FEWO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent de la condition féminine
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 12 mai 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte. Puisqu’il est 15 h 30, nous allons commencer. Bonjour à tous.
Aujourd’hui, nous accueillons des universitaires. Il y a beaucoup d’expérience dans la salle, alors je m’attends à ce que vous fassiez travailler vos neurones.
Nous allons d’abord entendre les témoins qui participent par vidéoconférence. Je les présenterai à tour de rôle. Chacun disposera de 10 minutes pour nous présenter son exposé.
Nous entendrons d’abord Rosalind Cavaghan. Mme Cavaghan possède un doctorat et est chercheuse à l’Université Radboud de Nimègue, aux Pays-Bas. Ses travaux récents portent sur les efforts de la Commission européenne en matière d'intégration de l’égalité entre les sexes et la nature sexospécifique de la réponse de la Commission européenne à la récente crise financière.
Madame Cavaghan, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole pour 10 minutes.
Je tiens à vous remercier de m’avoir invitée à comparaître. Comme vous l’avez souligné, je travaille à titre de chercheuse postdoctorale à l’Université Radboud. Toutefois, j’aimerais parler plus précisément des leçons que j’ai tirées de mon analyse très détaillée des processus de mise en oeuvre de l’intégration de l’égalité entre les sexes à la Direction générale de la recherche de la Commission européenne. Pour simplifier les choses, je ferai référence à la DG de la recherche. Mon analyse portait sur la période entre 2002 et 2006. J’espère que ces informations vous seront utiles.
J’aimerais d’abord souligner deux éléments liés aux problèmes de mise en oeuvre qui ressortent des recherches universitaires. J’imagine qu’ils vous seront familiers. Je serai donc brève dans ma description de ces éléments.
Le premier problème largement établi est que les fonctionnaires ou politiciens soutiennent que le genre n’est pas pertinent. La plupart des gens normaux ne comprennent pas que le genre pourrait être pertinent dans tous les domaines d’orientation. Selon les recherches, même si un politicien ou fonctionnaire se dit en faveur de l’égalité entre les sexes, cela ne signifie pas qu’il comprend que cette notion d’égalité est définie par la société ou que la politique de l’État est à l’origine de l’inégalité entre les sexes, ou même que, parfois, c’est l’État qui renforce cette inégalité. Donc, l’intégration de l’égalité entre les sexes et l’analyse comparative entre les sexes peuvent facilement être difficiles à comprendre et devenir des contraintes vides dès qu’elles passent de l’étape de la rhétorique politique à la mise en oeuvre.
Les structures de mise en oeuvre doivent être établies en gardant à l’esprit cette confusion possible. À mon avis, il y a trois priorités à respecter dans la conception des structures de mise en oeuvre pour s’attaquer aux éléments que je viens de souligner.
Selon moi, la première priorité serait de miser sur un leadership fort de la part de la direction ou sur une volonté politique de haut niveau. Autrement dit, il est très important d’énoncer clairement, dans chaque domaine d’orientation, ce que signifie réellement l’intégration de l’égalité entre les sexes. Cet énoncé doit inclure une vision stratégique, des processus opérationnels et une évaluation des répercussions et des méthodes d’évaluation. Souvent, lorsque ces éléments ne sont pas clairement définis, la mise en oeuvre de l’intégration de l’égalité des sexes dégénère en une compétition sur la signification et la pertinence du genre, peu importe le domaine d’orientation.
À la DG de la recherche, les travaux d’élaboration de politiques conceptuelles ont été réalisés dans le cadre de réunions entre des gestionnaires internes, des spécialistes en matière de politique sur l’égalité entre les sexes et des organisations féminines de la société civile. Les procédures de mise en oeuvre établies rejoignaient les trois éléments dont je viens de parler — une vision stratégique, des processus opérationnels et une évaluation des répercussions —, ce qui a jeté les fondations de l’effort collectif et de la compréhension.
Plus précisément, des employés de l’unité de gestion stratégique de la DG de la recherche ont pris l’engagement plutôt vague de l’UE envers l’intégration de l’égalité entre les sexes dans tous les domaines d’orientation et l'ont traduit en termes plus précis et pertinents à la politique de recherche. Leur vision stratégique de l’intégration de l’égalité entre les sexes à la politique de recherche reposait sur la science par et sur les femmes, ce qui est devenu une sorte de devise.
Cette vision a été diffusée à l’interne et s’est également traduite très facilement en mesures bien précises, notamment des quotas de femmes dans le processus décisionnel et de mise en oeuvre que l’on appelle Plan d’action sur la parité entre les sexes. D’ailleurs, ce plan d’action a été incorporé aux procédures de gestion de projet en vigueur que les fonctionnaires suivent presque tous les jours. Dans le cadre de ce plan d’action, les fonctionnaires doivent fournir deux éléments d’information: le nombre de femmes faisant partie d’une équipe de projet scientifique et les répercussions de ce projet sur les femmes.
Cela aussi a eu un impact très intéressant sur les pratiques et les connaissances des fonctionnaires. Lors de mes entrevues sur l’intégration de l’égalité entre les sexes, aucun des fonctionnaires de la DG de la recherche ne voulait avoir une discussion conceptuelle avec moi. Toutefois, tous, sans exception, ont souligné cette procédure obligatoire, ce plan d’action, et les obligations qui s’y rattachaient. Ils savaient tous qu'il était trop simpliste de simplement compter le nombre de femmes, qu’ils devaient, en réalité, décrire la pertinence que pourrait avoir le genre sur le contenu et les conséquences d’un projet scientifique.
Cette compréhension en deux temps représente une petite ouverture vers la compréhension que doivent avoir les fonctionnaires de ce qu’est le genre. Lors des entrevues que j’ai menées, les employés m’ont souvent dit qu’ils demandaient de l’aide pour remplir cette deuxième section du plan d’action sur la parité entre les sexes. Cela n’est pas un problème, car, en réalité, c’était, dès le début, l’objectif des concepteurs de la politique. Ils avaient mis sur pied un réseau de soi-disant responsables des questions de genre, un dans chaque sous-section. Cette personne participait aux réunions bimensuelles en compagnie de l’unité de gestion stratégique et il leur revenait de transmettre aux membres de leur section les renseignements relatifs au Plan d’action sur la parité entre les sexes.
Ce plan d’action a permis de recueillir des données sur le personnel de la DG de la recherche. Essentiellement, lorsqu’il mettait en oeuvre la politique dans sa propre sous-section, le responsable local des questions de genre transférait les renseignements que lui avait transmis l’équipe de gestion stratégique.
Cela m’amène à la deuxième et à la troisième priorité pour l’élaboration des structures de mise en oeuvre. La première priorité était d’avoir un énoncé clair. La deuxième concerne les processus d’apprentissage. L’intégration de l’égalité entre les sexes pose beaucoup de difficultés aux établissements et aux particuliers, car ils doivent intégrer de nouveaux concepts dans leurs pratiques.
La deuxième priorité pour l’élaboration des procédures de mise en oeuvre, c’est l’institutionnalisation de l’apprentissage continu sur la pertinence du genre. Le plan d’action sur la parité entre les sexes a encouragé la transmission d’expertise sur le genre et son intégration dans les procédures de mise en oeuvre en vigueur. Pour savoir comment procéder, il faut une bonne équipe des politiques et suffisamment de ressources.
La troisième priorité, c’est de miser sur une volonté politique de haut niveau. Celle-ci doit se traduire par des ressources, des récompenses et des sanctions claires pour promouvoir une mise en ooeuvre active. Les fonctionnaires mettent en oeuvre les politiques lorsque les priorités sont clairement établies et que les processus de mise en oeuvre sont clairement définis, et si cela est avantageux pour eux sur le plan professionnel. À la DG de la recherche, les renseignements liés à l’atteinte des quotas de femmes et le contenu des plans d’action sur la parité entre les sexes ont été consignés dans une base de données de façon à pouvoir comparer les sous-sections et évaluer leurs progrès. Cela s’est avéré une mesure incitative pour la mise en oeuvre de la politique, car les membres du personnel pouvaient voir et comparer les mesures prises.
La politique sur l’intégration de l’égalité entre les sexes est très ambitieuse, car elle s’attaque à l’ignorance relative au genre, une ignorance bien ancrée dans la structure. Par conséquent, nous devrions considérer l’intégration de l’égalité entre les sexes comme étant un processus d’apprentissage à long terme qui exige des ressources et des mesures incitatives adéquates. J’aimerais vous laisser avec les messages suivants.
D’abord, l’intégration de l’égalité entre les sexes et l’analyse comparative entre les sexes doivent être proprement conçues à toutes les étapes stratégiques, y compris la vision stratégique, les procédures opérationnelles et l’évaluation des répercussions. À cet égard, la collaboration entre les fonctionnaires et les spécialistes des questions de genre sera nécessaire.
Ensuite, les processus de mise en oeuvre devraient être institutionnalisés afin d’encourager la diffusion d’information et de connaissances sur la pertinence du genre, de l’évaluation des répercussions à l’élaboration de politiques stratégiques. Je ne veux pas dire que tous doivent atteindre un même niveau d’expertise dans le domaine, mais je crois qu’il faudrait régulariser les rapports entre les spécialistes et les responsables des questions de genre.
Ces trois priorités, la volonté politique, les ressources adéquates et des incitatifs clairs, sont essentiels à la mise en œuvre réussie de toute politique. L’analyse comparative entre les sexes n’y fait pas exception.
Ceci met fin à mon exposé. Je vous remercie de votre attention.
Excellent. Merci, madame Cavaghan.
Nous entendrons maintenant Mme Dorienne Rowan-Campbell. Madame Campbell est consultante en matière d’égalité entre les sexes et a été membre du Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes créé pour conseiller le gouvernement sur la façon de mettre en œuvre l’analyse comparative entre les sexes et améliorer l’égalité entre les sexes.
Madame Campbell, vous avez la parole pour 10 minutes.
Merci beaucoup.
Je tiens, moi aussi, à m’excuser, car, de toute évidence, nous n’avons pas bien fait notre travail, puisque nous sommes ici aujourd’hui.
Je suis très heureuse d’avoir été invitée à comparaître, car, évidemment, c’est un sujet qui me tient à coeur. Je reviendrai sur certains éléments abordés dans le rapport sur l’obligation de rendre des comptes que nous avons préparé.
Je suis d’accord avec Rosalind: le leadership est essentiel et il doit être soutenu. Il faut une volonté politique de haut niveau. À cet égard, le cabinet actuel du gouvernement, composé d’un nombre égal d’hommes et de femmes, envoie un très bon message au reste de la fonction publique. Toutefois, j’ai été horrifiée de voir une photo publiée dans The Star immédiatement après l’annonce du budget dans laquelle on pouvait voir le premier ministre entouré de cinq hommes. Tous souriaient et s’apprêtaient à aller discuter du budget et de l’impact qu’il aurait pour le pays. Pour la première fois, nous avons plusieurs femmes au cabinet; quelques-unes auraient pu figurer dans la photo. J’ignore quand cette photo a été prise, mais quelqu’un n’a visiblement pas compris le message qu’elle enverrait sur l’importance de l’égalité et du partenariat, ainsi que sur le rôle des femmes dans le domaine de l’économie, notamment en ce qui a trait au budget.
Les rapports que vous avez reçus du vérificateur général et de Condition féminine Canada montrent que notre système comprend plusieurs lacunes et que nous devons nous concentrer davantage non seulement sur la sensibilisation à l’analyse comparative entre les sexes, mais aussi sur les instruments à notre disponibilité et les moyens de mise en oeuvre que nous allons utiliser. C’est ce qu’on a appris avec les OMT et que l’on tente d’intégrer aux OCT. C’est également ce que nous devons faire. Mais, je ne suis pas une universitaire.
Il faut avoir un cadre de responsabilisation et nous avons failli à cet égard. En 1995, nous avons cru l’analyse comparative entre les sexes serait adoptée. Ce rapport a été publié en 2005. Nous sommes maintenant en 2015 et nous ne sommes plus considérés comme des chefs de file en matière d’intégration de l’égalité entre les sexes et de la priorité accordée à l’égalité entre les sexes.
Nous devons nous tourner vers la conformité. Il y a une différence entre responsabilité et conformité. Il est possible d’avoir des mécanismes de responsabilisation sans avoir de mesures de conformité. Je ne dis pas qu’il faut légiférer ou rendre obligatoire la conformité. On voudra peut-être en discuter, mais il est essentiel d’adopter des mesures contraignantes de conformité. Nous avons perdu suffisamment de temps à sensibiliser les gens et à leur expliquer que c’est important. Ils le savent; nous le savons tous. Il est temps de passer de la parole aux actes.
Les îles Marshall, de petites îles situées dans le Pacifique, ont publié un rapport très intéressant. Les dirigeants ont décidé que simplement faire rapport sur l’analyse du budget n’était pas suffisant, qu’il fallait agir. Tous voulaient modifier le budget lui-même, pas seulement la réflexion sur son contenu. Nous souhaitons changer ce que l’on inclut dans le budget et analyser les conséquences de ces décisions. Si vous me le permettez, je vous enverrai un extrait de ce rapport, car je crois que cela pourrait vous être utile.
