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Merci beaucoup de me fournir l'occasion de comparaître devant le Comité. Je vous remercie d'entreprendre cette étude sur les femmes autochtones dans les systèmes judiciaire et correctionnel fédéraux. Je suis directrice générale des Prisoners' Legal Services, la seule clinique d'aide juridique pour les personnes incarcérées au Canada.
Nous fournissons aux prisonniers fédéraux et provinciaux de la Colombie-Britannique des services juridiques sur des questions qui touchent leur droit à la liberté ainsi que certains enjeux liés aux soins de santé et aux droits de la personne. Au cours de la dernière année, nous avons aidé des prisonniers qui avaient 2 462 problèmes d'ordre juridique.
Dans le cadre de ma préparation en vue de la réunion d'aujourd'hui, j'ai assisté, à l'Établissement de la vallée du Fraser pour femmes, à notre clinique d'aide juridique auprès de certaines femmes autochtones incarcérées dans les unités à sécurité maximale et moyenne. Le jour de ma visite, toutes les femmes incarcérées dans les unités à sécurité maximale étaient autochtones. Elles m'ont dit que la conception des unités était telle qu'il y avait trop peu de femmes avec qui interagir. L'unité à sécurité maximale accueille environ six femmes sur chacun des deux côtés, ce qui leur cause un sentiment d'isolement et est source de conflits. Une femme incarcérée a dit que les agents les regardaient comme si elles étaient des animaux de zoo et qu'elles n'étaient pas traitées comme des êtres humains.
Les unités à sécurité maximale se trouvent derrière des murs de verre, et les agents sont de l'autre côté de la vitre. Les prisonnières ont dit que les agents n'interagissaient pas avec elles, sauf pour des raisons de sécurité. Les femmes autochtones incarcérées dans les unités à sécurité maximale et moyenne ont parlé d'un manque de confiance entre les prisonnières autochtones et le personnel. Elles avaient l'impression de faire l'objet de beaucoup de racisme et de discrimination de la part des agents. Une femme a dit qu'elles nouent des relations les unes avec les autres, puis qu'elles sont accusées de jouer un jeu, alors que ce n'est pas le cas. On sépare les personnes qui ont tissé des liens et qui se sont soutenues mutuellement.
Elles avaient aussi l'impression que le personnel n'appliquait pas vraiment les antécédents sociaux des Autochtones et que les facteurs Gladue étaient trop souvent utilisés contre elles dans l'assignation de leur cote de sécurité. Les femmes à qui j'ai parlé étaient d'avis qu'il n'y avait pas assez de programmes pour Autochtones à l'EVF, particulièrement dans les unités à sécurité maximale. Il n'y a qu'une seule aînée, qui est sollicitée à l'excès. Elles ont l'impression qu'il n'est pas possible d'aborder leurs traumatismes et la violence dont elles ont été victimes à l'EVF et que les problèmes rouvrent simplement les plaies et font en sorte qu'il est plus difficile pour elles de fonctionner dans un environnement axé sur la sécurité. Une femme a dit que ce n'est pas de la guérison. De nombreuses femmes autochtones restent en prison jusqu'à leur date de libération d'office et ont l'impression d'être vouées à l'échec dans la collectivité sans avoir bénéficié de suffisamment de services de soutien ou de guérison.
Elles disent avoir besoin de recevoir davantage de services de counseling individuel en matière de traumatismes et de violence de la part de professionnels de la santé mentale de l'extérieur. Selon une femme, elles ont besoin d'un plus grand nombre de pavillons de ressourcement dirigés par des Autochtones. À son avis, le Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci, situé en Saskatchewan, est formidable. Elle a dit que 60 % des employés sont autochtones et comprennent ce que suppose de vivre sur une réserve. Elle a ajouté que les personnes qui travaillent à l'EVF ne sont pas sensibles à cela et leur disent d'en revenir.
Bon nombre des femmes à qui j'ai parlé ont mentionné la nécessité d'avoir davantage accès à leurs enfants et à leur famille et d'avoir plus de liens avec leur foyer et leur bande. Elles ont été nombreuses à dire qu'elles n'ont même pas assez d'argent pour téléphoner chez elles. Elles ont parlé des obstacles auxquels elles font face pour que des membres de la famille leur rendent visite si elles ont des antécédents criminels et ont affirmé qu'on ne leur accordait pas de permission de sortir pour aller chez elles, parce que c'est trop loin. Les femmes disaient aussi avoir trop peu d'occasions de formation professionnelle ou d'éducation au-delà de la 12e année. J'espère que le présent comité cherchera à donner une voix aux prisonnières autochtones dans le cadre de la présente étude.
