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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 100 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er mai 2018

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Bienvenue à la 100e réunion du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Nous poursuivons notre étude de l’utilisation des langues autochtones dans les délibérations de la Chambre des communes.
     Nous sommes très heureux d’accueillir MM. Stéphan Déry et Matthew Ball, respectivement président-directeur général et vice-président par intérim au Bureau de la traduction, qui relève de Services publics et Approvisionnement Canada.
     Toutefois, avant d'inviter ces messieurs à prendre la parole, j’aurais quelques questions à poser au Comité. La première concerne deux articles assez longs qui nous ont été transmis par l’Assemblée des Premières Nations, l'APN. Bien qu'ils ne soient pas directement ou entièrement liés à notre étude, ils traitent tous les deux des langues autochtones. Nous ne pouvons pas les distribuer parce qu'ils sont en anglais uniquement et les documents aussi longs ne sont pas traduits normalement.
    De deux choses l'une: soit vous communiquez directement avec la personne responsable à l'APN pour qu'elle vous transmette les articles, soit le Comité accepte à l'unanimité qu'ils soient distribués dans leur version anglaise seulement.
    Quelle est la longueur de ces articles? Ne peuvent-ils vraiment pas être traduits? N'est-ce pas...
    Ils sont assez...
    Monsieur le président, il doit bien y avoir une limite concrète qui détermine ce qui est traduit et ce qui ne l'est pas?
    Je vais en référer au greffier.
    Ces deux articles dépassent manifestement la limite habituelle. Comment établit-on si un texte sera traduit ou non?
    Tout dépend de ce que le Comité reçoit. En règle générale, nous faisons traduire les mémoires de moins de 10 pages. Dans le cas des mémoires plus longs, nous demandons un résumé, que nous faisons traduire.
    Si je me souviens bien, l'un des textes en question compte une vingtaine de pages, et l'autre est à peu près de la même longueur.
    En ce qui me concerne, je serais d’accord pour qu'ils soient traduits. Je sais que la traduction a un coût, mais je pense que ces textes seront pertinents.
    Par principe, je pense que les documents devraient être traduits. Je milite pour le principe de l'emploi des langues autochtones à la Chambre. De toute évidence, je plaide pour la traduction de ces documents.
    Très bien. Est-ce l'avis unanime du Comité? Êtes-vous tous d'accord pour que les documents soient traduits?
    Selon ce que vous avez dit, ils ne sont pas vraiment liés à notre étude. La question est de savoir s'il est justifié d'engager cette dépense ou s'il vaut mieux renoncer à l'idée, tout simplement.
    Les spécialistes de la question sont justement parmi nous.
    L’un des articles est intitulé « An Aboriginal Languages Act: Reconsidering Equality on the 40th Anniversary of Canada's Official Languages Act ». Il s'agit du projet de loi qui sera présenté sous peu au Parlement. L'autre a été écrit par un membre de la Première Nation de Nipissing, d'ascendance ojibway et canadienne, et s'intitule « Reconciliation and the Revitalization of Indigenous Languages ».
(1105)
    Les titres ne nous disent pas vraiment si ces textes sont pertinents. À première vue, le second semble l'être assez pour qu'on le fasse traduire.
    C'est le Comité qui décide, monsieur le président.
    Êtes-vous tous d'accord pour qu'on le fasse traduire?
    Des députés: Oui, d'accord.
    Le président: Excellent. Je vous remercie.
    Nous achevons. Jeudi, nous accueillerons un dernier groupe de témoins sur ce sujet. Nous y reviendrons un peu plus loin. J’espère que nous serons en mesure de donner des indications aux analystes immédiatement après.
    Je précise aux membres du Comité, même si je suis convaincu qu’ils le savent déjà, que ce sont nos plus importants témoins sur le plan fonctionnel, car ce sont eux qui mettent l’idée en pratique, dans un cadre qui en permet la réalisation technique. Je vous inviterais donc à préparer beaucoup de questions pour ce groupe, car ce sont eux qui font la traduction, qui fournissent les installations, les traducteurs, et tout ce qui est nécessaire.
    J’invite maintenant M. Déry à nous présenter sa déclaration préliminaire, qui sera suivie d’une période de questions.

[Français]

     Monsieur le président et membres du Comité, bonjour.
    Avant toute chose, je précise que nous nous réunissons actuellement sur le territoire de la nation algonquine.
    Je tiens à vous remercier de votre invitation à comparaître au sujet de l'utilisation des langues autochtones durant les délibérations.
    Je m'appelle Stéphan Déry, et je suis le président-directeur général du Bureau de la traduction. Je suis accompagné de mon collègue Matthew Ball, vice-président des services au Parlement et de l'interprétation.
    Le Bureau de la traduction offre des services de traduction et d'interprétation en langues autochtones à la Chambre des communes et au Sénat sur une base ponctuelle, quand le Parlement en fait la demande. À titre d'exemple, lors des comparutions de plusieurs témoins à ce comité au cours des dernières semaines, c'est le Bureau qui a organisé le service d'interprétation en langues autochtones. C'est pour ces raisons que nous tenons à jour une liste d'environ 100 interprètes couvrant 20 langues autochtones différentes.
     Avant de vous parler plus en détail des services en langues autochtones, permettez-moi de vous parler brièvement du Bureau.

[Traduction]

    Fondé en 1934, le Bureau de la traduction prend ses assises dans la Loi sur le Bureau de la traduction, qui lui confère la responsabilité de servir les ministères et organismes, ainsi que les deux Chambres du Parlement, pour tout ce qui concerne la traduction et la révision de documents, ainsi que l'interprétation, l'interprétation gestuelle et la terminologie.
    Nous sommes l'unique fournisseur interne de services de traduction du gouvernement fédéral et du Parlement, parmi les plus importants consommateurs au monde, ce qui fait du Bureau de la traduction un acteur de premier plan dans une industrie mondiale. Nos services de traduction sont offerts 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, au moyen d'une infrastructure sécurisée, dans plus de 100 langues et dialectes.
    Concrètement, le Bureau a traité environ 170 000 demandes en 2017-2018, surtout en traduction, ce qui signifie près de 305 millions de mots pour les ministères et organismes, et plus de 49 millions de mots pour le Parlement.
    En langues officielles, nous effectuons plus de 5 000 jours d'interprétation pour le Parlement, près de 7 000 jours d'interprétation de conférence, ainsi que plus de 4 500 heures de sous-titrage pour la Chambre des communes, le Sénat et vos comités. Enfin, nous fournissons plus de 9 700 heures d'interprétation visuelle.

[Français]

     Maintenant, j'aimerais vous parler un peu plus de ce que nous faisons pour les langues autochtones. Les données que je viens de mentionner me permettent de mettre en contexte la capacité actuelle du Bureau de la traduction à offrir des services en langues autochtones.
    Le Bureau est bien équipé pour répondre à la demande actuelle, notamment grâce aux partenariats qu'il a formés au fil du temps avec plusieurs organisations autochtones. Notre mandat est clair: nous sommes ici pour servir le Parlement.
    Si le Parlement décide d'augmenter la demande de services en langues autochtones, en tant qu'unique fournisseur de services linguistiques, le Bureau de la traduction se fera un devoir d'y répondre.

[Traduction]

    Les demandes de services en langues autochtones sont sporadiques et peu nombreuses, relativement au volume total de demandes de traduction et d'interprétation, toutes langues confondues. Ainsi, des 170 000 demandes de traduction et d'interprétation que nous avons traitées en 2017-2018, environ 760, ou 0,5 % du volume total, concernaient des langues autochtones. De ces 760 demandes, près de 85 % étaient en langues inuites. Les autres demandes étaient réparties entre 28 combinaisons linguistiques.
     Concernant l'interprétation au Parlement, les demandes pour les comités de la Chambre des communes et du Sénat ont représenté 33 jours d'interprétation en langues autochtones depuis 2016, principalement en cri — de l'Est et des plaines —, en inuktitut et en déné.
(1110)

[Français]

    En 2009, le Bureau a collaboré avec le Sénat pour un projet pilote visant à fournir des services d'interprétation en inuktitut aux sénateurs Charlie Watt et Willie Adams, à la suite de l'une des recommandations du cinquième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Dans le cadre de la confirmation des droits ancestraux des Premières Nations, le rapport recommandait que l'utilisation de l'inuktitut soit permise dans les délibérations du Sénat, en plus du français et de l'anglais.
    Nous avons fourni ces services d'interprétation à plusieurs occasions, et les sénateurs ont semblé satisfaits des services reçus. Cependant, bien qu'il y ait eu une plus grande capacité établie en inuktitut que dans d'autres langues autochtones, trouver des interprètes ayant une expérience parlementaire avait constitué un défi.

[Traduction]

    Je voudrais maintenant aborder deux enjeux opérationnels du Bureau.
     D'abord, votre comité a discuté de la possibilité d'utiliser des services d'interprétation à distance.
     Le Bureau de la traduction a mené un projet pilote en 2014 pour tester la viabilité de ce service. Bien que les résultats soient encourageants, il y a encore des problèmes qui doivent être réglés avant de pouvoir offrir ce service sur une base régulière. Les deux principaux problèmes sont la qualité audio et les bandes passantes, qui peuvent être erratiques, ce qui entraîne une qualité audio variable pour les interprètes comme pour les clients. Nous sommes déterminés à continuer d'explorer cette solution, alors que la technologie évolue.
     Ensuite, comme d'autres témoins l'ont dit à ce comité, parce qu'il existe environ 90 langues et dialectes autochtones différents au Canada, la capacité en matière d'interprètes qualifiés est limitée. La capacité du Bureau de la traduction d'évaluer leurs compétences linguistiques est également restreinte.
     Cet enjeu de capacité est fondé, en partie, sur la demande limitée pour ce service. Si le Parlement décidait de créer une demande plus soutenue, le Bureau serait prêt à jouer un rôle actif pour augmenter la capacité, en partenariat avec les communautés et organisations autochtones. Au fil du temps, ce service pourrait être offert au Parlement sur une base régulière, contribuant ainsi à la préservation des langues autochtones au Canada.

[Français]

     J'aimerais maintenant décrire le travail que le Bureau a entrepris pour favoriser l'établissement de nouvelles relations et de nouveaux partenariats, en prévision d'une augmentation de la demande qui appuierait l'objectif du gouvernement de renouveler les relations entre le Canada et les peuples autochtones.
    Nous avons affecté un interprète principal pour évaluer la capacité du Bureau et mettre à profit notre expertise en matière de services linguistiques. Nous voulons établir des partenariats stratégiques afin d'améliorer le développement des capacités. Pour ce faire, nous sommes en contact avec l'Assemblée des Premières Nations, Inuit Tapiriit Kanatami, l'autorité des langues inuites, et le Grand Conseil des Cris, ainsi qu'avec des établissements de formation, comme le Collège de l'Arctique du Canada et l'Université des Premières Nations du Canada.
    Nous travaillons également en partenariat avec le Canadian Indigenous Languages and Literacy Development Institute de l'Université de l'Alberta pour promouvoir le domaine de l'interprétation auprès de ses étudiants au cours de l'été prochain.
    Depuis 2003, nous collaborons aussi régulièrement avec le gouvernement du Nunavut, notamment pour former des traducteurs inuits en terminologie. Notre projet le plus récent, en 2017, concernait notre outil Termium, pour lequel nous avons créé un tiroir terminologique qui contient maintenant quelque 2 300 fiches en inuktitut.
    En d'autres mots, monsieur le président, nous sommes toujours à l'affût de nouvelles avenues qui nous permettraient d'élargir nos partenariats et d'augmenter notre bassin de traducteurs et d'interprètes en langues autochtones. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous répondons à la demande actuelle et prenons les mesures nécessaires pour bâtir un bassin de ressources additionnelles.

