:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Merci de nous permettre de comparaître pour fournir de l’information sur les langues autochtones au Canada dans le cadre de votre étude de l’interprétation des langues autochtones à la Chambre des communes.
Je tiens d’abord à souligner que nous sommes sur un territoire traditionnel algonquin et que la langue y était l'algonquin ou l'algonquin de Maniwaki.
Je m’appelle William Fizet. Je suis le directeur général de la Direction générale de la participation des citoyens, qui a un programme consacré aux peuples autochtones.
[Français]
Le budget de 2017 a alloué à l'Initiative des langues autochtones 19,5 millions de dollars par année jusqu'à l'exercice financier 2019-2020, soit trois fois plus que les années précédentes. En 2017-2018, 203 projets d'activités participatives et de développement de ressources en langues autochtones ont été mis en oeuvre. Soixante-treize langues ou dialectes ont reçu du soutien de l'Initiative des langues autochtones cette année-là.
Le gouvernement du Canada reconnaît que les langues sont un élément essentiel de la culture. Ainsi, les langues autochtones sont un élément essentiel de la culture autochtone. Les peuples autochtones ont utilisé et continuent d'utiliser leur langue pour décrire le monde dans lequel ils vivent, y donner un sens et enseigner leurs cultures et leurs valeurs à leurs enfants.
[Traduction]
On a empêché les Autochtones d’utiliser et de transmettre leurs langues au moyen de politiques comme celle des pensionnats. Les langues autochtones ont besoin de soutien pour retrouver une nouvelle vigueur. Leur utilisation dans le domaine public, à la Chambre des communes, aurait une grande valeur de symbole.
La discussion sur l’utilisation des langues autochtones dans nos institutions doit s'accompagner d'échanges sur la vitalité de ces langues et les importants efforts de revitalisation déployés par les collectivités autochtones elles-mêmes. La vitalité des langues autochtones est évaluée au moyen d'une série de facteurs, notamment la proportion de leurs locuteurs par rapport à la population totale et l’âge moyen des locuteurs pour qui il s'agit de la langue maternelle. À l'heure actuelle, ce ne sont pas tous les Autochtones qui peuvent s'exprimer dans leur langue. De plus, il est compliqué de dénombrer les langues et les dialectes.
Permettez-moi de vous communiquer quelques renseignements généraux de Statistique Canada à ce sujet. Le recensement de 2016 a révélé qu’environ 1,6 million de personnes réclament une identité autochtone. De ce nombre, un peu plus du sixième, soit environ 260 000 répondants, ont déclaré être en mesure de soutenir une conversation dans une langue autochtone. Un peu plus de 210 000 personnes ont dit avoir une langue autochtone comme langue maternelle. En 2016, l’âge moyen des locuteurs de langue maternelle a atteint 36,7 ans. En 2011, l’âge moyen était de 35 ans. Par rapport aux données de 1981, cet âge moyen aurait augmenté de plus de neuf ans. Il y a pourtant des exceptions, et elles sont relevées chez les locuteurs qui s'expriment en inuktitut, qui est une langue inuite, en atikamekw et en naskapi. L'âge moyen est d'environ 26 ans.
[Français]
Nous observons une tendance globale à la baisse dans les pourcentages de langue maternelle autochtone ou de connaissance de la langue, ainsi qu'une tendance à la hausse de la moyenne d'âge des locuteurs de langue maternelle, tant chez les hommes que chez les femmes. Les diverses langues autochtones parlées au Canada reflètent la richesse des cultures autochtones du pays.
Nous savons que les linguistes identifient 11 familles de langues autochtones qui traversent les frontières internationales. Toutefois, il n'y a pas de liste définitive des langues et des dialectes autochtones parlés au Canada, et nous en apprenons davantage tous les jours.
Les données du recensement de 2016 indiquent que les langues autochtones qui ont plus de 10 000 locuteurs sont les langues cries, l'inuktitut, l'ojibwé, l'oji-cri, le déné et l'innu.
