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Je vous remercie pour cette présentation. Je m'appelle Josie Nepinak.
Tout d'abord, je vous envoie mes salutations de Calgary. Calgary est située, comme vous le savez probablement, sur le territoire des Premières Nations visées par le Traité no 7. Il fait beau aujourd'hui.
Je suis ici pour parler de l'Awo Taan Healing Lodge Society. L’organisme a été créé en 1992 pour offrir un soutien et des conseils holistiques aux femmes et aux enfants qui fuyaient la violence. Awo Taan signifie bouclier, protecteur en langue pied-noir. Son nom représente une approche de protection et de soutien sûre et adaptée à la culture contre la violence familiale.
Notre vision consiste à offrir des services aux familles vivant en paix et notre mission, à offrir un éventail de services de soutien à toute personne touchée par la violence familiale.
J'aimerais d'abord vous dire qu'il y a 46 refuges d'urgence en Alberta. Selon les statistiques, jusqu'à 60 % des femmes et des enfants qui fréquentent ces refuges en Alberta sont autochtones. Par conséquent, pour orienter notre travail, nous avons élaboré des principes directeurs, dont j'aimerais vous parler un peu. Nous valorisons le savoir traditionnel des aînés et le transfert du savoir sacré. Nous reconnaissons et valorisons l'esprit et l'intégrité de toutes les personnes touchées par la violence.
Nous croyons que la guérison nécessite une intervention multidimensionnelle comprenant des interventions, la mise en place de refuges sûrs, des services spirituels et culturels, des services de proximité et de l'information aux victimes et aux agresseurs, ainsi que la sensibilisation du public et l'application des lois pertinentes. Nous croyons également que la violence découle de traumatismes intergénérationnels et que l’éducation dans les communautés a un rôle à jouer dans la guérison de ces traumatismes.
Nous sommes régis par un conseil d'administration constitué de bénévoles, qui assurent collectivement la direction et la surveillance de nos activités. Je dirige une équipe multidisciplinaire qui offre une gamme de services et de programmes aux femmes autochtones et à leur famille, dont des soins post-traumatiques reposant sur les forces et des soins tenant compte de la violence en vue de favoriser la guérison, la fierté, l'estime de soi et l'identité culturelle des Autochtones.
Notre cadre autochtone pour la guérison et le bien-être est notre document de travail et notre modèle de prestation de services. Nous y trouvons les outils requis pour la guérison et le bien-être, ainsi que des stratégies adaptées à la culture et répondant aux besoins. Le cadre établit une gamme de services adaptés à la culture des Autochtones et de leur famille.
Nous sommes en service depuis 25 ans, et, au cours de ces années, nous avons élaboré notre programme de soins et notre programme de guérison et de bien-être en mettant l'accent sur les soins tenant compte de la violence. Nous évaluons également notre cadre en permanence pour déterminer si nos services sont pertinents ainsi que pour évaluer l'incidence de notre travail entourant les services adaptés à la culture et tenant compte du traumatisme.
Au cours des 25 dernières années, nous avons créé des programmes et des services et élaboré des stratégies pour les Autochtones. Les personnes elles-mêmes — nos mères et nos enfants, les gens des communautés, nos partenaires — ont indiqué que les modèles autochtones sont les plus utiles pour permettre de comprendre et de connaître les caractéristiques des services adaptés à la culture.
Par conséquent, nous sommes passés de la prestation de services d'urgence à la prestation d'une gamme de programmes adaptés à la culture pour répondre aux besoins immédiats et à long terme des familles touchées par la violence. Nous avons un certain nombre de programmes, et je n'en mentionnerai que quelques-uns. Nous avons le programme de refuge d’urgence et le programme pour la prévention de la violence familiale. Nous avons un programme de services de proximité en milieu rural. Nous avons un programme de soutien aux Autochtones et un programme de mentorat pour les jeunes. Tous ces programmes, à l'exception du refuge d'urgence pour femmes, sont également offerts aux hommes et aux membres des familles touchés par la violence afin qu'ils puissent participer au processus de guérison familiale.
Nous préférons appeler notre refuge un pavillon principalement parce que nous savons avec les soins adaptés au traumatisme que les femmes qui arrivent au refuge ont déjà vécu de multiples traumatismes, que ce soit dans les pensionnats ou pendant la Rafle des années 60, et qu'elles ont perdu leur langue, leur culture et leur cérémonie. Le pavillon représente mieux le processus de guérison.
Nous avons 32 lits et nous offrons une gamme complète de services en refuge d'urgence. Nous travaillons 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et nous offrons des services à toutes les femmes qui fuient la violence. Ces services comprennent le soutien d'urgence en cas de crise, l'hébergement d'urgence, le soutien culturel, le mentorat, la gestion intensive des cas, la guérison dans la communauté et l'éducation.
Nous avons un programme novateur de soins aux enfants et un programme de réconciliation et de guérison post-traumatiques, ce qui est relativement nouveau pour nous. Le programme de réconciliation et de guérison repose sur une approche améliorée de counselling et de soutien pour les femmes qui restent au pavillon. Nous avons un psychologue autochtone qui tient compte des traumatismes, alors nous offrons du counselling adapté à la culture, aux traumatismes et à la violence pour favoriser la guérison de toutes les formes de violence et de mauvais traitements.
Le pavillon est financé en majeure partie par la province de l'Alberta, par la division du soutien aux sans-abri.
Nous venons de publier le Comprehensive Report: Building a Case to Explore the Impact of Indigenous Trauma-Informed Care and Other Promising Practices at the Awo Taan Healing Lodge Society. La portée des travaux englobait l'élaboration d'un modèle logique de programme et un examen de la pertinence des documents internes, des réalisations et des résultats, ainsi que de notre mode de fonctionnement, de notre prestation et de notre efficacité. Nous avons également procédé à une revue de la littérature externe sur les cadres, les modèles, les principes et les stratégies adaptés à la culture pour la prévention de la violence familiale dans les refuges d'urgence pour femmes, principalement au service des femmes autochtones.
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Le témoin s'exprime en langue autochtone.]
