Bonjour. Soyez les bienvenus à cette première réunion du Comité permanent de la condition féminine en 2018.
Aujourd'hui, nous recevons un groupe très spécial, qui nous revient avec de nouveaux renseignements. Pour commencer, j'aimerais faire une ou deux annonces en matière de fonctionnement.
Tout d'abord, je souhaite la bienvenue à la nouvelle greffière du Comité, Mme Kenza Gamassi. Aussi, je vous signale l'arrivée au Comité de Mme Stephanie Kusie du Parti conservateur. Comme vous pouvez le voir, elle est très accueillante.
Au cours de la prochaine heure, nous entendrons des représentants de Service correctionnel Canada, de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, et du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.
Mme Anne Kelly, sous-commissaire principale à Service correctionnel Canada, a demandé cinq minutes pour commencer. Ensuite, nous reprendrons la discussion là où nous l'avons laissée en 2017.
Anne, vous avez la parole pour cinq minutes.
:
Madame la présidente, je vous salue de nouveau.
Je m'appelle Anne Kelly et j'occupe le poste de sous-commissaire principale de Service correctionnel du Canada, ou SCC, poste qui a aussi la responsabilité des services correctionnels pour Autochtones. J'ai le plaisir d'être accompagnée par Mme Kelley Blanchette, sous-commissaire pour les femmes, qui est responsable de l’élaboration et de la surveillance des programmes pour toutes les délinquantes purgeant une peine de ressort fédéral.
Je tiens à vous remercier, vous et vos honorables membres du Comité, de me donner cette occasion de m'adresser de nouveau à vous afin de poursuivre la discussion que nous avons entamée le 28 novembre 2017 dans le cadre de votre étude sur les femmes autochtones dans le système de justice. Comme j'ai déjà présenté mes observations en novembre, j'aimerais aujourd'hui prendre quelques minutes pour vous communiquer certains points saillants récemment dégagés de l'examen de rendement semestriel du SCC pour 2017-2018.
[Français]
Comme je l'ai souligné lors de la rencontre de novembre, les délinquantes autochtones représentent une proportion importante et croissante de la population carcérale, soit 39 % de toutes les délinquantes incarcérées.
Je souhaite aussi répéter que le nombre de Canadiens et de Canadiennes autochtones qui se voient imposer des peines relevant du fédéral échappe à notre contrôle, mais que le travail et les interventions du Service peuvent, ultimement, avoir une incidence sur la durée de leur incarcération, leur cote de sécurité et le moment où leur cas peut être présenté à la Commission des libérations conditionnelles du Canada aux fins de décision concernant leur mise en liberté dans la collectivité.
[Traduction]
C'est d'ailleurs là la raison d'être du SCC, soit d'encourager et d'aider les délinquants et les délinquantes dans leur préparation à la mise en liberté, de façon à ce qu'ils puissent retourner dans la société en toute sécurité. À ce propos, je suis heureuse de souligner que, selon les résultats de mi-exercice du SCC, le nombre de délinquants autochtones et non autochtones pris en charge par la collectivité continue d'augmenter.
Pour ce qui est des mises en liberté discrétionnaires — c'est-à-dire, les semi-libertés et les libérations conditionnelles totales — ce sont les délinquantes qui ont obtenu les meilleurs résultats, puisque dans leur cas, 81 % des mises en liberté accordées jusqu'à présent ont été discrétionnaires. De plus, on enregistre pour ce groupe un meilleur taux de réussite en réinsertion sociale puisqu'un nombre plus élevé que jamais de délinquantes autochtones finissent de purger leur peine dans la collectivité sans être réincarcérées. Ces résultats positifs sont le fruit des efforts concertés déployés par les délinquantes et l'équipe de gestion des cas pour veiller à ce que soient pris en compte les besoins et les facteurs de risque au moyen d'interventions appropriées, l'objectif étant une réinsertion sociale réussie effectuée en toute sécurité.
[Français]
J'aimerais aussi attirer votre attention sur les résultats de deux études menées l'année dernière.
La première visait à déterminer si les programmes correctionnels pour délinquantes autochtones atteignaient leur objectif. D'après les résultats, ces programmes parviennent à améliorer les compétences et les attitudes des femmes et à réduire considérablement leur taux de réincarcération.
[Traduction]
La deuxième étude portait sur les délinquantes autochtones qui ont pris part à des mises en liberté aux termes de l’article 84, qui est une disposition législative s'appliquant aux délinquants qui manifestent un intérêt à l'égard de la participation d'une collectivité autochtone à la planification de leur mise en liberté. D'après les résultats de l'étude, au cours des 5 dernières années, 41 % des délinquantes ont participé à des mises en liberté conformes aux termes de l'article 84. L'étude a notamment permis de constater que les délinquantes ayant un plan de libération établi aux termes de l’article 84 étaient plus susceptibles de bénéficier d'une mise en liberté discrétionnaire et d'être classées à un niveau de sécurité minimal avant leur mise en liberté.
[Français]
Malgré les progrès réalisés, le Service continue de combler les lacunes et de mettre en oeuvre des initiatives pour mieux répondre aux besoins des délinquants et des délinquantes et pour remplir son mandat consistant à assurer la sécurité des Canadiens et des Canadiennes.
[Traduction]
Je serai ravie de répondre à vos questions au sujet des divers aspects du travail de SCC et des progrès que nous avons réalisés.
Merci.
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins de leur présence.
J'aimerais d'entrée de jeu vous informer que, la semaine dernière, j'ai passé deux jours à visiter des établissements correctionnels, à Edmonton. J'en ai visité cinq, dont l'Établissement d'Edmonton pour femmes et la Maison de ressourcement Buffalo Sage. En tant que comité, nous pourrions discuter de la valeur d'une telle démarche, et j'en suis pleinement consciente.