Comme le soulignait Roselind, il y a trois dimensions à la question: l’analyse comparative entre les sexes favorise la sensibilisation aux enjeux et aux conséquences des budgets et des politiques et leur compréhension; elle pousse le gouvernement à rendre des comptes concernant les engagements budgétaires et politiques qu’il prend en matière d’égalité entre les sexes; et elle modifie et affine les budgets et politiques du gouvernement quant à la promotion de l’égalité entre les sexes.
Au fil des ans, nous ne nous sommes pas suffisamment concentrés sur la troisième dimension. Les rapports portent sur ce qui a été fait, et par qui, et sur ce qui n’a pas été fait. Mais, nous devons, notamment, analyser les conséquences. Aussi, vous devez, vous, le Comité permanent de la condition féminine, vous informer à savoir qui sont les dirigeants qui disent que cela n’a pas été fait et qui comprennent que, par conséquent, le problème de la pauvreté n’a pas été réglé.
Dans notre rapport — et j’ignore s’il est encore disponible —, nous proposons que le gouvernement fédéral utilise les outils internes dont il dispose, notamment le Cadre de responsabilisation de gestion. Nous devons trouver les moyens que le gouvernement et la fonction publique utilisent et responsabiliser les gens à l’utilisation de ces moyens.
Nous soulignions également dans notre rapport qu’à chaque discours du Trône, le gouvernement devrait souligner l’importance du genre et de l’analyse comparative entre les sexes, ainsi que les résultats à atteindre.
Je suis un peu confuse, car je remarque que Condition féminine parle maintenant de l’ACS PLUS. Cela explique peut-être pourquoi nous en sommes rendus là. Pour moi, l’analyse comparative entre les sexes devait toujours tenir compte de l’âge, de la classe, de l’expérience et de la culture, car le genre ne se limite pas seulement au sexe masculin ou féminin. C’est une question de schématisation; il faut recueillir toutes les informations qui permettent d’avoir une image du genre. Le fait que l’ACS PLUS n’était pas l’objectif de départ explique peut-être pourquoi nous n’avons pas fait autant de progrès que nous l’aurions dû et pu.
Les deux autres dimensions concernent la responsabilisation et le leadership. Le rapport du vérificateur général touche à tout. Je crois que nous sommes rendus à une étape où il faut encourager la conformité. Pour agir rapidement, nous avons besoin d’un porte-parole qui se concentre sur cet enjeu et qui fait rapport de la situation au Parlement et à toutes les femmes du pays.
La troisième chose dont nous avons besoin, c’est la participation de la société civile. Il y a une rupture dans la façon dont les organisations de la société civile interagissent et dans leur relation avec Condition féminine et les informations que recherche la commission. Nous n’avons plus de commissaire de la condition féminine depuis l’arrivée des ONG de la société civile. Le comité national d’action ne siège plus. Nous n’avons plus de moyen pour rassembler les voix des femmes.
Ce qui me réjouit, c’est que partout dans le monde, ce sont les groupes de chercheurs qui font la promotion de l’ACS, de budgets qui tiennent compte du genre et de résultats en matière d’égalité entre les sexes. Comme le sait Rosalind, vous avez le soutien de certains groupes au sein de la CE qui vous encouragent à aller de l’avant. Je suis très heureuse de constater que l’ICREF a été invitée à comparaître.
J’ai été très déçue lorsque le groupe a été démantelé, car j’étais une des membres fondatrices, en 1975. À l’époque, nous voulions prendre position sur notre perception des femmes au Canada, la façon dont elles sont présentées et la façon de recueillir de l’information sur elles, sur leur vie et sur leur place au sein de la population canadienne.
Merci, madame Campbell. Votre temps est écoulé. Nous y reviendrons peut-être lors des questions des membres.
Nous entendrons maintenant Mme Cindy Hanson. Madame Hanson est professeure agrégée à l’Université de Regina. Elle est aussi directrice de l’Adult Education and Human Resources Development Unit et présidente désignée de l’Institut canadien de recherche sur les femmes.
Je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole pour 10 minutes.
C'est un privilège d'être ici. Je témoigne en ma qualité de spécialiste de l'ACS et de chercheuse universitaire.
Il y a plus d'une décennie, en 2003 pour être exact, je faisais partie d'un groupe d'une dizaine de femmes, environ — il n'y avait que des femmes —, qui ont reçu une formation de Condition féminine Canada sur l'ACS. Les choses ont bien changé depuis. L'ACS est tombée dans l'oubli, du moins du côté de la société civile. Le Canada a été fortement critiqué pour ses pratiques en matière d'égalité des sexes, notamment pour les compressions budgétaires imposées aux bureaux régionaux de Condition féminine Canada. Le Canada a également fait l'objet de critiques à l'échelle internationale pour son incapacité systémique à s'attaquer au problème des femmes autochtones disparues et assassinées, ce qu'il a mis beaucoup de temps à changer.
En tant que féministe, universitaire et présidente désignée de l'Institut canadien de recherche sur les femmes, je peux vous dire que cela a été une période difficile, tant sur le plan personnel que sur le plan organisationnel. Je pense qu'il est temps que la situation change, et les priorités à cet égard sont les suivantes: appuyer les activités liées à l'ACS et à l'égalité à l'aide de mesures de soutien et de ressources, y compris des évaluations; accorder une attention accrue à la conceptualisation des sexes et à son interaction avec d'autres formes d'oppression. Une fois ces deux facteurs pris en compte, l'ACS peut jouer un rôle important dans la transformation des programmes, des politiques et, à terme, des structures.
J'estime que pour y arriver, il faut rétablir le financement pour la recherche de Condition féminine Canada, car cela permettrait de canaliser d'importants outils et de démontrer que l'ACS peut transformer les politiques publiques. Je vais vous donner, tout à l'heure, des exemples des façons d'y arriver. Ajoutons à cela que la participation des femmes et des organisations de femmes favorise l'apport d'observations supplémentaires dans ce processus.
J'ai une vaste expérience de l'ACS aux échelles provinciale, nationale et internationale. J'ai été consultante pour Condition féminine Canada en 2003, j'ai offert de la formation à Terre-Neuve, au Manitoba, en Saskatchewan, en Afrique du Sud et en Indonésie.
Nous avons essayé d'offrir une formation sur l'ACS très différente de celle qu'offraient d'autres ministères responsables à l'époque, et qu'ils offrent toujours, d'après ce que je comprends. Je pense que cela pose problème, probablement, et qu'au lieu de laisser chaque ministère agir à sa guise, il serait peut-être préférable que Condition féminine Canada exerce une surveillance de la formation en matière d'ACS.
Il y a 10 ans, j'offrais la formation sur l'ACS selon une méthode uniformisée. Nous avions des documents de formation et c'est ce que nous utilisions. La formation était habituellement offerte sous forme d'ateliers d'une journée. On considère de plus en plus que cette façon d'offrir de la formation ne convient pas. En tant qu'éducatrice aux adultes, je sais pertinemment qu'offrir une formation selon cette méthode est une approche technique et rationnelle qui tient peu compte des enjeux éthiques, politiques et sociaux liés au concept de genre ni du changement qu'il peut entraîner.
Évidemment, je pars de l'hypothèse que vous savez tous ce qu'est l'ACS et que vous avez beaucoup de renseignements contextuels à ce sujet parce que vous avez entendu d'autres témoins.
En 2005, le Comité permanent de la condition féminine a indiqué qu'il était urgent de mettre en place une loi et des mécanismes de responsabilisation. Nous disons la même chose 12 ans plus tard. Il n'y a rien à ajouter.
Permettez-moi de revenir sur la façon dont on procédait aux analyses comparatives entre les sexes. Je suppose que cela se fait désormais en ligne et toujours selon cette approche technique et rationnelle. On pourrait croire que les activités de ce genre favorisent les changements ou la mise en place de solutions à court terme, mais il n'en est rien. Cela pourrait temporairement donner l'impression que cela a une incidence quelconque sur les gens et qu'il faut modifier légèrement notre façon de faire, mais à moins d'entreprendre une discussion sur les fondements théoriques des pratiques existantes et sur l'appui à la formation, rien ne changera. En fait, je peux vous dire au passage, en ma qualité d'éducatrice aux adultes, que les mesures prises après un atelier de formation représentent 40 % du suivi à la formation. Donc, l'inaction après une formation entraîne une perte possible de 40 % de son efficacité.
La formation aux questions de genre risque d'avoir peu d'effets durables sans soutien à tous les niveaux. Il convient donc d'offrir des ressources, tant des ressources humaines que du financement. Les évaluations peuvent aider les formateurs et les organisations à comprendre les limites et le potentiel de la formation aux questions de genre et à cerner les éléments essentiels à l'établissement d'une stratégie. L'évaluation est un élément essentiel à la reddition de comptes et au respect des engagements internationaux et nationaux.
Je dirais que c'est cet aspect qui posait problème dans notre façon d'appliquer l'ACS. En 2004, il a été demandé à l'unité de l'ACS de Condition féminine Canada de donner une formation sur l'ACS en Afrique du Sud. Dans ce pays, le bureau de la condition féminine — un ministère à part entière — relève de la présidence. On nous a aussi demandé de faire un suivi. C'est ironique, car nous procédions au suivi et à l'évaluation d'une pratique dans ce pays, tandis que nous ne le faisions pas au Canada. À mon avis, il est essentiel d'envisager l'adoption d'une telle pratique à l'avenir.
En outre, je pense qu'il est vraiment important de se pencher sur la question de la transformation des relations de pouvoir et de la dynamique homme-femme, ce qui est l'objectif ultime. Il s'agit de transformer les normes sociales entourant la masculinité, la violence et le genre, parce que ces normes sont liées aux idéologies dominantes; il faut donc comprendre leur interaction, à l'échelle mondiale, avec d'autres façons d'être. À titre d'exemple, en tant que femme de race blanche, je ne peux comprendre ce que c'est que d'être une personne pauvre, d'être une femme autochtone, etc. Pour y parvenir, je dois nécessairement élargir ma perspective. Je dois donc comprendre les interrelations et les intersectionnalités des représentations sexuées. Les liens intersectionnels attirent l'attention sur les façons dont est vécu le genre par rapport à d'autres aspects de l'identité, comme la race, la classe, les capacités, les systèmes de croyances, la langue, la sexualité et ainsi de suite. Ils concernent également les liens de ces aspects avec les positions privilégiées, l'oppression et l'inégalité.
Je vous invite à examiner les cadres intersectionnels féministes de l'ICREF, si vous en avez l'occasion. J'ai mis le lien dans le mémoire que j'ai fourni. Les cadres intersectionnels féministes permettent d'analyser la façon dont différents facteurs se recoupent pour créer des conditions propices à l'exclusion.
Une partie des travaux sur l'ACS que j'ai menés pour Condition féminine Canada portait sur l'analyse comparative entre les sexes adaptée à la culture. À cette époque, nous collaborions avec 20 organisations autochtones différentes au Canada. C'est pendant ces travaux que j'ai commencé à comprendre les mécanismes du renforcement des inégalités entre les sexes. Si nous ne prenons pas en compte d'autres facteurs et que nous ne faisons rien pour les régler, si nous continuons de traiter toutes les femmes sur un pied d'égalité, nous ne ferons que perpétuer ce que nous faisons déjà. Voilà pourquoi, 15 ans après avoir commencé à faire des analyses comparatives entre les sexes, nous obtenons les mêmes résultats qu'il y a 15 ans.
En 2012, j'ai travaillé avec le Cercle des femmes autochtones de la Saskatchewan et des aînés dans le cadre d'une étude sur la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, le Processus d'évaluation indépendant, ou PEI, qui est un processus extrajudiciaire qui vise à régler les réclamations concernant les sévices physiques et sexuels graves subis dans les pensionnats indiens. Il s'agit possiblement du plus important processus de réclamation au monde, et certainement au Canada; il est toujours en cours.
Après avoir procédé à une analyse comparative entre les sexes et avoir mené des consultations auprès de 25 survivantes ainsi qu'auprès d'avocats, d'adjudicateurs et d'adjudicateurs adjoints, j'en suis venue à la conclusion qu'on n'avait pas tenu compte des questions sexospécifiques dans l'élaboration de la politique, car si on l'avait fait, les résultats auraient été très différents. Par exemple, les indemnités et la perte de possibilités auraient été définies très différemment. Je pourrais vous donner des exemples plus tard, lors des séries de questions. On aurait peut-être consacré plus d'efforts à définir la description des actes sexuels et l'existence de préjugés liés à la culture et à la langue, et à l'interprétation de la maltraitance et des agressions sexuelles contre des enfants. Cela démontre la nécessité de prendre en compte la complexité des questions sexospécifiques, car ce n'est pas uniquement une question liée au sexe
L'importance de cet élément dans la démarche entreprise pour solder l'héritage colonial du Canada devrait convaincre de la nécessité d'inclure une analyse intersectionnelle, adaptée à la culture, des politiques et programmes. Surtout, cette étude montre clairement pourquoi Condition féminine Canada devrait rétablir le financement d'activités de recherche et de défense des droits.