Bonjour à tous. Je me permets toujours de remercier le Créateur de m'avoir conduite ici saine et sauve, et je remercie la nation anishinabe de nous accueillir dans son vaste territoire.
Je m'appelle Viviane Michel et je suis la présidente de Femmes autochtones du Québec.
Femmes autochtones du Québec représente 10 nations au Québec, incluant la population urbaine. Dans notre organisation, nous avons ce qui s'appelle le Réseau des maisons d'hébergement pour femmes autochtones. Il y a 13 maisons d'hébergement dans notre réseau, et deux autres viendront bientôt s'y ajouter pour les Naskapies et les Eeyous, qui en seront à leur troisième maison d'hébergement.
Je salue aussi le Comité permanent de la condition féminine, que je remercie d'inclure Femmes autochtones du Québec dans ce processus.
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D'accord. Vous comprendrez que sept minutes, ce n'est pas beaucoup, mais je suis habituée à parler vite.
Je vais répondre aux deux questions que vous nous avez envoyées, en commençant par le financement et les programmes fédéraux existants liés aux refuges et aux maisons de transition.
En 1990, nous avons mis sur pied une maison d'hébergement financée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Ce ministère fédéral nous a accordé 143 000 dollars pour financer cette maison régionale, laquelle dessert neuf communautés innues. Un montant de 143 000 dollars, c'était peu. En plus des frais d'exploitation de la maison, il couvrait les salaires de quatre intervenantes, d'une coordonnatrice et d'une directrice. Cela était vraiment très minimal. Par comparaison, la ville avait sa propre maison d'hébergement pour les femmes victimes de violence, qui était financée à hauteur de 450 000 dollars par la province. Vous constaterez l'écart assez flagrant qu'il y avait déjà entre les niveaux fédéral et provincial en matière de financement.
À l'heure actuelle, ce financement n'est pas uniforme. Les maisons d'hébergement dans les communautés sont financées par le fédéral. En milieu urbain, par contre, elles sont financées par le provincial parce qu'elles ne sont pas à l'intérieur d'une communauté. Dans certains cas, le financement des maisons d'hébergement autochtones est géré par le conseil de bande, ce qui peut entraîner des difficultés. À titre d'exemple, une femme a rapporté une agression sexuelle perpétrée par un chef de bande, ce qui a poussé le conseil de bande a empêché la maison d'hébergement autochtone d'offrir du soutien à cette femme. On peut voir les questions politiques que peuvent parfois créer des lacunes dans la gestion des maisons d'hébergement. Il est donc nécessaire d'uniformiser le financement et de confier la gestion des fonds directement aux maisons d'hébergement autochtones.
Le personnel des maisons d'hébergement pour femmes autochtones a besoin de formation continue. Les intervenantes s'investissent de tout leur coeur dans leur travail. Un grand nombre de cas, d'une grande variété, leur sont acheminés, dont des dénonciations d'agression sexuelle ou de crise suicidaire, entre autres. Il est donc nécessaire de mettre à leur disposition des activités de formation pour renforcer leurs compétences et les outiller afin qu'elles puissent offrir une meilleure aide, peu importe les situations auxquelles elles font face.
Le financement doit couvrir les salaires des intervenantes. Dans les communautés, ces salaires varient beaucoup d'une maison d'hébergement autochtone à l'autre et ne sont pas à la hauteur du travail des employées. Ces facteurs contribuent au taux de roulement élevé des employées des maisons d'hébergement autochtones, dont plusieurs quittent leur emploi ou tombent en congé de maladie. Il est prioritaire d'avoir en poste des employées mieux formées et outillées par, pour et avec des Autochtones, afin que leurs interventions soient conformes à cette culture.
Votre deuxième question portait sur le nombre de lits. Le manque de lits est particulièrement problématique à Montréal et à Québec, dont les maisons d'hébergement accueillent une clientèle plus importante. En communauté, par contre, le problème est parfois tout autre, puisque les lits peuvent être inoccupés, comme à Schefferville, une petite communauté où tout le monde se connaît et où il est vraiment très difficile d'assurer une certaine confidentialité.
J'en arrive aux recommandations.
Mes sept minutes sont-elles passées?
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Notre première recommandation est d'octroyer un financement de base au Réseau des maisons d'hébergement pour femmes autochtones pour favoriser la formation et les échanges entre les maisons d'hébergement autochtones, au même titre qu'au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale et à la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes au Québec.
Deuxièmement, il faut élargir les champs de services offerts en maison d'hébergement afin qu'ils correspondent davantage aux besoins et aux réalités des femmes autochtones vivant une situation de violence familiale et conjugale, ainsi qu'à la culture et aux traditions autochtones.
En troisième lieu, nous recommandons de mettre en oeuvre des services destinés aux hommes ayant des comportements violents ou subissant de la violence. Ces derniers doivent prendre part au processus de guérison des nations autochtones.
Quatrièmement, il faut consacrer dans les communautés plus de ressources humaines pour traiter de violence familiale et conjugale.
Notre cinquième recommandation est d'établir des protocoles d'entente interorganisations entre les maisons d'hébergement autochtones et allochtones, avec les policiers, les services sociaux, la Direction de la protection de la jeunesse et toutes les ressources susceptibles d'oeuvrer dans le domaine de la violence conjugale.
Sixièmement, il faut sensibiliser les femmes autochtones au processus juridique entourant une situation de violence familiale et conjugale, notamment l'accompagnement juridique, le dépôt des plaintes, et le reste.
En septième lieu, nous recommandons d'assurer un filet de sécurité pour les femmes autochtones vivant une situation de violence familiale et conjugale en leur offrant un choix de services adaptés à leurs besoins et à leurs réalités.
Notre huitième recommandation est d'assurer un meilleur soutien financier aux services de police autochtones en favorisant la formation et le recrutement de femmes policières.
Neuvièmement, il faut prévoir des ressources spécifiques pour venir en aide aux familles de femmes autochtones disparues ou assassinées.
Notre dixième et dernière recommandation est de lancer une campagne de sensibilisation dans le but de venir en aide aux aînées qui subissent de la violence de toutes sortes.
Je crois avoir respecté le temps qui m'était imparti.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci à nos deux témoins d'être ici aujourd'hui.