La surreprésentation des prisonniers autochtones, et plus particulièrement, des prisonnières autochtones, est attribuable en grande partie aux traumatismes multigénérationnels que le Canada a infligés aux Autochtones pendant 100 ans de pensionnats. Grâce au rapport de la Commission de vérité et réconciliation, le Canada a enfin reconnu le génocide que nous avons commis contre les Autochtones en emmenant de force des enfants dans des lieux éloignés, loin de leur famille, et en les soumettant à des programmes conçus pour détruire leur fierté et leur respect d'eux-mêmes. Le Canada est aussi responsable de s'être approprié des terres et des ressources des Premières Nations, puis d'avoir refusé de fournir des ressources suffisantes aux collectivités autochtones pour qu'elles puissent subvenir à leurs propres besoins.
La surreprésentation des Autochtones dans les prisons s'inscrit dans le prolongement de la pratique génocidaire des pensionnats. Elle continue de séparer les parents de leurs enfants et néglige de créer un environnement de confiance et de respect lorsque la guérison est possible. De nombreux enfants de mères autochtones incarcérées seront placés dans un foyer d'accueil. Dans le rapport La création de choix de 1990, une libérée conditionnelle autochtone a demandé comment il était possible pour les Autochtones d'être guéris par ceux qui symbolisent les pires expériences de leur passé.
Le rapport La création de choix souligne aussi que les Autochtones consultés par le Groupe de travail sur les femmes purgeant une peine fédérale ont insisté sur le fait que le concept de punition est étranger à la culture autochtone. L'accent que l'on met sur la réparation des blessures et l'orientation au moyen d'enseignements et de la spiritualité dans la culture traditionnelle est diamétralement opposé aux modèles punitifs de la culture occidentale.
Malgré l'obligation juridique selon laquelle les facteurs Gladue ou les antécédents sociaux des Autochtones doivent être pris en considération par les tribunaux et la Commission des libérations conditionnelles, les Autochtones, et tout particulièrement les femmes autochtones, sont davantage incarcérés selon des niveaux de sécurité supérieurs et pour de plus longues parties de leur peine que d'autres Canadiens.
En vertu de l'article 18 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le SCC est tenu d'assigner aux prisonniers une cote de sécurité minimale, moyenne ou maximale en tenant compte de trois critères, qui sont le risque d'évasion, la menace pour la sécurité du public et le degré de surveillance et de contrôle requis à l'intérieur du pénitencier. Le troisième facteur est connu au sein du SCC comme la « cote d'adaptation à l'établissement ».
Bien sûr, les femmes autochtones ont tendance à avoir des cotes d'adaptation à l'établissement élevées, compte tenu du fait que leur incarcération par le Canada est une prolongation des politiques génocidaire des pensionnats. Il serait pratiquement impossible d'avoir une faible cote d'adaptation à l'établissement dans un environnement carcéral axé sur la sécurité qui perpétue la violence et ne respecte pas le fondement de confiance et de respect qui est nécessaire pour la guérison.
Il est révélateur de constater que toutes les femmes qui ont été déclarées délinquantes dangereuses au Canada sont autochtones, et leur désignation est généralement fondée sur des infractions violentes qui se sont produites depuis leur incarcération, et non pas dans la collectivité. Il est aussi révélateur de constater que très peu de femmes autochtones réussissent à pénétrer des unités à sécurité minimale, ce qui leur permettrait d'accéder au seul pavillon de ressourcement autochtone pour femmes au Canada.
Les traumatismes influent sur la santé mentale et le comportement. Le fait d'assigner aux prisonniers des cotes de niveaux de sécurité supérieurs qui sont fondés sur des problèmes d'adaptation à l'établissement a pour conséquence, chez les prisonniers qui ont souffert de traumatismes personnels et intergénérationnels à des degrés élevés, qu'ils se voient refuser le soutien dont ils ont besoin pour guérir. Le critère de la cote de sécurité devrait être modifié pour qu'on s'assure que les prisonniers qui ont vécu des traumatismes ou ont des besoins élevés en matière de santé mentale peuvent avoir un meilleur accès aux ressources qui faciliteraient la guérison, comme des services de santé mentale et un environnement non punitif et approprié sur le plan culturel. Selon les expériences de nos clients, les antécédents sociaux des Autochtones sont compris dans les évaluations du risque du SCC comme de vaines paroles et semblent n'avoir aucune incidence sur les décisions relatives aux cotes de sécurité, sauf comme facteur qui augmente le risque pour la sécurité.
