Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la 125e réunion du Comité permanent du commerce international.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 23 septembre 2024, le Comité entreprend une étude des faits récents concernant le différend commercial entre le Canada et les États-Unis sur le bois d'œuvre.
Nous accueillons M. Kurt Niquidet, du BC Lumber Trade Council, par vidéoconférence. Nous recevons également par vidéoconférence M. Robert Laplante, directeur général de l'Institut de recherche en économie contemporaine.
Bienvenue à tous.
Nous allons commencer par les déclarations préliminaires, après quoi nous passerons aux séries de questions.
Merci, madame la présidente. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous et au Comité aujourd'hui.
Je m'appelle Kurt Niquidet. Je suis président du BC Lumber Trade Council, et je représente la majorité des producteurs de bois d'œuvre de la Colombie-Britannique.
Le secteur forestier de la Colombie-Britannique contribue de façon importante à l'économie. En 2022, l'industrie a produit 100 000 emplois, elle a contribué au PIB à hauteur de plus de 17 milliards de dollars et généré 6 milliards de dollars de recettes pour le gouvernement. Les produits forestiers sont la deuxième filière d'exportation en importance de la Colombie-Britannique, qui est la plus grande région productrice de bois d'œuvre au Canada. Les exportations de nos producteurs représentent environ 40 % de nos exportations de bois d'œuvre vers les États-Unis.
Depuis l'expiration du dernier accord sur le bois d'œuvre résineux, en 2016, plus de 10 milliards de dollars de droits ont été perçus et placés en dépôt. Ces droits ont récemment atteint les 14 %, environ, et devraient doubler l'an prochain. Ils ont pour effet de faire augmenter les prix aux États-Unis, ce qui nuit aux consommateurs américains de bois d'œuvre. Ils ont également une incidence importante sur le secteur canadien, en faisant diminuer la production et l'emploi, et des milliers de collectivités dépendantes de la foresterie en souffrent. La part du Canada sur le marché américain est passée de plus de 30 % à environ 24 % aujourd'hui. En revanche, il y a eu une augmentation de la production américaine, ainsi qu'une augmentation des importations en provenance de pays européens qui ne sont pas assujetties à ces droits de douane.
Bien que les droits qui nous sont imposés soient injustifiés et injustes, le mécanisme de règlement des différends de l'ACEUM est très lent et doit être amélioré. Ce conflit de longue date doit cesser. L'industrie de la Colombie-Britannique est solidaire et continuera de travailler avec les gouvernements pour conclure un nouvel accord.
Chers membres du Comité, je suis heureux de pouvoir vous communiquer les réactions que nous avons à titre de chercheurs à l'Institut de recherche en économie contemporaine, ou IREC.
L'Institut se penche depuis déjà plusieurs années sur la place de l'industrie forestière dans l'économie du Québec et dans son commerce international. C'est véritablement sans surprise que nous constatons à nouveau que la question des droits de douane fait l'objet d'un litige important entre les États‑Unis et le Canada.
À cet égard, je ne crois pas qu'on puisse parler d'une crise véritable. Certainement, l'imposition de ces droits, comme le disait le témoin précédent, est non fondée et, à bien des égards, illégitime. Cependant, on ne peut pas parler d'une véritable crise, même si la situation provoque des perturbations importantes. Si, à la limite, on voulait désigner ces perturbations comme étant une crise, il faut bien reconnaître qu'il s'agit plutôt d'une tendance qui caractérise la position des États‑Unis en cette matière.
Au fond, nous ne sommes pas en présence d'un problème d'interprétation du droit. Nous sommes plutôt dans une situation de rapport de forces commerciales. C'est un rapport de forces que le droit permet de corriger. À cet égard, les instances nous ont permis par le passé de constater que le point de vue était justifié et que le Canada avait parfaitement le droit de réclamer des correctifs. Cependant, le droit ne fait pas disparaître le rapport de forces. Il le déplace, tout simplement.
Au fond, nous sommes en présence d'une concurrence qui est soutenue par l'utilisation des droits de douane. Cette concurrence fait l'objet d'un consensus parmi les représentants démocrates aussi bien que républicains à Washington. Ça nous renvoie, pour l'essentiel, au fait que nous avons, au cours des exercices précédents, raté le rendez-vous auquel les jugements, même favorables, nous conviaient.
Il faut véritablement envisager une restructuration importante de l'industrie canadienne dans la mesure où les réformes doivent amener l'industrie à une meilleure création de valeur ajoutée. La crise du bois d'œuvre, c'est beaucoup une crise d'une production qui est de moins en moins pertinente dans un créneau qui peut être remplacé, celui des produits de base. Il faut une industrie canadienne davantage orientée vers la valeur ajoutée. À cet égard, les rendez-vous précédents auraient dû nous indiquer qu'il faut une réaction beaucoup plus vive de la part des industriels du Canada.
Le Québec a ajusté son régime forestier de manière à le rendre parfaitement conforme aux exigences et aux attentes de nos interlocuteurs américains. Cependant, en dépit de ces ajustements, rien ne peut calmer la contestation. Dans les faits, ce qui pourra la calmer, c'est un déplacement de l'industrie et de nos rapports commerciaux vers d'autres créneaux de façon à nous assurer que des incitatifs puissants soutiennent une meilleure réactivité de l'industrie et à détourner une partie de la production de produits de base vers des biens ouvrés mieux transformés. À cet égard, nous avons une occasion de faire converger une politique industrielle avec nos intérêts commerciaux en profitant pleinement de la crise du logement, qui nécessite un effort accru du secteur de la construction.
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De plus, il faut viser, au moyen de mesures incitatives et d'une politique industrielle appropriée, à faire occuper, par les entreprises canadiennes, une plus grande part du marché intérieur des biens transformés. Cela nous permettra de mieux placer l'industrie canadienne par rapport à l'exportation vers les États‑Unis, mais aussi vers d'autres marchés. En effet, notre trop grande dépendance à l'égard du marché américain nous rend doublement vulnérables. Elle nous rend vulnérables, d'une part, à des contestations et, d'autre part, à un certain engourdissement de la production, car l'industrie, trop à l'aise sur un marché qui lui devient trop familier, deviendra moins réactive et, peut-être, un peu indolente.
Dans les circonstances, je crois que nous devons poursuivre les démarches visant à corriger le litige, mais que nous devons nous sortir de ce pétrin en incitant l'industrie à devenir plus dynamique et plus créative. À cet égard, il y a des signes encourageants, mais il faudra une beaucoup plus grande implication de l'État.
Merci, madame la présidente, et merci à tous nos témoins d'aujourd'hui. Il s'agit d'une étude très importante. On parle ici des droits de douane sur le bois d'œuvre résineux et de leur incidence sur l'industrie ici, au Canada. Cette industrie emploie environ 400 000 personnes au Canada. Nous accueillons donc aujourd'hui des témoins de certaines provinces, qui emploient bon nombre des gens du secteur. Après neuf ans au pouvoir et trois présidents américains plus tard, le premier ministre n'a toujours pas réussi à conclure un accord sur le bois d'œuvre, ce qui tue des emplois au Canada.
Voici quelques statistiques révélatrices de Statistique Canada à ce sujet. Entre 2015 et 2021, le secteur forestier canadien a enregistré la perte de 90 000 emplois, qui sont passés de 300 000 à 210 000. Il s'agit probablement du déclin le plus important, tous secteurs confondus au Canada. Il y a environ un mois, le premier ministre a déclaré à la télévision, tard le soir, que ce n'était qu'un problème mineur.
Monsieur Niquidet, vous représentez votre province. Pouvez-vous me dire s'il s'agit d'un problème mineur et quelles en ont été les répercussions sur les emplois dans votre province depuis 2015?
Je vous remercie de cette question. Comme je l'ai déjà mentionné, le secteur forestier est très important pour la Colombie-Britannique. Nous croyons donc qu'il s'agit d'un enjeu important. Les droits de douane ont eu des effets considérables sur le secteur. Il y a un certain nombre de facteurs qui entrent en ligne de compte, mais les droits de douane ont indéniablement contribué à une baisse de la production et à la perte d'emplois. Depuis 2016, plus de 10 000 emplois ont disparu, et je ne parle que d'emplois directs. Cela a des retombées au sein des collectivités, des effets collatéraux, ce qui ne fait que multiplier les répercussions.