Tout d'abord, je veux dire merci au SCC pour son excellent travail, ainsi qu'à toutes les personnes formidables qui travaillent dans ces établissements. J'ai été très impressionnée par le travail qui se fait là-bas, surtout à Buffalo Sage. Je ne crois pas que vous puissiez vous représenter ce qu'est un pavillon de ressourcement sans en avoir vu un de vos propres yeux.
Nous nous sommes intégrées à un cercle avec une aînée nommée Claire et quatre femmes qui se trouvaient là. Certaines de mes questions porteront sur cette visite.
Toutes les personnes que j'ai rencontrées m'ont répété la même chose: les compressions appliquées au service correctionnel ont été dévastatrices en ce qui a trait à la capacité des établissements de livrer la marchandise, quel que soit l'établissement. Vous n'avez peut-être pas ce chiffre avec vous, mais pouvez-vous nous dire à combien sont évaluées les compressions appliquées au budget de SCC de 2006 à 2015? Si vous ne le savez pas, ce n'est pas grave. Vous pourriez peut-être transmettre cette information au Comité ultérieurement.
:
... parce que j'en suis très fière.
Très brièvement, en ce qui a trait aux programmes éducatifs, le taux de participation est passé de 71 % en 2015-2016 à 84,3 % à la fin de décembre. Pour ce qui est du temps écoulé entre l'admission et la participation au premier programme, on parle de 32 jours, et pour les femmes non autochtones, de 31,5 jours, alors c'est très semblable. L'année 2016-2017 a été l'année où il y a eu le plus grand nombre de femmes en semi-liberté et en libération conditionnelle totale, ainsi que le plus grand nombre de femmes qui ont fini de purger leur peine avec succès. Grosso modo, le pourcentage médian du temps purgé à partir de l'admission jusqu'à la première mise en liberté est passé de 43 à 36 %, ce qui est une bonne chose.
Par ailleurs, le pourcentage de délinquantes ayant obtenu la semi-liberté ou la libération conditionnelle totale est passé de 65 % en 2016-2017 à 75 % à la fin d'octobre. Pour ce qui est des délinquantes qui ont atteint la date d'expiration de leur mandat — c'est-à-dire qui ont terminé de purger leur peine sans être réincarcérées —, nous avons encore une fois constaté une augmentation.
Je dirais que c'est une combinaison de plusieurs facteurs. Tant du côté des hommes que du côté des femmes, nous observons un nombre plus élevé de délinquants qui purgent leur peine sous surveillance au sein de la collectivité. Selon moi, cette situation est également attribuable aux programmes que nous offrons.
Je pense que vous avez été témoins du travail exceptionnel qu'accomplit notre personnel auprès des délinquants, et si vous visitiez nos établissements ou nos bureaux de libération conditionnelle, vous verriez que notre personnel est très dévoué. Ils ont leur travail à coeur. Ils croient en notre mandat, qui consiste à aider les délinquants et à les encourager.
Nous voulons qu'ils repartent en étant de meilleures personnes qu'ils ne l'étaient à leur arrivée. C'est pourquoi nous les aidons à cheminer. Nous leur offrons des programmes, et nous avons des aînés et des aumôniers au sein de nos établissements. En outre, nous examinons les possibilités d'emploi des délinquants afin qu'ils puissent obtenir un emploi et toucher un salaire décent à leur sortie pour être en mesure de subvenir à leurs besoins. C'est donc une combinaison de facteurs.
Comme vous, j'ai aussi de nombreuses questions sur les investissements pour les femmes autochtones dans nos établissements correctionnels, et sur la pauvreté dans son ensemble.
Le gouvernement n'hésite jamais à investir dans les autoroutes, les infrastructures, les soins de santé ou les services sociaux, mais personne ne veut vraiment parler d'investir pour venir en aide à notre population la plus vulnérable. Nous dépensons des milliards de dollars à essayer d'éliminer un problème comme l'itinérance, mais personne ne veut discuter de la façon dont nous traitons les jeunes et les préparons à devenir autonomes.
Une récente étude a révélé que 60 % des sans-abri recevaient des services destinés aux enfants et aux familles, mais ils ne représentent que 3 % de la population. Cela me rappelle souvent l'histoire de deux personnes qui sortaient des cadavres d'une rivière. Ils sortaient des cadavres jour après jour jusqu'à ce qu'une personne âgée leur demande ce qu'ils faisaient. Ils ont expliqué ce qu'ils faisaient et à quel point ils travaillaient fort. La personne âgée leur a ensuite demandé, « Quelqu'un est-il allé en amont pour découvrir pourquoi tous ces cadavres se retrouvaient dans la rivière? » Lorsque nous examinons les problèmes des femmes autochtones, nous continuons de regarder en aval.
Je travaille auprès de cette population depuis 25 ans. Lorsque j'ai commencé, nous avions des enfants aussi jeunes que sept ans qui travaillaient dans le commerce du sexe. Personne n'a essayé d'aider les familles jusqu'à ce que l'histoire fasse les manchettes. Le ministère des Services sociaux est alors intervenu, a retiré l'enfant et l'a placé dans un établissement jusqu'à ses 16 ans. Nous sommes maintenant en 2018, et certaines choses ont changé, mais la façon de procéder du gouvernement et la façon dont il traite cette population n'ont pas changé.
Dans notre société, les peuples autochtones ont traversé et continuent de traverser des périodes très éprouvantes. Il y a eu les pensionnats indiens et la rafle des années 1960, et nous continuons de placer nos enfants dans des établissements de services de protection, de leur retirer leurs libertés, de les punir d'être des victimes de situations indépendantes de leur volonté. En Saskatchewan, ils ont remis sur pied des orphelinats en plaçant des bébés et des nourrissons dans des foyers de groupe de 14 enfants. Nous élevons encore une fois une autre génération d'enfants qui souffriront de problèmes d'abandon, qui grandiront sans avoir la capacité de nouer des relations et qui ne sauront pas comment créer des liens d'attachement.