Les Prisoners' Legal Services exhortent le gouvernement à nouer le dialogue avec les Premières Nations et les organisations autochtones de sorte qu'elles puissent s'autodéterminer dans l'administration de la justice pénale. Le gouvernement du Canada devrait s'assurer que les Premières Nations et les organisations autochtones ont les ressources nécessaires pour fournir des services communautaires intégrés, de manière à ce que les femmes autochtones aient le soutien dont elles ont besoin pour panser leurs blessures issues de traumatismes et éviter les contacts avec le système de justice pénale; pour administrer les tribunaux autochtones en fonction de la justice réparatrice de manière à s'assurer qu'il y a des solutions de rechange communautaires à l'incarcération au moment de la détermination de la peine; et pour être en mesure de fournir des pavillons de ressourcement pour Autochtones et administrés par ceux-ci en vertu de l'article 81 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, peu importe le niveau de sécurité, de sorte qu'aucune femme autochtone ne soit tenue de remettre les pieds dans une prison sous responsabilité fédérale.
Il devrait y avoir du financement et du soutien pour que l'on puisse s'assurer que des ressources communautaires permettent aux prisonniers autochtones d'être envoyés dans des collectivités autochtones en liberté conditionnelle ou en libération d'office en vertu de l'article 84 de la LSCMLC, et celles-ci devraient être bien pourvues pour qu'on puisse fournir du soutien aux femmes et aux hommes autochtones après la fin de leur peine.
Le Canada ne devrait plus jamais participer à la séparation des familles et des collectivités autochtones ni à la violence qui est inhérente à son incarcération de femmes et d'hommes autochtones dans des prisons sous responsabilité fédérale.
Merci.
Madame la présidente, mesdames et messieurs, merci de m'avoir invitée à participer à la présente étude. Pour donner suite aux commentaires de Mme Metcalfe, je m'intéresserai à quelques considérations d'ensemble qui, je l'espère, aideront à encadrer votre approche à l'égard de l'étude.
On ne peut arriver à apporter un changement utile à l'échelle des systèmes pour les femmes autochtones qui sont touchées par le système de justice pénale ou y participent uniquement au moyen d'interventions touchant la justice pénale ou d'interventions correctionnelles. Nous sommes bien au-delà d'une situation où certains rajustements ou certaines réformes négligeables suffiront pour renverser la tendance de la surreprésentation ahurissante des femmes autochtones dans ces systèmes.
Vous avez peut-être déjà entendu dire par des représentants du Service correctionnel du Canada qu'ils améliorent la façon dont ils documentent les antécédents sociaux des Autochtones dans le système de gestion des délinquant(e)s ou dont ils se tournent vers des pratiques d'embauche et de maintien en poste plus efficaces pour les aînés et les employés correctionnels autochtones. Je tiens à être claire: ce sont de bonnes choses, et nous encourageons ces efforts, mais ces types d'efforts ne seront pas suffisants. Nous devons élargir notre perspective des systèmes et des acteurs qui participent à la criminalisation et à l'incarcération des femmes autochtones.
Le SCC reconnaît lui-même que les femmes autochtones qui sont placées sous sa garde ont des besoins distincts et différents attribuables à des parcours uniques et complexes vers le système de justice pénale; qu'il y a des expériences présentes, précédentes et intergénérationnelles de violence et de traumatismes; et que les femmes autochtones éprouvent une insécurité économique et sociale beaucoup plus importante que les membres de la société en général. Nous avons vu un grand nombre d'études, de rapports et de commissions qui ont schématisé les raisons de cette situation, les raisons pour lesquelles les collectivités autochtones ont été désavantagées par le passé et le demeurent aujourd'hui. Toutefois, je pense que nous commençons maintenant à parler de la façon dont nous pouvons répondre à ces besoins, non seulement pendant que les femmes autochtones se trouvent à l'intérieur du système carcéral, mais, de façon plus importante encore, avant qu'elles y arrivent.
Pour répondre à cette question du « comment », je pense que nous devons songer à investir dans des logements sécuritaires et appropriés, des emplois stables, l'accès à des services de garde, des services de soutien en santé mentale, l'accès à la justice en ce qui concerne les services de soutien juridique et des services de soutien communautaire. Pour ce faire, les gens dans cette salle, et vos collègues et homologues à la Chambre et au Sénat, devront travailler dans l'ensemble des ministères et des administrations et, fait plus important encore, avec les femmes autochtones elles-mêmes.
Je me fais l'écho de Mme Metcalfe, qui vous exhortait si vous ne le prévoyez pas déjà, à essayer de vous rendre à certains des établissements pour femmes, particulièrement à l'Établissement d'Edmonton pour femmes et au Centre psychiatrique régional, à Saskatoon, et à parler avec les femmes pendant leur incarcération et avec celles qui viennent d'être libérées.
Nous devons réfléchir à la façon dont nous pouvons obtenir un financement stable et durable pour nos services communautaires. Nous pouvons seulement réagir au résultat ou à la réaction lorsque les personnes sont en prison, mais nous devons regarder ce qui se passe, les chemins qu'elles empruntent pour y arriver et les interventions que nous pouvons fournir dans l'ensemble du spectre pour réagir à cette situation dès le début.
