FEWO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la condition féminine
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 8 février 2018
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bon après-midi à tous. Bienvenue à la 88e réunion du Comité permanent de la condition féminine.
Je rappelle que la réunion d'aujourd'hui est publique. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur les femmes autochtones dans les systèmes juridique et correctionnel fédéraux.
Nous avons le plaisir d'accueillir, par vidéoconférence à partir de Kingston, Mme Kathy Ferreira, directrice générale de la Queen's Prison Law Clinic.
Je cède la parole quelques instants à Mme Damoff, qui souhaite nous présenter des invités.
Merci beaucoup, madame la présidente.
J'ai le privilège d'accueillir deux étudiantes de l'Université Brock qui sont avec nous aujourd'hui. Elles participent au programme Femmes au Parlement de l'Université Brock. Je vous présente donc Melanie et Jen; elles ont assisté à la réunion du comité de la sécurité publique ce matin et elles ont très hâte d'assister à la réunion du Comité permanent de la condition féminine cet après-midi. Je tiens à leur souhaiter la plus cordiale des bienvenues.
Bienvenue. J'espère que vous aimerez la réunion d'aujourd'hui.
Madame Ferreira, la parole est à vous, pour sept à neuf minutes.
La Queen's Prison Law Clinic est une société à but non lucratif financée par Aide juridique Ontario qui a pour mandat d'offrir de l'aide aux personnes incarcérées dans des établissements fédéraux. Située à Kingston, la clinique soutient les détenus de sexe masculin dans les huit pénitenciers fédéraux de la région de Kingston. Nous assurions auparavant la prestation de services aux détenues à la prison des femmes et à la maison Isabel McNeil, lorsque ces établissements étaient ouverts. Le Bureau de l'enquêteur correctionnel du Canada et l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry ont fait des efforts considérables pour faire connaître la situation critique des femmes détenues, en particulier les Autochtones, et mon exposé est fondé sur leurs rapports et leurs conclusions.
La sénatrice Kim Pate siège à notre conseil d'administration à titre de membre de la collectivité. Comme le Comité le sait, la sénatrice est une spécialiste des questions relatives aux femmes incarcérées, ce qui comprend les femmes autochtones.
En ce qui concerne votre étude sur l'accès des femmes autochtones au système de justice et le traitement que celui-ci leur réserve, la surreprésentation continue des Autochtones dans le système carcéral, en particulier des femmes autochtones, est une forme de discrimination systémique au sein du système canadien de justice pénale et fait partie de l'héritage colonial du Canada. La violence qu'ont vécue les enfants autochtones dans les pensionnats indiens se perpétue dans un cycle de traumatismes intergénérationnels.
Le gouvernement fédéral a poursuivi le génocide culturel des peuples autochtones par l'intermédiaire du système de protection de la jeunesse. Trop d'enfants ont été arrachés à leur foyer pour ensuite être placés dans des familles d'accueil non autochtones, souvent sans le consentement de leur famille ou à son insu. Je fais évidemment référence à la rafle des années 1960. La séparation forcée des enfants autochtones de leur famille se perpétue et est maintenant connue sous le nom de « rafle du millénaire ». Aujourd'hui, environ 48 % des enfants sous tutelle de l'État sont des Autochtones.
Le revenu annuel moyen des femmes autochtones est de 19,3 % inférieur au seuil de faible revenu. Le taux d'emploi des femmes autochtones est de seulement 38 % dans les réserves, et de 51 % hors réserve. Environ 36 % des femmes autochtones vivent dans la pauvreté. La pauvreté et le logement inadéquat contribuent au racisme systémique, aux bouleversements et à la violence faite aux femmes autochtones.
Le taux de violence physique et sexuelle est deux fois et demie plus élevé chez les femmes autochtones que chez les femmes non autochtones. On accorde moins de valeur à la vie des femmes et des filles autochtones. Les attitudes discriminatoires qui exacerbent la crise des femmes autochtones portées disparues et assassinées sont aussi des facteurs de la criminalisation et de l'incarcération des femmes autochtones. Ces femmes sont plus susceptibles de faire l'objet de discrimination par la police, ce qui englobe le profilage racial et les interventions policières excessives, que les femmes non autochtones ou les hommes autochtones.
Passons maintenant à la question des taux d'incarcération des femmes autochtones et des pénalités qui leur sont imposées. La majorité des crimes pour lesquels les femmes sont condamnées sont des infractions non violentes liées aux biens et aux drogues. Quant aux condamnations liées à des crimes violents graves, il convient de les mettre adéquatement en contexte, car dans la plupart des cas, les actes commis par les femmes dans de tels contextes sont des actes défensifs ou réactifs survenus lors d'épisodes de violence contre elles, leurs enfants ou une tierce personne. Quatre-vingt-cinq pour cent des femmes purgeant une peine de ressort fédéral ont des antécédents de violence physique, tandis que 68 % ont des antécédents de violence sexuelle. Dans ce dernier cas, le taux est de 91 % chez les femmes autochtones.
Deux tiers des femmes purgeant une peine de ressort fédéral sont des mères et sont les principales responsables de la garde de leurs enfants. La séparation d'avec leurs enfants et l'incapacité de composer avec les conséquences de cette séparation sont d'importantes sources d'anxiété pour les femmes incarcérées.
Entre 2007 et 2016, l'augmentation de la population carcérale fédérale a été de moins de 5 %, mais pendant cette période, la population carcérale autochtone a augmenté de 39 %. D'ailleurs, le taux d'incarcération des Autochtones dans les établissements fédéraux a augmenté chaque année au cours des trois dernières décennies. Les Autochtones représentent moins de 5 % de la population canadienne, et pourtant, 37,6 % des femmes purgeant une peine de ressort fédéral sont des Autochtones.
Au Canada, les femmes, en particulier les femmes autochtones, sont le segment de la population carcérale qui connaît la plus forte croissance. Au cours de la décennie s'étendant de 2007-2008 à 2016-2017, le nombre de détenues autochtones a augmenté de 60 %. Comme vous le savez, ce sont des statistiques stupéfiantes.
En ce qui concerne le traitement réservé aux femmes autochtones dans le système correctionnel fédéral, elles sont plus susceptibles d'être dans un établissement à sécurité maximale. L'Échelle de classement par niveaux de sécurité, l'outil dont se sert le Service correctionnel du Canada pour l'évaluation initiale du niveau de sécurité, ne permet pas de cerner les besoins, les capacités et la situation particulière des femmes ou des personnes de groupes racialisés, ni de les refléter ou d'en tenir compte. Par conséquent, les femmes autochtones se voient attribuer une cote de sécurité inutilement élevée. Elles représentent 37 % des femmes incarcérées, mais forment 50 % de la population à sécurité maximale. En outre, elles ont des besoins particuliers fondés sur la culture. Les femmes qui se voient attribuer une cote de sécurité trop élevée, la sécurité maximale, sont placées en isolement dans des habitations de vie distinctes appelées « unités de garde en milieu fermé », et ne peuvent participer à des programmes de placement à l'extérieur, à des programmes de sortie en communauté ou à d'autres programmes d'aide conçus pour améliorer leurs chances de réintégrer la société.
Le Bureau de l'enquêteur correctionnel a aussi constaté qu'en général, les femmes de ces unités n'avaient pas accès à un travail valorisant.
Les femmes qui ont des problèmes de santé mentale sont plus susceptibles d'être placées dans une unité à sécurité maximale pour des raisons liées à l'adaptation en établissement et non pour des questions de sécurité publique.
De plus, toute personne purgeant une peine d'emprisonnement pour meurtre est automatiquement placée dans une unité à sécurité maximale pour une période minimale de deux ans, même dans les cas où les preuves démontrent irréfutablement qu'elles avaient réagi à la violence qui leur était faite et qu'il est peu probable qu'elles représentent un risque pour d'autres personnes.
La moitié des femmes condamnées à l'emprisonnement à perpétuité entre 2005 et 2015 était des Autochtones.
Contrairement aux détenus à sécurité maximale, les délinquantes ayant la cote de sécurité maximale sont aussi visées illégalement par un autre niveau de sécurité, à l'intérieur d'une unité à sécurité maximale, qui a pour effet de restreindre davantage leur mouvement dans l'unité en milieu fermé.
En outre, les femmes incarcérées dans des pénitenciers fédéraux sont libérées plus tard au cours de leur peine et sont plus susceptibles de retourner en établissement en raison de la suspension ou de la révocation de leur mise en liberté sous condition. Les femmes autochtones sont plus susceptibles que les non autochtones de se voir refuser la liberté conditionnelle et d'avoir purgé une plus grande portion de leur peine en détention avant de bénéficier d'une libération conditionnelle. Elles sont aussi plus susceptibles de voir leur libération conditionnelle être révoquée pour des raisons techniques.
Dans le rapport qu'il a déposé au Parlement le 29 novembre 2016, intitulé La préparation des détenus autochtones à la mise en liberté, le vérificateur général corrobore en toute indépendance bon nombre des préoccupations soulevées par le Bureau de l'enquêteur correctionnel. En 2015-2016, la majorité des détenus autochtones ont été mis en liberté à la date de leur libération d'office, soit aux deux tiers de leur peine. Soulignons qu'il s'agit de la libération d'office et non de liberté conditionnelle. Parmi ceux qui ont été libérés à la date de leur libération d'office, 79 % ont été mis en liberté dans la collectivité directement d'établissements à sécurité maximale ou moyenne, sans avoir bénéficié d'une réinsertion sociale progressive et structurée. Les taux d'octroi de la libération conditionnelle étaient beaucoup plus faibles pour les délinquants autochtones que pour les non autochtones, et seulement 12 % des détenus autochtones avaient pu préparer leur dossier en vue d'une audience de libération conditionnelle au moment de leur première date d'admissibilité.
Pour ce qui est des recommandations que vous cherchez sur les façons d'améliorer l'expérience des femmes autochtones dans les systèmes juridique et correctionnel fédéraux, j'exhorte le Comité à ne pas se concentrer sur l'amélioration des services dans les établissements correctionnels ou sur la construction d'un plus grand nombre de pavillons de ressourcement. Il convient plutôt de se concentrer, pour les femmes autochtones, sur la négociation d'ententes personnalisées relativement à leur mise en liberté dans la collectivité, avec supervision, en vertu des articles 29, 81 et 84. On parle ici de mise en liberté aux termes de la loi habilitante, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Comme le Bureau de l'enquêteur correctionnel l'a indiqué, on observe dans le système correctionnel fédéral un sous-financement et une sous-utilisation des mises en liberté faites aux termes des articles 81 et 84. L'article 81 permet aux collectivités autochtones de superviser le soin et la garde des détenus autochtones qui, autrement, seraient dans un pénitencier fédéral. L'article 84 permet à une collectivité autochtone de proposer un plan pour la mise en liberté et la réinsertion sociale d'un délinquant, à sa demande et avec son consentement. Les politiques adoptées par le SCC à l'égard de ces mises en liberté vont à l'encontre de l'intention du législateur et ont des répercussions particulièrement négatives sur les femmes autochtones.
Il faudrait accorder des ressources aux collectivités autochtones pour qu'elles puissent parrainer des femmes, que ce soit en milieu rural ou urbain, dans les réserves ou hors réserve. Le nombre d'ententes conclues en vertu de l'article 84 a augmenté, mais ce sont pour la plupart des ententes avec des maisons de transition et non des ententes entre un particulier et la collectivité. Cela permettrait aux Autochtones d'exercer un plus grand contrôle sur les enjeux qui les touchent.
Plus important encore, les femmes ayant des problèmes de santé mentale grave devraient recevoir les traitements dont elles ont besoin, mais non en prison. Je parle ici de ce qui est prévu dans la loi, c'est-à-dire un transfert en vertu de l'article 29, ce qui leur permettrait d'obtenir des services provinciaux en santé mentale dans un hôpital. Le Service correctionnel du Canada est incapable de gérer ces cas; il semble que les préoccupations liées à la sécurité l'emportent toujours sur les traitements.
