:
Je vous remercie de m'avoir invitée à m'exprimer devant le Comité sur la question cruciale de la stérilisation forcée.
J'aimerais tout d'abord souligner que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
[Français]
Nous sommes ici aujourd'hui parce que nous sommes tous troublés par les rapports faisant état de la stérilisation forcée et contrainte des femmes autochtones au Canada. Je tiens à souligner le courage de ces femmes. Je parle non seulement en tant que femme de l'une des Premières Nations, membre de la nation des Micmacs de Gesgapegiag de la région du Québec, et que mère de deux jeunes filles, mais aussi à titre de personne qui a consacré toute sa carrière à défendre la santé des Autochtones, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de la fonction publique.
[Traduction]
La stérilisation forcée ou contrainte constitue une grave violation des droits de la personne et de l'éthique médicale. Il s'agit d'une forme de violence fondée sur le sexe et elle est la preuve d'un besoin plus général d'éliminer le racisme et les pratiques discriminatoires, d'assurer la sécurité et l'humilité culturelles, d'améliorer le consentement éclairé et adapté sur le plan culturel et d'éliminer les obstacles auxquels se heurtent les femmes autochtones lorsqu'elles accèdent aux services de santé au Canada.
Ce problème est une indication du racisme présent dans le système de soins de santé et s'y attaquer est une question de réconciliation, comme l'a dit la Commission de vérité et réconciliation. Tous les Canadiens ont la responsabilité de veiller à ce que ces pratiques ne se reproduisent plus jamais.
Dans la motion adoptée pour demander cette comparution, l'engagement du gouvernement à l'égard de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones a été soulevé. Comme vous le savez peut-être, en mai 2016, la ministre des Affaires autochtones et du Nord a annoncé que le Canada appuie sans réserve la Déclaration.
La Déclaration est un énoncé des droits collectifs et individuels qui sont nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones dans le monde entier. Le gouvernement doit jouer un rôle actif afin de permettre l'exercice de ces droits. Il respectera son engagement à l'égard de la mise en oeuvre de la Déclaration par l'examen des lois et des politiques, et au moyen d'autres initiatives et mesures de collaboration, dont j'en soulèverai certaines aujourd'hui.
[Français]
Ce comité a particulièrement invoqué l'article 7.2 de la Déclaration, qui énonce ceci:
Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif, de vivre dans la liberté, la paix et la sécurité en tant que peuples distincts et ne font l'objet d'aucun acte de génocide ou autre acte de violence, y compris le transfert forcé d'enfants autochtones d'un groupe à un autre.
J'aimerais également souligner que le principe du consentement préalable, libre et éclairé est au coeur de la Déclaration. Dans sa résolution de juillet 2018 sur la stérilisation forcée, l'Assemblée des Premières Nations a déclaré que « la stérilisation forcée des femmes autochtones par des professionnels de la santé viole les normes de consentement préalable, libre et éclairé préconisées par la Déclaration des Nations Unies. »
[Traduction]
La stérilisation forcée ou contrainte n'est pas un problème qu'une profession ou un ordre de gouvernement peut régler seul. Les gouvernements et organismes fédéraux, provinciaux, territoriaux et autochtones ont tous un rôle à jouer. En même temps, la stérilisation contrainte est une question de pratique de la médecine. Puisque seuls les médecins praticiens, comme les obstétriciens et les gynécologues, peuvent réaliser une intervention telle que la ligature des trompes, les médecins et les groupes qui réglementent cette profession doivent aussi être consultés. Les politiques sur le consentement éclairé sont administrées localement, ce qui signifie que les administrateurs d'hôpitaux et les autorités sanitaires pour lesquelles ils travaillent doivent également adopter des mesures visant à assurer un consentement préalable, libre et éclairé, ainsi que des pratiques axées sur la culture et sécuritaires.
Conformément à son engagement à l'égard de la reconnaissance des droits, du respect, de la coopération et du partenariat, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de leadership en réunissant ces organismes afin de faciliter le dialogue et l'action dans l'esprit de la Déclaration des Nations unies et du principe du consentement préalable, libre et éclairé.
[Français]
Le gouvernement jouera ce rôle de leadership en communiquant avec les ministres de la Santé des provinces et des territoires, ainsi qu'avec les associations médicales, pour trouver des façons de collaborer afin d'assurer la sécurité et le respect des femmes autochtones dans les systèmes de soins de santé au Canada.