Ces pratiques actuelles sont dispendieuses et dommageables pour les enfants et leur famille. Ces pratiques mènent à une vie dysfonctionnelle qui donnera lieu à de la pauvreté et à des soins en établissement, tels que des établissements correctionnels. La triste vérité, c'est que le fait de les aider à devenir des citoyens productifs de la société est moins coûteux et a une incidence plus positive pour briser le cycle vicieux à long terme.
J'ai quelques théories dont je veux vous faire part et je vous demanderais de vous faire votre propre opinion sur ces théories.
Les personnes autochtones et pauvres sont une énorme industrie. Les emplois dans les services de soutien et les services correctionnels créent un marché du travail de la classe moyenne important qui est censé servir et protéger cette population. Au cours de mes 25 années d'expérience, j'ai rencontré de nombreuses personnes dévouées au sein du gouvernement qui veulent bâtir une vie meilleure pour les plus démunis, mais je secoue souvent la tête. Les Autochtones ont l'impression que le gouvernement fait sans cesse les mêmes démarches même si elles ne fonctionnent pas. Ils éprouvent ainsi un sentiment encore plus grand de méfiance et de désespoir.
Les gens qui oeuvrent dans le système actuel ont l'impression que s'ils travaillaient à trouver une solution pour éradiquer le problème, ils pourraient le faire disparaître, et ce serait leur travail. Cela peut-il vous aider à comprendre comment les plus démunis ont l'impression que rien n'est fait ou qu'aucune mesure n'est mise en place pour changer le cycle vicieux des pauvres?
Lorsqu'ils desservent cette population, les organismes communautaires et leurs clients sont censés atteindre les résultats escomptés dans une période donnée. Les traumatismes, les mauvais traitements antérieurs, la toxicomanie et les problèmes de santé mentale prolongent souvent l'incapacité de la personne d'atteindre le résultat escompté.
J'aimerais brièvement inverser les rôles et demander aux fonctionnaires pourquoi ils ne communiquent pas leurs résultats et les répercussions possibles si ces résultats ne sont pas atteints. Comment la raison d'être de la fonction publique est-elle devenue moins importante que le fait d'essayer de ne pas mettre dans l'embarras le gouvernement en place?
En tant que politiciens, posez-vous les bonnes questions aux personnes responsables de formuler des recommandations et de les présenter au gouvernement? Puis-je suggérer quelques questions à poser?
Que disent les communautés? Que disent les familles? Quels sont les résultats que vous essayez d'atteindre? Ces résultats sont-ils réalistes et atteignables? Comment pouvons-nous appuyer les initiatives en tant que gouvernement?
Je suis ici pour vous faire part de notre expérience en tant que première organisation au Canada à avoir adopté une obligation à impact social. Cette obligation investissait pour maintenir les femmes et leurs enfants réunis et en dehors du système de protection de l'enfance.
L'obligation était simple, le calcul était facile, les résultats étaient atteignables, et nous avons eu l'occasion de montrer qu'avec ce soutien et des conseils, les mères qui ont des enfants peuvent changer et vouloir une vie meilleure pour leurs enfants et elles.
L'idée de ce projet de l'obligation à impact social n'est pas venue du gouvernement. Elle a commencé un an plus tôt avec Carolyn Schur, qui a effectué une étude sur les troubles du sommeil à l'école secondaire. Après avoir terminé ses recherches, elle en est venue à la conclusion que les jeunes ne souffraient pas de troubles du sommeil; ils n'avaient tout simplement nulle part où dormir. Cette dame a commencé par investir 50 000 $ de son propre argent pour trouver une solution. Nous avons créé un petit groupe qui travaille à trouver des solutions. Ce qui a commencé par une intervention communautaire est devenu ce que nous avons aujourd'hui.
Nos premiers investisseurs s'intéressaient à l'initiative pas pour faire de l'argent, mais parce qu'ils pouvaient voir la différence qu'un investissement peut faire et pouvaient voir où leur argent était dépensé.
La ministre des Services sociaux de l'époque, June Draude, a proposé l'obligation comme moyen d'investir dans notre population vulnérable. Nous avons travaillé fort pour produire des résultats qui, au final, sont avantageux pour les personnes que nous servons. Nous fournissons un continuum de soins important qui permet aux mères et à leur famille de rester ensemble. Nous aidons les jeunes mères à s'instruire et à trouver un emploi. Nous favorisons l'autonomie et l'autosuffisance chez les jeunes femmes et leurs enfants.
L'obligation a renforcé les partenariats intégrés au sein de la communauté, de même qu'avec Connexus Credit Union, les Mah, les donateurs, tant les particuliers que les entreprises, le gouvernement de la Saskatchewan et le gouvernement du Canada.
Avec l'obligation, on s'attendait à ce qu'en l'espace de cinq ans, nous aurions 22 enfants qui quitteraient le programme et qui n'auraient pas besoin de soins pendant au moins six mois. Si ces résultats pouvaient être atteints, l'obligation se repaierait d'elle-même.
Depuis le 1er juin 2013, Sweet Dreams a soutenu 39 mères à risque élevé et 54 enfants; 33 de ces mères ont toujours la garde de leurs enfants à ce jour.
Cinq mères et neuf enfants résident actuellement à la maison d'accueil Sweet Dreams, et deux des mères fréquentent l'Université de la Saskatchewan.
Je sais que je n'aurai pas le temps de raconter certaines des histoires des enfants qui participent au programme et leurs histoires de réussite, alors j'ai fait quelques copies si cela vous intéresse.