Madame Nepinak, je remarque qu'en plus du travail que vous avez fait avec le refuge, vous avez également travaillé avec l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, ainsi qu'avec le groupe consultatif d'experts de l'Observatoire canadien du fémicide pour la justice et la responsabilisation.
Ma question porte sur la fréquence de l’utilisation des armes à feu dans la violence familiale. Dans mes discussions avec des responsables de refuges, j'ai souvent entendu dire que les armes à feu étaient utilisées, non seulement pour commettre des agressions contre des femmes, mais aussi pour menacer les femmes, leurs enfants et leurs animaux de compagnie afin de forcer les femmes à demeurer dans une relation. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
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Je crois souvent que nous nous attendons à des miracles en trois semaines, ce qui n'est pas juste pour les femmes et les enfants qui arrivent. En général, dans les familles autochtones, la femme est dans la vingtaine. Elle a habituellement trois enfants.
Nous nous attendons à ce qu'elle trouve un logement, dans les 21 jours, et un soutien au revenu. Si elle a des problèmes liés à la protection de ses enfants ou à des ordonnances de protection d'urgence, ou si elle essaie simplement de sauver sa vie pendant ces trois semaines... il est parfois très difficile de vivre dans un établissement communautaire, comme un refuge, dans lequel il y a des règles.
Elle pourrait nous demander une prolongation. Elle ne trouve peut-être pas de logement. Elle peut attendre d’avoir un rendez-vous avec les responsables du soutien aux sans-abri ou du soutien au revenu. Nous accordons des prolongations, et nous l’avons fait à maintes reprises, ce qui signifie qu'il y a de moins en moins de femmes qui peuvent être accueillies au refuge, parce qu'il y a des retards dans d'autres domaines. Parfois, les systèmes ne fonctionnent pas tous comme nous le souhaitons. Nous gardons les femmes jusqu'à ce qu'elles trouvent un endroit où aller, qu'elles aient de l'argent pour le loyer et ce genre de choses.
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Lorsque nous accueillons des femmes dans les maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence, elles sont très vulnérables. Elles vivent des situations où elles sont en perte de pouvoir. Lorsque nous accueillons ces femmes, nous leur donnons le temps de se reposer. Elles sont vraiment fatiguées émotionnellement et psychologiquement. Par la suite, lors de leurs rencontres avec les intervenantes, un plan de soins sont établis.
Le séjour varie d'une maison à l'autre. Certaines maisons peuvent garder les femmes jusqu'à six mois, pour autant qu'elles continuent de suivre leur plan de soins. Il peut s'agir de rencontres individuelles, de démarches judiciaires ou encore de rencontres avec des experts. En tant qu'intervenantes, nous n'avons pas l'expertise d'une psychologue, donc une psychologue peut faire une partie du travail. Il peut aussi y avoir un suivi avec un travailleur social, parce que ce sont parfois les travailleurs sociaux qui dirigent les femmes en situation de violence vers nos services. Lors de leur séjour, tout ce travail continue de se faire.
La plupart du temps, elles retournent chez elles, effectivement. Il faut comprendre que ces femmes aiment leur mari, mais elles n'aiment pas leurs comportements violents envers elles. Par ailleurs, la peur est tellement flagrante chez les victimes de violence; elles ont toujours peur de partir à jamais. Elles deviennent craintives et très dépendantes de la personne.
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Je peux répondre à cette question en premier.
En moyenne, chaque année, nous répondons à environ 2 500 appels de crise. L'an dernier, nous avons fourni un refuge à 250 femmes et à 275 enfants. Nous refusons environ 1 200 femmes et enfants par année.
Où vont ces femmes? Nous les aiguillons vers d'autres refuges de la ville de Calgary. Il y a deux autres refuges d'urgence.
Nous avons constaté toutefois que certaines femmes autochtones ne sont pas à l'aise avec l'idée d'aller dans des refuges traditionnels. Voici pourquoi: on y manque de compréhension. C'est surtout une question de compréhension culturelle. Il est possible qu’il n'y ait aucun intervenant à la peau brune dans le refuge. Il se peut que personne ne parle leur langue ou qu’elles n’aient aucune histoire ni expérience en commun. Il se peut également qu’elles se retrouvent devant quelqu’un qui ne comprend tout simplement pas. Le racisme a une incidence. La femme n'est pas nécessairement à l'aise.
Par conséquent, nous avons constaté que les femmes attendent d'être admises dans notre refuge autochtone, ce qui les rend encore plus vulnérables.
Merci.
Il y a à peine deux ans, en novembre 2016, nous avons accueilli le Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. L'une des observations formulées était que le comité était toujours préoccupé par l'absence de stratégie ou de plan cohérent qui permettrait d'améliorer les conditions socioéconomiques des communautés autochtones, en particulier celles des femmes autochtones, et de s’attaquer aux causes profondes de la violence dont elles sont victimes.
Dans son rapport sur le Canada en avril dernier, la rapporteuse spéciale chargée de la question de la violence contre les femmes a fait observer qu'il devrait y avoir un plan d'action dirigé par les Autochtones et appuyé par des ressources adéquates qui assurerait la fourniture d'un nombre suffisant de logements, de maisons de transition et de refuges, dont les communautés autochtones ont particulièrement besoin, lesquels devraient être gérés par les communautés et utilisés comme une plaque tournante pour d'autres services nécessaires au rétablissement et à l'autonomisation, conformément à l'approche fondée sur les droits de la personne. Elle a ajouté que le plan d'action national devrait permettre de relever des défis précis et de fournir davantage de services aux femmes autochtones dans les régions éloignées où les victimes ont de la difficulté à avoir accès aux services.
Avez-vous constaté que des mesures ont été prises pour donner suite à l'une ou l'autre de ces recommandations et qui ont changé le fonctionnement de votre groupe et la vie des femmes que vous servez?
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Je peux répondre à cette question la première.