[Traduction]

    En guise de conclusion, je voudrais porter à votre attention la nouvelle vision pour le Bureau de la traduction d'en faire un centre d'excellence en services linguistiques de renommée mondiale. Cette vision se fonde notamment sur le besoin de renforcer les liens du Bureau avec ses employés et ses clients, mais également avec ses partenaires. Elle mise également sur la relève et la formation dans le domaine linguistique. Ce sont les assises sur lesquelles nous comptons miser si vous, le Parlement, demandez au Bureau des services en langues autochtones de façon plus constante. Notre mandat est clair, nous sommes ici pour servir le Parlement.
     En terminant, j'aimerais souligner le travail de nos interprètes, qui occupent les cabines d'interprétation à côté, grâce à qui la rencontre d'aujourd'hui se déroule dans les deux langues officielles.
     Merci de votre temps et de votre attention. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
(1115)
     Merci. Meegwetch.
    Nous entamerons la période des questions avec M. Graham.
    Merci de participer à nos travaux.
    Je vais entrer dans le vif du sujet.
    Vous venez de dire que les services de traduction sont fournis sur demande. Lorsque M. Robert-Falcon Ouellette a demandé que sa déclaration à la Chambre soit traduite, déclenchant ainsi le présent processus, que s'est-il passé au juste? Pourquoi sa demande a-t-elle été refusée et qu'aurait-on pu faire différemment?
    C'est une excellente question et j'y répondrai avec plaisir.
    Au Bureau, plus nous avons de temps... Étant donné que nous ne fournissons pas ces services sur une base régulière, nous devons faire appel à des ressources externes. Quand nous avons mené notre projet pilote avec le Sénat en 2009 et que la demande pour ces services était plus constante, nous demandions un préavis de 48 heures. L'intention de fournir le service était claire et, si nous n'arrivions pas à trouver d'interprète, le comité se déplaçait ou une autre date de réunion était choisie, ou quelque chose du genre. L'idéal pour nous est que les demandes nous soient transmises suffisamment à l'avance et qu'elles soient bien structurées, parce que nous avons alors le temps de trouver un interprète. Comme ils ne peuvent pas compter sur des demandes régulières du Parlement, les interprètes occupent des postes ailleurs ou ils acceptent des offres d'autres clients.
    Oui, je comprends. Toutefois, dans le cas qui nous occupe, qui a soulevé la question du privilège et entraîné ce débat, des services de traduction ont été sollicités. M. Ouellette a proposé de fournir un texte aux traducteurs, mais il a essuyé un refus. Pouvez-vous nous expliquer les règles et nous suggérer des solutions?
    La solution est de nous donner un préavis raisonnable pour que nous ayons le temps de trouver un interprète compétent vers le cri ou l'inuktitut, qui a une véritable compréhension de la langue. Si vous me le permettez, je vais poursuivre en français pour...

[Français]

    Allez-y.
    Le code déontologique des interprètes leur demande d'interpréter des langues qu'ils connaissent, sans compter tout le respect qu'on a pour le Parlement. Le texte est donné. Aujourd'hui, je vous ai donné un texte, mais j'ai peut-être dit autre chose. Il y a donc une corrélation. L'interprète a besoin de comprendre le langage parlé et pas seulement de lire des documents qui lui sont fournis.

[Traduction]

    Matthew a un exemple concret où il a dû s'en remettre au texte.
    Il peut vous le relater lui-même. Matthew?
    Les interprètes ont l'obligation déontologique de comprendre le texte interprété. Il serait donc difficile de leur demander... Un interprète aurait pu lire le texte, mais cela ne signifie pas qu'il en aurait compris le sens.
    J'ai un bon exemple d'une telle situation. J'ai été interprète pendant une bonne partie de ma carrière. Un jour, à l'occasion de célébrations de la fête du Canada diffusées en direct à l'échelle du pays, tout juste avant l'allocution que s'apprêtait à prononcer un aîné en langue autochtone, on m'en a remis la version anglaise et demandé de la lire. Je l'ai fait. J'avais vraiment reçu le texte à la dernière minute. Je n'avais pas le luxe de réfléchir aux considérations déontologiques ou de refuser sous prétexte qu'il ne serait pas professionnel de ma part de lire quelque chose que je ne comprenais pas. J'ai lu le texte.
    Quand l'aîné a terminé sa prière, il me restait quatre lignes de texte à lire. Cet exemple illustre très bien la situation délicate dans laquelle se retrouvent le client et l'interprète quand on demande à celui-ci de lire un texte qu'il ne comprend pas, mais également l'orateur lui-même.
    En traduction, contrairement à l'interprétation, il est connu que la version française est environ 13 % plus longue que la version anglaise. Il n'est donc pas surprenant que l'orateur et l'interprète ne finissent pas en même temps.
    Ma question précédente avait trait à la période de préavis. Par exemple, si M. Saganash vous informe qu'il a l'intention de s'exprimer en cri à la Chambre la semaine prochaine, pourriez-vous assurer la traduction ou serait-ce contraire aux règles?
(1120)
    Nous aurions affecté des interprètes, comme nous l'avons fait ces dernières semaines pour le Comité.
    Si je comprends bien, le régime actuel permettrait d'obtenir des services de traduction dès maintenant à la Chambre.
    Vous pouvez obtenir des services d'interprétation en en faisant la demande au Bureau. Nous organisons la prestation de ces services.
    D'accord.
    Comment un député peut-il soumettre une telle demande? C'est relativement nouveau pour la plupart d'entre nous.
    La demande, je crois, a été soumise au...
    À la Chambre. Je parle de la Chambre.
    À la Chambre, la demande doit être soumise au greffier.
    Par qui? Par un député?
    Oui, un député doit soumettre une demande. Ensuite, c'est le processus en vigueur à la Chambre qui dictera si des services d'interprétation seront fournis ou non.
    Comme je l'ai déjà mentionné, nous sommes à votre service. Si la Chambre nous demande des services d'interprétation vers l'inuktitut ou une autre langue, nous ferons de notre mieux pour répondre à la demande.
    D'accord.
    J'aimerais revenir à l'exemple de M. Ball concernant la prière qu'on lui a demandé d'interpréter. Traditionnellement, les députés sont considérés comme honorables dans cette enceinte. Par conséquent, si un député vous fournit une interprétation, et indépendamment de toute autre considération extérieure, il jouit du privilège d'être cru sur parole.
    Existe-t-il des raisons qui vous amèneraient à refuser une traduction écrite proposée par un député à la Chambre?
    Dans un tel cas, ce sont plutôt les considérations déontologiques du client, des intervenants et de l'interprète qui seraient en jeu. En quelque sorte, chaque interprète peut travailler dans trois catégories de langues, que l'on appelle la langue A, la langue B et la langue C. Dans la langue C, qui est celle que l'interprète maîtrise le moins, on lui demandera seulement une interprétation passable vers sa langue A. En revanche, il traduira dans les deux sens dans ses langues A et B.
    Si vous me demandez, en tant qu'interprète, de livrer une interprétation à partir d'une langue que je ne connais pas, vous me placeriez dans une situation délicate sur le plan déontologique puisque je ne comprendrais pas ce que je dirais. L'orateur ne pourrait pas se fier à moi pour transmettre le sens de ses paroles. Dans une telle combinaison, rien ne certifie que le message sera bien compris.
    Bien. Il est possible que je revienne sur cette question plus tard.
    Vous avez parlé du nombre impressionnant de langues dans lesquelles vous offrez des services. Traduisez-vous dans des langues autres que l'anglais, le français ou une langue autochtone quelconque?
    Nous traduisons dans beaucoup de langues. Pendant le sommet du G7 qui aura lieu bientôt, nous fournirons des services dans toutes les langues. Nous organiserons les services d'interprétation pour toutes les langues étrangères.
    Merci. Je vous reviendrai dans la prochaine série de questions.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Nater.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également nos témoins.
    Avant de siéger à ce comité, j'étais membre du comité des langues officielles. Mes collègues et moi avons eu l'honneur de nous entretenir avec votre prédécesseure à maintes reprises. Je suis ravi que le Comité vous accueille aujourd'hui.
    En décembre dernier, la CBC a présenté une nouvelle qui faisait suite à une demande d'accès à l'information. Il y était question d'une note de service sur la traduction et l'emploi projeté de langues autochtones dans le nouvel édifice de l'Ouest. Cette note de service ne s'est pas rendue jusqu'à nous.
    Seriez-vous en mesure de nous fournir cette note ou une copie de celle-ci, ou seriez-vous d'accord pour qu'on nous la transmette?
    Je devrai vérifier, mais, si la procédure ne l'interdit pas, je vous transmettrai cette note de service avec grand plaisir.
    Excellent! Vous pourrez peut-être faire un suivi avec le greffier.
    Oui, bien sûr.
    Si le Comité pouvait en obtenir une copie, ce serait merveilleux.
    Monsieur Ball, vous avez évoqué quelques-unes des normes et des considérations déontologiques auxquelles un interprète est tenu dans le cadre de son travail. J'imagine qu'il existe un code écrit? Ce genre de code peut être incorporé à la convention collective ou à un autre document. S'il existe, pourriez-vous vous serait-il possible de nous le transmettre?
    Voulez-vous parler d'un code déontologique des interprètes?
    Exactement.
    La profession d'interprète est régie par l'Association internationale des interprètes de conférence. Nous pouvons vous communiquer le code en question. C'est un document public. En fait, vous le trouverez au site Web de l'Association.
    Votre convention collective établit-elle des normes qui vous accordent le privilège ou vous imposent de vous conformer à ce code de conduite?
    Non, ce n'est pas dans la convention collective. Je dirais plutôt que c'est intrinsèque aux interprètes. Tous les interprètes qui travaillent pour le Bureau ont une maîtrise. Ce sont des professionnels qui respectent d'office le code de déontologie dans leur pratique courante.
    Merci.
    Très bien.
    Vous avez dit dans vos observations préliminaires que vous avez contribué à l'affectation d'interprètes pour les délibérations du Comité jusqu'à maintenant. Avez-vous eu la chance de passer en revue les comptes rendus des réunions? Avez-vous des réflexions ou une analyse à nous proposer concernant le fonctionnement de ces services d'interprétation jusqu'ici, du point de vue du Bureau de la traduction?
(1125)
    C'est une question intéressante et primordiale. Le Bureau a un processus d'accréditation pour les langues officielles. Tous les interprètes qui travaillent pour le Bureau de la traduction ont été accrédités en fonction des normes internationales. Nous faisons partie d'une organisation mondiale des interprètes de conférence qui nous impose des normes strictes en matière de langues officielles.
    Dans le cas des langues autochtones, les normes diffèrent un peu. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons une capacité interne limitée pour ce qui concerne l'évaluation dans les 90 langues et dialectes en usage au Canada. M. Ball sera mieux placé pour vous expliquer comment nous traitons les demandes d'interprétation dans une langue autochtone.
    Merci, monsieur Déry.
    Je ne suis pas certain d'avoir bien compris la question. Vous voulez savoir comment vont les choses du point de vue du Bureau?
    Exactement.
    Voulez-vous connaître le point de vue du Bureau relativement à l'organisation et à l'administration des contrats?
    Oui, je parlais de l'organisation, mais également de la qualité de l'interprétation.
    Pour ce qui est de l'organisation et de l'administration, je vous avouerai que l'exercice peut être assez complexe pour ce qui est des contrats d'interprétation, en fonction de la rareté des langues visées par les demandes. Toutefois, comme l'a dit M. Déry, le Bureau fait ce travail depuis 1934, et nous le faisons bien. Sur le plan de l'organisation, nous considérons que tout se passe bien.
    Pour ce qui concerne la qualité, ce à quoi M. Déry a aussi fait allusion, la capacité interne du Bureau est insuffisante. Nous n'avons pas d'interprètes permanents pour la plupart des langues utilisées dans le monde. Nos interprètes permanents et principaux travaillent dans les langues officielles, et nous fournissons des services dans la plupart des langues qui font le plus couramment l'objet de demandes au Canada et au Bureau.
    Pour les autres langues, nous accréditons des interprètes « sur dossier ». Si mon équipe reçoit une demande de services d'interprétation pour un événement diplomatique d'envergure... Comme nous n'avons plus d'interprète permanent pour le polonais, je communiquerais probablement avec des chefs interprètes ailleurs dans le monde pour qu'ils me recommandent des interprètes de la communauté mondiale qui travaillent en polonais. C'est ce que nous appelons l'« accréditation sur dossier ».
    Pour l'instant, nous fonctionnons de la même façon pour les langues autochtones. Quand nous recevons une demande, comme M. Déry l'a déjà expliqué, nous faisons appel à une banque d'interprètes préqualifiés pour les langues autochtones les plus courantes au Canada. Actuellement, nous parlons de 20 langues et d'une banque de 100 pigistes environ. C'est la procédure la plus fréquente. Nous demandons des références à des interprètes compétents de la communauté, tout dépendant de la langue.
    Merci infiniment.
    Je voudrais revenir un peu sur le sujet de la capacité. Nous comprenons, d'après ce que nous avons entendu jusqu'ici, que la traduction de la plupart des langues autochtones se fait vers l'anglais, rarement vers le français. Est-ce exact, selon ce que vous avez constaté, que la traduction des langues autochtones se fait plutôt vers l'anglais que vers le français?
    Je dirais que nous faisons de l'interprétation vers les deux langues, suivant la demande. Comme l'a dit M. Ball, c'est plus compliqué pour les langues rares et celles qui ne sont pas... Nous savons que le nombre de locuteurs se situe entre 10 et 100 pour certaines langues autochtones au Canada. Dans ces cas, au contraire de l'inuktitut, il est difficile de trouver des interprètes qui peuvent traduire de la langue autochtone vers le français ou l'anglais. Toutefois, si on nous donne un délai suffisant... Jusqu'à maintenant, je dirais que nous avons répondu à toutes les demandes reçues.
    Cela m'amène à ma prochaine question, qui a trait à l'interprétation dans une langue-relais, un sujet dont nous avons un peu entendu parler. Est-il vrai que l'emploi d'une langue-relais entraîne une perte d'information, si je puis m'exprimer ainsi? Le Bureau de la traduction a-t-il établi des normes ou a-t-il des préoccupations au sujet de l'interprétation-relais? Est-ce une approche qu'il préfère proscrire? Si ce n'est pas le cas, quels moyens prenez-vous pour combler les lacunes?
    Je vais demander à M. Ball de répondre. Il est interprète de carrière.
    Vous avez raison, dans la mesure du possible, nous évitons le recours à une langue-relais en interprétation, mais nous n'avons pas toujours le choix. Dans le cas des langues autochtones, l'interprétation se fait la plupart du temps vers l'anglais et de l'anglais puisque la majorité des Canadiens sont anglophones. Tout dépend aussi du contact entre les langues. Au Québec, l'interprétation se fait plutôt en français. Nous évitons l'interprétation-relais dans la mesure du possible.
    Un bon exemple de cela est le sommet du G8, pour lequel nous sommes à organiser la prestation de services. Si possible, nous essayons de trouver des interprètes qui peuvent traduire du français au japonais ou de l'allemand à l'italien. Cependant, il serait utopique de penser que nous pourrons couvrir toutes les combinaisons linguistiques, alors nous faisons de notre mieux.
(1130)
    Monsieur Saganash.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

     Je remercie les témoins de leurs présentations très intéressantes.

