Bienvenue à la 120e séance du Comité permanent de la condition féminine.
Il s'agit d'une séance publique.
Aujourd'hui, nous allons poursuivre notre étude du réseau de refuges et de maisons de transition pour les femmes et leurs enfants affectés par la violence faite aux femmes et la violence par un partenaire intime.
Je suis heureuse d'accueillir, par vidéoconférence, Cynthia Drebot, directrice générale du North End Women's Centre.
Nous accueillons également Jennifer Gagnon, directrice générale de la South Shore Transition House.
Donna Smith, directrice générale de la Tearmann Society for Abused Women.
Samantha Lacourse, coordonnatrice du programme A Safe Place, du Victoria Faulkner Women's Centre.
Merci à toutes de votre présence.
Madame Drebot, vous avez maintenant sept minutes pour présenter votre exposé.
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Merci beaucoup de m'avoir invitée.
Comme vous l'avez dit, je m'appelle Cynthia, et je représente le North End Women's Centre, situé à la périphérie nord du centre-ville de Winnipeg. Nous offrons une gamme de programmes aux femmes qui cherchent à prendre leur vie en main, dans le cadre de divers services de soutien. Je vais surtout parler de notre expérience avec les refuges et les maisons de transition, mais aussi de certains défis que nous avons relevés et des lacunes que nous avons constatées.
Nous ne sommes pas un refuge à proprement parler. Nous sommes un centre pour femmes, mais nous travaillons en étroite collaboration avec les refuges. Nous offrons des séances de counselling individuel et des ateliers de groupe qui répondent à un besoin évident dans les situations de violence familiale. Après leur départ d'un refuge, les femmes doivent souvent suivre des séances de counselling. Notre centre envoie souvent des femmes vers les refuges et vice-versa.
En plus de nos nombreuses activités de défense des droits et de soutien, nous assurons la liaison entre les femmes et les refuges. Il arrive souvent que des femmes qui subissent de la violence familiale ou conjugale viennent d'abord à notre centre pour nous en parler. Ces femmes souhaitent aller dans un refuge, mais elles ne savent pas comment faire. Nous nous occupons de les mettre en contact avec un refuge.
Nous offrons 14 lits de transition. Six d'entre eux sont réservés à des femmes qui sont en désintoxication et qui ont besoin d'un endroit où vivre durant cette période parce qu'elles ont l'impression que si elles retournent à la maison, elles n'y arriveront pas. Nous avons également huit lits réservés à des femmes victimes d'exploitation sexuelle ou de traite. Les femmes qui occupent ces lits de transition peuvent vivre avec nous durant une période variant entre un et deux ans.
Concernant les problèmes de violence familiale et autres, je dirais que certains de nos programmes ciblent une clientèle très précise. Comme je viens de le dire, nos lits de transition sont réservés à des femmes en cure de désintoxication et à des victimes d'exploitation sexuelle et de traite. Cependant, la plupart des femmes qui participent à nos programmes nous disent avoir subi de la violence familiale dans le passé ou en être actuellement victimes. L'un des problèmes que nous constatons, c'est la fréquence de ce phénomène. Il en est question dans tous nos programmes. Nous sommes là depuis 34 ans et, à nos débuts, la violence familiale était pratiquement le seul problème que nous rencontrions. L'élargissement de notre champ d'activités nous a amenées à faire un travail différent, mais nous constatons que la violence familiale demeure un problème important dans l'ensemble de nos programmes.
L'un des défis auxquels nous sommes confrontées depuis quelque temps, c'est l'augmentation du nombre de personnes pauvres et à faible revenu, surtout parmi les femmes victimes de violence conjugale et les femmes racialisées. Comme nous sommes situés au centre-ville, nous recevons de nombreuses femmes qui vivent dans la pauvreté, avec de très faibles revenus. Les femmes victimes de violence conjugale nous disent souvent: « Je ne peux pas partir, je ne sais pas où aller. J'ai nulle part où aller, même pas dans un refuge. » Elles ont souvent l'impression de ne pas avoir la possibilité de partir. L'argent est un gros obstacle pour elles.
Nous avons déjà constaté le lien entre la toxicomanie et la violence conjugale exercée durant des années, mais depuis quelque temps, nous constatons une augmentation de la consommation de méthamphétamine. Le problème que cela pose, c'est que bon nombre d'organisations ne veulent pas s'occuper de personnes sous l'influence de cette drogue ou qui en consomment. C'est donc un obstacle de plus, sans parler des problèmes de santé mentale qui sont en hausse.
Pour ce qui est de l'accès aux ressources, je dirais que les processus d'analyse et d'élaboration des politiques ne tiennent souvent pas compte des différences entre les sexes, ce qui rend l'accès aux ressources particulièrement difficile pour les femmes. Par exemple, les politiques relatives à l'itinérance articulées autour du modèle Logement d'abord précisent que les personnes doivent être sans abri depuis six mois pour bénéficier d'un logement.
Les femmes qui sont dans des situations de violence conjugale ou d'itinérance vont souvent aller à droite et à gauche ou se réfugier chez des amis ou des membres de la famille. Cette situation n'est pas idéale, mais c'est probablement celle qui leur semble la meilleure ou la plus sécuritaire dans les circonstances.
Concernant les écarts entre l'offre et la demande, je veux simplement souligner qu'à Winnipeg, en particulier, il existe des écarts attribuables à la violence familiale et à d'autres facteurs. Nous avons désespérément besoin d'offrir un espace sécuritaire aux femmes 24 heures sur 24, tous les jours de la semaine. Nous n'avons aucun endroit où elles peuvent venir se réfugier à toute heure, n'importe quel jour de la semaine. Il existe un large éventail de modèles, mais nous n'avons aucun endroit du genre pour les femmes.
Quand je parle des femmes, j'inclus les femmes trans. En général, ces dernières nous disent qu'elles ne se sentent pas toujours en sécurité lorsqu'elles font appel aux ressources offertes. En raison du manque criant de lits de transition, nous constatons qu'il n'y a aucun endroit pour les femmes qui fuient une situation d'exploitation. L'exploitation est souvent le résultat de la violence familiale subie dans le passé; il se peut également que des femmes deviennent victimes d'exploitation et de traite à l'instigation de leurs partenaires.
Les logements de transition et les logements abordables...
La South Shore Transition House Association, ou Harbour House, est un refuge de 15 lits qui dessert les comtés de Lunenburg et de Queens, en Nouvelle-Écosse. Nous accueillons des femmes et des enfants, appliquons des protocoles pour les personnes à risque élevé, veillons au respect d'ordonnances de protection d'urgence, offrons des conseils et un soutien en cas de crise, accompagnons des femmes au tribunal et à leur examen médical après une agression sexuelle, offrons des services de counselling à des enfants et des jeunes ainsi que des services de garde d'enfants, d'aiguillage et de défense des droits. Nous allons dans les écoles faire de la sensibilisation. Nous allons également faire de l'information et de la sensibilisation dans les milieux de travail. Nous avons neuf points de services dans nos collectivités.
Depuis cinq ans, le taux d'utilisation de nos services s'est considérablement accru. Par exemple, la participation à notre programme de liaison auprès des femmes a augmenté de 968 % et la participation à nos programmes destinés aux enfants et aux jeunes dans les écoles, de 883 %. Les appels de détresse ont augmenté de 27 %, les services internes de counselling, de 105,3 % et les services externes de counselling, de 110,1 %. Les femmes se présentent plus souvent au refuge en compagnie de leurs enfants, ce qui représente une augmentation de 111,45 % de notre taux d'occupation. Ce que démontrent ces statistiques, c'est que la participation des membres de la collectivité à nos programmes et nos services est constante et plus fréquente.
Grâce aux partenariats que nous établissons avec des fournisseurs de services communautaires de la région, nous essayons de minimiser le risque généré par la hausse de la demande à l'égard de nos services, sans avoir l'argent dont nous avons besoin pour financer des postes supplémentaires. Notre organisation compte sur une équipe d'employées de longue date qui possèdent une connaissance inestimable des problèmes de violence faite aux femmes. En revanche, à cause de la fréquentation accrue de nos programmes et nos services, nous avons de la difficulté à fournir les services que notre clientèle est en droit de recevoir. Notre budget de fonctionnement n'a pas augmenté depuis 2015.
Après avoir assisté à la conférence organisée par Hébergement femmes Canada au printemps dernier et examiné l'avant-projet de rapport, nous constatons que les tendances en matière d'accès aux services d'hébergement dans l'ensemble du Canada sont à la hausse dans toutes les régions. Cela s'explique peut-être par des mouvements comme #MoiAussi, mais surtout par le fait que les gens portent un regard différent sur la violence sexiste. Il semble que ce phénomène ne soit plus considéré comme étant normal.
Les refuges ne sont pas des solutions symboliques au problème de la violence faite aux femmes, mais ils constituent un maillon essentiel d'un système plus vaste visant à aider les femmes et les enfants en situation de crise. Nous offrons un endroit sûr, accessible 24 heures sur 24, tous les jours de la semaine, pour répondre aux besoins immédiats des femmes. Nos services comprennent des soins de santé, l'établissement de plans de sécurité, des conseils pour les aider à se retrouver dans le dédale du système de justice pénale, un soutien éclairé aux femmes et aux enfants ayant subi un traumatisme et un service d'aiguillage vers un réseau plus large pour les étapes suivantes. Si les femmes n'ont pas un endroit sûr où se réfugier, elles seront certainement plus exposées aux risques.