Le rapport annuel de 2016 du Bureau de l'enquêteur correctionnel incluait un examen des cas complexes d'une unité de garde en milieu fermé, une unité à sécurité maximale. Le Bureau a recommandé que le financement réservé aux cas complexes ne soit pas utilisé en tant que solution de rechange aux placements dans un établissement de traitement externe.
Merci beaucoup.
Je vais vous interrompre ici, si vous le permettez. Je suis conscient qu'il vous reste beaucoup de pages, et nous avons aussi des documents d'information. Nous passons maintenant aux questions, pour que tous les membres aient l'occasion de prendre la parole.
Nous commençons par Mme Karen Ludwig, anciennement membre du Comité, pour sept minutes.
Merci, madame la présidente.
Madame Ferreira, je vous remercie de votre excellent exposé. J'ai essayé de prendre le plus de notes possible et vous aviez tellement de renseignements pertinents. Je pense que je devrai consulter la transcription.
Premièrement, en ce qui concerne les tendances que vous avez soulignées dans votre exposé, les taux élevés d'incarcération chez les femmes autochtones sont-ils plutôt uniformes dans l'ensemble du pays, dans toutes les régions du Canada? Y a-t-il des régions où ces taux sont plus élevés, par habitant?
Je ne connais pas les variations d'une région à l'autre du pays.
Je suis désolée, je n'ai pas ces renseignements.
Je représente une circonscription de l'est du Canada, et je me demandais simplement s'il y avait une différence quelconque à cet égard entre l'est, l'ouest ou le nord du pays.
Vous avez aussi mentionné, madame Ferreira, les besoins fondés sur la culture. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet, s'il vous plaît?
Le Service correctionnel du Canada déploie des efforts pour comprendre les antécédents sociaux des détenus autochtones afin d'en tenir compte dans la prise des décisions à leur égard. Je pense qu'un des problèmes est que les gens du SCC tentent d'examiner divers facteurs, mais qu'ils ont ensuite de la difficulté à déterminer comment en tenir compte dans la prise de décisions. À titre d'exemple, avant de placer un détenu en isolement, ils sont tenus de tenir compte des facteurs culturels et des antécédents sociaux, et ils le font, du moins de façon superficielle. Toutefois, d'après mon expérience auprès de détenus autochtones de sexe masculin, je crois que cela n'a aucune incidence sur leurs décisions.
Divers facteurs doivent être pris en compte: le milieu de vie dont ils sont issus; les traumatismes intergénérationnels qu'ils ont vécus; leur expérience économique; le fait qu'un proche soit allé dans le système des pensionnats; les répercussions liées à la prise en charge par le système de protection de la jeunesse; leurs antécédents en matière d'emploi et de finances; le fait d'habiter dans une réserve ou hors réserve; le genre de bouleversements qu'ils ont vécu; le type de violence qu'ils ont subie... Tous ces facteurs ont une incidence sur la personnalité de la personne avec qui on doit composer. À voir les statistiques, on constate manifestement que le système présente des lacunes à cet égard.
Vous avez aussi mentionné la discrimination policière. Au cours de la dernière année, le Comité a fait une étude sur la formation obligatoire pour les juges. Je me demande si vous pourriez en dire davantage ou recommander... Y a-t-il lieu d'instaurer une formation obligatoire pour les organismes de compétence fédérale, la GRC, par exemple, pour accroître la tolérance à l'égard des femmes autochtones ou améliorer les connaissances sur leur réalité?
Évidemment, une compréhension et une sensibilisation accrues ont toujours une grande importance. Je dirais en général qu'accroître le contrôle des collectivités autochtones sur les soins et la garde de leurs propres membres favoriserait le respect des forces policières et du système de justice pénale en général, ce qui fait sûrement défaut actuellement, si l'on se fie aux statistiques. Trop de femmes sont incarcérées plutôt que de se voir offrir des solutions de rechange. Une fois en établissement, trop de femmes sont gardées en isolement et ne peuvent obtenir une mise en liberté sous condition. C'est un problème sociétal, et je pense que la solution passe d'abord par la récupération de la responsabilité des soins et de la garde par les collectivités, et par l'atteinte d'un niveau d'autonomie qui commanderait le respect de tous les intervenants du système de justice pénale.
Ma prochaine question est de portée très générale. Lorsqu'on pense aux ministères fédéraux et aux décisions en matière de politiques, quelles sont, à votre avis, les répercussions du colonialisme et du fait que pendant longtemps, on comptait très peu d'Autochtones parmi ceux qui prenaient des décisions extrêmement importantes?
J'espère avoir bien compris votre question. Je crois que les Autochtones ont l'impression qu'ils ne font pas partie du processus décisionnel qui les touche directement: l'endroit où ils vivent, comment ils gagnent leur vie, à quelles lois ils doivent se conformer... On peut dire qu'il y a un historique de violence; les bouleversements et le racisme perdurent. On a tendance à penser que les choses s'améliorent, mais les chiffres nous disent que ce n'est pas le cas. Mon expérience personnelle a trait au Service correctionnel du Canada, avec des personnes déjà incarcérées. Selon la situation actuelle, lorsque ces personnes se retrouvent en prison, elles continuent d'éprouver des difficultés et nous aussi. Malgré l'entrée en vigueur de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition il y a plusieurs décennies et la présence de dispositions visant les transferts en vertu de l'article 81, où la prise en charge et la garde peuvent être redonnées à la collectivité autochtone, et de l'article 84 qui permet de faciliter la libération conditionnelle pour les Autochtones, dont le langage exécutoire, on ne prend pas les mesures appropriées.
J'aimerais vous poser une question au sujet de la Commission des libérations conditionnelles du Canada: savez-vous combien de personnes d'origine autochtone siègent aux commissions de libération conditionnelle et prennent des décisions relatives à la libération ou font des recommandations à cet égard? Avez-vous un chiffre ou un pourcentage à nous donner?
Je n'ai pas ce chiffre. Je travaille de façon intensive dans ce domaine depuis 2003 et je sais qu'un membre de la région de l'Ontario était autochtone. Il n'est peut-être pas le seul. C'est possible. Je crois qu'il y a eu de nouvelles nominations à la Commission et je crois qu'on tente d'établir une sensibilité culturelle. Il y aura peut-être des améliorations.
Merci, madame la présidente.
Je crois qu'un thème qui revient constamment ici, c'est celui de l'autonomie gouvernementale et de l'autodétermination des Autochtones. L'autodétermination est un principe conservateur; je tiens à le dire dès le départ.
Kathryn, ce qui me frappe, c'est que vous dites que bon nombre des personnes qui ont commis des crimes violents l'ont fait en légitime défense. À votre avis, est-ce qu'on devrait reconnaître ce fait et en tenir compte dans le cadre de la détermination de la peine? Est-ce possible?
Je tiens à réitérer que je travaille auprès des personnes qui ont déjà reçu leur peine. Je dirais que cela dépend du risque après la condamnation et au moment où la Commission des libérations conditionnelles détermine si la personne doit être libérée, s'il s'agit d'une libération ou si l'on songe à une prise en charge par la collectivité autochtone en vertu de l'article 81.
Si les actes de violence étaient en réaction à la violence, envers la personne même, ses enfants ou un tiers, alors le contexte devient très important. On ne parle pas d'un risque pour la société en général, mais bien d'un type bien précis de risque dans un contexte bien précis. La réintégration dans la collectivité autochtone peut permettre la guérison. Le meurtre est un crime très grave, bien sûr, mais il faut tenir compte du contexte de chaque personne, tant au moment de déterminer la peine que lorsque la personne se retrouve dans le système fédéral. C'est très important de le faire.
Je suis d'accord. Je pense à ce que je pourrais faire pour défendre ma famille et mes enfants. Je ferais presque n'importe quoi.
Vous avez dit qu'il faudrait un recours accru aux articles 81 et 84. Je me demande de quelle manière cela se compare aux pavillons de ressourcement, dont il faudrait s'éloigner selon vous. Pouvez-vous envisager un modèle où nous transfèrerions les pavillons de ressourcement dans les collectivités autochtones ou nous les laisserions créer leurs propres pavillons de ressourcement? Ou militez-vous pour leur abolition complète? Nous avons entendu de nombreux témoignages sur l'utilisation positive de ces pavillons. Vous les percevez peut-être à titre d'élément de transition, d'intermédiaire entre le système d'incarcération traditionnel et la réadaptation dans la société, si l'on veut.
Quel type de transition envisagez-vous pour les pavillons de ressourcement et le recours aux articles 81 et 84? Y a-t-il une place pour ces pavillons dans ces dispositions? Vous pourriez peut-être nous parler de l'évolution de la réadaptation de ces délinquants.
Ce qui me préoccupe, c'est que bien que les pavillons de ressourcement représentent une meilleure option que la prison, le SCC y exerce tout de même un contrôle assez important. Le Service correctionnel impose ses règles et ses restrictions et les pavillons sont ainsi définis par lui. Si je me fie au nombre d'années depuis l'entrée en vigueur de ces dispositions, je dirais qu'elles ne vont pas assez loin. Il n'y en a pas assez. On a eu le temps de faciliter le recours à ces dispositions, mais on n'a pas fait un bon travail à cet égard. En ce qui a trait à l'avenir, je crois qu'il faudrait songer à réduire la participation du Service correctionnel et à accroître celle de la collectivité, parce que la méthode actuelle ne fonctionne pas, même après tout ce temps.
Il y a toujours un risque d'appropriation, dont on entend beaucoup parler dans notre société et dans notre culture ces temps-ci, mais étant donné les changements importants qui s'opèrent au sein de la culture autochtone, avec la réconciliation et la question des pensionnats qui est abordée — les conservateurs préconisent toujours la prévention, mais je crois que la démarche doit être intrinsèque et doit se faire par l'autodétermination —, quel est à votre avis le rôle du gouvernement dans ce processus? Est-ce que nous avons un rôle à jouer à cet égard? Si oui, comment pouvons-nous aider les Autochtones et cheminer avec eux dans ce processus de guérison et de transformation?
Je crois que le gouvernement doit jouer un rôle à cet égard, bien sûr, mais la surveillance judiciaire pourrait aider à réduire ces chiffres, à mettre en place ces mécanismes et à redonner l'autonomie aux collectivités autochtones. Je crois que la surveillance judiciaire peut permettre l'adoption de ces mesures.
La juge Arbour a parlé d'apporter des mesures correctives lorsque les conditions de détention donnent lieu à une interférence correctionnelle avec les sanctions légitimes et entraînent un besoin de remédiation. C'est particulièrement vrai pour les Autochtones...
Kathryn, je vais devoir vous interrompre parce que d'autres intervenants veulent poser des questions. Nous allons remettre le document que vous avez préparé à la greffière et le faire traduire; je vais m'assurer qu'il soit distribué à tous les membres du Comité.
Toutes les déclarations préliminaires — et les précieux renseignements qu'elles contiennent — seront transmises aux membres du Comité.
La parole est maintenant à Sheila Malcolmson. Vous disposez de sept minutes, madame.
Merci, madame la présidente, et merci à la Queen's Prison Law Clinic pour son travail. Nous sommes heureux d'entendre votre témoignage aujourd'hui.
Le Comité s'est vu renvoyer un projet de loi sur la formation des juges sur le droit relatif aux agressions sexuelles. J'étais très heureuse de savoir que le NPD allait obtenir l'appui du Comité en vue de modifier le projet de loi afin d'exiger la consultation des groupes de femmes, des intervenants qui travaillent sur le terrain et des survivantes d'agressions sexuelles dans le cadre de l'élaboration de la formation destinée aux juges. Certains mauvais exemples très médiatisés donnent à penser que la magistrature a besoin d'une formation accrue en la matière.
Nneka MacGregor, la directrice générale du Women's Centre for Social Justice, a dit qu'il fallait entendre la voix des personnes qui étaient passées par le système judiciaire, parce que c'est cette expérience qui permettra de changer les perceptions et la compréhension à l'égard de cet enjeu.
