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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 120 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 5 novembre 2018

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bienvenue à la 120e séance du Comité permanent de la condition féminine.
    Il s'agit d'une séance publique.
    Aujourd'hui, nous allons poursuivre notre étude du réseau de refuges et de maisons de transition pour les femmes et leurs enfants affectés par la violence faite aux femmes et la violence par un partenaire intime.
    Je suis heureuse d'accueillir, par vidéoconférence, Cynthia Drebot, directrice générale du North End Women's Centre.
    Nous accueillons également Jennifer Gagnon, directrice générale de la South Shore Transition House.
    Donna Smith, directrice générale de la Tearmann Society for Abused Women.
    Samantha Lacourse, coordonnatrice du programme A Safe Place, du Victoria Faulkner Women's Centre.
    Merci à toutes de votre présence.
    Madame Drebot, vous avez maintenant sept minutes pour présenter votre exposé.
    Merci beaucoup de m'avoir invitée.
    Comme vous l'avez dit, je m'appelle Cynthia, et je représente le North End Women's Centre, situé à la périphérie nord du centre-ville de Winnipeg. Nous offrons une gamme de programmes aux femmes qui cherchent à prendre leur vie en main, dans le cadre de divers services de soutien. Je vais surtout parler de notre expérience avec les refuges et les maisons de transition, mais aussi de certains défis que nous avons relevés et des lacunes que nous avons constatées.
    Nous ne sommes pas un refuge à proprement parler. Nous sommes un centre pour femmes, mais nous travaillons en étroite collaboration avec les refuges. Nous offrons des séances de counselling individuel et des ateliers de groupe qui répondent à un besoin évident dans les situations de violence familiale. Après leur départ d'un refuge, les femmes doivent souvent suivre des séances de counselling. Notre centre envoie souvent des femmes vers les refuges et vice-versa.
    En plus de nos nombreuses activités de défense des droits et de soutien, nous assurons la liaison entre les femmes et les refuges. Il arrive souvent que des femmes qui subissent de la violence familiale ou conjugale viennent d'abord à notre centre pour nous en parler. Ces femmes souhaitent aller dans un refuge, mais elles ne savent pas comment faire. Nous nous occupons de les mettre en contact avec un refuge.
    Nous offrons 14 lits de transition. Six d'entre eux sont réservés à des femmes qui sont en désintoxication et qui ont besoin d'un endroit où vivre durant cette période parce qu'elles ont l'impression que si elles retournent à la maison, elles n'y arriveront pas. Nous avons également huit lits réservés à des femmes victimes d'exploitation sexuelle ou de traite. Les femmes qui occupent ces lits de transition peuvent vivre avec nous durant une période variant entre un et deux ans.
    Concernant les problèmes de violence familiale et autres, je dirais que certains de nos programmes ciblent une clientèle très précise. Comme je viens de le dire, nos lits de transition sont réservés à des femmes en cure de désintoxication et à des victimes d'exploitation sexuelle et de traite. Cependant, la plupart des femmes qui participent à nos programmes nous disent avoir subi de la violence familiale dans le passé ou en être actuellement victimes. L'un des problèmes que nous constatons, c'est la fréquence de ce phénomène. Il en est question dans tous nos programmes. Nous sommes là depuis 34 ans et, à nos débuts, la violence familiale était pratiquement le seul problème que nous rencontrions. L'élargissement de notre champ d'activités nous a amenées à faire un travail différent, mais nous constatons que la violence familiale demeure un problème important dans l'ensemble de nos programmes.
    L'un des défis auxquels nous sommes confrontées depuis quelque temps, c'est l'augmentation du nombre de personnes pauvres et à faible revenu, surtout parmi les femmes victimes de violence conjugale et les femmes racialisées. Comme nous sommes situés au centre-ville, nous recevons de nombreuses femmes qui vivent dans la pauvreté, avec de très faibles revenus. Les femmes victimes de violence conjugale nous disent souvent: « Je ne peux pas partir, je ne sais pas où aller. J'ai nulle part où aller, même pas dans un refuge. » Elles ont souvent l'impression de ne pas avoir la possibilité de partir. L'argent est un gros obstacle pour elles.
    Nous avons déjà constaté le lien entre la toxicomanie et la violence conjugale exercée durant des années, mais depuis quelque temps, nous constatons une augmentation de la consommation de méthamphétamine. Le problème que cela pose, c'est que bon nombre d'organisations ne veulent pas s'occuper de personnes sous l'influence de cette drogue ou qui en consomment. C'est donc un obstacle de plus, sans parler des problèmes de santé mentale qui sont en hausse.
(1535)
    Pour ce qui est de l'accès aux ressources, je dirais que les processus d'analyse et d'élaboration des politiques ne tiennent souvent pas compte des différences entre les sexes, ce qui rend l'accès aux ressources particulièrement difficile pour les femmes. Par exemple, les politiques relatives à l'itinérance articulées autour du modèle Logement d'abord précisent que les personnes doivent être sans abri depuis six mois pour bénéficier d'un logement.
    Les femmes qui sont dans des situations de violence conjugale ou d'itinérance vont souvent aller à droite et à gauche ou se réfugier chez des amis ou des membres de la famille. Cette situation n'est pas idéale, mais c'est probablement celle qui leur semble la meilleure ou la plus sécuritaire dans les circonstances.
     Concernant les écarts entre l'offre et la demande, je veux simplement souligner qu'à Winnipeg, en particulier, il existe des écarts attribuables à la violence familiale et à d'autres facteurs. Nous avons désespérément besoin d'offrir un espace sécuritaire aux femmes 24 heures sur 24, tous les jours de la semaine. Nous n'avons aucun endroit où elles peuvent venir se réfugier à toute heure, n'importe quel jour de la semaine. Il existe un large éventail de modèles, mais nous n'avons aucun endroit du genre pour les femmes.
    Quand je parle des femmes, j'inclus les femmes trans. En général, ces dernières nous disent qu'elles ne se sentent pas toujours en sécurité lorsqu'elles font appel aux ressources offertes. En raison du manque criant de lits de transition, nous constatons qu'il n'y a aucun endroit pour les femmes qui fuient une situation d'exploitation. L'exploitation est souvent le résultat de la violence familiale subie dans le passé; il se peut également que des femmes deviennent victimes d'exploitation et de traite à l'instigation de leurs partenaires.
    Les logements de transition et les logements abordables...
    Vos sept minutes sont écoulées.
    D'accord, pas de problème. J'avais d'autres points à soulever, mais c'est très bien.
    Si vous avez un point particulier à ajouter qui n'est pas abordé dans le cadre des questions, n'hésitez pas à en informer le Comité après.
    D'accord, c'est ce que je ferai.
    Nous entendrons maintenant la South Shore Transition House Association.
    Jennifer, vous avez sept minutes.
    La South Shore Transition House Association, ou Harbour House, est un refuge de 15 lits qui dessert les comtés de Lunenburg et de Queens, en Nouvelle-Écosse. Nous accueillons des femmes et des enfants, appliquons des protocoles pour les personnes à risque élevé, veillons au respect d'ordonnances de protection d'urgence, offrons des conseils et un soutien en cas de crise, accompagnons des femmes au tribunal et à leur examen médical après une agression sexuelle, offrons des services de counselling à des enfants et des jeunes ainsi que des services de garde d'enfants, d'aiguillage et de défense des droits. Nous allons dans les écoles faire de la sensibilisation. Nous allons également faire de l'information et de la sensibilisation dans les milieux de travail. Nous avons neuf points de services dans nos collectivités.
    Depuis cinq ans, le taux d'utilisation de nos services s'est considérablement accru. Par exemple, la participation à notre programme de liaison auprès des femmes a augmenté de 968 % et la participation à nos programmes destinés aux enfants et aux jeunes dans les écoles, de 883 %. Les appels de détresse ont augmenté de 27 %, les services internes de counselling, de 105,3 % et les services externes de counselling, de 110,1 %. Les femmes se présentent plus souvent au refuge en compagnie de leurs enfants, ce qui représente une augmentation de 111,45 % de notre taux d'occupation. Ce que démontrent ces statistiques, c'est que la participation des membres de la collectivité à nos programmes et nos services est constante et plus fréquente.
    Grâce aux partenariats que nous établissons avec des fournisseurs de services communautaires de la région, nous essayons de minimiser le risque généré par la hausse de la demande à l'égard de nos services, sans avoir l'argent dont nous avons besoin pour financer des postes supplémentaires. Notre organisation compte sur une équipe d'employées de longue date qui possèdent une connaissance inestimable des problèmes de violence faite aux femmes. En revanche, à cause de la fréquentation accrue de nos programmes et nos services, nous avons de la difficulté à fournir les services que notre clientèle est en droit de recevoir. Notre budget de fonctionnement n'a pas augmenté depuis 2015.
    Après avoir assisté à la conférence organisée par Hébergement femmes Canada au printemps dernier et examiné l'avant-projet de rapport, nous constatons que les tendances en matière d'accès aux services d'hébergement dans l'ensemble du Canada sont à la hausse dans toutes les régions. Cela s'explique peut-être par des mouvements comme #MoiAussi, mais surtout par le fait que les gens portent un regard différent sur la violence sexiste. Il semble que ce phénomène ne soit plus considéré comme étant normal.
    Les refuges ne sont pas des solutions symboliques au problème de la violence faite aux femmes, mais ils constituent un maillon essentiel d'un système plus vaste visant à aider les femmes et les enfants en situation de crise. Nous offrons un endroit sûr, accessible 24 heures sur 24, tous les jours de la semaine, pour répondre aux besoins immédiats des femmes. Nos services comprennent des soins de santé, l'établissement de plans de sécurité, des conseils pour les aider à se retrouver dans le dédale du système de justice pénale, un soutien éclairé aux femmes et aux enfants ayant subi un traumatisme et un service d'aiguillage vers un réseau plus large pour les étapes suivantes. Si les femmes n'ont pas un endroit sûr où se réfugier, elles seront certainement plus exposées aux risques.
    Les refuges font partie intégrante des efforts visant à mettre fin à la violence faite aux femmes. Notre objectif est de mettre fin à la violence sexiste. Par le travail que nous accomplissons, nous faisons partie de la solution. Bien entendu, nous mettons fortement l'accent sur les activités de prévention et d'information, bien que nous ayons souvent de la difficulté à les intégrer à nos services de première ligne auprès de notre clientèle. Notre priorité, ce sont les femmes que nous aidons au refuge et dans le cadre de nos programmes de liaison. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, nos services de liaison visent un plus grand nombre de femmes.
    Nous sommes implantés dans la collectivité depuis 31 ans. La forte hausse de l'accès à nos services peut également s'expliquer par une meilleure compréhension de l'importance du travail fait par les refuges. Nous traitons les femmes avec équité, nous comprenons les répercussions de la violence qu'elles subissent et nous leur offrons des services essentiels, non seulement pour les aider à cheminer vers la sécurité, mais dans le cadre de la lutte plus générale visant à mettre fin à la violence sexiste.
    En ce qui concerne les programmes fédéraux et le financement, nous avons corédigé, en mars 2018, une demande de financement avec deux organismes locaux. À ce jour, nous n'avons pas reçu de réponse nous annonçant si notre projet avait été approuvé ou refusé. Nous nous inquiétons également des restrictions imposées quant à l'utilisation des fonds. Cela nous pose un problème. Par exemple, nous avons besoin de plus de personnel pour nos activités de liaison, mais d'après les lignes directrices relatives au financement, l'argent ne peut être utilisé pour financer des programmes déjà en place, ce qui nous empêche de satisfaire l'un de nos besoins les plus criants. Les gens participent à nos programmes et nous devons avoir assez de personnel pour répondre aux demandes des collectivités que nous servons.
    La Société canadienne d'hypothèques et de logement, qui fournit une partie des fonds, nous remboursera jusqu'à 40 % des frais pour les travaux de réparation ou de rénovation des refuges...
(1540)
    Pouvez-vous parler un peu moins vite? Les interprètes ont du mal à écouter et à traduire simultanément.
    D'accord, désolée.
    La Société canadienne d'hypothèques et de logement remboursera jusqu'à 40 % du coût des travaux de réparation ou de rénovation ou des dépenses nouvelles en immobilisations, mais pour une organisation qui arrive à peine à éponger un déficit, il est quasiment impossible de trouver l'autre 60 % des fonds. Il est impossible de recueillir un si gros montant dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse frappée par des taux de chômage élevés et couvrant un vaste territoire.
    Concernant l'écart entre le nombre requis et le nombre réel de lits, un examen des taux d'occupation des refuges peut être incroyablement trompeur. Si une famille occupe deux lits dans une chambre de trois lits, cela fausse le taux d'occupation. Si une famille est logée au refuge, aucune femme seule ne peut être logée dans la même chambre pour des raisons de respect de la vie privée et de sécurité. De plus, si une femme a de graves problèmes de santé, il peut être difficile ou dangereux de lui faire partager une chambre avec d'autres femmes. Notre politique est toutefois de regrouper, dans la mesure du possible, plusieurs femmes seules dans une même chambre.
    Nous n'avons pas de maison de deuxième ou de troisième étape, malgré la demande évidente à cet égard. Si nous avions une maison de transition de deuxième ou de troisième étape, elle afficherait complet aujourd'hui. À défaut d'en avoir, nous gardons les femmes plus longtemps dans les refuges, puisqu'il n'y a pas de logements sécuritaires et abordables de disponibles dans notre région. Certaines femmes ont quitté notre refuge pour aller vivre dans des logements insalubres, par exemple dans des appartements avec des planchers en contreplaqué ou dans des maisons de chambres abritant des hommes, ce qui pose un grave problème de sécurité pour des femmes victimes de violence conjugale. Beaucoup de ces chambres ne se verrouillent ni de l'intérieur ni de l'extérieur, ce qui accroît le sentiment d'insécurité des femmes lorsqu'elles sont dans leur chambre ou dans la collectivité.
    Le fait que le personnel des refuges se limite à une seule personne est très préoccupant. L'employée doit répondre à la ligne téléphonique de crise, s'occuper de la clientèle sur place, laisser entrer et sortir les gens, surveiller la sécurité dans l'ensemble du refuge, s'occuper des admissions et des départs, assurer la liaison avec les partenaires communautaires et participer aux discussions sur les cas, tout en essayant d'offrir des séances de counselling et de préparer des évaluations et des plans de sécurité. Les séances sont constamment interrompues, ce qui ne permet pas d'assurer la continuité du rapport de counselling.
    Voici les solutions que je propose:
    Réagir à la hausse de la demande en matière de services en revoyant à la hausse le montant du financement de base offert aux refuges.
    Financer l'embauche d'une deuxième personne dans les refuges afin d'assurer le suivi des rapports de counselling et de la planification des cas. Cette mesure permettrait également d'abréger la durée des séjours et de répondre à tous les besoins du refuge.
    Verser des fonds aux refuges pour les aider à mettre en place des maisons de transition de deuxième et de troisième étapes dans les régions du Canada.
    Examiner les données actuelles sur les refuges ainsi que les résultats des programmes et des services.
    Créer un canal de communication clair et rapide en ce qui concerne les affectations de fonds et les approbations ou les refus de projets.
    Je vous remercie.
(1545)
    Merci beaucoup.
    Nous entendrons maintenant Donna Smith, de la Tearmann Society for Abused Women.