Cela représente beaucoup d'emplois — beaucoup plus encore si l'on compte les emplois indirects. Ce sont de petites collectivités. Bon nombre des scieries et des emplois directs et indirects se trouvent dans de petites municipalités de la Colombie-Britannique, n'est‑ce pas?
Oui, en fait, le secteur forestier est important partout dans la province, et même dans la vallée du bas Fraser, on voit que le secteur a une incidence considérable. Cependant, dans certaines petites localités rurales, si l'on regarde le pourcentage des emplois, le secteur forestier est exceptionnellement... dans certaines collectivités, c'est de loin le plus grand contributeur à l'économie rurale.
Chaque année, le département du Commerce procède à ce qu'on appelle un examen administratif. Tout récemment, l'année dernière, dans le cadre du dernier examen administratif, nous avons vu les droits passer d'environ 8 % à un peu plus de 15 %. C'était le cinquième examen administratif. En ce qui nous concerne, nous prévoyons a priori que les droits pourraient doubler encore à l'issue du sixième examen administratif, pour atteindre près de 30 %. Cela entrerait en vigueur en août et serait dévastateur pour notre secteur. C'est pourquoi nous pensons qu'il faut soutenir l'avenir du secteur et vraiment faire de la conclusion d'un accord avec les États-Unis une priorité.
C'est vraiment difficile à dire avec précision à ce stade‑ci, parce que tout dépendra des conditions générales du marché à ce moment‑là. Selon nos estimations préliminaires, l'activité économique pourrait diminuer d'environ 20 %.
Que disent vos membres? Évidemment, cela va avoir un impact majeur. Ont-ils l'impression que le gouvernement fait de la conclusion d'un accord sur le bois d'œuvre une priorité? L'ancien premier ministre avait conclu un accord en 79 jours; cela fait neuf ans. Avez-vous l'impression que ce gouvernement fait du bois d'œuvre une priorité dans les négociations commerciales?
Oui. Nous travaillons avec le gouvernement actuel. La ministre Ng et son équipe font du bon travail dans la défense de ce dossier. Encore faut‑il que les États-Unis soient prêts à négocier à notre table. Au bout du compte, nous pensons, si l'on tient compte de l'historique, que quand nous avons réussi à conclure un accord, c'est venu des plus hauts échelons des deux gouvernements, que cela s'est joué entre le premier ministre et le président. Nous pensons donc qu'après les élections aux États-Unis, il y aura une occasion à saisir avec la nouvelle administration pour en faire une priorité.
Je suis un peu surpris que vous pensiez qu'ils font du bon travail, car cela fait neuf ans que les choses traînent. Je suis également un peu surpris que vous pensiez que ce sera plus facile avec le prochain gouvernement, peu importe qui sera élu.
Pour ce qui est des autres marchés, nous dépendons des Américains pour quel pourcentage de nos exportations de bois d'œuvre?
Oui. En Colombie-Britannique, je dirais qu'environ 70 % de nos exportations sont destinées aux États-Unis. C'est probablement plus élevé pour le Canada dans son ensemble. La Colombie-Britannique étant située sur la côte Ouest, nous avons accès à certains marchés asiatiques, alors je pense que le chiffre pour le Canada dans son ensemble serait probablement supérieur à 80 %, autour de 85 %. C'est notre principal marché, et nous devons y avoir accès. C'est le plus grand consommateur de bois d'œuvre résineux au monde.
Je remercie nos deux témoins d'être avec nous virtuellement aujourd'hui. C'est une étude importante que nous menons en ce moment.
Le différend sur le bois d'œuvre résineux entre le Canada et les États-Unis est l'un des différends commerciaux de plus longue date entre les deux pays. Au cours des 25 dernières années, l'industrie américaine du bois d'œuvre a souvent demandé au gouvernement américain de restreindre les importations de bois d'œuvre résineux canadien par l'application des lois américaines sur les droits compensateurs et les droits antidumping.
Selon vous, qu'est‑ce qui aiderait les représentants canadiens dans le cadre d'éventuelles négociations?
Je pense que le principal élément sur lequel nous insistons, c'est que cela nuit vraiment aux consommateurs américains. Toutes ces restrictions font grimper le coût du bois d'œuvre aux États-Unis, et ils ont un problème d'abordabilité, un problème d'abordabilité du logement, donc c'est très important.
Il y a aussi les droits placés en dépôt. Plus de 10 milliards de dollars de droits ont été perçus jusqu'à présent, et sont toujours en dépôt. Auparavant, dans le cadre d'accords antérieurs, ces fonds servaient à stimuler la croissance du marché. Le bois d'œuvre est un produit renouvelable et durable qui, si on le compare à d'autres matériaux, a une empreinte carbone faible. Les deux parties auraient donc l'occasion d'utiliser ces fonds de façon stratégique pour faire croître l'ensemble du marché.
À ce sujet, selon vous, quel est le principal obstacle à la résolution de ce différend? Selon vous, que devrait contenir un accord avec les États-Unis qui serait avantageux pour l'industrie canadienne du bois d'œuvre résineux?
Je pense que le principal obstacle, c'est l'industrie américaine. Elle veut des restrictions sur les flux vers les États-Unis pour faire grimper les prix, parce que c'est à son avantage. Pour qu'un accord soit conclu, compte tenu de la façon dont le droit commercial américain est structuré, il faut obtenir l'assentiment de l'industrie américaine. Je pense que l'une des plus grandes difficultés est probablement de convaincre les représentants de l'industrie américaine à s'asseoir à la table pour signer un accord, quel qu'il soit.
Je pense qu'il y a de bons précédents d'accords passés visant une entente à long terme. Il y a différents types de mesures frontalières qui pourraient être appliquées. Ensuite, comme je l'ai déjà mentionné, les fonds en dépôt pourraient être utilisés de façon stratégique.
Je pense qu'un accord à long terme serait une bonne chose, parce que ce dont nous avons besoin des deux côtés de la frontière, c'est de certitude: une plus grande certitude dans le commerce du bois d'œuvre résineux et l'utilisation des droits de douane pour stimuler la croissance du marché du bois d'œuvre résineux. Je pense que cela permettrait d'atteindre les objectifs des deux parties.
Essentiellement, les difficultés que nous éprouvons quant au secteur du sciage aux États‑Unis, en particulier, résultent du fait que les États‑Unis sont alignés sur les doctrines commerciales des deux partis qui se disputent la gouvernance américaine. Le courant protectionniste, qui est fort, avantage l'industrie américaine.
Nous devons trouver une voie de conciliation en suggérant à nos interlocuteurs américains d'adopter des conventions qui définiront ce que pourraient être des volumes raisonnables à protéger de part et d'autre de la frontière. Ça, évidemment, c'est en supposant que nos négociateurs parviennent à amener les acteurs du secteur à s'asseoir à la table de négociation. Or, pour l'instant, ils n'ont pas intérêt à le faire.
La piste consistant à percevoir des dépôts est probablement la plus intéressante dans la mesure où nous pourrions l'utiliser pour soutenir autrement la stratégie de résistance à cette contestation, en conviant les entreprises à souscrire à des programmes d'amélioration de la productivité.
Je remercie l'ensemble des témoins de leurs exposés.
Monsieur Laplante, j'aimerais savoir si je résume tout de même votre propos en disant que, finalement, la situation que nous vivons avec les États‑Unis est un vrai festival des occasions manquées.
Einstein disait que la folie consistait à répéter toujours la même chose en espérant obtenir des résultats différents. Or, les Américains sont tout sauf fous, mais ils perdent quand même tout le temps leur cause. Le vrai calcul des Américains se concrétise ailleurs, soit dans le fait de nuire à notre compétitivité, de retarder notre modernisation et de nous placer en situation de perte pendant que la cause dure, même s'ils savent, sans surprise, qu'ils finiront par la perdre.