[Traduction]

    Monsieur Ball, votre exemple lié à votre code de déontologie a fait vibrer une corde sensible chez moi. C'est un aspect très important dont il faut parler.

[Français]

    Monsieur Déry, je vais commencer par vous.
    Admettons que la conclusion de l'étude que nous sommes en train de faire soit positive et que le Comité et le Parlement acceptent l'interprétation des langues autochtones au Parlement — ce que je souhaite depuis mon élection en 2011, comme le démontrent mes discussions avec la greffière à l'époque et avec les greffiers de la Chambre —, à quel moment cela pourrait-il avoir lieu au Parlement?
    Est-ce que je pourrai, d'ici un an et demi — car je partirai d'ici un an et demi —, parler cri et faire mon discours en cri à la Chambre dans la présente législature?
    Je vous remercie de votre question. Je me ferai un plaisir d'y répondre. Il s'agit d'une question très importante.
    Je vais avancer l'hypothèse que le Comité accepte les recommandations de M. Wolvengrey, un témoin qui a comparu devant le Comité. Il vous a recommandé de vous concentrer sur l'interprétation des quatre ou cinq langues autochtones les plus connues ou des langues parlées par les parlementaires.
    Ce qui suit n'est qu'une supposition. Le Parlement pourrait décider d'offrir des services d'interprétation en langue autochtone une journée par semaine, par exemple le vendredi. Le ministère pour lequel je travaille demandera donc des propositions pour s'assurer d'avoir des interprètes sous contrat. Ces derniers ne pourront donc pas dire qu'ils ne sont pas disponibles le vendredi pour travailler au Parlement parce qu'ils ont un autre contrat. Tous les vendredis, ou toutes les deux semaines, ils vont servir le Parlement en faisant l'interprétation dans les langues qui seront choisies.
    Grâce aux nouvelles installations du Parlement dans l'édifice de l'Ouest, des barrières tombent. Présentement, il y a deux cabines d'interprétation, comme vous le savez. C'est donc difficile de faire l'interprétation dans une troisième langue. Il faudrait installer des cabines temporaires, ce qui nécessiterait plus d'équipements. Dans les nouvelles installations de l'édifice de l'Ouest, trois cabines ont été installées. Cela permet donc plus d'interprétation dans une troisième langue, que ce soit les langues autochtones ou d'autres langues, quand il y a des invités.
    Puisque ces barrières tombent, il devrait être plus facile de rendre ce service si le Parlement le demande. C'est difficile pour moi de répondre à cette question, parce que c'est une hypothèse et que cela dépendra du nombre de langues qu'on nous demandera d'interpréter. Toutefois, je crois que cela pourrait être mis en place quand même assez rapidement, à moins qu'on nous demande d'interpréter les 90 langues et dialectes autochtones, ce qui pourrait être très difficile. Si on choisit des langues pour lesquelles il y a des interprètes locaux, ce sera beaucoup plus facile. De plus, si la demande est constante, nous pourrons avoir des arrangements plus facilement pour répondre aux demandes. Les interprètes doivent aussi avoir une expérience parlementaire, ce qui est très important au Parlement.
     Je vous remercie. Je vois que le temps file.
    Vous avez mentionné qu'il y a 100 interprètes sur votre liste, et qu'ils peuvent couvrir 20 langues autochtones.
    Mettez-vous des efforts actuellement pour ajouter d'autres langues à cette liste de 20 langues autochtones?
(1135)
    Oui et non. Comme je le disais, nous avons entamé des discussions avec plusieurs organisations pour voir comment faire la promotion de l'interprétation des langues autochtones. Nous faisons ces efforts dans le but de s'assurer, comme dans le cas de toute autre langue, que le Bureau est prêt à répondre à la demande, s'il y a une demande de la part du Parlement. Notre objectif est donc de nous assurer du plus grand réseau possible pour recruter le plus grand nombre d'interprètes possible. De ces interprètes, nous choisissons les meilleurs, avec la meilleure expérience parlementaire.
    Donnez-vous des cours de formation et de perfectionnement à ces 100 interprètes qui apparaissent sur votre liste?
    On parlait tout à l'heure de l'accréditation. Je pense que M. Ball a mentionné l'accréditation. À votre avis, qui devrait évaluer le niveau de capacité de ces interprètes? Les représentants du Nunavut nous ont mentionné, le greffier entre autres, qu'au Nunavut, il y a quatre ou cinq niveaux. J'ai demandé qui évaluait ces interprètes et à quel niveau ces derniers se situaient.
    Y aurait-il un mécanisme similaire au Parlement?
    Je dirais que, selon l'ampleur de la demande du Parlement, nous mettrions les mécanismes requis en place pour nous assurer de remplir cette demande. Plus la demande sera importante, plus le Bureau mettra en place des mécanismes. Dans le moment, nous travaillons avec tous les organismes autochtones, comme le disait M. Ball, pour nous assurer d'avoir des références sur papier. S'il y a vraiment une grande demande, comme je le disais dans mon discours d'ouverture, nous sommes prêts à nous engager et à travailler avec les communautés autochtones pour nous assurer de développer cette profession d'interprète. Nous y travaillons déjà avec le gouvernement du Nunavut.

[Traduction]