[Traduction]
Une autre grande source d’information sur les langues autochtones est l’UNESCO, c'est-à-dire l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Elle tient une liste de 90 langues autochtones qui seraient pratiquées au Canada. Cette liste a été établie pour la première fois en 2008 par la chercheuse canadienne Mary Jane Norris, qui a utilisé les données des recensements précédents et une recension de la littérature pour établir la nomenclature. La liste est mise à jour régulièrement et contient maintenant les données du recensement de 2011; il y aura d'autres mises à jour à mesure que des renseignements supplémentaires s'ajouteront.
Les langues figurant sur la liste sont liées à la collectivité qui compte le plus grand nombre de locuteurs. La liste n’illustre donc pas la dispersion réelle des locuteurs dans une province ou un territoire donné.
La liste de l’UNESCO comprend une classification des langues selon le niveau de danger auquel elles sont exposées. L’échelle est basée sur le niveau d’utilisation d’une langue dans les diverses générations. L’échelle de l’UNESCO comprend divers niveaux de danger. Par exemple, une langue est considérée comme « vulnérable » si elle est utilisée par certains enfants et dans tous les domaines comme l’école, la maison, le travail et les cérémonies. Une langue est « en situation critique » si elle n’est utilisée que par une partie de la génération des arrière-grands-parents. Les autres niveaux sont « en danger » et « sérieusement en danger ». Toutes les langues autochtones au Canada sont considérées comme « en danger » à divers degrés. Certaines langues ont une deuxième vie, comme le huron-wendat, c'est-à-dire qu'elles ont été ressuscitées, tandis que d’autres sont en dormance et pourraient être revitalisées. D’autres, soyons francs, sont éteintes.
Après le recensement de 2016, Statistique Canada a fait état de 70 langues autochtones. L’analyse montre que les peuples autochtones qui ont communiqué leur information ont déclaré plus de 70 langues autochtones. Statistique Canada n’a retenu dans l’information diffusée que les langues qui atteignent le seuil de 45 locuteurs . La nouvelle liste de 70 langues témoigne d'une augmentation par rapport aux 60 langues déclarées dans l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011.
Une différence importante entre les données de Statistique Canada et la liste de l’UNESCO tient aux différences de classification des langues du Nord. Le recensement de 2016 fait état de quatre langues ou dialectes inuits, tandis que la liste de l’UNESCO relève huit langues ou dialectes. De plus, Statistique Canada désigne l'algonquin comme la langue parlée sur le territoire traditionnel où nous nous trouvons, tandis que, d'après l’UNESCO, il s'agit de l'algonquin de Maniwaki.
À l’heure actuelle, Patrimoine canadien appuie les recherches de Mary Jane Norris afin d’approfondir nos connaissances et d'améliorer la classification des langues autochtones au Canada. Je dois toutefois ajouter que la complexité de la question est telle qu’on ne s'entend pas sur le nombre de langues autochtones et qu'il n'y a pas de consensus au sujet de leur classification. La mise à jour que nous entreprenons permettra de s’assurer que les données de 2016 sont utilisées pour comprendre l'état de santé des langues autochtones et les tendances qu'on y observe. Ces travaux permettront également d’enrichir l’information disponible sur les divers noms utilisés pour identifier les langues autochtones.
Ces langues sont actuellement désignées par des noms qui peuvent avoir diverses origines linguistiques, comme la langue autochtone même, différentes langues autochtones, le français ou l’anglais. En fin de compte, cependant, les collectivités ont les connaissances voulues pour valider cette information et le dernier mot leur revient.
Enfin, il faut tenir compte des systèmes d’écriture utilisés pour les différentes langues autochtones. Entre autres, l’alphabet romain et le système syllabique servent à transcrire des langues autochtones. Des symboles graphiques sont tirés de l’alphabet phonétique international et des blocs ont été créés en 1999 et 2009 pour ajouter des caractères. Il s'agit du Syllabaire autochtone canadien d'Unicode et du Syllabaire autochtone canadien étendu d'Unicode.
La normalisation des systèmes est en cours, ce qui pourrait mener à l’examen de la façon dont les éléments de TI pourraient devoir être ajustés pour compléter le travail que vous faites.