Je crois que nous devons comprendre qu’il y a une guerre ouverte contre les femmes autochtones au Canada, sans même mentionner les milliers de femmes autochtones disparues et assassinées. Pour s'attaquer à ces failles, il faut commencer à envisager une stratégie globale à long terme, assortie de financement. Cette stratégie doit être dirigée par les femmes autochtones du pays, en particulier par les femmes autochtones qui sont expertes dans le domaine de la violence familiale et qui sont en mesure de comprendre les politiques ou la façon dont elles fonctionnent... et de voir à ce que ces lacunes en matière de financement soient comblées.
L’autre point, c’est que nous parlons souvent des Premières Nations rurales et éloignées en opposant les régions rurales aux zones urbaines. Je pense qu’il faut envisager de laisser tomber les limites territoriales afin d'assurer un financement équitable pour tous les refuges et pavillons autochtones au pays. Très souvent, lorsque les femmes vont dans un refuge des Premières Nations... J’ai parlé à mes collègues de Calgary et des environs. Le financement est très différent pour les refuges des Premières Nations dans une réserve, où les directeurs des refuges doivent régulièrement faire l’épicerie dans leur propre garde-manger pour nourrir les femmes et les enfants, c'est horrible.
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Évidemment, nous allons parler de l'importance des maisons de transition de deuxième étape. Lorsque les femmes ont fini leur séjour en maison d'hébergement, un suivi doit encore être fait. Si elles vont en ville, il faut une maison de deuxième étape, évidemment. Cela va les préparer à avoir une autonomie financière et à fonctionner par elles-mêmes.
Par ailleurs, lorsque de la consultation doit être faite, nous insistons sur l'inclusion des Premières Nations, c'est-à-dire autant des femmes des Premières Nations que des personnes qui travaillent avec ces victimes. Nous allons donc parler de l'inclusion, de la consultation et de la concertation lorsqu'il s'agit de faire un plan de fonctionnement stratégique pour contrer la violence.
Dans son ensemble, la violence est tellement vaste. À Femmes autochtones du Québec, nous avons lancé en mars un plan d'action contre les agressions sexuelles et nous devons encore relancer les communautés. Vous pouvez aller consulter notre plan d'action dans notre site Web. C'est un plan qui nous permettra d'être en mouvement et d'aborder les cas d'agressions sexuelles.
Ce que nous remarquons de plus en plus, à l'intérieur des maisons d'hébergement, c'est qu'il n'y a aucun financement pour les femmes qui désirent quitter leur situation de violence. Alors, qui va assumer les coûts?
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Je crois que le besoin de travailler avec les hommes qui ont des comportements violents est immédiat. Il faut rétablir ou créer des endroits où on peut le faire.
En effet, le système fait que, s'il y a des plaintes et une accusation, l'accusé va passer du temps en prison, mais sans qu'on traite son problème. Par contre, au sein des Premières Nations, nous avons nos propres moyens d'en arriver à une solution, soit le processus de guérison. Celui-ci apporte un changement vraiment radical chez les personnes qui le suivent.
Au sein du système judiciaire, la personne va aller en prison et son problème de violence ne sera jamais abordé. Voilà le hic. En plus des mesures judiciaires, il devrait y avoir des moyens afin d'aider la personne à résoudre son problème, qui consiste à exercer ses pouvoirs sur une autre personne. C'est donc une lacune du système judiciaire québécois.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie nos deux témoins de leur présentation.
Je commence par vous, madame Michel. Je vous remercie d'être venue du Québec.
Parlez-nous des femmes que vous renvoyez chaque année en raison d'un manque de lits dans vos 13 maisons d'hébergement au Québec.
Mme Nepinak nous a dit que son organisation recevait chaque année 2 500 femmes alors que, si j'ai bien compris, elle ne peut en accepter que 250 et qu'elle doit en refuser 1 200 par année. C'est énorme.
Parlez-nous de ce qu'il se passe au Québec, s'il vous plaît.
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J'ai travaillé dans une maison d'hébergement où nous avons voulu établir un centre de jour aussi, justement pour faire de la prévention et de la sensibilisation. C'est un centre régional. Cela veut dire qu'il y a seulement quatre chambres avec deux ou trois lits, selon les types de familles qui peuvent être accueillies.
Je peux dire que, dans une maison d'hébergement régionale, quatre chambres, ce n'est pas beaucoup. Une maison vraiment éloignée, par exemple à Schefferville, peut recevoir quatre femmes et leurs enfants. C'est certain que la femme ne partira pas sans ses enfants.
Pour ce qui est du nombre, je ne peux pas vous répondre, parce que je ne travaille pas à l'interne dans le moment. Toutefois, nous faisons partie du réseau d'hébergement.
Nous pourrons vous envoyer les statistiques sur les maisons d'hébergement. Cela nous fera plaisir de le faire.
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Je m’appelle Shar Chowdhury et je suis intervenante en soutien à la transition au Minwaashin Lodge, ici à Ottawa, qui est rattaché à notre refuge pour femmes autochtones, le Oshki Kizis Lodge. Je parle ici au nom de notre directrice générale, Mary Daoust, et de la directrice du refuge, Frances Daly.
J’occupe ce poste depuis 16 ans. Nos intervenants en soutien à la transition travaillent auprès des femmes autochtones qui fuient la violence et ils les aident à répondre à tous les besoins pratiques qui en découlent. Il pourrait s’agir d’un programme de traitement, d'un logement, de revenus ou de la planification de leur sécurité. Il pourrait s’agir de n’importe quelle chose pratique dont une femme a besoin pour aller de l’avant et se créer une vie plus sûre. C’est mon travail.
Je vais vous faire un bref historique de Minwaashin et du refuge. Minwaashin a vu le jour en 1993 sous le nom de Centre de soutien aux femmes autochtones, mais il s’appelle maintenant Minwaashin Lodge — Centre de soutien aux femmes autochtones. Le Centre avait travaillé à l’ouverture d’un refuge qui serait adapté aux besoins particuliers des femmes autochtones, métisses et inuites. L’Oshki Kizis Lodge a ouvert ses portes en 2001 grâce au don d’un immeuble avec vocation de refuge pour femmes victimes de violence, mais sans financement gouvernemental. À l’époque, il était considéré comme un refuge pour les sans-abri et les victimes de violence faite aux femmes.
