence, qui a un caractère sexospécifique, particulièrement dans les cas où leurs ressources financières leur sont enlevées ou, à l'inverse, dans les cas où elles n'y ont pas accès. Dans certains cas, les femmes arrivent avec leurs bijoux et d'autres biens qui leur sont enlevés par la famille. Donc, elles n'y ont plus accès et cela suscite d'importantes préoccupations au sujet de la dépendance et de la vulnérabilité sociale des femmes âgées en raison de la marginalisation associée au parrainage ou à l'immigration.
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La sécurité financière est une des questions les plus importantes qui concernent les aînés en général et les femmes âgées en particulier. À l'heure actuelle, 76 % des femmes âgées seules vivent dans la pauvreté.
Nous voyons que le CELI peut être utile. Nous avons constaté que les femmes âgées y pensent rarement. En fait, ce n'est pas non plus l'outil auquel les conseillers financiers songent lorsqu'ils pensent aux femmes âgées. Normalement, ils envisagent soit les pensions publiques, soit les pensions privées et la sécurité de la vieillesse, ce qui est très préoccupant. Cela ne va pas à dire que les CELI ne peuvent pas être utiles, mais, lorsque nous prenons l'incidence des emplois sexospécifiques sur les adultes âgées au cours de leur vie, nous constatons que nombre de femmes âgées quittent le marché du travail — si elles y sont déjà entrées —, et connaissent des difficultés par-dessus tout avec la sécurité de leur pension. Il arrive que ce soit la capacité de trouver suffisamment d'argent à placer dans un CELI qui pose problème.
Je pense que c'est un outil à prendre en compte, mais si je songeais à ce qui est le plus urgent, ce serait des systèmes comme le Supplément de revenu garanti et la Sécurité de la vieillesse et la capacité d'avoir recours, entre autres, aux pensions différées qu'on a annoncées. C'est ce qui me vient d'abord à l'esprit.
Lorsqu'il est question de littératie financière, nous privilégions une approche fondée sur le parcours de vie. Nous avons vu que certains outils ont été créés pour les femmes, et je vais vous indiquer les outils créés par l'Agence de la consommation en matière financière du Canada pour les personnes âgées. Cependant, il est primordial d'opter pour une approche fondée sur le parcours de vie afin d'aider les femmes à comprendre les rôles que jouent différents mécanismes financiers au cours de leur vie.
Nous savons qu'une approche « juste à temps » peut être très utile, ainsi qu'une approche planifiée. Dans le contexte de la sécurité financière, une approche planifiée vise à offrir des programmes dans les écoles, etc. Cependant, nous savons qu'il y a des stades où les femmes âgées pensent à leurs finances. Elles ont des occasions d'accéder aux ressources communautaires locales pour mieux s'informer au sujet d'outils comme les CELI et d'autres mécanismes à des stades précoces, alors à 50, 60, 70 ans en général.
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Non, cela dépend du stade de leur vie.
Je pense que certaines des préoccupations que nous observons touchent surtout les femmes qui prenaient soin de leur famille. Nous avons entendu maintes et maintes fois des femmes âgées dire qu'elles n'y avaient pas pensé parce qu'elles étaient trop occupées à élever leurs enfants ou qu'elles croyaient que leur retraite de Sears était sûre, mais elles se sont retrouvées sans retraite du jour au lendemain. Il est, bien entendu, important pour tout le monde de planifier avec soin, et j'estime que ce type de planification est encore plus crucial pour les femmes célibataires, qui représentent — de loin — le groupe le plus défavorisé.
En ce qui concerne les gens qui font leur planification, ce que nous savons c'est que les stades de la vie sont des occasions de favoriser une meilleure compréhension des outils et des mécanismes, qu'il s'agisse d'avoir des enfants, de retourner sur le marché du travail, de postuler un emploi, de divorcer ou de perdre un être cher.
Je ne saurais assez insister sur l'importance pour nous de moderniser une partie des règles qui empêchent les femmes de jouir de sécurité financière à tous les stades de leur vie, mais surtout au troisième âge.
Si je pouvais faire une recommandation en fonction des principales préoccupations, ce serait d'éliminer l'âge obligatoire de 71 ans pour les retraits effectués dans un Fonds enregistré de revenu de retraite. Vous avez les REER jusqu'à 65 ans, qui se convertissent ensuite en FERR. L'âge actuel pour retirer les montants ainsi investis est de 71 ans. Nombre de personnes souhaitent continuer à travailler ou ont besoin de le faire, en réalité. Le processus d'imposition présente des difficultés qui n'ont pas leur raison d'être. Lorsque l'âge a été fixé à 71 ans, les gens mouraient autour de 73 ou de 74 ans. CARP demande que cette exigence fondée sur l'âge soit éliminée pour permettre aux gens de gagner de l'argent pendant toute la durée de leur vie.
Je recommanderais aussi qu'on s'attache à la question de la protection des pensions de retraite. Nous avons vu avec Sears et d'autres cas également traumatisants que si les personnes âgées ne peuvent pas compter sur leurs pensions, nous savons qu'elles seront moins intéressées à cotiser à un régime de retraite. Nous devons inspirer une meilleure confiance dans la protection des pensions de retraite.