Vous avez dit vous-même que le régime québécois a été précisément conçu pour se conformer au libre-échange. Je me demande alors comment il se fait qu'il ne soit toujours pas reconnu au moment où l'on se parle.
De plus, votre collègue a dit que le mécanisme de règlement des différends n'avait pas véritablement été remis en question et n'avait pas été assez remanié dans le cadre de l'Accord Canada—États‑Unis—Mexique, ou ACEUM.
Vous avez aussi parlé de construction, de politique industrielle. Quel serait le but?
S'agirait-il d'une diversification des marchés ou plutôt d'une autre façon d'investir davantage dans le marché intérieur?
Quels sont les avantages de recourir davantage au bois plutôt, par exemple, qu'au béton? C'est un matériau qui me semble écologique. D'ailleurs, l'industrie forestière n'en est plus du tout à l'époque du film produit par Richard Desjardins. Des changements importants ont eu lieu.
Je vous lance donc plusieurs pistes de discussion pour vous permettre de détailler votre exposé.
Effectivement, les Américains savent qu'ils ne sont pas dans leur bon droit et qu'ils vont perdre. Leur objectif est ailleurs. Il est véritablement de profiter de ces litiges pour placer les industries du Québec et du Canada en position défensive en les privant de sommes considérables qui pourraient être utilisées à améliorer leur productivité et à moderniser de l'équipement.
Dans ce contexte, je crois que, la voie à suivre, c'est d'inciter les industries canadiennes à changer de créneau. Il faut les amener ailleurs, soit dans des secteurs de forte valeur ajoutée. Pour cela, nous avons une occasion importante, qui est celle de la réponse que nous devons apporter à la crise du logement, qui va nécessairement passer par une intensification et un accroissement de la construction. Si, d'une part, nous avons un ensemble de politiques industrielles qui font une plus grande place à l'utilisation du bois comme matériau, et si, d'autre part, nous soutenons l'industrie pour qu'elle fasse plus que simplement des produits de base et des éléments d'entrée dans la chaîne d'approvisionnement, nous emprunterons une avenue qui va donner à l'industrie l'élan qui lui manque.
Par ailleurs, il faut aussi joindre à cet effort une poussée vers la diversification des marchés. La dépendance à l'égard du marché américain est un facteur important de fragilisation de nos exportations et de notre industrie. En vérité, son potentiel est mal servi par cette dépendance à ce marché.
Nous avons une occasion maintenant de proposer une réaction globale qui n'est pas seulement attentiste, se limitant à trouver des moyens de patienter en attendant que les mécanismes de règlement des différends nous donnent raison. Il faut plutôt prendre une part beaucoup plus active, et il faut avoir une réaction plus volontariste et mettre en place, dans tous les espaces disponibles de politique publique, une réaction globale et intégrée. On l'a fait pour l'industrie automobile, et on y a investi des milliards de dollars. On pourrait faire la même chose pour les industries forestières, à la condition de ne pas concevoir cette industrie dans la seule dépendance aux marchés d'exportation.
Vous parlez de diversification. On entre dans une époque sur le plan commercial et géopolitique qui n'est pas très dangereuse dans certaines régions du monde. On sait que ce n'est pas tout le monde qui peut être considéré — je le dis de manière polie — comme un partenaire fiable et respectueux des règles du commerce. Vers quelle région devrait-on regarder, d'après vous?
Les situations sont extrêmement mouvantes. Bien malin qui peut nous dire comment les choses vont évoluer au cours des 20 prochaines années. Une chose est certaine: la crise du logement frappe aussi durement du côté de l'Europe. Les économies européennes vont avoir besoin de matériaux pour soutenir les efforts que les administrations publiques sont obligées de faire. On peut, je pense, envisager avec prudence des collaborations et des percées intéressantes sur le marché européen, ce qui n'exclut pas les marchés asiatiques. Toutefois, les marchés asiatiques vont présenter des situations beaucoup plus compliquées, en raison des pratiques commerciales de la Chine, qui visent à créer des obstacles pour les autres pays asiatiques qui seraient, eux aussi, tentés de réduire leur dépendance à l'égard du commerce chinois.
L'un n'exclut pas l'autre, mais, sur le plan de la pondération, notre effort devrait porter du côté des marchés européens, qui sont des marchés solvables, et nous devrions fournir un plus gros effort quant à l'amélioration du parc de logements.
Merci beaucoup, madame la présidente. Je tiens à remercier les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
J'aimerais revenir sur certaines informations présentées par M. Laplante dans sa déclaration préliminaire.
Avant, toutefois, j'aimerais m'adresser à M. Niquidet, s'il veut bien répondre aux questions qui suivent.
Vous avez entendu la déclaration préliminaire de M. Laplante. Il y a fait mention de deux éléments incroyablement importants dont je veux parler aujourd'hui dans le différend sur le bois d'œuvre résineux aux États-Unis.
Il y a d'abord la situation particulière de la productivité actuellement.
Par quoi se caractérise la productivité chez les entreprises que vous représentez comme chez bon nombre des acteurs du secteur?
Il y a de nombreux facteurs qui, j'en suis sûr, ont une incidence sur la productivité, comme le climat, les politiques et même simplement les salaires.
Par quoi se caractérise la productivité des employés, et quelle est l'expérience des travailleurs dans ce genre d'emploi à l'heure actuelle?
Les scieries de la Colombie-Britannique sont très avancées. Nous utilisons des technologies parmi les meilleures au monde. Je pense que la technologie canadienne en général pour la production de bois d'œuvre résineux est reconnue pour être très avancée.
Par conséquent, nous avons des scieries très productives et nous sommes en mesure de payer des salaires élevés. Ce sont de très bons emplois. Selon les statistiques les plus récentes dont nous disposons, le salaire moyen en Colombie-Britannique est de l'ordre de 60 000 à 70 000 $, alors que nous offrons des salaires bien supérieurs, de plus de 100 000 $.
Ce sont de bons emplois qui permettent de subvenir aux besoins d'une famille partout dans la province. Cela a beaucoup à voir avec la productivité des scieries. C'est la raison pour laquelle elles sont en mesure de payer de tels salaires.
C'est probablement l'élément le plus important à mes yeux. Il s'agit de veiller à ce que les emplois canadiens soient protégés et à ce que les familles canadiennes obtiennent ce dont elles ont besoin, pour mettre du pain sur la table et continuer de travailler fort pour bâtir notre économie.
Mes préoccupations, bien sûr, découlent de la perspective très unique selon laquelle si nous voulons organiser notre économie, comme M. Laplante le suggère — et je suis d'accord —, nous avons besoin d'une politique industrielle qui tient compte de nos intrants et de nos extrants, surtout des extrants qui contribuent au bien public.
Notre rôle, en tant que législateurs et députés de la Chambre des communes, ne consiste pas nécessairement à faire augmenter les bénéfices nets des entreprises canadiennes ou, dans certains cas, des multinationales. Notre travail consiste à nous assurer que notre économie fonctionne pour les Canadiens et pour les gens ordinaires.
C'est pourquoi j'ai posé la question précédente et c'est pourquoi je pose la suivante.
Parmi les travailleurs présents en Colombie-Britannique ou les travailleurs des scieries que vous représentez, combien sont syndiqués?
Je n'ai pas de chiffres précis à ce sujet. Je dirais que la majorité d'entre eux sont syndiqués. Ils le sont surtout avec les Métallos, mais cela peut varier. Je dirais que la majorité d'entre eux sont des travailleurs syndiqués.
Monsieur Laplante, je voudrais vous donner un peu de temps pour nous en dire plus sur votre proposition, qui est philosophique et qui, je l'espère, pourra se concrétiser. C'est lié à la politique industrielle au Canada.
Le Canada, comme vous le savez très bien à titre d'économiste, est un pays riche en ressources. Une grande partie de notre production et de nos perspectives économiques repose sur la production et l'exportation de matières premières, dont le bois d'œuvre résineux.
Vous parlez d'une façon très importante dont nous pouvons moderniser notre économie, ici au Canada, et devenir plus concurrentiels aux États-Unis et dans le monde: par l'offre de produits à valeur ajoutée.