À l’époque, les autres refuges traditionnels pour femmes victimes de violence étaient entièrement financés par le gouvernement et le foyer Oshki Kizis a reçu le plein financement en tant que refuge pour femmes victimes de violence en 2008. J’aimerais souligner que l'Oshki Kizis Lodge est le seul refuge pour les femmes autochtones qui fuient la violence dans tout l’est de l’Ontario. Nous accueillons des femmes des Premières Nations, des Métisses et des Inuites de partout au Canada, y compris des collectivités et des réserves éloignées du Nord.
Souvent, elles s’enfuient à cause du manque de confidentialité et de sécurité dans les petites collectivités, comme cela a été mentionné dans un autre groupe de témoins. Les travailleurs communautaires et le personnel des refuges, bien souvent, sont soit leurs tantes ou leurs cousins, alors elles ne peuvent pas agir dans l'anonymat pour échapper à la violence. C'est ainsi qu’elles se retrouvent à Ottawa, une grande ville un peu plus anonyme.
La façon dont elles arrivent ici est... Parfois, elles viennent du Nunavut, par exemple, et elles viennent pour un traitement médical, ou elles accompagnent une personne qui doit avoir un traitement médical ici à Ottawa, et elles y voient l'occasion de s’évader et d'éviter de retourner dans leur collectivité.
Il y a aussi des femmes qui viennent de partout au pays. Nous avons eu une femme de l’Ouest, qui tentait de fuir son conjoint violent. Elle est allée à Calgary, je crois, puis s’est déplacée vers l’est, mais il réussissait toujours à la retrouver. Elle est enfin arrivée à Ottawa où, jusqu’à maintenant, il ne l’a pas trouvée. Ottawa est une ville plus anonyme et c'est parfois ce que ces femmes recherchent.
Pour ce qui est des chiffres, notre refuge compte 21 lits. Il est toujours plein. Nous accueillons environ 90 femmes et 70 enfants par année. Nous refusons en moyenne quatre femmes par semaine. Sur ces quatre femmes, il y en a au moins deux qui fuient la violence. Parfois, certaines appellent parce qu'elles sont sans abri, et non parce qu'elles fuient la violence.
C’est le rythme habituel des choses. Donc, nous refusons au moins une centaine de femmes par année en raison du manque de places au refuge. Nous essayons d’accommoder les femmes. Même s'il n'y a que 21 lits, nous sortons des lits de camp. Nous les faisons dormir sur le canapé qui se trouve dans les aires communes et que nous utilisons lors des cérémonies ou des réunions. Lorsque nous faisons cela, par contre, nous ne recevons aucuns fonds supplémentaires pour le lit, la nourriture, l’électricité ou l’eau utilisée par ces personnes de plus que nous essayons d’accueillir.
Si elles n'obtiennent pas une place chez nous, à Oshki Kizis, souvent, la ville essaiera de les placer dans des refuges pour sans-abri. Je ne sais pas combien d’entre vous viennent d’ici, mais ce sont des endroits comme les Bergers de l’espoir. Dans ces endroits, le risque pour la sécurité des femmes autochtones est assez élevé. Bien souvent, leur conjoint violent y reste, lui aussi. Nos femmes, celles qui sont aux prises avec des problèmes variés, qui ont peut-être des dépendances, sont encore plus à risque lorsqu’elles s’adressent aux Bergers.
Ensuite, ce que nous constatons est qu’elles font des choix qui les mettent en danger, parce qu’elles ne peuvent pas s'installer chez nous. Elles choisiront peut-être de retourner vers un partenaire violent. Elles peuvent coucher sur un divan chez l'un et chez l'autre dans des circonstances moins qu’idéales ou traîner dans la rue plutôt que de rester dans d'autres refuges que le nôtre.
Je voulais émettre une analyse qui pourrait susciter une certaine réflexion, puis des conséquences de devoir refuser des femmes... Oh, j’en ai déjà parlé, mais je voulais simplement vous faire part de cette analyse. Il est important de comprendre que le traumatisme essentiel et le traumatisme intergénérationnel subis à la suite du génocide historique, politique, culturel et spirituel des communautés autochtones de même que les effets de la colonisation ont fait en sorte que ces communautés sont beaucoup plus exposées à la violence en général et à la violence par un partenaire intime en particulier. Cela se traduit par un grand besoin de logements sûrs et adaptés aux besoins des Autochtones.
J’ai une chose à dire au sujet de la situation dans son ensemble. Pour les gens qui vivent à Ottawa, je pense qu’il faut comprendre que nous parlons de places dans un refuge. Avons-nous suffisamment d’espace? S'agit-il simplement de mettre plus de lits ou de construire plus de refuges pour régler le problème? Je pense que nous devons aussi examiner la situation dans son ensemble. Il règne actuellement une crise du logement à Ottawa. Il n’y a pas suffisamment de logements abordables ou subventionnés. Cela signifie que les femmes restent plus longtemps dans des refuges d’urgence, parce qu’elles n'arrivent pas à se loger. Cela empêche les femmes nouvellement en crise d'avoir accès au refuge. C'est un problème.
Certains d’entre vous savent peut-être qu’il y a de nouvelles initiatives provinciales, comme les prestations de logement transférables, qui permettent aux femmes d’obtenir un loyer au prix du marché, ce qui constitue généralement un défi pour les femmes.
Je me prépare à conclure. D’accord.
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Merci, madame la présidente.
Ullukuut, mesdames et messieurs les députés, madame la présidente, mesdames les vice-présidentes, invités et employés.
Pauktuutit est une organisation nationale qui représente les femmes inuites au Canada. Nous dirigeons et appuyons les femmes inuites dans le cadre de notre travail et tenons compte de leurs intérêts et de leurs priorités uniques, qui sont aussi les nôtres. Nous travaillons pour le mieux-être social, culturel, politique et économique des femmes inuites, de leurs familles et de leurs collectivités.
Notre territoire est important dans notre culture et pour notre mode de vie. Notre population est de 65 000 habitants et la plupart vivent dans 51 collectivités de l’Inuit Nunangat. La plupart de ces collectivités sont petites, isolées et accessibles uniquement par avion. De plus, au cours des dernières années, il y a eu un afflux d’Inuits dans les espaces urbains, surtout des femmes.