À cet égard, nous avons deux recommandations, qui auraient l'avantage, comme nous le savons, d'aider les femmes âgées en particulier. La première est de créer une superpriorité en cas d'insolvabilité, qui ferait en sorte qu'elles aient la préséance pour récupérer leur propre actif dans l'entreprise avant que celui-ci ne soit réparti entre les autres créditeurs étrangers. À l'heure actuelle, elles arrivent au dernier rang. La seconde est de créer un fonds d'assurance obligatoire pour couvrir l'écart entre la pension... peut-être un fonds pouvant aller jusqu'à 70 % ou 80 %. Nous aimerions qu'il soit assuré.
Ces deux recommandations feraient une énorme différence dans la vie des femmes en général.
Madame Pokiak, j'ai eu l'occasion de visiter le Nunavut il y a environ un an, soit en mars 2018. Pendant mon séjour, j'ai eu la chance et le privilège de visiter 11 collectivités en neuf jours. Je suis allée aussi loin au nord que Grise Fiord, et ce fut une expérience incroyable. J'ai eu l'occasion de me rendre dans des petites collectivités à la grandeur de la région, de m'asseoir avec des gens chez eux, dans les stations de radio et les hôtels, et de parler avec eux de leur vécu.
Mon expérience m'a permis de faire de nombreuses observations et de vraiment apprécier leur façon de vivre ainsi que leur culture, leur patrimoine, leurs traditions, leur histoire et la puissance de leurs récits.
J'ai, entre autres, observé que la façon de vivre traditionnelle était lentement en train de se perdre. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec un certain nombre de pêcheurs et de discuter avec eux de ce qu'ils avaient l'habitude de savoir et de ce qu'ils savent maintenant pour pouvoir exercer leurs droits de chasse et de pêche.
Une collectivité que j'ai eu la chance de visiter est celle de Pangnirtung. Dans la semaine qui a précédé mon arrivée, cette localité a été le théâtre de plus de tentatives de suicide qu'on peut en compter sur les doigts d'une seule main — en une semaine. À mon arrivée, j'ai pu m'asseoir avec un groupe d'environ 12 jeunes de la communauté et entendre leurs récits et leurs réflexions sur ce qui se passait dans leur village.
Une des choses qu'ils m'ont confiées est qu'ils avaient l'impression qu'on leur volait leur mode de vie traditionnel. Ils n'avaient pas la possibilité de faire les choses que leurs aînés leur avaient dit avoir faites pendant leur enfance. On sentait leur tristesse, leur chagrin et leur deuil. Quelqu'un a parlé d'« ennui » pour décrire sa vie. Une autre personne était simplement triste, très très triste. Elle s'est dit vraiment chagrinée de la place où elle et sa famille étaient rendues dans la vie.
J'ai aussi eu la possibilité de parler avec un certain nombre d'aînés au sein de la même communauté. Ils m'ont confié qu'ils s'inquiétaient profondément pour la nouvelle génération et ce qu'on lui laissait en héritage. Ils se préoccupaient vivement du fait que leur mode de vie était menacé.
Je vous en parle, car l'expérience que j'ai vécue là-bas m'a marquée et m'a vraiment permis de comprendre les Inuits et leur mode de vie.
Les aînés jouent un rôle vraiment essentiel, rôle que, selon moi, le reste du Canada ne comprend pas. Pouvez-vous nous parler brièvement de l'incidence que les femmes ont en particulier pour aider à donner un sens aux autres au sein de la communauté? Autrement dit, l'ancienne génération transmet son identité à la nouvelle, ce qui semble se perdre, en quelque sorte, ou être menacé, je dirais.
Est-ce vrai? Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
Oui, c'est très vrai. Tout est une question de respect. Nous enseignions tout à nos enfants. Nos hommes enseignaient aux garçons et nos femmes enseignaient aux filles. Nous enseignions tout — la couture, le mode de vie, l'éducation des enfants et la chasse — tout.
Lorsque les familles qui ne vivaient pas sur notre territoire ont été placées dans des établissements inuits, on a commencé par nous enlever nos enfants. Tout devait être enseigné dans les écoles ou par les missionnaires. Cette responsabilité a été entièrement enlevée aux aînés. Aujourd'hui, nos jeunes reçoivent une éducation et perdent leur respect pour tout, notre culture, les terres et les animaux.
Il nous faut revenir en arrière. Voilà pourquoi il est si important que nos aînés retournent dans les écoles parce que les jeunes ne reçoivent plus ces enseignements à la maison. Nous devons recommencer à enseigner notre culture et notre langue dans les écoles pour pouvoir regagner le respect. C'est vraiment une question de respect pour notre peuple, nos terres et nos animaux.
Ma question s'adresse à Mme Tamblyn Watts.
Comme vous le savez, je remplace Mme Irene Mathyssen aujourd'hui. Il y a quelques années, Mme Mathyssen a proposé une stratégie nationale pour les aînés. Ses propositions et celles contenues dans votre rapport intitulé « The FACES of Canada's Seniors » ont beaucoup d'éléments communs, en ce qui concerne la sécurité financière, la prévention de la violence, la santé et le logement.
Toutefois, j'ignore si votre rapport contient une proposition particulière de Mme Mathyssen, soit celle de créer un poste de défenseur des droits des aînés. Cela se trouve-t-il dans votre rapport? Sinon, pensez-vous que ce serait une bonne recommandation à faire au Comité?
Souvent, les aînés ne savent pas vers qui se tourner, surtout lorsqu'il s'agit de femmes seules.