    Ai-je écoulé mon temps de parole?
    Vous avez du temps pour une très brève question.
    Je vais faire de mon mieux.
    Au-delà des conclusions de l'étude, si un élu d'origine autochtone s'exprime seulement dans sa langue maternelle, étant donné que vous avez le mandat de servir le Parlement, auriez-vous l'obligation d'affecter un interprète pour cette personne?
    Si nous recevons une demande de services d'interprétation de la Chambre, nous y répondrons.
    Merci.
    Je vous remercie.
    Je donne maintenant la parole à Mme Tassi.
    D'accord.
    Je vous remercie tous les deux de votre présence et de vos témoignages.
    Permettez-moi de poursuivre dans la même veine que M. Saganash et son prédécesseur, M. Graham.
    C'est nouveau pour moi. En fait, je ne suis pas certaine d'avoir bien compris. Si un député qui souhaite prendre la parole à la Chambre soumet une demande de services d'interprétation dans une langue X et fournit à l'avance le texte écrit de son intervention, allez-vous donner suite à sa demande?
    Comme je l'ai dit, s'il souhaite obtenir des services d'interprétation dans une langue autochtone ou une langue étrangère quelconque pour laquelle nous n'avons pas de ressources internes, le député en question doit soumettre sa demande par l'entremise de la Chambre, tel que M. Ball l'a expliqué. Si, au titre du processus parlementaire, la Chambre accepte, elle demandera au Bureau de lui fournir des services d'interprétation de l'inuktitut à l'anglais, par exemple.
    Qu'entendez-vous au juste par « la Chambre »?
    Je parle du Parlement, du greffier et du processus parlementaire interne. C'est une situation analogue à celle du projet pilote du Sénat. On nous a demandé de fournir des services d'interprétation en langue autochtone.
    Jusqu'à maintenant, vous n'avez jamais reçu pareille demande. Actuellement, si un député souhaite obtenir des services d'interprétation, il faudrait que le greffier vous soumette une demande pour que vous fournissiez ces services.
(1140)
    L'administration du Parlement doit présenter une demande au fournisseur de services que nous sommes. C'est notre mandat. Nous avons fourni des services d'interprétation en langues autochtones au Parlement à 33 occasions au cours des 2 dernières années. C'est donc dire que nous avons reçu ce genre de demandes.
    D'accord.
    Sur la question de la capacité courante, je comprends l'importance du code dont vous avez parlé, monsieur Ball. Pour que ce soit bien clair, pouvez-vous me dire s'il est prévu dans le code que l'interprétation peut se faire à partir d'un texte si l'organisme, c'est-à-dire la Chambre des communes, en a donné l'autorisation à l'avance? Nous comprenons que vous êtes tenus à un code, mais nous vous demandons de livrer votre interprétation à partir d'un texte. C'est une question de capacité. Je pense notamment à une situation où, parce qu'il est difficile de trouver quelqu'un qui peut faire l'interprétation dans un dialecte parlé d'une langue autochtone qui en compte plusieurs, on fournit un texte à l'interprète. Si la Chambre des communes vous soumet une demande d'interprétation à partir d'un texte, votre code vous permettrait-il de le faire?
    Sans vouloir dévier de la question, je précise qu'une traduction se fait normalement à partir d'un texte. Nous demanderions à la personne qui a fourni la traduction de lire le texte. Ainsi, le Bureau de la traduction pourrait affecter quelqu'un à la traduction et à la lecture du texte, certainement. En revanche, si un texte n'a pas été traduit par nous et qu'on le remet à un interprète, celui-ci se trouve dans une position délicate sur le plan déontologique s'il ne comprend pas ce qu'on lui demande de lire.
    Je comprends.
    Donc, pour ce qui est du code et des obligations qu'il vous impose, ce n'est pas quelque chose que l'on peut vous demander de faire. Vous ne pouvez pas demander à un interprète de lire un texte traduit par un tiers s'il n'en comprend pas la langue de départ.
    C'est exact. Il serait incongru pour un interprète de lire un texte qu'il ne comprend pas.
    C'est juste.
    Avez-vous des difficultés pour ce qui concerne la capacité? Des témoins nous ont parlé de la diversité des dialectes. Je peux concevoir qu'au début... Il faudra probablement commencer sur une plus petite échelle. Selon vous, qu'est-ce qui serait raisonnable au début? Quand il s'agit des dialectes, si jamais la question se pose, pourriez-vous collaborer avec des interprètes qui vous seront recommandés? Est-ce une façon de faire envisageable?
    Combien de langues et quelle approche recommanderiez-vous au Comité pour commencer?
    Pour ma part, et je dirais que le même principe s'applique dans nos vies et nos activités, je vous recommanderais de commencer modestement et d'élargir les services à partir de ce qui fonctionne.
    Selon M. Wolvengrey, un professeur de langues algonquiennes et de linguistique à Regina qui a témoigné devant vous par vidéoconférence, vous nous mettriez dans une situation extrêmement difficile si vous nous demandiez de fournir des services dans 90 langues. Vous pourriez commencer avec les langues parlées par les députés et, si vous avez des invités, nous ferions le nécessaire pour trouver un interprète dans sa langue.
    Dans un premier temps, nous pourrions offrir des services dans les langues parlées par les députés, et bâtir à partir de là. Quand vous recevrez des invités qui parlent un dialecte pour lequel nous n'avons pas d'interprète, il faudra probablement que vous nous donniez un préavis. C'est ce qui se fait actuellement, et nous n'avons jamais refusé de demande. Nos nombreux contacts et partenariats avec les communautés nous ont permis de répondre à toutes les demandes que nous avons reçues.
    Bien sûr, nous en avons reçu 33 depuis 2016, pas 300. Cela dit, un processus bien structuré augmentera nos possibilités de répondre à toutes les demandes.
    Très bien.
    Et quelle devrait être selon vous la période de préavis? Vous avez parlé de délai raisonnable. De combien de temps parle-t-on? Il a été question de 48 heures. Est-ce un délai raisonnable pour vous permettre de répondre à une demande?
    Tout à fait. Dans le cas des langues autochtones usuelles, 48 heures suffisent. C'est encore plus facile si nous connaissons déjà des interprètes locaux.
    Je me répète, si nous ne recevons pas des demandes régulières du Parlement, les interprètes ne restent pas à rien faire en attendant nos appels. Par exemple, pour les travaux de ce comité, nous avons fait appel à Kevin Lewis pour l'interprétation, mais il n'est pas l'un de nos interprètes habituels.
(1145)
    C'est juste.
    L'interprète que nous avons appelé avait un autre engagement. Il n'était pas disponible. Nous lui avons demandé s'il pouvait recommander quelqu'un d'autre. C'est par son intermédiaire que nous avons recruté M. Lewis. Si je me fie à ce que j'ai lu dans les notes, il a fait du bon travail. Nous collaborons avec les communautés pour trouver des interprètes compétents, mais il est clair qu'une meilleure structuration des demandes faciliterait grandement notre travail.
    Je vois. Très bien.
    De combien de temps auriez-vous besoin pour mobiliser toutes les ressources nécessaires? Par exemple, si nous offrons à tous les députés de la Chambre qui parlent une langue autochtone la possibilité de s'exprimer dans cette langue, combien de temps vous faudrait-il pour mobiliser les ressources qui nous permettraient d'instaurer ces services?
    Si je ne me trompe pas, la Chambre compte actuellement trois députés qui parlent une langue autochtone.
    Effectivement.
    Alors ce serait relativement facile pour nous.
    Êtes-vous en train de dire que l'instauration des services pourrait se faire en une semaine?
    Je pense qu'il serait mieux d'attendre d'être installés dans la nouvelle Chambre des communes, où l'infrastructure sera déjà en place. Je ne connais pas la date du déménagement, mais dès que vous la connaîtrez, il sera...
    Des voix: Oh, oh!
    Je pense que l'instauration de tels services sera beaucoup plus facile quand nous aurons une troisième cabine et l'infrastructure requise, mais rien n'empêche de le faire dès maintenant, dans la Chambre actuelle.
    Je suis certaine que c'est de la musique aux oreilles de M. Saganash.
    Je vous remercie.
    Nous allons continuer avec M. Nater.
    Je vous remercie, monsieur le président, et je réitère mes remerciements à nos témoins.
    Nous avons parlé brièvement de la centaine d'interprètes inscrits dans votre banque, comme vous dites. J'aimerais savoir s'il existe un moyen d'obtenir non pas les renseignements personnels, mais du moins le profil de ces 100 interprètes? Il n'est pas nécessaire pour nous de connaître leurs noms, mais simplement les langues dans lesquelles ils travaillent, leur profil, et peut-être leur localisation géographique. Ces renseignements nous seraient très utiles pour nos travaux.
    Sans aucun doute. Nous serions très heureux de vous fournir une liste qui ne donnerait pas les noms, mais seulement les lieux où se trouvent les interprètes et les langues dans lesquelles ils travaillent, qui sont au nombre de 20 environ. Nous pourrions établir des listes à partir des renseignements que nous avons en main. Nous n'avons pas de grande base de données, mais nous pouvons vous fournir ces renseignements.
    Ce serait grandement apprécié.
    Dans le même ordre d'idées, vous avez mentionné que beaucoup de ces interprètes travaillent ailleurs. Seriez-vous en mesure de nous donner des renseignements sur les emplois occupés par certains d'entre eux, et s'ils sont liés au domaine de la santé, de la justice ou que sais-je? Où les trouve-t-on quand ils ne font pas de l'interprétation pour nous?
    Pour dire la vérité, je ne crois pas que nous serions en mesure de vous donner ces renseignements. Beaucoup de ces interprètes ne font pas ce travail à temps plein. La profession d'interprète n'existe pas pour les langues autochtones, contrairement aux langues officielles. Ils peuvent être des interprètes communautaires ou avoir un autre travail qui n'a rien à voir avec l'interprétation.
    Je vais revenir à un thème qui a été abordé durant la première série de questions, soit la traduction-relais et la perte d'information qui peut découler du processus de traduction. À votre avis, y a-t-il atteinte à la Loi sur les langues officielles lorsque l'interprétation se fait d'une langue autochtone vers l'anglais, qui devient la langue-relais vers le français? Est-ce que la perte d'information attribuable à l'utilisation d'une langue-relais, qui peut être de l'ordre de 20 % selon ce qui nous a été dit, constitue une atteinte à la Loi sur les langues officielles?
    Merci de poser la question, à laquelle je vais tenter de répondre. Je demanderai peut-être à mon collègue, M. Ball, de compléter ma réponse.
    Il ne faut pas confondre l'interprétation et la traduction. L'interprète n'est pas tenu de livrer le message textuellement. Nous ne reproduisons pas mot à mot les paroles prononcées. Par exemple, si l'orateur dit « un virgule huit milliard deux cent soixante-deux millions cinq cent soixante-deux », un bon interprète dirait probablement « environ 2 milliards de dollars ».
    Si l'interprète répète scrupuleusement chaque nombre, il risque de perdre le contexte et le fil du discours. Cette différence est très importante. Si un traducteur écrivait « environ 2 milliards de dollars », ce serait une mauvaise traduction. Il n'a pas le choix de donner le nombre exact, tel qu'il figure dans le texte d'origine. En revanche, puisque l'interprète doit rendre le sens du message, il peut dire « 2 milliards ». Ce n'est pas tout à fait l'objet de la Langue sur les langues officielles.
    Il faut que le destinataire du message puisse en saisir le sens, comprendre ce qui a été dit. Si je puis dire, le but n'est pas de lui transmettre toutes les fioritures d'un message. Il se peut qu'il rate quelques belles envolées, mais il aura l'intention du message, et c'est ce qui compte.
(1150)
     Le reste se retrouve dans le hansard. Le Bureau de la traduction traduit-il également ces textes, en s'assurant de l'exactitude...
    Oui, le nombre exact figurerait dans le hansard.
    Le Bureau de la traduction fait une traduction intégrale en vue de la production du hansard.
    Oui, tout à fait.
    Je voudrais revenir brièvement sur le code de conduite et ce qui en découle. J'aurais des questions au sujet des règles du Bureau de la traduction relativement aux conditions de travail. Je sais que les interprètes travaillent en alternance à la Chambre. Existe-t-il des règles strictes concernant la longueur des périodes d'activité continue entre les pauses ou d'une journée de travail pour les interprètes?
    Je vais demander à M. Ball de répondre à cette question.
    Oui, ces règles existent. Elles sont dictées par les normes internationales auxquelles le Bureau adhère. Les pratiques courantes au Parlement sont tout à fait conformes aux normes. La composition d'une équipe est fonction de la longueur d'un événement. Par exemple, si la durée prévue d'une réunion de comité est de deux heures, nous affecterons deux interprètes. Vous avez raison, les interprètes travaillent en alternance. L'interprétation est un travail exigeant sur le plan cognitif. Il serait impensable de demander à un interprète de donner son plein rendement pendant des heures sans pause.
    Les interprètes travaillent également pour leurs clients, et il n'est pas rare que nous... Bien entendu, il s'agit de principes et de normes théoriques. Si une réunion dure 20 minutes de plus que prévu, nous n'affecterons pas une autre équipe. Cet exemple illustre un peu notre contexte professionnel.
    Ces documents sont-ils accessibles au public?
    Oui.
    C'est très bien.
    Monsieur Graham, allez-y.
    Merci.
    Nous sommes réunis aujourd'hui pour trouver un processus. J'aimerais savoir si vous trouvez que ce que j'avance est raisonnable. À l'arrivée de chaque député à la Chambre, les langues autochtones dans lesquelles il s'exprime sont prises en note. Chacun se voit accorder un certain temps de parole, et on lui transmet un préavis à cet effet, afin que des députés, comme M. Saganash, puissent se prévaloir de ce droit. Si nous recommandions que le texte soumis de façon honorable soit lu, comment vous y prendriez-vous pour rendre cela possible, compte tenu du conflit possible entre notre règlement et votre code d'éthique?
    Si nous décidions d'en faire un règlement, quelle serait votre réaction? Si nous décidions d'inclure dans notre Règlement qu'un député peut fournir le texte d'une intervention à la cabine d'interprétation, en vue d'en faire la lecture, et si cette façon de faire vous mettait en conflit avec votre code de déontologie, comment réagiriez-vous?
    Je pense que selon le règlement actuel, les députés doivent lire eux-mêmes leurs déclarations. Si on demandait au Bureau de lire les déclarations, il faudrait indiquer clairement qu'elles lui ont été fournies en vue d'être lues, pour le compte rendu. Je ne pense pas que nous accepterions que l'interprète s'exprime en son nom personnel. Nous ferions en sorte que la distinction soit claire. Je ne vois pas où est le problème.
    C'est un bon point. Si un député s'exprime dans une autre langue que l'anglais ou le français, s'il remet le texte soit en anglais ou en français à l'interprète, et si d'après nos règles vous êtes tenu de le lire, pourriez-vous obtempérer ou alors, si c'est contraire à votre code de déontologie, est-ce que cela vous empêcherait de le faire?
    Le texte pourrait être lu, mais l'interprète ferait en sorte que l'on sache qu'il ne s'agit pas de son interprétation personnelle. Comprenez-vous la distinction? Si l'interprète...
    Comment s'y prendrait-il pour faire cela? Est-ce qu'il dirait dans le micro, « Il ne s'agit pas de mon interprétation, et c'est tout?
    Oui, nous ferions une annonce. Nous le faisons parfois dans certains contextes précis. Généralement, dans bon nombre de nos affectations, si une vidéo doit être présentée, nous faisons une remarque pour dire que l'interprétation reprendra après la diffusion de la vidéo.
    Je vous remercie de votre exemple. Merci encore.
    Je pense que M. Saganash a d'autres questions à vous poser. J'aimerais qu'il profite du temps qu'il me reste, si c'est possible.
    Merci, monsieur Graham.
    J'ignore quelle est la nature de vos relations avec la centaine d'interprètes qui figurent sur votre liste. Au fil du temps, avez-vous eu des conversations avec eux au sujet du cadre très particulier dans lequel nous évoluons, c'est-à-dire le Parlement? Avez-vous parlé avec eux de la difficulté de traduire certains concepts?
    Je m'exprime couramment dans ma langue, mais il y a certains mots que nous utilisons dans le contexte parlementaire, comme « filibustering » en anglais, par exemple. Je sais que beaucoup de chefs font systématiquement de l'obstruction, mais ça c'est une autre histoire. Donc, certains concepts existent dans notre contexte, c'est-à-dire le contexte parlementaire, mais ils n'ont pas d'équivalent dans les langues autochtones. Avez-vous déjà discuté de cette question avec les interprètes que vous utilisez actuellement?

[Français]

