:
Merci, madame la présidente.
Si je pouvais commenter ma motion, je présenterais quatre arguments à l'appui.
Tout d'abord, on a fait valoir que le budget représentait une étape importante pour les femmes en ce qui a trait à l'analyse comparative entre les sexes et à l'énoncé relatif aux sexes. Il est par conséquent raisonnable de demander au de comparaître devant ce comité pour discuter des façons dont les décisions ont été prises dans le cadre du budget. Au cours des cinq dernières années, ce comité a mené au moins deux études sur la budgétisation dans une perspective sexospécifique, et une autre l'an dernier, sur l'analyse comparative entre les sexes. Nous avons ici une expertise particulière à ce sujet.
En deuxième lieu, Finances Canada mène une analyse comparative entre les sexes, mais ne communique pas ses constatations. Par conséquent, nous devons poser la question directement au . C'est ce qu'il a affirmé à maintes reprises en public.
En troisième lieu, dans son énoncé économique de l'automne diffusé le 1er novembre, il était mentionné qu'on s'assurerait que le gouvernement continue de procéder à des changements réels et utiles pour tous les Canadiens. Il était précisé que l'on publierait une analyse comparative entre les sexes des mesures budgétaires.
Quatrièmement, aux termes du paragraphe 108(2) du Règlement, ce comité a le pouvoir d'étudier les politiques, les programmes, les dépenses, les prévisions budgétaires et les lois des ministères et des organismes dont le travail porte sur des questions relatives à la situation de la femme.
Il n'est pas différent d'inviter le qu'il l'est de convoquer ceux des autres ministères, comme Statistique Canada, Industrie, Ressources naturelles, qui ont tous comparu devant ce comité. Je suis d'avis que si ce gouvernement a des choses à dire au sujet de la budgétisation dans une perspective sexospécifique, il serait tout à fait approprié pour nous de l'entendre de la bouche du ministre directement.
Merci.
Je propose que le Comité invite la ministre de la Condition féminine, l'honorable Maryam Monsef, à comparaître devant lui, dans les plus brefs délais, afin d'informer ses membres et de répondre à leurs questions sur les progrès réalisés à ce jour quant à la mise en oeuvre de l'ACS+, que les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor soient également invités à cette réunion, afin de situer les membres du Comité concernant la réponse du Secrétariat à l'ACS+, et que cette réunion soit télévisée.
Pendant que j'ai la parole, j'aimerais rappeler que le rapport d'étape du 31 mars qui a été envoyé à ce comité est arrivé après la comparution de la ministre. Encore une fois, étant donné que ce comité, par le passé et récemment, a étudié l'ACS en détail, il serait approprié qu'elle nous expose les progrès qui ont été accomplis et qu'elle réponde à nos questions à ce sujet, ainsi que sur la mesure dans laquelle elle donne suite aux recommandations clés comprises dans notre rapport, concernant la nomination d'un commissaire et l'adoption d'une loi à cet effet. Il s'agit là de deux recommandations clés au sujet desquelles il serait intéressant d'entendre son point de vue.
Merci.
:
Oui, il serait conforme au règlement de mettre cela par écrit, et nous assurerons le suivi.
D'accord. Nous allons maintenant passer au projet de loi d'initiative parlementaire , loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel (agression sexuelle).
Nous avons l'extrême privilège de recevoir aujourd'hui, du Conseil canadien de la magistrature, Norman Sabourin, directeur exécutif et avocat général principal. Nous recevons aussi, de l'Institut national de la magistrature, Adèle Kent, directrice générale. Nous accueillons enfin, du Bureau du Commissaire à la magistrature fédérale, Marc Giroux, sous-commissaire.
Bienvenue à vous tous.
Je vais d'abord donner la parole à Norman.
Norman, vous avez cinq minutes pour nous soumettre vos observations.
[Français]
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, au nom des membres du Conseil canadien de la magistrature, ou CCM, je vous remercie très sincèrement de votre invitation.
Le Conseil a été créé en 1971 pour assurer une meilleure administration de la justice, pour exercer une autorité claire en matière de conduite judiciaire et pour assumer une responsabilité explicite à l'égard de la formation permanente des juges.
L'indépendance de la magistrature exige que ce soit les juges qui aient le contrôle de la formation professionnelle des juges. En contrepartie, cela oblige la magistrature à s'assurer de la confiance du public à l'égard de la compétence des juges.
Le CCM a été un chef de file en matière de formation professionnelle, y compris pour ce qui est des questions de conscientisation au contexte social, notamment les questions de violence sexuelle.
[Traduction]
Je suis convaincu qu'en collaboration avec le Bureau du Commissaire à la magistrature fédérale, l'Institut national de la magistrature et d'autres intervenants, le CCM a mis en place un système exceptionnel en matière de formation judiciaire, qui est reconnu pour sa qualité à l'échelle internationale.
Malheureusement, nous avons fait un très mauvais travail de relations publiques lorsqu'est venu le temps de relater ce modèle de réussite, dont je vais vous donner quelques faits saillants.
En 1989, le CCM, dans son rapport annuel, faisait état de préoccupations concernant le traitement des cas d'agression sexuelle par les juges. Le rapport mentionnait qu'un nouveau programme de formation était nécessaire concernant les questions liées au genre, afin que les juges puissent les aborder de façon juste et sensible. D'autres problèmes se sont posés relativement à la justice autochtone, à la pauvreté, à la santé mentale et au racisme, ce qui a entraîné la création par le CCM, à ce moment-là, d'un comité sur l'égalité dans les tribunaux.
En 1994, en collaboration avec des chercheurs universitaires, l'ABC, le gouvernement et des groupes communautaires, le CCM a adopté une politique prévoyant des programmes exhaustifs, approfondis et crédibles de sensibilisation au contexte social. En 1997, les juges en chef siégeant au conseil se sont engagés à donner le temps et l'occasion à tous les juges de participer à des programmes de sensibilisation au contexte social. Au fur et à mesure du développement de ces programmes, le CCM a mandaté l'INM pour qu'il inclue de la formation en matière de contexte social dans tous ses programmes, et c'est là où nous en sommes aujourd'hui.
Afin de nous assurer de poursuivre ce travail exhaustif de formation des juges, le CCM a adopté la semaine dernière une résolution en vue de la participation obligatoire au séminaire pour tous les juges fédéraux nouvellement nommés. Cela s'ajoute à la politique de longue date du CCM exigeant de tous les juges qu'ils consacrent au moins 10 jours au perfectionnement professionnel chaque année.
Je conclus en soulignant que le perfectionnement professionnel représente une obligation éthique pour les juges. Il s'agit d'une question que nous prenons très au sérieux au CCM. Le non-respect de cette obligation éthique pourrait même mener à une mise en examen de la conduite du juge concerné.
Je crois que le projet de loi fournit l'occasion d'augmenter la transparence dans ce domaine. Le CCM a quelques idées concernant les dispositions législatives proposées. Par exemple, nous croyons que les objectifs visés dans le paragraphe 2(2) proposé seraient atteints plus efficacement en demandant aux candidats à des postes de juge de signer un engagement dans leur formulaire de candidature de se conformer aux politiques du CCM en matière de formation judiciaire, ce que nous allons proposer à la ministre sous peu.
J'aimerais aussi respectueusement mentionner aux membres du Comité que je me mets à leur disposition s'ils souhaitent obtenir des opinions, conseils ou suggestions au moment de l'examen article par article.
J'attends vos questions avec impatience.
[Français]
Je serai heureux de répondre à vos questions.
Bonjour à vous tous. Merci de donner à l'Institut national de la magistrature l'occasion de vous parler aujourd'hui de la formation judiciaire au Canada, une initiative que nous venons de lancer dans le domaine de la formation relative aux agressions sexuelles.
Auparavant, toutefois, j'aimerais vous mentionner quelques points, au sujet desquels nous nous entendrons, j'en suis certaine.
Tout d'abord, lorsqu'une affaire d'agression sexuelle est portée devant les tribunaux, des mythes et des stéréotypes menacent l'intégrité du processus judiciaire. Ces risques persistent, nous le savons, malgré les efforts du Parlement pour modifier le Code criminel et en dépit des directives que nous avons reçues de la Cour suprême du Canada.