    Vous avez sept minutes.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de participer à votre étude sur les refuges et les maisons de transition qui desservent les femmes et leurs enfants affectés par la violence faite aux femmes et la violence par un partenaire intime. La Tearmann Society for Abused Women, communément appelée Tearmann House, est un refuge de 15 lits offrant des services similaires à ceux offerts par nos maisons d'hébergement soeurs de la province, et dont a parlé ma collègue Jennifer Gagnon de la Harbour House.
    Je tiens à souligner que la Tearmann House et la Harbour House sont membres de la Transition House Association of Nova Scotia, qui regroupe 7 maisons de transition, 1 organisation de liaison et 2 centres de guérison, desservant 12 localités de la Nouvelle-Écosse. Je vais m'attarder au travail de première ligne dans la lutte contre la violence contre les femmes et à la portée de votre étude.
    À la Tearmann House — et je suppose que c'est la même chose dans tous les refuges de la province —, nous fonctionnons généralement au maximum de notre capacité, ou presque. Depuis janvier dernier, nous avons accueilli 78 femmes et 44 enfants, ce qui porte notre taux d'occupation à 70 %. Si une femme a besoin de nos services et que nous affichons complet, nous lui offrons de passer la nuit dans notre salon et le lendemain, nous examinerons les diverses options qui s'offrent à elle. Les refuges qui affichent complet appellent souvent d'autres refuges de la région pour savoir s'ils ont des lits de disponibles. Le cas échéant, les femmes et leurs enfants iront parfois séjourner temporairement dans un autre refuge. Je sais que dans les milieux urbains et dans certaines régions rurales du pays, il n'y a tout simplement pas assez de lits ou de refuges pour répondre aux besoins des femmes en quête de sécurité, en particulier dans nos communautés autochtones du Nord, comme Lyda Fuller l'a clairement expliqué dans son exposé.
    Qu'ils fonctionnent au maximum de leur capacité ou non, les refuges n'ont souvent qu'une seule employée en service et ils doivent répondre à une demande accrue de la part de femmes aux prises avec un traumatisme complexe, des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie. Dans notre collectivité, les changements apportés dans les services de santé mentale, par exemple la fermeture d'une unité de court séjour, ont entraîné une augmentation du nombre de personnes envoyées par les hôpitaux. Le transfert du traitement des traumatismes du système de soins de santé aux organisations communautaires, sans leur offrir de ressources supplémentaires, a créé un fossé encore plus profond pour les femmes souffrant d'un traumatisme, de même qu'un besoin en matière d'intervention pour prévenir le suicide et de mesures de soutien en santé mentale.
    Les femmes passent au triage et à l'évaluation et sont ensuite renvoyées vers les refuges. Le personnel des refuges a recours à une approche éclairée en matière de traumatisme et va rencontrer les femmes là où elles se trouvent. C'est rendre un mauvais service aux femmes qui arrivent et séjournent dans un refuge, de leur expliquer que nous n'avons pas les ressources cliniques pour traiter efficacement le traumatisme complexe qu'elles vivent ou pour les soutenir dans leur épreuve. Si nous pouvions doubler notre personnel, à tout le moins, pour assurer le bien-être physique et mental des femmes et de leurs enfants, et recourir aux services de thérapeutes cliniques, nous pourrions alors répondre efficacement aux besoins des personnes vivant un traumatisme et réduire les répercussions à long terme du traumatisme.
    La violence a également des répercussions sur les enfants qui manifestent parfois un comportement agressif et violent et qui ont besoin en permanence de mesures de soutien adaptées à leur traumatisme. La sécurité et la prise en compte des besoins des enfants hébergés dans un refuge sont la clé de la guérison, mais le séjour dans un refuge est extrêmement stressant, tant pour la mère que pour l'enfant. Nos conseillers offrent aux femmes et aux enfants des programmes et des services internes et externes pour les soutenir. L'an dernier, le taux de participation à nos programmes de liaison auprès des enfants et des jeunes a bondi de 40 % et, comme nous étions à court de ressources, nous avons fait notre possible pour répondre aux besoins des jeunes hébergés dans notre refuge et à ceux de la collectivité.
    Tearmann a eu la chance de réunir des fonds pour une période de deux ans, grâce à notre campagne épistolaire annuelle, ce qui nous permettra de faire appel à l'occasion à une conseillère auprès des enfants et des jeunes. Nous avons également reçu des fonds de la Pictou Mutual Community Foundation, qui soutient des programmes d'estime de soi pour les filles des écoles rurales. Nous avons aussi reçu des fonds de Centraide du comté de Pictou pour la création d'un poste de coordonnatrice. Ces options ne sont pas offertes dans toutes les collectivités et, même si nous répondons de façon provisoire aux besoins immédiats, nous avons de la difficulté à combler les postes temporaires et à temps partiel et cet argent ne nous permet pas d'embaucher et de maintenir en poste des employés bien formés.
    La Tearmann House peut héberger des femmes et leurs enfants durant une période maximale de six semaines. En fonction du manque de disponibilité de logements abordables ou d'autres circonstances, bon nombre des femmes demandent à prolonger leur séjour. En moyenne, 70 % des femmes qui quittent Tearmann auront accès à l'aide au revenu. Le loyer d'un appartement est généralement entre 80 et 100 $ de plus que le loyer prévu par l'aide au revenu, ce qui oblige les femmes à payer le montant excédentaire de leur propre poche.
(1550)
     Les femmes ayant des enfants peuvent avoir droit au supplément offert par l'entremise de Housing Nova Scotia, et bien que cela leur donne la possibilité de louer un logement décent, le supplément n'est pas transférable, ce qui signifie qu'une femme qui est traquée par un conjoint violent et qui doit déménager perdra son supplément.
    Nous avons la chance de travailler en partenariat avec la régie locale du logement et l'Affordable Housing Association of Nova Scotia, grâce au financement accordé dans le cadre de la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance, pour gérer les six logements de deuxième étape de Brenda's Place, qui sont tous occupés. Les femmes peuvent habiter dans ces logements pendant une période pouvant aller jusqu'à un an et avoir accès à des programmes et à du soutien continus. Nous savons que le moment le plus dangereux pour une femme est lorsqu'elle quitte son conjoint violent. Il est essentiel que des options de première, de deuxième et de troisième étapes soient disponibles et entièrement financées pour les femmes et leurs familles qui fuient la violence familiale et conjugale.
    Les responsables des maisons de transition s'occupent des femmes qui demandent des ordonnances de protection d'urgence, des engagements de ne pas troubler la paix publique, des audiences des tribunaux de la famille et des conférences de cas avec des organismes de protection de l'enfance. Les femmes désignées « à risque élevé », selon l'évaluation du risque mise au point par Jacquelyn Campbell ou l'Évaluation du risque de violence familiale en Ontario ou ODARA, par l'entremise de la police ou de la GRC, ont besoin du soutien qu'offrent les conférences de cas, en veillant à ce que leur voix soit entendue et à ce que leurs choix soient respectés tout au long des processus visant à les protéger.
    La pression exercée sur les femmes pour qu'elles se protègent et protègent leurs enfants, pour qu'elles abandonnent leur partenaire violent tout en sachant que, ce faisant, leur sécurité personnelle est davantage compromise, pour qu'elles déménagent avec leur famille, pour qu'elles résident dans un refuge ou pour qu'elles choisissent de rester dans une relation en gérant les risques est un fardeau qu'aucune femme ne devrait avoir à supporter. Nous devons travailler tous ensemble pour lutter contre la violence fondée sur le sexe et éliminer la violence faite aux femmes.
    Je recommande que le gouvernement fédéral soutienne les provinces et les territoires au moyen d'un financement de base destiné expressément aux maisons de transition et aux services de soutien pour les femmes et leur famille; inclue les expériences vécues par les femmes dans cette étude; et appuie le Modèle de Plan d'action national du Canada sur la violence faite aux femmes et aux filles présenté par Lise Martin d'Hébergement femmes Canada.
    Merci.
    Merci beaucoup. Vous avez pris exactement sept minutes. Bravo.
    Nous allons maintenant donner la parole à Samantha Lacourse, du Victoria Faulkner Women's Centre. Bienvenue.
    Bonjour, je m'appelle Samantha Lacourse, et je suis ici à titre de représentante du Victoria Faulkner Women's Centre à Whitehorse, au Yukon.
    Au centre, je suis responsable de l'exécution du seul programme de refuges d'urgence ouverts la fin de semaine et en soirée pour les femmes qui en ont besoin dans l'ensemble du territoire.
    La situation des femmes touchées par la violence dans le Nord est très différente de celle dans le reste du Canada. Tout d'abord, les services offerts sont limités. De plus, il existe un certain nombre d'obstacles et de lacunes dans les services offerts aux femmes dans une collectivité du Nord, et je vais essayer de parler des plus graves maintenant.
    En ce qui concerne les refuges d'urgence, plus précisément au Yukon, il y en a actuellement trois destinés aux femmes et aux enfants touchés par la violence dans l'ensemble du territoire. L'un d'eux est à Whitehorse. Le deuxième est situé à Dawson City, à sept heures au nord de Whitehorse, et le troisième à Watson Lake, à cinq heures au sud de Whitehorse. Aucun de ces trois refuges et maisons de transition n'accueille les femmes intoxiquées par l'alcool ou les drogues. Il n'y a pas d'option sécuritaire pour une femme qui consomme des substances et qui est touchée par la violence. Cela témoigne d'une lacune importante dans les refuges d'urgence pour femmes au Yukon.
    En ce qui concerne le soutien à long terme, même lorsqu'il n'y a plus de violence perçue, les effets de la violence demeurent. Nous estimons qu'il peut falloir jusqu'à trois à sept ans à partir de la fin définitive d'une relation de violence pour qu'une femme se remette sur pied. Les femmes du Yukon sont confrontées à un manque flagrant de soutien à long terme de la part des organismes dont le mandat est restreint et qui ne sont là que pour aider les femmes qui sont confrontées à des menaces pour leur sécurité.
    Le Victoria Faulkner Women's Centre fait de son mieux avec une capacité et un financement limités. Ce n'est pas un refuge. Nous offrons un soutien essentiel aux femmes et aux personnes non binaires en matière de défense des droits, de logement, d'alimentation, de programmes de soins prénataux, ainsi que des services de base dans nos refuges d'urgence, comme l'accès à des douches, à des machines à laver, à Internet, à un téléphone, à un télécopieur, à des appels interurbains et à des produits d'hygiène, entre autres.
    Il faut offrir davantage de services aux femmes même s'il n'y a plus de menace perçue à la sécurité. La perspective du soutien à long terme doit aller plus loin que des programmes de counseling et de traitement des traumatismes et inclure des programmes qui donnent aux femmes un espace où elles peuvent être soutenues et appuyées par leurs pairs...
(1555)
    Puis-je vous demander de parler plus lentement?
     Je sais que votre présentation est assez longue, mais les interprètes...
     Merci. Je vais ralentir.
    La perspective du soutien à long terme doit aller plus loin que des programmes de counseling et de traitement des traumatismes et inclure des programmes qui donnent aux femmes un espace où elles peuvent être soutenues et appuyées par leurs pairs, ainsi qu'un espace où créer une communauté comme remède à l'isolement. Le soutien à long terme comprend de l'aide pour trouver un logement, des cliniques fiscales, du soutien à l'emploi et des possibilités de formation et d'études. En élargissant le mandat du soutien aux femmes victimes de violence, nous pouvons combler ces lacunes et répondre aux besoins des femmes après la fin perçue de la relation de violence, parce que les effets du traumatisme ne prennent pas fin avec la violence.
    Pour ce qui est de la capacité d'aider les femmes qui ont des problèmes de santé mentale, au Yukon, lorsqu'une personne accède à un refuge ou à un service parce qu'elle est aux prises avec la violence et que l'on évalue qu'elle a un besoin en santé mentale, la capacité de ces organisations de l'aider diminue. Plus la situation de la personne en matière de santé mentale est complexe, moins le personnel est équipé pour l'aider en tant que victime de violence. Les deux besoins sont traités comme indépendants l'un de l'autre, plutôt qu'en reconnaissant le lien étroit qui existe entre eux. Il faut que cela change, et la seule façon de le faire, c'est de renforcer la capacité des organismes qui soutiennent les victimes de violence et des personnes qui les composent.
    Pour ce qui est de la confidentialité, la réalité sociale des collectivités nordiques vient s'ajouter aux services limités. Les collectivités du Yukon sont petites et, par conséquent, les réseaux sociaux d'une personne sont tous reliés. La confidentialité est un défi général, et les conflits d'intérêts ne sont pas toujours évidents, pas plus qu'ils ne servent les plus vulnérables. Comme il n'y a qu'un seul refuge à Whitehorse, aucun autre choix ne s'offre à une personne si ce refuge ne lui semble pas sécuritaire ou si elle ne s'y sent pas acceptée.
    Mes recommandations au Comité sont les suivantes.
    Premièrement, il faut augmenter le financement des services de transport dans le Nord, afin d'offrir des services essentiels aux femmes des collectivités éloignées qui en ont besoin.
    Deuxièmement, il faut insister pour que des modifications soient apportées à la politique de l'Agence du revenu du Canada pour tenir compte de la violence faite aux femmes. À l'heure actuelle, il y a un délai de 90 jours avant qu'une personne puisse changer son statut pour celui de célibataire. Cette période d'attente de 90 jours empêche les femmes de quitter une relation de violence, car bon nombre d'entre elles sont incapables d'avoir accès à l'aide sociale si elles sont toujours liées à leur partenaire. Au sein du gouvernement du Yukon, une entité plus petite, nous avons préconisé et constaté des changements dans la gestion des demandes d'aide sociale lorsqu'un cas de relation violente est déclaré. Toutefois, nous appuyons de nombreuses femmes qui font face à des obstacles plus importants à Affaires autochtones et du Nord Canada. Si les deux partenaires de la relation ont accès à l'aide sociale par l'entremise d'AANC, il faut un avis écrit des deux parties pour que l'une d'elles puisse changer son statut pour celui de célibataire. C'est un problème.
    Troisièmement, il faut faire la promotion des refuges d'urgence et inciter les refuges existants à adopter davantage de pratiques visant à réduire les préjudices. Encore une fois, il n'y a pas de refuges d'urgence pour les femmes victimes de violence qui consomment des substances au Yukon, ce qui fait qu'aucune option sécuritaire ne s'offre à elles.
    Quatrièmement, il faut accroître le financement du soutien à long terme pour les femmes victimes de violence. Le mandat en ce qui a trait à la violence faite aux femmes est étroit. Un soutien immédiat est offert, mais peu de choses sont prévues pour les étapes subséquentes.
    Cinquièmement, cette question mérite une voix plus appropriée que la mienne et, franchement, plus de temps que celui dont je dispose pour cette présentation. Nous ne pouvons pas parler d'améliorer les services destinés aux femmes autochtones sans reconnaître la mentalité coloniale qui sous-tend ces services. Il faut accorder plus d'espace aux modes de vie traditionnels lorsque cela est culturellement approprié.
    Merci.
(1600)
     Merci beaucoup.
    Merci à vous toutes.
    Nous allons donner la parole à Marc Serré pour la première série de questions de sept minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Nous vous remercions de vos recommandations. Cela va beaucoup nous aider à préparer notre rapport.
    Ma première question s'adresse à Mmes Gagnon et Smith.
    Je suis content que vous ayez parlé des enfants. On sait que les femmes sont vulnérables et qu'il y a beaucoup de travail à faire relativement aux centres d'hébergement, mais que pourrions-nous faire pour vous aider à donner des services aux enfants de façon plus proactive?