En 2015, le s’est engagé à assurer l’égalité des sexes pour les femmes au Canada. Le gouvernement fédéral s’est également engagé à la réconciliation avec les peuples autochtones. Notamment, la ministre de la Condition féminine, , a reçu le mandat de veiller à ce qu’aucune personne fuyant la violence familiale ne se retrouve sans endroit où aller, en élargissant et en soutenant le réseau de refuges et de maisons de transition du Canada.
Malgré cela, la violence faite aux femmes et aux filles inuites est demeurée une crise systémique nationale qui exige des mesures urgentes, éclairées et concertées. Au taux de 14 fois la moyenne nationale, soit le taux le plus élevé observé parmi tous les groupes de femmes au Canada, la violence frappe chez les femmes inuites et constitue une des principales causes évitables de blessures et de mortalité. La violence familiale est aggravée par la pauvreté, le chômage, la toxicomanie, les logements surpeuplés et les taux de suicide qui, selon les estimations, sont de 9 à 20 fois plus élevés que la moyenne nationale.
Selon Statistique Canada, en 2016, plus de la moitié des Inuits de l’Inuit Nunangat vivaient dans des logements surpeuplés, comparativement à 8,5 % des Canadiens non autochtones. Le surpeuplement extrême, les logements insalubres et le manque de logements abordables et disponibles empêchent de nombreuses femmes et leurs enfants d’échapper à la violence, et ce, dans l’un des climats les plus rigoureux du monde. De plus, notre population est très jeune et croît rapidement, plus de 50 % des Inuits ayant 25 ans ou moins. Le nombre de personnes mal logées augmentera considérablement si on ne trouve pas de solution à la pénurie matérielle de logements.
Même avec les taux de violence les plus élevés au pays, plus de 70 % des collectivités dans l'ensemble de l’Inuit Nunangat n’ont pas de refuge sûr pour les femmes. Souvent, les maisons des membres de la famille et des amis sont surpeuplées et on y souffre d’insécurité alimentaire. Les services d'intervention en cas de crise et les services de counselling sont également limités. Celles qui sont victimes de violence et de mauvais traitements dans leur foyer ne trouvent souvent pas d'endroit sécuritaire dans leur propre collectivité. Un billet d’avion vers une autre collectivité peut coûter des milliers de dollars, ce qui est hors de portée pour la plupart, surtout en temps de crise. Dans ces cas, les travailleurs sociaux locaux doivent prendre des dispositions pour envoyer une femme dans une autre collectivité par avion.
Il y a eu trop de cas où l'absence de solutions sécuritaires dans l’Inuit Nunangat a entraîné des pertes de vie.
Ils contribuent au taux élevé de roulement du personnel en raison de l’épuisement professionnel, du manque de soutien par les pairs et souvent, d’une formation inadéquate en raison de l’isolement géographique et des ressources financières limitées. Fréquemment, il y a un manque de financement à long terme, car le financement est généralement axé sur des projets et limité dans le temps. Il s'ensuit que la viabilité est un défi constant.
De plus, il n’y a pas de maisons de deuxième étape dans l’Inuit Nunangat. Pourtant, elles sont souvent essentielles pour soutenir la quête des femmes qui souhaitent revenir à une vie sans violence. En cas de violence, les femmes inuites sont régulièrement aux prises avec un manque criant de services et de soutien pour échapper à cette violence et se remettre de ses répercussions. Le manque d’accès à des solutions sécuritaires peut forcer les femmes à déménager à des milliers de kilomètres de leur territoire vers des centres urbains.
Vivre dans une ville du sud du Canada peut créer énormément d'isolement. Sans soutien et sans services pertinents et culturellement adaptés pour surmonter les nombreux effets de leurs expériences traumatiques, de nombreuses femmes demeurent en danger et peuvent avoir à affronter d'autres défis qui, trop souvent, les rendent plus vulnérables à la violence et aux mauvais traitements.
Enfin, la responsabilité du logement et des refuges sécuritaires pour les femmes relève des provinces et des territoires. Services aux Autochtones Canada offre des subventions de fonctionnement aux refuges situés dans les réserves et rembourse également le coût des services de refuge hors réserve utilisés par les membres des Premières Nations résidant ordinairement dans les réserves.
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Non, je n’ai jamais entendu parler d'achat de maison. Je ne connais pas de femme qui ait acheté une maison après avoir quitté notre refuge. Il y a de nouvelles initiatives provinciales pour ce qu'on appelle les programmes d'allocations de logement transférables. Si la femme touche un revenu de l’aide sociale, la province lui versera des prestations minimales d'appoint, disons, 250 $ à ajouter à son allocation-logement de l’aide sociale pour accroître ses chances de trouver un logement.
Ces programmes soulèvent beaucoup de critiques de notre part et de celle d'organismes communautaires de lutte contre la violence faite aux femmes. Les femmes qui obtiennent cette subvention l'obtiennent parce qu'elles figurent sur la liste prioritaire des femmes qui fuient la violence. Or, premièrement, ce montant ne leur permet pas de payer un loyer — le prix des logements étant beaucoup plus élevé. Deuxièmement, si elles parviennent à en trouver un, elles font face aux préjugés racistes. Les propriétaires donnent rendez-vous à trois ou quatre personnes, et nos femmes ne sont jamais choisies. Elles sont victimes de racisme. En plus, il n'est pas rare qu'il se fasse de la surenchère. Un propriétaire annonce un logement locatif à tel prix, nos femmes se présentent... C'est arrivé à l'une d'elles. Quelqu'un d'autre se présente avant elle et offre 100 $ de plus par mois, alors bien sûr, le propriétaire loue à cette personne. Nos femmes ne peuvent pas entrer en compétition avec le reste de la population, elles n'ont ni la capacité ni les ressources pour le faire.
Donc, oui, il y a beaucoup de barrières.
Ma prochaine question s’adresse à vous deux.
En ce qui concerne les sphères de compétence, selon d'autres témoins, le soutien financier provincial serait encore plus élevé que le soutien fédéral. La situation est sûrement un peu différente à Ottawa, mais laissez-moi vous poser une question sur le ressort des municipalités et des provinces. Dans le cas de Pauktuutit, j'aimerais creuser un peu plus profond pour comprendre certaines des recommandations.