De plus, nous avons aménagé quatre chambres à coucher additionnelles et une garderie de 18 places adjacente à Sweet Dreams. Les Mah, qui sont parmi nos investisseurs initiaux, donnent leur demi-million de dollars plus les intérêts pour que nous puissions en faire plus pour les mères et les enfants dans le besoin.
Pour terminer, j'aimerais dire une chose ou deux.
Les investissements pour les femmes autochtones donnent de l'espoir et contribuent grandement à maintenir les femmes en dehors de nos établissements. Nous devons créer des programmes de prévention qui commencent dès la naissance et travailler fort pour garder les unités familiales ensemble.
Les programmes destinés aux enfants et aux familles doivent refléter une industrie fondée sur l'avenir des gens et sur une vie après avoir été pris en charge. Nous devons demander à ces femmes ce dont elles ont besoin et comment le gouvernement et les collectivités dans lesquelles elles vivent peuvent faire la différence.
La tâche semble être décourageante, mais il en va de même avec le fait de toujours faire les mêmes démarches, car elles ne fonctionnent pas. Commençons par nous attaquer au problème à la source.
Merci.
Des mesures intéressantes sont adoptées dans votre province. Merci de nous en avoir fait part.
Bon après-midi, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je suis Lisa Lalande. Je suis la chef de direction du pôle de recherche à but non lucratif du Mowat Centre. Je suis accompagnée de ma collègue Joanne Cave, associée principale en politiques.
Mowat NFP est une division de recherche du Mowat Centre, qui est un centre d'études et de recherches d'ordre public indépendant situé à l'École de politiques publiques et de gouvernance à l'Université de Toronto.
Mowat NFP se concentre sur des politiques en recherche appliquée relatives à des problèmes systémiques auxquels est confronté le secteur caritatif et sans but lucratif, en Ontario et au Canada. Notre programme de recherche examine comment ce secteur peut être efficace pour bâtir des communautés vivantes et améliorer le mieux-être des Canadiens. Nous nous penchons sur des questions telles que la réforme du travail dans le secteur privé, les finances et le financement, les données, les lois et les règlements selon une optique systémique, et nous examinons comment les problèmes sont interreliés et ont une incidence les uns sur les autres. Plus récemment, des recherches ont été menées pour mesurer les résultats et les répercussions afin de voir ce qu'il faut pour mieux comprendre et évaluer les interventions qui sont efficaces et celles qui ne le sont pas.
De nombreuses personnes participent à des programmes ou à des services qui n'ont pas de répercussions importantes ou durables, car ces programmes ne s'attaquent pas aux causes fondamentales: la violence, les traumatismes, la faim, la maladie et la pauvreté. Ces causes fondamentales sont historiques et compliquées et ne peuvent pas être isolées et examinées individuellement. En appliquant une perspective systémique au concept de l'incidence, on reconnaît que les enjeux sociaux et environnementaux que le secteur tente de régler sont étroitement interreliés.
Nous savons qu'une obligation à impact social est un outil envisagé pour réduire la proportion de femmes autochtones qui se trouvent dans le système de justice pénale canadien. Même si nous ne pouvons pas parler de l'expérience des femmes autochtones dans le système de justice pénale, nous nous concentrerons sur le défi de comprendre l'incidence et la façon dont le financement du gouvernement peut être utilisé pour contribuer à produire les meilleurs résultats possible.
La sélection et la mesure des résultats constituent souvent l'aspect le plus difficile d'un contrat d'obligations à impact social. Par conséquent, dans notre exposé, nous proposons deux recommandations clés: l'établissement d'un What Works Centre canadien, un centre unique axé sur les données probantes qui s'est avéré un succès au Royaume-Uni et aux États-Unis, et la création d'un fonds de résultats nationaux, un outil qui pourrait fournir des capitaux pour investir dans des interventions éprouvées et pour explorer des approches novatrices. Notre mémoire complète cet exposé en mettant en relief plusieurs principaux points à considérer pour mettre en oeuvre une obligation à impact social.
Pourquoi bâtir une base de données probantes? Les gouvernements sont de plus en plus surveillés quant à la façon dont ils dépensent l'argent, aux résultats qu'ils atteignent avec ces fonds et à la façon dont les données probantes éclairent le processus d'élaboration de politiques. Une base de données probantes solide est un aspect important pour les accords de financement axés sur les résultats. C'est particulièrement important pour les obligations à impact social, qui comptent sur des interventions et des programmes éprouvés et étayés pour attirer des investisseurs. Des données probantes de haute qualité sont nécessaires pour évaluer les besoins de la communauté, sélectionner les interventions appropriées, définir les résultats et clarifier comment ils seront mesurés.
Les établissements axés sur des données probantes sont des organismes qui possèdent des compétences techniques pour examiner et produire des recherches sur les politiques en tant que ressources pour la population et les décideurs. Même si le Canada possède déjà une expertise en matière de recherche, nous avons très peu d'établissements axés sur des données probantes qui se concentrent précisément sur les enjeux liés aux Autochtones dans le système de justice pénale.
Les What Works Centres au Royaume-Uni sont un type d'établissement axé sur les données probantes qui pourraient être adoptés au Canada. Les What Works Centres sont habituellement indépendants du gouvernement. Ils sont différents d'autres établissements axés sur les données probantes, car ils cherchent à faire participer les utilisateurs finaux des données probantes — le personnel de première ligne ou les bénéficiaires, par exemple. Les What Works Centres placent les utilisateurs finaux au coeur du processus et déterminent souvent comment les données sont recueillies, interprétées et utilisées.
Par exemple, le What Works Centre for Crime Reduction du Royaume-Uni met l'accent sur la façon dont les policiers de première ligne comprennent les nouvelles données probantes sur le maintien de l'ordre et changent leurs comportements à la lumière de ces données. Un autre What Works Centre au Royaume-Uni, le Centre for Ageing Better, donne préséance aux perspectives des aînés lorsqu'il élabore son programme de recherche. Ce faisant, les centres utilisent les opinions des citoyens pour s'assurer que les programmes et les services règlent les enjeux qui sont importants pour eux. Les gouvernements et les bailleurs de fonds réalisent ainsi des économies, car les ressources sont allouées plus efficacement.