Je viens de l'Alberta. Je viens d'une province riche en pétrole. On en parle beaucoup. On parle de diversification de notre pétrole. On parle de diversification de nos actifs. On parle d'accroître notre pertinence et notre productivité, afin d'offrir de plus gros chèques de paie à nos travailleurs.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi la diversification est si importante dans tous nos secteurs des ressources naturelles, surtout dans le domaine du bois d'œuvre, si nous voulons non seulement hausser les salaires des travailleurs au Canada, mais augmenter notre production?
Essentiellement, c'est parce que nous possédons une richesse fabuleuse, soit la forêt boréale, d'où provient l'essentiel des stocks de résineux. Il s'agit d'un écosystème extrêmement riche, qui produit des fibres de très grande qualité. Nous avons la possibilité de mieux exploiter cette ressource en valorisant tout son potentiel. C'est d'autant plus important de le faire que cette ressource forestière est menacée par des changements climatiques qui provoquent des perturbations importantes, qui viennent s'ajouter aux difficultés économiques que nous connaissons en raison de la crise du bois d'œuvre ou de la concurrence féroce que nous livrent les compétiteurs américains.
Les feux de forêt ont réduit la possibilité forestière dans plusieurs provinces. D'ailleurs, la Colombie‑Britannique en sait quelque chose. Pour sa part, le Québec a connu, l'année dernière, des incendies de forêt réellement dévastateurs, dont le résultat menace la viabilité de plusieurs usines. La façon de combattre cette menace sera de déplacer l'effort vers la valeur ajoutée, parce que nous aurons moins de bois.
Il faut donc faire plus de valeur avec une ressource qui est diminuée. Il s'agit d'un défi stratégique majeur pour les entreprises, parce qu'il y a un capital humain extrêmement important et une main-d'œuvre compétente. Il faut réussir à les mettre à l'abri des perturbations climatiques. À cet égard, la recherche de la valeur ajoutée n'est pas seulement une avenue strictement économique, c'est aussi une avenue écologique, puisque nous avons à composer avec une rareté.
Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Monsieur Laplante, j'ai été élu en 2018, et je peux dire que, depuis ce temps, j'entends continuellement parler de l'entente sur le bois d'œuvre. Lorsque je rencontre les représentants des entreprises du secteur forestier de ma circonscription, ceux-ci me disent qu'il est crucial pour les entreprises qu'on finisse par conclure cette entente.
J'ai de la difficulté à comprendre une chose. Lorsque nous étions au pouvoir, nous avons réglé le dossier en 79 jours. Depuis que le gouvernement actuel est en place, trois présidents américains ont été successivement élus, mais notre gouvernement n'a pas été capable de régler ce dossier.
Les représentants des entreprises ne me parlent pas de nouveaux créneaux ni du fait de se réinventer, ils me disent qu'on doit conclure une entente. Comment se fait-il qu'on n'ait toujours pas réglé la question?
Je ressens la même exaspération que vous et les entreprises.
Cela dit, on ne peut pas faire abstraction d'une chose. Quelle que soit notre impatience, elle est dépendante de l'évolution de la situation américaine. Or, depuis le passage de ces trois présidents, la société et l'économie américaines ont connu des transformations importantes. L'une de ces transformations a été l'effort que le gouvernement à Washington et les gouvernements des États veulent mettre sur la réindustrialisation des États‑Unis. Pour ce faire, on a déployé des moyens majeurs en matière de politique publique. Ces moyens passent aussi par l'activation d'un réflexe beaucoup plus protectionniste.
Quand on parle de la Buy American Act ou des dispositions...
Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Laplante.
Ce que vous dites est intéressant, et je respecte cela, mais, si on n'avait pas traîné les pieds concernant cette entente, votre discours serait peut-être différent, aujourd'hui.
Je n'étais pas à la table de négociation, mais ce que je comprends, c'est qu'une des deux parties avait intérêt à laisser traîner les choses, et je ne crois pas que ce soit le Canada.
Monsieur Laplante, je ne veux pas vous interrompre, mais le temps presse.
Vous savez que les pertes d'emploi dans le secteur forestier sont très préoccupantes. Il y a même des entreprises qui ferment leurs portes, ce qui peut faire mal à certaines communautés.
Si la situation n'évolue pas, quelles vont être les conséquences à long terme pour les travailleurs?
La situation est extrêmement préoccupante. En effet, quels que soient les indicateurs que nous choisissons, un constat s'impose: l'industrie forestière est en déclin. Du moins, c'est le cas au Québec. Cela varie selon les provinces.
L'industrie subit un déclin structurel depuis plusieurs décennies, et elle n'a pas réussi à mettre en place une stratégie de repositionnement. Les problèmes liés à l'accord commercial ne sont qu'une partie des problèmes qui touchent cette industrie. Comme je l'ai souligné, elle occupe des créneaux où sa compétitivité est menacée par les économies émergentes, entre autres choses.
Je ne saurais pas le qualifier. Ce que je crains, cependant, c'est que l'effort protectionniste américain aille en s'intensifiant. Cela va exiger que les négociateurs canadiens et le gouvernement du Canada trouvent des moyens de se donner des éléments de négociation qui vont permettre de trouver des compromis. Pour l'instant, cela ne me paraît pas évident.
J'en suis à ma 10e année en tant que député. S'il y a un enjeu qui n'a jamais entièrement été réglé et qui nous cause des maux de tête encore aujourd'hui, c'est bien le conflit sur le bois d'œuvre.
Monsieur Laplante, vous avez beaucoup parlé de réformes visant à accroître la valeur ajoutée des produits. Vous proposez de faire le virage vers des produits plus nichés afin de revitaliser l'industrie. Vous parlez également de la nécessité d'une politique industrielle qui donnerait aux entreprises canadiennes une plus grande part du marché intérieur canadien et qui favoriserait la redynamisation de l'industrie. Je reviendrai à vous. Cependant, si je manque de temps, j'aimerais que vous nous fassiez parvenir plus de détails sur les réformes, la politique industrielle et les incitatifs réels dont vous parlez, entre autres choses.
Monsieur Niquidet, j'ai une brève question pour vous.
Quel pourcentage de vos membres en Colombie-Britannique appartiennent à des intérêts étrangers?
Je pense que la grande majorité de nos membres sont des entreprises basées au Canada qui appartiennent à des intérêts canadiens. Nous représentons de petites entreprises familiales indépendantes, qui seraient assurément...
Nous avons certainement constaté des mesures protectionnistes de la part des deux partis, de sorte que c'est très difficile à dire. Or, il est certain que la campagne de Trump abordait plus ouvertement le protectionnisme.
Encore une fois, les deux partis ont déjà adopté des politiques semblables.
Essentiellement, vous dites que peu importe qui deviendra président, ce problème ne se réglera pas de sitôt. Nous devons nous préparer à une nouvelle série de différends.
Monsieur Laplante, pour revenir à vous, y a‑t‑il des points précis que vous aimeriez soulever, que ce soit au sujet de la réforme, de la nécessité pour l'industrie de passer à des produits-créneaux, ou de la politique industrielle dont vous avez parlé? Y a‑t‑il des points particuliers sur lesquels vous souhaitez insister?
J'aimerais insister sur un des sujets en litige qui est particulièrement aigu et sensible, soit le prix de l'approvisionnement.
Si nous voulons insister sur une politique visant à inciter, sur une base vraiment volontaire, les entreprises à passer à la valeur ajoutée, il nous faut revoir le mode de redevance qu'on exige des entreprises.
J'ai proposé, à plusieurs reprises, une inversion de la façon de faire. La fibre étant très précieuse, il faudrait adopter une approche selon laquelle, moins elle est transformée, plus elle coûte cher. Cela inciterait les entreprises qui veulent réduire leurs coûts d'approvisionnement à développer des créneaux à plus grande valeur ajoutée, ce qui...
Chaque fois que le terme « inciter » est employé, ou que quelqu'un dit que nous devons offrir des incitatifs, je suis inquiet, car on demande alors plus d'argent des contribuables pour l'industrie. Or, les Canadiens ont déjà beaucoup financé ce secteur.