    Vous pouvez répondre en français, si vous le souhaitez.
     Généralement, il arrive que certains des interprètes que nous embauchons et qui oeuvrent aux comités parlementaires aient moins d'expérience parlementaire, voire aucune. Cela arrive souvent dans le cas des langues autochtones. Dans ces cas, nous envoyons un interprète principal qui les accompagne au cours du processus. Nous leur offrons de la documentation contextuelle pour expliquer ce que sont les comités parlementaires, le déroulement des réunions, les rôles des députés, du président, de l'opposition et de l'interprète, et le fait que l'interprète s'exprime à la première personne, au nom du témoin qui parle.
    C'est donc ce que nous faisons à l'heure actuelle. Quant aux particularités d'une langue et des notions de ce genre, c'est effectivement à l'interprète de les connaître et de les maîtriser, et de faire le transfert entre les langues et les cultures.
(1155)
     J'imagine que cela fait partie de votre code de déontologie.
    Oui.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous allons passer à M. Reid.
    Je pense que c'est le tour de M. Nater.
    Vous êtes le suivant sur la liste. M. Nater vient juste de parler.
    C'est très bien, mais M. Nater aimerait poser quelques questions.
    D'accord. Pas de souci.
    Je vous remercie.
    J'aimerais parler un peu de technologie. Je sais que le Bureau de la traduction a mené divers projets dans le passé — par exemple, l'outil Portage. Quelles initiatives menez-vous du point de vue de la technologie en vue de mettre au point une capacité technique pour les langues autochtones?
    Je pourrais vous revenir avec plus de précisions, mais actuellement nous travaillons avec le Conseil national de recherches du Canada en vue d'incorporer l'anglais, le français et l'inuktitut dans un programme de traduction machine. Il ne s'agit pas d'interprétation. C'est différent.
    Nous sommes en train d'étudier cela. Comme vous le savez, toutefois, Portage est un outil pour comprendre, mais pas nécessairement pour traduire. Il en va de même pour tous les autres outils que nous allons examiner, et plus particulièrement pour les dialectes, l'inuktitut, et d'autres langues autochtones. Comme vous l'avez entendu de la part de nombreux autres témoins, on ne s'entend même pas sur la graphie des mots, alors c'est un travail difficile.
    Comme je viens de le dire, nous travaillons avec le Conseil national de recherches. Nous essayons de faire des progrès à ce niveau, mais j'avoue que les résultats se font attendre.
    Le traducteur universel de Star Trek n'est pas à l'horizon, on dirait.
    Dans le domaine de l'interprétation, absolument pas.
    D'accord. C'est très bien.
    J'aimerais revenir un peu sur l'idée de la traduction à distance. Vous avez exprimé certaines réserves à cet égard dans votre déclaration liminaire. Je ne suis pas retourné dans la nouvelle chambre depuis le printemps dernier, et à l'époque il ne s'agissait finalement que d'une pièce vide en béton. Mais j'ai cru comprendre que la troisième cabine d'interprétation ne se trouvera pas dans la chambre proprement dite. Est-ce exact?
    L'une des préoccupations dont on nous a fait part, eu égard à l'interprétation, tient au fait qu'il est préférable de voir la personne qui parle. Si la troisième cabine d'interprétation ne se trouve pas dans la chambre, est-ce que cela présente des difficultés pour les interprètes?
    Je vais devoir vérifier, parce que j'avais compris que la cabine se trouvait bien dans la chambre, lorsque je suis allé visiter.
    À titre d'interprète, si vous ne voyez pas la personne qui parle, vous ne pouvez pas vous servir de son langage corporel pour trouver la bonne intonation. L'expression visuelle, comme on dit, vaut mille mots. Il est important pour l'interprète de voir la gestuelle. Aussi, c'est plus difficile de travailler à distance. C'est faisable, mais plus difficile, surtout si on ne peut pas voir l'interlocuteur.
    La technologie existe, potentiellement, mais c'est la façon de l'utiliser ou la capacité de l'utiliser qui peut présenter des difficultés. Le problème ne vient donc pas nécessairement de la technologie.
    Avec l'interprétation à distance, nous avons pu constater que lorsqu'une personne qui se trouve au Nunavut, par exemple, essaie d'interpréter ce qui se dit au Parlement, ici, c'est la largeur de bande qui présente la plus grande difficulté. Il y a une déconnexion. Parfois, la mauvaise qualité de l'interprétation sur le plan audio rend les choses extrêmement difficiles pour le participant.
    Tout à fait. Je suis allé brièvement à Iqaluit pour une réunion du Comité, et nous avons appelé ici pour nous entretenir avec un groupe scolaire; il y avait un retard d'environ deux secondes sur la ligne, alors je comprends très bien les difficultés dont vous parlez.
    J'ai terminé, monsieur le président. Merci.
    Est-ce que quelqu'un d'autre souhaite poser des questions? Il nous reste une minute.
    Madame Tassi.
(1200)
    Merci.
    La seule question de suivi qui me vient à l'esprit concerne votre suggestion de choisir une journée en particulier — le vendredi, par exemple. Quel avantage y a-t-il à choisir une journée en particulier, pourrions-nous choisir n'importe quelle journée, du moment qu'il y aurait ce préavis de 48 heures? Pourquoi choisir un jour en particulier?
    En ce qui nous concerne, dans l'industrie, nous avons réuni un groupe de 100 pigistes qui travaillent avec nous actuellement. Mais si la demande est constante, et si le Bureau de la traduction doit retenir les services d'un interprète en langues autochtones, alors nous l'embaucherons, comme nous l'avons fait pour bon nombre de nos interprètes dans les langues officielles. Nous comptons un effectif de quelque 70 interprètes. Nous faisons aussi affaire avec des pigistes. Mais si ce sont tous des pigistes, cependant, et que nous ne leur disons pas à quel moment ils seront appelés à se rendre au Parlement, alors ils pourraient accepter d'autres contrats.
    C'est pourquoi, comme je le disais, un préavis d'une journée ou deux leur permet d'établir plus facilement leur emploi du temps et d'organiser leur vie professionnelle autour du travail au Parlement. De cette manière, on tend à obtenir une plus grande uniformité et, probablement, un meilleur interprète et une interprétation de meilleure qualité. Au fil du temps, ils vont acquérir de l'expérience avec les termes utilisés au Parlement, comme le mentionnait le député Saganash.
    D'accord. Merci.
    Merci beaucoup. C'est très utile pour nous que vous preniez toutes les mesures nécessaires pour que cela devienne possible dans un délai raisonnable. Je pense que c'est très stimulant pour le Parlement et pour chacun d'entre nous, au Comité.
    Pendant que les témoins sortent, et en attendant les nouveaux, j'aimerais demander quelque chose au Comité.
    Nous pourrions entendre nos deux derniers témoins pendant la première heure de la prochaine réunion, si vous êtes d'accord. Il y en a un autre que nous pourrions faire plus tard, ce qui n'interromprait pas le flux des discussions, ou quoi que ce soit, et c'est celui du Northern Territory of Australia. Ce groupe n'est pas disponible avant la semaine du 22 mai, et ce serait en soirée, donc je vais le laisser de côté pour le moment. Jeudi, si nous recevions nos derniers témoins pendant la première heure, est-ce que vous seriez d'accord dans ce cas pour que nous transmettions nos instructions à l'analyste mardi, pour le rapport?
    Des députés: Oui.
    Le président: La rédaction pourrait essentiellement commencer dès maintenant, parce qu'il ne nous reste plus beaucoup de travail à faire. Ensuite, nous pourrions quand même aller de l'avant avec le groupe du Northern Territory, si nous le souhaitons. Comme nous avons fait avec le Costa Rica, s'il y a de petits détails à rajouter, nous pourrions procéder ainsi.
    Nous allons suspendre la séance pendant le changement de témoins.

(1205)
    Je vous souhaite de nouveau la bienvenue à la centième réunion du Comité.
    Dans notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons Jérémie Séror, directeur et doyen associé, Institut des langues officielles et du bilinguisme, de l'Université d'Ottawa. Ainsi que Johanne Lacasse, directrice générale, gouvernement régional d'Eeyou lstchee Baie-James et Melissa Saganash, directrice des relations Cri-Québec, Grand Conseil des Cris/gouvernement de la Nation.
    Je vous remercie tous de votre présence aujourd'hui. C'est formidable que vous ayez pu vous libérer.
    Nous entendrons maintenant les déclarations liminaires de chacun d'entre vous, et nous commencerons avec M. Séror.

[Français]

    Monsieur le président, membres du Comité, je vous remercie de votre invitation à témoigner aujourd'hui sur la question de l'utilisation des langues autochtones dans les délibérations de la Chambre des communes.
    Pour vous situer un peu, je suis le directeur de l'Institut des langues officielles et du bilinguisme et le doyen associé à la Faculté des arts de l'Université d'Ottawa. J'y suis également professeur agrégé.
    Mon principal champ de recherche se concentre sur les dimensions éducatives, sociales et politiques du développement des littératies avancées. Je m'intéresse particulièrement aux démarches et approches pédagogiques qui favorisent le succès scolaire, mais aussi social, d'apprenants langagiers.
    Mes travaux de recherche soulignent l'importance des langues comme moyen de socialisation et d'intégration. Elles sont porteuses de valeurs et de cultures. Elles sont souvent l'outil de construction identitaire et social par excellence. Apprendre à se servir d'une nouvelle langue, c'est développer des compétences qui facilitent la communication avec l'autre. C'est aussi une manière de s'exposer à de nouvelles façons de comprendre et de dire le monde.
    Les langues sont ainsi de puissants outils politiques et de politiques linguistiques, qui visent à préserver, à encourager et à développer le plurilinguisme d'individus en société; elles sont perçues un peu partout dans le monde comme des moyens importants pour assurer une meilleure intercompréhension et une plus grande ouverture à l'autre dans ce monde de plus en plus marqué par la diversité et la nécessité d'échanges « intraculturels » et « intralinguistiques ».
    Cette vision de l'apprentissage langagier et des bénéfices du multilinguisme est, bien sûr, au coeur des grandes politiques du Canada qui, depuis longtemps, est un chef de file dans le domaine de la didactique des langues et des politiques linguistiques visant à promouvoir le bilinguisme, français-anglais, dans notre contexte particulier.
    En ce qui a trait au sujet abordé par ce comité, quoique les discussions au Canada aient souvent effectivement tourné autour de la question de l'apprentissage du français et de l'anglais, je confirme qu'il existe présentement un intérêt grandissant dans les universités pour des programmes et des initiatives qui mettent aussi l'accent sur le développement des langues et des littératies autochtones.
    Cet intérêt reflète les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones, en 1996, et de la Commission de vérité et réconciliation, presque 20 ans plus tard. Ces deux documents ont tous les deux traité de la question des langues autochtones et fait appel à des initiatives visant à freiner leur déclin ou, conséquemment, à favoriser leur épanouissement.
    Selon moi, il ne fait aucun doute que l'idée de permettre l'utilisation des langues autochtones dans les délibérations de la Chambre des communes servirait à faire avancer ces recommandations.
    Permettre l'utilisation des langues autochtones dans les délibérations de la Chambre des communes rehausserait au palier fédéral le statut et la fonction symboliques des langues autochtones. Ce geste simple, qui permettrait de voir et d'entendre des langues autochtones dans le cadre des activités de la Chambre des communes, l'organe législatif élu du Parlement, entraînerait une valorisation de ces langues, des communautés qui s'y rattachent et des contributions des peuples autochtones au patrimoine canadien.
    Pour atteindre ce but, il faudra rester flexible et prendre en compte plusieurs facteurs, y compris la grande diversité des premiers peuples du Canada — les Inuit, les Métis et les Premières Nations —, leurs besoins ainsi que le contexte unique de la Chambre des communes elle-même. Néanmoins, la tâche n'est pas impossible, à mon avis. Je crois que nous pourrions, en effet, nous inspirer d'initiatives similaires qui ont déjà été prises au Canada.
    Par exemple — je suis sûr que cela a déjà été discuté —, la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest de 1988, qui a donc presque maintenant 20 ans d'application, reconnaît déjà à l'article 6 que: « Chacun a le droit d'employer l'une quelconque des langues officielles dans les débats et travaux de l'Assemblée législative. » Au paragraphe 7(3) on dit que: « Une copie de l'enregistrement sonore des débats publics de l'Assemblée législative, dans sa version originale et traduite, est fournie à toute personne qui présente une demande raisonnable en ce sens. »
    De même, la Loi sur les langues officielles de 2008 du Nunavut reconnaît les mêmes droits. Le paragraphe 4 1) de la Loi reconnaît que: « Chacun a le droit d'utiliser l'une quelconque des langues officielles dans les débats et autres travaux de l'Assemblée législative. » En vertu du paragraphe 4 3), « Des copies des enregistrements sonores des débats publics de l'Assemblée législative, dans leurs versions originale et interprétée, sont fournies à toute personne sur demande raisonnable en ce sens. »
(1210)
     À mon avis, la Chambre des communes pourrait adopter des dispositions similaires à celles des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. Nous pourrions aussi imaginer des procédures semblables à celle proposées par le Sénat qui prévoit de parler dans une langue autochtone, avec l'interprétation simultanée et avec des services de traduction, sous réserve d'un préavis raisonnable.
    Du point de vue de la linguistique appliquée, permettre à des députés de la Chambre des communes de s'exprimer en langue autochtone reconnaîtrait non seulement leur droit d'exprimer leur culture et leur langue dans les débats, mais aussi de permettre à tous les députés de la Chambre des communes et au grand public canadien qui écoute ces débats de profiter des valeurs et des croyances encodées dans les langues autochtones. Le fait que l'on retrouve, dans chaque langue, des idéaux et des façons de penser différentes est souvent l'un des attraits relatif à l'exposition à d'autres langues. C'est ce que le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, intitulé « Un passé, un avenir » appelait: « une vision du monde fondamentalement originale, qui cherche à se manifester chaque fois que des autochtones se retrouvent ensemble ».
    De telles dispositions et un partage ou un enrichissement possible des ressources qui existeraient au Sénat permettraient à la Chambre des communes de signaler de manière puissante son soutien à la préservation, à la promotion et à la revitalisation des langues autochtones et la reconnaissance de la place particulière qu'occupent les peuples autochtones dans la société canadienne.
    Toutefois, pour qu'une telle mesure législative puisse être mise en oeuvre avec succès — je suis sûr que vous en avez aussi beaucoup discuté —, le gouvernement du Canada et la Chambre des communes devront mettre en place des stratégies et investir des ressources.
    Je m'attarderai ici à l'une de ces mesures. Tout comme le gouvernement du Canada l'a fait au lendemain de l'adoption de la Loi sur les langues officielles, en 1969, une telle initiative nécessiterait probablement un investissement pour s'assurer que, dans les universités, les langues autochtones du Canada, la didactique des langues, la formation d'enseignants et finalement la formation de traducteurs et d'interprètes seront là pour assurer un bassin de traducteurs et d'interprètes et une relève d'interprètes professionnels qui seront nécessaires au succès de cette nouvelle mesure législative.
    Selon moi, cet investissement et l'intérêt communiqué par le gouvernement du Canada auraient un effet multiplicateur important. Un investissement aiderait à placer sur un pied d'égalité les langues autochtones et les autres langues modernes et indiquerait à tous les jeunes étudiants intéressés à faire des études liées aux langues autochtones qu'il y a en effet des perspectives de carrière comme enseignants, traducteurs ou interprètes. À mon avis, il s'agirait d'un cercle vertueux intéressant.
    Cet investissement permettrait aussi de répondre à l'une des recommandations du document « Commission de vérité et réconciliation du Canada: Appels à l'action »:
Nous demandons aux établissements d’enseignement postsecondaire de créer des programmes et des diplômes collégiaux et universitaires en langues autochtones.
     Une initiative telle que celle qui est discutée aujourd'hui permettrait de dynamiser ce genre de recommandation.
    Au début de la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles, le Bureau de la traduction avait eu à faire face aux mêmes défis, c'est-à-dire qu'il devait trouver un bassin d'interprètes. Les étudiants en traduction ont été recrutés directement sur les campus. Certains étudiants se voyaient même offrir un incitatif voulant que leurs années d'études pouvaient compter comme années pour leur régime de pension s'ils travaillaient au Bureau de la traduction. Ces mesures positives ont eu pour effet de permettre aux universités de développer ces programmes, et au gouvernement, de disposer d'un bassin de traducteurs et d'interprètes hautement qualifiés. Ces derniers sont maintenant respectés de par le monde, vu la qualité de leur travail.
    Bien évidemment, on ne parle pas ici du même ordre de grandeur en matière de demande de traduction et d'interprétation. D'une part, la demande serait plus aléatoire et ponctuelle si les mesures législatives s'apparentaient à celles des territoires. D'autre part, la source de la demande, avec quelques dizaines de langues autochtones toujours bien vivantes, serait très diversifiée, ce qui n'est pas le cas quand on traduit systématiquement le français et l'anglais comme langues officielles.
    Nonobstant ces différences, il serait essentiel que le Parlement puisse compter sur des ressources humaines bien formées et compétentes. À cet égard, je souligne que la Chambre des communes et le gouvernement du Canada pourraient non seulement compter sur les universités, mais ils pourraient aussi, pour aider à fournir et à former des interprètes, compter sur l'expertise et la collaboration des communautés autochtones et de leurs aînés qui porteraient, j'en suis certain, un grand intérêt à toute initiative qui permettrait de faire vivre et entendre leurs langues sur la place publique. Permettre à des enfants, à des jeunes et à des aînés d'entendre la langue utilisée au coeur du Parlement serait un geste très puissant.
(1215)
    C'est ici que je mettrai fin à mon intervention. Je vous remercie de m'avoir écouté. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions des membres du Comité.