Le dialogue que suscite le projet de loi a commencé, en parallèle avec les travaux menés par ce comité dans le cadre de son rapport sur la violence faite aux femmes et aux jeunes filles, une initiative à laquelle l'INM fait bon accueil. Quand un procès pour agression sexuelle tourne mal, ses conséquences sont sérieuses.
À mon avis, la formation judiciaire est une mesure préventive qui permet d'éviter que des erreurs soient commises. Nous savons que des erreurs auront lieu. Un examen en appel est disponible, mais la seule façon qui existe d'éviter le traumatisme qui résulte des appels et des nouveaux procès, notamment, est la formation judiciaire.
Le projet de loi propose une série de mesures destinées à améliorer la qualité du système de justice dans les cas où l'on a affaire à des allégations d'agression sexuelle. L'INM soutient l'esprit de ce projet de loi. Nous avons des réserves concernant certaines des méthodes proposées, et je répondrai avec plaisir aux questions à ce sujet pendant la période de questions.
Après ces deux précisions, laissez-moi vous expliquer comment les juges sont formés. Je vais d'abord parler des juges de nomination fédérale, qui sont formés de deux façons.
Tout d'abord, presque tous les juges de nomination fédérale suivent une formation organisée par l'INM pour leurs tribunaux particuliers. Il s'agit d'une formation propre à ces divers tribunaux. En deuxième lieu, la grande majorité de ces juges suivront aussi l'un des cours nationaux organisés par l'INM.
De plus, nous savons que les tribunaux eux-mêmes organisent leurs propres activités de formation. Nous travaillons aussi en collaboration étroite avec la Cour de justice de l'Ontario, une province dans laquelle les juges de nomination provinciale composent la cour criminelle de première instance la plus importante au pays. De pair avec l'Association canadienne des juges provinciaux et la Cour de justice de l'Ontario, nous organisons une école de formation pour les nouveaux juges de nomination provinciale. Au total, l'an dernier, l'INM a organisé 180 jours de formation judiciaire.
L'INM forme depuis plusieurs années des juges sur les dangers que présentent les mythes et les stéréotypes entourant le viol, ainsi que sur la complexité des procès pour agression sexuelle. Les procès pour agression sexuelle sont abordés dans le tout premier cours que suivent les nouveaux juges, mais de la formation leur est offerte tout au long de leur carrière, que ce soit dans des programmes distincts axés sur les procès pour agression sexuelle, ou dans le cadre d'une formation plus large axée sur des questions criminelles ou de preuve.
La violence fondée sur le sexe, de même que les questions d'égalité et de discrimination, sont des éléments clés de nos programmes socio-contextuels de nature plus générale. Ces programmes obligent les juges à prendre en compte le contexte social dans lequel s'inscrivent les affaires qu'ils instruisent et à ne pas être influencés par des attitudes fondées sur des stéréotypes, des mythes ou des préjugés. Grâce à ces programmes et à d'autres, je suis fière d'affirmer que nous sommes reconnus comme un chef de file mondial sur le plan de la formation judiciaire.
Il est indispensable que la formation judiciaire soit menée par des juges. Nous travaillons avec des juges partout au Canada pour planifier nos programmes. Toutefois, nous ne nous limitons pas à eux. Nous faisons appel à des universitaires pour procurer aux juges la formation et les renseignements de nature juridique et socio-scientifique dont ils ont besoin à propos de l'impact que leurs décisions peuvent avoir de manière plus générale sur la société. Nous faisons également appel à des membres de la collectivité, dont la contribution garantit que l'INM atteint son objectif d'apprendre aux juges le contexte dans lequel se situent les personnes qu'ils servent.
Pour ce qui est des activités de formation sur les agressions sexuelles, nous avons travaillé avec des agents de police, des travailleurs d'aide aux victimes de violence conjugale et d'agression sexuelle, des psychologues et des psychiatres, ainsi que des membres de la collectivité autochtone et de diverses autres collectivités, et ce ne sont là que quelques exemples.
Pouvons-nous en faire plus? Absolument.
En premier lieu, notre objectif est de mieux faire connaître nos programmes aux Canadiens.
En second lieu, l'INM s'est félicité du fait que l'on a reconnu dans le récent budget qu'il était nécessaire de prévoir des fonds pour raffermir encore plus la formation dispensée aux juges.
La semaine dernière, l'INM a reçu des fonds supplémentaires par l'intermédiaire du Conseil canadien de la magistrature. L'objectif est de réaliser quelques vidéos sur des procès pour agression sexuelle, que nous mettrons en ligne sur notre site Web et qui seront mis à la disposition de tous les juges au pays. C'est avec plaisir que je pourrai expliquer ce projet plus en détail pendant la période de questions.
Je termine en vous remerciant beaucoup de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
:
Merci, madame la présidente, de cette invitation et de l'occasion qui m'est donnée de faire quelques observations quant au projet de loi .
Je suis sous-commissaire à la magistrature fédérale et je remplis aussi présentement les fonctions de commissaire.
[Traduction]
Avant de commenter le projet de loi , j'aimerais parler brièvement du rôle du commissaire à la magistrature fédérale. En vertu de la Loi sur les juges, le commissaire agit à titre de délégué du ministre de la Justice pour l'application de la partie 1 de la loi, qui porte sur la nomination, la rémunération et les avantages des juges.
Le commissaire a d'autres responsabilités, y compris, en vertu de l'alinéa 74(1)d), accomplir les missions que le ministre lui confie, dans le cadre de sa compétence, pour la bonne administration de la justice au Canada. C'est au terme de cet alinéa que notre bureau a le pouvoir délégué d'administrer le processus de nomination à la magistrature au nom du ministre. Je vous expliquerai cela plus en détail avec plaisir si vous avez des questions plus tard.
Essentiellement, notre rôle consiste à dresser une liste des postes vacants, à superviser le processus de candidature, à soutenir les 17 comités consultatifs à la magistrature qui évaluent les candidatures et à préparer pour le ministre une liste des candidats admissibles susceptibles d'être nommés. En raison du principe d'indépendance judiciaire, le commissaire et le bureau sont aussi indépendants du ministère de la Justice.
[Français]
Je veux maintenant aborder la question qui nous intéresse, soit le projet de loi . D'abord, permettez-moi de dire, d'un point de vue personnel, qu'il est tout à fait juste et approprié, compte tenu de certains cas, que des questions soient posées au sujet de la formation des juges dans le domaine du droit relatif aux agressions sexuelles. Je comprends certainement votre intérêt envers ce sujet et j'estime que l'objectif de la formation est entièrement valide et important.
En fait, la question qui se pose est de savoir quel est le meilleur moyen d'atteindre cet objectif. Dans le cadre de votre réflexion à cet égard, nous sommes d'avis que cela mérite certaines considérations et j'aimerais souligner deux points d'ordre pratique.
[Traduction]
Le projet de loi, dans son libellé actuel, permettrait à ceux qui souhaitent devenir juges de suivre de la formation dans le domaine du droit relatif aux agressions sexuelles avant d'être nommés. Dans le cadre de l'administration du processus de nomination des juges, notre bureau reçoit plus de 500 candidatures par année en général. Cette année, nous en avons reçu 700 en moins de six mois. Si la formation d'un nombre important de candidats doit être assurée avant que ceux-ci ne deviennent juges, c'est-à-dire pendant le processus d'évaluation, nous craignons qu'il soit plus difficile de veiller à ce qu'ils aient la formation appropriée et à ce que celle-ci soit suffisamment exhaustive.
Nous nous inquiétons que les grandes priorités qui sont, d'une part, assurer un processus d'évaluation efficace pour les candidats et, d'autre part, veiller à ce que les candidats soient formés de façon appropriée dans le domaine du droit relatif aux agressions sexuelles, entrent en conflit, au détriment l'une de l'autre ou des deux. Les effets seraient essentiellement doubles: l'évaluation des candidats pourrait être retardée et, par ailleurs, la formation reçue par les candidats concernant le droit relatif aux agressions sexuelles pourrait ne pas être suffisante.