Le lien entre l'incarcération des femmes autochtones et la protection des enfants vient immédiatement à l'esprit, et Mme Metcalfe en a également parlé. Soutenons-nous de façon adéquate les femmes autochtones pour qu'elles deviennent mères? Soutenons-nous de façon adéquate les fournisseurs de soins aux familles autochtones? Bien franchement, nous ne le faisons pas. Nous ne soutenons pas de façon adéquate les femmes autochtones, leur famille et leur collectivité.
En Colombie-Britannique, nous voyons cela tout le temps à West Coast LEAF. Les services de protection de l'enfance consacrent davantage de ressources à placer les enfants à l'extérieur de ces collectivités plutôt qu'à s'attacher aux relations qui existent dans les unités familiales. Je pense que cela tient en partie à une mauvaise compréhension de ces liens familiaux, mais aussi parce que ce sont des points de vue racistes et préjudiciables concernant ce à quoi ressemble un modèle parental acceptable dans notre société. Nous ne pouvons faire fi de cette réalité.
Dans cette salle, nous ne savons que trop bien que le fait d'enlever des enfants autochtones à leur famille et à leur collectivité et de les mettre dans des cadres institutionnels cause des dommages intergénérationnels. Nous avons déjà constaté ces dommages. Nous avons tenu la Commission de vérité et réconciliation. Nous avons produit bon nombre d'études et de rapports. Nous savons que cela ne va pas se terminer avec cette personne seule, que cela aura des effets néfastes.
À tout le moins, je pense que nous devons aussi ne pas nuire aux femmes autochtones qui font déjà partie de notre régime de justice pénale et notre système correctionnel. Nous échouons à la tâche, en employant des moyens qui ont des effets en aval dévastateurs non seulement pour ces femmes autochtones, mais, comme je l'ai dit plus tôt, pour les générations à venir, pour leurs enfants, pour leur famille. Comment pouvons-nous ne pas nuire? C'est facile de dire: « Ne nuisez pas », mais comment pouvons-nous y arriver?
Eh bien, je pense que cela dépend vraiment d'un changement fondamental et radical dans la façon dont nous réfléchissons aux femmes autochtones incarcérées. Nous devons cesser de les considérer comme des paquets de risques ou comme des comportements à gérer. Nous devons les considérer comme des êtres humains qui ont ces antécédents complexes. Elles ont des besoins individualisés aux multiples facettes. Nous ne pouvons essayer d'adopter des approches panautochtones à l'emporte-pièce pour réagir à ces besoins.
Comment pouvons-nous comprendre que les femmes autochtones et leurs collectivités sont elles-mêmes des agentes du changement, qu'elles sont celles qui ont le plus à gagner dans ce résultat? L'été dernier, mon organisation est intervenue à la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans une contestation fondée sur la Charte portant sur l'isolement préventif dans les prisons sous responsabilité fédérale. Je ne sais pas dans quelle mesure le Comité a entendu parler de l'isolement préventif, mais nous pouvons en parler plus tard.
La raison pour laquelle je soulève cela maintenant, c'est que, à mon avis, il importe que vous compreniez que, même si les nombreux programmes autochtones que les représentants du SCC pourraient déjà vous avoir décrits ou dont vous pourriez déjà avoir entendu parler étaient en place, les placements annuels en isolement pour les femmes autochtones continuaient de suivre une tendance à la hausse. Ce n'est pas parce qu'on ne comprend pas que les femmes autochtones ont des besoins différents. Ce n'est pas parce que le SCC manque de compassion ou d'intérêt pour leurs résultats. Je pense que c'est parce que nous avons cette approche centrée sur les risques et la sécurité fondamentalement lacunaire à l'égard du système correctionnel. Cela touche l'ensemble des prisonniers, mais cela a particulièrement des répercussions dommageables pour les femmes autochtones et les femmes qui ont des problèmes de santé mentale.
Comme dans la société, en prison, les attentes comportementales sont axées sur le genre et s'inscrivent dans une culture. Cette idée d'adaptation à l'établissement dont Mme Metcalfe a parlé est utilisée comme point de référence au moment de savoir comment une personne s'adaptera à l'environnement correctionnel. On met l'accent sur la volonté et la capacité de ces prisonniers de s'adapter et de se conformer. Mais les femmes autochtones qui arrivent dans le système avec, peut-être, une méfiance de l'autorité en raison de leurs expériences préalables, sont ensuite perçues dans cet environnement comme peu coopératives, ingérables, dangereuses et difficiles. Ces perceptions exacerbent le cycle, où on leur assigne une cote d'un niveau de sécurité supérieur et où leur accès aux types de programmes dont elles ont probablement grand besoin pour briser ce cycle est compromis en raison de leur cote de sécurité.