[Traduction]

     Dans notre centre seulement, lorsqu'il est question des enfants qui arrivent au refuge et qui sont touchés par la violence, nos refuges à eux seuls n'ont pas... Je veux dire, nous avons une conseillère à l'enfance et à la jeunesse pour nous aider, mais nous avons vraiment besoin de services spécialisés dans les traumatismes en dehors de nos refuges. Bon nombre des enfants que nous recevons présentent des symptômes et des comportements qui entrent peut-être dans la catégorie du TDAH, du TDA ou d'autres troubles. Lorsqu'ils sont pris en compte dans le contexte des effets de la violence sur les enfants, on constate que ces comportements y sont souvent directement liés, mais pas spécifiquement aux autres symptômes.
    Nous aimerions que les enfants aient davantage accès à des services de santé mentale adaptés aux traumatismes. Plus tôt nous pourrons offrir des services aux enfants à la suite d'un événement traumatisant... parce que les études montrent que c'est la meilleure forme de guérison. À l'heure actuelle, il y a une longue liste d'attente pour que les enfants puissent participer à des programmes, se faire évaluer et obtenir le soutien dont ils ont besoin.

[Français]

     Madame Gagnon, qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Nous avons une intervenante auprès des enfants et des jeunes, dont les fonctions sont partagées entre les visites dans la collectivité, les présentations et l'animation de groupes de filles, et le travail à l'interne, qui prend beaucoup de son temps. Nous avons accueilli un grand nombre d'enfants. C'est vraiment une préoccupation importante pour nous. Je pense que beaucoup d'entre nous assurent une très bonne liaison avec les services de santé mentale et de lutte contre la toxicomanie, mais comme Donna l'a mentionné, les listes d'attente sont interminables. Vous pouvez obtenir un rendez-vous chez Choice en Nouvelle-Écosse, afin de répondre à vos besoins immédiats, mais cela peut vous prendre 10 mois pour consulter un thérapeute. C'est un obstacle important à la guérison et à l'aide. Ce que nous savons au sujet des traumatismes, c'est que le fait d'aider une personne le plus tôt possible peut contribuer à réduire les répercussions à long terme.
    C'est donc une très bonne question. C'est un problème avec lequel nous nous débattons régulièrement. Il faut vraiment avoir des ressources pour les soutenir et naviguer dans le système de santé provincial.
    Madame Gagnon, vous avez parlé de la SCHL et des 40 % de financement qu'elle assure, ainsi que du fait qu'avec un plus grand centre, il serait peut-être possible d'obtenir des dons du secteur privé ou de tenir des campagnes de financement. Pourriez-vous faire une recommandation au Comité à ce sujet? En tant que centre rural, quel pourcentage recommanderiez-vous ou quelle augmentation suggéreriez-vous pour vous aider comme centre rural plutôt qu'urbain?
    Je pense qu'un pourcentage de 80 % serait approprié. Nous pourrions certainement recueillir les 20 % qui restent.
     D'accord. Merci.

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse à Mmes Lacourse et Drebot.
(1605)

[Traduction]

    Vous avez toutes les deux parlé de toxicomanie. Nous avons entendu d'autres témoins parler de la hausse qui se produit, y compris, je le sais, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon.
    Je crois qu'on a dit que les personnes qui ont une dépendance ne sont même pas accueillies. D'autres nous ont dit qu'il s'agit d'une question plus vaste en ce qui concerne les aspects cliniques. Je me demande si vous avez des recommandations précises.
    Nous pourrions peut-être entendre d'abord la représentante du North End Women's Centre.

[Français]

    Ensuite, nous entendrons Mme Lacourse.

[Traduction]

    Pouvez-vous préciser votre question?
    Je parle de toxicomanie. Vous avez dit qu'il y avait une augmentation de la dépendance à la méthamphétamine et ainsi de suite chez les femmes qui se rendent au centre. Quelles recommandations pouvons-nous faire pour vous aider à répondre à cette augmentation? Premièrement, y a-t-il une augmentation, comme vous l'avez mentionné, et que pouvons-nous faire pour mieux aider les femmes qui ont une dépendance?
    Ce qui semble être le problème pour nous, c'est que beaucoup d'organismes ne sont pas prêts à s'occuper aussi de toxicomanie. Il n'y a pas de soutien en place pour le counseling ou la désintoxication. Lorsque les gens consomment de la méthamphétamine et, dans bien des cas, d'autres drogues, ils doivent subir une désintoxication médicale. Nous essayons de nous occuper du traumatisme après, et du soutien après, mais dans bien des cas, il n'y a rien de prévu au chapitre des services de désintoxication et du système médical pour aider les gens à faire face aux traumatismes.
    Dans les cas de toxicomanie, la désintoxication médicale doit venir en premier. Tous les problèmes qui ont mené à cette dépendance peuvent être traités après. Voilà les lacunes et les défis que nous constatons.

[Français]

     Vous avez parlé d'Affaires autochtones et du Nord Canada. Je trouve effrayant le commentaire que vous avez fait à propos de la permission de ce ministère pour obtenir une séparation. C'est une bonne recommandation de changement.
     Si c'était possible, j'aimerais que la Loi sur les Indiens soit éliminée. Avez-vous quand même des recommandations spécifiques à nous faire au sujet d'Affaires autochtones et du Nord Canada?

[Traduction]