Nous avons mené une deuxième étude, financée par Condition féminine Canada. Elle portait sur le travail non rémunéré de femmes assistées sociales en Saskatchewan. Selon les politiques de la province, les assistées sociales sont tenues de trouver un emploi rémunéré une fois que leur enfant atteint l'âge de deux ans. Il s'agissait d'un projet de recherche-action qui visait à démontrer que le travail non rémunéré a une valeur, et que lorsque les femmes retournent au travail ou occupent un emploi rémunéré, il est fréquent qu'elles n'aient pas l'aide dont elles ont besoin, et que cela représentait des coûts supplémentaires, en fin de compte. L'étude a permis de démontrer que l'ACS peut entraîner des changements aux politiques publiques.
Merci. Le temps est écoulé, madame Hanson. Je suis désolée. Nous traiterons du reste pendant les séries de questions.
J'aimerais rappeler aux membres du Comité que le rapport dont Mme Hanson a parlé vous a été envoyé par courriel et qu'il est aussi disponible en ligne.
Nous allons maintenant écouter Mme Olena Hankivsky. C'est un plaisir de vous accueillir.
Vous avez 10 minutes. Vous pouvez commencer.
Merci beaucoup de l'invitation.
Aujourd'hui, je vous parle en tant que spécialiste de l'intégration des considérations liées à l'égalité entre les sexes. Je travaille dans ce domaine à l'échelle internationale depuis plus de 15 ans, soit dans des pays développés, des pays en développement et des pays en transition. J'ai aidé des gouvernements étrangers et des organismes internationaux pour l'élaboration de manuels, d'outils et de guides, et j'ai donné de la formation au Canada au sein de divers ministères fédéraux et provinciaux. Plus particulièrement, j'ai collaboré avec Condition féminine Canada en 2010 à l'élaboration de l'ACS+, tant sur le plan théorique que pour la préparation du matériel et des ressources didactiques.
Je reçois actuellement une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada pour examiner la façon dont divers pays font la transition vers la deuxième génération de mesures d'intégration de l'ACS. Une des études de cas porte sur le Canada, et j'ai l'intention d'avoir des discussions avec les représentants de tous les ministères fédéraux responsables de l'analyse comparative entre les sexes, ainsi qu'avec leurs homologues provinciaux et territoriaux.
Aujourd'hui, cependant, j'aimerais axer mes commentaires sur deux grandes catégories, soit la mise en oeuvre et la conceptualisation. J'espère que la dernière partie de mon exposé suscitera de vives réactions.
Le message que je veux transmettre, c'est que la recherche a clairement fait état des éléments nécessaires à la mise en oeuvre généralisée de l'intégration des considérations liées à l'égalité des sexes dans l'ensemble des institutions. Il n'est plus nécessaire d'examiner ces questions. Nous n'avons pas besoin d'autres études. Nous n'avons pas besoin de savoir s'il existe d'autres obstacles; nous avons besoin d'actions concrètes. La mise en oeuvre comporte cinq volets essentiels, et mes collègues ont tour à tour abordé certains d'entre eux.
Premièrement, nous avons besoin d'un contexte politique favorable, de l'appui aux plus hauts échelons, de champions politiques et d'une orientation claire en matière d'intégration, pour que ces questions ne relèvent pas uniquement d'un seul organisme gouvernemental comme Condition féminine Canada. Nous avons besoin de ressources financières et humaines pour faire ce travail, en particulier au Canada, où CFC est — depuis longtemps — extrêmement marginalisé et sous-financé. En réalité, il n'est pas surprenant que nous en soyons là où nous en sommes. Nous devons trouver une façon de valoriser le travail de ceux qui sont chargés de la mise en oeuvre plutôt que de le déprécier.
Deuxièmement, nous avons besoin de formation et de sensibilisation. Comme Mme Hanson l'a mentionné, cela ne doit pas être un exercice ponctuel. Il faut s'attaquer de façon continue aux questions liées à la définition de l'égalité, de l'équité et du genre. Il faut démystifier l'idée selon laquelle les questions liées au genre ne concernent que les femmes. Cela dit, je pense que c'est là une tâche difficile pour Condition féminine Canada, qui devrait probablement changer de nom. Les questions liées au genre ne se limitent pas aux femmes.
La formation et la sensibilisation doivent se faire à la source. Ces mesures doivent faire écho au travail de ceux qui appliquent l'analyse comparative entre les sexes. Je suis toujours étonnée de voir qu'il y a si peu de communication entre les ministères. Il y a une panoplie de guides, de manuels et d'outils, mais aucune coordination et aucune uniformité. Il faut évidemment des exemples pour chacun des contextes, mais il faut une certaine uniformité dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental. La sensibilisation est vraiment nécessaire, pas seulement dans la société civile, mais aussi dans les écoles d'administration publique. Il faut que les analystes en formation saisissent l'importance de ces travaux, pour que ce ne soit pas lorsqu'ils font leur entrée dans la fonction publique qu'ils apprennent que l'ACS fait partie intégrante d'une bonne analyse stratégique et que ce n'est pas seulement un ajout.
Troisièmement, la valeur ajoutée par l'ACS doit être démontrée à l'aide de données probantes. Pour ce faire, il faut améliorer la collecte des données et adopter des approches novatrices pour communiquer avec les experts de l'extérieur du gouvernement, comme les experts de la société civile et les chercheurs du domaine, surtout en raison du caractère urgent de ces demandes. Présentez des problèmes liés aux politiques aux étudiants de ces écoles. Incitez-les à participer à cette collaboration. Cela fonctionne. Pour les étudiants, c'est formidable, et c'est peu coûteux: c'est gratuit.
Quatrièmement, il faut mettre en place des mécanismes de reddition de comptes. Si l'inaction n'entraîne aucune conséquence, à quoi cela sert-il? Nous le savons. Il faut une mesure législative quelconque et des sanctions, sans aucun doute.
Enfin, il faut des mesures de surveillance et d'évaluation. Bien qu'on ait commencé en discuter, on le fait souvent sans réfléchir au résultat souhaité. Comment pouvons-nous savoir que l'ACS a été pleinement intégrée et qu'elle donne des résultats? Sous quelle forme cela se présentera-t-il?
Nous devons documenter les réussites, et pas seulement les réussites canadiennes. Nous devons nous éloigner d'une approche nombriliste et regarder ce qui se fait à l'échelle internationale. Je pense que c'est très important.
Passons maintenant à la conceptualisation. Je fais valoir depuis un certain moment déjà que l'obsession à l'égard de la mise en oeuvre détourne notre attention des discussions importantes sur ce qu'il convient d'intégrer lorsque nous intégrons les considérations liées à l'égalité entre les sexes.
Pour commencer, il existe au Canada une énorme confusion concernant la terminologie liée à cette intégration. Dans le rapport du vérificateur général, on voit ACS et ACS+, tandis que l'Agence de la santé publique du Canada utilise « analyse comparative fondée sur le sexe et le genre ». Ce sont toutes des choses très distinctes, et cela entraîne une confusion. Je tiens aussi à souligner que chacune de ces approches comporte des limites inhérentes. Je vais même jusqu'à me faire provocatrice et dire qu'il est temps, dans nos discussions, d'aller au-delà de l'ACS et même de l'ACS+.
On ne parviendra pas à l'égalité seulement nous concentrant sur le genre, ou en considérant que le genre est toujours le facteur le plus important de l'analyse. Les recherches et les évaluations démontrent que l'intégration des questions de genre, l'analyse comparative entre les sexes et même l'ACS+ ne parviennent pas à reléguer la question du genre au second plan et n'entraînent pas naturellement la prise en compte des autres facteurs.
Souvent, ces autres facteurs sont aussi importants, voire plus importants que le genre. La vérité qui dérange, c'est que les différences chez les femmes et chez les hommes sont souvent aussi importantes, sinon plus, que les différences entre les hommes et les femmes; parfois, les hommes sont subordonnés aux femmes, et certaines femmes ont un pouvoir sur les hommes. Cela complique vraiment les choses.
En outre, nous avons affaire à des populations de plus en plus diversifiées, pas seulement au Canada, mais aussi à l'échelle internationale. Examinons toutefois les tendances au Canada. D'ici 2031, 29 à 31 % des Canadiens appartiendront à une minorité visible. Un tiers aura une langue maternelle autre que l'anglais ou le français. On recense déjà plus de 200 ethnies différentes au pays. On observe une augmentation du nombre de personnes qui s'identifient à plus d'une ethnie.
Nous devons élaborer de nouveaux cadres. Nous menons des ACS depuis maintenant plus de 20 ans. Nous devons intégrer les questions d'égalité à l'aide de méthodes novatrices mieux adaptées qui nous permettent de comprendre le caractère multidimensionnel et contextuel de l'oppression et de la discrimination, puis d'intervenir.
Je suis d'avis qu'il s'agit là de l'évolution naturelle de l'analyse comparative entre les sexes et même de l'ACS+. Ce qu'il faut, c'est adopter la terminologie liée à l'intersectionnalité, ou jeter les bases d'un cadre intersectionnel.
Cela n'a rien de nouveau. À titre d'exemple, l'ACS+ traite de la nécessité d'intégrer l'intersectionnalité. Cela signifie qu'il faut comprendre que les êtres humains sont façonnés par l'interaction de divers facteurs: la race, l'origine ethnique, l'indigénéité, la classe, l'orientation sexuelle, le lieu de résidence, l'âge, la capacité, et le statut d'immigration. Nous devons nous concentrer sur la relation et la dynamique entre ces facteurs sans présumer a priori que l'un ou l'autre de ces facteurs est plus important qu'un autre. Cela ne veut pas dire que le genre n'est pas important, mais qu'il faut e comprendre dans sa complexité.
Si nous continuons d'accorder la priorité aux questions de genre, en particulier si nous continuons à diviser la société en deux groupes homogènes — les hommes et les femmes —, il importera peu que la mise en oeuvre de nos stratégies d'intégration soit efficace ou systématique, parce que nous n'aurons pas la bonne approche pour promouvoir l'égalité.
La semaine dernière, j'ai prononcé le discours à l'occasion d'un événement tenu à Genève par l'Organisation mondiale de la santé concernant les nouveaux ODD, les objectifs de développement durable, dont le Canada est signataire, évidemment. En terminant, je vous invite à retenir une chose: nous devons revoir fondamentalement notre façon d'aborder les questions d'égalité afin d'accomplir pleinement la mission qui nous est confiée par l'intermédiaire des nouveaux ODD, sans en omettre un seul. Voilà comment le Canada pourra redevenir un chef de file à l'échelle internationale quant à la promotion de l'égalité.
Merci, madame Hankivsky.
Nous aurons une excellente série de questions. Nous irons en premier du côté de mes collègues libéraux.
Je crois comprendre que vous ouvrirez le bal, madame Vandenbeld. Vous avez sept minutes.
Merci beaucoup de vos incroyables témoignages. Vous avez soulevé de nombreuses idées dont nous pourrons nous servir dans notre rapport. C'est un plaisir de vous revoir, madame Rowan-Campbell.
J'aimerais mettre l'accent sur la question de la conformité. Nous cherchons notamment à déterminer si nous devrions rendre le système obligatoire et adopter des dispositions législatives en la matière. À cet égard, j'ai entendu certaines d'entre vous parler de mesures incitatives et de sanctions. Madame Cavaghan, vous avez en particulier soulevé la question des récompenses et des sanctions et avez également dit qu'il doit y avoir une certaine reddition de comptes. J'aimerais vous entendre toutes au sujet de la forme que cela prendrait, à savoir si nous devrions obliger les organismes à réaliser une analyse comparative entre les sexes et l'inscrire dans une loi, et des autres types de mécanismes possibles.
D'après moi, une approche législative serait la plus susceptible d'assurer le respect des exigences. Cela étant dit, vous pouvez quand même vous heurter à des problèmes. Si nous examinons la situation au Royaume-Uni, où l'obligation de veiller à l'équité entre les hommes et les femmes a été adoptée en 2007, la Fawcett Society a intenté des poursuites contre le gouvernement, et les tribunaux ont jugé que le gouvernement n'avait pas satisfait aux exigences en matière d'égalité entre les sexes, mais que c'était discutable. La cour a reconnu que le gouvernement ne s'était pas acquitté de ses fonctions en la matière, mais que cela n'avait pas d'importance en raison du climat politique qui faisait rage à l'époque.
Je crois que cela rejoint certains points qu'a fait valoir la dernière intervenante, Mme Hankivsky, qui a mentionné que le climat politique est incroyablement important.
Je vais laisser la parole aux autres.
Pourrais-je faire un commentaire?
La présidente: Oui. Je vous en prie.
Mme Dorienne Rowan-Campbell: Lorsqu'un système obligatoire est imposé, il arrive parfois que cela dérange tellement les gens qu'ils refusent de s'y conformer. Lorsque nous nous sommes penchés pour la première fois sur la question en 2005, nous avions conclu que ce serait la deuxième étape, si la première ne fonctionnait pas. Cependant, nous sommes en 2016, et cela n'a clairement pas fonctionné. Je crois qu'il est important d'obliger les organismes à respecter les exigences prévues.