Je pense que j'arrive probablement à la fin du temps qui m'est accordé.
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Bien sûr, et je pense que cela rejoint peut-être assez bien ce que vous avez demandé à Mme Metcalfe, et je suis d'accord avec elle. Lorsque nous songeons aux collectivités autochtones, je pense que nous avons parfois cette idée de ce genre de collectivité idyllique qui existe à l'état sauvage et n'a pas changé depuis l'arrivée des premiers colons. Ce n'est la réalité d'aucun des Autochtones que je connais et d'aucune des collectivités autochtones avec lesquelles mon organisation travaille. Mais je pense qu'il y a des organisations qui travaillent avec des bandes et des personnes dans des contextes urbains, qui examinent vraiment des façons dont des personnes peuvent rétablir les liens avec certaines de leurs pratiques traditionnelles culturelles qui ont du sens pour elles, maintenant, dans cette ère moderne.
J'ai entendu de nombreux prisonniers autochtones dire que leur première idée de la culture, de leur culture qu'on leur enseigne, venait de programmes du SCC qui n'étaient, peut-être, pas vraiment une bonne façon de leur enseigner. On parle de néocolonialisme lorsqu'on dit à quelqu'un que nous allons maintenant lui enseigner sa culture dans ce contexte institutionnel.
Je pense que les organisations communautaires locales ont un énorme rôle à jouer, parce que ce sont les organisations qui ont vu certaines de ces personnes durant leurs meilleurs et leurs pires moments. Ce sont les organisations qui sont déterminées, à mon avis, à établir cette confiance. Mme Metcalfe en a parlé, et c'est mon expérience avec des femmes en prison également: on peut dire que des gens viennent les voir chaque jour. Une personne arrive, se promène le long de la rangée et leur demande comment elles vont, mais il ne s'agit pas d'un contexte social significatif. Je ne pense pas que quiconque d'entre nous estime qu'il s'agit d'un contact social significatif, donc où ce contact social significatif se produit-il? Pour de nombreuses femmes autochtones, cela se produit dans des mouvements et des organisations communautaires à l'échelle locale. Je pense que c'est ce sur quoi nous devons nous concentrer.
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Oui. Je me réjouis de cette mesure. J'ai dit de façon un peu cynique que le SCC n'est pas un champion du changement. Je crois qu'il s'agit d'un autre exemple d'attention médiatique consacrée à des situations particulièrement bouleversantes comme celles d'Ashley Smith et d'Eddie Snowshoe, attention qui permet de jeter la lumière sur ce qui se passe.
L'isolement préventif est une mesure qui existe depuis très longtemps. Nous en parlons maintenant, et je suis ravie de voir que des modifications législatives sont proposées, et non pas seulement des modifications des directives du commissaire, car, comme Mme Metcalfe l'a mentionné, celles-ci sont des instruments très discrétionnaires. Puisque les directives ne sont pas intégrées à la loi, Il est très facile de les modifier. Il est également très facile — peut-être pas très facile, mais plus facile — de ne pas les appliquer dans l'esprit dans lequel nous aimerions qu'elles le soient.
En ce qui a trait aux modifications législatives touchant l'isolement préventif, je crois qu'il est très important de savoir que le SCC adopte une position très technique en matière d'isolement préventif. L'isolement préventif, c'est comme une forme d'art pour lui. Il existe d'autres façons d'isoler les personnes déjà emprisonnées. Lorsqu'on mise sur l'isolement préventif, il arrive parfois que les mesures connexes changent de nom, tout simplement. Il peut prendre diverses formes, mais ce n'est plus vraiment de l'isolement préventif.
Je vais suivre l'étude du projet de loi avec grand intérêt, car je crois qu'il contient des éléments très importants, et je suis optimiste, mais avec une certaine réserve, comme d'habitude.
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Je n'en suis pas tout à fait certaine. Durant le procès concernant l'isolement cellulaire, j'ai été surprise d'apprendre que certaines des statistiques que tiennent les services correctionnels ne sont pas celles que j'aurais pensé. Je croyais qu'ils auraient une idée de la prévalence des problèmes de santé mentale chez les personnes nouvellement admises. C'est un élément qu'ils ont commencé à étudier récemment. Ils n'étaient pas en mesure de fournir ce type d'information concernant les femmes qui arrivent dans la prison, du moins, pas au moment du procès en question.