Quand vous parlez de produits à valeur ajoutée, je pense que l'industrie québécoise ajoute beaucoup plus de valeur que d'autres régions du pays. Ai‑je raison?
C'est effectivement le cas dans plusieurs secteurs de l'industrie. Il y a des initiatives très porteuses, notamment dans la production de bois d'ingénierie et dans la production de composants préfabriqués d'unités de construction. C'est l'avenue qu'il faut privilégier, parce que c'est ainsi qu'on pourra faire plus avec des espèces de bois qui deviennent de plus en plus rares.
Voici ce que je propose. Le bois étant rare, pour qu'il devienne pourvoyeur de richesse, il faut qu'il coûte plus cher.
Monsieur Laplante, tantôt, vous n'avez pas eu l'occasion de finir votre réponse. Je voudrais vous en laisser l'occasion. Je voudrais aussi vous poser une autre question.
Quel est l'avantage d'utiliser du bois par rapport à d'autres matériaux, comme le béton, dans les futures constructions?
C'est l'avenue à privilégier, me semble-t-il, parmi les mesures qu'on pourrait mettre en place pour régler la crise du logement. En effet, il faut intensifier la construction, et le bois a des propriétés exceptionnelles. Cela permettra d'alléger le bilan carbone du grand projet de construction qu'il faut lancer. Le bois ne permettra pas à ce grand projet d'être complètement carboneutre, mais il permettra tout de même d'atteindre un bilan carbone largement inférieur à celui qu'on pourrait atteindre avec tous les autres matériaux qu'on pourrait utiliser pour accroître le parc de logements au Canada.
De plus, cette fibre est non seulement renouvelable, mais elle a aussi un énorme potentiel en matière de diversification. À l'heure actuelle, les spécialistes de la foresterie ne parlent plus de la forêt comme d'un réservoir de fibres. On parle de la forêt comme d'un grand réservoir de molécules qui peuvent être utilisées, notamment pour privilégier les substituts aux produits pétrochimiques. On peut donc développer la xylochimie, qui est aussi une avenue porteuse.
Il faudrait donc aborder la question du bois en fonction des défis que posent le développement durable et le remplacement des matériaux non renouvelables par des matériaux renouvelables. À cet égard, le Canada et le Québec sont particulièrement bien pourvus, parce que la forêt boréale, même si elle a des vulnérabilités, reste un point d'appui très solide pour redéployer la nouvelle économie.
Merci beaucoup, madame la présidente. Je remercie encore les témoins d'être présents dans cette étude des plus importante.
Écoutez, les Canadiens méritent une économie qui fonctionne dans leur intérêt. Par conséquent, il leur faut une industrie du bois d'œuvre qui peut aider à créer de bons emplois syndiqués et bien rémunérés, à lutter contre la crise climatique qui nous frappe — M. Laplante l'a dit clairement — et à faire baisser les prix pour les Canadiens qui espèrent construire une maison.
Ces éléments sont primordiaux pour toute économie à l'heure actuelle. Ils sont d'une importance capitale pour l'économie américaine, pour la plupart des économies développées du monde occidental et pour les Canadiens. Nous traversons l'une des plus graves crises du coût de la vie que nous ayons jamais connues.
Ce que j'ai remarqué en particulier dans les industries de mise en valeur des ressources, c'est le grand désir de franchir la prochaine étape du développement des produits, ce qui m'encourage vraiment. Aussi, il est très important de moderniser notre économie pour relever les défis que les Canadiens sont sur le point de rencontrer. La crise climatique en fait partie, et l'abordabilité aussi. Ces défis sont liés à la création d'emplois bien rémunérés. Pour y arriver, il faut une stratégie industrielle. Il faut une politique industrielle qui encourage les bons membres que M. Niquidet représente à se tourner vers de meilleurs produits à intrants élevés, dans un environnement créé par les législateurs pour réduire le coût des biens des Canadiens tout en créant plus de bons emplois.
En ce qui concerne la valeur ajoutée et l'innovation nécessaires à cette fin, monsieur Niquidet, j'aimerais beaucoup que vous me disiez ce que vos membres et membres associés font pour diversifier leurs produits d'extrant. En quoi ces produits donnent-ils à l'industrie canadienne du bois d'œuvre un avantage à l'échelle mondiale, voire nationale? Je pense à une époque où les Canadiens fabriquaient des choses. Nous produisions et inventions des choses, et nous les expédiions partout dans le monde.
Quel type d'innovation se profile à l'horizon pour le bois d'œuvre canadien?
Nous produisons déjà une gamme diversifiée de produits, et la réponse dépend notamment de l'essence. La Colombie-Britannique compte un certain nombre d'espèces différentes, ce qui est un avantage.
Une chose qui a selon moi un grand potentiel est le bois massif d'ingénierie. Il est certain que si nous voulons construire des maisons à plusieurs étages et des structures plus grandes, le bois massif serait la solution. Nous pourrions le produire nous-mêmes — ce que certains de nos membres commencent à faire —, mais aussi approvisionner les producteurs de bois massif d'ingénierie. Ils ont besoin de bois d'œuvre pour le fabriquer.
Je rappelle à nos témoins que le temps de parole des députés est chronométré. J'ai du mal à vous interrompre, et j'en suis désolée, mais si je ne le fais pas, nous empiéterons sur le temps d'un autre député.
La parole est maintenant à M. Zimmer, qui a quatre minutes.
Je vous remercie, madame la présidente. Je suis heureux de siéger au Comité.
Après neuf ans et trois présidents américains, Trudeau et les libéraux n'ont pas réussi à conclure un accord sur le bois d'œuvre avec les Américains. Sous l'ancien premier ministre Stephen Harper, nous avions conclu un accord dans les 80 jours suivant notre arrivée au pouvoir et son accession au poste de premier ministre.
Un directeur d'usine du Nord-Est de la Colombie-Britannique souhaitant garder l'anonymat a déclaré que les usines ont principalement dû fermer pour des décisions politiques. Il y a toujours des arbres pour soutenir une industrie forestière dynamique et durable. Cependant, leur accès a été fortement restreint. L'effet combiné de ces décisions politiques aurait réduit de moitié la zone disponible pour la coupe d'arbres. Selon l'emplacement de ces zones, l'autorisation annuelle de coupe sera réduite de plus de 50 %.
C'est suffisamment important pour entraîner la fermeture de deux des cinq scieries de la région de Peace, dans ma circonscription. Voilà qui coûte à la région 100 millions de dollars par année, et ce, seulement pour l'exploitation forestière et le transport. C'est un volet très limité des répercussions qu'a l'industrie forestière dans ma collectivité. Certains ont peut-être entendu parler des objectifs du premier ministre, qui souhaite atteindre une réduction de 30 % d'ici 2030 et de 50 % d'ici 2050. Il faut penser à l'effet qu'une politique aussi radicale aura, surtout sur le secteur forestier.
Ma question s'adresse à vous, monsieur Niquidet.
Restera‑t‑il des emplois dans le secteur forestier du Nord-Est de la Colombie-Britannique si les restrictions et les fermetures des gouvernements fédéral et provincial sont pleinement mises en œuvre?
Eh bien, nous l'espérons certainement. Je pense que vous faites allusion au fait qu'il y a aussi des politiques provinciales. Nous avons beaucoup insisté sur la nécessité d'avoir une forêt active en Colombie-Britannique. Nous sommes certainement en faveur de la protection de la biodiversité, mais il doit y avoir un équilibre. Nous avons besoin d'une assise territoriale désignée pour la production de bois d'œuvre, afin de soutenir les emplois et les collectivités.
Monsieur Niquidet, je pense moi aussi que la question sur la bonne gestion des forêts...
Nous avons également vu des feux de forêt frapper ma circonscription. Les bûcherons du coin disent souvent que ces zones ont fréquemment été laissées à elles-mêmes. Elles ne sont même pas gérées correctement, et tout ce qu'elles font, c'est brûler. Notre forêt a été ravagée en raison d'épinettes mortes et du dendroctone du pin. Au lieu de récolter ce bois, on le laisse pourrir, et il finit par brûler.