Je vais maintenant passer aux niveaux de danger auxquels sont exposées les 90 langues dont parle l’UNESCO. Il y a 23 langues vulnérables et en danger. Il y a cinq langues qui sont « en danger », 27 qui sont « sérieusement en danger » et 35 qui, d'après l'UNESCO, sont « en situation critique ». Cette dernière catégorie signifie que la langue est principalement utilisée par la génération des arrière-grands-parents et par les générations antérieures. En moyenne, l’âge des locuteurs autochtones augmente.
[Français]
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Je tiens d'abord à remercier les membres du Comité d'avoir invité Statistique Canada à comparaître devant eux afin de nourrir leur réflexion sur l'utilisation des langues autochtones dans les travaux de la Chambre des communes.
Ma présentation portera sur trois principaux sujets. Dans un premier temps, je présenterai quelques statistiques générales sur la très grande diversité des langues autochtones parlées au Canada, sur leur nombre et leur répartition dans tout le pays, ainsi que sur les variables linguistiques du recensement disponibles pour présenter l'état de la situation des langues autochtones parlées au pays. Je présenterai ensuite quelques tendances historiques générales sur les langues autochtones parlées et sur leur vitalité relative. Finalement, je conclurai en présentant quelques facteurs et indicateurs clés de la vitalité et de la viabilité à long terme des langues autochtones au pays.
Les langues autochtones parlées au Canada sont d'une grande importance pour les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Lors du recensement de 2016, plus de 70 langues autochtones ont été déclarées. La vaste majorité de ces langues sont propres au Canada. Comme la plupart des langues autochtones sur la planète, elles ne sont parlées nulle part ailleurs dans le monde. C'est l'une des raisons principales pour lesquelles la préservation et la revitalisation de leurs langues sont d'une grande importance.
Le recensement de la population fournit plusieurs statistiques sur l'utilisation et la connaissance des langues autochtones. Sont en effet dénombrées les personnes ayant une langue autochtone comme langue maternelle, comme langue parlée le plus souvent ou de façon régulière à la maison, comme langue utilisée au travail, ainsi que comme langue dans laquelle elles peuvent soutenir une conversation.
[Traduction]
En 2016, le taux de réponse national global au recensement a été de 97,4 %. Statistique Canada travaille de façon suivie avec les organismes et les collectivités autochtones pour améliorer la participation aux enquêtes et au recensement. Comme par les années passées, le personnel du recensement a effectué le dénombrement porte-à-porte des ménages dans les réserves ainsi que dans les collectivités éloignées et septentrionales. Les questionnaires du recensement ont été diffusés dans 11 langues autochtones: atikamekw, denesuline, dogrib, inuktitut, montagnais, cri du nord du Québec, oji-cri, ojibway, cri des plaines et cri des marais.
Dans l’ensemble, la portée du recensement de 2016 et la participation ont été excellentes. Bien que 14 des 984 subdivisions classées comme réserves aient été partiellement recensées en 2016, ce qui pourrait avoir une incidence sur les chiffres de certaines langues, la proportion de ces subdivisions partiellement recensées a systématiquement diminué au fil du temps.
Le recensement, dont la portée s'est étendue à l’ensemble du pays, demeure l’une des sources d’information les plus complètes sur les langues autochtones au Canada. Comme on l’a dit, plus de 70 langues ont été déclarées. En 2016, comme le montrent les tableaux fournis au Comité, environ 213 000 personnes ont déclaré une langue autochtone comme langue maternelle, c’est-à-dire la première langue apprise à la maison dans l’enfance et encore comprise. Près de 264 000 personnes ont déclaré être en mesure de tenir une conversation dans l’une des 70 langues autochtones. Cela veut dire qu’il y a 24 % plus de locuteurs d’une langue autochtone que de personnes dont la langue maternelle est autochtone. C’est une indication de l’importance de l’acquisition de ces langues comme langue seconde.
[Français]
Des quelque 70 langues autochtones parlées, 36 comptaient au moins 500 locuteurs. Les langues cries, qui sont parlées principalement en Saskatchewan, en Alberta, au Manitoba et au Québec, comptaient un peu moins de 100 000 locuteurs, soit 37 % de tous les locuteurs d'une langue autochtone au Canada.