Je pense que c'est vraiment problématique, car comment pouvons-nous déterminer si leurs interventions fonctionnent, alors que nous n'avons pas d'idée de l'expérience que vivent les personnes qui ont des problèmes de santé mentale à leur arrivée? Comment pouvons-nous savoir si leur état empire, s'améliore ou bien reste le même, alors que nous ne comprenons pas et que nous n'examinons pas la personne d'un point de vue holistique au moment où elle arrive dans la prison? La santé mentale est un domaine où, selon moi, les responsables n'ont pas fait un très bon travail pour ce qui est de recueillir des données. J'ai peut-être tort. Ces données sont peut-être en train d'être recueillies, mais elles ne semblaient certainement pas être accessibles au moment du procès, l'été dernier.
Je ne connais pas les taux de récidive, et je ne sais pas si on peut agréger les données selon le sexe, l'appartenance à un groupe autochtone et l'état de santé mentale. À la lumière de ce qui s'est passé au procès, je serais surprise que les données puissent être présentées de cette manière. Elles sont peut-être accessibles, mais je ne sais pas si on a effectué un tel suivi de ces éléments, pour être honnête. Ivan Zinger le saurait peut-être.
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Si tout le monde veut bien s'asseoir, nous allons commencer dans quelques secondes seulement. En ce moment, nous sommes un peu embrouillés, mais nous allons démêler tout cela. Daniel est parti chercher des gens. On ne sait jamais: il pourrait se présenter en compagnie de certains de nos participants.
Actuellement, nous accueillons, par vidéoconférence depuis Calgary, Stephanie Weasel Child, qui est la gestionnaire principale, revendications et recherche, de la nation Siksika. Nous attendons d'autres personnes qui se joindront à nous.
Lois Frank vient d'arriver. Elle est instructrice, Études autochtones d'Amérique, justice pénale, à l'Université de Lethbridge.
Nous attendons de trouver la représentante de l'Association du Barreau autochtone du Canada. Peut-être qu'en raison de la météo et de divers éléments différents, nous connaissons des complications, aujourd'hui.
Nous allons commencer par Stephanie, de la nation Siksika, pour sept minutes.
Je m'appelle Stephanie Weasel Child, de la nation Siksika. Je comparais devant vous depuis Calgary, qui est située sur le territoire traditionnel des Pieds-Noirs. Je suis honorée qu'on m'ait demandé de prendre la parole devant le Comité.
Je vais vous donner un peu de renseignements contextuels sur la nation Siksika. Il s'agit de la deuxième réserve autochtone terrestre en importance au Canada. Notre population est de presque 8 000 personnes; 45 % vivent dans la réserve, et 55 %, hors réserve. La tranche de notre population qui s'accroît le plus rapidement est celle des 25 ans et moins.
Quand je réfléchissais au sujet qui avait été choisi pour la séance d'aujourd'hui, j'envisageais des recommandations comme une plus grande participation des Aînés, un plus grand nombre d'agentes correctionnelles et de juges autochtones de sexe féminin, l'accès à la langue et à la culture, des volets spirituels traditionnels dans le système correctionnel fédéral — la purification par la fumée, par exemple —, et l'apprentissage de sa propre langue et de sa propre culture. Mais, une chose qui n'arrêtait pas de me venir à l'esprit, c'était le fait que nous devrions avant tout nous concentrer sur les façons de tenir les femmes autochtones hors des prisons. Quand j'ai parlé à l'avocate de la nation Siksika, elle m'a dit que la principale cause des démêlés qu'ont les Autochtones avec les forces de l'ordre, c'est la pauvreté et la toxicomanie. Elle demande à ses clients s'ils auraient commis le crime qu'ils ont commis s'ils avaient été sobres, et, neuf fois sur dix, la réponse est « non ».
La nation Siksika est dans une position unique. Nous disposons de notre propre palais de justice, où des tribunaux pénal et familial siègent régulièrement. Nous possédons notre propre bureau d'aide juridique situé directement dans la réserve. Nous disposons de services aux victimes, d'une unité d'intervention en cas de crise et de services de probation. Nous profitons des services de deux aides judiciaires qui sont membres de la nation Siksika. Un travaille pour le tribunal pénal, et l'autre, pour le tribunal familial. Nous avons établi un programme de médiation appelé Aiskapimohkiiks, qu'on utilise principalement dans les cas de violence familiale et dans les affaires instruites par le tribunal familial. Quatre-vingt-dix pour cent des employés du système judiciaire Siksika sont autochtones.
Je suis d'avis que nous avons besoin d'un plus grand nombre de programmes offerts dans la réserve afin de lutter contre les problèmes de toxicomanie et de pauvreté. La nation Siksika a établi un programme Matrix, qui est essentiellement un programme de traitement de jour. Chaque séance peut accueillir un maximum de 20 personnes. Je pense qu'il s'agit d'un programme de 12 semaines. C'est un programme de traitement des patients en clinique externe. La seule autre possibilité, c'est de s'inscrire à un programme de traitement en établissement, à Calgary ou à Edmonton, et la liste d'attente est très longue.