Le projet de loi est bloqué au Sénat pour le moment; il n'a pas encore été adopté. Pouvez-vous nous parler de l'importance de faire entendre ces voix pour orienter la façon dont les juges perçoivent leurs responsabilités et leur travail, afin qu'ils tiennent compte de cette formation dans le cadre de la détermination de la peine?
Sans leurs rétroactions, je pense que nous tentons d'imaginer ce que ces personnes peuvent vivre plutôt que de leur demander ce qu'elles ont vécu. Je crois qu'il est essentiel d'écouter ces personnes pour changer les choses.
Vous m'excuserez si je n'ai pas bien saisi votre question, mais je reconnais tout à fait l'importance d'écouter les personnes qui ont une expérience personnelle à cet égard.
D'accord.
Je vais vous poser des questions sur les recommandations de 2016 du Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes à l'intention du Canada. Il recommande au Canada:
a) d'accroître le financement de l’aide juridictionnelle en matière civile et, plus particulièrement, de réserver des fonds à cette aide dans le Transfert canadien en matière de programmes sociaux pour garantir l’accès des femmes, en particulier les femmes victimes de la violence, les femmes autochtones et les femmes handicapées, à une aide juridictionnelle adaptée dans toutes les juridictions; b) de réviser les critères d’éligibilité fondés sur le revenu en vue de garantir l’accès de toutes les femmes dont les moyens ne sont pas suffisants à l’aide juridictionnelle en matière civile, en particulier dans le domaine du droit de la famille;
Depuis la publication de ce rapport de 2016, avez-vous, dans le cadre de votre travail, remarqué des changements importants en matière de financement ou d'accès à une aide juridique adéquate? Je pense à la compétence fédérale, mais cela peut être toute autre compétence, pour les femmes autochtones en particulier.
Je peux uniquement vous parler de mon expérience. Je n'en sais pas plus que cela. Nous avons une clinique soeur; nous sommes regroupées sous un même toit, ce qui aide. C'est une clinique de droit de la famille, qui est un domaine de l'aide juridique souvent sous-financé. Notre clinique soeur offre maintenant des services. Je ne sais pas combien de femmes ont accès à ces services par rapport aux hommes, mais de toute évidence, il est très important d'affecter suffisamment de ressources à l'aide juridique offerte aux personnes dans le besoin. Je crois qu'on a de la difficulté à désigner les domaines à financer, mais il est évident que les femmes autochtones, les questions relatives au droit de la famille, etc. ont besoin de financement.
Selon votre expérience, est-ce que les choses se sont améliorées au cours des deux ou trois dernières années?
D'accord. Le gouvernement a pris de nombreux engagements en ce qui a trait à la mise en oeuvre de la Commission de vérité et de réconciliation: appels à l'action. Bon nombre de ces engagements portent directement sur l'accès des femmes autochtones au système de justice. L'appel à l'action no 32 demande au gouvernement fédéral de modifier le Code criminel afin de permettre aux juges de première instance, avec motifs à l’appui, de déroger à l’imposition des peines minimales obligatoires de même qu’aux restrictions concernant le recours aux peines d’emprisonnement avec sursis. Cet appel à l'action de la Commission date de 2015. Avez-vous constaté des changements depuis?
Je crois que les peines minimales obligatoires ont été réexaminées. Je ne sais pas où l'on en est avec ces peines minimales. Je suis désolée, nous ne pratiquons pas le droit pénal, alors je ne...
Dans le cadre de votre travail, avez-vous des clients touchés par le syndrome d’alcoolisation foetale?
Un autre appel à l'action demandait d'entreprendre des réformes pour offrir de meilleures ressources aux collectivités et des pouvoirs accrus aux tribunaux afin de veiller à bien diagnostiquer le syndrome d'alcoolisation foetale et à ce que les ressources en matière de libération conditionnelle puissent maximiser les chances des personnes souffrant de l'ETCAF de vivre dans la collectivité. Avez-vous remarqué une amélioration à cet égard au cours des trois dernières années?
[Français]
Je vous remercie, madame la présidente.
Tout d'abord, j'aimerais souligner la présence dans la salle de deux étudiantes, Charnpreet Saini et Alexandra Osman, qui font partie du programme Women in House at Brock University. Je leur souhaite la bienvenue.
Madame Ferreira, j'aimerais aussi vous remercier de votre présentation d'aujourd'hui devant le Comité.
Vous avez mentionné que le taux de 12 % de femmes autochtones délinquantes qui demandent une libération conditionnelle est beaucoup trop bas par rapport à celui des femmes non autochtones. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il en est ainsi, s'il vous plaît?
[Traduction]
Selon mon expérience, ce qui explique ces taux plus bas, c'est que bon nombre des femmes autochtones sont incarcérées dans des prisons à sécurité maximale, ce qui restreint leur accès à des programmes qui aideraient à réduire leur risque de récidive; cela a une incidence réelle sur leur évaluation aux fins de la libération conditionnelle. Dans les établissements à sécurité maximale, elles n'ont pas accès aux ressources qui leur seraient autrement offertes. Ainsi, elles se retrouvent coincées là si elles n'ont pas accès à un établissement à niveau de sécurité moins élevé.
De plus, leurs plans de libération ne font pas l'objet d'un examen approprié de la part du Service correctionnel si elles demandent par exemple l'accès à la libération conditionnelle en vertu de l'article 84. Le processus à cette fin est énoncé dans les énoncés de politique du Service correctionnel et il est très complexe. Le risque, le progrès institutionnel et la planification de la libération sont tous des facteurs pris en compte en vue de l'octroi de la libération conditionnelle et ces circonstances font en sorte que les femmes autochtones ont beaucoup moins de chances de l'obtenir.
[Français]
En se basant sur cet article 84, comment pourrait-on augmenter la proportion de femmes délinquantes qui ont accès à la libération conditionnelle?
[Traduction]
C'est une disposition obligatoire de la loi. La loi utilise un langage exécutoire. Je crois qu'il faut surveiller le Service correctionnel afin de veiller à ce que ces processus soient beaucoup plus directs, à ce qu'on en souligne l'importance et à ce qu'on les mette en oeuvre.
Pour cela, il faut des ressources. Le Service correctionnel n'investit pas dans les ressources nécessaires pour faire avancer ces dossiers. Il ne le fait pas de lui-même. Il faut exercer une certaine surveillance sur ce processus.
[Français]
Croyez-vous qu'il y aurait moins de femmes incarcérées si elles avaient davantage accès à l'aide juridique?
[Traduction]
Je crois que l'accès à la représentation juridique est toujours important. Je suis tout à fait d'accord, mais je crois que le problème va au-delà de cela.
[Français]
Pourriez-vous aussi nous expliquer comment votre organisme sert les femmes autochtones incarcérées? Comment aidez-vous ces femmes?
[Traduction]
En fait, nous aidons les hommes. Nous aidons les prisonniers autochtones, bien sûr. Ils sont eux aussi surreprésentés. À l'heure actuelle, nous n'offrons pas d'aide aux femmes autochtones incarcérées en raison de notre situation géographique.
[Français]
De quelle façon votre organisme pourrait-il aider les femmes autochtones incarcérées si celles-ci lui demandaient de l'aide?
[Traduction]
Il est certain que le problème est beaucoup plus grand pour les femmes autochtones incarcérées que pour les hommes. Il y a beaucoup plus de sécurité maximale pour les femmes. Il y a beaucoup plus d'unités à sécurité maximale pour les femmes qu'il y en a pour les hommes.
Encore une fois, il serait bénéfique d'avoir plus de ressources juridiques pour les femmes autochtones, j'en suis certaine. Je pense que la législation nécessaire est là. Nous avons déjà le régime nécessaire pour aider les Autochtones. À mon avis, le problème c'est simplement qu'on ne l'utilise pas. Il relève du Service correctionnel, qui ne réussit pas à le mettre en pratique. Comme je l'ai mentionné, il faudrait accroître la surveillance.
Il me reste une minute.
[Français]
Pouvez-vous faire des commentaires sur la rédaction des rapports Gladue? Nous avons entendu dire qu'il avait manqué d'auteurs, mais aussi que bon nombre des auteurs de ces rapports ne sont pas autochtones.
Au Canada, y a-t-il un processus de formation standardisé pour cela?
[Traduction]
Je pense que dans les décisions qu'il prend, Service correctionnel Canada renvoie beaucoup aux rapports Gladue et y accorde beaucoup d'attention.
Comme on l'a déjà mentionné plus tôt au Comité, je pense que le Service correctionnel prend ces facteurs en considération, comme il se doit, dans toutes les décisions qu'il prend à l'égard de ces détenues. La commission des libérations conditionnelles aussi. Cependant, nous n'arrivons pas à faire en sorte que ces facteurs influent positivement sur la décision finale.
Par exemple, nous sommes censés tenir compte des rapports Gladue dans les décisions concernant les libérations conditionnelles, mais je ne suis pas sûre que l'examen de ces facteurs ait un effet direct sur la décision prise.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entamer un second tour. Nous commencerons par accorder cinq minutes à Rachael Harder.
Je vous remercie infiniment d'être avec nous aujourd'hui.
J'aimerais surtout mettre l'accent sur la prévention plutôt que sur ce qui se passe après l'incarcération. Je pense qu'il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire après l'incarcération, mais je me dois de poser la question: comment se fait-il que nous ayons ce problème? Y a-t-il des mesures que pourraient prendre le gouvernement, les communautés autochtones, le grand public? Y a-t-il des mesures que nous pourrions prendre pour aider les femmes autochtones à gagner en autonomie, pour les aider d'une manière ou d'une autre? Même si cela signifie de ne rien faire, faisons-le. Y a-t-il des contextes dans lesquels il y a trop de mains sur le volant et il faudrait laisser plus de place aux communautés autochtones elles-mêmes? Il y a différents facteurs qui entrent en ligne de compte, donc j'aimerais que nous en parlions.
Ma première question porte sur le fait que bon nombre des femmes autochtones et des témoins que nous avons entendus avancent que la majorité des femmes autochtones incarcérées sont elles-mêmes des victimes. Elles ont subi toutes sortes de violence pendant leur vie. J'aimerais connaître votre propre point de vue. Quand vous côtoyez ces gens — et je crois comprendre que vous travaillez beaucoup avec les hommes — qu'observez-vous pour ce qui est de la victimisation des personnes incarcérées dans nos établissements?
Chez les prisonniers que nous rencontrons, qui sont des hommes, il semble qu'il y ait beaucoup de problèmes de confiance envers quiconque travaille dans le système actuel, parce que ce système ne les a pas aidés. Ils souffrent souvent de problèmes de santé mentale qui n'ont pas été bien traités. Même les règles qu'on leur explique peuvent leur sembler très bizarres. Il semble que ces personnes aient des besoins auxquels on ne répond pas. Il y a beaucoup de problèmes de santé mentale dans le système fédéral. Les Autochtones sont souvent très fragiles, et il faut beaucoup de temps pour gagner leur confiance.
Je ne peux vous parler que de ce que j'ai déjà mentionné, c'est-à-dire le traumatisme intergénérationnel, les abus, la violence qu'elles subissent, qui sont assurément tous très liés à leur situation économique. Elles sont particulièrement vulnérables, bien sûr, compte tenu de tous les facteurs comme l'emploi, les problèmes avec le maintien de l'ordre, la pauvreté, le logement inadéquat. Je ne peux pas parler au nom de ces femmes, et je ne prétends pas le faire, mais je pense que ces choses ont sûrement une incidence sur leurs actes.
C'est une question très complexe, comme vous vous en doutez certainement. La surincarcération est épidémique, il est donc très inquiétant qu'on n'affecte pas plus de ressources à ce problème actuellement, mais en même temps, vous avez raison de soulever les problèmes systémiques qui mènent à l'incarcération.
Je suppose que je dois vous parler des femmes actuellement incarcérées qui se trouvent dans des conditions très misérables, donc d'après...
Merci, madame la présidente.
Je remercie infiniment notre témoin d'être ici avec nous aujourd'hui.