Nous travaillerons avec nos collègues de Santé Canada pour réunir les représentants fédéraux, provinciaux et territoriaux afin de discuter avec les groupes autochtones et les organismes de prestataires de services nationaux des mesures visant à assurer la sécurité culturelle et l'humilité dans les systèmes de santé.
[Traduction]
Au sein de Services aux Autochtones Canada, le ministère que je suis venue représenter aujourd'hui, nous travaillons sur le sujet depuis plusieurs mois et, en raison du temps limité, je vais présenter certaines de nos mesures les plus récentes.
La semaine dernière, nous avons tenu une téléconférence avec des organisations autochtones et nationales du secteur de la santé afin de discuter des façons de faire progresser la collaboration et de déterminer les mesures qui garantiront un consentement préalable, libre et éclairé, et des services adaptés à la culture et sécuritaires pour les femmes autochtones partout au Canada. La téléconférence s'inscrivait dans le cadre des efforts déployés en vue d'organiser un forum au début de 2019. Il s'agit d'un événement marquant que le Comité de la haute direction a décidé de mettre sur pied en juin 2018, dont l'Assemblée des Premières Nations et Inuit Tapiriit Kanatami sont des membres à part entière et dans le cadre duquel la participation, à titre d'invités spéciaux, de l'Association des femmes autochtones du Canada, de Pauktituutit et de l'Association nationale des femmes inuites a été sollicitée.
Le Forum est l'occasion de réunir des organisations autochtones et professionnelles afin qu'elles se mobilisent en faveur de la santé génésique des femmes autochtones et débattent d'une recommandation formulée par la Commission interaméricaine des droits de l'homme à Bogota, en Colombie, afin de publier des directives quant aux procédures de stérilisation.
[Français]
Une autre recommandation formulée à Bogotá était de publier une brochure d'information à l'intention des fournisseurs de soins de santé et des patients sur le consentement préalable, libre et éclairé dans le contexte des services de santé pour les femmes. Pour concrétiser cette idée, nous avons discuté avec des organisations nationales de femmes autochtones.
Nous nous employons également à mettre sur pied un nouveau comité consultatif sur le bien-être des femmes autochtones visant à informer le ministère au sujet des enjeux actuels et émergents, notamment la santé sexuelle et génésique. La réunion inaugurale aura lieu en janvier 2019, et nous sommes heureux que plusieurs organisations de femmes autochtones aient déjà confirmé leur participation à titre de membres à part entière.
[Traduction]
En plus de répondre aux recommandations formulées par la Commission interaméricaine des droits de l'homme, Services aux Autochtones Canada s'efforce de soutenir la santé génésique des femmes autochtones de façon plus générale grâce à ses programmes et politiques. Le Programme de santé des mères et des enfants, lancé en 2005, propose des services communautaires de visites à domicile effectuées par des infirmières et des visiteurs familiaux auprès de plus de 8 100 femmes enceintes et familles ayant de jeunes enfants dans plus de 300 collectivités des Premières Nations. Dans le cadre du programme, les femmes enceintes bénéficient de services de gestion de cas, de dépistage, d'évaluation et d'aiguillage, ainsi que de stratégies de promotion de la santé pour cerner les risques et améliorer la santé maternelle et infantile.
Le budget de 2017 fait augmenter de 21,1 millions de dollars sur cinq ans le financement de la Santé des mères et des enfants qui est en ce moment de 25 millions de dollars, ce qui représente une augmentation de 30 %. Avec 7,5 millions de dollars en continu à partir de la cinquième année, l'investissement total, d’ici 2022, sera de 32,5 millions de dollars par année.
[Français]
De plus, le budget de 2017 a prévu un investissement de 6 millions de dollars sur cinq ans pour les sages-femmes autochtones. Il s'agit du tout premier investissement fédéral dans ce domaine. Les soins prodigués par des sages-femmes au sein des communautés autochtones ont été considérés comme étant un moyen d'améliorer la santé et le bien-être des femmes, de leurs enfants et de toute la communauté. En outre, ces soins indiquent un retour des naissances dans les communautés, une pratique traditionnelle de très longue date. De plus, le choix éclairé est reconnu comme étant un principe central des soins prodigués par les sages-femmes au Canada.