     Pour être honnête, j'estime que je ne suis pas bien placée pour parler précisément de la situation avec AANC. Il y a beaucoup d'obstacles complexes et très évidents en ce qui concerne le fossé qui sépare les gens du Yukon et les services offerts par l'entremise d'AANC. C'est comme naviguer dans un labyrinthe de politiques, de problèmes, de défis et de systèmes, et je ne peux pas...
    C'est énorme, oui.
    Mme Samantha Lacourse: Oui.
    Votre temps est écoulé. Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à Kellie, pour sept minutes.
    Merci à vous tous d'avoir pris le temps de venir témoigner devant notre comité. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Je viens moi aussi d'une collectivité du Nord. J'ai grandi à Fort McMurray, en Alberta, et j'ai travaillé un peu partout à Yellowknife et ailleurs dans le Nord.
     Je comprends vraiment ce dont vous parliez, Samantha. Je me demandais si vous pourriez nous aider, en tant que comité, dans le rapport que nous sommes en train de rédiger en nous donnant quelques idées supplémentaires au sujet des changements que vous recommandez à l'ARC et à AANC. Je pense qu'il est extrêmement important que les gens reconnaissent que ces changements pourraient faire une différence importante pour ces femmes. Je veux m'assurer qu'ils figurent dans notre rapport.
    Oui, bien sûr.
    Ce dont je peux parler, c'est de la période d'attente de 90 jours et de ce qu'elle signifie pour une femme qui essaie d'avoir accès à l'aide sociale. Nous avons un refuge à Whitehorse, dont les responsables font de leur mieux. Il y a un refuge d'urgence où, essentiellement, une personne peut se rendre, y avoir un lit et y rester 30 jours. Au cours de cette période, pour être en mesure de fournir les documents nécessaires pour avoir accès à l'aide sociale, que ce soit par l'entremise d'AANC ou du gouvernement du Yukon, il faut auparavant fournir la déclaration de revenus de l'année précédente. Si ces personnes ont toujours un lien avec leur partenaire et ne peuvent pas déclarer qu'elles sont célibataires, elles n'ont essentiellement pas accès à l'aide sociale.
(1610)
    La lacune se situe entre les 30 jours que vous offrez et les 90 jours...
    Mme Samantha Lacourse: Exactement. Il y a 60 jours pendant lesquels...
    L'hon. K. Kellie Leitch: Ce sont ces 60 jours qui posent réellement un problème.
    Oui, et j'ai...
    J'ai une autre question pour vous. Votre organisation parle des services d'une intermédiaire en matière de logement.
    Mme Samantha Lacourse: Oui.
    L'hon. K. Kellie Leitch: Pourriez-vous nous expliquer un peu comment cela fonctionne et comment cela profite aux femmes que vous aidez?
    Bien sûr. C'est une excellente question. Je peux vraiment vous tracer les grandes lignes.
    Il y a actuellement un taux de vacance de 2 % dans le marché du logement à Whitehorse. Nous faisons face à une crise. Même les gens qui ont de l'argent ont du mal à se loger. Cela crée un véritable défi pour les assistés sociaux.
    Pour ce qui est de ce que nous faisons en matière de logement au Victoria Faulkner Women's Centre... Il y a aussi la FASSY, un organisme qui travaille avec les personnes atteintes du syndrome d'alcoolisme foetal, ainsi que le centre Blood Ties Four Directions, qui vise à réduire les méfaits, et la Yukon Anti-Poverty Coalition. Ensemble, ces organisations offrent une certaine marge de manoeuvre, à savoir essentiellement que nous sommes les propriétaires. Nous sommes les intermédiaires entre...
    Pour aider à fournir ces logements abordables...
     Oui. L'intermédiaire en matière de logement est en partie responsable de cette marge de manoeuvre. Cela donne du temps aux gens qui attendent leur chèque d'AANC et qui ne peuvent pas garder leur logement parce que ce chèque ne leur parvient pas le premier jour du mois. Par ailleurs, s'ils ont besoin de soutien pour traiter avec les propriétaires, il y a une intermédiaire avec qui ils peuvent parler et qui assure la gestion du cas. C'est ce que fait l'intermédiaire en matière de logement, de même que simplement aider les femmes en général à trouver un logement dans un marché déjà très restreint et les défendre au besoin.
    Donna, j'ai une question pour vous. Si je comprends bien, votre organisme s'occupe beaucoup de personnes handicapées. Je suis chirurgienne orthopédiste, et j'ai affaire assez régulièrement avec des personnes handicapées dans ma pratique, même si la majorité des personnes dont je m'occupe sont des enfants, surtout ceux qui souffrent de paralysie cérébrale.
     Pouvez-vous décrire au Comité certaines des choses que nous devrions examiner afin de nous assurer que le gouvernement répond à ces besoins particuliers qui sont quantifiables et différents? Pour les personnes qui sont en crise et qui ont aussi un handicap, ce qui complique encore davantage une situation déjà difficile, quelles sont certaines des choses que nous devrions faire pour nous assurer que le gouvernement s'occupe de cette question efficacement?
     Il y a des femmes qui arrivent avec des handicaps et des blessures causés par les maltraitances. Dans notre refuge, nous avons une chambre à coucher accessible en fauteuil roulant au rez-de-chaussée. L’an dernier, nous avons rénové notre cuisine pour la rendre entièrement accessible aux fauteuils roulants, les marchettes et autres appuis. La plupart d’entre nous sont dans de vieux refuges ou des bâtiments plus anciens, donc même pour accéder à une armoire, il faut se pencher dans une armoire de coin pour essayer de trouver ce qu'on cherche.
    Des améliorations et l'accès à du financement pour apporter des changements à la structure actuelle, ce à quoi nous avons accès...
    Je ne sais pas si vous voulez toutes commenter ce problème de l’accessibilité.
    Bien sûr, la population est vieillissante. Je suis sûre de moi quand je dis cela. Dans ma région, un aussi grand nombre de femmes âgées ont recours à ces services malheureusement.
    De nombreuses provinces ont des lois et des règlements sur l’accessibilité, mais recevez-vous du soutien et êtes-vous en mesure d’apporter ces changements?
    Nous soutenons...
    Est-ce qu’on vous aide à faire ces changements, financièrement et autrement?
    Oui, dans une certaine mesure.
    Nous recevons un certain financement pour rendre notre cuisine accessible. Nous avons encore une grande maison avec la buanderie au sous-sol et les femmes ne sont pas en mesure d'y avoir accès, alors le personnel doit les aider.
    Le financement est limité, et lorsque nous mentionnons des besoins, nous recevons le soutien de Housing Nova Scotia dans une certaine mesure. Il y a tout un processus à respecter et il faut obtenir des devis. Parfois, le travail nécessaire pour apporter le changement est décourageant, bien que nous souhaitions ce changement.
    Oui, le processus de demande...
    Mme Donna Smith: Oui.
    L'hon. K. Kellie Leitch: Dans le passé, le gouvernement avait un fonds pour l’accessibilité qui était à la disposition des organismes. Un sous-ensemble de cela, pour les refuges potentiellement, serait probablement la meilleure chose que vous pourriez activer.
(1615)
     Absolument.
    Il vous reste 30 secondes.
     Y a-t-il d’autres commentaires à ce sujet? Sinon, je peux poser une autre question.
    La mobilité est un problème, même dans notre centre et au refuge de Whitehorse. Je ne sais pas pour le refuge de Whitehorse, mais le cadre de vie est communautaire et il y a plusieurs étages avec un ascenseur. Pour la personne qui a un problème de mobilité, une situation d'urgence pose un problème.
    Merci beaucoup.
    Merci à toutes.
    Bienvenue, Sheila. Vous avez sept minutes à votre disposition.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Avant de commencer, j’aimerais souhaiter la bienvenue aux trois femmes du programme Women in the House de Ryerson, Meghan, Sarah et Sarah, nos futurs leaders, j’espère. Bravo à Ryerson de les avoir tout de suite trempées dans le travail que nous accomplissons.
    J’ai une question pour la South Shore Transition House Association. Je ne sais pas si nous nous sommes rencontrés il y a deux étés, mais un groupe d'entre nous était sur la rive sud et nous avons rencontré quelqu’un de votre groupe. Je crois que 10 organisations différentes participaient à une table ronde. C’était un travail vraiment impressionnant et de longue date. Une de vos collègues a dit que son organisation faisait cela depuis 29 ans et qu’elle espérait que le travail serait terminé à l'heure qu'il est.
    Donc un gros merci à vous et à toutes vos collègues à la maison.
    Notre étude porte sur la violence familiale, les refuges et les maisons de transition, et j’ai été découragée d’entendre beaucoup de témoins dire au Comité qu'il suffirait de permettre à plus de femmes d’obtenir une hypothèque — pour certaines, une hypothèque de 750 000 $ — et de construire plus de logements.
    C’est vrai, mais je veux vous entendre dire que vous êtes d’accord — ou que je vous ai bien comprises, vous et vos collègues — pour dire qu’il ne s’agit pas d’une solution au problème de la violence familiale et que les programmes qui font partie des activités de vos refuges et de vos maisons de transition sont essentiels à ce qui se passe, surtout qu'au moment où la femme choisit de rompre une relation à caractère violent, c'est là qu'elle est la plus vulnérable.
    Pouvez-vous me fournir des preuves à utiliser dans notre plaidoirie finale?
     Oui. En toute honnêteté, je peux dire qu'un traumatisme n’est pas réglé par une hypothèque.
    Un traumatisme, cela prend du temps. Un traumatisme, cela exige des soins. Le traumatisme, cela prend des gens qui comprennent. Il ne s’agit pas simplement de contracter une hypothèque. Ce n’est vraiment pas le cas. Nous faisons beaucoup plus pour aider une femme et sa famille à passer par le processus de guérison et à l’amener dans un endroit stable où elle peut acquérir la confiance en soi qui a été brisée.
    Je pense que si des efforts sont déployés du côté de l’hypothèque, ils devraient chercher à investir dans nos refuges. Notre maison est exceptionnellement vieille. Elle ne prédispose pas... avec un handicap. Nous avons une salle accessible, mais il nous faut un seul niveau pour qu’elle soit plus grande. Nous devons avoir accès à des maisons de deuxième étape pour que les personnes qui ont besoin d’un soutien à long terme en matière de counselling puissent obtenir l’aide dont elles ont besoin pour développer cette résilience et cette confiance en soi. Nous avons besoin de maisons de troisième étape, parce qu’il y a d’importantes lacunes dans le logement dans notre collectivité et beaucoup d’options non sécuritaires à cet égard.
    Je veux qu’elles aient la chance de s'exprimer elles aussi. En bout de ligne, on ne demande pas une hypothèque et une maison pour chacune. Si la femme est incapable de garder un emploi ou si elle a des problèmes de santé mentale, ce qu’il faut faire, c’est investir dans le traitement immédiat de ce traumatisme pour réduire les effets à long terme, afin qu’elle puisse éventuellement contracter cette hypothèque. Mais ce traumatisme doit être traité en premier.
    Merci d’avoir été si claire.
    J’aimerais poser une question connexe à la Tearmann Society for Abused Women. Mon collègue Murray Rankin, député de Victoria, a dit que le Victoria Sexual Assault Centre a dû mettre fin à sa ligne de dépannage, sa ligne d’écoute téléphonique, après des décennies de service. Le mouvement #MoiAussi a brisé le tabou de demander de l’aide. C’est fantastique, mais le financement a diminué. Ils se sont donc tout simplement retirés de l’industrie, ce qui est très dur pour notre région.
    Pouvez-vous nous parler de la forte croissance de la demande — à juste titre, la demande a augmenté dans votre groupe — et nous dire si vous avez obtenu le soutien financier nécessaire du gouvernement pour répondre à cette demande?
(1620)
    Pour ce qui est de la ligne de dépannage, il y a plusieurs années — je ne sais pas depuis combien de temps —, nous avons aussi perdu une ligne de dépannage locale qui était en place et qui était beaucoup utilisée. Un manque de fonds nous a obligés à y mettre un terme. La Tearmann Society est la seule à offrir une ligne d'écoute téléphonique disponible en tout temps dans notre région, et la demande pour cette ligne est constante et croissante.
    Nous travaillons en partenariat avec le Pictou County Women’s Resource and Sexual Assault Centre dans le cadre d’un programme appelé MORPH, ce qui correspond à « mapping our road to power and healing », qu'on pourrait rendre par « tracer notre chemin vers le pouvoir et la guérison », et notre ligne d’écoute téléphonique s'ajoute à cela. L'argent vient de la stratégie provinciale de lutte contre les agressions sexuelles, laquelle vise à concevoir des modes de soutien des victimes de violence sexuelle.
    Nous faisons partie de ce soutien, et bien que nous n’obtenions pas de financement supplémentaire pour cela — le financement passe par le Women's Centre —, nous sommes certainement ouverts. Nous avons parlé du manque de personnel dans les maisons de transition. Nous avons une seule salariée, essentiellement pour s'occuper de la ligne d'écoute téléphonique, de la ligne téléphonique d'affaires, de la gestion de cas dans la maison et pour assurer le soutien aux résidants du refuge. Il n’y a souvent qu’une seule personne sur place. Si elle est en train de répondre à un appel téléphonique de détresse, elle peut difficilement interrompre la conversation pour s'occuper d'une situation dans la maison ou à la porte, par exemple.
    Il est essentiel de trouver des fonds pour embaucher du personnel supplémentaire qui effectuera le travail en surplus et assurera le soutien nécessaire pour répondre aux besoins des femmes de notre collectivité. Nous trouvons des miettes. À Tearmann House, de petites cagnottes nous permettent d'avoir du personnel supplémentaire, mais sur une base temporaire. Comme je l’ai dit, quand il est question de former et d'intéresser plus de gens aux soins en traumatologie, de conserver le personnel et de recruter du personnel qualifié... Quand le personnel embarque, il est dévoué. La plupart de nos employées ont au moins15 ans de services. Je suis là depuis 2002. Les besoins ne diminuent pas, ils augmentent. Le financement de personnel supplémentaire ferait une sacrée différence pour tous les refuges auxquels je parle.
     C'est ce que nous avons entendu dans presque toutes les études que le Comité a effectuées. Un budget d'exploitation de base pour embaucher du personnel et lui assurer un emploi permanent, lui permettre de s’engager dans le magnifique travail de première ligne que vous faites, payer l'électricité et le loyer, voilà ce dont vous avez besoin.
    Est-ce un oui? Les quatre témoins hochent la tête.
    Absolument, oui.
    Merci beaucoup.
     Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup.
    Je donne le micro à Sonia pour une dernière période de sept minutes.
    Merci, madame la présidente. Terry et moi allons partager le temps au micro.
    Merci à toutes d’être venues éclairer notre lanterne.
    Les défis, comme vous l’avez dit, sont la mobilité, l’accessibilité, du personnel informé et formé et un financement beaucoup plus important. Voilà les défis auxquels vous êtes confrontées. Quels types de services culturels offrez-vous? Pouvez-vous nous les expliquer également? Je pose la question à vous toutes.
    Nous apprenons. Nous avons vu arriver à Harbour House ou à la South Shore Transition House, plusieurs familles de réfugiés syriens. Dans notre région, il n'y a pas d'aliments halal, donc quelqu'un doit aller les acheter à Halifax, ce qui est très difficile. Nous n’avons pas de services de traduction. Pour être franche et honnête, j'avoue que nous utilisons Google Translate, qui n’est pas toujours fiable, loin de là. Nous essayons d’avoir, L'Immigrant Services Association of Nova Scotia, l’ISANS, ce genre de choses, à Halifax. Ils nous ont vraiment aidés, mais nous apprenons. Il y a beaucoup de nouveaux enjeux qui se profilent. Nous avons demandé de l’aide. Nous voulons qu'on nous aide à comprendre les différences culturelles, en particulier au regard des réfugiés.
     En Nouvelle-Écosse, nous avons deux centres de guérison qui viennent en aide aux femmes des Premières Nations. Je sais qu’ils sont venus aujourd’hui vous parler de ce qu’ils font. Ils ont une façon très différente d’envisager la guérison. Ils sont merveilleux.
    Oui, c’est une grande préoccupation, une chose pour laquelle nous avons besoin de soutien pour améliorer notre travail auprès des femmes.
(1625)
    Merci.
    Donna, vous avez dit qu’il y a un accès pour les fauteuils roulants, mais pour les femmes aveugles ou sourdes, avez-vous des services intégrés?
    Pour ce qui est de l’espace physique, il y a des mesures de sécurité dans le refuge qui les aident, mais elles constitueraient un véritable obstacle, pour être honnête. Si une personne aveugle se présentait chez nous, nous lui offririons des services, comme nous le faisons pour quiconque vient à notre refuge. Nous ferions appel à nos partenaires dans la collectivité et nous ferions de notre mieux pour aider la personne, peu importe son handicap ou son besoin inhabituel pour nous.
    Pour Cynthia, à Winnipeg, il y a une grande diversité ethnique. Il y a une stigmatisation. Quels types de services offrez-vous à Winnipeg?
    Au North End Women’s Centre, de 70 à 80 % des femmes qui viennent à notre centre sont autochtones. Dans une question précédente, vous avez demandé quels sont les types de services culturels que nous offrons. Nous embauchons des gens qui vivent dans la collectivité, qui viennent de la collectivité, dans la mesure du possible. Nous avons des femmes qui ont du vécu, qui viennent nous aider à élaborer des programmes, à les adapter et à les changer.
    Nous organisons des cérémonies culturelles dans le cadre de tous les programmes que nous offrons dans l’ensemble du centre — accès aux aînés, accès aux gardiens du savoir. Nous estimons qu’il s’agit de l’élément le plus important qui peut être offert du point de vue de la traumatologie, c’est-à-dire de permettre aux gens de découvrir leurs racines historiques et leur langue ou de renouer avec elles. C’est une chose qu'il est certain que nous faisons et que nous voyons beaucoup, et nous trouvons que c’est un élément déterminant et très important.
     Merci.
    Je vais céder la parole à Terry Duguid.
    Merci, Sonia.
    Je remercie les témoins de leurs excellents exposés et de l’excellent travail qu’elles accomplissent dans des circonstances très difficiles.
    Le seul exposé que je n’ai pas entendu est celui de Winnipeg. Je viens de Winnipeg, alors heureusement, je sais que le North End Women’s Centre fait du bon travail.
    Ma première question est pour vous, Cynthia, puis j'ai une autre question pour nos amies de la Nouvelle-Écosse.
    Le ministre canadien du Développement social a fait une annonce importante aujourd’hui au sujet de l’itinérance. Intitulé « Vers un chez-soi: la stratégie canadienne de lutte contre l'itinérance », le communiqué annonce 2,2 milliards de dollars sur 10 ans. Cela semble beaucoup d’argent.
    L’une des choses importantes qui ont été annoncées ce matin, c’est la souplesse accrue et l’importance de s’adapter à chaque collectivité. Vous vous souviendrez que la Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance, l’approche Logement d’abord, était très rigide. Ce n’est pas complètement abandonné... Je m’interroge sur le lien entre vos programmes et l’itinérance et à quel titre cette nouvelle approche pourrait vous aider.
    Il vous reste environ une minute.
    La souplesse sera incroyable. L’un des principaux obstacles que nous avons rencontrés est la façon dont l’itinérance est définie. Ce que nous demandions, c’est un lien avec une optique sexospécifique. Je suis très heureuse qu’il y ait plus de souplesse dans l’approche adoptée en matière de logement.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste 45 secondes.
    Nos amies de la Nouvelle-Écosse ont parlé de prévention et de sensibilisation. Dans le peu de temps dont nous disposons, pourriez-vous nous en dire davantage?
    Je me demande simplement si vous êtes au courant du travail du Bridges Institute et des efforts déployés pour mobiliser les hommes et les garçons, en particulier en ce qui concerne la maltraitance et la cellule familiale.
    Oui, j’en ai certainement entendu parler. La proposition que nous avons faite à Condition féminine Canada visait à mobiliser les hommes et les garçons.
    C’est un vaste domaine. La violence sexospécifique n’est pas un problème féminin, c’est un problème communautaire. Nous devons commencer à changer notre regard et notre enseignement.
(1630)
    C’est bien dit. Nous embarquons.
    Je remercie tous les témoins de leur présence et je remercie mes collègues de leurs excellentes questions.
    Nous allons suspendre la séance, le temps de changer de groupe de témoins. Nous reprendrons avec le deuxième groupe de témoins.
(1630)