Ma deuxième question, encore une fois, s'adresse à M. Niquidet. Le premier ministre a balayé du revers de la main ses échecs dans le dossier du bois d'œuvre en disant que c'est un petit enjeu. Vous l'avez peut-être vu à l'émission de New York, lorsqu'il a qualifié la foresterie et le bois d'œuvre de « petit enjeu ». Quelques semaines plus tard, les États-Unis ont imposé au Canada un droit de 14,5 % sur le bois d'œuvre, le doublant presque du jour au lendemain.
Depuis cette annonce, deux scieries ont fermé leurs portes en Colombie-Britannique. Une autre de ma collectivité a ensuite été perdue, laissant près de 500 travailleurs au chômage. Les répercussions économiques dépassent les 100 millions de dollars, comme vous venez de l'entendre dans ma question.
Après neuf ans et trois présidents américains, Trudeau et les libéraux n'ont pas réussi à conclure un accord sur le bois d'œuvre avec les Américains, alors que nous l'avions fait en 80 jours.
J'entends mes collègues d'en face. Ils baissent les bras et disent que c'est au gouvernement américain de prendre une décision. Eh bien, nous l'avons fait en 80 jours. M. Obama était président en 2015 lorsque votre premier ministre est arrivé au pouvoir. On a annoncé en grande pompe que l'accord allait être conclu à Ottawa. Le président est simplement parti, et aucune entente n'a été signée.
J'ai une question plus simple, monsieur Kurt. Je pense que la référence au « petit enjeu » est offensante pour beaucoup d'entre nous, alors que la foresterie est vraiment l'épine dorsale de l'économie de la Colombie-Britannique. Pensez-vous que l'échec du premier ministre dans le dossier du bois d'œuvre est un petit enjeu?
Je suis désolée, messieurs. Je sais que M. Zimmer aimerait avoir une réponse, mais vous savez que vous devez surveiller l'heure. Vous n'aviez que quatre minutes.
Je tiens à remercier nos témoins d'être ici pour participer à cette étude très importante.
Bien sûr, notre gouvernement accorde de l'importance à l'industrie du bois d'œuvre et à ses travailleurs, que nous continuerons à soutenir. Notre gouvernement est très rigoureux dans ses délibérations lorsqu'il s'agit de négociations commerciales. Notre priorité est de conclure un bon accord pour les industries et les travailleurs canadiens. Je sais que l'approche des conservateurs consiste à conclure un accord quoiqu'il arrive, sans se soucier des travailleurs.
Voici ma question aux témoins ici présents. Seriez-vous d'accord pour dire qu'un bon accord vaut mieux qu'un accord rapide? Qu'est‑ce qui constituerait un bon accord, à votre avis?
Nous pourrions peut-être commencer par M. Niquidet.
Il faut faire attention. Nous voulons nous assurer que les conditions sont équitables pour le Canada. Il s'agit en partie de conclure un accord à long terme et de veiller à ce que nous ayons accès à une part importante du marché américain, conformément à ce que nous avons eu dans le passé. Je pense que ce sont deux éléments clés.
Il est important d'en faire une priorité et de faire pression pour conclure un accord, mais nous ne voulons pas signer n'importe quoi. Il faut que l'accord soit dans l'intérêt du Canada.
Je suis d'accord avec M. Niquidet. Il faut conclure un accord juste et équitable pour soutenir le développement et la prospérité des Canadiens.
De plus, il faut que cet accord soit favorable aux industries qui ont un potentiel et qui souhaitent se développer. À cet égard, il ne faut pas conclure un accord à tout prix. Il faut le faire en accordant la priorité à une meilleure prospérité, c'est-à-dire en ciblant des tarifs plus équitables, ainsi qu'en faisant preuve d'une plus grande souplesse et d'une plus grande capacité d'autonomie pour que les entreprises puissent se développer en exploitant les marchés d'exportation.
Puisqu'il ne me reste qu'une minute, je serai très bref.
Comme nous le savons, le Canada a de nombreux accords commerciaux de longue date, comme l'Accord Canada—États-Unis—Mexique, ou ACEUM, l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP, et l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, ou AECG, qui nous donnent un accès préférentiel aux marchés de l'Indo-Pacifique et de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, ou ANASE.
À part le marché nord-américain, quels sont, selon vous, les marchés qui présentent le plus grand potentiel pour l'industrie? Nous avons entendu dire que le gouvernement du Québec va tendre la main au marché européen, car le commerce du bois d'œuvre représente actuellement un peu plus de 300 millions de dollars. La province se tourne vers certains des marchés européens auxquels nous avons accès grâce à l'AECG.
Ma question s'adresse peut-être à nos deux témoins d'aujourd'hui. Y a‑t‑il des marchés que votre industrie envisage et qui présentent le plus grand potentiel?
Nous avons toujours eu des relations de longue date avec différentes régions de l'Asie-Pacifique. Il est certain que nous entretenons des relations de longue date avec le Japon. En fait, il y a une demande pour les produits de grande valeur. La Chine est également une destination importante pour nos produits. Il y a eu beaucoup de concurrence avec la Russie. Ensuite, la Corée du Sud et l'Inde sont tous des endroits dans la région indopacifique qui ont un potentiel à long terme.
Dans ce groupe, nous accueillons Jerome Pelletier, vice-président des Scieries et président des Producteurs de bois d'œuvre du Nouveau-Brunswick, chez J.D. Irving Limited. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Pelletier.
Nous recevons Wayne Harder, de W&M Enterprises, qui témoigne par vidéoconférence.
Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux.
Monsieur Pelletier, vous avez la parole pour un maximum de cinq minutes.
Merci beaucoup. Je tiens à remercier le Comité de me permettre d'être ici aujourd'hui.
Je représente J.D. Irving Limited, mais je suis également coprésident des Producteurs de bois d'œuvre du Nouveau-Brunswick, ou PBNB. L'organisation représente 95 % de la production de bois d'œuvre dans la province. Nous sommes un élément clé de la chaîne de valeur des produits forestiers du Nouveau-Brunswick. Nous sommes les plus grands acheteurs de bois rond pour les propriétaires de boisés privés locaux. Nous soutenons des milliers d'employés qui travaillent dans les scieries, ainsi que des bûcherons professionnels, des camionneurs et des travailleurs de la sylviculture dans toutes les régions de la province.
Les PBNB sont les plus grands fournisseurs de copeaux de bois, de biomasse et de sciure de bois, qui sont des ingrédients clés dans la fabrication de l'industrie des pâtes et papiers du Nouveau-Brunswick, ainsi que de produits de granules de bois. Nous fournissons également des produits aux installations de fabrication de clôtures en bois et de granules de bois.
Il y a actuellement 40 000 propriétaires de boisés privés et industriels enregistrés au Nouveau-Brunswick. Selon l'enquête sur l'utilisation du bois du gouvernement du Nouveau-Brunswick, environ 50 % de l'approvisionnement en bois des scieries provient de terres privées. Ainsi, le Nouveau-Brunswick est la seule province, avec la Nouvelle-Écosse, où un si grand volume de grumes provient de sources privées. C'est la principale raison pour laquelle le Nouveau-Brunswick a été, jusqu'en 2017, exclu des quatre différends commerciaux précédents sur le bois d'œuvre.
En 2021, le secteur des produits forestiers du Nouveau-Brunswick a généré le PIB provincial par habitant le plus élevé au Canada, soit 56 % de plus que la province la plus proche. En 2021, le secteur des produits forestiers du Nouveau-Brunswick employait directement près de 12 000 personnes. Si l'on ajoute les emplois indirects et induits, plus de 23 000 personnes travaillent dans le secteur des produits forestiers à l'échelle provinciale, ce qui représente une personne sur 18 dans la population active du Nouveau-Brunswick.
L'incidence du droit imposé aux producteurs de bois d'œuvre du Nouveau-Brunswick réduit considérablement notre capacité à concurrencer d'autres producteurs situés dans le Nord-Est des États-Unis, en Scandinavie et en Europe. Cela limite également notre capacité d'investir davantage de capitaux dans nos activités, ce qui, encore une fois, réduit notre compétitivité globale à long terme.