[Traduction]
Bien que l'investissement lié à la profession de sage-femme prévu dans le budget de 2017 soit une première pour le gouvernement fédéral, il ne représente qu'une première étape. La plupart des familles autochtones au Canada ont encore très peu accès, voire aucun accès aux soins de sages-femmes. Certaines données probantes indiquent qu'en plus de soutenir les femmes dans la planification de leur santé génésique, ce qui peut prévenir d'autres cas de stérilisation forcée ou contrainte, les sages-femmes aident à empêcher les femmes de perdre la garde de leurs enfants.
La sénatrice Yvonne Boyer et la Dre Judith Bartlett ont constaté que la perte passée de la garde ou la menace de perte de la garde des enfants a joué un rôle dans la stérilisation forcée en Saskatchewan. D'autres travaux sont nécessaires dans ce domaine, et nous nous tournons vers le leadership des sages-femmes autochtones pour avoir une meilleure compréhension. Nous sommes ravis que le Conseil national des sages-femmes autochtones ait accepté de siéger au Comité consultatif sur le bien-être des femmes autochtones.
[Français]
La présence d'une personne de soutien offre de nombreux avantages à une femme en train d'accoucher, notamment parce que cette personne de soutien peut l'aider à prendre des décisions et à défendre ses choix. Le budget de 2017 prévoyait également de nouveaux investissements visant à renforcer le soutien aux mères en veillant à ce que toutes les femmes inuites et les femmes des Premières Nations aient droit à un accompagnement lorsqu'elles doivent quitter leur communauté pour accoucher.
Le Programme des services de santé non assurés de Services aux Autochtones Canada offre maintenant une couverture financière à une personne accompagnant les futures mères, quel que soit leur âge ou leur état de santé, reconnaissant ainsi qu'aucune femme ne devrait avoir à accoucher seule.
[Traduction]
Le gouvernement du Canada s'est engagé à mettre en oeuvre les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, notamment les appels 22, 23 et 24, qui portent sur l'utilisation et la reconnaissance de la valeur des pratiques de guérison des Autochtones, le maintien et l'augmentation du nombre de professionnels de la santé autochtones et la prestation d'une formation sur les compétences culturelles et d'une formation sur la lutte contre le racisme et sur les compétences culturelles pour tous les étudiants en médecine et en sciences infirmières.
Notre ministère explore, avec le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada et des organisations autochtones, des idées de projet pour permettre un dépôt en ligne d'outils d'apprentissage des compétences culturelles. L'an passé, le Collège royal des médecins et chirurgiens a donné son approbation pour que la santé et la sécurité culturelle des Autochtones deviennent une composante obligatoire de l'éducation médicale supérieure et de la certification.
En 2013, toutes les activités de Services aux Autochtones Canada liées à la santé ont été transférées aux Premières Nations de la Colombie-Britannique sous le contrôle d'une nouvelle Autorité sanitaire des Premières Nations, l'ASPN. L'ASPN a fait un travail remarquable avec la province et avec ses régies régionales de la santé en mettant la touche finale à une Déclaration sur la sécurité en santé culturelle et en donnant des renseignements relatifs à la formation sur la sécurité et l'humilité culturelles dans l'ensemble du système de santé provincial.
L'ASPN est en train de développer la toute première norme de sécurité et d'humilité culturelles en partenariat avec l'organisme des services de santé affilié à Agrément Canada. Nous finançons ce travail.
Nous espérons que d'autres provinces et territoires vont voir ces travaux comme étant des pratiques prometteuses. C'est un élément important que nous présenterons au nouveau Groupe de travail fédéral-provincial-territorial dont j'ai parlé plus tôt.
[Français]
L'Association des femmes autochtones du Canada et le regroupement Pauktuutit font preuve de leadership en matière de santé des femmes autochtones, et à mesure que notre relation avec ces organisations de femmes se développe et s'élargit pour inclure Les Femmes Michif Otipemisiwak, nous sommes encouragés par leur bon travail et leurs conseils. Leur collaboration est essentielle pour bien faire les choses.
[Traduction]
Il faudra les efforts de nombreuses personnes pour s'assurer que le racisme structurel et les effets de la colonisation ne nuisent pas à la santé des femmes autochtones. Je vous assure que nous prenons cette question très au sérieux et que nous travaillons dans un esprit de collaboration et de partenariat pour offrir aux femmes autochtones de partout au Canada des services de santé sécuritaires et adaptés à leur culture.
Je serai ravie de répondre à toutes vos questions.