J'aimerais revenir un peu à la question de Mme Ludwig. En tant que membres du gouvernement fédéral, nous ne pouvons pas obliger les forces policières municipales à offrir de la formation, mais la GRC relève de nous, évidemment, et c'est souvent elle qui intervient auprès des femmes.
Je m'interroge sur deux choses: d'abord, la formation approfondie des policiers avant que les femmes ne se retrouvent devant les tribunaux; ensuite, des agents de libération conditionnelle nous ont dit qu'il fallait aller dans les réserves pour recruter des agents de libération conditionnelle autochtones.
Croyez-vous qu'il serait bon pour les femmes confrontées à l'appareil judiciaire que nous cherchions de nouvelles façons de recruter des Autochtones à la GRC?
Je ne peux que vous répondre « oui ». Une représentation accrue des Autochtones parmi les forces policières ne peut qu'être positive sur la culture que vivent les femmes autochtones, donc il serait sûrement important d'investir dans l'innovation en ce sens.
Je ne dirais jamais non à l'éducation. Le problème, c'est que si l'éducation n'aide pas... Encore une fois, je ne peux vous parler que de ce que je connais vraiment bien, c'est-à-dire le Service correctionnel du Canada, où il y a beaucoup d'éducation qui se fait, mais peu de changements suivent.
Il ne me reste que trois minutes.
Nous avons parlé beaucoup du traumatisme intergénérationnel et du syndrome d'alcoolisation foetale. Le gouvernement fédéral devrait-il augmenter le financement des services de santé mentale pour les jeunes dans les réserves?
Il y a aussi la question du nombre d'enfants placés en famille d'accueil. Nous savons qu'il y a une crise. Notre ministre vient de faire une annonce dans le but d'essayer de trouver une solution afin que ces jeunes puissent rester dans la communauté. Elle nous a raconté l'histoire tragique de femmes qui ont perdu leurs enfants. C'est tragique pour les femmes comme pour leurs enfants.
Je pense que je connais la réponse, mais je suis d'accord pour dire qu'il faut en priorité nous attaquer à la crise des placements en famille d'accueil. Cela pourrait-il contribuer positivement à garder les femmes loin des établissements correctionnels dès le départ?
Je pense que c'est incontestablement tout à fait nécessaire. Nous devons déployer des ressources pour nous attaquer à ces enjeux colossaux, ce qui peut n'avoir qu'un effet positif sur le taux d'incarcération.
Concernant les peines minimales obligatoires, quand je me suis rendue à Edmonton, récemment, j'ai parlé avec des femmes qui se sont vu imposer une peine minimale obligatoire, ce qui fait que... Si leur peine avait été différente, compte tenu de la nature de leur crime, elles n'auraient peut-être pas été incarcérées aussi loin aussi longtemps.
Pour les délits autres que les crimes les plus graves, croyez-vous que le gouvernement devrait éliminer les peines minimales obligatoires et redonner aux juges le pouvoir de déterminer la peine, comme avant?
Très bien.
Comme les femmes autochtones sont plus susceptibles de plaider coupables que les autres lorsqu'elles sont poursuivies, serait-il bon d'augmenter le financement de l'aide juridique pour ces femmes?
D'assurer une bonne représentation juridique ou une représentation juridique positive des femmes accusées d'infractions graves? Certainement, oui.
Il ne me reste que 10 secondes, donc je vous remercie infiniment de votre travail. Je pense que je vais m'arrêter ici. Nous vous sommes très reconnaissants pour tout ce que vous faites.
Il nous reste juste assez de temps pour une dernière question, donc je vais céder la parole à Stephanie Kusie.
Merci, madame la présidente.
Nous avons encore aujourd'hui parlé beaucoup d'autodétermination et de solutions émanant des Autochtones eux-mêmes. Dans ce contexte, j'aimerais parler encore un peu des rapports Gladue. À votre avis, les rapports Gladue compensent-ils en partie pour le contexte historique et culturel des Autochtones et ce qui les mènent à diverses sanctions ou même à l'incarcération?
Je pense que les rapports Gladue sont vraiment nécessaires. Le problème, c'est qu'ils ne se traduisent pas en solutions positives sur les peines ou les décisions prises après la détermination de la peine. On en parle, on en discute beaucoup, mais clairement, les chiffres montrent qu'ils ne se traduisent pas en décisions positives pour les Autochtones.
Excellent.
Merci infiniment. Je vous remercie d'être venue témoigner devant nous aujourd'hui. Ce témoignage nous est très, très utile.
Nous allons maintenant nous interrompre deux minutes, le temps de laisser notre nouveau groupe de témoins s'installer.
Reprenons la 88e séance du Comité permanent de la condition féminine. Je vous remercie des notes que vous nous avez remises.
Nous accueillerons maintenant deux témoins par vidéoconférence. De Vancouver, nous entendrons Debra Parkes, professeure et titulaire de la Chaire d'études juridiques féministes de l'École de droit Peter A. Allard, à l'Université de la Colombie-Britannique. Puis de Saskatoon, nous entendrons également Eric Michael, directeur du Pavillon de ressourcement de Willow Cree, Région des Prairies.
Sur ce, je cède la parole à Mme Parkes.
Vous avez sept minutes.
Je vous remercie de me permettre de vous rencontrer aujourd'hui.
J'étudie les enjeux liés à l'emprisonnement des femmes depuis 20 ans, et la hausse alarmante du taux d'incarcération des femmes autochtones constitue un problème urgent au Canada. Je félicite le Comité de l'étudier et de sa volonté de s'y attaquer.
Je sais que le Comité a entendu d'autres témoins concernant le fait que les femmes autochtones sont le segment de la population dont le taux d'incarcération augmente le plus rapidement au Canada; leurs conditions d'incarcération sont plus difficiles que celles des autres détenues; elles sont plus susceptibles d'être placées dans des cellules à sécurité maximale, d'être isolées, limitées et astreintes à la force; elles sont également moins susceptibles d'obtenir une libération conditionnelle.
En même temps, il faut nous rappeler que le trait net que la loi trace entre la victime et le contrevenant s'efface complètement quand on analyse la situation des femmes autochtones incarcérées au Canada. Ce sont les mêmes femmes qui sont portées disparues ou assassinées dans des proportions épouvantables.
Je consacrerai le peu de temps dont je dispose ici aujourd'hui à trois problèmes et j'exposerai des solutions potentielles à ces problèmes.
Le premier est l'effet démesuré des peines minimales obligatoires sur les femmes autochtones, y compris de la peine minimale obligatoire d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pendant une longue période en cas de meurtre, une grande problématique dont on parle peu.
Deuxièmement, je vous expliquerai un peu pourquoi l'alinéa 718.2e) du Code criminel, qui prévoit une analyse Gladue pour réduire leur taux d'incarcération, ne bénéficie pas aux femmes autochtones ou n'est pas bien appliqué.
Troisièmement, j'aborderai le besoin urgent de permettre la libération dans la collectivité pour les femmes autochtones et d'adopter une politique et un plan correctionnels axés sur la libération dans la collectivité.
Premièrement, concernant la peine obligatoire d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pendant une certaine période pour meurtre, quiconque est trouvé coupable de meurtre au Canada reçoit la peine minimale obligatoire d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant au moins 10 ans pour meurtre et 25 ans pour meurtre au premier degré. Au cours des 10 dernières années, le Parlement a modifié le Code criminel afin de rendre les périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle consécutives et a aboli un mécanisme important qui permettait un examen en vue d'une libération conditionnelle anticipée, ce qu'on appelait la disposition « de la dernière chance ».
Les femmes autochtones sont lourdement surreprésentées parmi les détenues emprisonnées à perpétuité. Entre 2005 et 2015, 44 % des femmes condamnées à l'emprisonnement à perpétuité ou pour une période indéterminée étaient autochtones. Une analyse approfondie des données de chaque année révèle un portrait particulièrement sombre. De 2008 à 2009, quatre des six femmes condamnées à l'emprisonnement à perpétuité étaient autochtones. De 2012 à 2013, six des sept femmes condamnées à l'emprisonnement à perpétuité étaient autochtones.
Je parlerai dans un instant des raisons particulières pour lesquelles les peines obligatoires sont inutiles, coûteuses et démesurées, particulièrement pour les femmes autochtones, mais il convient d'abord de prendre un peu de recul pour bien comprendre que bien que le meurtre soit évidemment le crime le plus grave dans le Code criminel, les études montrent que les législateurs surestiment souvent le désir punitif du public d'imposer de longues peines d'emprisonnement. En fait, quand les membres du public sont bien informés, ils tendent plutôt à vouloir punir les gens moins sévèrement que ce à quoi on s'attendrait.
Concernant la peine d'emprisonnement à perpétuité pour meurtre, une étude réalisée en 2010 en Angleterre et au pays de Galles auprès de 1 000 participants membres du public révèle que les deux tiers des participants ont conclu que la peine à perpétuité n'était pas la peine appropriée dans la majorité des cas d'homicide qui leur ont été présentés. Il y a un très vaste éventail de situations possibles auxquelles on ne pense souvent pas quand on réfléchit aux lois sur le meurtre.
Le Canada fait de plus en plus exception parmi les pays développés en ce qui a trait aux peines imposées pour meurtre. Seuls 11 des 42 États membres de l'Union européenne imposent des peines obligatoires d'emprisonnement à perpétuité. Je pourrais vous en parler davantage, mais je vous dirai simplement que nous faisons plutôt figure d'exception, sauf si nous nous comparons aux États-Unis.
Les peines minimales obligatoires touchent démesurément les femmes, et particulièrement les femmes autochtones. Les femmes sont démesurément touchées lorsque les juges qui déterminent leur peine ne peuvent pas tenir compte de l'incidence de la séparation des mères de leurs enfants et de leur famille, alors que ces mères sont souvent seules pour s'occuper de leur famille. Le fait que les juges ne puissent plus tenir compte du faible degré de culpabilité, par exemple, lorsque le crime s'inscrit dans un drame conjugal ou qu'il est lié à une infraction commise contre la personne elle-même ou son enfant, comme c'est souvent le cas lorsque des femmes commettent un homicide, se répercute démesurément sur les femmes, et les femmes autochtones en particulier.
Les peines minimales obligatoires favorisent des plaidoyers de culpabilité injustifiés, qui contribuent beaucoup à des condamnations injustifiées. On le voit souvent dans les cas d'homicide d'enfants et dans les affaires mettant en cause des femmes battues au Canada depuis une vingtaine d'années.
La recherche montre que les Autochtones sont moins susceptibles que les autres accusés de se prévaloir de l'exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuite pour le prononcé ou non d'une peine obligatoire. Les Autochtones ont tendance à faire l'objet d'accusations excessives et à plaider plus souvent coupables que les non-Autochtones.
Les peines minimales obligatoires minent l'effet de l'alinéa 718.2e) du Code criminel, qui vise à réduire la surincarcération des Autochtones. Elles vont à l'encontre du principe de proportionnalité et privent le juge du pouvoir de tenir compte des circonstances.
Cela m'amène au deuxième problème, qui concerne l'alinéa 718.2e) du Code criminel et l'analyse Gladue destinée à réduire le phénomène de la surincarcération des Autochtones et le fait qu'il ne profite pas aux femmes autochtones comme voulu.
Pourquoi dis-je cela? L'objectif même d'une analyse Gladue est de comprendre le contexte social de la personne autochtone qui se retrouve aux prises avec le système de justice pénale, le lien entre son expérience et ce que nous connaissons de la discrimination systémique et de l'effet de la colonisation. Son deuxième objectif consiste à trouver des moyens d'éviter que les Autochtones ne soient emprisonnés, afin qu'ils purgent plutôt leur peine dans la collectivité, où les résultats sont plus positifs.