Nos recherches révèlent qu'un What Works Centre, codirigé avec des organismes autochtones et des centres de recherche existants, a le potentiel d'avoir une incidence déterminante sur des enjeux comme celui-ci. À l'aide de ce modèle, les intervenants autochtones pourraient codiriger le modèle de gouvernance de l'organisme, élaborer conjointement le programme de recherche et définir les résultats et les répercussions possibles.
Mais qui paie pour cela... l'exploration de nouvelles approches et l'exploitation des approches éprouvées?
:
Nous encourageons également le Comité à songer à la possibilité de créer un fonds national axé sur les résultats pour désigner et exploiter ce qui fonctionne à long terme.
Le fonds national axé sur les résultats est un fonds spécial qui offre des contributions de contrepartie à d'autres ordres de gouvernement qui adoptent des modèles de financement fondés sur les résultats. Au Royaume-Uni, de nombreux fonds axés sur les résultats puisent leurs ressources à même les comptes bancaires inactifs plutôt que d'utiliser le budget fédéral. La Banque du Canada estime qu'il y a environ 678 millions de dollars d'actifs non réclamés dont pourrait se servir le gouvernement pour créer un fonds axé sur les résultats et pour le centre What Works.
En Colombie-Britannique, cette approche permet d'affecter une partie des fonds non réclamés à la Vancouver Foundation à des fins philanthropiques.
Un fonds national axé sur les résultats pourrait fournir les capitaux nécessaires aux accords de financement axés sur les résultats comme les obligations à impact social, en plus des subventions visant à mettre à l'essai et à évaluer les nouveaux programmes novateurs. Cette approche mixte à l'égard du risque nous permet d'utiliser les ressources de manière plus efficace, et d'innover.
On pourrait jumeler un centre What Works canadien au fonds axé sur les résultats afin de définir la méthode de mesure, de s'entendre au sujet des indicateurs communs et d'éclairer les décisions liées aux affectations de fonds. On pourrait également aider les organisations à accroître leur capacité afin de mesurer leur propre incidence, de mieux cibler le fonds axé sur les résultats et de le rendre plus efficace au fil du temps.
Nous saluons l'engagement du Comité à étudier cette importante question. Les obligations à impact social et les outils de financement social représentent une approche en vue de mobiliser les capitaux nécessaires pour atteindre des résultats positifs. Nous considérons la proposition relative au centre What Works et au fonds national axé sur les résultats à titre de condition préalable à un contrat d'obligations à impact social.
De plus, nous encourageons le Comité à se centrer sur les solutions dirigées par les Autochtones et à investir dans les infrastructures à long terme nécessaires en vue d'opérer un changement social significatif. Le fonds axé sur les résultats et le centre What Works pourraient étudier les accords de financement fondés sur les résultats et la base de données existante, en plus de mettre à l'essai de nouveaux programmes et services.
Je vous remercie de votre attention. Ma collègue et moi répondrons avec plaisir à vos questions.
:
Merci, madame la présidente.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité et membres du personnel.
Je représente le MaRS Centre for Impact Investing du MaRS Discovery District de Toronto. Nous travaillons avec les gouvernements, les organismes à but non lucratif et les investisseurs en vue d'investir des capitaux pour régler des problèmes sociaux. Nous conseillons les gouvernements sur la façon d'améliorer les résultats pour les populations vulnérables du Canada.
Nous ne pouvons pas parler de l'expérience des femmes autochtones dans le système judiciaire. J'écoutais les questions qui ont été posées pendant la séance précédente et je n'aurais pu répondre à aucune d'entre elles. Toutefois, nous pouvons vous parler de l'occasion d'aborder le problème d'une nouvelle façon.
J'aimerais émettre deux hypothèses devant le Comité: une approche axée sur les résultats permettrait aux intervenants qui travaillent avec les femmes autochtones d'obtenir de meilleurs résultats; un nouvel outil, l'« obligation à impact social », peut faciliter la transition vers une approche axée sur les résultats.
Permettez-moi de vous l'expliquer. Notre système de financement public et philanthropique consacre d'importantes sommes d'argent aux programmes conçus pour régler les problèmes sociaux. Les gouvernements paient les organismes à but non lucratif pour qu'ils offrent bon nombre de ces programmes. Comment le gouvernement paie-t-il pour ces programmes? Il dresse une liste des activités que peut réaliser l'organisme à but non lucratif, qui a une liste de dépenses admissibles.
L'organisme à but non lucratif offre le programme, respecte les limites des activités approuvées et présente ses dépenses admissibles. Le gouvernement lui rembourse ces dépenses et demande un rapport sur le nombre de personnes qui ont participé au programme. On lui parlera peut-être des gens qui en ont bénéficié.
Je vais vous donner un exemple: un refuge pour itinérants est financé en fonction de ses activités, à savoir le nombre de clients hébergés. Les refuges accueillent des personnes dans le besoin, mais n'ont pas les ressources nécessaires pour traiter les causes sous-jacentes de leur itinérance, comme la maladie ou la dépression chronique, par exemple. Puisque le système ne se centre pas sur l'amélioration de la condition de ces personnes, mais plutôt sur l'atteinte des quotas, le cycle de l'itinérance se poursuit.
À la fin de ces projets, nous savons que l'organisme à but non lucratif a dépensé les fonds publics là où il avait promis de le faire. Il y a une reddition de comptes, mais on ne sait souvent pas ce que le projet a réellement donné aux personnes visées. On ne peut pas savoir quelle est la valeur du programme en ce qui a trait au rendement du capital investi par les contribuables.