(1635)
     La séance reprend.
    Nous reprenons la 120e réunion du Comité permanent de la condition féminine.
    Avant de donner la parole aux témoins, je tiens à informer mes collègues qu’il n’y aura pas de réunion le 21 novembre. En effet, l’énoncé économique de l’automne sera présenté à la Chambre cet après-midi-là.
    Pour la deuxième heure, nous avons le plaisir d’accueillir Mme Caithlin Scarpelli, directrice des Communications et développement des fonds, Atira Women’s Resource Society, Mme Geneviève Latour, directrice adjointe de Carrefour pour femmes inc., Mme Fiona Cunningham, conseillère en santé mentale, Iris Kirby House, et finalement Mmes Daisy Kler et Jean Fong, intervenantes en maison de transition, Vancouver Rape Relief and Women’s Shelter.
    Je vous cède maintenant la parole, madame Scarpelli. Vous avez sept minutes pour prononcer votre déclaration préliminaire.
     Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.
    L’Atira Women’s Resource Society a été constituée en mars 1983 et a ouvert sa première maison de transition à South Surrey en 1987. Nommée à l'époque Atira Transition House, elle avait pour mandat de soutenir les femmes battues et leurs enfants. Conformément à la pratique de l'époque, les femmes étaient acceptées, ou non, en fonction d’un certain nombre de critères exigeants. Ainsi, si vous déclariez être toxicomane ou avoir une maladie mentale, on vous refusait l'entrée. Si vous aviez menti pour obtenir cette place dont vous aviez désespérément besoin et qu’on vous avait découvert, on vous demandait de partir, peu importe les conséquences pour vous.
    En septembre 1992, Janice Abbott s'est jointe à l'équipe à titre de directrice générale. Les choses ont rapidement changé. En raison de son expérience, elle avait compris le lien profond qui existe entre la violence subie par une femme et sa dépendance aux substances ou ses troubles mentaux, et qu’en excluant ces femmes, nous faisions du mal, précisément à ces femmes et enfants que nous étions censés aider.
    En quelques mois à peine, Atira s’est débarrassée de son long processus de sélection et a commencé à poser une seule question à la personne qui téléphonait pour demander une place: « Est-ce que vous fuyez la violence? »
    C’est pourquoi nous avons été l’une des rares maisons de transition, sinon la seule, à ouvrir ses portes aux femmes aux prises avec des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale. Nous avons commencé à recevoir plus de patientes orientées vers nos services que nous n’étions en mesure d'en accueillir. La croissance de la demande a été telle qu’en 1997, nous avons ouvert une deuxième maison de transition à Surrey, Shimai, et une maison de transition de deuxième étape, Koomseh.
    À partir de là, nous avons pris rapidement de l’expansion et, en 2001, nous exploitions le premier logement réservé aux femmes dans le quartier Downtown Eastside. Nous offrons maintenant plus de 23 programmes internes pour les femmes et leurs enfants, y compris des logements parmi les plus faciles d'accès au Canada réservés aux femmes ainsi qu’un certain nombre de programmes externes novateurs, dont la première...
    Excusez-moi. Pourriez-vous ralentir un peu? Les interprètes ont de la difficulté à entendre et à traduire. Merci.
     Bien sûr.
    Donc... y compris la première salle d’injection supervisée au monde qui soit située dans la collectivité et réservée aux femmes.
    Atira comprend maintenant cinq entités, dont deux filiales en propriété exclusive, Atira Property Management et Painter Sisters, et deux entités sans but lucratif liées, Atira Development Society et Atira Women’s Arts Society.
    En 25 ans, on s'est fait connaître pour notre entrepreneuriat, notre goût du risque et nos programmes et logements novateurs, par exemple, le premier complexe d'habitation à conteneurs maritimes recyclés en logements multiples au Canada et le centre Maxxine Wright, qui offre un programme multiservice et à volets multiples, qui vise à garder les mères et leurs enfants ensemble.
    Les projets sont souvent lancés avec des budgets dérisoires, mais grâce à des partenariats extraordinaires. Ils répondent toujours aux besoins des femmes et des enfants et s'appuient sur la rétroaction de notre personnel, qui relève les lacunes dans les services.
    Nous avons également la réputation d'adopter des positions controversées, notamment de défendre et de faire respecter les droits des travailleuses du sexe, d'ouvrir nos portes aux femmes transgenres et allosexuelles et aux personnes non binaires qui s’identifient comme étant femmes, et d'aménager des espaces communs dans nos immeubles sans l'avantage d'une protection juridique.
    Notre PDG continue de faire preuve d’un leadership audacieux en proposant des façons étonnantes de répondre aux besoins difficiles identifiés par les femmes et le personnel, et en nous donnant tous envie de prendre des risques et de croire qu’il est tout à fait possible de mettre fin à toutes les formes de violence genrée.
    J’aimerais maintenant passer en revue des leçons apprises au cours de nos 35 années de travail auprès des femmes et de leurs enfants.
    Premièrement, presque toutes les femmes qui ont eu recours à nos programmes ont été ou ont des enfants qui sont actuellement sous la garde du ministère de la Famille, des enfants et du Développement. Le destin des femmes, qui ont subi des traumatismes et des violences et qui en souffrent, ne tient souvent qu'à un fil. Elles survivent, ont souvent un parcours chaotique en raison de leur situation, essaient de trouver un logement sûr et abordable pour leur famille, puis on leur retire la garde de leurs enfants. Le fil qui les retenait casse. S'ensuivent la toxicomanie, l’itinérance, la prostitution de rue et des rapports violents avec les hommes, et le cycle intergénérationnel continue.
    Il faut que mères et enfants vivent ensemble en sécurité. Pour cela, il faut offrir un logement à prix abordable, des services de soutien, qui informent et renseignent sur les compétences de vie et des ressources, et un aiguillage vers des équipes de proximité qui peuvent aider les mères une fois que ces dernières ont quitté la maison de transition de première ou de deuxième étape et vont dans un logement subventionné ou privé.
    Deuxièmement, en 2017, Atira a hébergé près de 2 000 femmes et enfants dans ses maisons de transition de première et de deuxième étape et ses logements avec services de soutien de longue durée. Malheureusement, nous avons dû refuser plus de trois fois ce nombre en raison du manque de places.
    Nous avons besoin de plus de logements dont le contrat de gestion reflète adéquatement les besoins de notre programme. Ainsi, on prévoira des budgets alimentaires pour les cuisines collectives afin d’enseigner les compétences de vie et de créer des réseaux d'entraide; des budgets pour les réparations et les travaux d’entretien, et du personnel sur place en permanence qui permet aux femmes d’établir des relations et des liens de confiance pour les prochaines étapes de leur parcours.
    Troisièmement, Atira soutient un nombre disproportionné de femmes autochtones, métisses et inuites. Plus de 70 % des femmes qui ont recours à nos programmes dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver et à Surrey s'identifient comme étant autochtones. Selon la Fondation canadienne des femmes, le taux d'homicide des femmes autochtones est six fois plus élevé que celui des femmes non autochtones.
    Nous avons besoin de logements culturellement adaptés pour les femmes autochtones et leurs enfants, avec des services de soutien pour renouer ou nouer pour la première fois les liens avec leur culture, les pratiques et les cérémonies de guérison. Nous devons respecter et admettre les répercussions permanentes des pensionnats et le traumatisme multigénérationnel toujours présent.
    J’aimerais vous donner un exemple de ce à quoi cela ressemble. Dernièrement, une jeune Autochtone de 19 ans a été inscrite à Imouto par une organisation qui n’était pas en mesure de l’aider. La jeune fille est fatiguée, effrayée et excessivement timide. Elle était venue rester chez son oncle dans le quartier Downtown Eastside, mais elle s'était enfuie quand son oncle avait essayé de la forcer à se prostituer. Seule, perdue, affamée et sans argent, elle s'est rendue à la maison Imouto, mais elle ne communique pas avec le personnel et parle à peine à qui que ce soit. Le personnel réussit finalement à établir un lien de confiance avec elle et comprend qu’elle veut rentrer chez elle. Ni sa bande ni sa famille ne peuvent ou ne veulent payer le billet de retour en autobus. Le personnel prend des dispositions pour la conduire dans une réserve près de Keremeos. Arrivée dans son territoire, son attitude change complètement: elle raconte des histoires sur sa tante et parle des montagnes et de sa famille. Elle vit toujours là et elle est épanouie.
(1640)
    Ce programme, Imouto, compte actuellement une seule employée et nous devons recueillir plus de 160 000 $ par année auprès de la population pour le garder en activité. Sans ce programme, cette jeune femme aurait probablement disparu dans le quartier Downtown Eastside.
    Enfin, j’aimerais dire qu’en raison de l’absence d’augmentation, pendant des années, du financement du logement pour les femmes victimes de violence, Atira a dû faire preuve de créativité pour la construction de nouveaux logements et dans ses partenariats avec différents ordres de gouvernement: financement en espèces, dons sous forme de droits d’utilisation du sol et renonciation aux droits de permis. Nous avons aussi dû...
    En fait, je vous ai laissé dépasser votre temps.
    D’accord. Pas de problème.
    Nous allons maintenant entendre Mme Latour de Carrefour pour femmes inc.

[Français]

     Bonjour. Je m'appelle Geneviève Latour et je suis la directrice adjointe de Carrefour pour femmes.
    Depuis 1981, Carrefour pour femmes vient en aide aux femmes et à leurs enfants qui sont touchés par la violence faite aux femmes et la violence faite par un partenaire intime.
    Carrefour pour femmes est la seule maison de transition pour les victimes de violence familiale et d'agression sexuelle dans le Sud-Est du Nouveau-Brunswick. Nous offrons également les programmes et les services bilingues suivants: un centre de crise familiale, un centre d'agression sexuelle, une ligne de crise sans frais, un logement à plus long terme, un programme d'approche communautaire et un programme de soutien aux jeunes.
    Notre maison de transition offre beaucoup plus qu'un lieu sûr. Nous fournissons des services et des ressources qui sont vitaux et qui permettent aux femmes et à leurs enfants victimes de violence d'entamer leur guérison, de reconstruire leur estime de soi et de prendre des mesures pour retrouver une vie autonome et indépendante.
    Nous faisons aussi de la sensibilisation et contribuons au changement social dans le cadre d'efforts plus vastes qui visent à prévenir et à éliminer la violence à l'égard des femmes et des filles.
    La maison de transition contient trois berceaux et quarante-et-un lits, dont trois sont accessibles aux femmes et aux enfants à mobilité réduite. Comme je viens de le dire, nous offrons beaucoup plus qu'un logement.
    En 2017-2018, nous avons répondu à des milliers d'appels de crise. Nous avons accompagné plus de 70 personnes qui s'étaient présentées à l'hôpital pour y obtenir des soins médicaux à la suite de la violence qu'elles avaient subie. Nous avons hébergé 250 femmes et 90 enfants.
    Le gouvernement fédéral a vraiment un rôle de premier plan à jouer dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes, ce qui inclut bien sûr le travail des maisons de transition comme la nôtre.
    Je vais commencer par aborder l'écart entre le nombre de lits requis et le nombre de lits disponibles. C'est difficile de juger de cet écart. En novembre 2016, notre capacité est passée de 17 à 41 lits. En 2016, notre taux de refus était de plus de 30 %, et maintenant, il est d'un peu moins de 20 %. S'il y a eu une baisse de seulement 10 % alors que nous avons augmenté notre capacité de 40 %, c'est que nous faisons plus de sensibilisation auprès du public au sujet de ce problème important qui affecte les femmes. Après chaque effort de sensibilisation que nous faisons, nous recevons plus d'appels.
(1645)

[Traduction]

    Pouvez-vous ralentir un peu?

[Français]

     D'accord.
    Bien que nous offrions près de deux fois et demi plus de lits qu'avant, notre revenu opérationnel n'a augmenté que de 4 %. Je vais reparler de cet enjeu plus tard, mais pour le moment, je vais revenir à la seconde question qui nous intéresse, soit les programmes fédéraux existants et le financement des maisons de transition.
    Comme vous le savez, le gouvernement fédéral ne fournit pas de financement pour couvrir les dépenses de fonctionnement des maisons de transition pour les femmes victimes de violence, à l'exception des maisons de transition qui se trouvent dans les réserves. La majeure partie du financement fédéral est destinée aux immobilisations. Gérer une maison de transition, c'est comme gérer n'importe quelle autre maison: il faut payer les factures des services publics, les assurances, les taxes foncières, la nourriture, et ainsi de suite. Or toutes ces dépenses ont augmenté au fil des ans, mais notre financement de base n'a augmenté que très légèrement.
     Qui en paie le prix? Ce sont nos intervenantes et nos employées, soit du personnel constitué entièrement de femmes. Conserver du personnel qualifié est vraiment un problème important. En fin de compte, ce sont les femmes et les enfants fuyant la violence qui écopent. Ma recommandation, en ce qui a trait aux programmes fédéraux existants et au financement des maisons de transition, concerne donc le financement de base. Au bout du compte, nous ne pouvons pas accomplir notre travail efficacement si nous n'obtenons pas de financement pour notre fonctionnement.
     Quelles sont les solutions possibles? Nous recommandons que, dans la future loi, le logement soit vraiment reconnu comme un droit fondamental de la personne. Le Canada a besoin de plus de logements sûrs et abordables pour les femmes et les enfants. Je crois aussi qu'il est important de garder en tête que les maisons de transition ne sont pas des « pansements temporaires ». Bâtir plus de logements abordables sans les services de soutien pour les femmes et les enfants ayant fui la violence n'est pas la solution. Ces deux éléments sont vraiment nécessaires. Il faut plus de logements abordables, mais il faut aussi des maisons de transition adéquatement financées pour les femmes et les enfants qui fuient la violence.
    Avec un financement adéquat, les maisons de transition peuvent assurer que toutes les femmes bénéficient d'un accès immédiat aux services. Toutes les femmes ont le droit de vivre et de jouir d'une vie libre de violence et d'abus. À l'heure actuelle, nous abandonnons ces femmes si nous sommes incapables de leur offrir des services. La seule statistique que je vais souligner aujourd'hui est le fait qu'au Canada, une femme est tuée tous les six jours par une personne qu'elle connaît et avec laquelle il est fort probable qu'elle ait eu une relation intime.
    Il est impossible de couvrir tous les enjeux auxquels nous faisons face en tant que maison de transition, qu'il s'agisse des femmes autochtones, de la communauté LGBTQ+, des femmes aînées, des femmes en situation de handicap ou d'autres encore. J'ai choisi de profiter de mon témoignage pour vous informer sur la situation des femmes immigrantes, réfugiées et sans statut que nous accueillons. Je vous en parle pour faire valoir que le financement de base et l'offre de programmes spécialités sont importants pour les maisons de transition.
    Dans notre maison, à Carrefour pour femmes, il y a toujours en moyenne trois femmes et trois enfants immigrants ou réfugiés. Ces femmes et ces enfants font face à des barrières spécifiques que ne connaissent pas les femmes non immigrantes. Par exemple, la moyenne de séjour dans notre maison est d'environ 28 jours pour les femmes canadiennes, alors qu'elle est de 74 jours dans le cas des femmes et des familles immigrantes. Ces femmes font face notamment à des barrières linguistiques, à la difficulté de naviguer dans les divers systèmes, au coût des services, à la durée du processus visant à obtenir un statut, qui est un frein pour toutes les autres démarches, à l'absence d'un réseau de soutien et au racisme, qui fait partie intégrante de tous les obstacles que je viens d'énumérer.
    Les fonds dont disposent actuellement notre organisme ne nous permettent pas d'embaucher une intervenante qui pourrait travailler spécifiquement auprès de cette population et répondre à ses besoins particuliers. Je rappelle que nous avons 41 lits, mais dans 85 % du temps, il n'y a qu'une seule intervenante sur place pour accompagner et soutenir les résidantes, préparer les repas, répondre à la ligne de soutien, accueillir les dons de la communauté, et ainsi de suite. Vous comprendrez donc que la question de l'écart entre le nombre de lits actuels et le nombre de lits offerts va au-delà de la seule question des lits physiques disponibles. Il est important qu'une augmentation du nombre de lits aille de pair avec une augmentation du financement de base et un programme pour les femmes et les enfants.
     Si j'avais plus de temps, je vous parlerais du quart de travail typique d'une intervenante, mais je vais plutôt vous encourager à visiter une maison de transition située dans votre région. Vous êtes certainement les bienvenus chez nous.
    Avant de conclure, je tiens à répéter qu'il est nécessaire d'adopter une politique pancanadienne sur le logement et la violence conjugale.
(1650)