L'inuktitut, deuxième langue en importance numérique et parlée essentiellement au Nunavut et au Nunavik, comptait un peu moins de 41 000 locuteurs.
Quant à elles, l'ojibwé et l'oji-cri, parlées principalement en Ontario et au Manitoba, comptaient respectivement 28 000 et 15 600 locuteurs, alors que les quelque 13 000 locuteurs du déné se trouvaient principalement en Saskatchewan et en Alberta.
Quatre autres langues algonquiennes, soit le montagnais, le micmac, l'atikamekw et le pied-noir regroupaient ensemble près de 33 000 locuteurs.
Si l'on considère qu'au pays près de neuf locuteurs sur dix d'une langue autochtone parlaient l'une ou l'autre de ces neuf langues, ou groupe de langues, cela signifie que de nombreuses autres langues autochtones comptent très peu de locuteurs.
Par conséquent, ces dernières sont généralement considérées par plusieurs spécialistes comme menacées ou vouées à un avenir incertain. L'âge moyen des populations de langue autochtone varie considérablement d'une langue à l'autre. Par l'exemple, en 2016, l'âge moyen de la population ayant l'inuktitut comme langue maternelle était de 27 ans, comparativement à 61 ans pour la population ayant le michif pour la langue maternelle.
Les profils linguistiques diffèrent considérablement selon qu'il s'agisse de la population des Premières Nations, des Inuits ou des Métis. Ainsi, en 2016, deux Inuits sur trois pouvaient parler une langue inuite suffisamment bien pour soutenir une conversation, principalement l'inuktitut. Chez les Premières Nations, plus de 21 % d'entre elles déclaraient parler une langue autochtone, alors que chez les Métis, moins de 2 % déclaraient pouvoir en faire autant.
Chez les Inuits vivant dans l'Inuit Nunangat, soit 73 % d'entre eux, la proportion pouvant parler une langue inuite s'élevait à 84 %, alors qu'elle n'était que de 11 % parmi ceux résidant à l'extérieur de l'Inuit Nunangat. De même, 45 % des membres des Premières Nations ayant le statut d'Indien inscrit qui vivaient dans une réserve pouvaient parler une langue autochtone, comparativement à un peu moins de 13 % de ceux vivant à l'extérieur de la réserve.
Le lieu de résidence, la concentration et la proportion que représentent les membres d'une communauté sur son territoire sont parmi les facteurs qui ont une influence sur la propension à connaître et à utiliser une langue autochtone.
[Traduction]
Le recensement nous permet d’examiner l'évolution au fil du temps. Entre 1996 et 2016, la population de ceux qui se disent capables de soutenir une conversation dans une langue autochtone est passée de 234 000 personnes à près de 264 000, soit une augmentation de 12,8 %. Il importe cependant de signaler que la population autochtone a progressé beaucoup plus rapidement. La croissance de la population capable de s'exprimer dans une langue autochtone ne suit pas celle de l’ensemble de la population autochtone.
Quant à la viabilité à long terme, la situation varie d'une langue à l'autre. Par exemple, en 2016, le nombre de personnes qui pouvaient parler le cri, l’ojibway ou l’oji-cri était à peu près le même qu’il y a 20 ans, c’est-à-dire plus de 125 000. Par contre, le nombre de locuteurs dénés a augmenté de près de 15 % au cours de ces 20 ans.
Le recensement montre que le nombre de personnes capables de parler une langue inuite est à la hausse. En 1996, il y avait un peu plus de 30 000 personnes au Canada qui pouvaient parler l’inuktitut. En 2016, ce nombre avait augmenté de 34 %, et plus de 2 000 autres personnes pouvaient parler d’autres langues inuites, comme l’inuinnaqtun ou l’inuvialuktun.