Les refuges font partie intégrante des efforts visant à mettre fin à la violence faite aux femmes. Notre objectif est de mettre fin à la violence sexiste. Par le travail que nous accomplissons, nous faisons partie de la solution. Bien entendu, nous mettons fortement l'accent sur les activités de prévention et d'information, bien que nous ayons souvent de la difficulté à les intégrer à nos services de première ligne auprès de notre clientèle. Notre priorité, ce sont les femmes que nous aidons au refuge et dans le cadre de nos programmes de liaison. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, nos services de liaison visent un plus grand nombre de femmes.
Nous sommes implantés dans la collectivité depuis 31 ans. La forte hausse de l'accès à nos services peut également s'expliquer par une meilleure compréhension de l'importance du travail fait par les refuges. Nous traitons les femmes avec équité, nous comprenons les répercussions de la violence qu'elles subissent et nous leur offrons des services essentiels, non seulement pour les aider à cheminer vers la sécurité, mais dans le cadre de la lutte plus générale visant à mettre fin à la violence sexiste.
En ce qui concerne les programmes fédéraux et le financement, nous avons corédigé, en mars 2018, une demande de financement avec deux organismes locaux. À ce jour, nous n'avons pas reçu de réponse nous annonçant si notre projet avait été approuvé ou refusé. Nous nous inquiétons également des restrictions imposées quant à l'utilisation des fonds. Cela nous pose un problème. Par exemple, nous avons besoin de plus de personnel pour nos activités de liaison, mais d'après les lignes directrices relatives au financement, l'argent ne peut être utilisé pour financer des programmes déjà en place, ce qui nous empêche de satisfaire l'un de nos besoins les plus criants. Les gens participent à nos programmes et nous devons avoir assez de personnel pour répondre aux demandes des collectivités que nous servons.
La Société canadienne d'hypothèques et de logement, qui fournit une partie des fonds, nous remboursera jusqu'à 40 % des frais pour les travaux de réparation ou de rénovation des refuges...
La Société canadienne d'hypothèques et de logement remboursera jusqu'à 40 % du coût des travaux de réparation ou de rénovation ou des dépenses nouvelles en immobilisations, mais pour une organisation qui arrive à peine à éponger un déficit, il est quasiment impossible de trouver l'autre 60 % des fonds. Il est impossible de recueillir un si gros montant dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse frappée par des taux de chômage élevés et couvrant un vaste territoire.
Concernant l'écart entre le nombre requis et le nombre réel de lits, un examen des taux d'occupation des refuges peut être incroyablement trompeur. Si une famille occupe deux lits dans une chambre de trois lits, cela fausse le taux d'occupation. Si une famille est logée au refuge, aucune femme seule ne peut être logée dans la même chambre pour des raisons de respect de la vie privée et de sécurité. De plus, si une femme a de graves problèmes de santé, il peut être difficile ou dangereux de lui faire partager une chambre avec d'autres femmes. Notre politique est toutefois de regrouper, dans la mesure du possible, plusieurs femmes seules dans une même chambre.
Nous n'avons pas de maison de deuxième ou de troisième étape, malgré la demande évidente à cet égard. Si nous avions une maison de transition de deuxième ou de troisième étape, elle afficherait complet aujourd'hui. À défaut d'en avoir, nous gardons les femmes plus longtemps dans les refuges, puisqu'il n'y a pas de logements sécuritaires et abordables de disponibles dans notre région. Certaines femmes ont quitté notre refuge pour aller vivre dans des logements insalubres, par exemple dans des appartements avec des planchers en contreplaqué ou dans des maisons de chambres abritant des hommes, ce qui pose un grave problème de sécurité pour des femmes victimes de violence conjugale. Beaucoup de ces chambres ne se verrouillent ni de l'intérieur ni de l'extérieur, ce qui accroît le sentiment d'insécurité des femmes lorsqu'elles sont dans leur chambre ou dans la collectivité.
Le fait que le personnel des refuges se limite à une seule personne est très préoccupant. L'employée doit répondre à la ligne téléphonique de crise, s'occuper de la clientèle sur place, laisser entrer et sortir les gens, surveiller la sécurité dans l'ensemble du refuge, s'occuper des admissions et des départs, assurer la liaison avec les partenaires communautaires et participer aux discussions sur les cas, tout en essayant d'offrir des séances de counselling et de préparer des évaluations et des plans de sécurité. Les séances sont constamment interrompues, ce qui ne permet pas d'assurer la continuité du rapport de counselling.
Voici les solutions que je propose:
Réagir à la hausse de la demande en matière de services en revoyant à la hausse le montant du financement de base offert aux refuges.
Financer l'embauche d'une deuxième personne dans les refuges afin d'assurer le suivi des rapports de counselling et de la planification des cas. Cette mesure permettrait également d'abréger la durée des séjours et de répondre à tous les besoins du refuge.
Verser des fonds aux refuges pour les aider à mettre en place des maisons de transition de deuxième et de troisième étapes dans les régions du Canada.
Examiner les données actuelles sur les refuges ainsi que les résultats des programmes et des services.
Créer un canal de communication clair et rapide en ce qui concerne les affectations de fonds et les approbations ou les refus de projets.
Je vous remercie.
Je vous remercie de me donner l'occasion de participer à votre étude sur les refuges et les maisons de transition qui desservent les femmes et leurs enfants affectés par la violence faite aux femmes et la violence par un partenaire intime. La Tearmann Society for Abused Women, communément appelée Tearmann House, est un refuge de 15 lits offrant des services similaires à ceux offerts par nos maisons d'hébergement soeurs de la province, et dont a parlé ma collègue Jennifer Gagnon de la Harbour House.
Je tiens à souligner que la Tearmann House et la Harbour House sont membres de la Transition House Association of Nova Scotia, qui regroupe 7 maisons de transition, 1 organisation de liaison et 2 centres de guérison, desservant 12 localités de la Nouvelle-Écosse. Je vais m'attarder au travail de première ligne dans la lutte contre la violence contre les femmes et à la portée de votre étude.
À la Tearmann House — et je suppose que c'est la même chose dans tous les refuges de la province —, nous fonctionnons généralement au maximum de notre capacité, ou presque. Depuis janvier dernier, nous avons accueilli 78 femmes et 44 enfants, ce qui porte notre taux d'occupation à 70 %. Si une femme a besoin de nos services et que nous affichons complet, nous lui offrons de passer la nuit dans notre salon et le lendemain, nous examinerons les diverses options qui s'offrent à elle. Les refuges qui affichent complet appellent souvent d'autres refuges de la région pour savoir s'ils ont des lits de disponibles. Le cas échéant, les femmes et leurs enfants iront parfois séjourner temporairement dans un autre refuge. Je sais que dans les milieux urbains et dans certaines régions rurales du pays, il n'y a tout simplement pas assez de lits ou de refuges pour répondre aux besoins des femmes en quête de sécurité, en particulier dans nos communautés autochtones du Nord, comme Lyda Fuller l'a clairement expliqué dans son exposé.
Qu'ils fonctionnent au maximum de leur capacité ou non, les refuges n'ont souvent qu'une seule employée en service et ils doivent répondre à une demande accrue de la part de femmes aux prises avec un traumatisme complexe, des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie. Dans notre collectivité, les changements apportés dans les services de santé mentale, par exemple la fermeture d'une unité de court séjour, ont entraîné une augmentation du nombre de personnes envoyées par les hôpitaux. Le transfert du traitement des traumatismes du système de soins de santé aux organisations communautaires, sans leur offrir de ressources supplémentaires, a créé un fossé encore plus profond pour les femmes souffrant d'un traumatisme, de même qu'un besoin en matière d'intervention pour prévenir le suicide et de mesures de soutien en santé mentale.
Les femmes passent au triage et à l'évaluation et sont ensuite renvoyées vers les refuges. Le personnel des refuges a recours à une approche éclairée en matière de traumatisme et va rencontrer les femmes là où elles se trouvent. C'est rendre un mauvais service aux femmes qui arrivent et séjournent dans un refuge, de leur expliquer que nous n'avons pas les ressources cliniques pour traiter efficacement le traumatisme complexe qu'elles vivent ou pour les soutenir dans leur épreuve. Si nous pouvions doubler notre personnel, à tout le moins, pour assurer le bien-être physique et mental des femmes et de leurs enfants, et recourir aux services de thérapeutes cliniques, nous pourrions alors répondre efficacement aux besoins des personnes vivant un traumatisme et réduire les répercussions à long terme du traumatisme.
La violence a également des répercussions sur les enfants qui manifestent parfois un comportement agressif et violent et qui ont besoin en permanence de mesures de soutien adaptées à leur traumatisme. La sécurité et la prise en compte des besoins des enfants hébergés dans un refuge sont la clé de la guérison, mais le séjour dans un refuge est extrêmement stressant, tant pour la mère que pour l'enfant. Nos conseillers offrent aux femmes et aux enfants des programmes et des services internes et externes pour les soutenir. L'an dernier, le taux de participation à nos programmes de liaison auprès des enfants et des jeunes a bondi de 40 % et, comme nous étions à court de ressources, nous avons fait notre possible pour répondre aux besoins des jeunes hébergés dans notre refuge et à ceux de la collectivité.