Cette histoire est bien trop simple, évidemment. Les organismes à but non lucratif font parfois rapport de leurs résultats et études, et les gouvernements étudient parfois les problèmes sociaux, mais la prestation de services sociaux au quotidien repose sur ce que les organismes à but non lucratif font, pas sur leurs réalisations. Cette approche gaspille le potentiel des collectivités, des organismes à but non lucratif et du gouvernement.
De quelle autre façon le gouvernement peut-il payer pour régler un problème social? Il peut payer pour les programmes sociaux en fonction de leurs résultats. Il peut payer pour un programme dans la mesure où le programme atteint les résultats prévus. Permettez-moi de vous donner un exemple.
Roca Inc., un organisme sans but lucratif américain, aide depuis de nombreuses années les jeunes hommes à éviter la prison. Roca offre maintenant certains de ses services en vertu de ce qu'il appelle les contrats de rémunération à la réussite, que vous connaissez peut-être sous le nom de contrat de rémunération au rendement. En vertu de ce contrat, le Massachusetts convient de payer Roca en fonction de ses réussites en vue de réduire le nombre de jours de prison des jeunes hommes qui ont des démêlés avec la justice. Contrairement à bon nombre d'autres organismes à but non lucratif qui offrent des programmes sociaux, Roca connaît son objectif précis: éloigner ses clients de la prison. À la fin du programme, Roca et le Massachusetts sauront comment atteindre cet objectif. C'est très semblable à ce que disait Don plus tôt.
Je vais vous donner un autre exemple plus près de nous, mais qui vise un autre enjeu social: les maladies cardiaques et les AVC, qui tuent de nombreux Canadiens chaque année. L'hypertension artérielle place les gens en situation de risque, mais nous connaissons les comportements modifiables qui peuvent changer cette trajectoire négative. Dans deux semaines, la Fondation des maladies du coeur du Canada lancera un programme visant à stabiliser et à réduire la pression artérielle des gens qui risquent de souffrir d'hypertension. L'Agence de la santé publique du Canada a promis de payer pour le programme selon son taux de réussite en vue d'aider les gens à stabiliser et à réduire leur pression artérielle. À la fin du projet, l'Agence et la Fondation des maladies du coeur en sauront plus sur la façon de lutter contre l'hypertension artérielle au sein d'une société vieillissante.
Roca et la Fondation des maladies du coeur font tous deux quelque chose d'inhabituel: ils demandent aux investisseurs — les fondations, les institutions financières, les sociétés et les particuliers — d'investir dans leurs programmes... pas de faire un don, mais bien d'investir.
Comme la plupart des organismes à but non lucratif, Roca et la Fondation des maladies du coeur ne peuvent pas prendre le risque financier de voir leurs programmes échouer. Ils ont besoin d'argent pour assumer les coûts de leurs programmes. Ils ne peuvent pas attendre un mois ou un an jusqu'à ce qu'ils fassent rapport des résultats; ils demandent donc à des investisseurs de fournir ces fonds initiaux.
Les investisseurs — et non les organismes à but non lucratif — courent le risque que leurs programmes ne fonctionnent pas. S'ils fonctionnent, alors les gouvernements les paieront; s'ils ne fonctionnent pas, les investisseurs perdront leur argent. Cet accord s'appelle une obligation à impact social.
Les obligations à impact social de façon particulière — et le paiement pour les résultats de façon générale — sont associées à certains problèmes. Le choix des résultats n'est pas facile. Le choix des mesures pour saisir les changements est difficile. Le suivi des causes et des effets entre un programme et ses résultats est une tâche nuancée. Ces étapes s'ajoutent au processus actuel de subventions et contributions et oui, lorsqu'un programme fonctionne, le gouvernement verse plus d'argent: le coût du programme et le remboursement des investisseurs.
Est-ce que les avantages l'emportent sur les coûts? C'est ce que nous allons savoir. Les obligations à impact social sont un outil conçu pour changer la façon dont on aborde le financement pour s'attaquer aux problèmes sociaux. La vraie valeur ne réside pas dans l'investissement, mais bien dans les résultats. Si nous plaçons les résultats à l'avant-plan et que nous bâtissons notre intervention dans le but d'atteindre un objectif précis, n'allons-nous pas mieux servir les gens que nous voulons aider?
Nous n'avons pas encore répondu à cette question, mais puisque trop de problèmes sociaux stagnent, nous croyons que cette question vaut la peine d'être examinée. Nous croyons qu'une approche axée sur les résultats peut aider les collectivités à mieux servir les femmes autochtones dans le système de justice.
Merci.
:
Après 25 ans d'expérience, je crois sincèrement que les gouvernements font la même chose depuis des années avec les enjeux sociaux. Ce ne sont pas seulement les gouvernements provinciaux; le gouvernement fédéral aussi. Ils ont souvent peur de poser les questions difficiles. Comme on vient de le dire, ils ont peur de faire honte à leur ministre. Ils ne veulent mettre personne dans l'embarras. Souvent, ce sont les jeunes qui écopent.
J'aimerais vous partager une histoire, rapidement. Une mère de famille qui a sollicité l'aide de Sweet Dreams était impliquée dans les gangs de rue; son enfant avait été pris en charge par un membre de sa famille. Elle était dépendante à la méthamphétamine et avait de graves problèmes d'anxiété. Aujourd'hui, elle est un membre fonctionnel de la collectivité; elle a terminé son traitement; elle va à l'école tous les jours; elle travaille avec des conseillers; elle participe à une thérapie par le jeu avec son fils selon une base régulière et est un mentor pour ses pairs. Depuis qu'elle a participé au programme, elle a obtenu son permis de conduire, s'est acheté une voiture et travaille avec diligence en vue d'établir la confiance de sa famille et de la collectivité, et de réparer leurs relations.