Si l'objectif est de déterminer la meilleure façon de former les juges dans le domaine du droit relatif aux agressions sexuelles, ce qui, nous en convenons, est très important et utile, il ne sera peut-être pas suffisant de le faire à l'étape de l'évaluation. Il semblerait plus approprié d'assurer cette formation une fois que les juges sont nommés. Ils pourraient par exemple suivre un cours, approuvé peut-être par le Conseil canadien de la magistrature, comme organisme responsable en vertu de la loi, et conçu par l'INM et ses experts, et la durée de ce cours pourrait être plus longue.
[Français]
Il y a un deuxième point que j'aimerais soulever très brièvement. Dans la Loi sur les juges, le commissaire n'est mentionné qu'à la partie III. Le commissaire n'est jamais mentionné aux articles 1 à 72 de la loi. Il est indiqué dans la partie III qu'il est le « délégué du ministre ». Si le projet de loi est adopté tel quel, par contre, il ferait en sorte qu'une personne nommée juge devrait avoir complété, à la satisfaction du commissaire, un cours de perfectionnement sur le droit relatif aux agressions sexuelles. Cela aurait comme conséquence de créer un potentiel de conflit entre le commissaire et le ministre de la Justice, dans l'éventualité où les deux auraient des opinions différentes quant à la façon d'en arriver à ce perfectionnement. Alors que, dans tout autre cas en vertu de la loi, le commissaire agit à titre de délégué du ministre, avec le projet de loi, il exercerait une nouvelle responsabilité indépendamment du ministre, et dans le cadre d'un processus de nomination qui n'est pas inscrit dans la loi. Un tel potentiel de conflit devrait donc être évité.
[Traduction]
Ce sont là mes observations, madame la présidente.
Merci beaucoup et n'hésitez pas à me poser vos questions.
:
Merci beaucoup madame la présidente, et merci à nos témoins d'être présents ici aujourd'hui.
Monsieur Giroux, je crois que je vais commencer par vous.
Vous avez souligné essentiellement un problème de capacité à la fin de votre témoignage, à savoir que le système pourrait être retardé et la qualité de la formation compromise si nous donnions celle-ci avant que les nominations soient faites. Je comprends donc qu'à votre avis, nous serions toujours en mesure de fournir de la formation appropriée après la nomination. Il n'est aucunement question de contester cela.
Mes préoccupations ont davantage trait à la compétence du gouvernement fédéral pour assurer la formation d'un juge, sans violer le principe d'indépendance judiciaire, une fois celui-ci nommé.
Pourriez-vous commenter cela?
:
Je doute de l'efficacité d'une formation dispensée avant la nomination.
Quand vous demandez ce que le gouvernement fédéral peut faire, je pourrais sans doute nous renvoyer la question quant à savoir ce que nous pouvons faire pour vous donner l'assurance, pour donner aux Canadiens l'assurance qu'une fois nommés, les juges recevront la formation relative aux agressions sexuelles et toutes les autres formations reliées à la violence fondée sur le sexe.
J'ai beaucoup réfléchi sur ce sujet au cours de l'année écoulée. Ces questions ont retenu l'attention du public en raison des procès que nous connaissons tous. Je pense que nous pouvons faire preuve d'une plus grande transparence. Cela nous permettra de mieux informer le public sur ce que nous faisons. Il faut que les Canadiens, les chercheurs qui travaillent avec rigueur et réfléchissent beaucoup à ces questions, sachent ce que nous faisons et qu'ils puissent nous faire des suggestions.
Voilà ma réponse, du point de vue de l'Institut national de la magistrature.
:
Tout d'abord, il y a maintenant une formation obligatoire pour les nouveaux juges, mais je pense que cela va beaucoup plus loin. Lorsqu'un juge est nommé — et je vais parler des juges nommés par le gouvernement fédéral, car nous travaillons surtout avec eux — en général, on leur attribue un mentor au sein de leur tribunal. Lorsqu'ils arrivent pour la première fois au tribunal, leur juge en chef leur attribue un mentor choisi parmi les juges chevronnés. Dans mon tribunal, on vous en donne souvent deux en raison des différents domaines du droit.
Les cours de perfectionnement pour les nouveaux juges ont lieu deux fois par an, à l'automne et au printemps. Ensuite, vous avez raison de dire qu'il n'y a pas de programme officiel pour la formation des juges. Pendant des années, le Conseil canadien de la magistrature a recommandé que les juges aient un plan de formation pour leurs cinq premières années d'exercice. Je peux vous dire qu'à la dernière réunion de son conseil, l'INM a proposé d'inclure des plans de formation personnelle pour chaque juge.
Nous allons commencer par les nouveaux juges au fur et à mesure de leur nomination. Nous espérons qu'avec le temps, chaque juge aura un plan de formation, surtout pour les cinq premières années, qui répondra à ses besoins en fonction du genre d'affaires qu'il traite, du genre de tribunal dont il s'agit et des besoins de ce tribunal.
:
Madame la présidente, je peux vous dire que la responsabilité est assumée d'abord et avant tout par les juges ainsi que leur juge en chef.
Je voudrais également vous expliquer ce qui se passe lorsque les juges sont nommés. Premièrement, je leur écris pour leur rappeler leurs nouvelles obligations éthiques, leurs obligations de perfectionnement professionnel. Je leur parle du colloque pour les nouveaux juges en leur disant qu'ils doivent y participer. Ils reçoivent ensuite une lettre de la directrice de l'Institut national de la magistrature leur indiquant les dates et les renseignements pour l'inscription et qui leur offre de travailler avec eux à l'établissement d'un programme personnel de formation.
Enfin, et c'est très important, le juge en chef s'assure que la charge de travail du juge lui permettra de participer au programme, il lui assigne un mentor, comme la juge Kent l'a mentionné, et il veille à ce que la première affectation du juge en question ne soit pas un procès criminel avec jury s'il n'a jamais participé à ce genre de procès en tant qu'avocat.
Ce sont les juges en chef et les juges qui assument cette responsabilité, comme il se doit.
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie aussi les témoins.
Ce qu'il faut voir surtout ici c'est que la société canadienne travaille très fort pour éliminer les tabous à l'égard de la dénonciation des agressions sexuelles. Cela fait des décennies qu'on parle dans les journaux, mais surtout ces six derniers mois, de la façon dont la police traite les plaintes.
Bien entendu, il est intimidant pour les victimes de porter plainte. Depuis deux mois, les journaux parlent de la conduite rare, mais absolument épouvantable, de deux juges… Nous craignons tous, je pense, que cela puisse empêcher les femmes de demander de l'aide. Si les quelques cas qui vont devant les tribunaux sont traités de cette façon, c'est épouvantable et nous ne pouvons pas nous permettre une telle situation dans notre pays.
C'est une bonne chose que nous ayons cette conversation maintenant. Je trouve assez rassurant d'entendre parler du travail que vous accomplissez en coulisses et que nous ne voyons pas, comme vous le dites. En même temps, si tout allait bien, il n'y aurait pas ces articles dans la presse et j'ai donc deux séries de questions à poser.
Premièrement, comment votre travail rejoint-il les juges qui sont déjà nommés, qui sont déjà dans le système? Ils vont continuer à avoir une influence sur les victimes et sur les affaires devant les tribunaux. C'est une première chose. J'aimerais beaucoup savoir ce que vous pouvez faire sur le plan de la formation permanente, et pas seulement lors de la nomination. Et j'invite n'importe lequel d'entre vous à répondre.
Je vais maintenant revenir à ma première question, qui s'adresse à Mme Kent.
En ce qui concerne la teneur de la formation, vous avez parlé de transparence. Du côté néo-démocrate, nous avons entendu des organisations de femmes dire qu'elles voulaient voir en quoi consiste cette formation, et avoir leur mot à dire à ce sujet. Comme elles travaillent dans ce domaine depuis des décennies, elles voudraient collaborer un peu au contenu des cours.
Pouvez-vous me dire comment nous pourrions voir le contenu des cours afin que tous les éléments du mouvement pour la protection des femmes et du mouvement pour la justice sociale soient rassurés en sachant que nous connaissons la teneur de la formation offerte aux juges? Pourriez-vous fournir ces renseignements au comité?
:
Premièrement, comme je l'ai dit dans ma déclaration, nous avons travaillé avec divers membres de la communauté, y compris des groupes de femmes, pour l'élaboration de notre formation sur le contexte social et cela a donc été fait.