Les langues autochtones n’ont pas toutes connu une évolution favorable pendant cette période. Les langues parlées par les populations plus petites et plus âgées sont particulièrement vulnérables. Le nombre de personnes capables de parler l’une des langues wakashanes, comme les Haislas ou les Heiltsuk, a diminué de près de 25 %. De la même façon, le nombre de personnes qui pouvaient parler carrier a diminué de 27 % en 20 ans.
Les événements passés ont beaucoup nui à la vitalité des langues autochtones au Canada. Par exemple, le système des pensionnats qui a interdit à des générations d’enfants autochtones de parler leur langue maternelle a eu d’énormes répercussions sur la transmission intergénérationnelle des langues autochtones.
Contrairement aux autres groupes linguistiques au Canada, les personnes qui parlent une langue autochtone ne peuvent pas compter sur les nouveaux immigrants pour maintenir ou accroître leur population de locuteurs. La transmission de la langue des parents aux enfants est essentielle à la survie de toutes les langues autochtones. Des taux de fécondité élevés et une transmission linguistique intergénérationnelle forte contribuent ainsi à créer une communauté linguistique jeune et dynamique.
De plus, bien que l’apprentissage d’une langue autochtone à la maison, dans l’enfance, en tant que langue principale soit un élément crucial de la viabilité à long terme des langues autochtones, son apprentissage comme langue seconde peut être un élément important de la revitalisation des langues. Des efforts sont déployés partout au Canada pour préserver et revitaliser les langues autochtones grâce à leur apprentissage comme langue seconde. Ces efforts comprennent l’intégration de l’enseignement des langues autochtones dans les salles de classe, la création d’orthographes normalisées et l’élaboration de programmes d’immersion linguistique.
Voilà qui explique pourquoi, particulièrement chez les jeunes, la population capable de tenir une conversation dans une langue autochtone est plus importante que la population dont la langue maternelle est autochtone. Il est particulièrement important de tenir compte des efforts de revitalisation à la lumière des résultats de l’Enquête auprès des peuples autochtones de 2012, qui nous a appris que 59 % des membres des Premières Nations vivant hors réserve et 37 % des Métis estiment très important ou assez important de parler ou de comprendre une langue autochtone. Chez les Inuits, la proportion atteint 81 %.
Je vais conclure en disant que de nombreuses études sur les langues autochtones mettent en lumière un certain nombre de facteurs clés qui influent sur la vitalité et l’avenir de ces langues. Bien que le nombre de locuteurs puisse être considéré comme si faible que ces langues en deviennent précaires, les domaines où elles sont parlées comptent beaucoup. Par exemple, si elles sont utilisées à la maison, à l’école, lors d’événements sociaux et culturels et dans toute la vie communautaire, cela a une forte incidence sur leur vitalité et leur pérennité.
La vitalité d’une langue autochtone donnée dépend aussi de la présence d’une masse critique de locuteurs au sein de la communauté, de la présence d’un réseau de relations sociales utilisant la langue et de sa transmission intergénérationnelle, entre parents et enfants, comme langue maternelle ou comme langue seconde. Des études ont également montré que la vitalité des langues autochtones dépend aussi de la solidité de l'identité de leurs locuteurs et de la reconnaissance de la langue, à l'interne comme à l'extérieur, comme distincte et unique dans la société. Cette reconnaissance peut donc conférer un statut et un prestige grâce à la langue.
Je conclus en disant que Statistique Canada reconnaît qu'il est important de faire participer les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits à toutes les étapes du cycle de vie des données, de comprendre les besoins et les lacunes en matière de données, de déterminer le contenu et d’assurer la pertinence de l’analyse et des produits statistiques que nous fournissons. La grande qualité des données linguistiques et autres que nous recueillons ne serait pas possible sans leur participation au recensement et à d’autres enquêtes. Nos mesures des langues autochtones et d’autres caractéristiques de la population autochtone du Canada ont évolué et continueront d’évoluer au fil du temps, car nous travaillons avec les collectivités et les organisations à l'amélioration de la collecte des données, qui doit respecter leur droit à l’autodétermination.
Merci, et c’est avec plaisir que mes collègues Vivian O’Donnell et Pamela Best et moi-même répondrons à vos questions.
[Le témoin s’exprime en déné.]