Lorsque j'ai entendu la première déclaration, j'ai été renversé. Il nous faut cette motivation avec nos programmes et nos jeunes. Nous dépensons des milliards de dollars pour aider des gens qui ne veulent pas de notre aide, mais nous avons peur d'aider ceux qui ont besoin d'aide à régler leurs problèmes... ou nous ne voulons pas investir en eux. Ces gens veulent devenir des citoyens à part entière. On tourne souvent en rond.
Le gouvernement nous a beaucoup critiqués parce que nous utilisons une approche axée sur la motivation plutôt que sur l'évaluation. C'est un de nos investisseurs, en fait, qui nous avait dit: « Vous ne pouvez pas utiliser ces évaluations. Elles sont irrespectueuses envers les femmes. » Tout était négatif et on se centrait sur les raisons pour lesquelles on leur avait enlevé leurs enfants.
Pour revenir au premier exposé, c'était intéressant d'entendre parler des cours de tricot. J'ai des photos. Je suis désolé, je n'en ai fait que trois copies.
L'investissement de départ dans l'obligation à impact social était de 1 million de dollars; aujourd'hui, l'investissement total est d'environ 3,5 millions de dollars, avec la garderie. J'ai un bel exemple à vous donner. Nous avons un programme d'aide à l'emploi pour les jeunes, qui offrent des services aux aînés. Il n'est aucunement financé par le gouvernement. Bon nombre de ces jeunes femmes sont venues nous aider à rénover la vieille partie de notre maison, parce que nous n'avions reçu aucun financement, à part celui d'entreprises communautaires comme Home Depot. Ces jeunes sont venues et elles ont arraché le vieux plancher; elles ont peint les murs. C'est ainsi qu'est formée notre pensée au sujet des femmes et des femmes autochtones, et je le vois souvent: nos attentes sont très faibles quant à leurs possibilités. Elles devraient avoir les mêmes possibilités que les hommes. Vous savez quoi? Parmi ces jeunes qui ont travaillé dans la maison pendant environ sept mois, deux se sont inscrites à une école de métiers. Elles voulaient devenir charpentières.
Je ne sais pas si j'ai répondu à vos questions. Je m'égare parfois.
:
À mon avis, l'obligation à impact social était davantage qu'un simple investissement social. Il s'agissait d'un investissement dans les gens qui a permis de mobiliser notre communauté. Il a favorisé la collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux... Il a permis de réunir la communauté et continue de répondre au besoin dans son ensemble.
Notre plus gros défi a été de combattre la bureaucratie. Nous gagnons tous nos vies grâce aux pauvres. Les chercheurs font leur recherche, puis s'en vont. Nous sommes dans la communauté et y restons.
Si vous croyez vraiment... À mon avis, c'est la chose la plus simple que nous ayons faite, car nous croyons en nos parents et aux peuples autochtones. Nous croyons en leur potentiel. Aucune des mères ayant participé aux programmes depuis 2013 ne se retrouve dans un établissement. Elles prennent soin de leurs enfants, comme cela devrait être.
Je crois que ce qui a fait et qui continue de faire la réussite de ce programme... Dans le cadre de réunions que j'ai eues avec des bureaucrates et ministres... les investisseurs ne sont pas de grandes entités qui cherchent seulement à faire de l'argent grâce aux pauvres. Ils souhaitent apporter des changements. J'ai eu de nombreuses conversations avec les Mah. Pour eux, il est question de démontrer que l'on peut apporter des changements.
Je crois que ce qui se passe — et je l'ai constaté avec les gens de l'Ontario qui tentent d'utiliser une obligation à impact social —, c'est que les bureaucrates participent et ne font que surcharger le programme plutôt que d'examiner ce que vous souhaitez faire et quel sera l'impact. Toutes ces autres choses, comme l'université et l'emploi, sont des extras. Cela va au-delà des coûts de l'obligation. Sans vouloir manquer de respect envers quiconque, je ne me soucie guère des économies, car ce n'est pas la raison d'être de l'obligation. L'obligation, c'est un contrat, et toutes ces autres...
On se demande s'il est trop tôt pour parler de réussite. Et comment que ce sont des réussites! J'aurais pu inviter 30 femmes à venir ici aujourd'hui pour vous montrer que ce sont des réussites. Ce n'est pas parce que quelqu'un étudie des données ou dit: « Il est peut-être trop tôt pour se prononcer... » Non. Nous avons fait en sorte que les mères et les enfants restent là où ils doivent être.
Lorsque nous sommes à construire des foyers collectifs de 14 lits, des orphelinats pour nos enfants, simplement parce que les Autochtones arrivent à un rythme alarmant, c'est un problème auquel nous devons nous attarder et dont nous devons nous inquiéter.
:
Les femmes autochtones — et, je le répète, je travaille avec ce groupe depuis 25 ans — ont toujours été une sorte de point d'ancrage dans le foyer. Elles subviennent aux besoins de la famille. Elles s'assurent de maintenir l'unité familiale. Dans le cas des jeunes femmes, nous intervenons souvent dès le début en leur retirant leur enfant. Dès le début, nous tirons ces enfants de leur foyer. Dès la naissance, nous leur enlevons tout espoir d'avoir une meilleure vie.
C'est un peu le monde à l'envers. Nous faisons des choses aux peuples autochtones que nous ne ferions jamais... Je vois tous les jours ce que vivent ces jeunes femmes et jamais les autorités ne traiteraient mes propres filles comme elles traitent ces femmes autochtones.
Lorsque l'on parle aux femmes autochtones qui se trouvent dans des établissements — et, ma foi, j'en ai rencontré des centaines au cours des 25 ans de travail avec ce groupe —, on voit souvent ce sentiment de désespoir, ce traumatisme et cette maltraitance non résolus. Dès leur enfance, elles sont punies pour avoir été victimes d'abus et de notre système actuel.