Il est intéressant de noter que, depuis 2017, l'industrie canadienne du bois d'œuvre a perdu près de 10 % de la part du marché américain, tandis que les producteurs de l'Union européenne en ont gagné 5 % au cours de la même période.
Dans le cadre du processus de règlement des différends commerciaux de l'ALENA et de l'ACEUM, plusieurs appels ont été interjetés par les Producteurs de bois d'œuvre du Nouveau-Brunswick et d'autres entreprises canadiennes de bois d'œuvre. Bien que l'ALENA et l'ACEUM exigent qu'une décision finale du groupe spécial soit prise en moins d'un an, aucune décision n'a été rendue après plus de cinq ans. Ce retard a mené en partie aux énormes dépôts en espèces détenus par le Trésor américain. Nous sommes d'avis que le processus juridique de l'ALENA et de l'ACEUM est brisé et inefficace. Cela nous porte à croire qu'un règlement négocié est la seule façon de régler ce différend commercial.
D'après les derniers rapports annuels des actionnaires de West Fraser et de Canfor en tant que répondants obligatoires aux examens administratifs des droits compensateurs et des droits antidumping, le taux total des droits qui sera imposé par le département du Commerce des États-Unis en août 2025 devrait maintenant dépasser 30 %. Aujourd'hui, l'industrie canadienne paie des droits combinés de 14 % et, en 2023, ils étaient de 8 %. Les droits prévus pour l'an prochain sont assez importants.
Si de tels droits sont mis en œuvre, ils auront une incidence importante sur la production canadienne. Nous nous attendons à de nombreuses réductions dans tout le pays qui auront une incidence sur les travailleurs des scieries, mais aussi sur les bûcherons, les camionneurs, les usines de pâtes et papiers, les usines de production d'énergie renouvelable et les installations de fabrication de bois massif et d'ingénierie. Il y aura également une incidence sur les compagnies de chemin de fer et les activités portuaires.
La ministre Ng travaille activement avec l'industrie canadienne à l'élaboration d'un cadre pour le prochain accord sur le bois d'œuvre résineux. Les PBNB apprécient tous les efforts et l'attention que la ministre Ng a consacrés à cet important dossier.
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Malheureusement, la position de l'industrie canadienne ne s'accorde pas toujours avec la stratégie de négociation que le Canada devrait adopter pour résoudre le différend commercial actuel. Nous craignons qu'un petit groupe d'entreprises de bois canadiennes ne veuillent pas résoudre le conflit actuel dans un délai convenable. Il me paraît important que le gouvernement du Canada ouvre la voie vers un règlement qui sera accepté, peut‑être pas par tous, mais par la majorité des producteurs de bois au Canada. C'est important pour la survie de notre industrie.
Le différend actuel sur le bois d'œuvre entre le Canada et les États‑Unis est le cinquième depuis 40 ans. Dans les quatre cas précédents, le différend a été résolu seulement quand les gouvernements canadien et américain en ont fait une priorité. C'est pourquoi les Producteurs de bois d'œuvre du Nouveau‑Brunswick demandent respectueusement au gouvernement du Canada, à la ministre Ng, mais aussi au premier ministre, de travailler conjointement avec toutes les parties dans toutes les provinces, les associations forestières et les producteurs à concevoir une stratégie de négociation et, après l'élection américaine, à encourager les représentants commerciaux américains à négocier sérieusement pour résoudre ces enjeux de longue date.
Je suis entrepreneur depuis 32 ans, et cela fait 38 ans que je travaille dans cette industrie.
À cause des fermetures, nous avons perdu 90 % des emplois dans notre région seulement. Les commerçants à qui j'ai parlé accusent des pertes de 10 à 25 % à cause que les gens ne dépensent pas. L'effet est considérable dans notre région.
La loi provinciale est clairement un grave problème. Les tarifs ne sont que la goutte qui fait déborder le vase, si je puis dire. C'est insoutenable rendus là où nous en sommes.
Quelqu'un a parlé d'incendies. Nous avons connu certains des plus gros incendies de forêt en Colombie‑Britannique et n'avons récolté presque aucun arbre, à cause des permis et du manque de volonté du gouvernement de faire la moindre chose. De notre point de vue, il importe peu qu'un politicien tente de réaliser quelque chose à l'avenir.
Après neuf ans et trois présidents américains, Trudeau et les libéraux n'ont pas réussi à signer d'entente avec les Américains sur le bois d'oeuvre. Harper et les conservateurs avaient conclu un accord dans les 80 jours après avoir formé le gouvernement avec lui comme premier ministre, tandis qu'on voit le premier ministre actuel dans une émission de variétés à New York, rejetant ses échecs sur le bois d'oeuvre en les qualifiant « d'enjeux mineurs ».
Je suis sûr que vous l'avez vu, monsieur Harder.
Vous et votre femme, Marie, travaillez fort depuis 38 ans dans l'industrie et avez une entreprise qui employait des centaines de gens et qui injectait des millions de dollars dans l'économie locale. Vous avez employé d'innombrables apprentis, des étudiants l'été et des jeunes qui démarraient dans la vie. Vous leur avez donné un emploi et, dans bien des cas, une carrière qui leur durera toute la vie.
Voici la première de mes trois questions. À quel point l'échec sur le bois d'oeuvre a‑t‑il été dévastateur pour vous, votre entreprise et d'autres entreprises?
Comme je l'ai dit, 90 % des emplois ont été perdus dans mon entreprise seulement. Dans mes discussions avec d'autres entrepreneurs des environs, les pourcentages étaient très semblables. Tout le monde emploie un nombre de travailleurs différent, mais le pourcentage demeure le même.
Vous pourriez peut‑être nous donner la valeur de votre entreprise avant les fermetures, monsieur Harder. Nous savons combien de personnes étaient à votre emploi. Vous êtes un employeur important à Fort St. John. Quelle serait la différence entre ce que valait votre entreprise et ce qu'elle vaut maintenant? Pourriez‑vous nous le dire?
Oui, nous avons atteint un sommet en 2016. C'était peu de temps après que les tarifs ne soient levés. Nous avons connu quelques bonnes années jusqu'en 2018.
À partir de là, nous avons accusé une baisse de 25 %, une chute constante jusqu'à la fin où 90 % du personnel a été remercié. Me demandez‑vous des montants? Est‑ce ce que vous cherchez à savoir?
Je vais passer à ma prochaine question, monsieur Harder. Je sais que j'ai peu de temps.
Dans les neuf dernières années, vous le savez mieux que la plupart des gens, nous avons perdu 24 moulins à bois seulement en Colombie‑Britannique. Ce gouvernement est là depuis neuf ans et n'a toujours pas signé d'accord sur le bois d'oeuvre; tandis que nous, nous en avions signé un dans les 80 premiers jours. Ce premier ministre radical et le ministre de l'Environnement radical, ainsi que leur ami proche en Colombie‑Britannique, le premier ministre Eby, devraient avoir honte des dommages qu'ils vous ont causés à vous et à des milliers de familles de travailleurs forestiers de la Colombie‑Britannique comme la vôtre.
Ma question est d'ordre personnel. Si le premier ministre et ses amis radicaux étaient assis devant vous et qu'on vous demandait de congédier quelqu'un pour son incompétence, qui voudriez‑vous congédier dans ce gouvernement néodémocrate‑libéral?
Eh bien, il s'agit d'une réponse simple à ma question.
Voici ma dernière question, monsieur Harder. En fait, je vais peut‑être en poser une autre aussi.
Le gouvernement néodémocrate‑libéral et son homologue provincial ont très mal fait en matière de gestion forestière. Vous avez parlé des incendies de forêt. Je vous ai vu au travail et tenter d'atténuer les dommages. Vous avez abattu des arbres pour faire des coupe‑feux et ce genre de choses afin de préserver cette fibre et les arbres. Nous avons vu les incendies de forêt augmenter, mais nous avons aussi entendu sur le terrain que ce gouvernement et son homologue provincial n'agissaient pas pour ce qui est de gérer les forêts. Il faudrait plutôt parler de mauvaise gestion des forêts. Encore là, la perte de bois a été colossale.