[Traduction]

    Meegwetch.
    Maintenant, je cède la parole à Mme Lacasse.

[Français]

[Traduction]

    Nous tenons à remercier les membres du Comité d'avoir invité le gouvernement régional d'Eeyou lstchee Baie-James à comparaître, et nous espérons que notre exposé vous sera utile dans votre étude de l'utilisation des langues autochtones pendant les délibérations de la Chambre des communes.
    Nous souhaitons aussi souligner les efforts de notre député de la circonscription d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou, M. Roméo Saganash, en ce qui concerne la reconnaissance de l'importance d'utiliser les langues autochtones dans les délibérations de la Chambre des communes.
    Meegwetch, monsieur Saganash.
    Je m'appelle Johanne Lacasse. Je suis directrice générale du gouvernement régional d'Eeyou Istchee Baie-James, et membre de la nation Anishinabe.
    [La témoin s'exprime en langue crie.]
    Bonjour à la famille!
    Je m'appelle Melissa Saganash. Je suis directrice des relations Cri-Québec, Grand Conseil des Cris. Je suis également membre du Comité technique du gouvernement régional d'Eeyou Istchee Baie-James. J'ai donc l'honneur de travailler assez souvent avec Johanne Lacasse. Je suis aussi membre de la Première Nation des Cris de Waswanipi, à la baie James.
    Aujourd'hui, notre exposé portera essentiellement sur des sujets ayant trait au modèle de gouvernance du gouvernement régional d'Eeyou Istchee Baie-James et aux principaux éléments de notre expérience pratique dans la mise en place de la traduction simultanée multilingue qui est utilisée par nos citoyens en français, en anglais et en cri.
    Pour vous situer en contexte, et vous expliquer comment nous nous sommes retrouvés dans la situation d'offrir un tel service, il est important de comprendre l'essence d'un accord particulier qui a été signé entre la province et la nation crie.
    Le 24 juillet 2012, le gouvernement du Québec a signé un accord avec le gouvernement de la nation crie, intitulé l'Entente sur la gouvernance dans le territoire d'Eeyou Istchee Baie-James entre les Cris d'Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec. Cet accord historique a entraîné l'abolition de l'ancienne Municipalité de Baie-James, où seuls les maires des municipalités et des localités de la baie James pouvaient gouverner, ce qui a entraîné la création du gouvernement régional d'Eeyou Istchee Baie-James. Cette nouvelle structure comprend aujourd'hui un siège à la table pour chacun des chefs élus, en plus des maires du territoire — une première du genre au pays. Cette entente a permis la modernisation du régime de gouvernance qui prévalait jadis dans le territoire, et promeut l'inclusion du territoire d'Eeyou dans le processus décisionnel.
    Essentiellement, le gouvernement régional d'Eeyou Istchee Baie-James favorise désormais une participation importante des Cris dans le processus de décision entourant les terres et les ressources partagées. Le nouveau gouvernement régional reflète une vision d'un territoire fondé sur les principes nobles de l'inclusion, de la démocratie et de l'harmonie sociale.
(1220)
    J'aimerais vous décrire brièvement notre territoire désigné, le territoire d'Eeyou Istchee Baie-James. Comme vous le savez probablement, il chevauche les circonscriptions électorales fédérales d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou et Abitibi—Témiscamingue.
    Le territoire couvre une grande partie du nord du Québec, et se situe entre le 49e et le 55e parallèle au Québec. Il représente une superficie d'environ 277 000 kilomètres carrés, si on inclut toutes les terres de catégorie III de notre territoire. Bien entendu, cela exclut les terres de catégorie I et II, ainsi que les territoires municipaux. Nous comptons quatre municipalités et neuf collectivités cries.
    Dans l'ensemble, il est question d'un territoire qui représente environ 17 % de la superficie du Québec. Il s'agit donc de la municipalité la plus étendue au monde. Si on regarde la densité de la population, elle représente environ 0,05 habitant par kilomètre carré. La population est estimée à près de 20 000 Cris et 17 000 Jamésiens.
    Pour ce qui est de la composition de notre gouvernance locale, le gouvernement régional d'Eeyou Istchee Baie-James repose sur un conseil qui, pour la dixième année, est formé de 11 représentants cris et 11 représentants jamésiens ainsi que d'un représentant sans droit de vote qui est nommé par le gouvernement du Québec.
    Les représentants cris sont formés du Grand Chef et du vice Grand chef du Grand Conseil des Cris et du gouvernement de la nation crie, ainsi que de neuf membres qui sont des chefs de communautés cries élus par le conseil du Grand Conseil et le gouvernement de la nation crie.
    Quant aux représentants jamésiens, ils sont formés de membres élus de conseils municipaux locaux, dont la majorité sont des maires et, bien entendu, des conseillers de Chapais, Chibougamau, Lebel-sur-Quévillon et Matagami, ainsi que des non-Cris dans le territoire d'Eeyou Istchee Baie-James.
    Si on regarde le modèle de gouvernance et le concept de gouvernement régional, il se trouve que notre gouvernement régional est régi par la Loi sur les cités et villes du Québec, laquelle est pertinente aujourd'hui parce que nous sommes tenus de recourir à un processus d'appel d'offres public pour tous nos services professionnels.
    Le président du conseil est désigné en alternance par les représentants cris et les représentants jamésiens pour un mandat de deux ans, il alterne donc tous les deux ans.
    Il se tient au moins six réunions régulières du conseil chaque année. Les réunions du conseil se déroulent en divers endroits dans tout le territoire, soit dans les municipalités jamésiennes, et dans les neuf collectivités cries. L'endroit où se tient la réunion du conseil est choisi à tour de rôle, ce qui signifie qu'une municipalité jamésienne sera suivie d'une collectivité crie, et ainsi de suite. Au total, il se tient donc trois réunions régulières du conseil dans les collectivités cries, et trois autres réunions régulières du conseil dans l'une ou l'autre de nos quatre municipalités.
    Fait intéressant, les membres du conseil peuvent participer à une conférence téléphonique, au plus une fois par année, dans l'éventualité où ils auraient un empêchement de se présenter en personne.
(1225)
    Les documents déposés lors des réunions du conseil et les présentations sont mis à la disposition des membres en anglais et en français, et fournis deux semaines à l'avance, dans la mesure du possible. Nous bénéficions des services d'un traducteur à l'interne qui traduit de l'anglais vers le français, et inversement.
    Les services de traduction simultanée sont offerts en anglais, en français et en cri pendant les réunions du conseil. Les réunions sont aussi diffusées en continu en direct par l'entremise d'un radiodiffuseur cri dans les collectivités de langue crie, dans la mesure du possible.
    Voici quelques-uns des principes directeurs qui régissent la mise en place des services de traduction simultanée que nous fournissons.
    Étant donné que le Gouvernement régional d'Eeyou Istchee Baie-James a été créé en vue d'assurer l'inclusion et la participation du peuple cri ou Eeyou au processus décisionnel concernant les terres et les ressources partagées, les principes qui nous guident sont fondés sur les cadres législatifs. Voici quelques extraits que nous vous communiquons sur le contenu de l'entente. Dans la Loi instituant le Gouvernement régional d'Eeyou Istchee Baie-James, à l'article 36 du chapitre VII:
Le Gouvernement régional doit, au besoin, prendre les mesures nécessaires afin que tout texte destiné à être compris par un Cri soit traduit en cri ou en anglais.
Rien dans le premier alinéa ne doit être interprété comme autorisant une atteinte au droit de travailler en français au sein du Gouvernement régional...
    De plus, j'aimerais citer le chapitre V de l'Entente sur la gouvernance dans le territoire d'Eeyou Istchee Baie-James entre les Cris d'Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec. À l'article 108 du chapitre V des Règles d'opération, on peut lire:
108. Le cri et le français sont les langues principales du Gouvernement régional.
109. Le Gouvernement régional peut utiliser soit le français soit l'anglais dans ses communications internes et comme langue de travail.
110. Un citoyen peut communiquer verbalement ou par écrit avec le Gouvernement régional, y compris lors des séances du conseil, en cri, en anglais ou en français.
111. Les textes et les documents préparés pour les individus cris ou pour la population crie en général sont traduits en cri ou en anglais, incluant tout document permettant à l'usager d'exercer un droit ou de remplir une obligation.
    Nous nous sommes montrés proactifs également eu égard à l'article 13.2 de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones afin d'assurer que des mesures efficaces soient prises pour protéger ce droit et « faire en sorte que les peuples autochtones [sur notre territoire] puissent comprendre et être compris dans les procédures politiques...et administratives, en fournissant, si nécessaire, des services d'interprétation ou d'autres moyens appropriés ».
    Nous aimerions partager certaines considérations liées à la mise en place de nos services de traduction simultanée. Il s'agit des considérations les plus pratiques que nous avons dû affronter au moment de la mise en oeuvre de nos services de traduction.
    Comme je l'ai déjà mentionné, le fait que nous soyons régis par la Loi sur les cités et villes signifie que nous sommes également tenus de recourir à un processus d'appel d'offres public pour assurer la prestation des services de traduction simultanée.
    Il faut aussi tenir compte des frais additionnels que représentent les services de traduction simultanée. C'est un facteur important. Les revenus du Gouvernement régional sont essentiellement — et je dirais, pratiquement exclusivement — fondés sur les recettes tirées des taxes foncières payées par les citoyens possédant des terres de catégorie III sur notre territoire. Les frais sont donc couverts par les recettes fiscales qui sont produites.
    Nous avons aussi envisagé la possibilité de créer une banque d'interprètes qualifiés et disponibles en langue crie qui sont engagés sur une base contractuelle.
    Nous avons également pris en considération le fait de devoir composer avec les divers dialectes cris parlés dans le territoire. Il existe donc un dialecte des Cris du Nord, un dialecte des Cris du Sud, et également un dialecte des Cris de l'Intérieur, et un dialecte des Cris de la Côte et nous avons dû en tenir compte.
    Les aspects techniques du contenu en ce qui a trait aux affaires municipales et aux autres sujets sont de nature très technique. Il est donc question d'affaires municipales et d'aménagement du territoire, et ce sont d'autres aspects dont il a fallu tenir compte. Nous avons aussi étudié l'espace requis pour accueillir des cabines d'interprétation et des lieux de travail pour les techniciens qui accompagnent nos interprètes. Nous avons donc prévu une cabine pour les interprètes en français et en anglais, et une autre pour les interprètes en cri. Nous disposons aussi d'un espace de travail pour les deux techniciens qui accompagnent les quatre interprètes.
    Comme je l'ai déjà mentionné, les frais comprennent les honoraires des interprètes plus les frais d'hébergement et de voyage. Je dirais que, globalement, les coûts de traduction se situent entre 100 000 $ et 150 000 $ par année pour le Gouvernement régional.
    Le fait est que nous tenons nos réunions dans des régions éloignées, et cela comprend des localités aussi reculées dans le Nord que Whapmagoostui, qui n'a aucune route d'accès terrestre. Et il est vrai que c'est difficile d'avoir accès à une connexion Internet haute vitesse fiable dans certaines régions éloignées.
    En ce qui a trait à l'accès à des lignes téléphoniques fiables, parce que les membres peuvent en effet appeler ou se réunir par vidéoconférence, il nous faut deux lignes téléphoniques séparées. Une ligne pour l'anglais et le français, et une deuxième ligne pour les membres qui ont besoin d'une traduction en cri.
    Nous avons fait l'essai de nouvelles technologies, comme la traduction à distance, mais ce n'est pas encore au point, et ce, pour la simple raison que nous devons composer avec différentes considérations — c'est-à-dire, la diffusion en direct en continu, la traduction simultanée, et les membres qui souhaitent nous joindre au téléphone — ce qui explique que nous n'avons pas encore trouvé comment introduire de nouvelles technologies pour la traduction à distance. J'écoutais la présentation tout à l'heure. C'est très difficile. Nos interprètes nous ont confié qu'ils préféraient se trouver sur place pour faire la traduction.
(1230)
    Il faut aussi tenir compte de la radiodiffusion, c'est un autre facteur qui entre en considération.
    Je dois dire que la valeur ajoutée liée à la qualité de la mise en oeuvre de nos services de traduction simultanée repose sur le dévouement et l'engagement des services publics du Gouvernement régional qui exercent leurs activités malgré des contraintes de temps et même parfois, beaucoup de pression. Plus précisément, nos fonctionnaires ont réussi, grâce à une transformation en profondeur sur le plan administratif, à faire en sorte que les services soient fondés sur une approche inclusive de tous les citoyens se trouvant sur notre territoire.
(1235)
    Merci beaucoup. Meegwetch. Mahsi cho.
    Maintenant, nous avons quelques questions à vous poser. Nous allons commencer avec Mme Sahota.
    Merci.
    Je vais partager mon temps avec M. Simms.
    Ma première question s'adresse à M. Séror. Vous avez dit que l'utilisation des langues autochtones, ici au Parlement, aurait définitivement une incidence sur le désir de parler ces langues ou que cela inciterait des gens à vouloir les parler encore. J'ai entendu aussi, de la part d'un témoin de ce comité, l'expression d'un objectif audacieux de notre Bureau de la traduction qui consisterait à aider les universitaires à normaliser certaines de ces langues afin d'en établir une forme définitive dans les cas où une certaine controverse entoure l'utilisation d'un mot précis dans un contexte donné.
    Qu'en pensez-vous? Dans quelle mesure croyez-vous que le travail qui est accompli ici par l'entremise de notre Bureau de la traduction pourrait faciliter les travaux que vous réalisez dans votre département?
    Je pense en effet que ce serait l'un de ces gestes qui déclenchent toute une série de conséquences intéressantes. Cela inciterait vraiment à régler une série de problèmes, y compris par exemple, comment écrire un mot en particulier ou comment rendre le mieux possible l'expression anglaise filibustering. Il s'agit du genre de problèmes pour lesquels, compte tenu de l'existence d'un besoin, on ressent soudainement qu'il serait important de discuter de ces choses et de chercher une solution, en collaboration avec toutes les parties intéressées, bien entendu.
    Dès que l'on commence à appliquer ces solutions, on est à même de voir si elles sont efficaces, et par la suite, le cercle vertueux se met en place. Au fil du temps, ce que l'on souhaiterait voir arriver, c'est que certains de ces problèmes cessent d'en être. Autrement dit, ils deviendraient des éléments qui se sont stabilisés jusqu'à un certain point.
    Le fait d'éprouver un besoin réel de réfléchir à la manière d'interpréter ou de traduire certains termes ou concepts crée le besoin d'une discussion entre universitaires, mais aussi avec les étudiants qui travaillent avec les universitaires, autrement dit, les traducteurs de demain. C'est ce qui déclenche le... Je ne veux pas dire que ces conversations n'ont pas lieu actuellement, mais plutôt que le fait qu'un objectif réel soit lié à certaines de ces conversations, de ces fonctions, contribue certainement à créer une motivation à se pencher sur ces éléments et à investir le temps et l'énergie souvent nécessaires pour trouver une solution.
    Pensez-vous que les universités ont un rôle à jouer pour aider le Bureau de la traduction à atteindre ses objectifs et à le faire adéquatement?
    Oui, je pense que oui. Bien entendu, je ne représente pas l'école de traduction, même si nous travaillons dans le même édifice et que nous échangeons, mais il est clair que le domaine de la traduction possède une expertise et, qu'au fil du temps, il s'est penché sur des enjeux tels que le défi d'avoir à traduire quelque chose d'intraduisible. Il ne s'agit jamais de produire une traduction littérale. Il existe différentes théories, et aussi des pratiques exemplaires qui peuvent différer. On peut penser à l'élaboration de ressources qui peuvent être utilisées, et à certains types de formation qui peuvent être mis au point. Je pense que la théorie... ou la connaissance des pratiques exemplaires ont un lien avec les personnes qui travaillent sur le terrain et qui mettent concrètement ces choses en application, et que l'interaction entre les deux ne peut être que fructueuse.
    Si les difficultés sont en lien avec une langue en particulier, alors c'est dans cette direction que l'on sera tenté d'orienter les conversations. Toutefois, dès que l'on crée un nouveau besoin ou un nouveau type d'interaction, je pense que l'on peut voir que certaines universités sont disposées à réfléchir à ces questions, ou à appliquer leur savoir et à orienter la direction que pourrait prendre dans le futur la prestation de services d'interprétation et de traduction de qualité.
    À votre avis, quelles sont les langues autochtones les plus développées ou les plus enseignées dans les universités à ce jour?
(1240)
    C'est une bonne question. Même si je ne connais pas toute la liste, les plus importantes qui sont enseignées à l'Université d'Ottawa sont le cri, l'ojibwa et l'inuktitut. D'année en année, leur enseignement dépend de la possibilité de trouver des personnes disponibles pour enseigner ces langues, et aussi de l'endroit où les divers groupes souhaitent que ces langues soient enseignées. Il arrive parfois que les étudiants soient invités à se rendre dans la communauté, et à d'autres moments, ce sont les enseignants qui viennent sur le campus.
    Cela varie chaque année. Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit de réellement établi encore, mais pour le moment, ce sont habituellement les langues qui comptent le plus grand nombre de locuteurs.
    Je vais céder le temps qui me reste à M. Simms.
    Merci monsieur le président, et merci Ruby.
    Là d'où je viens, chaque fois que l'on éprouve un problème, on cherche quelqu'un qui s'est buté au même problème dans le passé pour lui demander comment il s'en est sorti. Madame Lacasse et madame Saganash, en ce qui concerne la gouvernance régionale, je pense que vous avez beaucoup à nous apprendre, puisque vous devez composer avec un éventail plus large de langues et de dialectes que nous, avec seulement deux langues.
    Vous avez mentionné deux ou trois enjeux. Vous tenez six réunions par année. À quoi ressemblent ces réunions, du point de vue de la traduction avec différents dialectes? Quel est le dialecte principal, et quels sont les différents dialectes avec lesquels vous devez composer?
    Juste avant d'entrer, je lisais un article. Lorsque nous avons commencé à tenir nos séances du Gouvernement régional dans le Nord, un journaliste local est venu observer le déroulement de la réunion.