Je suis évidemment du même avis que la précédente intervenante au sujet de l'analyse comparative entre les sexes. Il ne m'est en fait jamais venu à l'esprit de réaliser une analyse comparative entre les sexes qui n'examinerait pas l'égalité entre les sexes en tenant compte non seulement des relations femmes-hommes et des structures relationnelles, mais aussi des relations femmes-femmes, parce que c'est également très important. À mon avis, cet aspect a toujours été inclus dans l'analyse comparative entre les sexes, à savoir de tenir compte de l'âge, des jeunes et des relations familiales. Je crois que nous devons continuer de tenir compte d'un grand nombre de variables dans l'analyse comparative entre les sexes, parce que c'est ce qu'il faut faire; il faut seulement nous y prendre autrement. Lorsque les gens comprendront que dans cette analyse il n'est pas seulement question des sexes... L'objectif n'est pas d'avoir 15 hommes et 35 femmes et de nous dire que nous faisons de l'excellent travail. C'est vraiment la structure relationnelle et l'avancement de l'égalité qui priment.
Nous lui donnons peut-être un autre nom, mais je crois que nous avons besoin d'une approche beaucoup plus large et exhaustive pour comprendre comment nous interagissons et nos relations — les relations femmes-femmes, femmes-hommes ou hommes-hommes —, sans quoi nos connaissances sont vraiment limitées en matière d'égalité entre les sexes.
Bref, oui. Cela doit être obligatoire.
Il ne me reste que deux ou trois minutes. Je vous demande donc d'être brèves.
Madame Rowan-Campbell, comme vous avez parlé de la production de rapports, je me demande ce que vous pensez de l'idée de demander aux ministères de faire rapport au Comité au sujet de l'analyse comparative entre les sexes, au même titre que c'est fait dans le cas des budgets des dépenses, soit de les obliger à produire des rapports sur l'analyse comparative entre les sexes et d'en saisir un comité.
Je crois que ce serait très utile. C'est une mesure de conformité, parce que vous les exigerez.
J'ai travaillé dans de nombreux pays où il avait été décidé d'envoyer les rapports au sous-ministre ou au secrétaire permanent, mais ils n'avaient pas vraiment envie de s'en occuper. Il va sans dire que les rapports n'étaient pas très efficaces. Toutefois, si les organismes vous saisissent de leur rapport, cela pourrait être efficace.
Je crois qu'il faut aussi un organisme de surveillance au-dessus de la mêlée qui peut donner des conseils, faire des vérifications et s'occuper en grande partie des évaluations; il faut également donner suite aux évaluations, parce qu'elles sont importantes. C'est une manière d'apprendre. C'est ainsi que nous savons si nous avons des effets.
J'aimerais très rapidement répondre à la question. Le Cabinet du premier ministre devrait charger Condition féminine Canada de la surveillance de l'analyse comparative entre les sexes+ dans l'ensemble de l'administration fédérale.
Je crois que c'est problématique de s'en remettre aux différents ministères. Qui plus est, je recommande que le Conseil du Trésor et le Conseil privé reçoivent le mandat de rejeter les politiques et les programmes qui ne démontrent pas concrètement que l'analyse comparative entre les sexes a été réalisée. Je vous ai fait parvenir mes recommandations; je suis désolée de ne pas avoir pu vous les présenter.
La partie que j'ai entendue était très intéressante. Vous avez mentionné de rendre le tout obligatoire. Je rejoins également ce dont a commencé à parler Anita.
Le vérificateur général a affirmé que de rendre le tout obligatoire serait probablement la meilleure façon de faire progresser la cause. Or, lorsque les représentants de Condition féminine Canada ont témoigné devant le Comité, ils disaient que ce n'était pas suffisant. Je comprends qu'il y a également du leadership, mais nous devons tous rendre des comptes.
Que nous suggéreriez-vous, mis à part le Cabinet du premier ministre? Pourriez-vous nous donner une idée de la manière de faire fonctionner ce système?
Premièrement, il faut avoir en place le soutien et les ressources nécessaires. Il doit y avoir des mécanismes de reddition de comptes. Condition féminine Canada doit avoir un pouvoir accru et plus de ressources pour surveiller le processus. L'analyse comparative entre les sexes, ou peu importe le nom que cela prend, ne doit pas être différente d'un ministère à l'autre. C'est aussi un problème.
Avant de pouvoir rendre le tout obligatoire, si le gouvernement en décide ainsi, il faut avoir en place du soutien, des ressources et divers éléments.
Croyez-vous que les ressources, les outils et les guides actuellement fournis par Condition féminine Canada aux ministères sont suffisants? Comment pourrions-nous les améliorer?
Je crois avoir abordé certains de ces éléments en ce qui a trait au manque de suivi et à la manière dont la formation est actuellement donnée, soit selon une approche technique et rationnelle. À mon avis, il y a beaucoup à faire en ce qui concerne les ressources dans leur forme actuelle. Le problème, c'est que ce n'est pas seulement Condition féminine Canada qui produit les ressources.
Tout à fait. C'est bien.
En vous écoutant parler, j'ai remarqué que les femmes sont toutes très différentes. Comme vous l'avez indiqué, il faut opposer les femmes aux femmes et les femmes aux hommes. « Opposer » est peut-être mal choisi; ce n'est pas ce que j'essaie de sous-entendre... Quels sont certains des défis avec lesquels vous devez composer? Quels sont-ils?
Comment pouvons-nous examiner les données quand...? Je vais me prendre comme exemple. Je suis une jeune femme de 45 ans qui vit dans une région rurale en Ontario. Comment faites-vous pour me comparer avec une autre personne qui habite dans un centre-ville en Colombie-Britannique et qui n'a jamais vécu sur une ferme? Comment trouvez-vous...? Comment pouvez-vous utiliser de telles informations et obtenir des renseignements détaillés, lorsqu'il s'agit de deux personnes qui viennent de milieux très différents ou d'un immigrant fraîchement arrivé au Canada? Comment pouvez-vous reconnaître...? Comment pouvons-nous élaborer les outils adéquats pour nous assurer d'évaluer efficacement et adéquatement ces aspects?
Il y a trois éléments. Il faut déterminer les données qui sont disponibles. Nous devons nous pencher sur la manière dont les données sont recueillies au pays aux différents échelons et nous assurer d'en avoir suffisamment pour être en mesure de les ventiler non seulement selon le sexe et le genre, mais aussi selon d'autres variables. Nous devons examiner la relation entre divers types de facteurs.
Pour être bien honnête, il faut aussi évaluer les outils et les lignes directrices en place pour veiller à ce qu'ils obligent explicitement les analystes à faire de telles comparaisons.
Troisièmement, même si j'aime bien les données et les statistiques quantitatives, parce que je sais que cela interpelle les gens, nous devons vraiment prévoir un rôle explicite pour la recherche qualitative et la mobilisation de la société civile. Vous aurez ainsi accès à d'autres types de données probantes et de connaissances utiles pour prendre des décisions éclairées à cet égard.
J'aimerais mentionner que nous aurions intérêt à soutenir et à financer davantage la recherche qualitative; cela permettra d'orienter des recherches de plus grande envergure et vous donnera accès à des renseignements que vous n'avez peut-être pas été en mesure d'obtenir sur la femme qui vit dans un milieu rural en Ontario ou dans un centre-ville en Colombie-Britannique.
Oui. Absolument. Merci beaucoup.
Croyez-vous que nous devrions demander de tels renseignements dans les recensements, par exemple, ou mener des projets précis en la matière à Statistique Canada?
Un rêve?
Des voix: Oh, oh!
Mme Karen Vecchio: Eh bien, non. J'aimerais entendre vos sincères opinions, même si c'est bien de rêver.
Avez-vous d'autres idées de la manière d'y arriver, mis à part de le faire par l'entremise de Statistique Canada?
Condition féminine Canada finançait à l'époque des recherches. Je crois notamment que ce financement devrait être rétabli. C'est utile. Nous avons pu réaliser notre étude sur les femmes qui vivent de l'aide sociale uniquement grâce à ce financement.
D'accord. C'est merveilleux.
Quelles sont les ressources humaines, financières et autres requises pour réaliser une analyse comparative entre les sexes qui est exhaustive? En quoi est-ce difficile d’avoir accès aux ressources nécessaires pour réaliser correctement l’analyse comparative entre les sexes? Soyez honnêtes, et dites-moi ce que vous en pensez.
Sans connaître le budget actuel, c'est un peu une question théorique, mais je crois que nous sommes probablement toutes d'accord pour dire que Condition féminine Canada est un ministère fédéral où il y a un manque criant de ressources. Il est voué à l'échec. Le ministère ne peut pas accomplir le travail que vous lui demandez avec les ressources à sa disposition. Sa structure est défaillante.
Bref, si je vous comprends bien, ce dont le ministère a exactement besoin, c'est d'un financement accru pour offrir plus de ressources. C'est donc une question d'argent.
Ce n'est pas seulement le cas à Condition féminine Canada. C'est la même situation qui prévaut dans tous les ministères fédéraux.
D'accord.
Je comprends que vous avez dit que nous ne le savons pas exactement. Vous ne pourrez donc peut-être pas me répondre. Avez-vous une idée des investissements qui seraient nécessaires en la matière? Il y a environ 113 organismes en tout. À combien l'augmentation du budget de Condition féminine Canada et les investissements dans les divers ministères se chiffreraient-ils?
Je suis chercheuse. Je ne crois donc pas pouvoir vous répondre sans faire de recherches plus approfondies.
Je ne peux pas le chiffrer, mais nous pouvons examiner le personnel possédant une telle expertise qu'il faudra embaucher pour y arriver. C'est une manière d'évaluer la question, parce que cela ne fonctionnera pas si vous embauchez des gens peu expérimentés.
C'est excellent.
Étant donné que nous avons aujourd'hui un panel très diversifié — comme je l'ai déjà mentionné, j'ai raté les premières minutes —, y a-t-il un scénario qui fonctionne bien à l'étranger dont nous pourrions nous inspirer comme modèle? Y a-t-il un pays qui le fait particulièrement bien sur lequel nous devrions nous pencher pour trouver le moyen d'appliquer son modèle au Canada?
Si vous me le permettez, je crois que l'intégration de l'égalité entre les sexes était sur toutes les lèvres au sein de l'Union européenne à une certaine époque, mais cette question est maintenant reléguée aux oubliettes. Les pays scandinaves ont certainement des exemples de politiques très bien conçues, mais il y a toujours des problèmes relativement à la mise en oeuvre. Il y a toujours une résistance à cet égard. C'est pratiquement un stéréotype, mais je crois qu'il pourrait être utile d'examiner ce que font les pays scandinaves.
Il y a probablement aussi certains organismes canadiens qui le font relativement bien. Les trois autres universitaires ont probablement plus d'expertise, mais je dirais que ce serait utile de commencer par examiner les ministères qui le font particulièrement bien.
Mme Karen Vecchio: C'est merveilleux. Merci beaucoup.
Merci aux quatre témoins. Nous avons tout un panel.
Je félicite notre analyste de nous avoir aidés à trouver des témoins qui ont une expertise sur le terrain. C'est extrêmement utile.
J'ai quelques brèves questions.
Madame Hanson, pourriez-vous nous expliquer un peu l'utilité de mobiliser davantage l'expertise de la société civile dans certains de ces processus? Vous avez certainement fait valoir un argument convaincant, à savoir que nous limiter à nos bons fonctionnaires ne nous a pas permis de progresser autant que nous l'aurions souhaité.
En fait, je crois que votre question rejoint les autres qui ont été posées en ce qui concerne ceux qui possèdent les connaissances nécessaires.
Une partie du problème, c'est de déterminer le type de processus à mettre en place. J'enseigne aux adultes; je suis pédagogue. L'important n'est pas ce que nous faisons; c'est la manière de le faire. Comment pouvons-nous mobiliser les organismes communautaires de femmes ou les autres organismes communautaires? Comment discuter avec eux? Comment intégrer ce qu'ils disent dans les politiques et les programmes qui sont élaborés? À quel point cela serait-il très différent...?
Les politiques et les programmes qui découleraient de tels processus seraient très différents. Par exemple, nous pouvons regarder du côté de l'Inde qui a mis en place un processus de budgétisation participative qui mobilise des milliers de personnes. Au Brésil, environ 40 000 personnes ont participé à la budgétisation participative.
Il existe des exemples de la manière d'y arriver. Je crois qu'une partie du problème est de trouver des gens qui sont prêts à réaliser de tels processus participatifs et de mobiliser la société civile. Ainsi, les gens participeront à la démocratie. Ce n'est pas quelque chose d'externe. Cela fait partie de nos vies.
Madame Hankivsky, pourriez-vous nous expliquer un peu plus ce que nous avons perdu en n'accordant pas un financement adéquat pour la recherche à Condition féminine Canada et nous parler parallèlement de la capacité au sein du ministère? Que pourrions-nous avoir, si nous nous engageons à le faire, en particulier à réaliser les travaux liés à ce qui suit l'analyse comparative entre les sexes, comme vous l'avez proposé, en vue de nous assurer que, lorsque nous utilisons, par exemple, l'analyse comparative entre les sexes pour évaluer le type d'infrastructure dans lequel le gouvernement devrait investir... tous les éléments qui pourraient être utilisés...? Comment pouvons-nous par la suite évaluer si nous avons obtenu les résultats escomptés?