Pour ce qui est de vos problèmes entourant le financement... Vous avez mentionné qu'il n'existe même pas de maison de deuxième étape et que cela est bien la preuve que nous devons trouver une meilleure façon de financer le modèle. Quelles seraient vos recommandations à cet égard, en ce qui concerne les sphères de compétence? Vos recommandations vont-elles davantage du côté du gouvernement fédéral?
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Je vais commencer, puis je céderai la parole à Rebecca.
Notre priorité numéro un est, évidemment, de pouvoir offrir à chaque femme et à chaque enfant des solutions de rechange sûres, mais la réalité est que la construction d’un refuge dans une collectivité où il n’existe pas d’autres options de logement — qu’il s’agisse d’une maison de transition ou d'une maison de deuxième étape — est une solution symbolique. Les femmes qui ont la chance de vivre dans une collectivité où il y a un refuge peuvent rester là pendant trois jours. Mais elles peuvent aussi y séjourner pendant six semaines. Quoi qu'il en soit, où peuvent-elles aller lorsque la plupart des gens vivent déjà dans des logements surpeuplés? Les listes d’attente sont longues, l'attente peut durer des années.
Le financement doit se faire sous la forme d'un investissement simultané. Oui, il faut assurer des solutions de rechange sécuritaires, adaptées aux besoins des femmes inuites — qui ne sont pas nécessairement les mêmes qu'au Sud — et les mettre en oeuvre dans le Nord, mais il faut aussi investir massivement dans la guérison et dans le logement. Je ne pense pas que nous puissions aborder ces questions dans une optique unidimensionnelle.
Il est certain que nous préconisons la mise en place de milieux de vie encadrés pour aider les femmes à se reprendre en main, que ce soit par le travail, par l'acquisition de compétences de vie ou par le counselling, mais la réalité est la suivante: « Où iront-elles après cela? » C’est là qu'est le danger, c'est là qu'elles courent le plus de risques. Les femmes font des choix avisés: si elles n’ont nulle part où aller avec leurs enfants, elles ne partent pas.
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J'aimerais ajouter quelque chose au sujet de la guérison.
Lorsque 30 enfants ont été agressés sexuellement par un prêtre dans ma collectivité, nous avons mis sur pied un service de counselling communautaire. Nous avons commencé par offrir des services de counselling liés aux agressions sexuelles contre les enfants, puis nous nous sommes vite rendu compte des besoins criants de la collectivité. Nous nous sommes donc penchés sur toutes les formes de violence familiale. Il vient un temps où je crois fermement que pour guérir, il faut assumer la responsabilité de sa propre guérison. Nous embauchons un travailleur communautaire. Bien entendu, nous employons un travailleur social pleinement qualifié depuis le début, c'est-à-dire 30 ans. Dans une petite collectivité, le counselling donne des résultats, il faut appuyer ce service. Les Inuits, nos gens, devraient avoir un endroit où aller pour obtenir des services de counselling dans leur langue, s’ils le souhaitent. Je suis convaincue que c'est un moyen efficace.
Il est vraiment difficile de convaincre des personnes aussi qualifiées de venir vivre dans une petite collectivité. Elles ne restent jamais. Pourtant, c'est tellement important d'établir une relation soutenue avec un conseiller. Les gens en ont assez de répéter leur histoire. S'ils doivent répéter leur histoire chaque fois qu’un nouveau travailleur social ou qu'un travailleur en santé mentale arrive dans la collectivité, la guérison ne peut pas avancer.
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Merci, madame la présidente.
Au cas où il y aurait une mauvaise interprétation, je suis sûre que ma collègue conservatrice ne voulait pas dire que si une femme est assassinée tous les six jours au Canada, c'est en raison de l'attitude des femmes. C’est la violence qui les tue.
Ce qu’il y a de bien triste dans ce que cette étude nous montre, c’est que lorsque les femmes demandent de l’aide, elles sont souvent refoulées. Dans le Nord, les problèmes sont particulièrement graves. Comme vous l’avez dit, à moins d’être assez riche pour acheter un billet d’avion, les femmes ont deux choix: rester à la maison et subir la violence ou laisser derrière elles tous les soutiens qu'elles ont dans la collectivité, devenir vulnérables et risquer de tomber dans d'autres formes de violence ou d'exploitation. C’est un problème très grave.
L’un des tout premiers témoins que nous avons entendus était Condition féminine Canada. Les experts et le personnel de l'organisme fédéral nous ont dit la même chose que Pauktuutit. Environ 70 % des 53 collectivités inuites n’ont pas accès à des refuges. C’est bien connu au sein du gouvernement. Cela n’a pas changé depuis les trois années que ce gouvernement qui se décrit comme un gouvernement féministe, un gouvernement des Premières Nations et des Autochtones, est au pouvoir.
Pourquoi est-ce que les choses n’ont pas encore changé, selon vous?
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La motion que j’ai présentée à l’origine visait à inviter la , mais certains membres du Comité nous ont dit qu’il serait plus approprié de convoquer la . La greffière a accepté de modifier le texte de la motion en conséquence.
La question a été bien décrite dans les médias. Il y a des histoires atroces. Nous pensions qu’il s’agissait de choses qui s'étaient passées autrefois. Or, il se trouve que, pas plus tard qu’en 2017, en Saskatchewan, des femmes autochtones se sont fait dire, après avoir accouché, qu’elles ne pourraient même pas tenir leur bébé dans les bras à moins d'accepter de se faire ligaturer les trompes.
Certaines femmes qui participent au recours collectif ont dit qu’elles ne savaient même pas qu’elles avaient été stérilisées. C’est déchirant, et ce sont des histoires atroces.
Je pense que ce comité serait un bon endroit pour que nous entendions directement la parler du leadership que le gouvernement apporte pour s’assurer qu’aucune province ni aucun territoire ne puisse agir de la sorte.