Nous avons aussi travaillé avec de nombreux chercheurs qui travaillent dans ce domaine. Nous avons la certitude que la formation que nous offrons aux juges dans ce domaine est de bonne qualité.
Pour ce qui est de vous communiquer la teneur des cours, je préférerais que nous en parlions d'ici six mois environ. Depuis que j'occupe ce poste, je me rends compte que nous devons examiner quels sont les renseignements que nous communiquons au public afin qu'il sache que les juges reçoivent la formation dont ils ont besoin tout au long de leur carrière.
J'ai constitué un comité de juges chargé d'étudier le cours que nous produisons et de voir ce que nous pouvons publier afin que le public puisse l'examiner et tirer ses propres conclusions. Nous aimerions que les gens nous disent quelles sont les lacunes qu'ils constatent. C'est une chose que nous envisageons de faire actuellement.
Pour ce qui est des anciens cours, ils ont été créés et publiés en majeure partie avant mon entrée en fonction et compte tenu de la clause de confidentialité de l'auteur, je dois être prudente. Il est certain qu'à l'avenir, c'est une chose que nous devrons faire.
Ma question s'adresse à Mme Kent.
Vous avez indiqué que les juges doivent être responsables de leur formation, que c'est un processus indépendant et important, et que les mesures ont été prises.
Monsieur Sabourin, je crois, et monsieur Giroux, vous avez signalé certaines inquiétudes relativement au projet de loi . Madame Kent, vous avez également indiqué avoir des inquiétudes.
Des gens considèrent que ce projet de loi n'est pas nécessaire. Le parti de l'auteure du projet de loi, qui a été ministre, a quand été au pouvoir pendant 10 ans. Voici ce que je voudrais savoir en ce qui concerne les changements prévus par le projet de loi . Ce projet de loi est-il nécessaire alors qu'il y a déjà des mesures en place, comme celles que vous avez mentionnées en ce qui a trait aux nominations, au budget de 2017 et à la formation?
Je veux simplement recueillir vos commentaires au sujet du projet de loi comme tel, parce que des gens disent qu'il n'est pas absolument nécessaire.
:
J'ai quelques inquiétudes au sujet du projet de loi. Comme je l'ai déjà dit, je doute de l'efficacité de la démarche qui consiste à former des avocats qui peuvent devenir juges plus tard, si l'on veut vraiment changer les choses. C'est important... La véritable efficacité de la formation tient au fait qu'il s'agit de juges. Ils savent qu'ils occupent cette fonction. Ils prennent place dans le siège qui leur est réservé. S'ils s'exercent — c'est l'un des scénarios que l'on répète dans nos cours —, c'est parce qu'ils savent que la semaine suivante, ils seront en situation réelle. Si le projet de loi vise à l'efficacité, j'ai bien peur qu'il rate sa cible.
Ma deuxième inquiétude a trait aux motifs écrits. Mme Ambrose a indiqué qu'il existe des enregistrements sonores et que cela pourrait régler le problème des motifs écrits. Je le reconnais, mais je suis inquiète, étant donné la charge de travail importante des juges de nos jours et la charge supplémentaire que représente pour eux la rédaction des motifs écrits. Qui plus est, cela retarderait le moment où les parties à un litige prendraient connaissance du dénouement de l'affaire. Nous faisons tout en notre pouvoir pour que les jugements soient rendus rapidement.
Si l'article concernant les motifs écrits autorise l'accès aux enregistrements sonores, c'est beaucoup mieux. Je crois que, au bout du compte, cela devrait permettre aux parties de connaître l'issue du différend plus tôt.
Quant à savoir si c'est nécessaire, je ne crois pas que je devrais me prononcer là-dessus en tant que juge, mais ce sont là quelques-unes de mes préoccupations.
Je m'adresserai d'abord à Mme Kent, si vous le voulez bien.
Je commencerai par citer des paroles exprimées à CBC News la semaine dernière: « Kent est d'avis que tous les juges, à tous les niveaux, auraient avantage à suivre une formation complète. » Les paroles suivantes vous ont été attribuées: « Quand je suis devenue juge, il y a 23 ans, je ne savais pas comment faire pour accorder le divorce à quelqu'un, puisque je n'avais jamais fait de droit familial. »
Quand on examine ce genre de choses et qu'on parle de formation, on entend beaucoup dire que les cours vont aborder les sujets en profondeur. À quelle fréquence donnez-vous la formation? Abordez-vous tous les sujets de manière détaillée? Je comprends qu'il y a un mentor, mais dans les petits tribunaux, ils n'ont pas forcément tout cela sous la main. Pourriez-vous approfondir un peu cette question, si vous le voulez bien?
:
Il m'est impossible de vous donner les détails ici même aujourd'hui.
En ce qui concerne les moyens à prendre pour que les juges participent à la formation, je donnerai la parole à M. Sabourin un instant. Cependant, pour ce qui est des différents taux de formation selon les domaines — infractions liées à la drogue, homicides et violence fondée sur le sexe —, je ne peux vous renseigner aujourd'hui.
De manière générale, je peux vous dire que, dans les cinq années suivant l'école des nouveaux juges, on constate une bonne participation des jeunes juges dans les cours de base, lesquels portent sur le droit pénal, le droit familial, la Charte et la preuve. Ensuite, on constate une bonne participation des juges à temps plein dans les cours plus spécialisés.
:
« Mettre des personnes sur la sellette » est une expression que j'ai lue dans les médias.
Inutile de tourner autour du pot. Selon moi, l'enjeu est le suivant: la magistrature doit être responsable de l'éducation judiciaire. Les raisons pour cela sont très claires, à mon sens. Elles ont fait l'objet de remarques de la part d'universitaires à plusieurs reprises.
Le pouvoir exécutif ne devrait pas décider de ce que les juges doivent faire pour se maintenir à niveau ni déterminer quels domaines du droit ou quel contexte social ils doivent étudier. Il y aurait là une problématique importante au point de vue de l'indépendance judiciaire.
J'ai exprimé des inquiétudes au sujet des exigences de déclaration qui seraient proposées, exigences qui m'apparaissent comme une méthode pour tenter de déterminer quel juge a rendu tel jugement à la suite de telle formation particulière.
À mon avis, on devrait traiter ces questions de manière normale, par le biais du processus d'appel habituel et, dans les cas de remarques ou de conduites déplacées, au moyen du processus disciplinaire de la magistrature.
Je doute fort que l'on puisse juger qu'il y a un problème du simple fait que l'on détermine, par exemple, que la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a sept juges, que 12 accusés d'agression sexuelle ont été acquittés l'an dernier et que trois juges n'ont pas suivi de cours cette même année. Je ne crois pas que de tels renseignements permettent d'en arriver à cette conclusion.
Je me dois d'ajouter quelque chose. Même si nous tentions de recueillir ces données, elles restent la propriété des tribunaux. L'administration des tribunaux est une compétence provinciale. Le fait d'obliger le CCM à tenter de recueillir des données ne garantit aucunement que le Conseil puisse s'adresser aux tribunaux et simplement dire: « Par la présente, nous exigeons que vous nous remettiez vos données. » Il y a aussi la question concrète de l'étendue de la juridiction fédérale qui risque d'être problématique dans ce cas-ci.
:
Merci beaucoup. C'est un honneur d'être ici.
J'enseigne le droit constitutionnel et le droit criminel. Avant de me joindre à l'académie, je travaillais pour le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes, plaidant des affaires portant sur l'égalité des femmes. J'ai eu le privilège de participer à des décisions qui ont façonné notre cadre actuel relatif à l'agression sexuelle, que je considère comme l'un des plus progressistes au monde.
J'appuie l'esprit qui anime le projet de loi. Le système de justice pénale doit de toute évidence donner une plus grande assurance aux femmes que les juges et les avocats sont sensibles aux questions liées à la violence sexospécifique et possèdent les connaissances requises pour trancher de telles causes en toute équité.
Mes observations préliminaires porteront sur la disposition relative aux motifs écrits. Je n'ai que cinq minutes et plusieurs points à faire valoir. Je serai donc brève pour chacun d'entre eux. J'aimerais reconnaître dès le départ qu'en réfléchissant à ces questions, j'ai tiré parti d'une discussion avec le professeur Michael Plaxtonof, de l'Université de la Saskatchewan.