Nous venons de parler du rôle de la société civile, et je dirais qu'une ACS réussie est comme un tabouret à trois pattes: il faut des représentants du gouvernement, de la société civile, mais aussi du milieu de la recherche.
Selon moi, là où l'on rate une occasion, c'est sur le plan de la création de réseaux afin de nouer des liens avec les chercheurs de tout le pays qui travaillent dans divers secteurs de politiques, qui prennent le pouls de la situation, qui ont les connaissances, les statistiques et les preuves nécessaires pour guider le travail que les analystes doivent accomplir sur le terrain — parfois très rapidement — parce que c'est la nature même de leur travail.
J'ai toujours estimé qu'on manque une belle occasion lorsqu'on ne crée pas ce genre de relations. Ainsi, quand on a besoin d'information, on sait à qui s'adresser, et c'est à portée de la main. C’est un gaspillage de temps, me semble-t-il, lorsque des analystes accomplissent un travail qui se fait déjà de manière efficace dans un contexte universitaire, par exemple.
Madame Cavaghan, nous avons eu quelques échanges sur ce sujet avec les représentants de certains ministères avec qui nous avons parlé. Pouvez-vous expliquer, en termes généraux, ce que nous perdons si nous n'effectuons pas une ACS efficace avant de prendre des décisions en matière de politiques ou de financement?
Risquons-nous vraiment, comme je le crois, d'avoir des programmes qui ne ciblent pas les personnes qui en ont besoin et qui ne donnent pas les meilleurs résultats?
Oui, si j'ai bien compris vos questions. Dans mes recommandations, j'indique que l'analyse comparative entre les sexes doit contribuer à la vision réelle d'une politique.
Chose certaine, si on examine une variété d'approches d'intégration de l'égalité entre les sexes, comme la budgétisation dans une perspective sexospécifique, on se rend compte que, souvent, lorsque ces considérations sont intégrées dans un budget, celui-ci est présenté à la dernière minute. Ainsi, cette approche intégrée se veut une politique sociale pour s'attaquer aux problèmes créés par des initiatives stratégiques gouvernementales qui s'adressent à l'ensemble de la société.
Cela répond-il à votre question, ou voulez-vous que j'apporte des précisions?
Non, je crois qu'il est utile de savoir que nous devons progresser davantage pour veiller à ce que les programmes soient ciblés comme il se doit.
Oui, une telle analyse aboutirait à des mesures différentes. Par exemple, en matière de politiques de recherche, nous avons observé de nouvelles recherches qui autrement n'auraient pas vu le jour si les considérations liées à l'égalité entre les sexes n'avaient pas été bien intégrées.
Madame Rowan-Campbell, notre analyste nous a remis les recommandations que votre comité avait formulées en 2005 sur l'établissement d'objectifs et d'engagements par voie législative. Je crois que vous avez dit dans votre témoignage d'aujourd'hui que, selon vous, cette démarche s'impose toujours, et peut-être encore plus que jamais, puisqu'il y a eu 10 autres années d'échec.
Est-il juste de dire que vous feriez les mêmes recommandations à notre comité que celles que vous aviez présentées au Parlement en 2005?
Je pourrais y apporter quelques changements, mais je crois que, pour l'essentiel, oui, ce seraient les mêmes.
Nous pourrions utiliser d'autres termes ou instaurer des structures légèrement différentes, car les choses changent, mais l'intention devrait rester la même. Nous n'avons pas eu de très bons résultats jusqu'ici.
Il était question du projet de loi visant à assurer l'atteinte de meilleurs résultats en matière d'égalité entre les sexes dans l'ensemble de l'administration fédérale, y compris la mise en oeuvre de l'analyse comparative entre les sexes, la surveillance et l'obligation de faire rapport. Le projet de loi préconiserait des mesures supplémentaires de responsabilisation et d'application.
Vous dites également que le discours du Trône et le budget devraient préciser très clairement les priorités stratégiques et appliquer rigoureusement l'ACS. Ou bien vous êtes en avance sur votre temps, ou bien nous sommes vraiment en retard.
Je crois que nous avons malheureusement pris du retard. Je tiens à préciser que ma conception de l'ACS est très large — en fait, elle va bien au-delà des mesures prévues dans l'ACS+ —, et c'est toujours ainsi que je l'ai conçue.
Merci, mesdames, de votre présence aujourd'hui.
Je dois dire que c'est l'une des discussions les plus intéressantes que nous ayons eues jusqu'ici sur l'ACS, alors je vous remercie de vos recherches et de vos observations.
Je crois déceler un sentiment profond de frustration, et à juste titre, parce que vous étudiez et défendez cette cause depuis longtemps. Je crois que les membres du Comité éprouvent, eux aussi, beaucoup de frustration, parce que nous cherchons à trouver des moyens de mettre en oeuvre cette pratique, comme il se doit, mais nous ne faisons que tourner en rond, à parler sans cesse de la même chose.
Nous entendons constamment dire que le Canada prend du retard et qu'il ne s'en tire pas aussi bien que ce qui était prévu il y a 15 ans. Ma collègue a soulevé une question sur les normes internationales, c'est-à-dire la situation dans le reste du monde.
J'aimerais avoir une meilleure idée des pays qui se débrouillent bien dans ce domaine. On a parlé un peu des pays scandinaves. L'une ou l'autre d'entre vous a-t-elle étudié ces pays en particulier pour savoir ce qu'ils mettent en oeuvre, comment ils en assurent le suivi et ce qui contribue à leur succès?
N'importe qui peut répondre.
Je parlerai uniquement du point de vue de la recherche que j'ai réalisée.
Je souscris à certaines des observations faites tout à l'heure, à savoir qu'aucun pays n'y est totalement parvenu. En revanche, je crois que nous pouvons nous inspirer de quelques bons exemples et études de cas de divers pays où la mise en oeuvre s'est bien déroulée. Par ailleurs, il est très vrai que le train a quitté la gare, d'où la nécessité de songer expressément et systématiquement à des facteurs qui vont au-delà de la question d'égalité entre les sexes.
Le Royaume-Uni, par exemple, a adopté une loi sur l'égalité qui regroupe les différentes formes de discrimination à l'intérieur d'un seul cadre, lequel est maintenant légiféré partout au pays. Certes, la mise en oeuvre laisse à désirer, mais le virage conceptuel est déjà déclenché.
Je crois que les leçons varient d'un pays à l'autre. Aucun pays n'a complètement réussi dans ce domaine. Tout le monde éprouve des difficultés.
Je dirai trois choses à ce sujet.
Premièrement, je crois vous avoir donné l'exemple de l'Afrique du Sud, où le bureau de la condition féminine relève de la présidence. N'oublions pas que c'est un ministère à part entière, et non un organisme. À mon avis, il s'agit là d'éléments fondamentaux pour que cette pratique soit durable.
ONU Femmes envisage maintenant de donner une formation sur l'égalité entre les sexes, et on consulte des gens à cet égard. J'ai participé à ces consultations avec d'autres experts en la matière, venus des quatre coins du monde.
À mon avis, les meilleurs documents proviennent probablement de l'Union européenne. Je vous invite donc à les consulter.
Je vous recommande aussi d'examiner les travaux réalisés par le Commonwealth. Certains sont bons et d'autres le sont moins. Ils couvrent plusieurs pays et s'échelonnent sur plusieurs années. Parfois, on apprend surtout ce qui n'a pas fonctionné et pour quelles raisons, ce qui est, en soi, très utile.
L'autre problème que j'observe, c'est que dans les questions qu'on pose sur la formation sur l'égalité entre les sexes, y compris ONU Femmes, j'entends parler d'une formule unique. Nous venons de dire que cela ne peut pas marcher et ne marchera pas et que nous devons effectuer un changement de cap. C'est un aspect préoccupant et, si quelqu'un a son mot à dire au sujet des mesures prises par ONU Femmes, dont le travail englobera de nombreux objectifs de développement durable, nous devrions exprimer notre point de vue sans tarder.
Je poserais la question un peu différemment. Vous voulez savoir où trouver les bonnes leçons, et j'entends les autres témoins évoquer des objectifs ambitieux, ce qui me ravit, en ce qui concerne l'ACS+ et tout le reste, mais il est utile de se demander pourquoi la politique ne s'est pas concrétisée.
Manifestement, c'est parce qu'il y a un désintérêt généralisé à l'égard des objectifs d'égalité dont il est question. Pensons-y ou parlons-en plus ouvertement, car il est certain qu'en Europe, la majorité des gens ne s'identifient pas comme féministes, ne comprennent pas les questions d'égalité entre les sexes et ne veulent probablement pas que cette politique soit appliquée.
Cela nous ramène donc à l'importance cruciale de la volonté politique et, d'après ce que je crois comprendre, il se pourrait qu'une telle volonté existe au Canada à ce stade-ci. C'est peut-être un domaine où le Canada pourrait redevenir un chef de file. Si vous voulez savoir ce qui me porte à croire que le Canada s'acquittera bien de cette tâche, je dirais que c'est peut-être parce que la période actuelle se caractérise par une volonté politique.
[Français]
Ma question s'adresse à Mme Rowan-Campbell, et elle a déjà été abordée par Mme Malcolmson.
Onze ans après les recommandations du rapport de 2005, quelles recommandations en particulier pouvons-nous faire aujourd'hui pour changer les choses?
[Traduction]
J'aimerais que vous réexaminiez l'ensemble des recommandations et que vous en discutiez pour déterminer lesquelles, selon vous, permettraient de réaliser le plus de progrès, dans le contexte financier et le climat d'acceptation actuels. Ce n'est pas un jugement que je puis prononcer, car je ne suis pas trop certaine. Nous sortons d'une période caractérisée par un manque d'intérêt envers l'égalité ou l'idée d'adopter une telle approche. Nous devons voir maintenant si nous avons le vent dans les voiles et, le cas échéant, déterminer jusqu'où nous pouvons aller. Je crois que vous seriez beaucoup mieux placés que moi pour en juger. Ensuite, commencez par faire les choses les plus faciles, celles qui prennent le moins de temps; commencez donc par là.
[Français]
[Traduction]
[Français]
[Traduction]
[Français]
Quels outils pourrions-nous utiliser pour mettre en oeuvre efficacement les résultats de notre analyse comparative entre les sexes dans les organismes et les ministères au Canada?
[Traduction]
Je crois qu'il existe déjà des outils, mais nous devrons nous employer à en produire plus. Les chercheurs ont déjà fait beaucoup de progrès. L'ICREF réalise certains travaux à ce sujet. Les outils ne manquent pas. Il s'agit de les rassembler et de les mettre à la disposition des groupes cibles.
Merci, mesdames, des exposés que vous nous avez faits aujourd'hui.
J'ai lu la transcription des délibérations du Comité, et nous avons entendu les témoignages d'autres ministères qui s'appuient sur les données de Statistique Canada pour prendre de nombreuses décisions axées sur l'ACS. Ces données sont-elles trop limitées, et pouvez-vous nous parler d'autres sources de données possibles, qu'elles soient quantitatives ou qualitatives — je sais qu'on en a également parlé —, afin de les inclure dans ce genre d'analyse au Canada?
Je viens de donner deux exemples d'études auxquelles j'ai participé. Ce sont deux études qualitatives fondées sur les collectivités, et elles démontrent que si les questions d'égalité entre les sexes étaient prises en considération, les résultats du processus d'évaluation indépendante auraient été très différents. On parle là d'environ... on dit maintenant que le montant s'élève à plus de 3 milliards de dollars en fonds fédéraux. C'est beaucoup.
L'autre exemple, c'était l'étude sur l'aide sociale. À certains égards, ce qui importe ici, c'est que nous ne parlons pas seulement de l'égalité entre les sexes, mais aussi de la façon dont les gens vivent leur vie, des complexités qui s'y rattachent et de la manière dont les politiques et les programmes doivent en tenir compte.
Permettez-moi d'ajouter que Statistique Canada produit d'excellentes statistiques; tout dépend de la façon dont on les utilise et de ce qu'on recherche. Un chiffre anodin, cela n'existe pas.
Si on n'examine que des données ventilées de manière très simple, on obtiendra certains éléments de preuve. Par contre, si on complique l'exercice et qu'on se met à examiner d'autres facteurs, on obtiendra d'autres éléments de preuve. Les chercheurs partout au pays montrent les différences qui existent dans pareil cas.
Il s'agit donc d'établir une relation avec les chercheurs qui savent comment utiliser leurs bases de données, au lieu de se contenter de dire que les données sont suffisantes ou insuffisantes.
Désolée, j'ai eu du mal à vous entendre.
Je suis d'accord avec les deux autres témoins. Le Canada compte de nombreux instituts d'affaires publiques, petits et grands, qui examinent des aspects particuliers de la vie des Canadiens et qui recueillent une foule de données pouvant être consultées et utilisées. Il y a lieu de mettre à contribution leur savoir-faire. Si nous tenons à obtenir l'égalité, assurons-nous d'inclure tout le monde. Nous avons donc besoin de l'aide et de la participation de tous les intervenants, toutes disciplines confondues.