[Anglais]
Je m’appelle Cheryle Herman. Je viens de la nation dénée de Clearwater River, située près de La Loche, en Saskatchewan. Je parle couramment la langue denesuline. Je suis ici à titre d’ambassadrice des langues autochtones pour vous faire part de mes réflexions et de celles d’autres personnes sur l’importance d’utiliser nos langues autochtones dans les délibérations de la Chambre des communes.
L’utilisation des langues autochtones à la Chambre des communes serait une reconnaissance des premiers habitants du pays et signifierait que le gouvernement honore et respecte ce fait. Cela montrerait également que le gouvernement travaille à redresser les injustices historiques et à établir des relations plus inclusives et plus axées sur la collaboration.
Les langues autochtones englobent ce que nous sommes en tant que peuples autochtones. La communication dans nos langues est sacrée. Sans nos langues et nos cultures, nous ne sommes plus autochtones. Notre langue définit qui nous sommes et d’où nous venons et est donc essentielle à notre survie en tant que nation.
La langue nous relie au terrain spirituel. Notre langue maternelle apporte force, clarté et finalité a ce que nous tentons de communiquer.
La langue a une incidence sur la vie quotidienne des membres de toutes les races, croyances et régions du monde. La langue aide à exprimer nos sentiments, nos désirs et nos interrogations au monde qui nous entoure. On combine les mots, les gestes et le ton pour représenter un large éventail d’émotions.
Notre capacité innée de former des liens durables entre nous tient en grande partie aux méthodes uniques et diversifiées que les êtres humains mettent en oeuvre pour communiquer au moyen de la langue écrite et de la langue parlée. Ces méthodes distinguent également l’humanité du reste du règne animal.
De plus, la capacité de communiquer dans plusieurs langues devient de plus en plus importante dans le milieu mondial des affaires de plus en plus intégré. Communiquer directement avec les nouveaux clients et entreprises dans leur langue maternelle est l’une des premières étapes de l’établissement d’une relation d’affaires internationale stable et durable.
La force et la valeur des ententes verbales dans nos langues mènent à des relations plus solides, respectueuses et honorables. Le fait de pouvoir le faire fait automatiquement passer n’importe quelle personne multilingue loin devant ses pairs dans la compétition pour des postes de prestige.
La langue est un aspect essentiel pour préparer les enfants à réussir dans leurs futures entreprises professionnelles. Le gouvernement peut contribuer à leur avenir en utilisant les langues autochtones à la Chambre des communes. Cela pourrait aider nos enfants autochtones à poursuivre un avenir de leader pour leur peuple, ou pour tout le Canada, en toute confiance, sachant qu’ils peuvent parler leur langue autochtone à la Chambre des communes.
Bien que les langues autochtones ne soient pas actuellement reconnues comme langues officielles au pays, il est important que nous accordions de la valeur à ces langues tout comme nous le faisons pour l’anglais et le français. Ce faisant, nous affirmons l’importance des personnes qui utilisent ces langues comme moyens de communication.
Nos langues sont encore très vivantes et constituent la seule forme de communication pour certains de nos aînés. Par conséquent, lorsque les délibérations se déroulent en français et en anglais sans traduction pour les peuples autochtones, ces derniers ne reçoivent pas l’information qui pourrait être pertinente pour eux et pour leur gouvernement.
Nous devons continuer de promouvoir les langues autochtones dans nos entreprises pour qu’elles puissent prospérer.