Mon premier point est que les juges devraient fournir les motifs de leurs décisions, et effectivement, en 2002, dans l'arrêt Sheppard, la Cour suprême du Canada a reconnu l'obligation pour les juges de première instance de fournir des motifs dans toutes les causes criminelles, quoique pas uniquement sous forme écrite. Cette obligation vise principalement mais non exclusivement les parties — la Couronne et le défendeur — parce que chaque partie a des droits d'appel qui pourraient être minés si elle ne comprend pas le verdict.
Mon deuxième point porte sur le fait que certaines personnes ont soutenu que les motifs écrits sont supérieurs aux motifs rendus oralement, mais il est important de souligner que tant les motifs écrits que les motifs rendus oralement sont jugés en fonction de la même norme juridique. Alors, qu'est-ce que la disposition relative aux motifs écrits vise?
Une autre façon de l'examiner, c'est de se demander à qui est due l'obligation des motifs écrits? S'agit-il des parties, de la partie plaignante, du grand public, des parlementaires, des chercheurs, des procureurs? Cette question est importante, parce que différents groupes voudront et requerront des choses différentes des motifs. Peu importe l'intérêt sur lequel on insiste, cette insistance aura une incidence sur l'interprétation de la disposition.
Mon troisième point est qu'il s'agit d'un élément frustrant du droit criminel que même dans des motifs écrits, il puisse y avoir des limites à ce que l'on puisse raisonnablement s'attendre de la part des juges au titre des explications. Dans les affaires d'agression sexuelle, cela est très évident dans la façon dont les juges expliquent leurs évaluations de la crédibilité.
De toute évidence, les juges ne doivent jamais recourir à des stéréotypes et des mythes sexistes; le faire constitue une erreur de droit. Il peut être plus facile pour le public, en fournissant des motifs écrits, de savoir quand cela s'est produit. Même si une décision ne s'écarte pas dans cette zone de danger, la lecture d'une évaluation de la crédibilité peut par contre être très insatisfaisante. De telles décisions se fondent souvent, du moins en partie, sur le comportement.
La Chambre des lords l'exprime ainsi: « Les éléments de preuve se lisent peut-être bien lorsqu'ils sont mis par écrit, mais peuvent être écartés à juste titre par le juge de première instance; ou, par ailleurs, il peut à juste titre attacher de l'importance aux éléments de preuve qui se lisent mal sous forme écrite. »
Il peut être très difficile d'exprimer pourquoi un témoin est crédible et pourquoi un autre ne l'est pas. En conséquence, les cours d'appel traitent les conclusions de crédibilité avec beaucoup de respect. Il est peu probable que le simple fait d'exiger que tous les motifs soient écrits, sans plus, modifie le critère qu'utilisent les cours supérieures pour les évaluer et, par conséquent, il peut avoir une faible incidence sur ce qu'ils disent en réalité.
Mon quatrième point tient au fait que la disposition ne précise pas ce qui se passe si des motifs écrits ne sont pas fournis ou produits de façon satisfaisante. L'intention est-elle que l'omission de fournir des motifs écrits adéquats crée un motif d'appel supplémentaire? Un défendeur pourrait-il en appeler d'une condamnation, même si le juge a formulé des motifs qui sont par ailleurs juridiquement solides? Qu'en est-il de la Couronne?
Pour ce qui est de mon cinquième point, je veux réitérer ce qu'a dit la juge Kent dans le groupe précédent, à savoir que les retards en justice pénale sont devenus une question très préoccupante. Il est donc important d'évaluer l'avantage de cette mesure par rapport au coût possible d'un retard, surtout au niveau des cours provinciales, qui entendent la majorité des affaires pénales.
Finalement, si l'objectif est d'améliorer l'accessibilité du public, il ne suffit pas que les motifs soient écrits. Ils doivent également être publiés sur des plateformes accessibles. À l'heure actuelle, rien ne garantit que les motifs écrits seront publiés, et beaucoup d'entre eux ne le sont pas. Les tribunaux et les bases de données publiques pourraient avoir besoin de ressources additionnelles pour garantir cette étape nécessaire à une véritable accessibilité.
Encore une fois, je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de comparaître. J'ai hâte de répondre à vos questions sur cet aspect ou d'autres aspects du projet de loi.
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Je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de m'adresser au Comité.
J'enseigne dans les domaines liés au droit constitutionnel, au droit de la preuve et à des questions juridiques portant sur le genre et la sexualité. Mon principal domaine de recherche est effectivement le droit relatif aux agressions sexuelles. Aujourd'hui, j'aimerais concentrer mes observations sur la troisième partie du projet de loi, c'est-à-dire l'exigence de présenter les motifs écrits dans les affaires d'agression sexuelle. Mes observations se fondent sur mes recherches dans ce domaine. Je vais même vous proposer trois importants intérêts en matière de justice qui, d'après moi, tireraient parti des motifs écrits dans les affaires d'agression sexuelle.
Le premier, dont Carissima a parlé dans une certaine mesure, est la transparence et la reddition de comptes. Je pense qu'il est indéniable que des décisions écrites procurent un niveau de transparence et de reddition de comptes au public, ce que l'on n'a pas dans le cas des décisions rendues de vive voix. Plusieurs exemples récents d'affaires qui concernent la conduite ou le raisonnement de juges de première instance posent problème, mais dont on n'est mis au courant que parce qu'un journaliste se trouvait dans la salle et a décidé de faire un reportage, ou parce que la Couronne a interjeté appel.
De mémoire récente, trois affaires de cette nature ont été très médiatisées. Je fais référence ici à l'affaire Wagar; à l'affaire Rhodes, qui concernait le juge Dewar du Manitoba; et tout récemment, l'affaire Al-Rawi, l'affaire du chauffeur de taxi de Halifax. Il y en a d'autres.
Donc, sans la décision de la Couronne d'interjeter appel ou sans la décision d'un journaliste de faire un reportage, des affaires d'agression sexuelle à l'égard desquelles les décisions ont été rendues de vive voix n'offrent pratiquement aucune possibilité d'examen de la part des chercheurs, des législateurs ou du grand public. Pour la plupart, nous ne savons même pas qu'elles se sont produites.
Dans sa décision rendue en 2008 dans l'affaire R. c. R.E.M., la Cour suprême du Canada a déterminé que la reddition de comptes devant le public était l'une des trois raisons pour lesquelles on s'attend et on devrait s'attendre à ce que les juges publient les motifs, même si on ne faisait pas nécessairement référence à des motifs écrits, dans le cadre de procès criminels. Donc, R.E.M. a fait suite à l'arrêt Sheppard, que Mme Mathen a mentionné.
Le degré de reddition de comptes devant le public est grandement diminué, voire éliminé, lorsque les chercheurs, les législateurs et le grand public ne disposent d'aucune façon d'accéder à ces motifs. Vous pourriez dire oui, mais cela vaut pour toute procédure judiciaire. Si l'on disposait de ressources illimitées, je vous répondrais que oui, effectivement, il serait souhaitable d'exiger des motifs écrits dans toutes les affaires. Bien entendu, les ressources ne sont pas illimitées. Donc, pourquoi cibler les procès pour agression sexuelle?
Je vous dirais que trois facteurs différents entrent en ligne de compte dans le contexte des affaires sexuelles. Vraisemblablement, un premier est que nous sommes à un point critique pour ce qui est de la confiance du public dans la capacité du système de justice pénale de répondre de façon appropriée aux allégations d'agression sexuelle. Compte tenu de cette situation, en particulier dans le contexte des agressions sexuelles, nous devrions nous assurer que l'argumentation juridique est la plus accessible possible. La façon la plus efficace de rendre le processus accessible et transparent serait d'exiger des motifs écrits.
Il existe d'autres facteurs qui peuvent rendre la violence sexuelle et la violence sexospécifique plus différentes en général, je pense, y compris le rôle que joue parfois ce stéréotype dans l'argumentation judiciaire concernant les affaires d'agression sexuelle, de même que la nature du préjudice potentiel tant pour la partie plaignante que pour la personne accusée dans de telles argumentations. Voilà pour mon premier point.