Tearmann a eu la chance de réunir des fonds pour une période de deux ans, grâce à notre campagne épistolaire annuelle, ce qui nous permettra de faire appel à l'occasion à une conseillère auprès des enfants et des jeunes. Nous avons également reçu des fonds de la Pictou Mutual Community Foundation, qui soutient des programmes d'estime de soi pour les filles des écoles rurales. Nous avons aussi reçu des fonds de Centraide du comté de Pictou pour la création d'un poste de coordonnatrice. Ces options ne sont pas offertes dans toutes les collectivités et, même si nous répondons de façon provisoire aux besoins immédiats, nous avons de la difficulté à combler les postes temporaires et à temps partiel et cet argent ne nous permet pas d'embaucher et de maintenir en poste des employés bien formés.
La Tearmann House peut héberger des femmes et leurs enfants durant une période maximale de six semaines. En fonction du manque de disponibilité de logements abordables ou d'autres circonstances, bon nombre des femmes demandent à prolonger leur séjour. En moyenne, 70 % des femmes qui quittent Tearmann auront accès à l'aide au revenu. Le loyer d'un appartement est généralement entre 80 et 100 $ de plus que le loyer prévu par l'aide au revenu, ce qui oblige les femmes à payer le montant excédentaire de leur propre poche.
Les femmes ayant des enfants peuvent avoir droit au supplément offert par l'entremise de Housing Nova Scotia, et bien que cela leur donne la possibilité de louer un logement décent, le supplément n'est pas transférable, ce qui signifie qu'une femme qui est traquée par un conjoint violent et qui doit déménager perdra son supplément.
Nous avons la chance de travailler en partenariat avec la régie locale du logement et l'Affordable Housing Association of Nova Scotia, grâce au financement accordé dans le cadre de la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance, pour gérer les six logements de deuxième étape de Brenda's Place, qui sont tous occupés. Les femmes peuvent habiter dans ces logements pendant une période pouvant aller jusqu'à un an et avoir accès à des programmes et à du soutien continus. Nous savons que le moment le plus dangereux pour une femme est lorsqu'elle quitte son conjoint violent. Il est essentiel que des options de première, de deuxième et de troisième étapes soient disponibles et entièrement financées pour les femmes et leurs familles qui fuient la violence familiale et conjugale.
Les responsables des maisons de transition s'occupent des femmes qui demandent des ordonnances de protection d'urgence, des engagements de ne pas troubler la paix publique, des audiences des tribunaux de la famille et des conférences de cas avec des organismes de protection de l'enfance. Les femmes désignées « à risque élevé », selon l'évaluation du risque mise au point par Jacquelyn Campbell ou l'Évaluation du risque de violence familiale en Ontario ou ODARA, par l'entremise de la police ou de la GRC, ont besoin du soutien qu'offrent les conférences de cas, en veillant à ce que leur voix soit entendue et à ce que leurs choix soient respectés tout au long des processus visant à les protéger.
La pression exercée sur les femmes pour qu'elles se protègent et protègent leurs enfants, pour qu'elles abandonnent leur partenaire violent tout en sachant que, ce faisant, leur sécurité personnelle est davantage compromise, pour qu'elles déménagent avec leur famille, pour qu'elles résident dans un refuge ou pour qu'elles choisissent de rester dans une relation en gérant les risques est un fardeau qu'aucune femme ne devrait avoir à supporter. Nous devons travailler tous ensemble pour lutter contre la violence fondée sur le sexe et éliminer la violence faite aux femmes.
Je recommande que le gouvernement fédéral soutienne les provinces et les territoires au moyen d'un financement de base destiné expressément aux maisons de transition et aux services de soutien pour les femmes et leur famille; inclue les expériences vécues par les femmes dans cette étude; et appuie le Modèle de Plan d'action national du Canada sur la violence faite aux femmes et aux filles présenté par Lise Martin d'Hébergement femmes Canada.
Merci.
Bonjour, je m'appelle Samantha Lacourse, et je suis ici à titre de représentante du Victoria Faulkner Women's Centre à Whitehorse, au Yukon.
Au centre, je suis responsable de l'exécution du seul programme de refuges d'urgence ouverts la fin de semaine et en soirée pour les femmes qui en ont besoin dans l'ensemble du territoire.
La situation des femmes touchées par la violence dans le Nord est très différente de celle dans le reste du Canada. Tout d'abord, les services offerts sont limités. De plus, il existe un certain nombre d'obstacles et de lacunes dans les services offerts aux femmes dans une collectivité du Nord, et je vais essayer de parler des plus graves maintenant.
En ce qui concerne les refuges d'urgence, plus précisément au Yukon, il y en a actuellement trois destinés aux femmes et aux enfants touchés par la violence dans l'ensemble du territoire. L'un d'eux est à Whitehorse. Le deuxième est situé à Dawson City, à sept heures au nord de Whitehorse, et le troisième à Watson Lake, à cinq heures au sud de Whitehorse. Aucun de ces trois refuges et maisons de transition n'accueille les femmes intoxiquées par l'alcool ou les drogues. Il n'y a pas d'option sécuritaire pour une femme qui consomme des substances et qui est touchée par la violence. Cela témoigne d'une lacune importante dans les refuges d'urgence pour femmes au Yukon.
En ce qui concerne le soutien à long terme, même lorsqu'il n'y a plus de violence perçue, les effets de la violence demeurent. Nous estimons qu'il peut falloir jusqu'à trois à sept ans à partir de la fin définitive d'une relation de violence pour qu'une femme se remette sur pied. Les femmes du Yukon sont confrontées à un manque flagrant de soutien à long terme de la part des organismes dont le mandat est restreint et qui ne sont là que pour aider les femmes qui sont confrontées à des menaces pour leur sécurité.
Le Victoria Faulkner Women's Centre fait de son mieux avec une capacité et un financement limités. Ce n'est pas un refuge. Nous offrons un soutien essentiel aux femmes et aux personnes non binaires en matière de défense des droits, de logement, d'alimentation, de programmes de soins prénataux, ainsi que des services de base dans nos refuges d'urgence, comme l'accès à des douches, à des machines à laver, à Internet, à un téléphone, à un télécopieur, à des appels interurbains et à des produits d'hygiène, entre autres.
Il faut offrir davantage de services aux femmes même s'il n'y a plus de menace perçue à la sécurité. La perspective du soutien à long terme doit aller plus loin que des programmes de counseling et de traitement des traumatismes et inclure des programmes qui donnent aux femmes un espace où elles peuvent être soutenues et appuyées par leurs pairs...
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Merci. Je vais ralentir.
La perspective du soutien à long terme doit aller plus loin que des programmes de counseling et de traitement des traumatismes et inclure des programmes qui donnent aux femmes un espace où elles peuvent être soutenues et appuyées par leurs pairs, ainsi qu'un espace où créer une communauté comme remède à l'isolement. Le soutien à long terme comprend de l'aide pour trouver un logement, des cliniques fiscales, du soutien à l'emploi et des possibilités de formation et d'études. En élargissant le mandat du soutien aux femmes victimes de violence, nous pouvons combler ces lacunes et répondre aux besoins des femmes après la fin perçue de la relation de violence, parce que les effets du traumatisme ne prennent pas fin avec la violence.
Pour ce qui est de la capacité d'aider les femmes qui ont des problèmes de santé mentale, au Yukon, lorsqu'une personne accède à un refuge ou à un service parce qu'elle est aux prises avec la violence et que l'on évalue qu'elle a un besoin en santé mentale, la capacité de ces organisations de l'aider diminue. Plus la situation de la personne en matière de santé mentale est complexe, moins le personnel est équipé pour l'aider en tant que victime de violence. Les deux besoins sont traités comme indépendants l'un de l'autre, plutôt qu'en reconnaissant le lien étroit qui existe entre eux. Il faut que cela change, et la seule façon de le faire, c'est de renforcer la capacité des organismes qui soutiennent les victimes de violence et des personnes qui les composent.
Pour ce qui est de la confidentialité, la réalité sociale des collectivités nordiques vient s'ajouter aux services limités. Les collectivités du Yukon sont petites et, par conséquent, les réseaux sociaux d'une personne sont tous reliés. La confidentialité est un défi général, et les conflits d'intérêts ne sont pas toujours évidents, pas plus qu'ils ne servent les plus vulnérables. Comme il n'y a qu'un seul refuge à Whitehorse, aucun autre choix ne s'offre à une personne si ce refuge ne lui semble pas sécuritaire ou si elle ne s'y sent pas acceptée.
Mes recommandations au Comité sont les suivantes.
Premièrement, il faut augmenter le financement des services de transport dans le Nord, afin d'offrir des services essentiels aux femmes des collectivités éloignées qui en ont besoin.