Madame la présidente, j'ai une autre question à poser, dans ce cas.
On a également mentionné que le Canada n'est plus considéré comme chef de file dans ce domaine et que nous devons regarder au-delà de nos frontières pour savoir ce que font d'autres instituts à l'extérieur du Canada, car il faut chercher à obtenir des renseignements — des données qualitatives ou quantitatives — auprès d'eux aussi. Nous devrions le faire de façon régulière, plutôt que ponctuelle, afin d'enrichir cette analyse.
D'où devraient provenir les données? C'est ce que je veux savoir. Je crois que Mme Hanson a donné l'exemple du Brésil, ce que j'ai trouvé très intéressant. Devrions-nous recueillir plus de données, qualitatives ou quantitatives, auprès de ces régions aussi afin de compléter celles compilées par notre ministère?
Comme je ne fais pas de recherche quantitative, je ne m'occupe pas de choses comme la collecte de données, mais je pense que les exemples sont légion.
Par ailleurs, je voudrais répéter ce que ma collègue a dit au sujet des étudiants. La recherche dont vous parlez n'a pas besoin d'être effectuée par des employés au sein des ministères, qui n'ont peut-être pas les compétences nécessaires pour faire le travail. On pourrait tisser des liens avec les universités et demander à des étudiants de mener des projets de recherche qui permettraient d'obtenir ce genre d'information.
Il existe un certain nombre d'études sur le gouvernement décloisonné et la façon dont la technologie de l'information est utilisée au sein des collectivités — je sais que Bombay et Hyderabad, en Inde, en sont des exemples — dans le but de les amener à tenir compte de leurs enjeux d'intérêt public et à favoriser un échange avec les responsables de l'élaboration de politiques. C'est là une piste de solution qui mérite d'être explorée. Ce serait très facile à faire au Canada.
Le comté de Dyfed, au Royaume-Uni, a financé plusieurs programmes axés sur le gouvernement décloisonné. Je sais qu'il y en a eu un en Jamaïque, et le but était de déterminer comment obtenir de l'information auprès de très petites collectivités pour ensuite alimenter le processus d'élaboration de politiques et de prises de décisions.
Nous le faisons déjà en partie au Canada aussi, mais je vous donne là deux exemples, et le comté de Dyfed devrait avoir ces rapports.
Ma question s'adresse à Mme Hanson.
On a affirmé que l'ACS est nécessaire à l'échelle du gouvernement, mais que nous devons également appuyer les provinces et les collectivités au chapitre du développement communautaire et leur accorder les ressources nécessaires pour adopter des mécanismes propices à l'égalité entre les sexes.
Pouvez-vous nous expliquer comment vous vous y prendriez pour atteindre cet objectif?
Je crois que cela peut se faire de nombreuses façons, notamment à l'échelon des établissements, en collaboration avec les universités.
Il est également possible de recourir à des organisations nationales de femmes qui ont des membres dans l'ensemble du pays et qui pourraient participer aux processus. L'ICREF en est un exemple; nous recevons, à l'occasion, du financement du CRSH pour mener une recherche, puis nous essayons de faire autre chose en utilisant les cadres intersectionnels féministes. Nous entretenons des relations avec les collectivités partout au pays. À mon avis, c'est ainsi que nous pouvons mobiliser la société civile pour faire avancer le dossier de l'ACS.
Certaines provinces font figure de chefs de file pour ce qui est de l'application de l'ACS dans le cadre de leurs travaux. D'après vous, quelles ressources le gouvernement pourrait-il offrir pour améliorer l'ACS?
Je ne sais vraiment pas. Parlez-vous des mesures prises dans le passé, ou de l'état actuel des choses...?
Vous pourriez peut-être en parler.
À mon avis, le comité de coordination établi en 2012 entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires était un bon coup d'envoi. J'ignore où en sont les choses maintenant. Quoi qu'il en soit, l'octroi de ressources pour la création de ces liens favorise la coordination, le transfert du savoir, le partage des connaissances et la réalisation d'activités communes. Je sais qu'à un moment donné, on a même envisagé d'organiser une sorte de conférence qui mettrait en vedette le travail effectué partout au pays, et on a songé à obtenir du financement à cet égard.
C'est, selon moi, une tribune où l'on peut mener une partie de ce travail créatif, dans un esprit de collaboration.
Cette question s’adresse à toutes celles qui souhaitent y répondre. Si le Comité recommandait de rendre l’ACS obligatoire, que nous proposeriez-vous de faire pour en diriger la mise en oeuvre? Par exemple, recommanderiez-vous de procéder par étapes, ou auriez-vous autre chose à proposer pour permettre une intégration plus complète?
Enfin, qui devrait selon vous assumer la responsabilité de cette mise en oeuvre? Le Parlement? Condition féminine Canada? Quelque autre instance?
Condition féminine Canada ne pourrait pas en assumer la responsabilité, car ce n’est pas un ministère et qu’il n’a pas le statut ou les pouvoirs nécessaires, n’est-ce pas? C’est un point de départ.
En fait, je prône une approche par étapes: fourniture par le Cabinet du premier ministre de ressources et de soutien; établissement de Condition féminine comme principale agence gouvernementale responsable de la supervision du processus, et, nous l'espérons, en tant que ministère; pressions par le Comité permanent de la condition féminine pour l'obtention de soutien et de ressources, y compris les évaluations pour contrôler l’efficacité; mandat donné au Conseil du Trésor et au Conseil privé de rejeter les politiques et les programmes pour lesquels aucune ACS n’a été faite.
Ensuite, une fois que l’ACS sera solidement soutenue et qu’elle disposera de ressources adéquates, elle pourra être appliquée aux politiques et aux programmes, tant localement qu’à l’échelle mondiale. Chose intéressante à souligner, le Canada a fait preuve de zèle pour demander que des analyses comparatives entre les sexes soient effectuées pour les programmes et les politiques d'autres pays. Nous sommes très bons à cet égard. Nous n’avons pas fait aussi bien sur le plan national.
Je serais d’accord pour une mise en œuvre par étapes, mais je le répète, j’aimerais d’abord que le travail de conception soit tiré au clair. De quoi est-il question lorsque nous parlons d’intégrer l’égalité? Quels sont ces outils, ces guides et ces approches que nous évoquons? Nous devons régler toutes ces questions avant d’aller plus loin.
Je serais aussi d’accord avec cela. Je crois en outre que le Conseil du Trésor a un rôle à jouer, puisqu’il est si puissant, et que nous devons être en mesure de lui demander des comptes. C’est très, très important. Son influence est considérable, et nous devons le reconnaître.
Avec cette approche par étapes, quelques-unes des choses auxquelles nous devons réfléchir sont l’endroit où nous devrions commencer, qui en seront les leaders et qui sera utilisé pour donner l’exemple. Nous devrions chercher à ce que ce rôle soit assumé par les ministères les plus puissants. Il sera beaucoup plus facile d’entraîner les autres par la suite. Si vous commencez à un endroit donné parce que vous croyez que ce sera facile, vous n’inciterez pas les ministères qui sont vraiment influents à vous suivre d’eux-mêmes, du moins, pas facilement. D’un point de vue stratégique, je m’attaquerais à une organisation comme le Conseil du Trésor et je chercherais à cerner les moyens de susciter son adhésion.
Très bien. C’est tout le temps que vous aviez.
Nous allons passer à ma collègue conservatrice, Mme Vecchio, pour cinq minutes.
Je ne sais pas si vous regardez aussi les données pour les petites entreprises ou pour le secteur privé. Avez-vous fait une comparaison entre les ministères et notre secteur privé? Dans l’affirmative, quels résultats avez-vous obtenus, et quels sont les problèmes qu’il pourrait y avoir avec ce secteur?
N’importe qui peut répondre. Madame Hankivsky?
Je ne peux rien vous dire à ce sujet, car je n’ai pas vraiment regardé ce qui se passe dans le privé. Tout ce que j’en sais c’est qu’il peut être difficile d’amener ce secteur à… Peut-être pas, en fait, à condition de présenter la diversification des points de vue et des perspectives au sein des entreprises et des organisations comme un argument d’ordre économique, comme une façon d’accroître la productivité et les résultats nets. Je sais que cet argument a fait ses preuves, mais cela ne fait pas partie des choses sur lesquelles je me suis penchée.
Je crois qu'il faut faire une distinction entre ce qui se passe dans les entreprises et ce qui se passe au gouvernement. Pour moi, l’intégration des considérations liées à l’égalité des sexes se joue dans la modification de la politique de l'État et dans la façon dont l'État donne forme à cette égalité. Les entreprises seront plus enclines à mettre l'accent sur l'égalité des chances et à être motivées par des arguments d'ordre financier comme ceux que Mme Olena Hankivsky — dont nous malmenons le nom — a évoqués. Il est très délicat de faire des comparaisons entre l'administration publique et le secteur privé.
Y a-t-il des leçons que nous pourrions apprendre du privé? Je sais que nous parlons de productivité, mais nous devons aussi penser à la productivité de l'État. Dans ce contexte, la productivité peut signifier que nous devons nous doter des programmes les plus efficaces possible pour aider les Canadiens.
Laissons de côté l'aspect rentabilité. Les entreprises essaient de faire ce qu'il y a de mieux, et pas seulement pour les affaires. Bien souvent, l'entreprise a aussi des responsabilités organisationnelles. Y a-t-il des leçons à tirer? Je vais m'adresser aux femmes qui sont sur l'écran. Y a-t-il des corrélations qui peuvent être établies avec le secteur privé ou des enseignements qui peuvent en être tirés?
Oubliez l'aspect profitabilité. Nous devons reconnaître l'efficacité des entreprises. Je dispose moi-même d'un personnel de femmes qui fait du très bon travail, et il y a aussi un jeune homme. Il y a en outre le fait que nous serons vraisemblablement en mesure de très bien nous entendre et de comprendre les besoins de notre collectivité. Constatez-vous la même chose lorsqu'il s'agit des entreprises?
Si vous cherchez des leçons à tirer, je me ferais légèrement polémique en disant que l'une des leçons que nous pourrions retenir de l'analyse du secteur privé est la façon dont... Lorsque l’intégration des considérations liées à l’égalité des sexes est ajoutée à un programme libéral —plutôt qu'à un programme néo-démocrate, par exemple —, elle peut devenir très limitée et subordonnée à des objectifs qui sont peut-être très éloignés des objectifs initiaux visés par quelque chose comme la Déclaration de Beijing ou le Programme d'action pour l'égalité des femmes, ce programme qui a été adopté par l'ONU et qui a démarré le processus à l'origine de l’intégration des considérations liées à l’égalité des sexes dans le monde entier.
C'est une réponse provocatrice. Je ne sais pas ce qu'en diraient les autres expertes.
Ne vous en faites pas, il n'y a pas de mal.
Je vais poursuivre avec Mme Cavaghan.
Pouvez-vous me donner quelques renseignements généraux sur l'accueil qui a été fait à l'analyse comparative des sexes au sein du gouvernement fédéral des Pays-Bas? Quelle est l'instance qui en assume le leadership, et à quel échelon? Quels résultats positifs le leadership en provenance de ces échelons a-t-il pu générer, et comment pouvons-nous tirer des leçons de leur expérience?
Je suis vraiment désolée, mais mon champ d'expertise est l'Union européenne et la Commission européenne, alors j'en sais peu sur les Pays-Bas ou sur tel ou tel État membre. Je m'intéresse à la politique établie par Bruxelles et la Commission européenne pour l'ensemble de l'Union européenne.
Cela ne fait rien.
Les Pays-Bas arrivent au 7e rang pour l'égalité des sexes; le Canada, lui, est 25e. Reprenons cette question et transposons-la à l'Union européenne; pensez à l'Union européenne en général, plutôt qu'aux Pays-Bas en particulier.
Quels ministères... Comment mènent-ils cette intégration? Quelles leçons pouvons-nous en tirer?
Les deux leaders sont le directeur général pour l'emploi — et le directeur général du développement, probablement aussi — et le directeur général de la science et de la recherche, ce qui fait trois, en fait.
Toutefois, depuis la crise financière, l'Union européenne procède furtivement au démantèlement de sa politique sur l’intégration des considérations liées à l’égalité des sexes et l'égalité des chances. Pour ce qui est des leçons à retenir en matière de leadership, je dois encore évoquer le climat politique. Le climat politique en Europe est en train de passer d'une situation où les programmes sociaux démocrates étaient très présents — sans être pour autant dominants — à une situation où les idées conservatrices prennent de plus en plus de place, une situation où l'égalité des sexes n'est plus à l'ordre du jour. Nous avons également de plus en plus de problèmes avec la montée de la droite radicale.
Il est désormais difficile de percevoir l'Union européenne comme un leader. Je ne sais pas ce que les autres expertes en pensent, étant donné qu'elles ont parlé d'autres pays comme le Brésil et l'Inde, où il se passe beaucoup de choses très intéressantes. Elles ont peut-être des choses à dire au sujet du leadership.