J’aimerais vous faire part de quelques points supplémentaires à prendre en considération dans le contexte de notre situation difficile en ce qui concerne le maintien de nos langues autochtones. Premièrement, les langues autochtones suscitent des attitudes plus positives et moins de préjugés à l’égard des personnes différentes. Deuxièmement, ceux qui parlent une langue autochtone voient leurs compétences analytiques s’améliorer. Troisièmement, les compétences en affaires et en langue autochtone rendent les employés plus précieux sur le marché du travail. Quatrièmement, le fait de traiter avec une autre culture permet aux gens d’acquérir une compréhension plus profonde de leur propre culture. Cinquièmement, l’étude des langues autochtones accroît la créativité. Sixièmement, des compétences comme la résolution de problèmes et la gestion de concepts abstraits s'en trouvent accrues. Septièmement, le fait de parler une langue autochtone ouvre davantage de portes au gouvernement, dans les affaires, la médecine, le droit, la technologie, l’armée, l’industrie, le marketing, etc. Huitièmement, une langue seconde améliore les compétences et les notes. Neuvièmement, la capacité de communiquer dans une langue seconde procure un avantage concurrentiel dans les choix de carrière. Dixièmement, elle stimule les facultés d'écoute et la mémoire. Onzièmement, qui connaît une autre langue participe de manière plus efficace et responsable dans un monde multiculturel. Douzièmement, la maîtrise d'une autre langue dans une économie globalisée élargit les débouchés. Treizièmement, elle ouvre une fenêtre sur le passé sur le plan culturel et linguistique. Quatorzièmement, elle enseigne et promeut le respect de l'autre. Elle facilite la compréhension des rapports entre le langage et la nature humaine. Quinzièmement, qui connaît les langues autochtones tend à avoir une vision plus large du monde, un comportement plus libéral et à se montrer plus souple et tolérant. Seizièmement, les langues autochtones élargissent la vision du monde et limitent les barrières entre les personnes. Les obstacles suscitent la méfiance et la peur. Dix-septièmement, l’étude des langues autochtones mène à l’appréciation de la diversité culturelle. Dix-huitièmement, à mesure que l’immigration s’accroît, nous devons nous préparer à des changements dans la société canadienne. Dix-neuvièmement, une personne est nettement avantagée sur le marché mondial si elle est aussi bilingue que possible.Vingtièmement, les langues autochtones ouvrent la porte à l’art, à la musique, à la danse, à la mode, à la cuisine, au cinéma, à la philosophie, à la science, etc. Vingt et unièmement, l'étude d'une langue autochtone fait simplement partie d’une éducation libérale de base. Éduquer, c’est faire sortir de l’isolement, de l’étroitesse et de l’obscurité.
En plus des points mentionnés précédemment, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones reconnaît également l’importance des langues autochtones dans les lieux d’affaires. L’article 13 dit:
1. Les peuples autochtones ont le droit de revivifier, d’utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire, leur langue, leurs traditions orales, leur philosophie, leur système d’écriture et leur littérature, ainsi que de choisir et de conserver leurs propres noms pour les communautés, les lieux et les personnes.
2. Les États prennent des mesures efficaces pour protéger ce droit et faire en sorte que les peuples autochtones puissent comprendre et être compris dans les procédures politiques, juridiques et administratives, en fournissant, si nécessaire, des services d’interprétation ou d’autres moyens appropriés.
Enfin, nous devons faire la lumière sur les appels à l’action de la CVR et veiller à ce que ces appels soient mis en œuvre. J’aimerais passer en revue deux appels à l’action qui visaient directement les langues autochtones.
L’appel à l’action no 13 se lit comme suit: « Nous demandons au gouvernement fédéral de reconnaître que les droits des Autochtones comprennent les droits linguistiques autochtones. »
L’appel à l’action no 14 se lit comme suit: « Nous demandons au gouvernement fédéral d’adopter une Loi sur les langues autochtones qui incorpore les principes suivants: (i) les langues autochtones représentent une composante fondamentale et valorisée de la culture et de la société canadiennes, et il y a urgence de les préserver. »
Reconnaître les langues autochtones et appuyer les programmes linguistiques autochtones, ainsi que les droits fonciers, la santé, la justice, l’éducation, le logement, l’emploi et les autres services, dans le cadre du processus global de justice sociale et de réconciliation.
En conclusion, j’aimerais citer M. Graham McKay:
On pourrait aller jusqu’à dire que sans la reconnaissance des peuples autochtones et de leurs langues, beaucoup d’autres programmes seront moins efficaces, parce que ce manque de reconnaissance montrera que les attitudes sous-jacentes de la société dominante n’ont pas beaucoup changé.
Merci, Mahsi cho, de votre temps et de votre attention sur cette question très importante.