Je dirais aussi qu'il faudrait étudier les approches traditionnelles de gestion de cas, faire intervenir les Aînés et suivre le programme Aiskapimohkiiks, qui est pleinement fonctionnel dans la nation Siksika. Il s'agirait de faire intervenir les Aînés, les chefs traditionnels, les détenteurs du savoir traditionnel et les membres de la société afin qu'ils contribuent au processus avec les membres qui ont des démêlés avec la justice.
À mon avis, ce serait une vraie réconciliation. Il y a un autre volet, qui concerne la sensibilisation des gardiens, des avocats, des procureurs de la Couronne et des juges quant aux raisons pour lesquelles les Autochtones sont dans la situation où ils se trouvent. Il faut les éduquer au sujet du traumatisme des pensionnats, qui est la cause de toutes les familles brisées et dont découlent beaucoup des problèmes auxquels font face les Premières Nations, aujourd'hui.
Nous pourrions nommer un plus grand nombre de juges autochtones et de juges de sexe féminin. Je connais une Autochtone qui a posé sa candidature. Elle a suivi le processus et a été placée sur une liste d'attente, et on lui a dit qu'il faudrait trois ans avant qu'elle ait des nouvelles et qu'elle sache définitivement si elle serait nommée juge. Trois années se sont écoulées, alors elle a de nouveau communiqué avec les responsables, et ils lui ont dit que tout le processus avait changé et qu'elle devait le reprendre depuis le début.
Elle est une avocate autochtone qui travaille au sein de la nation Siksika depuis, je dirais, environ 20 ans. Elle fait des pieds et des mains pour aider ses clients. Voilà le genre de personne que le gouvernement provincial devrait envisager de nommer en tant que juge afin qu'elle travaille à temps plein au sein de la nation Siksika, car son travail — à titre d'aide juridique, puis à titre de procureure de la Couronne, d'avocate de la défense et d'avocate de service — a vraiment changé les choses.
Il y a des solutions. Tenter d'améliorer l'expérience des femmes autochtones dans le système, c'est admirable, mais il faudrait s'efforcer avant tout de tenir les Autochtones en dehors des prisons.
Merci.
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Merci. Je m'appelle Lois Frank. Je suis de la Tribu des Blood, dans le Sud de l'Alberta.
J'ai eu de la difficulté à préparer mon exposé parce que je tentais de tout condenser en sept minutes. C'est difficile quand on est une chargée de cours et une instructrice habituée à donner des cours de quatre heures. Je vous ai préparé un exposé, et vous en recevrez une copie, mais je veux seulement parler du fond du coeur, car vous avez pris connaissance de beaucoup des données probantes disponibles et avez entendu de nombreux témoignages de gens qui ont des démêlés avec le système de justice. Je veux seulement vous faire part de quelques éléments.
Nous avons beaucoup de statistiques. Nous disposons des données sur les femmes autochtones dans le système de justice. Nous savons que les femmes ont beaucoup d'influence dans les sociétés traditionnelles et qu'elles avaient un rôle important à jouer. Elles étaient les mères nourricières. Elles assuraient parfois la santé économique des Premières Nations. Elles avaient beaucoup leur mot à dire au sein des collectivités.
Je suis là parce que j'enseigne la justice pénale à l'université. Je participe également à la rédaction de rapports Gladue. Je le fais depuis un certain nombre d'années pour la province. J'en suis venue à considérer l'expérience des personnes que je représente comme étant très importante. Je pourrais vous inonder de statistiques, d'études et d'enquêtes, mais je ne veux pas faire cela, pour l'instant. En tant que rédactrice de rapports Gladue, selon les exigences de la Cour suprême, je vous dirais qu'il est vraiment important d'étudier l'alinéa 718.2e) du Code criminel, d'examiner la situation des Autochtones. Comme je vis dans la réserve Blood et que j'ai des petits-enfants, des étudiants et des clients pour qui je rédige des rapports Gladue, il me semble que je voudrais vous faire part de mon expérience personnelle dans le cadre du travail que je fais.
J'ai beaucoup appris au sujet de la vie des délinquants autochtones, y compris la toxicomanie, la violence, les traumatismes de l'enfance, l'itinérance et la violence physique, émotionnelle et sexuelle. J'ai entendu de nombreuses histoires, et je suis très préoccupée par la direction que nous empruntons, en ce qui concerne le système de justice pénale.
Comme je l'ai mentionné, les femmes étaient très importantes. Elles avaient un rôle important à jouer, mais, après la colonisation, sous le régime de la Loi sur les Indiens, les femmes n'étaient plus des personnes. Je pense que nous ressentons les répercussions de ces événements. Nous vivions dans un monde spontané fondé sur les coutumes, alors que, maintenant, ce monde est très froid. Nous sommes soumis aux dictats du gouvernement, et les gens qui se retrouvent dans le système de justice pénale estiment que c'est un monde très froid et structuré, où ils n'ont pas vraiment leur mot à dire.