Très bien. C'est tout le temps que vous aviez.
Passons à mon collègue libéral, M. DeCourcey, pour cinq minutes.
La conversation d'aujourd'hui est fascinante et c'est une chance que d'y assister.
J'arrive à cette fonction après avoir travaillé au sein d'un organe de surveillance à l'échelon provincial, le bureau des défenseurs des enfants et de la jeunesse. J'avais comme mandat d'élaborer un programme d'éducation et de sensibilisation fondé en grande partie sur le droit à l'éducation des humains et des enfants. Le programme s'adressait aux agents travaillant au service des enfants et de la jeunesse, aux fonctionnaires de l'État, aux professeurs ainsi qu'aux jeunes et aux enfants eux-mêmes. Je faisais aussi partie d'une équipe qui avait pour fonction d'aider l'intégration du processus d'évaluation de l'incidence sur les droits de l'enfant aux processus décisionnels de l'État. Mes questions ont donc été préparées avec cette perspective et ces expériences en tête.
Existe-t-il quelque part dans le monde un rôle d'ombudsman pour gérer ce type d'intersectionnalité ou ce déploiement de l'ACS+? Le Canada devrait-il plutôt en confier la surveillance à une fonction renforcée? En matière d'éducation, y a-t-il des exemples qui pourraient être suivis pour faciliter l'éducation des décideurs et des gens du gouvernement, certes, mais aussi celle des citoyens ordinaires et des jeunes, afin que nos diplômés aient une meilleure idée de ce que signifie l'intersectionnalité?
J'ai eu la chance de travailler avec l'UNICEF à un programme sur les écoles respectueuses des droits. C'était une façon formidable et populaire d'éduquer à la fois les enseignants et les jeunes, et de les aider à approfondir leurs connaissances sur ces questions. J'aimerais savoir s'il y a des exemples de choses semblables.
Madame Hanson, vous avez parlé brièvement d'un cadre intersectionnel féministe.
Madame Hankivsky, lorsque vous parliez d'intersectionnalité et que vous compliquiez la situation, je me demandais si, après avoir compliqué et déstabilisé votre vision du monde, vous seriez en mesure de rassembler tous les morceaux sous une seule rubrique, par souci de simplification.
C'est beaucoup de questions. Nous pourrions peut-être commencer par vous, madame Hanson, sur la question de l'éducation.
Voilà d'intéressantes questions.
J'ai travaillé au Fonds des Nations unies pour la population. Le Fonds a fait un certain travail afin d'élaborer un modèle pour considérer la culture des droits de la personne et les sexes comme s'il s'agissait d'un trépied, un peu comme vous le feriez pour considérer toutes les politiques et les programmes. C'est un filon où vous pourriez trouver quelques ressources à ce sujet.
Je ne peux pas vraiment vous dire dans quelle mesure ces questions sont enseignées dans les écoles. J'enseigne aux adultes. Assurément, avec l'Institut canadien de recherches sur les femmes et les cadres intersectionnels féministes, les choses se passent davantage au niveau communautaire puisque les projets et les recherches sont en très majeure partie financés par le Conseil de recherches en sciences humaines et Condition féminine Canada. Nous n'avons pas de financement de base, alors notre existence ne tient qu'à un fil.
Il y a des choses qui se font. Je crois qu'il serait utile d'avoir une certaine forme de répertoire pour nous aider à savoir vraiment ce qui se fait, mais je ne peux pas parler de cela non plus.
Pour ce qui est de l'ombudsman, ce serait peut-être à vous de nous en parler.
Je crois que I'idée de l'ombudsman est une idée formidable, mais je ne voulais parler que des ressources.
Je suis aussi directrice de l’Institut de recherche et de politiques sur l’intersectionnalité à l’Université Simon Fraser. Nous avons mis au point un certain nombre de conseils sur la façon d'appliquer l'intersectionnalité à l'analyse des politiques et à différents types de recherche. J'ai aussi rédigé dans une langue très simple le guide Intersectionality 101, qui a été utilisé par une variété d'organismes communautaires et de la société civile. Alors, toutes ces ressources existent bel et bien, et elles contiennent des illustrations et des exemples concrets.
Madame Cavaghan, avez-vous des exemples « internationaux » en matière d'éducation et de surveillance dont nous pourrions nous inspirer?
Je crois que les autres expertes ont déjà répondu à cette question. Si vous voulez que je vous donne des exemples précis, je vous dirai qu'au sein de l'Union européenne, la surveillance est toujours un problème, car les politiques ont tendance à carburer à la bonne volonté. C'est pour cette raison que je dis que les autres expertes sont mieux en mesure que moi de donner des exemples. L’intégration des considérations liées à l’égalité des sexes se bute à beaucoup d'obstacles au sein de l'Union européenne.
Excellent.
Nous allons laisser la parole à ma collègue néo-démocrate, Mme Malcolmson, pour trois minutes.
Au cours de séances antérieures, nous avons entendu les témoignages de certains représentants du gouvernement fédéral, dont ceux d'Immigration Canada, dont la loi constituante prévoit l'obligation d'effectuer des ACS. Ce ministère est notre meilleur exemple. Nous avons aussi reçu des témoins qui nous ont dit que cela était une solution simplificatrice, et que nous devions assurément prévoir de la formation et tout le reste, puisque l'obligation n'est pas une solution miracle. J'avais pourtant le sentiment qu'en rendant la chose obligatoire, la pression politique allait faire en sorte que les ministères fournissent de la formation, des ressources et du soutien, et qu'ils assument un leadership.
Comme vous avez toutes dit que le fait de rendre l'ACS obligatoire serait un grand pas dans la bonne direction, je me demandais si l'une d'entre vous pourrait se prononcer sur l'inévitabilité de jumeler le leadership et la formation à l'exigence législative.
Je crois que le jumelage serait une excellente chose. Je pense que c'est un bon exemple. La façon dont l'analyse a été rendue obligatoire dans ce ministère particulier — je le sais, parce que je leur ai parlé — est un peu un accident de parcours. Cela s'est produit pendant que personne ne regardait. Je dirais oui au jumelage, mais il n'y a pas de solution miracle. Il n'y a pas de solution unique; il faut un effort coordonné.
Je disais qu'il faut que ce soit un effort basé sur les différents chemins que cette orientation doit emprunter dans chacun des ministères, car ce sont là les outils de base qu'il vous faut. Il n'y a pas de solution universelle. Je crois que c'est important de garder cela à l'esprit. Il faut du leadership et de la formation, mais de la formation faite sur mesure. Les personnes édifient leurs capacités et fixent leur propre degré de confort, parce que c'est important de le faire.
Je suis d'accord avec ce que disent les autres intervenantes. J'ai d'ailleurs mentionné dans mon exposé qu'il fallait nommer des chefs en la matière et les poster à des endroits stratégiques au sein du ministère. Cette démarche pourrait faire partie de l'approche par étapes, avant que cela ne devienne complètement obligatoire. Il s'agit de régulariser les contacts entre les experts et les gens chargés de la mise en oeuvre ordinaire.
Très bien.
Nous avons le temps pour une autre série de questions pour chacun des partis, alors nous allons commencer par Mme Damoff.
Nous avons fait tellement de chemin grâce à vous toutes.
Je n'ai que quelques minutes, alors j'aimerais revenir à la question de la reddition de comptes. Dans son rapport, le vérificateur général nous informe que cela n'est pas fait correctement, sauf au ministère de l'Immigration. Nous avons aussi reçu des ministères qui nous ont dit que tout allait comme sur des roulettes. Je ne dis pas qu'ils ne font pas certaines choses correctement, mais il semble y avoir un manque d'uniformité. En ce qui concerne la reddition de comptes, j'avais mentionné la possibilité de se rapporter au Comité, mais existe-t-il des façons efficaces de veiller à ce que la reddition de comptes des ministères se fasse de manière uniforme, afin que nous puissions établir des comparaisons?
Madame Hankivsy.
Je crois qu'il y a certaines ressources qui pourraient servir d'inspiration pour le contexte canadien. L'ONU a un système d'échange qui sert de base à ses agences lorsqu'elles doivent produire des rapports sur ce qu'elles font pour promouvoir l'égalité des sexes. Il s'agit d'un mécanisme relativement récent, mais il a déjà fait des merveilles en donnant la possibilité de comparer l'état d'avancement respectif des différentes agences. Le Canada pourrait s'inspirer de ce mécanisme et l'adapter à son contexte particulier. Je crois que c'est une idée qui a un certain potentiel.
Est-ce que quelqu'un veut proposer autre chose?
Je vais devoir partager mon temps avec Mme Vandenbeld.
Je veux poursuivre sur la lancée de Mme Damoff au sujet de la possibilité de rendre des comptes au Parlement et de le faire à la façon des budgets. Dans cette optique, chaque comité associé à un ministère donné devra faire l'examen des analyses comparatives des sexes menées par ce ministère.
Madame Rowan-Campbell, l'une des choses que vous avez proposées dans le rapport de 2005 était que le Parlement devrait avoir un agent affecté spécialement à l'ACS. Est-ce une possibilité que l'une d'entre vous aimerait commenter?
Je vais commencer par vous, Dorienne, ou par n'importe laquelle d'entre vous qui voudrait donner son point de vue sur l'utilité d'un tel modèle.
Je pense toujours que ce serait utile, car vous auriez besoin de quelqu'un qui soit compétent dans ce domaine et qui puisse orienter une bonne partie des activités en ce sens. Il faudrait aussi que ce soit quelqu'un qui structure la façon dont les réponses sont données, qui supervise et qui soit capable de travailler en partenariat avec le Comité. C'est important. Je pense que nous avons besoin de quelque chose du genre.
Je suis d'accord et je ne connais pas la langue. Le problème réside en partie dans le fait qu'on ne comprend pas la langue que parlent les agents et les ombudsmans et comment les deux diffèrent en pratique. Oui, il serait utile d'avoir un type de supervision.
Madame Cavaghan, dans votre prochaine publication, vous comparez un exemple réussi d'intégration de l'égalité entre les sexes avec un autre qui l'était moins. Quelles étaient les principales différences entre les deux cas qui ont fait que l'un a été une réussite et l'autre, un échec?
Vous pourriez voir des mécanismes précis qui ont servi à contourner l'intégration de l'égalité entre les sexes. Cependant, en ce qui concerne les caractéristiques des sous-sections au sein de la Direction générale de la recherche, il était clair que le ministère où l'intégration s'est bien faite avait déjà l'habitude d'essayer de regrouper et d'administrer des objectifs stratégiques susceptibles d'être contradictoires. Ils étaient fixés fermement avec un programme stratégique complexe, tandis que la sous-section, qui contestait fortement l'intégration de l'égalité entre les sexes et qui y résistait avait normalement une orientation étroite et de la difficulté à composer avec tout type de conflit interne ou d'apprentissage. Celle-ci avait eu un objectif stable avec sa politique pendant près de 20 ans. La gestion avait rédigé des documents qui contredisaient les documents de mise en oeuvre servant à expliquer l'importance de l'égalité entre les sexes dans cette sous-section. Elle y affirmait que les questions sexospécifiques n'étaient pas pertinentes, contrairement à ses objectifs d'intégration à elle.
Je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai insisté pour dire que la résistance était un problème au plan de l'intégration de l'égalité entre les sexes. Il y a des politiciens et des fonctionnaires qui veulent nuire aux politiques et qui prennent des mesures pour ce faire.
Un des points qui ont été soulevés lorsque nous avons entendu le témoignage d'un fonctionnaire d'Immigration concernait le besoin d'avoir des champions et la capacité du ministère de mettre en oeuvre l'ACS.
Est-ce que l'une d'entre vous aimerait parler de votre façon de veiller à avoir la capacité et les champions nécessaires dans chaque ministère? Si vous deviez rendre l'intégration obligatoire, comment vous assureriez-vous qu'on procède aussi à un suivi?
C'est une question de ressources, en fait. Des ressources, le temps de bien faire le travail et aussi de veiller à ce que les gens qui sont nommés à ces postes importants, les champions, savent vraiment ce qu'ils font. On ne devrait pas nommer quelqu'un qui n'a pas l'expérience, la formation ou le soutien continu adéquat.
J'allais dire que je pense qu'il est aussi important de veiller à ce que l'intégration de l'égalité entre les sexes ne ruine pas une carrière. Cet argument a d'ailleurs été soulevé par un des experts qui se trouvent dans la pièce avec vous en ce moment. Dans certaines parties de la Commission européenne, c'est le cas. Les gens font de l'intégration de l'égalité entre les sexes pendant deux ou trois ans avant de se dire qu'ils ont perdu suffisamment de crédibilité et qu'ils s'orientent vers autre chose.
Comme l'a dit un de vos intervenants dans la pièce, si vous participez à l'intégration de l'égalité entre les sexes, vous devez vous assurer que c'est à un niveau élevé, que cela va vous mener quelque part et que cela sera reconnu comme un changement utile et positif au plan de l'expertise.
Parfait. Je partagerai mon temps avec ma collègue.