[Traduction]

     Votre temps est écoulé.
    Vous nous avez remis un mémoire que la greffière va faire traduire avant de le distribuer à tout le monde.
    Excellent.
    Nous passons maintenant à Mme Fiona Cunningham de l'Iris Kirby House.
    Je vous remercie de l’occasion offerte aujourd’hui.
    Je m’appelle Fiona Cunningham. Je suis la conseillère en santé mentale de l’Iris Kirby House, à St. John’s, et de l’O’Shaughnessy House, à Carbonear, Terre-Neuve-et-Labrador. Notre organisme offre du soutien et donne asile aux victimes de violence familiale dans la région d’Avalon, où la population est de plus de 260 000 personnes.
    Nos refuges ont, respectivement, 32 et 15 lits. De plus, nous avons 13 logements de deuxième étape. L’an dernier, nous avons collectivement hébergé plus de 350 femmes et enfants et répondu à près de 900 appels de détresse. Les autres services offerts comprennent le soutien aux anciens résidants. L'an dernier, nous avons répondu à environ 1 400 appels téléphoniques en lien avec la formation de groupes de loisirs et de thérapie pour femmes et enfants et l'aide au logement.
    Notre approche tient compte des traumatismes subis et vise l'autonomie, tout en intégrant la réduction des dommages et la satisfaction des besoins de chaque femme et de chaque famille selon un mode personnel.
    Du personnel de première ligne, qui est responsable de la santé et de la sécurité des résidants de l’immeuble au quotidien, jusqu'à l'ensemble du personnel administratif et de soutien, nous sommes une organisation qui travaille fort. Malgré tous nos efforts, le système comporte des lacunes: des services dont nous avons besoin n’existent pas, et des femmes et des enfants passent entre les mailles. Il est important de noter que les lacunes du système n’existent pas nécessairement dans le régime des refuges, mais plutôt au point de rencontre des organismes et des services.
    À quoi ressemblent certaines de ces lacunes pour nous?
    Premièrement, il n’y a pas de refuge réservé aux femmes dans notre région. La pratique de la traumatologie nous permet de comprendre qu'il arrive que les femmes qui ont de longs antécédents de violence fondée sur le sexe ne peuvent pas vivre dans un refuge pour hommes et femmes. Notre clientèle féminine n'est pas nécessairement une victime directe de la violence fondée sur le sexe, mais son histoire est tumultueuse et ses combats actuels sont en lien direct avec la violence fondée sur le sexe. Ces femmes n’ont nulle part où aller et ne cadrent pas non plus avec nos critères de service. Nous avons besoin d’un continuum de services pour lutter contre l’itinérance due à la violence familiale.
    Deuxièmement, les listes d’attente pour les maladies mentales et la toxicomanie sont longues. Il faut parfois attendre au moins six mois pour l'évaluation initiale, et le traitement n'est pas commencé à ce moment-là. L’évaluation initiale peut prendre jusqu’à six mois, avant même que le service puisse commencer. Les femmes qui ont de la difficulté à vivre en communauté pour diverses raisons, souvent pour des raisons de santé mentale ou de consommation effrénée de drogues ou d’alcool, n’ont pas droit aux services d’un refuge ni à un accompagnement immédiat pour cause de toxicomanie et de santé mentale.
    Troisièmement, il n'y a pas de navette pour les points de service. Les femmes ne sont pas nécessairement capables d'utiliser les transports en commun en raison de traumatismes, de problèmes de santé mentale ou d’acuité mentale, ou le secteur où elles doivent se rendre n'est même pas desservi par des moyens de transport en commun. Il ne suffit pas qu’un service existe, il faut encore qu’il soit accessible.
    Quatrièmement, le régime actuel des refuges est un modèle curatif qui fonctionne dans l'urgence, un peu comme le cercle vicieux de notre régime hospitalier de soins de santé mentale de courte durée. Les clientes ont souvent besoin d’une approche qui sort du cadre actuel de financement, ce qui limite le soutien et les soins que nous pouvons offrir.
    Cinquièmement, notre système juridique peut ne pas réussir à assurer la sécurité des femmes qui souhaitent rentrer chez elles ou même vivre en sécurité dans leur collectivité, ce qui peut entraîner des séjours inutilement longs et restrictifs dans un refuge. Le refus d’une ordonnance de protection d’urgence, parce que la femme se trouve dans un refuge, met en adéquation le système et la maltraitance et peut expliquer au premier chef qu'une femme doute et se méfie d'un système juridique qui la traumatise de nouveau.
    Sixièmement, une autre brèche à combler, c'est l'obligation faite de prouver qu'on est pauvre pour avoir droit à une représentation par un avocat. Voilà un groupe de femmes dont le revenu est supérieur au plafond donnant droit à l’aide juridique, mais qui sont incapables de payer un avocat ni de combler leurs besoins essentiels. Cette situation peut créer une grave inégalité entre la femme qui a survécu à la violence familiale et son agresseur. De fait, elle crée une autre circonstance qui autorisera l’agresseur à continuer, voire à intensifier ses gestes de violence.
    Enfin, une femme qui a un emploi risque de perdre son emploi en raison des congés qu'elle doit prendre pour se rendre chez le médecin, le service de police ou l'avocat, pour déménager de la maison au refuge et du refuge à une nouvelle maison. Une grande partie de la population de Terre-Neuve-et-Labrador vit en milieu rural, où il n’y a pas de refuge, ce qui signifie qu’une femme pourrait devoir choisir entre la sécurité et l’emploi.
    Au nombre des solutions aux lacunes susmentionnées, mentionnons la capacité d’offrir des modes d'intervention souples et personnalisés aux femmes et à leur famille. Durant l’année où j’ai travaillé comme conseillère en santé mentale au refuge, chaque jour apportait quelque chose de nouveau. Les travailleurs de première ligne ont besoin qu'on les laisse faire preuve de créativité dans leurs interventions. Non seulement les contraintes systémiques victimisent de nouveau les clientes au quotidien, mais elles créent aussi un traumatisme indirect chez les intervenantes qui sont aussi impuissantes que leurs clientes face aux besoins essentiels de ces dernières. Lorsque le cadre de financement est strict, les femmes qui ont besoin de services sont vite disqualifiées.
(1655)
     Nous devons offrir de la formation et mettre l’accent sur les pratiques tenant compte des traumatismes, non seulement dans le réseau des refuges, mais aussi auprès des policiers, des avocats, des juges et de tout le personnel de soutien, afin de réduire les traumatismes répétés et de commencer à créer un système où l'on croit et appuie les femmes.
    Nous avons besoin d’un meilleur accès à des services d'accueil, de soins de courte durée ou à rencontre unique en santé mentale et en toxicomanie, en particulier ceux en traumatologie et les femmes.
    Nous devons considérer l’accès à un avocat comme un droit et assurer à chaque personne ayant affaire au système juridique, une représentation à point, nommé et adéquate.
    Nous avons besoin d’un réseau de refuges qui offre des soins appropriés aux personnes transgenres et non binaires. Un système doit considérer que le genre forme un continuum et n'est pas une dualité.
    Nous devons faire la distinction entre les femmes qui sont victimes d’exploitation sexuelle et les travailleuses du sexe. Les refuges doivent répondre simultanément et efficacement aux besoins des deux groupes, lesquels peuvent largement diverger.
    De plus, nous avons besoin d’une politique nationale en matière de violence familiale afin que les femmes puissent conserver leur emploi et s’acquitter des tâches fastidieuses qui leur sont imposées pour avoir survécu à la violence familiale.
    Je remercie le Comité d’avoir pris le temps de m’écouter, mais je n’ai pas connu la violence familiale. J'ai souhaité faire entendre la voix des femmes autour de moi qui l'ont vécue, car j'occupe une place privilégiée. Ainsi, j'invite le Comité à parler directement aux personnes touchées par la violence interpersonnelle fondée sur le sexe, afin d’entendre vraiment des histoires pleines de couleur, édifiantes et à écouter attentivement. Quand on prend le temps de rendre hommage à toutes les femmes qui ont vécu ou qui vivent l’horreur de la violence familiale, on découvre que leur force et leur résilience nous donnent la volonté de partir en quête de solutions. En ouvrant notre coeur et notre esprit à leurs paroles, nous réussirons à mettre fin à la violence fondée sur le sexe.
     Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à nos dernières témoins, Mmes Daisy Kler et Jean Fong, du Vancouver Rape Relief and Women’s Shelter. Je suppose que vous partagez votre temps.
    Bonjour. Je vous remercie de nous avoir invitées à prendre la parole aujourd’hui sur cet important sujet. Je m’appelle Jean Fong et je suis membre du Vancouver Rape Relief and Women’s Shelter depuis 15 ans.
    Fondé en 1973, Vancouver Rape Relief est le premier centre d’aide aux victimes de viol au Canada. Il exploite une ligne de crise et une maison de transition 24 heures par jour pour les femmes qui fuient la violence masculine. Tous les ans, nous recevons environ 1 300 appels et hébergeons une centaine de femmes et leurs enfants qui fuient la violence masculine. Les femmes qui nous appellent ont été violées, battues, harcelées sexuellement, victimes d'inceste ou prostituées. Ce sont des immigrantes, des Autochtones, des femmes de couleur, et viennent autant des zones rurales que des centres urbains. Ce sont des femmes de toutes les classes sociales et de toutes les races.
    Nous fonctionnons comme un groupe dont les membres sont rémunérés ou non. L’âge, la race et la classe sociale de nos membres varient. Nous comptons parmi nos membres d’anciennes femmes battues, des femmes qui ont quitté la prostitution, des survivantes d’agressions sexuelles et des femmes qui ont vécu dans notre maison de transition. Les femmes qui appellent cherchent du soutien émotionnel, de l’information et de l’aide sur le système de {justice pénale, mais surtout un lieu d'hébergement.
    Dans le cadre de notre travail quotidien, nous constatons que l’itinérance des femmes est liée à la violence qui leur est faite par les hommes, au colonialisme, au racisme et à la pauvreté. À cause de la violence masculine, les femmes sont obligées de quitter leur foyer pour se protéger et protéger leurs enfants. Les femmes partent et vont à l’hôtel, chez des amis, des membres de leur famille et parfois des étrangers, et, bien sûr, dans une maison de transition ou un refuge pour femmes. La très grande majorité des femmes qui habitent dans notre maison de transition sont des femmes pauvres, des femmes qui ne parlent pas anglais et des femmes autochtones.
    Les maisons de transition ne sont pas qu’un simple endroit où se réfugier. C'est un lieu réservé aux femmes, où elles peuvent guérir, se ressaisir et établir des liens avec d’autres femmes qui fuient elles aussi la violence masculine. Dans les maisons de transition, les femmes se parlent et commencent à comprendre que la violence qu’elles ont subie n’est pas la conséquence de ce qu’elles ont fait ou de ce qu’elles n’ont pas fait ni qu’elle est unique en son genre, mais un symptôme du patriarcat, du monde dans lequel nous vivons.
    Les femmes fêtent les réussites de chacune et pleurent ensemble lorsque tout semble insurmontable. Les maisons de transition permettent aux femmes d’imaginer comment aller de l’avant, de planifier leur avenir et d’apprendre à rêver.
    Pendant leur séjour, nous aidons également les femmes à demander de l’aide sociale, à trouver un logement, à obtenir les services d'un avocat pour des choses comme la garde et le droit de visite, à faire des déclarations à la police et à trouver des services de garde, des garderies, des services de traduction et presque tout ce dont elles ont besoin quotidiennement. Nous demeurons disponibles en tant que ressource et comme soutien pour les femmes qui ont vécu dans notre maison de transition, même si cela fait longtemps qu'elles ont déménagé, parce que des choses comme celles que je viens d’énumérer se poursuivent bien après leur séjour. Souvent, dans les 18 mois qui suivent la séparation, l'agresseur intensifie sa violence pour tenter de la dissuader de vivre sans lui.
    Finalement, j’aimerais dire qu’il faut une foule d’initiatives, de services et de programmes qui opèrent ensemble et côte-à-côte pour aider les femmes à se libérer de la violence masculine. Cependant, l’accès à des services comme les maisons de transition et les centres d’aide pour les victimes de viol est limité. Rien ne justifie le manque de ressources essentielles, et elles doivent être à la disposition de toutes les femmes lorsqu’elles choisissent de quitter une situation dangereuse. Les maisons de transition et les centres d’aide pour les victimes de viol, ainsi que leurs programmes, doivent devenir une priorité économique pour le gouvernement fédéral.
    Merci.
(1700)
     Je m’appelle Daisy Kler. Je suis également membre du collectif du Vancouver Rape Relief and Women’s Shelter. J'y suis depuis une vingtaine d’années. À la maison de transition, je travaille principalement avec les femmes violentées et leurs enfants.
    La plupart d’entre nous ont déjà parlé du besoin de financement pour les maisons de transition et le logement abordable, alors je n'en reparlerai pas. Je vais parler d’autres lacunes dans les services qui minent la capacité d’une femme de quitter un homme violent.
    Dans un contexte plus large, dans les années 1990, le gouvernement fédéral a commencé à se décharger de ses responsabilités à l’égard des programmes sociaux comme le logement subventionné, l’aide sociale, les garderies et les soins de santé pour les remettre aux provinces. Ce démantèlement du filet de sécurité sociale mine l’égalité des femmes. L’absence d’accès à un logement adéquat, à des services universels de garde d’enfants et à des soins de santé, ajoutée à des paiements d’aide sociale extrêmement bas, augmente la vulnérabilité des femmes à la violence masculine.
    Nos recommandations sont les suivantes.
    La première concerne le financement de soutien. Il doit y avoir des centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle et des maisons de transition indépendantes et dirigées par des femmes, avec un financement de soutien fédéral, dans toutes les collectivités du Canada, y compris dans les réserves.
    La deuxième concerne le niveau des prestations d’aide sociale. Quarante-cinq ans de travail contre la violence nous ont révélé qu'une femme a besoin de sécurité économique pour quitter un mari qui la maltraite, un patron qui la harcèle sexuellement ou un proxénète violent. Une loi sur l’équité salariale convient à celles qui ont un emploi stable. Les femmes en situation de pauvreté extrême et dont l'emploi est précaire ont besoin de prestations d'aide sociale suffisantes pour vivre. Le gouvernement fédéral devrait revoir et renforcer les normes nationales relatives aux prestations d’aide sociale en prévoyant un partage des coûts et des mesures d’application, de sorte que chaque province soit tenue de s’y conformer. Cette mesure peut être prise immédiatement.
    En fait de mesure à long terme, nous demandons un revenu de subsistance garanti, universellement accessible sans condition. Cela pourrait se faire par un système d’impôt négatif. Le revenu de subsistance garanti constitue, pour les femmes, le moyen d'échapper à un partenaire violent ou d'éviter de s'engager dans une relation violente par nécessité économique.
    Troisièmement, en ce qui concerne les transports, la Colombie-Britannique abrite la tristement célèbre route des pleurs, où de nombreuses femmes autochtones ont disparu et ont été assassinées. Nous avons perdu le service d’autobus de Greyhound. Les infrastructures comme les autoroutes et les transports relèvent à la fois du fédéral et des provinces. Nous voulons des transports en commun abordables, fréquents et accessibles. Les femmes violentées dans les régions rurales ne peuvent même pas se rendre dans les maisons de transition et doivent recourir à des méthodes de déplacement dangereuses qui augmentent leur vulnérabilité à la violence masculine.
    Quatrièmement, en ce qui concerne les femmes autochtones dans les réserves, les refuges financés par AANC, les Affaires autochtones et du Nord Canada, reçoivent des sommes bien inférieures à celles que reçoivent les refuges financés par les provinces. AANC doit financer les refuges dans les réserves au même niveau que les refuges hors réserve. De plus, comme aucune communauté n'est exempte de préjugés sexistes à l’égard des femmes, le financement ne devrait pas être laissé aux caprices des conseils de bande qui se succèdent et qui pourraient ne pas juger prioritaire la lutte contre la violence faite aux femmes. Les refuges financés par AANC doivent être indépendants des conseils de bande et être sous le contrôle de femmes autochtones de la collectivité.
    Cinquièmement, en ce qui concerne les services de police, lorsque les femmes sont victimes de violence masculine, leur premier contact se fait avec la police. Lorsque la police échoue, cela mine l’accès des femmes à la protection par le système de justice pénale. La GRC est discréditée en raison de la violence sexiste dont elle a fait preuve à l’endroit de ses propres policières et parce que les femmes ne croient pas que la police les protège contre les hommes violents. Les hommes violents sont rarement arrêtés. Souvent, la police n’accorde pas la priorité aux appels de violence familiale et peu d’arrestations donnent lieu à des condamnations. Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de chef de file et demander à la police partout au Canada de prendre la violence faite aux femmes au sérieux, d’accorder la priorité aux crimes contre les femmes et d’imposer à la police un changement d’attitude et de comportement partout au pays.
    Merci.
(1705)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à Bob Bratina pour la première série de questions de sept minutes.
    Je vous remercie toutes pour vos témoignages.
    J’ai dit aux deux groupes de témoins précédents que Marc et moi avions siégé à des conseils municipaux — j’étais alors maire — et que nous avions visité certains refuges pour femmes. Je dois dire qu’il était un peu troublant de parler à des femmes qui n’étaient pas nécessairement heureuses de nous parler en raison de leur expérience récente.
    La première chose qui me vient à l’esprit, ce sont les gens. Comme vous l’avez dit, il n’y a peut-être qu’une seule personne par quart de travail. Comment recrutez-vous des gens pour ce genre de travail? D’où viennent-ils?
    Daisy, allez-y.
    Nous sommes un peu différents. Notre équipe est un mélange de bénévoles et de personnel rémunéré. Nous pensons que les femmes sont très motivées à venir faire ce travail. Là n’est pas le problème. Le problème, c’est que nous devons nous en passer.
     Nous lançons des messages d’intérêt public. Nous sommes connus dans la collectivité. Nous faisons de la sensibilisation auprès du public. Nous ne dépendons pas uniquement du financement gouvernemental, parce que nous savons que ce n’est pas possible. Nous ne recevons aucun financement fédéral pour quoi que ce soit.
    Nous jouissons d'un bon taux de rétention, en partie parce que nous essayons de fonctionner de façon non hiérarchique, dans la mesure du possible. Nous procédons par consensus, avec un mélange de bénévoles et d'employés rémunérés.
     L'épuisement professionnel est-il un facteur dans ce genre de travail?