Tant que nous ne comprendrons pas cela et que nous ne respectons pas cela, rien ne changera. Elles se retrouvent dans ces établissements. Elles sont en colère et se sentent désespérées. Un cours de couture ne leur sera d'aucune aide lorsqu'elles quitteront l'établissement.
Nous avons fait une proposition à Condition féminine. Nous voulons solliciter la participation des entreprises de notre communauté pour aider les jeunes femmes autochtones à créer et à développer leurs propres entreprises et à contribuer à la société. Nous avons tous cette mentalité qu'il suffit d'offrir un chèque d'aide sociale et que tout ira mieux. C'est faux.
Ces enfants avec lesquels je travaille tous les jours ne sont pas différents de mes propres enfants. Lorsqu'ils se trouvent un emploi et commencent à gagner de l'argent, ils en veulent davantage. Ils veulent les mêmes choses que tous les enfants veulent, les mêmes choses que nous tous voulions lorsque nous étions jeunes. Tant que nous ne le réaliserons pas et que nous entretenons ces attentes... Je suis désolé, mais tant et aussi longtemps que nous continuerons d'offrir des cours de couture aux femmes autochtones, rien ne changera. Nous ne les préparons pas à la vie après incarcération. Les cours de couture sont inutiles; je suis désolé.
:
Encore une fois, grâce à l'obligation à impact social, nous avons créé des maisons d'hébergement externes de longue durée pour ces jeunes mères. Les garder ensemble et les aider à composer avec toutes ces conneries...
J'ai une statistique qui me trotte dans la tête et je vais vous la révéler. Ensuite, je pourrai à nouveau me concentrer.
Installer un nourrisson dans un foyer collectif coûte 600 $ par jour. Vous vous imaginez le soutien que nous pourrions offrir à ces jeunes femmes pour 600 $ par jour? Nous pourrions payer quelqu'un pour vivre avec elles et les soutenir 24 heures par jour.
Les problèmes sont complexes, mais ce qu'il faut... Nous offrons à nos jeunes mères un soutien 24 heures par jour. Lorsqu'elles ont un problème et qu'elles appellent pour obtenir de l'aide, nous devons pouvoir les aider.
Une entreprise de production de vidéos, HitPlay Productions, est venue nous voir. L'entreprise voulait abâtardir l'obligation à impact social, mais après une semaine, au moment de partir, la responsable m'a dit: « Vous savez quoi? Je comprends la raison d'être de cette obligation et pourquoi elle fonctionne si bien. » Je lui ai répondu: « Enfin, vous allez admettre que cela va fonctionner. » Elle m'a dit « Oui, car vous êtes encore là une fois que les caméras sont éteintes. »
Après les problèmes, après les questions, une fois que le processus de guérison est amorcé, nous devons être présents une fois que les caméras sont éteintes, car il y a des défis à surmonter. Nous devons soutenir les femmes, car les problèmes qu'elles vivent sont énormes. Les femmes autochtones sont plus susceptibles d'être vendues dans la rue, au Canada, que toute autre membre d'un groupe ethnique. Elles sont vulnérables. Ce que nous devons faire, c'est investir plus de temps et de ressources dans la guérison. Elles ne veulent pas constamment rencontrer des conseillers; ce qu'elles souhaitent, c'est une meilleure vie. La capacité d'aller de l'avant est la meilleure guérison pour toutes les femmes — pour quiconque, d'ailleurs.
Nous devons utiliser nos obligations ou peu importe l'option choisie. Nous devons solliciter la participation du secteur des affaires. Nous devons solliciter le secteur des affaires, car, si notre proposition est acceptée, le comité que nous avons mis sur pied attirera des entreprises et elles n'obtiendront rien. Leur investissement se fera en temps et en expertise. Nous devons donc investir.
:
Je pense que l'investissement social peut aussi être une très bonne chose, mais encore une fois, mon honnêteté à cet égard pourrait revenir me hanter. Il existe d'extraordinaires organismes communautaires, mais il y en a aussi de très mauvais, que nous appelons des coquilles vides. Ils publient des brochures dans lesquelles ils décrivent les formidables activités qui ont lieu dans la communauté, mais ils ne font rien pour les gens.
Si vous êtes honnêtes quant aux avantages que vous recherchez dans une obligation, cela n'a rien d'effrayant. C'était l'une de mes principales questions: avais-je peur de ce mécanisme? Absolument pas. L'obligation et mes investisseurs m'ont été utiles pour régler les problèmes d'ordre administratif lorsqu'on a tenté de modifier le contrat à mi-parcours. Nous avions avec le sous-ministre une entente selon laquelle nous recevions un montant donné pour les mères, car aucun montant n'avait été prévu pour elles. À mi-parcours, cela a été retiré sans explication, mais nos investisseurs sont intervenus et ont demandé des explications. À l'époque, un de nos investisseurs avait indiqué au ministre que s'il modifiait un mot du contrat, il s'adresserait aux tribunaux.
Lorsqu'on s'attarde toujours au pire, on peut toujours trouver une raison de ne rien faire. À mon avis, lorsque les gens investissent, lorsqu'ils investissent dans les gens, il convient de tenir compte des motifs et d'examiner les méthodes les plus faciles et les plus avantageuses.
En fin de compte, l'idée n'est pas de faire de beaucoup d'argent, mais de gagner sa vie. Lorsque vous pensez à votre investissement, vous devez penser à ceux qui en bénéficient. Est-ce l'organisme communautaire, l'investisseur ou encore, dans notre cas, les mères et les enfants?
Tout compte fait, toutes les activités supplémentaires qui ont lieu de Saskatoon, puisque nous avons une collectivité qui se soucie de ses résidants, l'emportent largement sur tous les risques liés à l'obligation.