Cependant, les facteurs Gladue, qui sont des facteurs sociohistoriques, sont en réalité utilisés contre les femmes autochtones lorsque vient le temps d'évaluer le risque qu'elles présentent et de prendre des décisions les concernant à diverses étapes du processus de justice pénale: le cautionnement, la détermination de la peine, le choix du milieu correctionnel, le plan correctionnel, la cote de sécurité, la libération conditionnelle, etc. Le fait que les femmes autochtones aient souvent vécu des traumatismes extrêmes, de la pauvreté, des problèmes de toxicomanie ou d'alcoolisme et d'autres formes de marginalisation sert surtout à prouver qu'elles ont besoin d'un plus grand nombre d'interventions en milieu correctionnel et d'une incarcération plus longue. Leurs besoins sont évalués en fonction du risque, ce qui signifie qu'elles passent plus de temps en prison, même si nous savons que la détention ne sert pas nécessairement à assurer la sécurité publique dans la vaste majorité des cas et qu'elle n'est pas très efficace chez les femmes autochtones.
Cela m'amène à mon troisième élément, soit le besoin urgent de concevoir de nouvelles possibilités de libération dans la collectivité pour les femmes autochtones et d'axer la politique et les plans correctionnels sur la libération dans la collectivité. Je dois dire que ce n'est essentiellement pas un problème découlant de la loi.
La loi est généralement conçue pour faciliter la libération dans la collectivité. L'interdiction de surseoir aux peines d'emprisonnement avec sursis, qui a été ajoutée à la loi il y a quelques années, et les limites imposées par le Code criminel à l'emprisonnement avec sursis devraient selon moi être abrogées. Je pourrai en parler davantage en réponse à vos questions, mais les principes et dispositions législatives de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition sont là. Les articles 81 et 84, en particulier — dont je crois que d'autres témoins ont parlé — visent à transférer des ressources aux communautés autochtones, en milieu urbain comme dans les réserves, afin que les membres de la communauté puissent y être accueillis, en vue de leur réintégration à la communauté d'une façon qui bénéficierait à toute la communauté et à la société en général.
Madame Parkes, je devrai vous interrompre ici pour qu'il nous reste suffisamment de temps pour les questions. Merci beaucoup.
Je vais maintenant donner la parole à notre deuxième témoin. Je souhaite la bienvenue à Eric Michael.
Vous avez sept minutes.
Good afternoon. Bonjour. Tansi.
C'est avec beaucoup de respect que je saisis cette occasion de comparaître devant les honorables membres de ce comité. Le travail de votre comité est essentiel et je me sens privilégié de pouvoir contribuer à votre étude.
Je suis le directeur exécutif du Pavillon de ressourcement Willow Cree, un établissement du Service correctionnel du Canada (SCC). Je suis membre de la Première Nation de Beardy et Okemasis, la collectivité autochtone qui accueille notre pavillon de ressourcement dans le territoire du Traité no 6.
Aujourd'hui, mes observations porteront principalement sur l'expérience que j'ai acquise en travaillant au sein d'un pavillon de ressourcement pour hommes pendant près de 15 ans, ainsi que sur les contributions collectives des pavillons de ressourcement au mandat des services correctionnels pour Autochtones.
L'une des priorités principales du SCC consiste à fournir des interventions et un soutien à la réinsertion sociale efficaces et adaptés à la culture des délinquants issus des Premières Nations et des délinquants métis et inuits. Les pavillons de ressourcement constituent un élément fondamental pour la réalisation de cet objectif prioritaire, car ils offrent des interventions, des programmes et des services adaptés à la culture autochtone. Ce sont des établissements à sécurité minimale ou à niveaux de sécurité multiples, pouvant être gérés par le SCC en collaboration avec les collectivités autochtones ou gérés par les collectivités autochtones en vertu de l'article 81 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
L'objectif d'un pavillon de ressourcement est d'aider les délinquants autochtones à réussir leur réinsertion sociale en utilisant des méthodes de guérison traditionnelles et en misant notamment sur un ensemble complet de programmes adaptés à leur culture. Le premier pavillon de ressourcement du SCC à ouvrir ses portes au Canada a été le Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci pour les femmes autochtones sur les terres de la Première Nation de Nekaneet, en Saskatchewan. Ouvert en 1995, ce pavillon de ressourcement a préparé le terrain pour d'autres collectivités autochtones qui lui ont emboîté le pas dans le cadre d'une démarche qui a révolutionné la façon dont le système correctionnel canadien mobilise ses collectivités.
Parmi les pavillons de ressourcement gérés par le SCC, celui de Willow Cree est le plus récent, ayant débuté ses activités en 2004. Le SCC a conclu un protocole d'entente avec la nation Beardy et Okemasis pour veiller à ce que la collectivité fasse bénéficier le pavillon des conseils, du soutien et de l'aide dont il a besoin. Je rencontre régulièrement le conseil d'administration pour m'assurer que la gestion et le fonctionnement du pavillon de ressourcement sont conformes au mandat établi dans le cadre d'un modèle de justice réparatrice. Nous devons également nous assurer de respecter la vision culturelle et spirituelle, les valeurs et les traditions de la collectivité autochtone. Le pavillon fait appel au conseil des aînés locaux de Beardy et Okemasis et au comité consultatif de citoyens pour s'assurer de bien consulter la collectivité et profiter de sa contribution et de sa collaboration.
Les pavillons de ressourcement jouent un rôle fondamental dans la prestation de services spirituels autochtones grâce à l'accès aux aînés de la collectivité. L'accent est mis sur le leadership spirituel et sur la valeur de l'expérience de vie des membres du personnel et de la collectivité qui servent de modèles. Les programmes sont offerts dans un contexte d'interaction avec la collectivité, le but premier étant de préparer le délinquant à sa remise en liberté éventuelle. La participation des aînés à la prestation des programmes correctionnels est essentielle, car ils contribuent via la tenue de cérémonies et la transmission d'enseignements pertinents sur le plan culturel.
J'ai eu le plaisir de travailler dans les pavillons de ressourcement avec des professionnels passionnés du milieu correctionnel qui ont à coeur la vision de guérison. Bon nombre des délinquants qui se retrouvent dans un pavillon de ressourcement pour femmes ou pour hommes cherchent un moyen d'aller de l'avant. Dans l'espoir de se créer une vie meilleure, ils visent une transformation personnelle et une guérison qui les affranchirait des conséquences dévastatrices d'un traumatisme personnel et de ses répercussions.
Selon la vision autochtone du monde, le parcours vers la guérison vous met au défi spirituellement, émotionnellement, physiquement et mentalement. C'est un parcours qui exige honnêteté, humilité et courage. Tout au long de ce parcours, les éléments qui tourmentent l'âme sont confrontés à l'esprit du guerrier qui veut retrouver son bien-être, restaurer ses relations, rebâtir sa dignité et entreprendre une démarche saine pour aller de l'avant.
Les pavillons de ressourcement se veulent des lieux de pouvoir transformateur à la faveur de cérémonies autochtones qui deviennent un exutoire pour le renouveau culturel et spirituel. Ils aspirent à concrétiser l'esprit de wahkohtowin, une loi spirituelle crie qui encourage tous les êtres vivants à se réunir dans un esprit de parenté. Wahkohtowin signifie « tout est lié » et définit les devoirs sacrés que nous avons l'un envers l'autre. Conscients que les antécédents sociaux des peuples autochtones ont bouleversé les rôles, les valeurs et les traditions de la famille autochtone, nous appelons un résident du Pavillon de ressourcement Willow Cree un nicisan, terme autochtone du peuple cri signifiant « frère ou membre de la famille ». Cette référence témoigne de l'engagement du pavillon de ressourcement à rétablir les liens de parenté de chaque nicisan avec la collectivité afin de revigorer son sentiment d'appartenance et d'appuyer ses efforts pour surmonter la stigmatisation qui vient avec l'incarcération.
Au cours des cinq dernières années, le Pavillon de ressourcement Willow Cree a eu le privilège de collaborer à une initiative fort utile avec différents partenaires au sein du SCC, la Nation crie de Beardy et Okemasis, la ville de Duck Lake et des intervenants communautaires.
En 2013, le Pavillon de ressourcement Willow Cree a conclu un partenariat avec Habitat pour l'humanité afin d'offrir aux délinquants une formation et un travail qui leur seront utiles au moment de leur remise en liberté. Les délinquants ont ainsi fourni la main-d'oeuvre pour la construction de cinq maisons d'Habitat pour l'humanité, une par année, dans la collectivité de Duck Lake, en Saskatchewan.
Les délinquants ont participé à un programme de certification à la préparation à l'emploi en construction offert par un collège communautaire. Durant leurs permissions de sortir, ils ont reçu une formation pratique sur le chantier de construction et ont été encadrés par un menuisier compagnon d'apprentissage.
Le Pavillon de ressourcement Willow Cree a récemment terminé la construction de la cinquième maison, chacune d'elles ayant été attribuée à une famille méritante et reconnaissante dans le besoin. Le principe spirituel de parenté s'est davantage enraciné dans la vie des délinquants qui ont participé à cette initiative. Il a fait partie intégrante du processus de transformation personnelle du délinquant, qui a mis son temps, son énergie et ses compétences au profit d'une entreprise utile et empreinte de bienveillance. J'ai vu des Autochtones et des non-Autochtones, des délinquants du SCC et des citoyens de la collectivité travailler côte à côte à l'atteinte d'un objectif commun, à savoir aider une famille démunie.
Ce n'est qu'un exemple parmi bien d'autres des façons dont les pavillons de ressourcement s'emploient à concrétiser l'esprit de wahkohtowin en honorant la vision de guérison et en soutenant une réinsertion sociale réussie des délinquants autochtones. Les pavillons de ressourcement ont un potentiel énorme et constituent une composante essentielle pour favoriser des relations saines et un dialogue constructif avec les collectivités autochtones.
Je vous remercie de votre attention et je suis maintenant prêt à répondre à toutes vos questions.
Merci pour vos observations préliminaires.
Nous cédons la parole à Pam Damoff qui dispose de sept minutes.
Merci à nos deux témoins de leur présence aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à M. Michael.
J'ai entendu dire que le placement à l'extérieur est le meilleur gage de réussite pour un détenu. Lorsqu'un tel placement est couronné de succès, cela augure très bien pour le moment où le détenu quittera définitivement le pavillon de ressourcement ou la prison. On m'a toutefois aussi parlé des formalités administratives qui représentent autant d'obstacles bien concrets pour un employeur qui souhaite accueillir un détenu. La démarche peut en effet être très longue et ardue.
Croyez-vous qu'il serait avantageux de renoncer à certaines de ces formalités administratives de telle sorte que le détenu et l'employeur puissent bénéficier plus rapidement d'un placement à l'extérieur?
Je suis convaincu que toutes les mesures pouvant être prises pour faciliter la réintégration progressive des délinquants dans la collectivité sont extrêmement avantageuses. Le placement à l'extérieur est assurément une façon d'y parvenir, car il permet au détenu d'acquérir des compétences cruciales grâce auxquelles il sera prêt, dès sa remise en liberté, à trouver un emploi pour subvenir à ses besoins et contribuer de nouveau au bien-être de sa collectivité. Toute mesure susceptible de faciliter ce processus est donc à mon avis très bénéfique pour les hommes et les femmes auprès desquels nous travaillons qui peuvent ainsi mieux se réintégrer dans leur communauté.
Merci.
J'ai une question pour vous, madame Parkes. Vous avez beaucoup parlé des peines minimales obligatoires. J'aime à penser que pour lutter efficacement contre la criminalité, il serait préférable de renoncer aux peines minimales obligatoires. Ainsi, plutôt que d'incarcérer une femme dans un établissement à sécurité maximale où elle pourrait être exposée aux gangs et aux drogues, on ferait mieux de lui offrir des services et des programmes de telle sorte qu'elle ait de meilleures chances, au moment de sa remise en liberté, de devenir un membre productif de la société.
Ne convenez-vous pas avec moi que les établissements à sécurité maximale deviennent parfois de véritables écoles du crime?
C'est assurément la réalité que nous révèlent les informations à notre disposition, surtout dans le cas des prisons pour femmes.
C'est bien beau d'entendre parler des possibilités qu'offrent des programmes comme Habitat pour l'humanité et le placement à l'extérieur, mais j'ai dû faire un constat très différent à l'Établissement de la vallée du Fraser, une prison fédérale pour femmes que j'ai visitée deux fois au cours des six dernières semaines. Pour presque toutes les détenues de l'aile à sécurité minimale, le placement à l'extérieur n'est pas chose possible. C'est une option qui existe en théorie, mais pas dans la pratique.
Je dois répondre par l'affirmative à votre question. Nous avons une majorité de femmes autochtones qui sont parquées dans des prisons à sécurité maximale à l'intérieur desquelles on leur réserve des unités distinctes. Il y a bien quelques programmes qui fonctionnent ici et là, mais la plupart de ces femmes n'ont pas vraiment accès à des interventions du type counseling post-traumatique, formation professionnelle ou éducation. Certains programmes semblables sont offerts, mais c'est loin d'être suffisant, ce qui mine d'autant leurs chances de réintégration.
C'est un peu là où je voulais en venir à la fin de mes observations. Comme les besoins et les déficits à combler ainsi que les problèmes à régler sont si nombreux pour les femmes autochtones, leur plan correctionnel prend la forme d'une liste de mesures à prendre qui est si longue qu'il devient impossible de tout faire. Leur libération conditionnelle est ainsi retardée. Un nombre inquiétant d'entre elles doivent renoncer à cette libération et même à l'examen préalable du fait qu'elles n'obtiennent tout simplement pas les services dont elles ont besoin dans l'établissement.
Selon moi, si nous pouvions consacrer une portion plus considérable des sommes disponibles à une bonification des mesures d'intégration communautaire, comme les placements à l'extérieur, nos résultats seraient nettement meilleurs.
Un agent de libération conditionnelle me parlait de l'insuffisance des mesures de soutien offertes dans la collectivité lorsque les délinquants autochtones sont remis en liberté. Trop souvent, ces délinquants se retrouvent sans logement et sans emploi, si bien qu'ils doivent se diriger vers un refuge pour sans-abri et risquent de s'écarter du droit chemin. Ils n'ont tout simplement pas accès à l'aide que bien d'autres obtiennent de leur famille et de leurs amis. Dans certains cas, les liens familiaux ont été rompus; d'autres ont quitté très jeunes leur réserve pour aller tenter leur chance en ville. D'une manière ou d'une autre, ils n'ont pas accès au soutien nécessaire.
Estimez-vous que ce soutien est essentiel à une remise en liberté réussie?
Oui, absolument. Il existe déjà des mécanismes législatifs prévoyant un soutien semblable. En vertu de l'article 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, les collectivités autochtones ont la possibilité de soumettre un plan pour la réintégration de l'un de leurs membres, autant en milieu urbain que dans une réserve. Il arrive que certains choisissent de retourner dans leur réserve, notamment pour les raisons que vous avez évoquées. Cependant, comme la plupart décident de demeurer en ville après leur libération, il y aurait lieu de transférer des ressources aux nombreux centres de services auxquels ils peuvent s'adresser en milieu urbain.
En l'absence de ressources suffisantes, tout effort est voué à l'échec. Nous savons qu'il y a un manque de logements abordables et nous sommes conscients des difficultés que peuvent éprouver même les personnes qui n'ont pas de casier judiciaire et un passé de détenu. Il est donc aisé de comprendre à quel point la situation peut être encore plus problématique pour ces femmes.
On a effectivement besoin de ressources supplémentaires. Nous savons qu'il en coûte plus de 200 000 $ par année pour incarcérer une femme dans une prison fédérale, et que ce montant est encore plus élevé pour les établissements à sécurité maximale. Où sont les ressources nécessaires pour rééquilibrer les choses afin de permettre l'application des plans de libération prévus à l'article 84 de manière beaucoup plus créative et souple qu'actuellement? Il y a certains efforts qui sont déployés, mais c'est principalement par l'entremise des maisons de transition déjà existantes qui ont un nombre limité de places. Il nous faut investir davantage dans des mesures de soutien à la libération comme celles que vous suggérez.
Monsieur Michael, vous travaillez depuis longtemps dans le secteur des services correctionnels. Pouvez-vous nous dire rapidement quelles seraient vos principales recommandations pour contrer le phénomène de la surreprésentation des femmes autochtones?
Il faudrait d'abord continuer à favoriser le dialogue avec les collectivités autochtones. Dans bien des cas, ces collectivités détiennent les solutions aux problèmes qui se posent. Il faut donc surtout chercher à maintenir et faciliter le dialogue avec ces collectivités afin de pouvoir bénéficier de leurs idées et de leurs points de vue quant aux moyens à mettre en oeuvre pour nous attaquer aux problèmes les plus criants.
Madame Parkes, pourriez-vous nous indiquer quel genre de crime une personne doit commettre pour se voir imposer une peine minimale obligatoire?
Je ne sais pas si mes chiffres sont à jour, mais le Code criminel prévoit quelque chose comme 75 situations où une peine minimale obligatoire peut être imposée. Il s'agit de crimes de toutes sortes, allant des infractions liées aux stupéfiants jusqu'aux agressions graves.
Je parlais de la peine d'emprisonnement à perpétuité obligatoire pour les homicides intentionnels, ce qui peut comprendre, comme je l'indiquais, des situations impliquant la responsabilité civile et un large éventail de scénarios différents.
Merci.
Ma prochaine question s'adresse à M. Michael.
Pourriez-vous me dire quel est le coût annuel moyen pour un détenu dans un pavillon de ressourcement?
Je n'ai malheureusement pas ces chiffres en main, mais nous pourrons certes vous transmettre une ventilation des coûts.
Merci beaucoup. Ces chiffres nous permettraient d'établir des comparaisons avec ceux des prisons fédérales que nous connaissons, ce qui nous serait d'une grande utilité.
Merci.
De nombreux témoins nous ont fait valoir les avantages des obligations à impact social. Il s'agit essentiellement pour le gouvernement d'investir des fonds dans une organisation ou une initiative en sachant que des progrès pourront ainsi être réalisés. C'est une mesure qui est fortement axée sur les résultats. Ceux-ci sont évalués une fois que l'argent est versé. Si le programme ou l'initiative se révèle efficace, il n'est pas rare que des fonds supplémentaires lui soient octroyés.
Du côté de la prévention, différentes initiatives ont été menées au pays pour faire en sorte que les femmes autochtones obtiennent le soutien nécessaire pour pouvoir s'épanouir pleinement. Je me demandais si des mesures semblables pourraient donner des résultats dans le contexte d'un pavillon de ressourcement.
Je pense qu'il vaudrait la peine de se pencher sur cette possibilité. Je n'en connais pas suffisamment au sujet des obligations à impact social pour vous donner une réponse très éclairée, mais je dirais que cela mérite un examen plus approfondi.
Je me demande en fait si le jeu en vaudrait la chandelle. Vaut-il la peine d'investir davantage dans des initiatives semblables dans les pavillons de ressourcement et les collectivités, plutôt que de continuer à essayer d'améliorer par ailleurs notre système correctionnel?
Toutes les ressources additionnelles seraient d'un grand secours pour les pavillons de ressourcement et les organisations autochtones qui ont à coeur de faciliter la réintégration des délinquants autochtones. Je suis persuadé que cela pourrait être bénéfique.
Vous avez parlé d'un programme où des membres de la collectivité travaillent de pair avec les détenus du pavillon de ressourcement à la construction de maisons. Y a-t-il d'autres exemples d'initiatives de travail ou de projets communautaires qui permettent une collaboration de la sorte entre membres de la collectivité des détenus d'un pavillon de ressourcement pour le mieux-être de tous?
Je dirais qu'il y en a effectivement. Je peux vous parler de ce qui se fait au Pavillon de ressourcement Willow Cree. Nous travaillons en partenariat avec la nation crie Beardy et Okemasis ainsi que la communauté locale pour offrir différents services à la population. Nos détenus autochtones, les nîcisânak, sortent ainsi du pavillon de ressourcement pour aller offrir différents services communautaires. C'est autant d'occasions pour eux de redonner à leur collectivité de façon positive conformément aux valeurs ancestrales de partage et de parenté.
Je crois donc effectivement que les différents pavillons de ressourcement sont engagés dans de nombreuses initiatives semblables dont la teneur varie en fonction de la conjoncture locale et des relations établies avec les intervenants communautaires.
À titre d'exemple, nous offrons du soutien à différents égards, et notamment aux aînés de notre collectivité. Il arrive effectivement que les aînés de la Première Nation locale aient besoin d'aide de temps à autre pour différentes choses. Nous nous assurons alors de faire le nécessaire. Nous avons même pu contribuer ainsi à des travaux de rénovation essentiels, ce qui a permis à nos détenus de mettre en application leur formation en construction.
Ce sont donc d'autres possibilités que nous avons su exploiter.
C'est vraiment formidable. Vous parlez de ces détenus qui sortent pour des travaux de construction, et j'aimerais savoir s'il y a aussi des femmes qui participent à ces initiatives.
Je peux vous parler seulement de la situation pour mon pavillon de ressourcement. À ma connaissance, nous sommes pour l'instant le seul à participer à des projets semblables. Comme je l'indiquais, les autres pavillons mènent leurs propres initiatives en fonction des partenariats et des liens établis avec la communauté locale.
Est-ce que votre pavillon de ressourcement accueille seulement des détenus masculins, ou bien est-ce que la population est mixte?
D'accord, merci. C'est une précision importante.
Pourriez-vous nous parler un peu de l'importance du rôle de la collectivité autochtone pour aider les individus qui sortent de prison à se reprendre en main, à s'intégrer et à s'épanouir pleinement en menant une vie active?
Notre pavillon de ressourcement peut compter sur un bon bassin de bénévoles, ce qui est la clé de notre réussite. Certains bénévoles viennent au pavillon pour appuyer nos détenus dans leur processus de réintégration. Ils peuvent alors servir d'escorte ou offrir différentes formes de soutien. Ce sont eux qui accompagnent les détenus dans la collectivité durant une permission de sortir. Ils leur servent de modèle à suivre pour bien fonctionner dans la collectivité et les aident à renouer les liens nécessaires, toujours à la faveur des permissions de sortir. Il y a aussi d'autres modes d'intervention, mais c'est assurément un bon exemple de notre processus d'engagement.
Merci, madame la présidente.
Merci aussi aux deux témoins. Je vais me concentrer sur le témoin de l'Université de la Colombie-Britannique, Debra Parkes.
Nous essayons d'assurer le suivi de la mise en oeuvre des recommandations de la Commission de vérité et réconciliation qui étaient très claires au sujet de l'accès à un système de justice autochtone. Je fais référence à l'appel à l'action no 42 de la Commission de vérité et réconciliation:
Nous demandons aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de s’engager à reconnaître et à mettre en oeuvre un système de justice autochtone qui soit compatible avec les droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones, en plus d’être conforme à la Loi constitutionnelle de 1982 et à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones à laquelle le Canada a adhéré en novembre 2012.
Selon votre expérience, des progrès ont-ils été réalisés dans ce domaine depuis que les appels à l'action ont été publiés en 2015?
Malheureusement, pas vraiment lorsque nous examinons la situation en ce qui a trait au moins aux femmes autochtones et aux initiatives du Service correctionnel du Canada et du gouvernement relativement à la justice autochtone en vue de régler le problème de surreprésentation des femmes autochtones en milieu carcéral.
M. Michael en a parlé, mais il y a évidemment de nombreuses communautés autochtones qui modernisent leurs pratiques juridiques autochtones; il y a beaucoup de bonnes choses qui se font dans les communautés.
Ce que je ne vois pas, et peut-être que d'autres témoins vous en parleront, et je souhaite vraiment que ce soit vrai... Ce que j'ai constaté dans mon travail ici en Colombie-Britannique dans la vallée du Fraser et au Manitoba, lorsque j'y ai travaillé au cours des dernières années, c'est qu'il n'y a vraiment pas grand-chose qui est fait pour transférer des ressources suffisantes à ces communautés et mettre en oeuvre des initiatives en matière de justice communautaire qui permettent, par exemple, de sortir des gens du milieu carcéral ou de déterminer les peines à imposer aux délinquants, en particulier dans le cas des femmes autochtones.
Je crois qu'il y a beaucoup de pain sur la planche. Des communautés souhaitent le faire, mais cet élément n'a pas été la priorité, mis à part dans quelques rares exceptions. Malheureusement, il ne manque jamais d'argent pour les services correctionnels. Je crois que c'est malheureux, parce que nous ratons une occasion de transférer une partie de ces ressources aux communautés.
Je représente une circonscription de la Colombie-Britannique, et nous voyons en particulier dans cette province et également partout au pays des organismes autochtones transformer le système d'aide à la jeunesse ou réaliser d'importants progrès dans plusieurs cas. Nous avons encore une démarche gouvernementale paternaliste qui n'élimine pas nécessairement les obstacles entravant ces réussites et qui ne laisse pas le champ libre à ces organismes.
La semaine dernière, nous avons entendu le témoignage de représentantes de l'Association des femmes autochtones du Canada, et voici leur citation percutante: « [...] le passé colonial du Canada a instauré un véritable climat et une véritable culture de méfiance, qui font que les Autochtones, hommes et femmes, ne se reconnaissent pas dans le système de justice. »
Je crois que ce thème a été repris dans votre document qui vient d'être publié ce mois-ci; le titre de ce document de discussion est « Toward Abolishing the Mandatory Life Sentence and Parole Ineligibility Periods for Murder ». Mon excellente équipe m'a expliqué que vous avez écrit que certaines femmes autochtones acceptent de négocier un plaidoyer avec la Couronne au lieu de plaider leur cause devant les tribunaux en raison du peu de confiance qu'elles ont à l'égard du système de justice et que cela peut mener à des peines plus longues et plus sévères.
Pouvez-vous nous faire part de vos observations à ce sujet?
Oui. Cela se manifeste actuellement de manière évidente, et vous l'avez vu dans le rapport de la Commission d'enquête sur l'administration de la justice et les Autochtones en 1991. Vous l'avez vu dans le rapport de la juge Lynn Ratushny sur l'Examen de la légitime défense à la suite d'une décision de la Cour suprême qui a modifié les règles régissant la légitime défense pour reconnaître qu'une femme peut tuer son partenaire violent en légitime défense, par exemple.
Vous avez commencé à le voir, étant donné que la peine minimale obligatoire pour meurtre est l'emprisonnement à perpétuité, et c'est un outil très puissant à la disposition des procureurs. Les Autochtones sont plus susceptibles, en particulier les femmes autochtones, de plaider coupable à une accusation d'homicide involontaire ou même de meurtre au deuxième degré pour obtenir la peine la plus clémente qu'ils peuvent espérer avoir en négociant un plaidoyer, même lorsqu'ils ont une défense très valide et très solide. Mme Elizabeth Sheehy de l'Université d'Ottawa l'a démontré dans bon nombre de dossiers.
Cela découle du manque de confiance à l'égard du système de justice. Cela s'explique, parce que les personnes ne veulent pas faire témoigner leurs enfants lors d'un procès pour homicide dans le contexte d'une relation conjugale. J'ai entendu très souvent des femmes en prison me dire qu'elles ont plaidé coupable, parce qu'elles ne voulaient pas que leurs enfants soient appelés à témoigner lors du procès. Diverses raisons poussent des mères et des femmes à plaider coupable.
Les données probantes sont assez claires maintenant que les peines minimales obligatoires pour meurtre affectent ainsi de manière disproportionnée les femmes. Je crois que le manque de confiance fait partie du problème, mais il y a aussi de nombreux autres facteurs.
Le Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a expressément demandé dans son rapport l'an dernier ou il y a deux ans d'offrir du soutien aux femmes autochtones et d'accroître le financement au Canada pour l'aide juridique en matière civile et, plus particulièrement, de réserver des fonds à cette aide dans le Transfert canadien en matière de programmes sociaux pour garantir l'accès des femmes, en particulier les femmes victimes de violence, les femmes autochtones et les femmes handicapées, à une aide juridique adaptée partout au pays. Avez-vous constaté une amélioration de l'accès à l'aide juridique pour ces femmes?
Non, en fait. Des exigences constitutionnelles garantissent un certain niveau d'aide juridique en matière criminelle, mais nous constatons que les femmes doivent souvent composer avec des questions relevant du droit de la famille, comme des enjeux relatifs à la garde et au droit de visite, et qu'elles ont été victimes de violence. Bref, les fonds qu'affecte le gouvernement fédéral à l'aide juridique n'ont pas évolué au même rythme que les besoins à l'échelle nationale. La vaste majorité du financement provient des provinces, et ce comité et d'autres affirment, dans leurs recommandations, que le gouvernement fédéral doit réinvestir dans l'aide juridique, y compris l'aide juridique en matière civile, dont les femmes ont besoin de manière disproportionnée.
C'est principalement laissé entre les mains des provinces. En Colombie-Britannique, par exemple, comme vous le savez probablement, le gouvernement provincial a grandement réduit les fonds affectés à l'aide juridique en 2002. Nous ne nous en sommes pas encore remis. Ces compressions ont créé d'énormes lacunes en matière d'accès à la justice pour les femmes en Colombie-Britannique et dans d'autres provinces également. L'aide juridique en matière criminelle est toujours financée en raison des exigences constitutionnelles à cet égard, mais le manque d'aide juridique adéquate en matière criminelle cause d'énormes problèmes. J'aimerais aussi ajouter qu'il va sans dire qu'il n'y a pratiquement pas de financement pour l'aide juridique en matière de droit carcéral dans ces provinces.
Madame Parkes, merci beaucoup.
La parole est maintenant à Bernadette Jordan. Vous avez sept minutes.
Merci, madame la présidente, et merci aux témoins de leur présence ici aujourd'hui.
Monsieur Michael, je vais commencer par vous. Nous avons beaucoup entendu parler du succès des pavillons de ressourcement. Je suis de la côte Est, et les gens ne peuvent pas avoir accès à un pavillon de ressourcement dans notre région. Outre les pavillons de ressourcement, connaissez-vous d'autres programmes ou d'autres manières pour les gens de participer à une cérémonie de guérison adaptée à la culture ou de trouver une voie à suivre en ce sens durant leur emprisonnement?
Des aînés autochtones travaillent depuis des années maintenant dans des établissements du Service correctionnel du Canada, et je sais que des établissements ont aussi des unités des Sentiers autochtones qui préparent les délinquants autochtones à une réintégration graduelle. Le Pavillon de ressourcement Willow Cree, par exemple, accueille aussi des délinquants autochtones transférés des unités des Sentiers autochtones. Ces unités y préparent souvent très bien les délinquants autochtones.
Bref, oui, je crois comprendre que des établissements du Service correctionnel du Canada ont des unités des Sentiers autochtones où des délinquants autochtones ont l'occasion de participer à des cérémonies autochtones et à des pratiques culturelles sous la direction d'aînés autochtones.
Vous avez parlé dans votre exposé, et j'ai trouvé cela très intéressant, de la formation pertinente, la formation en emploi dans le domaine de la construction, offerte aux gens dans le pavillon de ressourcement. Est-ce pour vous un élément indispensable à la réussite de leur réinsertion sociale lorsqu'ils quittent le pavillon?
C'est le cas, oui. C'est un élément très important. À notre pavillon de ressourcement, par exemple, nous avons connu des succès incroyables grâce à cette initiative, et c'est une initiative que nous pouvons continuer de bonifier.
Les disparités socio-économiques avec lesquelles sont aux prises les Autochtones sont très profondes. Beaucoup d'hommes incarcérés ont besoin de ce coup de pouce supplémentaire en matière de formation et de compétences à l'emploi pour les préparer à leur remise en liberté.
Je trouve intéressant que vous ayez la possibilité de les faire encadrer par un compagnon charpentier et qu'ils puissent construire des maisons au sein de la collectivité dans le cadre de l'initiative Habitat pour l'humanité.
Des témoins nous ont dit que l'expérience de travail des femmes se résume à fabriquer des sous-vêtements pour les hommes en prison, ou à faire des arrangements floraux. Ce ne sont pas exactement des expériences de travail intéressantes qui les aident à leur sortie, et qui les aident vraiment à leur réinsertion sociale, alors merci d'avoir mis en lumière le fait que les hommes ont accès à des expériences de travail un peu plus utiles que les femmes.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Parkes. Vous avez mentionné trois demandes, faute d'un autre mot, importantes pour vous qui touchent les peines minimales obligatoires, les possibilités de libération dans la collectivité, et l'analyse Gladue... Dites-vous qu'il faudrait mettre cela à la poubelle? Des témoins nous ont dit qu'il y avait trop peu de rédacteurs de rapports Gladue, et qu'en raison de l'arriéré, les rapports ne sont pas rédigés comme il le devrait et deviennent plus un obstacle qu'ils ne servent leur but.
J'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus votre point de vue sur l'analyse Gladue.
Je ne dis pas du tout qu'il faut la mettre à la poubelle. En fait, il faudrait la rendre utile. Le problème qui s'est produit au sujet de la détermination de la peine, de la libération sous caution et de tout le processus de décision correctionnelle... La question du risque — le risque de récidive et le risque criminogène — est ce sur quoi les décideurs se concentrent au bout du compte. Quand on additionne les facteurs sociohistoriques... L'analyse Gladue vise autre chose. Elle vise à mettre en évidence le contexte et la personne, et ce qu'on peut faire de différent pour la personne, et comment on peut emprunter une autre voie. Mais souvent, cela a une autre conséquence.
Je pense qu'il faut penser autrement. On revient à la question des possibilités de libération dans la collectivité et de la planification correctionnelle pour que les femmes autochtones aient accès à la libération conditionnelle en temps opportun — comme elles y ont droit dans la loi. Pour y arriver, il faut que le personnel au sein du système correctionnel ait la formation, les orientations et, essentiellement, la motivation et les encouragements nécessaires pour axer tous ses efforts sur la façon d'amener la personne dans une direction, et non pas se demander quels sont les obstacles. Il y a beaucoup de gens passionnés. Ce n'est pas là le problème. Le problème est que les ressources et les efforts ne sont pas axés sur la libération dans la collectivité. C'est toujours une considération secondaire après qu'on se soit interrogé sur les risques, la collectivité et la sécurité publique.
Bien sûr, il faut mettre tout cela dans la balance, mais quand on examine, par exemple, comment fonctionne la libération conditionnelle au pays, on se rend compte que ce n'est pas comme c'était prévu dans la loi. Selon la dernière étude dont j'ai pris connaissance, la libération conditionnelle n'est accordée que si les services correctionnels appuient la demande. Selon les dernières données, seulement 2 % des détenus obtiennent une libération conditionnelle sans l'appui explicite du personnel de SCC. C'est pourquoi les femmes autochtones y renoncent. Elles ne bénéficient pas de cet appui, et elles n'ont pas un accès en temps opportun aux programmes qui répondent à tous leurs besoins recensés. C'est pourquoi elles n'ont pas accès à la libération conditionnelle, et c'est pourquoi elles doivent attendre la libération d'office ou, dans certains cas, la fin de leur peine, ce qui nuit à la sécurité publique ou à leur réinsertion sociale.
J'aimerais revenir à l'analyse Gladue et aux rapports Gladue. Nous avons entendu dire qu'il y a un arriéré et que les rédacteurs n'ont pas le temps de bien les préparer. Nous savons ce que vous recommandez au sujet des peines minimales obligatoires et des possibilités de libération dans la collectivité, mais qu'en est-il de l'analyse Gladue? Serait-ce de l'étoffer davantage ou de la réorganiser? Il ne faut pas la mettre aux poubelles, de toute évidence, mais que faut-il faire pour que cela fonctionne?
Il faudrait que plus de ressources soient consacrées aux rapports Gladue, car lorsqu'ils sont préparés en respectant l'intention, c'est-à-dire la meilleure option pour une personne, ils sont en fait très utiles. Dans la plupart des provinces, toutefois, les rapports Gladue sont intégrés aux rapports présentenciels, qui sont axés sur les risques, encore une fois. Dans la plupart des provinces au pays, au lieu d'avoir un rapport Gladue séparé et axé sur la meilleure option pour une personne, au lieu d'innover, de décider où allouer des ressources, et ce qu'on peut faire différemment... Ce n'est pas ce qui se produit le plus souvent. C'est basé sur le modèle du risque dans le rapport présentenciel.
Merci de m'avoir demandé de clarifier ce point.
Excellent. Merci beaucoup.
Nous entamons maintenant notre deuxième série de questions, et Stephanie Kusie a la parole pendant cinq minutes.
Merci, madame la présidente.
Madame Parkes, je vais commencer par vous.
Les trois éléments que vous avez mentionnés — les peines minimales obligatoires, l'article 718, et les possibilités de libération dans la collectivité — me semblent tous pointer dans la direction de l'autodétermination et de l'autonomie gouvernementale, un thème relativement récurrent au cours des dernières semaines de témoignages.
À votre avis, quelles seraient les procédures idéales pour la détermination de la peine et la réinsertion sociale? C'est une question à deux volets. En plus des procédures idéales, comment devrait-on s'y prendre pour amener le système correctionnel dans cette direction? À titre d'exemple, on est passé historiquement de l'incarcération des femmes, aux pavillons de ressourcement, et maintenant on semble se diriger vers les possibilités de libération dans la collectivité. Pourriez-vous nous dire, à votre avis, quelles seraient les procédures idéales, et comment amener le système dans cette direction?
C'est une excellente question.
J'aimerais simplement apporter une précision. La plupart des femmes n'ont pas accès aux pavillons de ressourcement. Elles n'y ont pas accès.
Il y a un pavillon de ressourcement pour les femmes dirigé par SCC, Okimaw Ohci, puis, à ma connaissance, il y a un pavillon visé à l'article 81 faisant l'objet d'une entente contractuelle qui accueille des femmes. M. Michael pourrait avoir d'autres renseignements.
On pourrait commencer par en faire une véritable option pour les femmes, mais comme je l'ai mentionné, les outils sont dans la loi, les articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Tous les outils législatifs sont là. Dans ces articles, on mentionne que si une personne purge une peine ou qu'elle est mise en liberté dans la collectivité ou qu'elle est admissible à une mise en liberté conditionnelle dans la collectivité, la collectivité autochtone, qu'elle se trouve dans une réserve ou en milieu urbain — plutôt un amalgame d'organismes de ressources dans ce cas — peut mettre en place un plan, financé par des fonds fédéraux, pour permettre à la personne de vivre dans la collectivité. C'est la voie qu'il faut emprunter. Il n'est même pas nécessaire de modifier la loi.
Il faudrait aussi financer cela adéquatement et laisser les gens... J'étais à l'Établissement de la vallée du Fraser dernièrement, comme je l'ai mentionné, où j'ai discuté avec des femmes condamnées à perpétuité. Elles étaient toutes autochtones, sauf une, et elles n'étaient pas au courant de l'article 84 et de la possibilité de libération dans leur collectivité. Une femme avait fait la recherche, en fait, et voulait faire des démarches en ce sens, mais elle avait bien peu de soutien. C'est donc un élément.
Pour ce qui est de la détermination de la peine, il faudrait réorienter le tout, supprimer, dans l'ensemble, les peines obligatoires, et redonner le pouvoir discrétionnaire aux juges pour s'en éloigner. Même si on devait les considérer comme des peines présomptives, dans le cas des femmes, il existe mille raisons qui font qu'elles ne sont pas adaptées à leurs besoins. Il faut que les mesures soient adaptées. Ce serait un début pour ces deux éléments.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, ou si j'en oublie une partie.
Non, vous y avez répondu. Elle portait sur la procédure idéale et ce qu'il fallait faire pour y arriver. Vous avez abordé les deux en parlant de la loi existante, ce qui nous ramène, encore une fois, à l'autodétermination. Ce qui est intrinsèque... si je demande un verre d'eau, c'est parce que j'ai besoin et je veux un verre d'eau. Merci de votre réponse.
Monsieur Michael, vous êtes le prochain.
Avez-vous eu l'occasion de visiter un pavillon de ressourcement pour femmes?
Oui, j'ai eu l'occasion de visiter le pavillon Okimaw Ohci à Maple Creek, en Saskatchewan, de la Première Nation Nekaneet, de même que le pavillon visé à l'article 81, Buffalo Sage Wellness House, qui se trouve à Edmonton, en Alberta, et qui est géré par le Native Counselling Services of Alberta. J'ai visité les deux, oui.
Quelles sont les différences les plus frappantes que vous avez remarquées entre les pavillons de ressourcement pour femmes et, dans votre cas particulier, le pavillon de ressourcement Willow Cree. Quelles sont les différences fondamentales du point de vue culturel et dans la façon de les gérer?
Il existe bien sûr des programmes particuliers dans chacun de ces pavillons qui sont destinés à répondre aux besoins précis des femmes autochtones qui s'y trouvent, mais le modèle est assez semblable, c'est-à-dire que l'accent est mis sur les interventions culturelles et les programmes holistiques. Il y a à cet égard de très solides parallèles entre ce qui se fait dans un pavillon pour hommes et dans un pavillon pour femmes. Cela revient à ce que l'on tente d'accomplir, collectivement, dans ces pavillons, soit d'aider les hommes et les femmes autochtones à guérir, à surmonter leurs traumatismes et à se réintégrer dans la collectivité de façon saine et positive. Cela se fait, encore une fois, par l'entremise du modèle de justice réparatrice. Les approches sont très similaires, mais dans les pavillons de ressourcement pour femmes, les programmes sont axés expressément sur leurs besoins.
Merci à tous les deux de vos témoignages cet après-midi. Ils étaient très captivants. Je ne siège pas habituellement à ce comité, alors j'ai trouvé que c'était très intéressant de vous écouter.
Le témoin précédent de la Queen's Prison Law Clinic a parlé de la discrimination policière. Un de vous a parlé du pouvoir discrétionnaire des juges. Que pensez-vous du pouvoir discrétionnaire de la police? Nous avons déjà parlé au sein du Comité de formation obligatoire pour les juges. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la formation obligatoire pour les policiers, et aussi de la nécessité pour les femmes autochtones qui ont des démêlées avec la justice d'avoir quelqu'un pour défendre leurs droits dans le système judiciaire.
Je commence par vous, madame Parkes.
C'est une question très importante. On le voit dans l'enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées. Il y a des points très communs. Comme je l'ai mentionné, les femmes dans le système de justice criminelle sont souvent celles qui finissent par disparaître et être assassinées.
Nous avons de nombreuses preuves aujourd'hui que les femmes et les collectivités autochtones font l'objet de trop, ou de trop peu, de surveillance policière. Quand on parle de discrimination policière, ce dont on parle en réalité, c'est du fait que certaines collectivités sont plus surveillées que d'autres, en particulier si on se trouve dans un centre urbain. J'ai habité à Winnipeg pendant 15 ans, et dans certains quartiers de la ville où il y a beaucoup d'Autochtones, il y a aussi beaucoup de surveillance policière.
Nous avons beaucoup de preuves que lorsqu'une femme autochtone dans une réserve, ou même dans un centre urbain, appelle la police pour obtenir de l'aide dans un cas d'agression, elle risque souvent de voir les accusations se retourner contre elle, ou d'être coaccusée.
Il arrive parfois, bien sûr, que les accusations soient fondées; je ne dis pas qu'elles ne le sont jamais. Voici toutefois ce qu'on constate: les femmes autochtones sont plus susceptibles d'être accusées dans ces situations; elles sont plus susceptibles d'avoir une sanction plus lourde; et comme il arrive souvent que la police ne les protège pas, elles sont plus susceptibles de ne pas l'appeler et de prendre les choses en main. Nous voyons cela également dans les causes impliquant des femmes autochtones.
Je sais que des corps policiers reçoivent de la formation — je ne pense pas que ce ne soit pas le cas —, mais il faudra faire beaucoup plus pour bâtir la confiance et donner aux femmes un sentiment de sécurité dans ces situations. Il reste encore beaucoup à faire.
Merci.
J'ai une question également pour M. Michael au sujet des pavillons de ressourcement.
Y a-t-il des différences dans la participation ou les résultats entre les femmes autochtones qui habitent dans une collectivité rurale et urbaine, et par rapport aux femmes qui habitent dans une réserve ou hors réserve, ou même par rapport aux hommes, parce que je sais que votre expérience est principalement auprès des hommes?
Oui, mon expérience est auprès des hommes.
Ceux qui grandissent dans un centre urbain ont moins de repères culturels. C'est là où les pavillons de ressourcement entrent en jeu. Ils sont très importants, car ils aident une personne, en particulier quand elle grandit dans un centre urbain, à renouer avec sa culture et son système de valeurs traditionnelles, car elle travaille avec des aînés, qui ont ici un rôle très important à jouer: ils doivent aider ces hommes et ces femmes à renouer avec leur culture, à se ressourcer spirituellement, à revitaliser leur culture. C'est le rôle très important que nous jouons.
Pourrais-je savoir si, dans votre approche holistique, la famille joue un rôle? Si un homme ou une femme se trouve dans un pavillon de ressourcement, est-ce que sa famille y joue un rôle? Si vous faites tout ce travail formidable, qui semble merveilleux, en amenant une transformation chez ceux qui se trouvent au pavillon, mais que cela n'inclut pas les membres de la famille, on pourrait penser d'un point de vue sociologique qu'il serait très difficile de continuer le travail formidable que vous avez accompli.
Oui, il joue un rôle, c'est exact.
Les familles peuvent bien sûr leur rendre visite; nous avons un programme de visites. Nous avons aussi ce qu'on appelle des visites familiales privées, dans le cadre desquelles les participants peuvent passer du temps avec leur famille dans un endroit fermé sur les lieux. Il est aussi possible pour eux de s'absenter temporairement pour aller voir leur famille.
Au pavillon de ressourcement, on s'efforce vraiment d'aider les participants à renouer avec leur famille, et d'aider les familles dans leur processus de guérison également.
Merci.
J'aimerais savoir si l'un d'entre vous pourrait commenter le cas très médiatisé l'an dernier de la femme qui a été agressée sexuellement et qui a été incarcérée pendant qu'elle attendait son procès. La femme était autochtone.
Oui, cela s'est passé en Alberta.
Une enquête est en cours sur les agissements de la Couronne dans ce dossier. C'est la Couronne qui avait pris la décision de l'incarcérer, et elle a été transportée dans la même camionnette que son présumé agresseur. D'énormes enjeux sont associés à cela.
Cela nous ramène un peu à votre question plus tôt au sujet du besoin de formation à tous les niveaux du système de justice, et des présupposés voulant que les femmes autochtones soient dangereuses, violentes, et des femmes dont il faut se protéger, et dans ce cas, en oubliant que la femme n'était pas en fait l'accusée, mais bien la victime. Je pense que les présupposés sont fortement ancrés au sujet de ces femmes.
J'aimerais remercier nos invités aujourd'hui. J'aimerais remercier Debra Parks et Eric Michael d'être venus témoigner. Nous vous en remercions sincèrement.
Avant de terminer la réunion, j'ai informé les deux présidentes et je veux vous aviser que vendredi de la semaine prochaine ne sera pas un jour de séance. La question a été abordée dans d'autres comités, et certains ont décidé de remettre leur réunion à plus tard. Nous avions seulement les affaires du Comité la semaine prochaine, alors nous allons reporter cela au 27. Nous allons prendre une demi-heure pour les affaires du Comité avant d'entreprendre notre rapport sur les femmes et les questions économiques.
Nous nous réunirons mardi, bien sûr. Nous aurons deux groupes de trois témoins. Nous nous reverrons donc mardi.
Allez-y.
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