[Français]

     Je pense que le traumatisme vicariant a été mentionné auparavant. Nous essayons de l'éviter, mais on a beau avoir de l'éducation et de la bonne volonté, quand on n'a pas les ressources nécessaires, ce traumatisme est certainement présent.
    Selon moi, il est possible de l'éviter. Comme nous l'avons dit, si nous avions un meilleur financement de base, beaucoup de femmes qui veulent travailler dans notre centre pourraient le faire. Or, dans les conditions actuelles, ce n'est pas toujours facile pour elles d'assumer toutes les responsabilités qui nous leur confions. Vous avez raison de parler d'usure de compassion, d'épuisement et de traumatisme vicariant. Toutefois, si nous avions les ressources nécessaires pour offrir des conditions de travail raisonnables aux femmes qui veulent faire ce travail, je pense que ce problème serait tout à fait évitable.

[Traduction]

    Merci.
    Il y a dans ma ville une école secondaire où 10 % de la population étudiante était considérée comme itinérante. Peut-être que ces enfants sortaient d'épisodes de violence familiale et qu’ils avaient dû s’enfuir. Certains d’entre eux se débattaient avec des problématiques liées à leur genre et n’étaient plus les bienvenus à la maison.
     Dans votre milieu de travail, les femmes savent-elles où se trouvent leurs enfants? Il doit y avoir, dans de nombreux cas, une sorte d’itinérance secrète causée par l’incapacité de l’enfant à avoir un lien avec la mère ou le père, ou parce qu'il a dû fuir pour sa propre sécurité. Qu’en pensez-vous?
(1710)
    Je pense qu’il y a différentes populations. Je ne pense pas pouvoir dire que les femmes qui sont avec nous ne savent pas où sont leurs enfants. Même si certaines ont des enfants en famille d’accueil, elles savent où ils se trouvent.
     Certes, nous avons des jeunes sans-abri, de cette population, et je suis sûre que l'on voit cela dans toutes les régions du Canada, mais je considère que c’est un phénomène distinct.
    Certains de ces jeunes sont de sexe féminin. Ce sont des filles.
    Mme Fiona Cunningham : Certainement.
    M. Bob Bratina : Vous avez toutes parlé du fait que les besoins allaient en augmentant pour ce type de population. Est-ce qu'elle augmente plus rapidement que la population normale? Est-ce que quelque chose est en train de se passer?
    Eh bien, je pense qu’il ne reste plus grand-chose des filets de sécurité sociale. Tout le monde parle d’intersectionnalité, qui est l’approche que nous adoptons pour analyser l’intersection de la race, de la classe sociale et du sexe et selon laquelle les femmes doivent surmonter un plus grand nombre d’obstacles, mais si on se penche sur les solutions, on ne peut pas n’en trouver qu’une seule. Il faut trouver une solution à la pauvreté des femmes, au fait que la police ne réagit pas à la violence faite aux femmes et ne protège pas les femmes, au fait qu’il y a une crise du logement partout au pays. Tout cela met de plus en plus de pression sur les femmes quand vient le moment de partir et de trouver un endroit où aller...
     C’est une chose d’être dans une maison de transition, mais nous y abritons les femmes pendant trois, quatre ou cinq mois à l'heure actuelle, parce qu'elles n'ont plus d'endroit où aller à leur sortie. Si vous dites à une femme célibataire qu'elle touchera au total 710 $ de prestations d'aide sociale en Colombie-Britannique alors que le loyer pour un appartement d'une chambre à coucher à Vancouver est de 1 500 $, quel message lui transmettez-vous? De prendre son courage à deux mains et de partir? Elle n’a nulle part où aller.
    En raison de l’érosion de tous nos programmes sociaux et de l’absence de normes fédérales nationales qui peuvent être appliquées — ou du moins de certaines mesures de partage des coûts —, certaines femmes se retrouvent dans une situation désespérée.
    Je crois comprendre que ce que vous dites, c’est que tout rapport dans lequel nous formulerions des recommandations devrait aller bien au-delà que les seules ressources dont vous avez désespérément besoin. Il y a un aspect sociétal à tout cela, qui concerne la police et les organismes gouvernementaux. Seriez-vous d’accord avec cela?
    Oui. Il faut concevoir des services complets, tout à fait.
    C’est un témoignage difficile à entendre pour nous. Nous avons entendu plusieurs groupes de témoins. Par exemple, j’étais dans le Grand Nord, à Yellowknife. Dans le groupe de témoins précédent, nous avons entendu parler de la difficulté pour les femmes du Grand Nord d’avoir accès aux services, de la situation des autobus de Greyhound et ainsi de suite.
     Il me semble que la chose la plus simple pour tous les problèmes dont nous parlons serait de permettre aux personnes de se déplacer pour obtenir de l’aide. Je me demande s’il n’y aurait pas moyen de formuler une recommandation en vertu de laquelle le gouvernement essaierait, disons, d’acheter un certain nombre de vols à l’avance au fil des ans, de sorte que des personnes puissent simplement avoir accès à un siège dans un avion, un siège pour lequel on aurait déjà payé. De cette façon, les compagnies aériennes — les plus petites, car elles sont petites — disposeraient des ressources nécessaires pour le faire sans avoir à trouver une solution en temps de crise.
     Votre temps est écoulé.
    D’accord. Eh bien, c’était là ma recommandation.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Harder, pour sept minutes.
    Avant de poser mes questions, j’aimerais présenter un avis de motion:
Attendu que Condition féminine Canada est en passe de devenir le ministère de la Condition féminine et de l’Égalité entre les sexes, le Comité permanent de la condition féminine invite la ministre à informer le Comité de son nouveau mandat au plus tard le mercredi 5 décembre 2018, et demande que cette séance ne dure pas moins d’une heure.
    Désolée, c’était une petite formalité procédurale.
    Je vais commencer par poser une question à l’Atira Women’s Resource Society. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné l’idée d’utiliser des conteneurs comme logements. Je me demande si vous pouvez nous en dire un peu plus à ce sujet. Je trouve que c’est une idée originale. C’est quelque chose qu’on évoque souvent, mais c’est la première fois que j'ai l'occasion de parler à quelqu’un qui en a l'expérience. Pouvez-vous nous parler un peu du succès que vous avez là-bas et des défis que vous devez relever?
    Bien sûr. Cet aménagement a été construit en 2011. Après les Jeux olympiques de Vancouver, BC Hydro avait une maison modèle sur la partie avant de son terrain à Vancouver, qui avait été construite à partir d’un conteneur d’expédition. Un appel de propositions avait été lancé et on pouvait participer pour avoir une chance de la gagner. Nous avons remporté le concours et c’est ainsi que le projet de conteneurs d’expédition a démarré.
    Juste à côté d’un aménagement que nous avions déjà, nous possédions un terrain très long et étroit. Nous avons été en mesure de travailler avec un directeur de construction pour bâtir deux immeubles de trois étages chacun, des unités multiples, faits de conteneurs d'expédition. À l’intérieur, ils mesurent environ 290 pieds carrés. Ils sont autonomes, possèdent leur propre cuisine, leur salle de bain de même qu'un ensemble laveuse et sécheuse. À l’heure actuelle, ils se destinent particulièrement aux femmes plus âgées qui offrent du mentorat aux jeunes femmes qui vivent à côté. Il y a donc là un programme de mentorat intergénérationnel.
    Quand on entre dans ces logements, on ne peut pas savoir qu’il s’agit de conteneurs. Ils sont entièrement équipés. Ils sont isolés à la mousse pulvérisée, leur façade est un mur-rideau, ils sont vraiment beaux. Jusqu’à présent, cela fonctionne très bien. Leur coût de construction est d’environ 82 500 $ chacun, comparativement à un logement traditionnel, qui coûte environ 200 000 $, je crois.
(1715)
    C’est très bien. Merci.
    Ma prochaine question s’adresse à Mme Latour. Vous avez parlé des femmes immigrantes et du fait qu’elles font face à des défis différents de ceux des femmes non immigrantes. Pouvez-vous nous en parler un peu plus?
    Un groupe qui me tient particulièrement à coeur actuellement est celui des femmes et des filles yézidies, qui viennent du nord de l’Irak pour trouver refuge ici au Canada, mais il y en a beaucoup d’autres qui viennent ici avec l’espoir d’une vie meilleure. Pouvez-vous nous parler de certains des défis auxquels ils font face et de ce qu’on pourrait améliorer pour servir cette population?

[Français]

     Oui, certainement.
    Je n'ai pas parlé non plus de la possibilité de prendre contact avec ces groupes et de tisser des liens avec leurs communautés d'origine. Toutefois, une fois que ces gens entendent parler de nos programmes et qu'ils viennent à nous, ils font face à du racisme systémique. Outre le traumatisme de la violence qu'elle aura vécue, une femme qui fait face à moins d'obstacles et qui est simplement à la recherche d'un logement subira souvent du racisme: certains propriétaires ne voudront peut-être pas lui louer un appartement parce qu'elle a trop d'enfants à leur goût, par exemple.
    Dans le cas d'une femme souhaitant obtenir le statut de réfugiée, les simples démarches pour ce faire peuvent prendre du temps, durant lequel elle n'a pas accès gratuitement à des soins de santé. Si elle a des enfants, les coûts sont exorbitants. Elle ne reçoit aucune aide sociale et n'a donc aucun revenu. Pourtant, elle a des dépenses, parce qu'elle doit vivre. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.
    De plus, il existe parfois une barrière linguistique. Par exemple, certaines femmes ont voulu porter plainte à la police, mais elles ont dû recourir à Google Traduction pour leur déposition. Ces femmes ont tout un apprentissage à faire quant aux services de soutien offerts dans la région. Il faut donc vraiment pouvoir les accompagner et leur offrir des services à plus long terme. Même une fois qu'elles ont un statut officiel, le ministère du Développement social du Nouveau-Brunswick impose une limite à la durée de leur séjour en refuge avant que ces femmes perdent leurs allocations, et ce, même si elles n'ont pas terminé leurs démarches pour avoir leurs papiers d'identité. La situation est donc vraiment très complexe.
     C'est pourquoi il faut absolument des programmes particuliers. Je ne parle même pas de l'accompagnement dont ces femmes ont besoin en lien avec le traumatisme des violences qu'elles ont subies au Canada et peut-être aussi dans leur pays d'origine, ni des interventions requises auprès de leurs enfants, le cas échéant, y compris leur accompagnement au sein du système scolaire. Nous voyons de plus en plus de ce genre de femmes avec de tels besoins. De notre côté, notre personnel a les connaissances requises pour les aider, mais il est vraiment difficile de leur apporter le soutien dont elles ont besoin si nous sommes obligés de nous partager entre 41 personnes.