Deuxièmement, il faut insister pour que des modifications soient apportées à la politique de l'Agence du revenu du Canada pour tenir compte de la violence faite aux femmes. À l'heure actuelle, il y a un délai de 90 jours avant qu'une personne puisse changer son statut pour celui de célibataire. Cette période d'attente de 90 jours empêche les femmes de quitter une relation de violence, car bon nombre d'entre elles sont incapables d'avoir accès à l'aide sociale si elles sont toujours liées à leur partenaire. Au sein du gouvernement du Yukon, une entité plus petite, nous avons préconisé et constaté des changements dans la gestion des demandes d'aide sociale lorsqu'un cas de relation violente est déclaré. Toutefois, nous appuyons de nombreuses femmes qui font face à des obstacles plus importants à Affaires autochtones et du Nord Canada. Si les deux partenaires de la relation ont accès à l'aide sociale par l'entremise d'AANC, il faut un avis écrit des deux parties pour que l'une d'elles puisse changer son statut pour celui de célibataire. C'est un problème.
Troisièmement, il faut faire la promotion des refuges d'urgence et inciter les refuges existants à adopter davantage de pratiques visant à réduire les préjudices. Encore une fois, il n'y a pas de refuges d'urgence pour les femmes victimes de violence qui consomment des substances au Yukon, ce qui fait qu'aucune option sécuritaire ne s'offre à elles.
Quatrièmement, il faut accroître le financement du soutien à long terme pour les femmes victimes de violence. Le mandat en ce qui a trait à la violence faite aux femmes est étroit. Un soutien immédiat est offert, mais peu de choses sont prévues pour les étapes subséquentes.
Cinquièmement, cette question mérite une voix plus appropriée que la mienne et, franchement, plus de temps que celui dont je dispose pour cette présentation. Nous ne pouvons pas parler d'améliorer les services destinés aux femmes autochtones sans reconnaître la mentalité coloniale qui sous-tend ces services. Il faut accorder plus d'espace aux modes de vie traditionnels lorsque cela est culturellement approprié.
Merci.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Avant de commencer, j’aimerais souhaiter la bienvenue aux trois femmes du programme Women in the House de Ryerson, Meghan, Sarah et Sarah, nos futurs leaders, j’espère. Bravo à Ryerson de les avoir tout de suite trempées dans le travail que nous accomplissons.
J’ai une question pour la South Shore Transition House Association. Je ne sais pas si nous nous sommes rencontrés il y a deux étés, mais un groupe d'entre nous était sur la rive sud et nous avons rencontré quelqu’un de votre groupe. Je crois que 10 organisations différentes participaient à une table ronde. C’était un travail vraiment impressionnant et de longue date. Une de vos collègues a dit que son organisation faisait cela depuis 29 ans et qu’elle espérait que le travail serait terminé à l'heure qu'il est.
Donc un gros merci à vous et à toutes vos collègues à la maison.
Notre étude porte sur la violence familiale, les refuges et les maisons de transition, et j’ai été découragée d’entendre beaucoup de témoins dire au Comité qu'il suffirait de permettre à plus de femmes d’obtenir une hypothèque — pour certaines, une hypothèque de 750 000 $ — et de construire plus de logements.
C’est vrai, mais je veux vous entendre dire que vous êtes d’accord — ou que je vous ai bien comprises, vous et vos collègues — pour dire qu’il ne s’agit pas d’une solution au problème de la violence familiale et que les programmes qui font partie des activités de vos refuges et de vos maisons de transition sont essentiels à ce qui se passe, surtout qu'au moment où la femme choisit de rompre une relation à caractère violent, c'est là qu'elle est la plus vulnérable.
Pouvez-vous me fournir des preuves à utiliser dans notre plaidoirie finale?
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Oui. En toute honnêteté, je peux dire qu'un traumatisme n’est pas réglé par une hypothèque.
Un traumatisme, cela prend du temps. Un traumatisme, cela exige des soins. Le traumatisme, cela prend des gens qui comprennent. Il ne s’agit pas simplement de contracter une hypothèque. Ce n’est vraiment pas le cas. Nous faisons beaucoup plus pour aider une femme et sa famille à passer par le processus de guérison et à l’amener dans un endroit stable où elle peut acquérir la confiance en soi qui a été brisée.
Je pense que si des efforts sont déployés du côté de l’hypothèque, ils devraient chercher à investir dans nos refuges. Notre maison est exceptionnellement vieille. Elle ne prédispose pas... avec un handicap. Nous avons une salle accessible, mais il nous faut un seul niveau pour qu’elle soit plus grande. Nous devons avoir accès à des maisons de deuxième étape pour que les personnes qui ont besoin d’un soutien à long terme en matière de counselling puissent obtenir l’aide dont elles ont besoin pour développer cette résilience et cette confiance en soi. Nous avons besoin de maisons de troisième étape, parce qu’il y a d’importantes lacunes dans le logement dans notre collectivité et beaucoup d’options non sécuritaires à cet égard.
Je veux qu’elles aient la chance de s'exprimer elles aussi. En bout de ligne, on ne demande pas une hypothèque et une maison pour chacune. Si la femme est incapable de garder un emploi ou si elle a des problèmes de santé mentale, ce qu’il faut faire, c’est investir dans le traitement immédiat de ce traumatisme pour réduire les effets à long terme, afin qu’elle puisse éventuellement contracter cette hypothèque. Mais ce traumatisme doit être traité en premier.
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Pour ce qui est de la ligne de dépannage, il y a plusieurs années — je ne sais pas depuis combien de temps —, nous avons aussi perdu une ligne de dépannage locale qui était en place et qui était beaucoup utilisée. Un manque de fonds nous a obligés à y mettre un terme. La Tearmann Society est la seule à offrir une ligne d'écoute téléphonique disponible en tout temps dans notre région, et la demande pour cette ligne est constante et croissante.
Nous travaillons en partenariat avec le Pictou County Women’s Resource and Sexual Assault Centre dans le cadre d’un programme appelé MORPH, ce qui correspond à « mapping our road to power and healing », qu'on pourrait rendre par « tracer notre chemin vers le pouvoir et la guérison », et notre ligne d’écoute téléphonique s'ajoute à cela. L'argent vient de la stratégie provinciale de lutte contre les agressions sexuelles, laquelle vise à concevoir des modes de soutien des victimes de violence sexuelle.
Nous faisons partie de ce soutien, et bien que nous n’obtenions pas de financement supplémentaire pour cela — le financement passe par le Women's Centre —, nous sommes certainement ouverts. Nous avons parlé du manque de personnel dans les maisons de transition. Nous avons une seule salariée, essentiellement pour s'occuper de la ligne d'écoute téléphonique, de la ligne téléphonique d'affaires, de la gestion de cas dans la maison et pour assurer le soutien aux résidants du refuge. Il n’y a souvent qu’une seule personne sur place. Si elle est en train de répondre à un appel téléphonique de détresse, elle peut difficilement interrompre la conversation pour s'occuper d'une situation dans la maison ou à la porte, par exemple.
Il est essentiel de trouver des fonds pour embaucher du personnel supplémentaire qui effectuera le travail en surplus et assurera le soutien nécessaire pour répondre aux besoins des femmes de notre collectivité. Nous trouvons des miettes. À Tearmann House, de petites cagnottes nous permettent d'avoir du personnel supplémentaire, mais sur une base temporaire. Comme je l’ai dit, quand il est question de former et d'intéresser plus de gens aux soins en traumatologie, de conserver le personnel et de recruter du personnel qualifié... Quand le personnel embarque, il est dévoué. La plupart de nos employées ont au moins15 ans de services. Je suis là depuis 2002. Les besoins ne diminuent pas, ils augmentent. Le financement de personnel supplémentaire ferait une sacrée différence pour tous les refuges auxquels je parle.
Je remercie les témoins de leurs excellents exposés et de l’excellent travail qu’elles accomplissent dans des circonstances très difficiles.
Le seul exposé que je n’ai pas entendu est celui de Winnipeg. Je viens de Winnipeg, alors heureusement, je sais que le North End Women’s Centre fait du bon travail.
Ma première question est pour vous, Cynthia, puis j'ai une autre question pour nos amies de la Nouvelle-Écosse.
Le ministre canadien du Développement social a fait une annonce importante aujourd’hui au sujet de l’itinérance. Intitulé « Vers un chez-soi: la stratégie canadienne de lutte contre l'itinérance », le communiqué annonce 2,2 milliards de dollars sur 10 ans. Cela semble beaucoup d’argent.
L’une des choses importantes qui ont été annoncées ce matin, c’est la souplesse accrue et l’importance de s’adapter à chaque collectivité. Vous vous souviendrez que la Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance, l’approche Logement d’abord, était très rigide. Ce n’est pas complètement abandonné... Je m’interroge sur le lien entre vos programmes et l’itinérance et à quel titre cette nouvelle approche pourrait vous aider.
Nous reprenons la 120e réunion du Comité permanent de la condition féminine.
Avant de donner la parole aux témoins, je tiens à informer mes collègues qu’il n’y aura pas de réunion le 21 novembre. En effet, l’énoncé économique de l’automne sera présenté à la Chambre cet après-midi-là.
Pour la deuxième heure, nous avons le plaisir d’accueillir Mme Caithlin Scarpelli, directrice des Communications et développement des fonds, Atira Women’s Resource Society, Mme Geneviève Latour, directrice adjointe de Carrefour pour femmes inc., Mme Fiona Cunningham, conseillère en santé mentale, Iris Kirby House, et finalement Mmes Daisy Kler et Jean Fong, intervenantes en maison de transition, Vancouver Rape Relief and Women’s Shelter.
Je vous cède maintenant la parole, madame Scarpelli. Vous avez sept minutes pour prononcer votre déclaration préliminaire.
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Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.
L’Atira Women’s Resource Society a été constituée en mars 1983 et a ouvert sa première maison de transition à South Surrey en 1987. Nommée à l'époque Atira Transition House, elle avait pour mandat de soutenir les femmes battues et leurs enfants. Conformément à la pratique de l'époque, les femmes étaient acceptées, ou non, en fonction d’un certain nombre de critères exigeants. Ainsi, si vous déclariez être toxicomane ou avoir une maladie mentale, on vous refusait l'entrée. Si vous aviez menti pour obtenir cette place dont vous aviez désespérément besoin et qu’on vous avait découvert, on vous demandait de partir, peu importe les conséquences pour vous.
En septembre 1992, Janice Abbott s'est jointe à l'équipe à titre de directrice générale. Les choses ont rapidement changé. En raison de son expérience, elle avait compris le lien profond qui existe entre la violence subie par une femme et sa dépendance aux substances ou ses troubles mentaux, et qu’en excluant ces femmes, nous faisions du mal, précisément à ces femmes et enfants que nous étions censés aider.
En quelques mois à peine, Atira s’est débarrassée de son long processus de sélection et a commencé à poser une seule question à la personne qui téléphonait pour demander une place: « Est-ce que vous fuyez la violence? »
C’est pourquoi nous avons été l’une des rares maisons de transition, sinon la seule, à ouvrir ses portes aux femmes aux prises avec des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale. Nous avons commencé à recevoir plus de patientes orientées vers nos services que nous n’étions en mesure d'en accueillir. La croissance de la demande a été telle qu’en 1997, nous avons ouvert une deuxième maison de transition à Surrey, Shimai, et une maison de transition de deuxième étape, Koomseh.
À partir de là, nous avons pris rapidement de l’expansion et, en 2001, nous exploitions le premier logement réservé aux femmes dans le quartier Downtown Eastside. Nous offrons maintenant plus de 23 programmes internes pour les femmes et leurs enfants, y compris des logements parmi les plus faciles d'accès au Canada réservés aux femmes ainsi qu’un certain nombre de programmes externes novateurs, dont la première...
Donc... y compris la première salle d’injection supervisée au monde qui soit située dans la collectivité et réservée aux femmes.
Atira comprend maintenant cinq entités, dont deux filiales en propriété exclusive, Atira Property Management et Painter Sisters, et deux entités sans but lucratif liées, Atira Development Society et Atira Women’s Arts Society.
En 25 ans, on s'est fait connaître pour notre entrepreneuriat, notre goût du risque et nos programmes et logements novateurs, par exemple, le premier complexe d'habitation à conteneurs maritimes recyclés en logements multiples au Canada et le centre Maxxine Wright, qui offre un programme multiservice et à volets multiples, qui vise à garder les mères et leurs enfants ensemble.
Les projets sont souvent lancés avec des budgets dérisoires, mais grâce à des partenariats extraordinaires. Ils répondent toujours aux besoins des femmes et des enfants et s'appuient sur la rétroaction de notre personnel, qui relève les lacunes dans les services.
Nous avons également la réputation d'adopter des positions controversées, notamment de défendre et de faire respecter les droits des travailleuses du sexe, d'ouvrir nos portes aux femmes transgenres et allosexuelles et aux personnes non binaires qui s’identifient comme étant femmes, et d'aménager des espaces communs dans nos immeubles sans l'avantage d'une protection juridique.
Notre PDG continue de faire preuve d’un leadership audacieux en proposant des façons étonnantes de répondre aux besoins difficiles identifiés par les femmes et le personnel, et en nous donnant tous envie de prendre des risques et de croire qu’il est tout à fait possible de mettre fin à toutes les formes de violence genrée.
J’aimerais maintenant passer en revue des leçons apprises au cours de nos 35 années de travail auprès des femmes et de leurs enfants.
Premièrement, presque toutes les femmes qui ont eu recours à nos programmes ont été ou ont des enfants qui sont actuellement sous la garde du ministère de la Famille, des enfants et du Développement. Le destin des femmes, qui ont subi des traumatismes et des violences et qui en souffrent, ne tient souvent qu'à un fil. Elles survivent, ont souvent un parcours chaotique en raison de leur situation, essaient de trouver un logement sûr et abordable pour leur famille, puis on leur retire la garde de leurs enfants. Le fil qui les retenait casse. S'ensuivent la toxicomanie, l’itinérance, la prostitution de rue et des rapports violents avec les hommes, et le cycle intergénérationnel continue.
Il faut que mères et enfants vivent ensemble en sécurité. Pour cela, il faut offrir un logement à prix abordable, des services de soutien, qui informent et renseignent sur les compétences de vie et des ressources, et un aiguillage vers des équipes de proximité qui peuvent aider les mères une fois que ces dernières ont quitté la maison de transition de première ou de deuxième étape et vont dans un logement subventionné ou privé.
Deuxièmement, en 2017, Atira a hébergé près de 2 000 femmes et enfants dans ses maisons de transition de première et de deuxième étape et ses logements avec services de soutien de longue durée. Malheureusement, nous avons dû refuser plus de trois fois ce nombre en raison du manque de places.
Nous avons besoin de plus de logements dont le contrat de gestion reflète adéquatement les besoins de notre programme. Ainsi, on prévoira des budgets alimentaires pour les cuisines collectives afin d’enseigner les compétences de vie et de créer des réseaux d'entraide; des budgets pour les réparations et les travaux d’entretien, et du personnel sur place en permanence qui permet aux femmes d’établir des relations et des liens de confiance pour les prochaines étapes de leur parcours.
Troisièmement, Atira soutient un nombre disproportionné de femmes autochtones, métisses et inuites. Plus de 70 % des femmes qui ont recours à nos programmes dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver et à Surrey s'identifient comme étant autochtones. Selon la Fondation canadienne des femmes, le taux d'homicide des femmes autochtones est six fois plus élevé que celui des femmes non autochtones.
Nous avons besoin de logements culturellement adaptés pour les femmes autochtones et leurs enfants, avec des services de soutien pour renouer ou nouer pour la première fois les liens avec leur culture, les pratiques et les cérémonies de guérison. Nous devons respecter et admettre les répercussions permanentes des pensionnats et le traumatisme multigénérationnel toujours présent.
J’aimerais vous donner un exemple de ce à quoi cela ressemble. Dernièrement, une jeune Autochtone de 19 ans a été inscrite à Imouto par une organisation qui n’était pas en mesure de l’aider. La jeune fille est fatiguée, effrayée et excessivement timide. Elle était venue rester chez son oncle dans le quartier Downtown Eastside, mais elle s'était enfuie quand son oncle avait essayé de la forcer à se prostituer. Seule, perdue, affamée et sans argent, elle s'est rendue à la maison Imouto, mais elle ne communique pas avec le personnel et parle à peine à qui que ce soit. Le personnel réussit finalement à établir un lien de confiance avec elle et comprend qu’elle veut rentrer chez elle. Ni sa bande ni sa famille ne peuvent ou ne veulent payer le billet de retour en autobus. Le personnel prend des dispositions pour la conduire dans une réserve près de Keremeos. Arrivée dans son territoire, son attitude change complètement: elle raconte des histoires sur sa tante et parle des montagnes et de sa famille. Elle vit toujours là et elle est épanouie.
Ce programme, Imouto, compte actuellement une seule employée et nous devons recueillir plus de 160 000 $ par année auprès de la population pour le garder en activité. Sans ce programme, cette jeune femme aurait probablement disparu dans le quartier Downtown Eastside.
Enfin, j’aimerais dire qu’en raison de l’absence d’augmentation, pendant des années, du financement du logement pour les femmes victimes de violence, Atira a dû faire preuve de créativité pour la construction de nouveaux logements et dans ses partenariats avec différents ordres de gouvernement: financement en espèces, dons sous forme de droits d’utilisation du sol et renonciation aux droits de permis. Nous avons aussi dû...
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Bonjour. Je m'appelle Geneviève Latour et je suis la directrice adjointe de Carrefour pour femmes.
Depuis 1981, Carrefour pour femmes vient en aide aux femmes et à leurs enfants qui sont touchés par la violence faite aux femmes et la violence faite par un partenaire intime.
Carrefour pour femmes est la seule maison de transition pour les victimes de violence familiale et d'agression sexuelle dans le Sud-Est du Nouveau-Brunswick. Nous offrons également les programmes et les services bilingues suivants: un centre de crise familiale, un centre d'agression sexuelle, une ligne de crise sans frais, un logement à plus long terme, un programme d'approche communautaire et un programme de soutien aux jeunes.
Notre maison de transition offre beaucoup plus qu'un lieu sûr. Nous fournissons des services et des ressources qui sont vitaux et qui permettent aux femmes et à leurs enfants victimes de violence d'entamer leur guérison, de reconstruire leur estime de soi et de prendre des mesures pour retrouver une vie autonome et indépendante.
Nous faisons aussi de la sensibilisation et contribuons au changement social dans le cadre d'efforts plus vastes qui visent à prévenir et à éliminer la violence à l'égard des femmes et des filles.
La maison de transition contient trois berceaux et quarante-et-un lits, dont trois sont accessibles aux femmes et aux enfants à mobilité réduite. Comme je viens de le dire, nous offrons beaucoup plus qu'un logement.
En 2017-2018, nous avons répondu à des milliers d'appels de crise. Nous avons accompagné plus de 70 personnes qui s'étaient présentées à l'hôpital pour y obtenir des soins médicaux à la suite de la violence qu'elles avaient subie. Nous avons hébergé 250 femmes et 90 enfants.
Le gouvernement fédéral a vraiment un rôle de premier plan à jouer dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes, ce qui inclut bien sûr le travail des maisons de transition comme la nôtre.
Je vais commencer par aborder l'écart entre le nombre de lits requis et le nombre de lits disponibles. C'est difficile de juger de cet écart. En novembre 2016, notre capacité est passée de 17 à 41 lits. En 2016, notre taux de refus était de plus de 30 %, et maintenant, il est d'un peu moins de 20 %. S'il y a eu une baisse de seulement 10 % alors que nous avons augmenté notre capacité de 40 %, c'est que nous faisons plus de sensibilisation auprès du public au sujet de ce problème important qui affecte les femmes. Après chaque effort de sensibilisation que nous faisons, nous recevons plus d'appels.
Bien que nous offrions près de deux fois et demi plus de lits qu'avant, notre revenu opérationnel n'a augmenté que de 4 %. Je vais reparler de cet enjeu plus tard, mais pour le moment, je vais revenir à la seconde question qui nous intéresse, soit les programmes fédéraux existants et le financement des maisons de transition.
Comme vous le savez, le gouvernement fédéral ne fournit pas de financement pour couvrir les dépenses de fonctionnement des maisons de transition pour les femmes victimes de violence, à l'exception des maisons de transition qui se trouvent dans les réserves. La majeure partie du financement fédéral est destinée aux immobilisations. Gérer une maison de transition, c'est comme gérer n'importe quelle autre maison: il faut payer les factures des services publics, les assurances, les taxes foncières, la nourriture, et ainsi de suite. Or toutes ces dépenses ont augmenté au fil des ans, mais notre financement de base n'a augmenté que très légèrement.
Qui en paie le prix? Ce sont nos intervenantes et nos employées, soit du personnel constitué entièrement de femmes. Conserver du personnel qualifié est vraiment un problème important. En fin de compte, ce sont les femmes et les enfants fuyant la violence qui écopent. Ma recommandation, en ce qui a trait aux programmes fédéraux existants et au financement des maisons de transition, concerne donc le financement de base. Au bout du compte, nous ne pouvons pas accomplir notre travail efficacement si nous n'obtenons pas de financement pour notre fonctionnement.
Quelles sont les solutions possibles? Nous recommandons que, dans la future loi, le logement soit vraiment reconnu comme un droit fondamental de la personne. Le Canada a besoin de plus de logements sûrs et abordables pour les femmes et les enfants. Je crois aussi qu'il est important de garder en tête que les maisons de transition ne sont pas des « pansements temporaires ». Bâtir plus de logements abordables sans les services de soutien pour les femmes et les enfants ayant fui la violence n'est pas la solution. Ces deux éléments sont vraiment nécessaires. Il faut plus de logements abordables, mais il faut aussi des maisons de transition adéquatement financées pour les femmes et les enfants qui fuient la violence.
Avec un financement adéquat, les maisons de transition peuvent assurer que toutes les femmes bénéficient d'un accès immédiat aux services. Toutes les femmes ont le droit de vivre et de jouir d'une vie libre de violence et d'abus. À l'heure actuelle, nous abandonnons ces femmes si nous sommes incapables de leur offrir des services. La seule statistique que je vais souligner aujourd'hui est le fait qu'au Canada, une femme est tuée tous les six jours par une personne qu'elle connaît et avec laquelle il est fort probable qu'elle ait eu une relation intime.
Il est impossible de couvrir tous les enjeux auxquels nous faisons face en tant que maison de transition, qu'il s'agisse des femmes autochtones, de la communauté LGBTQ+, des femmes aînées, des femmes en situation de handicap ou d'autres encore. J'ai choisi de profiter de mon témoignage pour vous informer sur la situation des femmes immigrantes, réfugiées et sans statut que nous accueillons. Je vous en parle pour faire valoir que le financement de base et l'offre de programmes spécialités sont importants pour les maisons de transition.
Dans notre maison, à Carrefour pour femmes, il y a toujours en moyenne trois femmes et trois enfants immigrants ou réfugiés. Ces femmes et ces enfants font face à des barrières spécifiques que ne connaissent pas les femmes non immigrantes. Par exemple, la moyenne de séjour dans notre maison est d'environ 28 jours pour les femmes canadiennes, alors qu'elle est de 74 jours dans le cas des femmes et des familles immigrantes. Ces femmes font face notamment à des barrières linguistiques, à la difficulté de naviguer dans les divers systèmes, au coût des services, à la durée du processus visant à obtenir un statut, qui est un frein pour toutes les autres démarches, à l'absence d'un réseau de soutien et au racisme, qui fait partie intégrante de tous les obstacles que je viens d'énumérer.
Les fonds dont disposent actuellement notre organisme ne nous permettent pas d'embaucher une intervenante qui pourrait travailler spécifiquement auprès de cette population et répondre à ses besoins particuliers. Je rappelle que nous avons 41 lits, mais dans 85 % du temps, il n'y a qu'une seule intervenante sur place pour accompagner et soutenir les résidantes, préparer les repas, répondre à la ligne de soutien, accueillir les dons de la communauté, et ainsi de suite. Vous comprendrez donc que la question de l'écart entre le nombre de lits actuels et le nombre de lits offerts va au-delà de la seule question des lits physiques disponibles. Il est important qu'une augmentation du nombre de lits aille de pair avec une augmentation du financement de base et un programme pour les femmes et les enfants.
Si j'avais plus de temps, je vous parlerais du quart de travail typique d'une intervenante, mais je vais plutôt vous encourager à visiter une maison de transition située dans votre région. Vous êtes certainement les bienvenus chez nous.
Avant de conclure, je tiens à répéter qu'il est nécessaire d'adopter une politique pancanadienne sur le logement et la violence conjugale.
Je vous remercie de l’occasion offerte aujourd’hui.
Je m’appelle Fiona Cunningham. Je suis la conseillère en santé mentale de l’Iris Kirby House, à St. John’s, et de l’O’Shaughnessy House, à Carbonear, Terre-Neuve-et-Labrador. Notre organisme offre du soutien et donne asile aux victimes de violence familiale dans la région d’Avalon, où la population est de plus de 260 000 personnes.
Nos refuges ont, respectivement, 32 et 15 lits. De plus, nous avons 13 logements de deuxième étape. L’an dernier, nous avons collectivement hébergé plus de 350 femmes et enfants et répondu à près de 900 appels de détresse. Les autres services offerts comprennent le soutien aux anciens résidants. L'an dernier, nous avons répondu à environ 1 400 appels téléphoniques en lien avec la formation de groupes de loisirs et de thérapie pour femmes et enfants et l'aide au logement.
Notre approche tient compte des traumatismes subis et vise l'autonomie, tout en intégrant la réduction des dommages et la satisfaction des besoins de chaque femme et de chaque famille selon un mode personnel.
Du personnel de première ligne, qui est responsable de la santé et de la sécurité des résidants de l’immeuble au quotidien, jusqu'à l'ensemble du personnel administratif et de soutien, nous sommes une organisation qui travaille fort. Malgré tous nos efforts, le système comporte des lacunes: des services dont nous avons besoin n’existent pas, et des femmes et des enfants passent entre les mailles. Il est important de noter que les lacunes du système n’existent pas nécessairement dans le régime des refuges, mais plutôt au point de rencontre des organismes et des services.
À quoi ressemblent certaines de ces lacunes pour nous?
Premièrement, il n’y a pas de refuge réservé aux femmes dans notre région. La pratique de la traumatologie nous permet de comprendre qu'il arrive que les femmes qui ont de longs antécédents de violence fondée sur le sexe ne peuvent pas vivre dans un refuge pour hommes et femmes. Notre clientèle féminine n'est pas nécessairement une victime directe de la violence fondée sur le sexe, mais son histoire est tumultueuse et ses combats actuels sont en lien direct avec la violence fondée sur le sexe. Ces femmes n’ont nulle part où aller et ne cadrent pas non plus avec nos critères de service. Nous avons besoin d’un continuum de services pour lutter contre l’itinérance due à la violence familiale.
Deuxièmement, les listes d’attente pour les maladies mentales et la toxicomanie sont longues. Il faut parfois attendre au moins six mois pour l'évaluation initiale, et le traitement n'est pas commencé à ce moment-là. L’évaluation initiale peut prendre jusqu’à six mois, avant même que le service puisse commencer. Les femmes qui ont de la difficulté à vivre en communauté pour diverses raisons, souvent pour des raisons de santé mentale ou de consommation effrénée de drogues ou d’alcool, n’ont pas droit aux services d’un refuge ni à un accompagnement immédiat pour cause de toxicomanie et de santé mentale.
Troisièmement, il n'y a pas de navette pour les points de service. Les femmes ne sont pas nécessairement capables d'utiliser les transports en commun en raison de traumatismes, de problèmes de santé mentale ou d’acuité mentale, ou le secteur où elles doivent se rendre n'est même pas desservi par des moyens de transport en commun. Il ne suffit pas qu’un service existe, il faut encore qu’il soit accessible.
Quatrièmement, le régime actuel des refuges est un modèle curatif qui fonctionne dans l'urgence, un peu comme le cercle vicieux de notre régime hospitalier de soins de santé mentale de courte durée. Les clientes ont souvent besoin d’une approche qui sort du cadre actuel de financement, ce qui limite le soutien et les soins que nous pouvons offrir.
Cinquièmement, notre système juridique peut ne pas réussir à assurer la sécurité des femmes qui souhaitent rentrer chez elles ou même vivre en sécurité dans leur collectivité, ce qui peut entraîner des séjours inutilement longs et restrictifs dans un refuge. Le refus d’une ordonnance de protection d’urgence, parce que la femme se trouve dans un refuge, met en adéquation le système et la maltraitance et peut expliquer au premier chef qu'une femme doute et se méfie d'un système juridique qui la traumatise de nouveau.
Sixièmement, une autre brèche à combler, c'est l'obligation faite de prouver qu'on est pauvre pour avoir droit à une représentation par un avocat. Voilà un groupe de femmes dont le revenu est supérieur au plafond donnant droit à l’aide juridique, mais qui sont incapables de payer un avocat ni de combler leurs besoins essentiels. Cette situation peut créer une grave inégalité entre la femme qui a survécu à la violence familiale et son agresseur. De fait, elle crée une autre circonstance qui autorisera l’agresseur à continuer, voire à intensifier ses gestes de violence.
Enfin, une femme qui a un emploi risque de perdre son emploi en raison des congés qu'elle doit prendre pour se rendre chez le médecin, le service de police ou l'avocat, pour déménager de la maison au refuge et du refuge à une nouvelle maison. Une grande partie de la population de Terre-Neuve-et-Labrador vit en milieu rural, où il n’y a pas de refuge, ce qui signifie qu’une femme pourrait devoir choisir entre la sécurité et l’emploi.
Au nombre des solutions aux lacunes susmentionnées, mentionnons la capacité d’offrir des modes d'intervention souples et personnalisés aux femmes et à leur famille. Durant l’année où j’ai travaillé comme conseillère en santé mentale au refuge, chaque jour apportait quelque chose de nouveau. Les travailleurs de première ligne ont besoin qu'on les laisse faire preuve de créativité dans leurs interventions. Non seulement les contraintes systémiques victimisent de nouveau les clientes au quotidien, mais elles créent aussi un traumatisme indirect chez les intervenantes qui sont aussi impuissantes que leurs clientes face aux besoins essentiels de ces dernières. Lorsque le cadre de financement est strict, les femmes qui ont besoin de services sont vite disqualifiées.
Nous devons offrir de la formation et mettre l’accent sur les pratiques tenant compte des traumatismes, non seulement dans le réseau des refuges, mais aussi auprès des policiers, des avocats, des juges et de tout le personnel de soutien, afin de réduire les traumatismes répétés et de commencer à créer un système où l'on croit et appuie les femmes.
Nous avons besoin d’un meilleur accès à des services d'accueil, de soins de courte durée ou à rencontre unique en santé mentale et en toxicomanie, en particulier ceux en traumatologie et les femmes.
Nous devons considérer l’accès à un avocat comme un droit et assurer à chaque personne ayant affaire au système juridique, une représentation à point, nommé et adéquate.
Nous avons besoin d’un réseau de refuges qui offre des soins appropriés aux personnes transgenres et non binaires. Un système doit considérer que le genre forme un continuum et n'est pas une dualité.
Nous devons faire la distinction entre les femmes qui sont victimes d’exploitation sexuelle et les travailleuses du sexe. Les refuges doivent répondre simultanément et efficacement aux besoins des deux groupes, lesquels peuvent largement diverger.
De plus, nous avons besoin d’une politique nationale en matière de violence familiale afin que les femmes puissent conserver leur emploi et s’acquitter des tâches fastidieuses qui leur sont imposées pour avoir survécu à la violence familiale.
Je remercie le Comité d’avoir pris le temps de m’écouter, mais je n’ai pas connu la violence familiale. J'ai souhaité faire entendre la voix des femmes autour de moi qui l'ont vécue, car j'occupe une place privilégiée. Ainsi, j'invite le Comité à parler directement aux personnes touchées par la violence interpersonnelle fondée sur le sexe, afin d’entendre vraiment des histoires pleines de couleur, édifiantes et à écouter attentivement. Quand on prend le temps de rendre hommage à toutes les femmes qui ont vécu ou qui vivent l’horreur de la violence familiale, on découvre que leur force et leur résilience nous donnent la volonté de partir en quête de solutions. En ouvrant notre coeur et notre esprit à leurs paroles, nous réussirons à mettre fin à la violence fondée sur le sexe.
Merci.
Bonjour. Je vous remercie de nous avoir invitées à prendre la parole aujourd’hui sur cet important sujet. Je m’appelle Jean Fong et je suis membre du Vancouver Rape Relief and Women’s Shelter depuis 15 ans.
Fondé en 1973, Vancouver Rape Relief est le premier centre d’aide aux victimes de viol au Canada. Il exploite une ligne de crise et une maison de transition 24 heures par jour pour les femmes qui fuient la violence masculine. Tous les ans, nous recevons environ 1 300 appels et hébergeons une centaine de femmes et leurs enfants qui fuient la violence masculine. Les femmes qui nous appellent ont été violées, battues, harcelées sexuellement, victimes d'inceste ou prostituées. Ce sont des immigrantes, des Autochtones, des femmes de couleur, et viennent autant des zones rurales que des centres urbains. Ce sont des femmes de toutes les classes sociales et de toutes les races.
Nous fonctionnons comme un groupe dont les membres sont rémunérés ou non. L’âge, la race et la classe sociale de nos membres varient. Nous comptons parmi nos membres d’anciennes femmes battues, des femmes qui ont quitté la prostitution, des survivantes d’agressions sexuelles et des femmes qui ont vécu dans notre maison de transition. Les femmes qui appellent cherchent du soutien émotionnel, de l’information et de l’aide sur le système de {justice pénale, mais surtout un lieu d'hébergement.
Dans le cadre de notre travail quotidien, nous constatons que l’itinérance des femmes est liée à la violence qui leur est faite par les hommes, au colonialisme, au racisme et à la pauvreté. À cause de la violence masculine, les femmes sont obligées de quitter leur foyer pour se protéger et protéger leurs enfants. Les femmes partent et vont à l’hôtel, chez des amis, des membres de leur famille et parfois des étrangers, et, bien sûr, dans une maison de transition ou un refuge pour femmes. La très grande majorité des femmes qui habitent dans notre maison de transition sont des femmes pauvres, des femmes qui ne parlent pas anglais et des femmes autochtones.
Les maisons de transition ne sont pas qu’un simple endroit où se réfugier. C'est un lieu réservé aux femmes, où elles peuvent guérir, se ressaisir et établir des liens avec d’autres femmes qui fuient elles aussi la violence masculine. Dans les maisons de transition, les femmes se parlent et commencent à comprendre que la violence qu’elles ont subie n’est pas la conséquence de ce qu’elles ont fait ou de ce qu’elles n’ont pas fait ni qu’elle est unique en son genre, mais un symptôme du patriarcat, du monde dans lequel nous vivons.
Les femmes fêtent les réussites de chacune et pleurent ensemble lorsque tout semble insurmontable. Les maisons de transition permettent aux femmes d’imaginer comment aller de l’avant, de planifier leur avenir et d’apprendre à rêver.
Pendant leur séjour, nous aidons également les femmes à demander de l’aide sociale, à trouver un logement, à obtenir les services d'un avocat pour des choses comme la garde et le droit de visite, à faire des déclarations à la police et à trouver des services de garde, des garderies, des services de traduction et presque tout ce dont elles ont besoin quotidiennement. Nous demeurons disponibles en tant que ressource et comme soutien pour les femmes qui ont vécu dans notre maison de transition, même si cela fait longtemps qu'elles ont déménagé, parce que des choses comme celles que je viens d’énumérer se poursuivent bien après leur séjour. Souvent, dans les 18 mois qui suivent la séparation, l'agresseur intensifie sa violence pour tenter de la dissuader de vivre sans lui.
Finalement, j’aimerais dire qu’il faut une foule d’initiatives, de services et de programmes qui opèrent ensemble et côte-à-côte pour aider les femmes à se libérer de la violence masculine. Cependant, l’accès à des services comme les maisons de transition et les centres d’aide pour les victimes de viol est limité. Rien ne justifie le manque de ressources essentielles, et elles doivent être à la disposition de toutes les femmes lorsqu’elles choisissent de quitter une situation dangereuse. Les maisons de transition et les centres d’aide pour les victimes de viol, ainsi que leurs programmes, doivent devenir une priorité économique pour le gouvernement fédéral.
Merci.
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Je m’appelle Daisy Kler. Je suis également membre du collectif du Vancouver Rape Relief and Women’s Shelter. J'y suis depuis une vingtaine d’années. À la maison de transition, je travaille principalement avec les femmes violentées et leurs enfants.
La plupart d’entre nous ont déjà parlé du besoin de financement pour les maisons de transition et le logement abordable, alors je n'en reparlerai pas. Je vais parler d’autres lacunes dans les services qui minent la capacité d’une femme de quitter un homme violent.
Dans un contexte plus large, dans les années 1990, le gouvernement fédéral a commencé à se décharger de ses responsabilités à l’égard des programmes sociaux comme le logement subventionné, l’aide sociale, les garderies et les soins de santé pour les remettre aux provinces. Ce démantèlement du filet de sécurité sociale mine l’égalité des femmes. L’absence d’accès à un logement adéquat, à des services universels de garde d’enfants et à des soins de santé, ajoutée à des paiements d’aide sociale extrêmement bas, augmente la vulnérabilité des femmes à la violence masculine.
Nos recommandations sont les suivantes.
La première concerne le financement de soutien. Il doit y avoir des centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle et des maisons de transition indépendantes et dirigées par des femmes, avec un financement de soutien fédéral, dans toutes les collectivités du Canada, y compris dans les réserves.
La deuxième concerne le niveau des prestations d’aide sociale. Quarante-cinq ans de travail contre la violence nous ont révélé qu'une femme a besoin de sécurité économique pour quitter un mari qui la maltraite, un patron qui la harcèle sexuellement ou un proxénète violent. Une loi sur l’équité salariale convient à celles qui ont un emploi stable. Les femmes en situation de pauvreté extrême et dont l'emploi est précaire ont besoin de prestations d'aide sociale suffisantes pour vivre. Le gouvernement fédéral devrait revoir et renforcer les normes nationales relatives aux prestations d’aide sociale en prévoyant un partage des coûts et des mesures d’application, de sorte que chaque province soit tenue de s’y conformer. Cette mesure peut être prise immédiatement.
En fait de mesure à long terme, nous demandons un revenu de subsistance garanti, universellement accessible sans condition. Cela pourrait se faire par un système d’impôt négatif. Le revenu de subsistance garanti constitue, pour les femmes, le moyen d'échapper à un partenaire violent ou d'éviter de s'engager dans une relation violente par nécessité économique.
Troisièmement, en ce qui concerne les transports, la Colombie-Britannique abrite la tristement célèbre route des pleurs, où de nombreuses femmes autochtones ont disparu et ont été assassinées. Nous avons perdu le service d’autobus de Greyhound. Les infrastructures comme les autoroutes et les transports relèvent à la fois du fédéral et des provinces. Nous voulons des transports en commun abordables, fréquents et accessibles. Les femmes violentées dans les régions rurales ne peuvent même pas se rendre dans les maisons de transition et doivent recourir à des méthodes de déplacement dangereuses qui augmentent leur vulnérabilité à la violence masculine.
Quatrièmement, en ce qui concerne les femmes autochtones dans les réserves, les refuges financés par AANC, les Affaires autochtones et du Nord Canada, reçoivent des sommes bien inférieures à celles que reçoivent les refuges financés par les provinces. AANC doit financer les refuges dans les réserves au même niveau que les refuges hors réserve. De plus, comme aucune communauté n'est exempte de préjugés sexistes à l’égard des femmes, le financement ne devrait pas être laissé aux caprices des conseils de bande qui se succèdent et qui pourraient ne pas juger prioritaire la lutte contre la violence faite aux femmes. Les refuges financés par AANC doivent être indépendants des conseils de bande et être sous le contrôle de femmes autochtones de la collectivité.
Cinquièmement, en ce qui concerne les services de police, lorsque les femmes sont victimes de violence masculine, leur premier contact se fait avec la police. Lorsque la police échoue, cela mine l’accès des femmes à la protection par le système de justice pénale. La GRC est discréditée en raison de la violence sexiste dont elle a fait preuve à l’endroit de ses propres policières et parce que les femmes ne croient pas que la police les protège contre les hommes violents. Les hommes violents sont rarement arrêtés. Souvent, la police n’accorde pas la priorité aux appels de violence familiale et peu d’arrestations donnent lieu à des condamnations. Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de chef de file et demander à la police partout au Canada de prendre la violence faite aux femmes au sérieux, d’accorder la priorité aux crimes contre les femmes et d’imposer à la police un changement d’attitude et de comportement partout au pays.
Merci.
Je n'ai pas parlé non plus de la possibilité de prendre contact avec ces groupes et de tisser des liens avec leurs communautés d'origine. Toutefois, une fois que ces gens entendent parler de nos programmes et qu'ils viennent à nous, ils font face à du racisme systémique. Outre le traumatisme de la violence qu'elle aura vécue, une femme qui fait face à moins d'obstacles et qui est simplement à la recherche d'un logement subira souvent du racisme: certains propriétaires ne voudront peut-être pas lui louer un appartement parce qu'elle a trop d'enfants à leur goût, par exemple.
Dans le cas d'une femme souhaitant obtenir le statut de réfugiée, les simples démarches pour ce faire peuvent prendre du temps, durant lequel elle n'a pas accès gratuitement à des soins de santé. Si elle a des enfants, les coûts sont exorbitants. Elle ne reçoit aucune aide sociale et n'a donc aucun revenu. Pourtant, elle a des dépenses, parce qu'elle doit vivre. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.
De plus, il existe parfois une barrière linguistique. Par exemple, certaines femmes ont voulu porter plainte à la police, mais elles ont dû recourir à Google Traduction pour leur déposition. Ces femmes ont tout un apprentissage à faire quant aux services de soutien offerts dans la région. Il faut donc vraiment pouvoir les accompagner et leur offrir des services à plus long terme. Même une fois qu'elles ont un statut officiel, le ministère du Développement social du Nouveau-Brunswick impose une limite à la durée de leur séjour en refuge avant que ces femmes perdent leurs allocations, et ce, même si elles n'ont pas terminé leurs démarches pour avoir leurs papiers d'identité. La situation est donc vraiment très complexe.
C'est pourquoi il faut absolument des programmes particuliers. Je ne parle même pas de l'accompagnement dont ces femmes ont besoin en lien avec le traumatisme des violences qu'elles ont subies au Canada et peut-être aussi dans leur pays d'origine, ni des interventions requises auprès de leurs enfants, le cas échéant, y compris leur accompagnement au sein du système scolaire. Nous voyons de plus en plus de ce genre de femmes avec de tels besoins. De notre côté, notre personnel a les connaissances requises pour les aider, mais il est vraiment difficile de leur apporter le soutien dont elles ont besoin si nous sommes obligés de nous partager entre 41 personnes.
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Nous utilisons différentes tactiques. Nous participons par exemple à des ateliers de prévention dans les écoles, lors desquels nous expliquons aux enfants ce que sont des relations saines et les ressources qui sont disponibles. Plusieurs mamans nous ont rapporté que c'était leur fils, en revenant de l'école, qui leur avait dit qu'ils n'étaient pas obligés de subir toute cette violence et qu'il existait des refuges. Ces ateliers sont donc une stratégie gagnante.
Il est aussi important de s'allier aux centres d'accueil de personnes immigrantes et de s'associer à des événements culturels dans la région. Il s'agit de se faire connaître et d'aider les gens à reconnaître les symptômes de la violence familiale ou à caractère sexuel.
Il n'y a donc pas qu'une seule façon de procéder. Cela dit, je suis certaine qu'il y a beaucoup de femmes que nous ne joignons pas parce qu'elles ne parlent ni l'une ni l'autre des deux langues officielles, parce que leurs enfants ne fréquentent pas l'école ou parce qu'elles ne participent pas à ces événements culturels. Nous sommes à développer cela. Nous avons un comité qui se penche sur cette question et qui fait beaucoup de présentations auprès de différents groupes.
Par ailleurs, n'importe quelle femme peut décider de retourner chez son conjoint, même s'il est violent, mais elle peut aussi revenir nous voir. À mes débuts, je percevais ce retour chez son conjoint comme un échec, mais ma perception a changé depuis. Maintenant, quand cette femme revient chez nous et constate que je suis encore là et que je ne la juge pas, je considère que c'est un succès. Nous représentons un milieu sécuritaire qui ne la juge pas et dans lequel elle se sent à l'aise de revenir au besoin. Je trouve cela génial.
Il est évident que nous ne sommes pas nécessairement heureux de voir cette femme retourner chez son conjoint, mais il est important de nous rappeler que c'est une décision qui lui appartient et que nous devons le respecter. Je pense que ce respect est la raison pour laquelle elles reviennent chez nous quand elles en ressentent le besoin, ou qu'elles nous appellent pour nous dire que les choses vont mieux ou qu'elles n'ont pas ressenti le besoin de revenir, qu'elles se sont séparées de leur conjoint et qu'elles ont maintenant leur propre logement. Le fait de créer ce lien est extrêmement important.