Le deuxième, exiger des décisions écrites, offre aussi le potentiel de garantir des jugements plus complets, minutieux et bien étayés dans ce qui constitue sans aucun doute un aspect très sensible et difficile du droit. Donc, j'utiliserai l'exemple auquel a fait référence l'Association du Barreau canadien dans son mémoire présenté au Comité, qui encore une fois est l'affaire Al-Rawi, l'affaire récente du chauffeur de taxi de Halifax.
Je viens de terminer l'étude du dossier du procès de l'affaire Al-Rawi. Bien que la déclaration du juge Lenehan selon laquelle « il est clair qu'une personne en état d'ébriété peut donner son consentement » n'était pas incorrecte au plan juridique, elle était de façon imprudente comprise dans un jugement rendu de vive voix. L'ABC, citant la professeure Sheehy dans son mémoire, a décrit cette partie du jugement comme étant « un lapsus ». Je pense qu'il est raisonnable de croire que dans une décision écrite, il aurait été plus prudent.
Le troisième, exiger des décisions écrites peut aussi réduire, dans certains cas, le nombre d'erreurs de droit troublantes. Les erreurs de droit et les verdicts infirmés coûtent cher et sont contraignants pour toutes les parties en cause, mais je pense que dans les affaires d'agression sexuelle, les coûts occasionnés aux parties plaignantes par les erreurs judiciaires sont encore pires. Imaginez devoir témoigner en tant que partie plaignante dans une affaire d'agression sexuelle pas seulement une fois, mais deux.
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Bonjour. Je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de comparaître devant le Comité ce matin.
On vous a dit que j'enseigne le droit à l'Université de Calgary. Je tiens à souligner que je suis également une ancienne procureure de la Couronne, et que j'étais l'une des plaignantes dans l'affaire de Robin Camp dont est saisi le Conseil canadien de la magistrature. J'aimerais aussi souligner que j'ai participé à des séances de formation des juges portant sur l'agression sexuelle, séances de formation qui étaient très détaillées tant sur le plan du droit que du contexte social. Selon mon expérience, les juges lors de ces séances ont été pour la plupart engagés et ont pris très au sérieux leur formation.
Quoi qu'il en soit, nous observons à l'heure actuelle un profond manque de confiance dans la façon dont le système de justice traite les affaires d'agression sexuelle. Je pense qu'il est crucial que nous gardions à l'esprit que, en raison de nombreux obstacles dans le système de justice, l'agression sexuelle demeure le crime le moins déclaré au Canada. Je crois que la formation à l'intention de tous les intervenants du système de justice est essentielle pour faciliter l'accès à la justice dans les affaires d'agression sexuelle.
Pour ce qui est de l'objet précis du projet de loi, j'aimerais présenter des observations sur deux de ses principaux aspects.
Premièrement, j'aimerais parler de l'exigence relative à la formation sur le droit relatif aux agressions sexuelles et le contexte avant que des juges puissent être nommés. Je crois qu'il s'agit là d'un mécanisme important permettant de s'assurer que les juges comprennent un aspect relativement complexe et spécialisé du droit, et qu'il s'agit d'un aspect à l'égard duquel de nombreux juges ne possèdent aucune expérience avant d'être nommés à la magistrature.
Les juges, en tant que gardiens du système de justice, doivent prendre garde aux stéréotypes et mythes sur les viols qui peuvent se glisser dans leur propre raisonnement, mais aussi à ceux qui peuvent servir dans les stratégies des avocats de la défense et même des procureurs de la Couronne à l'occasion.
À l'heure actuelle, les tribunaux de l'Alberta sont saisis de l'affaire Barton, dans laquelle la Couronne a fait référence devant le jury à une victime d'homicide comme étant une travailleuse du sexe autochtone, sans demander, comme l'exige le Code criminel, de l'introduire dans le contexte de l'admissibilité de la preuve sur les antécédents sexuels. Il incombe au juge de s'assurer que les mythes et stéréotypes inappropriés ne figurent pas dans leurs propres motifs ou dans ceux de la défense ou de la Couronne.
Dans d'autres affaires, des juges ont pris des hypothèses problématiques au sujet d'inhibitions supposément réduites de parties plaignantes sous l'effet de la boisson. Ils ont considéré des relations intimes entre la partie accusée et la partie plaignante comme étant en quelque sorte pertinentes pour savoir si le consentement avait été donné en une occasion donnée.
Pour certaines personnes, ces hypothèses au sujet du comportement sexuel peuvent sembler fondées sur le bon sens. Par contre, elles sont enracinées dans des mythes et des stéréotypes dont les juges doivent se méfier étant donné qu'elles s'appuient sur une fausse logique et des justifications discriminatoires.
Encore une fois, étant les personnes chargées de procédures en matière d'agression sexuelle, les juges doivent s'assurer que le droit à un procès juste, tant des personnes accusées que des parties plaignantes, est respecté et que ces mythes et stéréotypes sont rejetés, peu importe leur source.
Une formation spécialisée en droit et en contexte social aidera à munir les juges de ce qu'il faut pour bien s'acquitter de ces obligations dans les procédures pour agression sexuelle et peuvent aider à éviter des appels inutiles en réduisant les erreurs de droit.
Deuxièmement, j'aimerais parler de l'exigence relative à des motifs écrits dans les procédures pour agression sexuelle. Cette exigence aidera à faire en sorte que l'argumentation judiciaire peut être comprise et évaluée par la partie accusée, la Couronne, la partie plaignante et les membres du public.
Nous devons reconnaître que les affaires d'agression sexuelle, tout comme d'autres affaires criminelles, ne sont pas simplement des affaires entre des parties privées. Elles font intervenir des enjeux systémiques qui exigent la capacité du public d'avoir accès à des décisions judiciaires et de les comprendre. On a souligné que la plupart des membres du public n'ont pas accès aux transcriptions des procès étayant l'exigence voulant que les décisions judiciaires devraient être écrites et publiées dans des formats accessibles.
Je crois que le projet de loi pourrait aller plus loin et exiger des motifs écrits non seulement lorsqu'un verdict est prononcé, mais aussi dans le cas des demandes provisoires lors de procédures pour agression sexuelle, notamment les décisions rendues sur l'admissibilité de la preuve sur les antécédents sexuels. Par contre, on a aussi souligné que nous devons reconnaître que l'exigence relative aux motifs écrits aura une incidence sur les ressources judiciaires à un moment où ces ressources sont déjà à la limite. Si le projet de loi est adopté, il faudra songer à s'assurer que les ressoeources judiciaires adéquates sont là pour permettre de mettre en oeuvre l'exigence relative aux motifs écrits.
Merci, et j'ai hâte de répondre aux questions des membres du Comité.
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Merci beaucoup de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui. Je m'appelle Ursula Hendel et je suis la présidente de l'Association des juristes de justice qui représente quelque 2 600 avocats fédéraux, y compris les procureurs chargés des poursuites relatives aux agressions sexuelles dans le Nord canadien.
La faculté de droit nous prépare bien pour ce qui est des règles de la preuve, du fardeau de la preuve et des responsabilités éthiques des avocats, mais elle ne nous enseigne pas grand-chose sur le comportement humain. Les traditions de la common law qui régissent notre travail supposent que les juges sont censés puiser dans l'expérience ordinaire et le bon sens lorsqu'ils évaluent le comportement humain et lorsqu'ils déterminent des questions comme la crédibilité et la fiabilité.
J'ai entendu parler de la statistique selon laquelle une femme sur quatre sera victime d'une forme d'agression sexuelle dans sa vie, mais, d'après mon expérience, des facteurs de privilège, si vous êtes blanc, si vous êtes scolarisé, si vous êtes financièrement indépendant et si vous êtes de sexe masculin, nous rendent moins susceptibles d'être victimes d'une agression sexuelle. Paradoxalement ou non, il s'agit là des mêmes facteurs qui ont tendance à faire en sorte qu'il est moins probable que vous serez un juge.