J'allais parler des mécanismes de conformité dans les cadres de responsabilisation, car il en a été question à quelques reprises. Selon vous, y a-t-il des mécanismes non législatifs qui fonctionnent ou n'en valent-ils simplement plus du tout la peine? Devrions-nous suivre la voie législative?
Peut-être que nous pourrions commencer par les gens qui nous ont rejoint par vidéoconférence.
Je pense que vous avez besoin de plusieurs niveaux de conformité. Il ne suffit jamais de n'avoir qu'un mécanisme législatif; c'est ce qu'on obtient au bout du compte, mais il vous faut aussi créer des incitatifs pour encourager les gens à se conformer aux règles.
Quand il est question d'égalité entre les sexes, j'ai trouvé qu'il était très utile d'employer une perspective de gestion du changement et de voir le champion ou un des dirigeants comme une des personnes qui promeuvent divers types de gestion du changement, et que la question de l'égalité entre les sexes est primordiale. Ensuite, je trouve qu'il arrive souvent que cela fonctionne très bien et soit mieux accepté.
Je pense aussi que nous avons besoin d'intégrer la promotion de l'égalité entre les sexes aux descriptions de tâches, car si c'est dans votre description de tâches, vous allez devoir le faire. C'est une des lacunes que nous avons relevées. Un certain nombre de personnes ont ce critère dans leur description de tâches. Si vous êtes analyste des politiques, c'est une des choses que vous faites. Même chose si vous occupez un autre poste. Votre contribution à la tâche est importante simplement parce qu'elle fait partie de votre travail. Vous devez intégrer ces responsabilités.
Je me joins à la conversation, car vous avez dit que les personnes qui participaient à la réunion par vidéoconférence devraient le faire.
Je suis d'accord avec l'idée des différents niveaux de mise en oeuvre. Je pense que l'évaluation et l'analyse des répercussions externes sont très importantes parce qu'elles vous permettent ensuite de faire appel à des experts qui seraient en mesure de prendre du recul et d'avoir une vision peut-être plus ambitieuse des possibilités qu'offre une politique.
Cependant, je suis certaine que l'intervenante se trouve dans la pièce et qu'elle a aussi une recommandation précise à formuler, alors je vais essayer de garder du temps pour cela.
Je ne crois pas que l'adoption d'une mesure législative soit la seule façon de procéder. Il ne peut s'agir d'une solution autonome, mais c'est presque le minimum dont vous ayez besoin pour réussir.
Je suis d'accord avec ce point de vue et j'ajouterais qu'on n'a pas beaucoup parlé du besoin, non seulement d'avoir des champions de l'égalité entre les sexes, mais aussi d'un type de gestion qui bonifie ce processus. La conformité ne suffit pas; honnêtement, je pense que c'est de la volonté politique dont vous avez besoin.
J'ai une question de suivi et je céderai ensuite la place à Mme Vecchio.
On a parlé d'un ombudsman. J'ai beaucoup eu affaire à l'Agence du revenu du Canada — beaucoup: plus que je l'aurais jamais souhaité. Elle a un ombudsman que les contribuables peuvent consulter. Quoi qu'il en soit, un ombudsman sans le pouvoir d'exiger la conformité n'est qu'un champion sans poigne.
J'aimerais connaître votre opinion sur la possibilité d'habiliter, par voie de mécanisme législatif, un ombudsman à obliger le personnel ministériel à se conformer comme il se doit, soit après le fait, soit pendant le processus. J'aimerais entendre le point de vue des professeurs, peut-être, et ensuite des témoins qui participent par vidéoconférence. Il y a de nombreuses façons de procéder, mais l'ombudsman doit avoir le pouvoir d'exiger la conformité et de résoudre des problèmes.
Je pense que ce type de surveillance est très efficace. C'est la dénonciation et la condamnation, à tout le moins, mais si vous donnez de la véritable poigne à cette personne, cette surveillance peut s'inscrire dans cet effort coordonné qui est parfois nécessaire pour regrouper tous les renseignements.
En plus de la supervision, nous avons aussi besoin de montrer des exemples de l’incidence positive de l’intégration de l’égalité entre les sexes. En conséquence, nous avons aussi besoin d’entendre, entre autres, les témoignages et les récits et de connaître les résultats de recherche qui illustrent cette incidence pour pouvoir aller au-delà de la conformité et nous concentrer sur les résultats.
Merci beaucoup.
Je vais passer à la question. Madame Cavaghan, vous avez mentionné que vous estimez que certaines personnes essaient de nuire à la réussite de ces initiatives.
Madame Hankivsky, j’examine la question et je comprends pourquoi nous sommes dans cette situation, mais je pense que le principal problème ici en est un de communication. Je crois que la plupart des Canadiens aimeraient que l’égalité entre les sexes soit fondée sur votre orientation sexuelle, votre race et toutes sortes d’autres facteurs. Au lieu de nous contenter de penser que ce pourrait être une question de volonté politique ou quelque chose du genre, nous pourrions améliorer la situation simplement en communiquant, car je pense que lorsque nous parlons de l’ACS, nous pensons au sexe. Même dans le cadre de l’analyse comparative entre les sexes que j’ai dû faire sur l’ordinateur, la première question qu’on m’a posée a été au sujet de mon sexe biologique — si j’étais un homme ou une femme. Au départ, cela montre l’ignorance et porte à croire que l'analyse pourrait susciter des réactions du genre « Wow, je dois faire tout une formation sur l’égalité entre les sexes et je viens de dire que je suis une femme ».
Là n’était pas la question. On aurait dû me demander quel était mon sexe. Je pense que nous avons un énorme problème de communication ici et que les parlementaires, ainsi que les personnes qui mènent l’ACS+, doivent expliquer qu’il n’est pas question du sexe biologique, car on a véhiculé l’idée que le sexe correspondait au sexe biologique, c'est-à-dire homme ou femme, et ce n’est vraiment pas le cas lorsqu’on essaie de remplir l’ACS+.
Que diriez-vous que nous avons besoin de faire? Comment pouvons-nous nous assurer à l’avenir que nos ministères et les Canadiens sachent que ce n’est pas ce que nous voulons dire, car nous communiquons mal notre idée depuis les 20 dernières années?
Je suis tout à fait d’accord. Bien sûr, je suis probablement la plus provocatrice du groupe et je dirais que nous avons besoin d’employer une terminologie différente. Ce n’est une question ni d’ACS ni d’ACS+, mais bien d’intégrer l’égalité entre les sexes, de ne laisser personne pour compte et d’examiner le sexe en relation avec d’autres types de facteurs.
On est réfractaire à l’ACS, car on pense toujours qu’elle porte sur les femmes. Lorsque j’ai offert de la formation dans les ministères, j’ai remarqué que la question du sexe avait beaucoup plus de poids lorsqu’elle était placée dans un cadre intersectionnel. Vous avez ainsi une vision plus nuancée, complexe et réaliste des aspects relationnels des sexes dans le contexte d’autres facteurs. Prenez les déterminants sociaux de la santé, par exemple. Le sexe est un facteur parmi tant d’autres.
N’importe lequel des témoins peut répondre à cette question, mais je suis particulièrement intéressée à entendre les témoins ici présents qui ont récemment traité de politique canadienne.
Pouvez-vous nous donner des exemples de ce qui a été perdu? Pouvez-vous remonter à 2005, année où nous avons peut-être instauré une mesure législative concernant l’analyse comparative entre les sexes, et extrapoler? Quelle incidence a-t-elle potentiellement eue sur les investissements et les décisions stratégiques du gouvernement fédéral? Qu’avons-nous potentiellement perdu en étant si en retard sur notre époque?
Je pense que nous aurions peut-être fait des évaluations sexospécifiques de certains projets environnementaux qui sont maintenant en chantier au Canada et examiné leur incidence sur la vie des femmes. Nous pouvons nous pencher sur les migrations, par exemple, celles des nombreux habitants des Maritimes qui sont allés travailler dans les champs pétroliers albertains, etc. Toutes ces choses ont eu une incidence très différente sur les familles et les femmes que sur les hommes.
Je peux faire un suivi rapide là-dessus. Un certain nombre de personnes m’ont dit qu’elles se préoccupaient du montant de l’investissement dans l’infrastructure future et de notre tendance, au Canada, de financer des mégaprojets de construction. Il est possible que ces investissements se fassent dans des lieux de travail traditionnellement masculins et des grands bâtiments où l'on verse du béton, etc. En outre, sans ACS appropriée, ces investissements ne tiennent peut-être pas compte de l’incidence négative parfois disproportionnée sur les femmes, par exemple, en raison de l’influence machiste dans les villes près des chantiers où la population des camps de travail est à 95% masculine, et des problèmes de violence sexuelle susceptibles de résulter de cette atmosphère sexualisée.
Est-ce qu’on y pense ou qu’on s’en préoccupe?
On y pense et on s’en préoccupe beaucoup. Pour ce qui est de connaître l’incidence potentielle de l’ACS sur ces décisions, je ne suis pas certaine d’avoir bien saisi la question.
Si un budget est axé, en particulier, vers un investissement dans l’infrastructure qui donne lieu à ces mégaprojets et à ces camps de travail à majorité masculine, est-ce qu’une ACS aurait pu mettre en lumière le besoin de politiques pour protéger les femmes touchées ou pour prendre des décisions qui profiteraient de façon égale aux hommes et aux femmes en investissant de façon beaucoup plus équitable d’un point de vue sexospécifique?
Bien sûr, et je pense que si on avait mené une analyse comparative entre les sexes dans le cadre de certaines de ces décisions, certains services offerts seraient différents, et les acteurs seraient peut-être différents eux aussi. En règle générale, je pense que c’est aussi une question de mouvement des personnes et de l’incidence qu’elle a sur la vie des gens. Il existe de nombreux exemples de cas à l’échelle mondiale où l’incidence sur les femmes et les hommes a été très différente.
Nous parlons aussi de qualité de vie et de violence. De nombreuses questions entrent en ligne de compte lorsque ces types de changements surviennent et en ce qui touche les personnes concernées et celles qui en bénéficient.
Je pense que ce qu’il y a de plus révélateur est que les iniquités persistent et sont à la hausse, ce qui montre que les outils et les approches que nous avons privilégiés nous ont grandement fait faux bond dans tous les secteurs de politiques.
Le défaut de mettre en œuvre une loi sur l’équité salariale aurait-il joué sur cette situation et sur le fait que nous avons vu l’écart salarial se creuser pendant cette période de ralentissement économique?
Je dirais que oui, mais la question devrait être de savoir pour quelles femmes et quels hommes plutôt que de seulement opposer les hommes aux femmes.
Je pourrais ajouter quelque chose si j’ai suffisamment de temps. Vous parliez de décisions budgétaires et d’infrastructure. Si vous deviez tenir compte d’une analyse comparative entre les sexes de la politique économique, vous auriez une différente notion des investissements, y compris de l’investissement dans l’économie des soins et la reconnaissance des pressions exercées vers le bas lorsque l’État coupe dans les politiques d’aide sociale et les services sociaux. Ces décisions influent sur le revenu des femmes. Elles touchent clairement les femmes de milieux sociaux défavorisés et, en Europe, de différentes minorités ethniques. Les différences sont très importantes, mais si vous ne menez pas d’analyse comparative entre les sexes de votre politique économique, ces détails passent complètement inaperçus.
Je dirais qu’une des initiatives que nous avons importée du Canada dans le monde et les pays en développement a vraiment été d’examiner la situation des femmes, la maternité, la sécurité et le bien-être. Cependant, ces éléments ont été entièrement examinés sans tenir compte de tous les facteurs qui touchent vraiment les femmes, comme tomber enceinte, vivre une grossesse, recevoir des soins prénataux et post-partum, et avoir besoin de travailler. L’examen a porté sur un très petit aspect de la vie des femmes, et je pense qu’il n’a pas été aussi efficace qu’il aurait pu l’être si on avait procédé à une analyse comparative entre les sexes du programme avant qu’il ne soit lancé.
Merci beaucoup.
Je tiens à remercier Mme Hankivsky, Mme Hanson, Mme Cavaghan et Mme Rowan-Campbell de s’être jointes à nous aujourd’hui. Votre intelligence et votre expérience dans ce domaine nous ont été d’une grande utilité.
Les membres du Comité seront excités de savoir que mardi, nous accueillerons des visiteurs de Nouvelle-Zélande et de Belgique par vidéoconférence, si bien que nous serons en mesure de savoir ce qui se passe à ces endroits. Nous accueillerons aussi peut-être des représentants de Santé Canada. Malheureusement, les représentants du ministère de la Défense et des Forces armées canadiennes n’étaient pas disponibles pour nous rencontrer, mais nous aurons une réunion stimulante mardi. Jeudi, nous commencerons à rédiger le rapport, alors commencez à prendre vos idées en note.
Merci beaucoup de votre attention aujourd’hui.
Madame la présidente, quelles raisons les témoins qui ont refusé notre invitation ont-ils invoquées?
En général, c’était pour des raisons de conflits d’horaire. Leurs témoins experts n’étaient pas disponibles avant la date de tombée de notre rapport; en conséquence, ils ne peuvent malheureusement pas assister à notre réunion.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication