:
Merci, madame la présidente.
Je crois comprendre que nous marquons aujourd’hui un jalon important. C’est la première fois qu’un ministre des Finances témoigne devant le Comité permanent de la condition féminine. Évidemment, nous pensons qu’il était grand temps qu’on le fasse, car nous reconnaissons l’important travail qu’effectue ce comité. Nous savons qu’il a une incidence positive sur la vie des femmes et des filles au Canada, alors j’aimerais d’abord remercier tous les membres du Comité de m’avoir invité pour discuter de notre budget et répondre à toutes vos questions.
Comme je l’ai dit, lorsque j’ai présenté notre budget à la Chambre fin février, notre économie se porte assez bien. Au cours des deux dernières années, les Canadiens qui ont le coeur à l’ouvrage ont créé plus de 600 000 nouveaux emplois, dont la plupart étaient à temps plein. Le taux de chômage est à son plus bas niveau depuis plus de 40 ans. Comparativement à ses pairs économiques et à d’autres nations du G7, le Canada est en tête du peloton au chapitre de la croissance économique depuis 2016.
Nous nous trouvons dans une situation intéressante. Nos solides fondements économiques nous donnent la possibilité d’investir dans les choses qui assureront la santé et la croissance de notre économie. Parallèlement, nous avons l’obligation d’examiner sérieusement certains problèmes profonds qui continuent de freiner notre population et notre économie. C’est là que le budget de cette année entre en jeu.
[Français]
Malheureusement, des obstacles continueront d'empêcher plusieurs femmes et plusieurs filles de réaliser leur plein potentiel, au Canada comme ailleurs dans le monde. Notre gouvernement est résolu à faire tomber ces obstacles. Le budget de 2018 permet de soutenir les femmes et les filles, de réduire l'écart salarial entre les sexes et d'accroître la participation des femmes dans la population active.
[Traduction]
La participation des femmes à la population active au Canada est la plus élevée des pays du G7, mais elle se situe toujours environ à 10 points de pourcentage de moins que le taux pour les hommes, même si les Canadiennes font partie des femmes les plus instruites au monde. L’écart salarial entre les sexes est aussi problématique au Canada, comme à bien d’autres endroits. En 2017, pour chaque dollar qu’un homme gagnait au pays, une femme ne touchait que 0,80 $ l'heure. Comme les femmes ont tendance à travailler moins d’heures, l’écart salarial annuel est encore plus marqué, ces dernières ne gagnant que 0,69 $ pour chaque dollar que gagnent les hommes.
Les Canadiennes sont aussi sous-représentées dans les postes de direction, et dans les domaines des sciences, de la technologie, du génie et des mathématiques. Nous savons aussi que ce sont surtout elles qui assument le travail non rémunéré comme celui de prendre soin des enfants ou de parents malades ou âgés, ce qui fait qu’il leur est plus difficile de chercher d’autres débouchés, y compris professionnels.
Ce sont une partie des défis importants auxquels nous faisons face. Bien que nous sachions qu’il nous est impossible de régler tous les problèmes — après tout, ces problèmes résultent d’une discrimination systémique de longue date — le budget de 2018 prend des mesures importantes pour accroître l’égalité des femmes et des filles canadiennes. D’un point de vue structurel, il commence par instaurer un nouveau cadre des résultats relatifs aux sexes. Cet outil pangouvernemental facilite la définition de ce qu’il faut faire pour atteindre l’égalité hommes-femmes, et suit nos progrès en fonction des objectifs énoncés.
Comme vous le savez, le budget de 2018 marque un autre jalon: c’est la première fois, qu’aucune décision budgétaire n’a été prise sans être fondée sur une analyse comparative entre les sexes plus, ou ACS+. Afin de faire en sorte que les questions sexospécifiques restent une principale considération des gouvernements futurs, nous allons aussi instaurer une nouvelle loi ACS+ pour que la budgétisation tenant compte des sexospécificités devienne un élément permanent du processus fédéral de budgétisation.
J’aimerais souligner quelques mesures précises que prévoit le budget de 2018.
[Français]
Dans le budget de 2018, le gouvernement propose de légiférer en ce qui concerne le principe de salaire égal pour un travail de valeur égale dans les secteurs soumis à la réglementation fédérale. Cela fera en sorte que, en moyenne, les femmes et les hommes travaillant dans les industries assujetties à la réglementation fédérale recevront le même salaire pour un travail de valeur égale. Le régime s'appliquera à environ 1 200 000 salariés.
[Traduction]
Comme je l’ai dit plus tôt, nous savons que, en règle générale, la responsabilité de prendre soin des enfants ou des parents revient surtout aux femmes, si bien que dans le budget de 2018, nous avons instauré une nouvelle prestation de partage parental d’assurance-emploi « à prendre ou à laisser » pour encourager les deux parents d’une famille biparentale à partager également les tâches liées à l’éducation de leurs enfants. Grâce à cette nouvelle prestation, les familles biparentales qui s’entendent pour partager le congé parental pourraient recevoir cinq semaines de congé de plus ou huit semaines supplémentaires pour ceux qui choisissent l’option prestations parentales prolongées.
Ces prestations feront en sorte qu’il soit plus facile pour les femmes de retourner au travail plus tôt, si elles choisissent de le faire, et elles permettront aussi de composer avec quelques tendances discriminatoires que subissent bien des femmes dans le processus d’embauche. Parallèlement, elles donneront aux deux parents l’occasion de passer du temps avec leurs jeunes enfants et d’ainsi établir des rôles parentaux plus égaux qui peuvent durer toute une vie.
Afin d’aider les entreprises du Canada dirigées par des femmes à croître, à trouver de nouveaux clients et à embaucher plus de Canadiens, le budget de 2018 propose d’investir 1,65 milliard de dollars dans une nouvelle stratégie pour les femmes en entrepreneuriat. Il favorise aussi l’avancement professionnel des femmes en reconnaissant publiquement les entreprises qui sont engagées à promouvoir des femmes à des postes de cadres supérieurs.
Afin de nous permettre d’accomplir ce travail important, le budget de 2018 propose aussi de faire des investissements supplémentaires à Condition féminine Canada et, enfin, d’en faire un ministère à part entière du gouvernement du Canada.
[Français]
Le budget élargit la stratégie du Canada visant à prévenir et à contrer la violence fondée sur le sexe, ainsi qu'à accroître le soutien aux centres de crise pour les victimes d'agression sexuelle sur les campus universitaires et collégiaux. Il contient des mesures ayant pour but de mobiliser les hommes et les garçons afin de promouvoir l'égalité des sexes.
Le gouvernement agit aussi pour promouvoir l'égalité des sexes partout dans le monde. Le budget de 2018 permettra d'assurer que le Canada accueillera davantage de femmes et de filles réfugiées qui non seulement fuient la guerre et la persécution, mais qui doivent aussi faire face à des risques accrus à cause de leur sexe. S'assurer que toutes les Canadiennes et tous les Canadiens ont une chance juste et équitable de réussir n'est pas seulement la bonne chose à faire. C'est la chose intelligente à faire.
[Traduction]
Nous savons qu’une diversité accrue de la main-d’oeuvre stimule la productivité et la profitabilité des entreprises canadiennes et, bien sûr, les experts nous appuient sur ce point. Recherche économique RBC estime que si le Canada avait une représentation égale des femmes et des hommes sur le marché du travail, nous aurions pu rehausser l’économie de 4 % l’an passé. De même, MacKenzie Global Institute estime qu’en prenant des mesures pour promouvoir l’égalité des femmes, comme celles d’embaucher plus de femmes dans les secteurs technologiques et d’encourager la participation des femmes au marché du travail, le Canada pourrait rehausser son économie de 150 milliards de dollars d’ici 2026.
C’est le type de croissance à long terme qui profiterait non seulement aux femmes et aux filles, mais aussi à l’ensemble des Canadiens. Cette croissance se traduirait par une hausse du nombre de bons emplois bien rémunérés et une hausse du revenu de tous les Canadiens qui travaillent fort pour payer leurs factures.
Madame la présidente, à titre de ministre des Finances, je siège à un Cabinet diversifié qui compte autant de femmes que d’hommes, et je peux vous dire que la diversité d’opinions et de perspectives autour de la table améliore le gouvernement, les décisions et les résultats. En outre, l’égalité hommes-femmes dans notre économie et notre société rehaussera la prospérité. Elle profitera à tous les Canadiens.
Le budget de 2018 représente une étape importante vers l’atteinte de cet objectif.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Le gouvernement a perdu le contrôle de ses dépenses. Vous avez considérablement fait grimper la dette. Pour le ménage canadien moyen, cela représente actuellement une dépense supplémentaire de 840 $, ce qui signifie que des familles ont moins d'argent dans leurs poches et se sentent pressées comme des citrons. Par conséquent, la pauvreté augmente.
Voici maintenant ce que nous savons. Lorsque la pauvreté augmente, nous savons que cela touche de manière disproportionnée les femmes. Nous savons que les femmes des Premières Nations qui vivent à l'extérieur des réserves sont quatre fois plus susceptibles d'être pauvres. Nous savons que les femmes membres des minorités visibles et les femmes handicapées sont trois fois plus susceptibles d'être pauvres, et nous savons que les mères célibataires sont deux fois plus susceptibles d'être pauvres.
Partout au pays, des femmes sont témoins des dommages que causent vos dépenses effrénées et l'augmentation du déficit. Voilà pourquoi 53 % des femmes au pays, d'un océan à l'autre, disent préférer avoir un budget équilibré que vos dépenses effrénées.
Monsieur le ministre, je vous pose de nouveau ma question. Devons-nous en comprendre que ces femmes, ces 53 % qui se disent en désaccord avec votre budget, dont des femmes membres des Premières Nations, des femmes membres des minorités visibles, des femmes handicapées et des mères célibataires, sont des hommes de Néandertal?
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Monsieur le ministre, je crois que vous devriez dire clairement aux Canadiens que, lorsque vous dites qu'il n'y a pas autant de possibilités économiques, vous voulez vraiment dire que nous ne sommes pas en mesure de soutirer autant d'impôts à ces femmes que nous le voudrions. Par conséquent, nous voulons qu'elles entrent sur le marché du travail et qu'elles occupent des emplois à temps plein pour aller chercher encore plus d'impôts et nous en servir pour financer nos dépenses effrénées.
Nous sommes des dirigeants, et il nous arrive de commettre des erreurs. Toutefois, ce qui distingue un bon dirigeant d'un mauvais, c'est sa capacité d'assumer la responsabilité de ses actes.
Lors de cette réunion du comité des finances, vous vous êtes offusqué d'une question qu'a posée ma collègue Lisa Raitt. Vous étiez furieux contre elle, et vous avez affirmé que vous et le gouvernement rallierez « les hommes de Néandertal qui ne sont pas d'accord » avec vous.
Monsieur le ministre, c'est non seulement inapproprié pour vous de traiter Mme Raitt d'homme de Néandertal, mais l'image que vous projetez en empoignant une personne et en la forçant à se rallier perpétue aussi la violence et la discrimination à l'égard des femmes et des filles au pays. Cela perpétue un stéréotype négatif ou une attitude négative qui est déjà très répandu et qui laisse sous-entendre que les hommes sont plus intelligents que les femmes et que les femmes méritent d'être dominées par les hommes. C'est l'image que vous projetez lorsque vous parlez de forcer ma collègue à se rallier.
Monsieur le ministre, ma question est très simple. Comptez-vous assumer aujourd'hui la responsabilité de vos actes et vous excuser auprès de ma collègue Lisa Raitt?
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Merci, madame la présidente.
Merci de votre présence, monsieur le ministre.
Il y a un an, vos collègues libéraux ont refusé de vous inviter au Comité. Je tenais à vous inviter au Comité. Je suis donc ravie que le Comité ait accepté de vous inviter aujourd'hui. Je souhaite également vous remercier des résultats immédiats que nous avons réussi à obtenir ensemble. La présence de femmes sur les billets de banque était un projet que le mouvement populaire et le NPD prônaient depuis longtemps. Je vous remercie donc d'avoir accepté de le faire aussitôt dans votre mandat et d'avoir aussi appuyé la motion du NPD sur l'équité salariale lors du premier mois ou à peu près de la nouvelle législature.
Nous aurions été portés à croire qu'un budget féministe aurait prévu une mesure législative sur l'équité salariale et des fonds à cette fin. Comme vous le dites, 1,2 million de femmes sont touchées par l'absence d'une loi fédérale sur l'équité salariale. Au comité multipartite, les trois partis se sont mis d'accord, ce qui ne survient pas très souvent, pour dire qu'une loi sur l'équité salariale devrait être déposée d'ici juin 2017. Pierre Trudeau, le premier ministre libéral, en avait fait la promesse il y a 42 ans. C'est donc très décevant que ce ne soit pas inclus dans le budget.
La ministre du Travail affirme que les consultations se sont terminées l'année dernière. Nous n'avons entendu personne dire que nous avons besoin de plus de temps à ce sujet. Est-ce de votre faute s'il n'y a pas de fonds pour l'équité salariale dans votre budget féministe?
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Merci. C'est là une vaste question. Je crois que nous pouvons prendre de nombreux moyens, comme en témoigne le budget; ce sont des exemples qui montrent comment nous aidons les femmes à connaître plus de succès dans des domaines où ce n'était peut-être pas toujours le cas.
Nous avons prévu des fonds pour la préparation à la formation d'apprenti et les programmes d'apprentissage, l'idée étant que nous pouvons ainsi aider les femmes à mieux réussir dans les métiers désignés Sceau rouge.
Nous reconnaissons, comme je l'ai dit dans mon exposé, que les femmes ne sont pas trop représentées dans certains des domaines des sciences, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques. Nous avons commencé par les principes fondamentaux à cet égard. Dans le cadre de notre financement de la recherche et des sciences, nous avons prévu des sommes importantes pour les conseils subventionnaires. À ce chapitre, nous avons demandé aux conseils subventionnaires de trouver des moyens d'assurer non seulement un plus grand nombre de jeunes chercheurs et d'emplois interdisciplinaires, mais en particulier, un nombre accru de chercheuses, parce que nous avons observé que l'accès à ces fonds n'avait pas la même incidence sur les femmes que sur les hommes.
Par ailleurs, comme je l'ai mentionné, nous nous demandons également comment nous pouvons assurer plus de succès auprès des femmes qui lancent des entreprises. Nous constatons que les entreprises appartenant à des femmes sont créées à un rythme similaire, mais elles n'ont guère les mêmes occasions de réussite que les entreprises dirigées par des hommes.
Évidemment, nous devrons prendre beaucoup de mesures à la fois pour relever ces défis. Voilà donc certaines des méthodes que nous avons prévues dans le budget et qui, d'après nous, auront des répercussions importantes avec le temps.
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Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur le ministre, d'être avec nous cet après-midi.
J'aimerais vous poser deux questions. La première concerne la budgétisation sensible aux sexes.
Un article a été publié en mars dernier, dans le Toronto Star, au sujet de mauvais résultats obtenus dans le cadre de la budgétisation sensible aux sexes ailleurs dans le monde, et trois exemples y étaient cités.
Le premier exemple touche l'Australie, où on a adopté ce type de budgétisation jusqu'en 2014. Tout à coup, on a décidé de laisser tomber cette approche étant donné l'impossibilité d'obtenir des résultats spécifiques et positifs quant aux femmes.
Le deuxième exemple est celui de l'Autriche. On y a changé la Constitution pour adopter une budgétisation sensible aux femmes et aussi pour tenir compte des analyses comparatives entre les sexes plus, comme le fait le Canada maintenant, mais le Bureau du directeur parlementaire du budget, en Autriche, a malheureusement trouvé que les résultats concernant les femmes n'étaient pas concluants. Il n'y avait pas de résultats concrets susceptibles de démontrer que la vie des femmes s'était beaucoup améliorée. En fait, on a trouvé que les objectifs n'étaient pas bien définis et que la communication entre les ministères était mauvaise.
Finalement, le Toronto Star citait un troisième exemple provenant de l'Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE. Les mêmes résultats ont malheureusement été signalés dans 12 pays. Seule la moitié de ceux-ci était en mesure de donner des exemples spécifiques de bons résultats, où des mesures politiques comme l'analyse comparative entre les sexes plus et la budgétisation sensible aux femmes permettaient d'obtenir des résultats convaincants pour ce qui est des femmes.
Ma question est simple. Compte tenu des résultats obtenus en Europe, pensez-vous qu'il soit possible que le Canada parvienne à de meilleurs résultats?
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Nous avons évidemment examiné certaines études qui révèlent une croissance possible — d'après les calculs auxquels j'ai fait allusion dans mon exposé — de notre PIB grâce à la réussite accrue des femmes. Bien entendu, nous considérons cela comme une raison importante de nous assurer de prendre des mesures qui peuvent aider les personnes à réussir.
Plus précisément, pour ce qui est d'aider les femmes à réussir en affaires, nous partons de l'idée qu'il faut réfléchir aux raisons pour lesquelles il n'y a pas autant d'occasions pour les femmes. C'est pourquoi nous avons commencé par proposer des accélérateurs d'entreprises et des centres de mentorat à l'échelle régionale. Nous pensons que c'est d'une importance cruciale.
Ensuite, nous avons vu que les entreprises exportatrices appartenant à des femmes ne remportaient pas autant de succès que celles appartenant à des hommes. Cela nous a amenés à établir un financement par l'entremise d'Exportation et développement Canada, soit environ 250 millions de dollars dans le programme d'accès aux capitaux pour les entreprises à vocation exportatrice, ainsi que les services et les mécanismes nécessaires pour les aider à optimiser ces ressources. Dans le même ordre d'idées, nous avons adopté la même approche pour la Banque de développement du Canada, mais en accordant plus de fonds destinés à l'accès aux capitaux. La BDC a également un mécanisme pour aider les gens à déterminer comment élaborer leurs plans d'affaires et à mettre à contribution ces capitaux.
Sur le plan des résultats, nous avons les études de haut niveau dont j'ai parlé, mais une des mesures provisoires pour obtenir des retombées positives potentielles consisterait à offrir plus de capitaux aux entreprises dirigées par des femmes, en prenant acte des taux de croissance qui sont plus rapides pour les entreprises après leur démarrage et, bien entendu, sachant qu'à long terme, cela aura des répercussions économiques plus vastes pour tous les Canadiens.