Donc, pendant que l'on s'attend à ce que nous nous servions de notre expérience ordinaire et de notre bon sens, lorsqu'il s'agit d'une agression sexuelle, la plupart d'entre nous qui travaillent dans la salle d'audience ne possèdent aucune expérience ordinaire. Je n'ai pas été aussi chanceuse. Pendant mes études en droit, j'ai fait l'objet d'avances sexuelles non désirées de la part de quelqu'un que je considérais un ami. J'étais une jeune femme débordante de confiance, possédant tous les privilèges, et le monde était à mes pieds. De fait, j'étudiais la théorie juridique féministe. Pourtant, lorsque cela m'est arrivé, je n'ai pas réagi de la façon à laquelle je m'attendais. J'ai figé, puis j'ai eu besoin que mes amis viennent à ma rescousse. Heureusement, j'étais dans un lieu public. J'ai passé de nombreuses années à penser à cette expérience, et je pense qu'elle m'a aidée en tant que procureure pour présenter les faits à un juge ou un jury, parce que je comprenais cette situation. À moins que cela ne vous arrive, vous n'avez en réalité aucune idée de la façon dont les gens ordinaires se comporteront lorsqu'une chose complètement hors de l'ordinaire leur arrive. Nous pensons que nous le savons — nous pensons tous que nous le savons —, mais je ne pense pas que nous le sachions.
Je suis une procureure depuis 20 ans. Au cours des 10 premières années de ma carrière, j'estime avoir mené plus de 500 affaires d'agression sexuelle. Je n'ai reçu aucune formation relative aux agressions sexuelles pendant au moins les cinq premières années de ma carrière. Lorsque j'en ai eu une, elle portait davantage sur les règles de la preuve et non sur la psychologie d'être la victime d'un traumatisme inattendu. Cela fait déjà un certain temps. Les choses ont peut-être changé depuis l'ère jurassique, mais la vérité est qu'aucune formation de quelque sorte que ce soit n'est obligatoire pour les procureurs fédéraux. Bien que des organismes chargés des poursuites comme celui pour lequel mes membres travaillent, le Service des poursuites pénales du Canada, le SPPC, soient très engagés envers l'idée d'une formation, tout comme les instituts de la magistrature dont nous avons entendu parler plus tôt, notre réalité est que le service dispose de trop peu de fonds et nous, les procureurs, disposons de trop peu de temps.
Le SPPC n'a qu'une séance officielle de formation, que l'on appelle l'École des poursuivants, qui est offerte une fois par année pendant cinq jours. Seulement une fraction de nos procureurs sont en mesure d'y assister, de sorte que beaucoup d'entre nous ont de la difficulté à assumer leurs responsabilités professionnelles au niveau de la formation que nos divers barreaux exigent. Cela constitue un véritable défi que d'obtenir une formation, y compris celle qui est obligatoire par le barreau. Je n'ai pas vérifié pour chaque année, mais au moins pour 2016, il n'y a aucune formation sur les agressions sexuelles au programme de l'École des poursuivants.
Les bureaux régionaux déploient tous les efforts possibles pour trouver des possibilités de formation — ils font vraiment de leur mieux —, mais la plupart des organismes chargés des poursuites disposent de tellement peu de ressources qu'ils ne peuvent pas se permettre d'envoyer les procureurs suivre une formation, non seulement parce qu'ils n'ont pas l'argent pour payer la formation, mais ce qui est encore plus important, parce que les procureurs doivent être présents en cour tous les jours. Nous ne disposons d'aucune ressource humaine de rechange qui puisse se présenter devant la cour et mener ces procès.
Il y a plus. Lorsque vient le temps d'une formation, il y a tellement de sujets à couvrir que je suis convaincue que c'est encore notre réalité de ne pas obtenir de formation adéquate. Plus particulièrement, nous n'obtenons pas de formation adéquate sur le traumatisme lié aux agressions sexuelles. Étant donné qu'il nous appartient à nous, les procureurs, de présenter les éléments de preuve au juge des faits de la façon la plus logique, convaincante et cohérente, nous sommes également le lien entre le système de justice pénale et la partie plaignante.
Maintenant, dans bien des causes, nous avons des aides judiciaires, mais nous sommes quand même leur voix devant le tribunal. Si nous ne comprenons pas l'expérience des victimes, nous ne répondrons pas aux attentes.
Si vous voulez vraiment combler l'écart que vous cherchez à faire, il nous faut former les procureurs et les juges. Je vois que dans leur rapport il y avait une recommandation qui visait à mettre en œuvre un programme d'enseignement à l'intention des procureurs de la Couronne, et j'ai hâte de connaître la réponse du gouvernement à cet égard.
Merci beaucoup.
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L'une des choses que nous avons entendues dans le cadre de notre étude sur la violence envers les jeunes femmes et les filles, c'est que différents groupes de femmes vivent la violence de façons différentes. J'ai remarqué que Mme Hendel a parlé de facteurs de privilège. Je sais que Mme Koshan a écrit sur les mythes et les stéréotypes, et que Mme Craig a écrit
The Inhospitable Court. On nous a beaucoup dit que cela constituait une mesure tendant à décourager les femmes d'obtenir justice.
L'un des enjeux clés est qu'il existe une intersectionnalité avec différents groupes identitaires. Les femmes LGBTA, les femmes autochtones, les femmes aux prises avec des déficiences, les nouvelles immigrantes et d'autres groupes identitaires ont encore plus de difficulté. J'ai remarqué que dans le projet de loi , il n'est pas question d'intersectionnalité.
Je m'adresserai d'abord à Mme Hendel, puis je laisserai les autres répondre. Pensez-vous que l'on améliorerait le projet de loi si nous y insérions une nécessité à cet effet? De plus, savez-vous si ce genre de formation existe déjà, ou s'il s'agit de quelque chose qui est déjà absent?
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Voici quelques observations rapides.
Premièrement, relativement au contenu de la formation précisée dans la Loi sur les juges qui doit se faire à la satisfaction du commissaire, je pense qu'il serait peut-être utile de reconnaître que ces aspects sont véritablement reliés aux différentes lacunes au chapitre des connaissances.
À mon avis, la formation relative aux mythes et stéréotypes est une chose que de nombreuses personnes ne possèdent pas et elle serait très certainement utile, mais vous voulez savoir si vous dépensez inutilement des ressources, en tant que personnes qui maîtrisent le droit criminel, en exigeant qu'elles fassent la démonstration de la formation récente dans le droit relatif aux agressions sexuelles et les interdits concernant la preuve.
Par ailleurs, si une personne a des lacunes au niveau des interdits concernant la preuve et d'autres aspects fondamentaux du droit criminel, alors on doit probablement s'assurer d'offrir une formation beaucoup plus fondamentale. Par exemple, il n'est nullement fait mention du fardeau de la preuve, qui en réalité peut devenir assez compliqué en droit criminel et qui risque de faire trébucher les gens.
Je suppose que je me demande si vous essayez peut-être d'en faire trop au moyen d'un volet que l'on peut interpréter comme un volet unique, uniformisé.
Voilà ce que je dirais pour l'instant.
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Merci beaucoup à tous les témoins. Vous nous avez fourni beaucoup de renseignements.
Je vais m'adresser d'abord à Mme Hendel.
Une fois de plus, je vous remercie vraiment beaucoup de nous avoir communiqué votre histoire, parce que je pense qu'elle a une incidence profonde sur ce que vous faites et comment vous le faites. Je vous en suis très reconnaissante.
Nous avons beaucoup parlé avec le dernier groupe de l'École de formation des juges nouvellement nommés. J'ai travaillé avec nos fondations communautaires, nos groupes communautaires, qui ont composé avec la violence sexuelle. D'après votre expérience, estimez-vous qu'il est suffisamment question de l'école obligatoire des juges et de la formation des juges et de ce qui se passe en réalité sur le terrain et par l'entremise des centres de femmes? Pensez-vous qu'ils communiquent suffisamment entre eux en ce moment pour qu'à la fin, nous desservions la population canadienne de la meilleure façon possible?
Est-ce que d'autres témoins ont d'autres observations sur cette question?
D'accord.
Je passe donc à l'école des juges. J'aimerais savoir si tout le monde pense que cela est suffisant. Je reconnais que nous parlons de formation une fois une fois qu'ils sont en fonction, mais je crois aussi que chaque fois que vous donnez de la formation, cela vous aide, peu importe que vous voyez un procureur ou un avocat de la défense. N'importe quelle formation vous rendrait meilleur à ce que vous faites.
Une partie de ma préoccupation concerne la formation obligatoire qu'ils proposent; qu'il n'y a pas suffisamment de temps. Nous avons déjà parlé des lacunes. Avec l'école des juges, pensez-vous que la formation obligatoire, lorsqu'ils la suivent, suffit, ou pensez-vous que nous devrions faire davantage? Nous devons reconnaître que les lois changent, qu'il y a des affaires dont nous devrions toujours être au courant. Pensez-vous que nous devrions faire davantage? Lorsque des juges siègent depuis au moins cinq ans, devraient-ils suivre une formation obligatoire?
Je pose la question à tous les témoins, si vous n'y voyez pas d'objection, ou à quiconque souhaite répondre.
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Madame Craig, j'aimerais poursuivre avec vous au sujet des motifs écrits.
Une chose que j'ai apprise de ma mère, c'est que si vous ne voulez pas qu'une chose revienne sur le tapis, ne la mettez pas par écrit. J'y pense parfois comme possibilité avec ces affaires judiciaires, parce que comme vous l'avez dit, il s'agit du second examen. Lorsque vous le mettez par écrit, vous pourriez aussi vous rendre compte que c'est tout à fait inapproprié.
Nous avons aussi entendu parler de lois zombies. Donc, je pense que chaque fois qu'un juge fait une déclaration ou rend une décision, il s'agit d'une bonne façon de s'assurer que les sources sont bonnes. Pouvez-vous en dire un peu plus au sujet de la partie écrite?
Je pense que certaines personnes s'inquiètent du fait que cela va prendre plus de temps. Par contre, en même temps, y a-t-il quelque chose de pire que de devoir revenir et dire « Telle était ma décision », et de devoir le faire devant les médias nationaux. Si nous nous trouvions devant une décision erronée, nous perdrions encore plus de temps. Pouvez-vous continuer là-dessus, s'il vous plaît?
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Il ne fait absolument aucun doute qu'il faudrait des ressources. Il s'agit donc de seulement une décision: est-ce que le gouvernement veut engager ces ressources pour améliorer l'expérience des parties plaignantes dans le processus pénal?
En outre, c'est simplement une question de bon sens. Il est vrai que les décisions rendues de vive voix et les décisions écrites diffèrent. Pour nous, si nous rédigeons quoi que ce soit et que nous savons qu'il est fort probable que ce que nous avons rédigé se retrouvera dans une base de données que le monde entier peut consulter, le texte sera différent de ce qui est enregistré en salle d'audience mais, dans de nombreux cas, qui est susceptible d'être entendu uniquement par les personnes présentes ce jour-là.
Encore une fois, je reviens à l'exemple utilisé par l'ABC, l'affaire Al-Rawi à Halifax. Il a rendu cette décision de vive voix sans faire référence à un seul précédent juridique dans un aspect très difficile du droit relatif aux agressions sexuelles, évaluant le consentement dans le contexte d'une plaignante en état d'ivresse très avancé. Cette décision contrastait nettement avec une décision semblable rendue en Ontario, concernant aussi une plaignante en état d'ivresse très avancé, mais une décision écrite, dans laquelle le juge a fait un examen exhaustif de la jurisprudence et a rédigé une analyse éclairée et détaillée.
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Je remercie tous les témoins de leur présence et de leurs exposés.
Puisque nous parlons de la question des ressources, je suis étonnée de constater qu'il faille des ressources sur tous les fronts, que ce soit pour les jugements écrits ou pour la formation, parce que toutes vos ressources vont être étirées à la limite.
Je tiens à approfondir un peu plus cette question sur le plan de la justice, parce qu'il s'agit d'une question de priorités et de savoir où vous mettez ces priorités pour vous assurer que les intérêts de la justice sont servis. Dans ce contexte, dans le cas du projet de loi qui nous occupe, nous parlons de la suggestion d'exiger des décisions écrites, des jugements écrits en formation.
Pour ce qui est du projet de loi, y a-t-il d'autres problèmes systémiques qui existent dans notre système pour lesquels nous devons nous assurer que des modifications sont apportées afin de permettre aux femmes victimes d'agression ou de violence de pouvoir obtenir justice? Tout le système est concerné, de A à Z. Les affaires de condamnation se trouvent à un niveau très bas, et on se demande s'il y a même des gens qui vont se donner la peine de signaler l'incident.
Si vous me le permettez, j'aimerais commencer par Mme Koshan. Quelles autres mesures pensez-vous nécessaires pour s'assurer que les intérêts de la justice sont effectivement servis?
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Merci beaucoup. Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence ici aujourd'hui.
Je désire prendre la parole sur un sujet un peu différent. Le CCM a mentionné que dans le dernier mois, la formation est devenue obligatoire pour les nouveaux juges. En matière d'éducation, les nouveaux juges seront tenus de suivre la formation.
Nous avons également entendu un témoin qui a présenté les changements que le gouvernement a apportés au Comité consultatif de la magistrature, afin d'intégrer une formation sur la diversité, et à la composition de ce Comité.
Je vais parler de l'importance de l'éducation par rapport à la nomination des juges et mentionner que nous devons nous assurer de nommer des juges de façon non partisane et indépendante. Si nous désirons apporter des modifications systémiques, est-ce que ce processus contribuera à traiter cette question? Dans ce projet de loi et dans aucune autre mesure à l'étude, rien n'oblige les juges actuels à suivre une formation. Dans les cas que nous ne cessons de citer, les décisions prises nous préoccupent tous, elles préoccupent tous les Canadiens, puisqu'ils ne seraient pas touchés par ce projet de loi. Ils ne sont pas touchés par tout ce qui peut être fait, car ce sont des juges en exercice.
Pouvez-vous nous parler du processus de nomination et de son importance? Chaque personne parmi vous pourrait nous en parler si elle le désire.
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À ce moment-ci, je tiens à vous informer que j'ai épaulé le gouvernement dans la rédaction du nouveau questionnaire visant la nomination des juges à la Cour suprême du Canada et il s'agit de la première fois que les candidats doivent remplir un questionnaire détaillé. Lors d'une activité sociale à laquelle j'ai participé, le juge Malcolm Rowe m'a remercié d'un ton plutôt sarcastique sur le rôle que j'y ai joué. Cet exercice a maintenant été complété par un questionnaire approfondi qui vise l'article 96, soit les personnes nommées par le gouvernement fédéral.
Ce sujet a soulevé une onde de choc plutôt méconnue dans l'univers du processus de nomination des juges, à savoir ce à quoi les candidats à la magistrature sont tenus de penser, ce qu'ils doivent dévoiler au sujet de leur situation actuelle, de leur lieu actuel, de la façon d'assurer la justice, comment leur carrière a joué un rôle et, somme toute, faire preuve d'ouverture sans précédent.
Mon ancien collègue à l'Université d'Ottawa, David Paciocco, vient d'être nommé de la cour provinciale à la Cour d'appel de l'Ontario. Son questionnaire est un livre ouvert sur son cheminement de juge. Le fait de diffuser cette information constitue tout un volet d'une histoire à raconter. L'information ne peut que servir aux comités qui doivent faire un choix difficile entre de nombreux candidats compétents, ceux-là mêmes qui peuvent le mieux promouvoir la justice.
Les innovations qui touchent le processus de nomination des juges, en tenant compte des limites actuelles, sont dignes de mention.
Ma question s'adresse à Mme Mathen. D'après les propos tenus par les témoins ce matin et les questions qui ont été posées, les candidats doivent indiquer le contenu de la formation qu'ils ont suivie en matière d'agressions sexuelles. À ce sujet, j'ai quelques questions à poser.
Premièrement, ils ne suivent pas leur formation par l'entremise des instituts judiciaires dont il a été question cet avant-midi. Comment pouvons-nous normaliser le programme de formation afin de pouvoir comparer ce qui est comparable?
Deuxièmement, lors de mes discussions avec divers professionnels du milieu juridique, j'ai entendu leur préoccupation selon laquelle si la formation obligatoire s'adresse aux nouveaux juges, qu'arrive-t-il si un juge n'est pas saisi d'une affaire d'agression sexuelle pendant cinq ou six ans par rapport à la pertinence de la formation de départ? Vous pourriez peut-être vous prononcer sur cette question.