[Français]

    Selon lui, Chibougamau avait des airs de Nations unies.

[Traduction]

    C'est exactement à cela que ça ressemble. Vous voyez 22 personnes assises autour d'une table. On entend parler le cri, le français et l'anglais. Le président peut s'exprimer en anglais, en français ou en cri, selon le sujet abordé ou la personne à laquelle il s'adresse. À côté de la grande table se trouve la cabine d'interprétation aménagée de manière à ce que l'interprète puisse voir tout le monde dans la pièce. Il y a aussi des techniciens qui ont réussi à faire des merveilles avec les lignes téléphoniques. Il y a trois lignes. Je sais qu'à partir du moment où on veut plus que deux lignes les choses commencent à se compliquer un peu sur le plan technique, mais ils ont réussi à s'en sortir.
    Et aujourd'hui, nous sommes transportables. Nous pouvons passer prendre les membres du Gouvernement régional, et si vous nous dites où aller, nous allons nous y rendre et offrir les services dans les trois langues.
    Lorsque vous dites que les services sont transportables, voulez-vous parler de tout l'appareillage technique nécessaire pour l'interprétation?
    Oui, nous transportons tout le matériel. Comme pour une tournée. Nous avons des machinistes itinérants.
    Vraiment?
    Oui.
    C'est très intéressant. Je suis content d'avoir posé la question. C'est vraiment quelque chose de spécial, parce que ma prochaine question porte sur...
    Vous n'avez pas de prochaine question.
    Monsieur Nater.
    Merci, monsieur le président. Je vais poursuivre dans la même veine que M. Simms, et peut-être que je vais poser sa question. Qui sait?
    Merci beaucoup.
    Pour ce qui est du coût inhérent au transport des services d'interprétation ou de traduction du gouvernement, s'ils sont entièrement transportables aujourd'hui, cela entraîne donc très peu de frais additionnels par rapport aux investissements de départ, parce que vous avez conçu le système de cette manière.
    L'entente qui prévoit la traduction dans les trois langues a été signée en 2012. Honnêtement, il y a eu un peu de tâtonnements dans les débuts. En effet, au début, nous louions tout le matériel, et nous devions demander à des fournisseurs de transporter l'équipement. Nous avons vite réalisé qu'il serait beaucoup plus efficace et économique d'acheter le matériel. Il nous appartiendrait alors. Les services deviendraient ceux du gouvernement régional, et nous nous occuperions de la prestation.
    Pour ce qui est de la rentabilité, comme je l'ai déjà mentionné, nous sommes assujettis au processus d'appel d'offres. Nous avons aussi tiré des leçons de l'expérience des appels d'offres. Nous avons récemment retenu les services d'un nouveau fournisseur de services de traduction simultanée. Nous répétons ce processus tous les deux ans. Lorsque nous changeons de fournisseur, nous devons prendre le temps d'expliquer certaines situations en regard des déplacements dans les régions très éloignées. Le fournisseur de services doit s'intégrer et travailler avec les techniciens de la radiodiffusion. Ils doivent tous apprendre à travailler en étroite collaboration avec nos techniciens de la diffusion continue en direct.
    Et bien entendu, le coût est un facteur important, aussi nous travaillons avec les fournisseurs de services qui présentent la soumission la plus basse. Les budgets sont établis en fonction des soumissions présentées par les fournisseurs de services.
(1245)
    Essentiellement, vous publiez un appel d'offres ou une demande de propositions stipulant que vous avez besoin de services d'interprétation ou de traduction pour six réunions qui doivent... Puis diverses entreprises qui travaillent avec des interprètes vous envoient...
    C'est exact pour la traduction de l'anglais vers le français. Bien entendu, nous avons une banque d'interprètes cris qui sont intégrés aux services fournis par l'entrepreneur en traduction simultanée.
    Maintenant, en ce qui concerne les interprètes cris, vous avez mentionné dans vos observations liminaires que quatre dialectes étaient répandus. Est-ce que vous disposez de quatre interprètes cris distincts, ou est-ce que vous fonctionnez un peu au hasard pour ce qui est de la façon de fonctionner à cet égard?
    Ces interprètes sont issus de la localité. J'ai mentionné que les réunions se tiennent en divers endroits, en alternance.
    Nous n'avons pas d'interprètes dans les différents dialectes. Tout repose sur le principe que les Cris tiennent des assemblées publiques depuis la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, la CBJNQ. Ils ont toujours trouvé le moyen de communiquer entre eux. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire, à ce moment-ci, de trouver des personnes qui parlent les divers dialectes. Ils se comprennent entre eux. Ils travaillent ensemble depuis la signature de la Convention.
    Du point de vue du processus, nous tenons aussi à offrir aux gens sur place la possibilité de faire la traduction lorsque nous nous rendons dans les collectivités pour y tenir nos assemblées. Ces gens possèdent habituellement des aptitudes minimales à produire une traduction de qualité. Ils l'ont déjà fait lors de procédures judiciaires, pendant la prestation de soins médicaux et lors de leurs propres assemblées publiques.
    Je dois dire qu'il n'est pas très difficile de recruter des interprètes cris parce que nos citoyens accordent beaucoup d'importance aux initiatives d'autonomie gouvernementale. De ce point de vue, ils sont fiers de servir, et de servir leurs institutions — le gouvernement régional, le gouvernement de la nation crie ou toute autre entité crie qui tient des assemblées publiques au sein de leurs institutions. Je pense qu'ils ressentent le besoin d'agir à titre d'interprète pour servir le grand public et nos citoyens.
    Cela fait vraiment plaisir à entendre.
    Pour ce qui est de l'âge des personnes qui fournissent ces services, est-ce qu'il y beaucoup de jeunes parmi elles? Quelle est la tranche d'âge des interprètes?
    Je sais que M. Saganash a parlé de sa mère qui est une locutrice exceptionnelle en langue crie. Est-ce que des membres de la jeune génération qui connaissent la langue fournissent aussi des services d'interprétation?
    Je pense qu'il faut promouvoir ces services d'interprétation et encourager la jeune génération à fournir des services d'interprétation de qualité.
    Ce matin, je discutais avec Melissa, et je lui disais justement qu'une génération plus âgée de représentants élus ont pris leur retraite maintenant, et que nous faisons appel à leurs services. Ils possèdent une expérience pratique du domaine politique et administratif. Ils sont souvent disponibles, puisqu'ils sont retraités. Ils possèdent également une connaissance générale des procédures de notre conseil.
    J'aimerais revenir sur le problème avec les deux lignes téléphoniques séparées... Si j'appelle pendant une réunion à titre de représentant élu, et si je parle pendant la réunion, est-ce que vous êtes en mesure de traduire à la fois ce que je dis pour les autres interlocuteurs, et de traduire pour moi ce qu'ils disent en même temps?
(1250)
    Oui, tout à fait, et c'est la merveille dont Melissa voulait parler tout à l'heure.
    Je ne possède pas les connaissances techniques...
    Mais, ça marche.
    Oui, nous faisons en sorte que cela fonctionne. Nos techniciens y parviennent.
    Les techniciens arrivent sur place la veille de l'assemblée. Ce qui leur donne le temps de s'installer et de corriger les problèmes éventuels.
    Je vous remercie beaucoup. J'ai vraiment apprécié votre témoignage.