Je vais lire la motion:
Que le Comité demande à la ministre des Services aux Autochtones Canada de comparaître au plus tard en décembre 2018, pour informer le Comité des efforts déployés par le gouvernement pour mettre immédiatement fin à la pratique de la stérilisation forcée de femmes autochtones, conformément au mandat de la ministre de « renouveler la relation de nation à nation avec les peuples autochtones, pour qu'elle soit fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la collaboration et le partenariat » et de l’engagement pris par le gouvernement de respecter l'article 7(2) de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et que cette réunion soit télévisée et dure au moins une heure.
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Je pense que le système des cours de circuit, comme Rebecca vient de mentionner, est vraiment un point de départ tout désigné pour mesurer l’inefficacité du système de justice dans le Nord. Il y a certainement un manque d’accès à la justice. Il y a un manque de connaissance des droits, un aspect dont Rebecca a également parlé et sur lequel nous travaillons fort.
Nous entreprenons un projet avec la société juridique du Nunavut pour examiner la Loi sur l’intervention en matière de violence familiale. C’est une question qui me tient énormément à coeur, et je veux absolument comprendre les ordonnances de protection d’urgence, d'interdiction et de non-communication. On verra bien, mais ces ordonnances ne sont pas très efficaces quand on vit dans une localité de moins de 1 000 habitants où il y a une seule épicerie et tout le monde se connaît. Il y a certainement différents éléments qui entrent en jeu.
La cour de circuit visite habituellement les villages de deux à six fois par année, et cela dépend des conditions météorologiques. La visite peut être retardée indéfiniment, ce qui place les femmes dans une position très vulnérable. Une fois qu'un cas est signalé, le risque de violence mortelle augmente et la justice laisse à désirer à cet égard.
De plus, comme Shar vient de le dire, on est terrifié à l’idée de dénoncer les faits, bien sûr, de crainte de perdre la garde des enfants, etc. De plus, les gens et les établissements ne soutiennent pas la victime, voire adoptent un ton accusateur contre elle.
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Madame Kudloo, vous pourriez peut-être nous parler un peu des particularités du logement au Nunavut.
La raison pour laquelle je pose la question, c’est que j’ai eu l’occasion de me rendre sur place. J’ai visité 11 localités dans la région du Nord en mars, dans la région de l’île de Baffin, et j’ai eu l’occasion de parler directement avec des femmes de l’insécurité à laquelle elles sont confrontées en matière de logement.
Bien sûr, vous y avez fait allusion, mais vous pourriez peut-être parler un peu plus du fait que l’accession à la propriété n’est pas vraiment une option. Ces femmes sont à la merci de l’État pour qu'on leur fournisse un logement. Il y a une énorme pénurie, de sorte que nous voyons des familles s'entasser les unes sur les autres dans leur maison.
Lorsque les femmes ont accès à un refuge et qu’elles y restent un certain temps, elles finissent par vouloir s’en aller et s’installer dans un logement sûr, mais c’est évidemment difficile. Pourriez-vous nous en parler un peu?
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Ma motion se lit comme suit :
Que le Comité invite la ministre de Condition féminine Canada à l'informer de son nouveau mandat, étant donné que Condition féminine Canada change de nom pour devenir le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres, au plus tard le mercredi 13 février 2019, et que cette réunion dure au moins une heure.
Madame la présidente, la raison pour laquelle je demande que cette motion soit adoptée aujourd’hui, c’est que, tel qu’il est énoncé dans la motion, ce ministère est passé de la simple condition féminine à l’égalité des genres. Dans la lettre de mandat originale... Nous n’avons pas vu de suivi de la part du , ce qui est une autre raison pour laquelle je voudrais inviter la à comparaître devant le Comité, afin que nous puissions mieux comprendre le mandat.
Dans la lettre de mandat originale que le premier ministre a écrite à la ministre Monsef, il dit:
Nous nous sommes également engagés à relever la barre en matière d’ouverture et de transparence au sein du gouvernement. Il est temps de sortir le gouvernement de l’ombre pour que celui-ci soit réellement au service de la population. Le gouvernement et les renseignements du gouvernement devraient être ouverts par défaut. Si nous voulons que les Canadiens et les Canadiennes aient confiance en leur gouvernement, nous avons besoin d’un gouvernement qui fait confiance aux Canadiens. Si nous faisons des erreurs, nous devons les reconnaître sur-le-champ. Les Canadiens et les Canadiennes n’exigent pas de nous que nous soyons parfaits, mais ils s’attendent à ce que nous soyons honnêtes, ouverts et sincères dans nos efforts pour servir l’intérêt public.
Il ajoute que cela comprend « un engagement significatif envers les députés de l’opposition, les comités parlementaires et la fonction publique; un dialogue constructif avec les Canadiens et les Canadiennes, la société civile et les partenaires, y compris les représentants des milieux d’affaires, du monde syndical et du secteur public élargi, ainsi que les organisations sans but lucratif et les organismes de bienfaisance ».
Madame la présidente, je soulève cette question parce que j’ai présenté cette motion il y a quelques semaines et qu’elle a été rejetée par les députés libéraux autour de cette table. Je ne comprends pas très bien pourquoi ils l’ont mise en veilleuse, sachant qu’elle serait alors rejetée à cause de la date qui y figurait.
J’ai donc changé cette date au 13 février 2019, ce qui nous donne un peu plus de temps pour convoquer la . Étant donné que le s’est engagé à faire preuve d’ouverture et de transparence, et que la ministre de ce ministère a été appelée à être ouverte avec les membres du Comité, y compris ceux de l'opposition, je proposerais cette motion et je demanderais que nous puissions convoquer la ministre et lui poser des questions au sujet de son nouveau mandat, afin que nous puissions mieux faire notre travail au sein du Comité.
Y a-t-il d’autres questions ou commentaires?
(L’amendement est rejeté. [Voir le Procès-verbal])
La présidente: Y a-t-il d’autres interventions sur la motion principale visant à faire comparaître la ministre avant le 19 février 2019?
(La motion est rejetée.)
La présidente: Voyons où nous en sommes côté temps.
Sonia, je vais vous laisser poser une seule question, parce que je regarde l’heure. Je sais que vous avez été patiente, alors nous allons vous accorder deux ou trois minutes. Allez-y.