Beaucoup de nos collectivités sont maintenant patriarcales en raison de la Loi sur les Indiens. Les femmes n'avaient presque aucun rôle à jouer et étaient considérées par les Européens comme étant inférieures, des personnes qui étaient... Nos rôles étaient différents. Nous n'étions pas des Européennes délicates qui n'étaient pas habituées de travailler dur. Les femmes avaient un rôle très central. Elles étaient indépendantes et avaient beaucoup de pouvoir au sein de la collectivité. Nous constatons que ce pouvoir a diminué, maintenant. Je pense que c'est pourquoi nous observons beaucoup des problèmes que connaissent les femmes autochtones. Elles sont les piliers et les racines de la collectivité. Quand on leur enlève leur importance, on voit les problèmes apparaître, comme les femmes autochtones assassinées et disparues. Nous n'avons pas besoin d'une autre étude, d'une autre enquête. Nous savons qu'il y a des problèmes.
Je pense qu'il importe que nous, en tant que personnes qui tentent de réformer une partie des systèmes que nous avons mis en place, comme les tribunaux, la police, les services correctionnels... Toutes les personnes qui participent au système de justice pénale, comme l'a mentionné Stephanie, ont besoin de recevoir une formation, mais je pense qu'il est plus important... Je suis là pour parler des femmes, des personnes que je représente, des étudiants, des gens dans la collectivité. Je ne suis pas là pour vous donner toujours plus d'information au sujet de toutes ces études. Je suis là pour représenter les personnes avec qui je communique quotidiennement. J'ai l'occasion d'entendre leur histoire, et je suis là pour défendre leurs intérêts.
Voici l'élément le plus important: les femmes sont la force, l'épine dorsale de la collectivité. Ce rôle a été totalement réduit, mais beaucoup de choses positives peuvent se produire. La Charte protège les personnes; elle protège les gens. Je pense que le système de justice pénale peut s'adapter. Nous pouvons nous adapter à la spontanéité de nos cultures.
Enfin, je voudrais tout simplement dire qu'en tant que rédactrice de rapports Gladue, je pense qu'il s'agit de l'une des façons dont nous pouvons faire quelque chose pour les femmes autochtones dans le système. Nous devons leur offrir la formation. Nous devons utiliser les mêmes critères que ceux que nous appliquons aux juges au moment de chercher des rédacteurs judiciaires autochtones de rapports Gladue, car c'est très important pour l'ensemble de ce processus.
Merci.
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Merci, madame la présidente, et merci aux témoins.
J'ai deux choses. La première est que, le 28 octobre, les témoins du Service correctionnel du Canada ont dit qu'ils présenteraient certains rapports sur le travail qu'ils ont réalisé sur l'isolement préventif et les modifications qu'ils ont apportées afin de s'assurer que leurs politiques restreignaient l'isolement à certains délinquants. Je voulais seulement être certaine que nous ne les avions pas oubliés.
La greffière acquiesce. Merci.
La deuxième chose est une demande. Comme nous en sommes à rédiger notre rapport relativement à l'étude sur la justice économique, est-il possible d'obtenir les ébauches en format Word plutôt que PDF afin que nous puissions les modifier et en faire le suivi? Ensuite, pour les versions ultérieures, est-ce que l'analyste est en mesure de montrer les modifications, ce qui permet à notre comité de se concentrer davantage sur ce qui a changé entre une version et la suivante?
Une voix: Absolument.
Mme Sheila Malcolmson: La greffière et l'analyste acquiescent, alors merci beaucoup, madame la présidente.
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Fantastique. Merci beaucoup.
En tant que présidente du Comité, j'aimerais profiter de l'occasion pour remercier l'ensemble du personnel de soutien de son excellent travail accompli tout au long de 2017, que ce soit les interprètes, les personnes qui travaillent sur les vidéos ou qui que ce soit d'autre.
Je désire également remercier le messager. J'ai appris aujourd'hui tout ce que vous avez fait.
À nos interprètes, bien sûr, je suis désolée de parler si rapidement, mais je suis faite comme ça.
Bien sûr, j'aimerais vraiment remercier les trois personnes ici au bout, notre greffière, de même que nos deux analystes, de tout leur travail acharné.
À l'ensemble de notre personnel, merci beaucoup de nous avoir fait passer une excellente année 2017. Nous ne serions pas, en tant que députés, en mesure de réaliser nos travaux sans vous, alors merci beaucoup.
Joyeux Noël à tous.
La séance est levée.