[Français]

     Nous passons maintenant à M. Saganash.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Et merci à nos présentateurs.
    Je suis très impressionné de la rapidité avec laquelle ce Gouvernement régional s'est débrouillé après la signature de la convention avec le Québec pour travailler avec la population non autochtone dans le cadre de cette institution. Ces deux peuples ont vécu pendant 50 ans en s'ignorant, mais je trouve que ce que vous avez réussi à accomplir, en l'espace de quelques années seulement, est proprement fascinant.
    C'est toujours un plaisir d'accueillir un membre de la famille au Comité. Il n'y a pas très longtemps, mon neveu, un chef de pompiers, a comparu devant un autre comité. Je suis vraiment honoré de voir ma nièce ici.
    C'est un honneur pour moi d'être ici.

[Français]

    Je vais d'abord m'adresser à vous, monsieur Séror.
     J'ai écouté attentivement votre présentation. Vous avez parlé de l'importance des langues pour l'humanité ainsi que de l'intercompréhension, un terme que j'entendais pour la première fois, je crois. Vous avez fait allusion à des dispositions de diverses ententes qui ont été signées dans le Nord, dans les territoires, dont le Nunavut. Melissa a fait référence à l'article 13 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, dans lequel on demande aux États membres des Nations unies de prendre toutes les mesures possibles pour que les peuples autochtones soient compris dans différentes institutions, incluant les institutions politiques. Le hasard a fait que l'appel à l'action numéro 13 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada parle des langues autochtones comme d'un droit ancestral en vertu de la Constitution.
    Ce qui m'intéresse — et vous en avez parlé un peu —, ce sont les effets de la reconnaissance d'une langue autochtone sur les peuples qui parlent cette langue. Il est certain que l'effet sera positif si l'emploi de cette langue est reconnu dans une institution comme le Parlement du Canada.
    Je voudrais que, dans cette démarche, on aille au-delà du symbolisme. Je pense que c'est important. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les effets bénéfiques que cela aurait?
    Vous avez dit, je crois, que les langues autochtones devraient peut-être avoir le même statut que les deux langues officielles du pays, soit l'anglais et le français. J'aimerais que vous nous entreteniez de cette question, que je soulève souvent. Les effets — et je parle ici d'effets bénéfiques pour les langues autochtones — dépasseraient le simple symbolisme.
     Je vais donner un exemple très personnel.
    Je pense toujours aux jeunes. Il y a les adultes et les aînés aussi, mais c'est souvent vers les jeunes générations qu'on se tourne, quand on parle de la vitalité d'une langue dans une communauté. Quand on est locuteur d'une langue minoritaire, que ce soit une langue autochtone ou une langue du patrimoine, il y a un danger, quand on est enfant, de croire que cette langue est un jeu. Même si nos parents ou notre grand-mère nous parlent la langue, on peut parfois croire que c'est un jeu ou qu'on n'utilise cette langue que dans le contexte familial. Cela a une incidence.
    Ce qui est intéressant, c'est qu'on se concentre souvent sur l'utilisation de la langue pour communiquer un message, mais la langue ne fait pas que nous permettre de communiquer. Elle permet tout le temps d'établir des relations et d'envoyer des informations sur le statut social des communautés. Dès qu'un enfant voit que la langue dépasse le cadre de sa famille ou de son contexte proche et qu'il la voit utilisée dans le grand public, cela lui indique que ce n'est pas un jeu, que c'est une véritable langue reconnue et utilisée. L'enfant réalise alors qu'il a le droit de s'en servir à l'extérieur de son cadre immédiat. De plus, cela envoie un message quant à la valeur donnée à cette langue par tout le monde dans l'espace public.
    Ce genre d'effet est parfois inconscient. Les jeunes, et même les adultes, ne sont pas conscients de l'incidence de cela sur la façon dont ils se voient et sur leur propre utilisation de la langue, mais on sait que cet effet existe. Par exemple, j'ai grandi dans une région très anglophone de l'Île-du-Prince-Édouard, mais le fait de savoir qu'on parlait le français au Parlement et au Québec m'a encouragé à continuer à parler cette langue. Je voyais que c'était une langue réelle qui avait de la valeur et qui avait un rôle à jouer.
    En linguistique appliquée, il est parfois question de l'imaginaire communautaire. Pour s'investir dans une langue, il faut pouvoir s'imaginer ce qu'on peut en faire et imaginer un monde dans lequel cette langue a un sens. Chaque fois qu'on donne une validité à des langues et que celles-ci sont utilisées dans toutes sortes de contextes, on enrichit cet imaginaire communautaire, ce qui a un effet de motivation.
(1255)

[Traduction]

    Il me reste environ une minute.
    Johanne ou Melissa, je vais vous poser rapidement mes trois ou quatre questions, qui prendront probablement le reste du temps.
    Est-ce qu'il y a des membres de votre conseil qui sont unilingues, c'est-à-dire qui s'expriment uniquement en anglais, en français ou en cri?
    Quel a été l'effet positif sur les jeunes Cris de constater que l'on utilisait leur langue dans votre institution?
    Quel est le pourcentage de votre budget utilisé pour les services d'interprétation et de traduction? Combien de personnes avez-vous dans votre banque d'interprètes?

[Français]

     Je vais répondre à votre première question.
    Effectivement, la majorité des représentants Jamésiens sont unilingues francophones. Quant aux représentants cris, ils utilisent la langue crie comme première langue et l'anglais comme deuxième langue.
    On voit de plus en plus de jeunes représentants cris trilingues, mais la majorité des Jamésiens sont unilingues francophones. Les Cris, de leur côté, utilisent le cri et parfois l'anglais comme langue de travail.
    En ce qui a trait à l'incidence de ces initiatives sur les jeunes, on a quand même remarqué une augmentation du nombre de jeunes intéressés à suivre cela de près, que ce soit par la diffusion en direct ou par les radios communautaires. Nous recevons de plus en plus de demandes de renseignements sur la vocation, la mission et les orientations du gouvernement régional. Les jeunes se sentent très interpellés par toutes les questions entourant la gouvernance, surtout sur le territoire où ils habitent, comme le territoire d'Eeyou Istchee Baie-James.
    Maintenant, en ce qui concerne le pourcentage du budget, le gouvernement régional a un budget annuel de dépenses, en excluant les trois localités, d'environ 9 millions de dollars. Si on fait le calcul rapidement et si on englobe l'ensemble des coûts, c'est entre 120 000 $ et 150 000 $. C'est quand même considérable pour un territoire qui compte très peu de contribuables, d'où l'importance que les élus et les représentants du conseil misent sur les services d'interprétation. De plus, l'obligation d'offrir des services d'interprétation simultanée repose sur la nécessité d'assurer une transparence et une reddition de comptes, mais c'est surtout une question d'inclusion.
(1300)

[Traduction]

    Merci. Meegwetch.
    Je pense qu'il nous reste assez de temps pour que Scott Simms pose une brève question.
    Parce que nous avons toujours du temps pour les brèves questions.
    Où en étions-nous? L'une des choses dont je voulais parler est la radiodiffusion en langue crie. Comment cette entreprise est-elle organisée pour travailler? En quelques occasions, lors de séjours à l'étranger pour discuter de certains enjeux, il est arrivé que les Premières Nations viennent sur le tapis, et aussi l'APTN. Ce réseau de télévision semble assez réputé dans le monde parce qu'il présente des émissions sur les Premières Nations, mais aussi parce qu'il les offre dans des langues autochtones. En ce qui a trait à la radiodiffusion en cri, comment s'y prend-on pour tenir compte des diverses langues?
    Dans le territoire, en réalité, il y a la Société des communications cries de la Baie-James, la SCCBJ. Il s'agit d'une entreprise de radiodiffusion régionale qui est établie à Mistassini, mais qui est dotée d'une antenne qui rejoint toutes les collectivités.
    Est-ce qu'elle exerce ses activités en ligne?
    Oui, elle diffuse aussi en ligne.
    Très bien.
    Pour les besoins du gouvernement régional, lorsque nous tenons des assemblées, la Société envoie un technicien qui se charge de faire les connexions nécessaires.
    Je me sers de termes dont j'ignore la signification exacte.
    Ça va, nous vous suivons.
    Donc, ils branchent les câbles quelque part, et l'émission est mise en ondes par la SCCBJ, la Société des communications cries de la Baie James, qui diffuse exclusivement en langue crie.
    D'accord.
    Lorsqu'ils viennent soit aux réunions du conseil du gouvernement de la nation crie ou aux réunions du Gouvernement régional, ils se connectent. Ils se connectent dans la cabine d'interprétation, en fait, dans la ligne de l'interprète. C'est ce qu'ils diffusent dans les collectivités, parce que la radio est encore le moyen de communication utilisé pour bon nombre d'entre elles.
    Il me semble, dans ce cas, que ce que vous avez décrit lors de ma première série de questions, est la clé de la diffusion de l'information que vous souhaitez livrer dans toutes les langues et les dialectes que vous parlez.
    Oui.
    La genèse, l'origine de ces services que vous offrez, est-ce que vous l'avez élaborée vous-même?
    J'aimerais bien pouvoir m'attribuer le mérite de la SCCBJ, mais je ne le peux pas.
    Les lignes directrices et le cadre de travail du Gouvernement régional, et l'entente correspondante sont conçus de manière à ce que nous devions servir les Cris. Nous disposons de la technologie. Nous sommes là-haut, à la baie James. Parfois, il n'y a pas de routes. Et parfois, il n'y a pas de WiFi...
    Oui.
    ... mais nous faisons en sorte de l'avoir là-bas. Et nous l'avons. ECN, c'est-à-dire le réseau de télécommunications d'Eeyou, est une entreprise de fibre optique. C'est une entreprise crie, qui appartient à des intérêts cris. Donc, nous appelons ECN avant de nous rendre dans une communauté où il n'y a pas de WiFi. Nous disons, « Bonjour, pourriez-vous nous donner une ligne, s'il vous plaît? Nous allons être là-bas pendant trois jours. » Et ils installent une ligne, ils la branchent littéralement dans le poteau de téléphone dehors. Ils font descendre une ligne, ils la passent à l'intérieur du bâtiment, et nous nous en servons pour alimenter la diffusion continue en direct, la radiodiffusion, les lignes téléphoniques, tout ça.
    Puis-je faire un commentaire?
    Non.
    Si je dis, « s'il vous plaît », est-ce que ça change quelque chose?
    Non.
    Bon, très bien.
    Merci beaucoup. C'était fascinant.
    Ce fut un plaisir. Merci.
    Je vous remercie beaucoup. C'est formidable que vous ayez pu vous présenter aujourd'hui, et votre exposé nous a été très utile.
    Chers collègues, ne partez pas tout de suite. Après que j'aurai levé la séance, j'aimerais que vous restiez pour une minute de plus.
    Pour que ce soit noté au compte rendu que nous nous sommes réunis, mais sans nous réunir.
    Tout à fait.
    Comme nous en avons convenu plus tôt, pendant la première heure mardi, nous entendrons le dernier groupe de témoins, et le mardi suivant, nous nous occuperons des pétitions électroniques pendant la première heure, et des instructions relatives à la rédaction du présent rapport pendant la deuxième heure.
    La séance est levée.
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