[Traduction]

     J’aimerais ajouter quelque chose.
    Veuillez répondre très brièvement, si vous le pouvez, car j’ai une question pour vous.
    Je n’ai pas eu le temps, évidemment, de toucher à tous les sujets, mais c’est une chose à laquelle notre refuge est aussi confronté. Je pourrais en parler longuement moi aussi.
    Madame Cunningham, votre organisation compte 13 logements de deuxième étape. Il semble y avoir un partenariat entre la Société canadienne d’hypothèques et de logement, le gouvernement fédéral et la Fondation IKH. Pouvez-vous m’aider à comprendre à quoi cela ressemble exactement?
(1720)
    Je ne suis pas très au courant des antécédents financiers et de la façon dont tout cela a évolué. Certains partenariats existent depuis 15 ou 20 ans. D’où est venu le financement initial pour certains logements, je ne saurais dire. Je ne serai peut-être pas d'une grande utilité pour répondre à cette question.
    Comment cela fonctionne-t-il lorsque les femmes arrivent au refuge pour la première fois et qu’elles font la transition vers ces logements de deuxième étape?
    Tout est géré par notre organisation. Elles relèvent toutes de l’Iris Kirby House et de l’O’Shaughnessy House. On évalue ce qui est à notre disposition par rapport aux besoins des femmes, à ce qui se passe dans leur vie à ce moment-là et à ce qui les aiderait à aller de l’avant.
    Votre temps est écoulé.
    Madame Malcolmson, vous avez sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aux quatre groupes. Nous pouvons retenir tellement de choses de tout cela.
    Un certain nombre de groupes d’experts nous ont dit que le mouvement #MoiAussi — la levée du tabou sur le fait de faire un signalement et de demander de l'aide — a exposé au grand jour la violence sexuelle dans le monde. Merci à vous toutes de faire le travail de première ligne et de sauver des vies.
    Le financement fédéral a-t-il été ajusté pour égaler les montants augmentés dont vous disposez? Parlez-nous un peu plus de la question de savoir si le financement disponible répond aux besoins.

[Français]

    Je peux commencer.
    Comme je l'ai mentionné, dans notre cas, nous n'avons reçu aucuns fonds d'exploitation. Nous n'avons donc pas vu d'augmentation puisque nous sommes passés de zéro à zéro dollar. Par contre, nous avons reçu du financement en immobilisation pour augmenter notre nombre de lits. Sur ce plan, nous avons donc effectivement les ressources matérielles pour accueillir ces femmes, et ces fonds ont augmenté de façon significative dans la foulée de ce mouvement.
     Toutefois, une fois les lits construits et disponibles, le financement de base n'a pas été augmenté. Nous avons donc deux fois et demie plus de lits, mais seulement 4 % de financement, que nous avons obtenu grâce à des collectes de fonds. Pour répondre à la question, nous avons effectivement reçu une augmentation de notre budget pour nous aider à obtenir plus de lits, mais nous n'avons toujours pas de fonds d'exploitation. Nous en faisons donc toujours plus, avec très peu.

[Traduction]

     Nous ne recevons pas d’argent du gouvernement fédéral. Je pense que c’est ce à quoi je faisais référence lorsque j’ai dit que le gouvernement fédéral s'était déchargé de ses responsabilités sur les provinces au fil du temps, à partir des années 1990, sans établir la façon dont les provinces dépenseraient cet argent. Cela signifie que la plupart d’entre nous ne reçoivent aucun financement fédéral. BC Housing finance la maison de transition pour nos 10 employés. Nous ne recevons aucun financement de soutien du fédéral pour la maison de transition, et aucun financement de soutien pour notre ligne d’aide en cas de viol. Nous recueillons des fonds d’autres façons. Donc, n'importe quelle somme vaudrait mieux que ce que nous obtenons actuellement.
    Évidemment, ce que nous affirmons, comme groupes de femmes, c’est que nous faisons partie d’un mouvement plus vaste. Le mouvement #MoiAussi fait partie du mouvement féministe et le fait de savoir que nous participons à ce changement social affermit notre détermination. Je pense que si l'on a à coeur l'égalité des femmes, le financement de base — sans excès de conditions et de mécanismes de reddition de comptes — est la façon dont nous pourrons assurer la suite de nos activités et user de créativité en cette période de soulèvements. C’est ce que nous disons toutes d’une même voix.
    Merci. Nous allons continuer de le répéter.
    Nous avons entendu des témoins avant vous qui ont critiqué le nouveau financement de Condition féminine Canada. On semblait appuyer des organismes comme le vôtre, mais est-ce que quelqu’un a déjà connu des réussites à cet égard? Quelqu’un a-t-il d'autres critiques à formuler?
    Excusez-moi, laquelle? S’agit-il du renforcement des capacités ou de celle qui précédait?
    Nous espérions que le renforcement des capacités pourrait être utile, ou qu’il s’agissait au départ de financement de soutien, mais en fait, nous avons entendu, par exemple, le London Abused Women’s Centre, qui a affirmé que cela ne correspondait pas du tout à ses besoins, et que c’était trop directif, que c'était ce dont le gouvernement pensait avoir besoin, et non ce dont lui et les survivantes savaient qu’ils avaient besoin.
    Nous avons fait une demande et nous n’avons pas reçu de financement. Le renforcement des capacités, c'est un peu mieux, en ce sens que vous prévoyez maintenant les services d'assistance judiciaire, mais nous n’avons reçu aucun financement pour cela.
    Je constate qu'une partie du problème, en ce qui concerne les subventions et ce genre de choses, est que lorsque nous obtenons du financement de soutien, la plus grande part est consacrée à ces programmes, mais nous avons de la difficulté à payer les comptables, la femme qui répond au téléphone et à la porte, et tous ces services essentiels à l’administration de nos programmes.
     Ce que j’aimerais voir, c’est une structure intégrée qui prévoit l'embauche de personnel compétent et expérimenté. Cela signifie qu’il faut avoir assez d’argent pour payer un salaire convenable aux personnes qui offrent ces services. Quelqu’un doit rédiger la demande de subvention. Quelqu’un doit rédiger le rapport. Quelqu’un doit justifier les dépenses. Il faut penser à ce genre de services également.
(1725)
    Ma question s’adresse à l’un ou l’autre des groupes. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que cela signifie, sur le plan de la sécurité personnelle, pour les femmes qui fuient la violence, mais également pour celles d’entre vous qui sont sur la ligne de front, lorsque vous devez refuser des femmes, lorsque les femmes ont le courage de venir vous demander de l’aide, mais que vous n’avez tout simplement plus de place pour elles?
    Je peux parler de ce que nous faisons. Lorsque nous devons refuser des femmes, nous essayons de trouver toutes les ressources disponibles. Parfois, nous faisons preuve de créativité, et parfois, nous travaillons avec d’autres organisations pour trouver un endroit où loger ces femmes et voir ce que nous pouvons leur offrir.
    Pour revenir à la question de M. Bratina au sujet de l’épuisement professionnel, c’est vraiment là où je veux en venir. En tant que travailleuse dans une maison de transition, travailleuse en situation de crise et membre d'un collectif, je fais ce travail depuis 15 ans. L’épuisement professionnel ne vient pas des histoires que j'entends, car ce sont les histoires que j’entends de la part de mes amis et des membres de ma famille. L’épuisement professionnel vient du mur que l'on frappe à essayer de trouver des services qui aideront les femmes souffrant de maladies mentales et de dépendances, qui logeront ces femmes lorsqu’il n’y a pas de logement, surtout pour les femmes qui viennent de fuir la violence masculine. Ce sont là les plus grandes frustrations.
    Madame la présidente, pouvez-vous demander aux députés de ne pas parler pendant que le témoin parle?
    Bien sûr. Si vous pouviez laisser les témoins parler, ce serait apprécié.
    Merci.
    L’une des choses qui ont fait l’objet de compressions, c’est la possibilité, après les heures, que le ministère provincial paie pour un hôtel si absolument rien d’autre n'était disponible, si tous les refuges étaient pleins. Maintenant, c'est à peine s'ils répondent à nos appels après 17 heures.
    Je pense que chacune d’entre nous a probablement conclu des ententes particulières comme celle que nous avons avec l’hôtel local du YWCA, qui peut accueillir une femme si nous n'arrivons à trouver rien d'autre. Parfois, il s'agit de simples tapis au sol et on déteste l’y envoyer parce que ce n’est pas sûr et que c’est assez effrayant. Si elle a des enfants, elle craint qu’ils soient appréhendés, alors elle ne dira peut-être même pas qu’elle est sans abri, car dans certains endroits, on pensera qu’elle n’est pas en mesure de subvenir aux besoins de ses enfants, ce qui justifie souvent l'arrivée de la voiture 86, comme on l'appelle en Colombie-Britannique, la voiture de police avec le travailleur social du ministère.
    Cela a un lien avec la façon dont elles perçoivent les policiers comme inutiles ou parfois pires qu'inutiles, destructeurs.
     Je vais devoir vous arrêter ici. Merci beaucoup.
    Eva, vous avez environ trois minutes.
    Merci.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je remercie nos témoins.
    Ma question s'adresse à vous, madame Latour. Vous avez dit que vous faisiez affaire avec beaucoup d'immigrantes, mais vous n'avez pas mentionné leur pourcentage. Étant donné que ces femmes font face à plusieurs obstacles, y compris linguistiques, comment réussissent-elles à s'exprimer? Viennent-elles vous voir immédiatement? Même si elles sont violentées, retournent-elles périodiquement chez leur conjoint parce qu'elles en sont dépendantes à cause de leur pauvreté et parce qu'elles craignent peut-être de perdre leurs enfants? Parlez-nous un peu de ces femmes de différentes ethnies qui s'adressent à vous.
    Nous utilisons différentes tactiques. Nous participons par exemple à des ateliers de prévention dans les écoles, lors desquels nous expliquons aux enfants ce que sont des relations saines et les ressources qui sont disponibles. Plusieurs mamans nous ont rapporté que c'était leur fils, en revenant de l'école, qui leur avait dit qu'ils n'étaient pas obligés de subir toute cette violence et qu'il existait des refuges. Ces ateliers sont donc une stratégie gagnante.
     Il est aussi important de s'allier aux centres d'accueil de personnes immigrantes et de s'associer à des événements culturels dans la région. Il s'agit de se faire connaître et d'aider les gens à reconnaître les symptômes de la violence familiale ou à caractère sexuel.
    Il n'y a donc pas qu'une seule façon de procéder. Cela dit, je suis certaine qu'il y a beaucoup de femmes que nous ne joignons pas parce qu'elles ne parlent ni l'une ni l'autre des deux langues officielles, parce que leurs enfants ne fréquentent pas l'école ou parce qu'elles ne participent pas à ces événements culturels. Nous sommes à développer cela. Nous avons un comité qui se penche sur cette question et qui fait beaucoup de présentations auprès de différents groupes.
    Par ailleurs, n'importe quelle femme peut décider de retourner chez son conjoint, même s'il est violent, mais elle peut aussi revenir nous voir. À mes débuts, je percevais ce retour chez son conjoint comme un échec, mais ma perception a changé depuis. Maintenant, quand cette femme revient chez nous et constate que je suis encore là et que je ne la juge pas, je considère que c'est un succès. Nous représentons un milieu sécuritaire qui ne la juge pas et dans lequel elle se sent à l'aise de revenir au besoin. Je trouve cela génial.
    Il est évident que nous ne sommes pas nécessairement heureux de voir cette femme retourner chez son conjoint, mais il est important de nous rappeler que c'est une décision qui lui appartient et que nous devons le respecter. Je pense que ce respect est la raison pour laquelle elles reviennent chez nous quand elles en ressentent le besoin, ou qu'elles nous appellent pour nous dire que les choses vont mieux ou qu'elles n'ont pas ressenti le besoin de revenir, qu'elles se sont séparées de leur conjoint et qu'elles ont maintenant leur propre logement. Le fait de créer ce lien est extrêmement important.
(1730)

[Traduction]

    Le temps est écoulé.
    Merci beaucoup à tous nos témoins d’être ici aujourd’hui.
    Avant que les membres du Comité ne partent, et parce que le président n’est pas ici aujourd’hui, je tiens à souligner que lorsque nous avons adopté notre motion sur cette étude, on prévoyait huit réunions. Il est possible que le président doive ajouter une neuvième séance, parce qu’il y a une déclaration à la Chambre mercredi. Afin de lui donner un peu de souplesse, est-ce que l’un des membres du Comité pourrait nous présenter une motion qui ajouterait une neuvième séance, qui serait convoquée à la discrétion du président?
    Quelqu’un veut-il me dicter cette motion?
    Je suis heureuse de proposer ce que vous avez dit.
    Je vais donc vous demander de lire la motion.
    Merci. Les choses se passent comme par magie ici.
    Je propose:
Que, nonobstant la motion adoptée par le Comité le mardi 19 juin 2018, relativement à l’étude du réseau de refuges et de maisons de transition au service des femmes et des enfants touchés par la violence faite aux femmes et par la violence par un partenaire intime, le Comité ajoute une neuvième séance à la discrétion du président.
    C’est bien noté.
    C’est ce qui m’est venu à l’esprit.
    La motion est-elle adoptée?
    (La motion est adoptée.)
    La vice-présidente (Mme Pam Damoff) : Nous reprendrons nos travaux le 7 novembre.
    Je vous remercie tous de votre temps et de votre attention. La séance est levée.
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