Voici ma troisième question: si on n'exploite pas la forêt et ne coupe pas des arbres, qu'est‑ce qui va arriver selon vous à cause de la perte de cette bonne intendance des forêts que permettent ces activités? Nous savons qu'une forêt où il y a de l'activité est une forêt en santé. Que se passe‑t‑il si soudain, il n'y a plus de foresterie? Est‑ce que cela donne une forêt saine?
Pas du tout, en fait. Il y a des consultants en foresterie. Nous donnons une formation sur les incendies à nos employés tous les ans. Ces consultants leur disent depuis 20 ans, concernant l'incendie de Donnie Creek, qu'ils ont dû raser certains secteurs pour créer des coupe‑feux et donner un meilleur accès aux pompiers afin de ralentir les feux et de régénérer la région, au lieu de se retrouver avec du vieux bois dégradé.
Le gouvernement provincial en a fait fi pendant très longtemps. C'est en grande partie ce qui a causé cet incendie de 620 000 hectares, sans parler des incendies de Red Creek et de Stoddart Creek qui s'ajoutent à ce bilan.
Cela m'amène à ma dernière question. Je pense que vous avez dit en réponse à cette question qu'on pose souvent dans des villes comme Toronto ou Vancouver, qu'on pourrait penser qu'il ne reste pas d'arbres à couper dans le Nord de la Colombie‑Britannique, et c'est ce qui explique toutes ces fermetures. Une perte de 50 % dans la possibilité annuelle de coupe, c'est énorme. On parle de la moitié. Nous avions un secteur de la foresterie dynamique dans la province. C'était notre meilleur secteur, le plus performant.
Voici une question très simple pour tout le monde. Avons‑nous assez d'arbres dans le Nord‑Est de la Colombie‑Britannique pour continuer à accroître la foresterie dans la province? Je pense qu'avec cette rétraction, les possibilités de croissance sont gigantesques. Même les arbres brûlés peuvent être récoltés.
Monsieur Harder, pourriez‑vous parler de cette question? Y a‑t‑il assez d'arbres dans le Nord‑Est de la Colombie‑Britannique pour que la foresterie continue d'y croître?
Tout à fait. Je pense qu'on a réalisé ces études. Je crois qu'il y a assez de forêts durables pour quatre moulins. Présentement, il n'en reste que deux en activité. L'un d'eux en ville ici n'a même pas de permis de coupe. On ne peut pas obtenir de permis de coupe. Tout cela se fait sur des terres privées, qui ne se régénèrent pas. Après quoi, il ne reste que des champs.
Merci aux témoins de prendre le temps d'être parmi nous aujourd'hui.
Nous avons entendu que le bois d'oeuvre canadien sert à construire des logements ici au Canada. Ce que mes électeurs me disent, c'est que nous devons construire ces logements plus vite. Avec notre Fonds pour accélérer les logements, nous avons investi plus de 4 milliards de dollars pour aider les municipalités à réduire la paperasserie et que les promoteurs immobiliers puissent construire ces logements pour les municipalités, bien sûr.
Nous avons entendu le chef de l'opposition officielle, M. Pierre Poilievre, dire qu'il va supprimer ce fonds. Par contre, les élus municipaux nous disent directement que la construction sera touchée, dont ceux de Brampton. Le Fonds pour accélérer les logements va aider à construire plus de 25 000 logements à Brampton. À Surrey, Saskatoon, Guelph et ici, à Ottawa, les municipalités nous disent que l'élimination du fonds va nuire à la construction de logements.
Pour revenir à l'industrie forestière canadienne, le Fonds pour accélérer les logements va accélérer la construction d'environ 750 000 logements. Je pense que quand nous focalisons sur l'industrie forestière canadienne, nous devons aussi la soutenir avec la construction de logements au pays. J'aimerais que les témoins nous parlent de la demande locale dans l'industrie de l'habitation et nous disent comment cette demande pourrait aider à résoudre certains enjeux de l'industrie et à appuyer les travailleurs canadiens.
Nous pourrions peut‑être commencer par M. Pelletier.
C'est une bonne question, une question intéressante.
Pour construire 750 000 logements, il faudrait travailler environ à la moitié du rythme annuel des États‑Unis, donc c'est un volume très grand. Je suis convaincu que nous avons la fibre, la matière et le bois nécessaires au Canada, donc je ne vois aucun obstacle qui nous empêcherait de construire ces logements avec du bois canadien.
D'accord, c'est bon à entendre. Comme vous l'avez dit, 750 000 logements, c'est beaucoup. Je pense que les électeurs de ma circonscription et du Canada s'attendent à ce que nous soutenions l'industrie et les municipalités durant la construction de ces logements. C'est donc dommage que M. Pierre Poilievre dise qu'il va supprimer ce programme très important.
Pour revenir au bois d'oeuvre, je voulais vous questionner sur nos accords commerciaux — que ce soit le PTPGP, l'AECG ou l'ACEUM — et notre accès à la région indopacifique.
Avez‑vous pensé à augmenter vos exportations vers ce marché? Qu'en pensez‑vous? Les intervenants de l'industrie vous parlent‑ils des débouchés qui existent dans la région indopacifique?
Dans la région pacifique... Nous sommes situés dans l'Est canadien et le Maine, donc c'est en dehors de nos marchés habituels.
Il y a des débouchés pour vendre du bois à l'étranger, mais il faut ajouter le coût du transport. Je pense que nous devrions nous concentrer sur la croissance du marché au Canada et en Amérique du Nord pour éviter les coûts supplémentaires liés au transport.
On importe un peu de bois européen dans le marché canadien. La plupart des importations en Amérique du Nord vont aux États‑Unis. Il y a un certain volume venant d'Amérique du Sud, mais c'est encore assez peu en comparaison à notre production intérieure.
J'ai pu poser des questions au groupe précédent sur notre gouvernement, qui met l'accent sur le bois d'oeuvre. Nous voulons nous assurer d'obtenir un bon accord, plutôt que d'obtenir un accord rapidement.
Un bon accord permettrait d'avoir de la prévisibilité. De nos jours, les taux de droit peuvent osciller de 100 % d'une année à l'autre, donc nous aimerions avoir un accord à long terme de 10 ans ou plus. Nous voudrions que cet accord soit prévisible. Nous voudrions avoir accès à une part équitable du marché américain.
Nous avons parlé des dépôts en argent comptant. On parle de plus de 10 milliards de dollars de nos jours, donc notre industrie aimerait récupérer une partie de ces dépôts, sachant que nous devrons fort probablement les partager avec les entreprises américaines ou cette coalition américaine.
De plus, nous devons envisager d'utiliser une partie de ces dépôts pour développer le marché et investir davantage en recherche et développement pour le bois massif, par exemple. Nous devons garder cela en tête.
Nous voyons cela comme une technique novatrice pour construire plus de logements à l'aide de bois massif.
Voici ma dernière question avant que mon temps ne soit écoulé. Elle concerne les parties prenantes aux États‑Unis. Quel est leur degré d'influence auprès du gouvernement américain? Y a‑t‑il des entraves qui empêchent la signature d'un accord du point de vue du gouvernement américain?
Je ne suis pas expert en droit commercial, mais si j'ai bien compris, la U.S. Lumber Coalition, qui a déposé une requête contre l'industrie canadienne, possède un droit de veto sur tous les accords. C'est important de travailler avec elle pour s'assurer qu'elle soit à l'aise avec les accords.
Lors de la première heure de cette rencontre, nous avons entendu des témoins nous parler de toutes sortes de solutions à moyen ou à long terme. On a proposé des idées de conversion pour l'industrie et des pistes de réflexion pour établir une politique industrielle. À court terme, toutefois, il faut aborder la situation difficile dans laquelle se trouve l'industrie. Le fait qu'on retienne les sommes injustement va nuire aux entreprises, parce qu'elles seront privées des liquidités qui leur reviennent.
Serait-il souhaitable que le gouvernement offre aux entreprises un programme de garantie de prêts qui compenserait les sommes retenues aux États‑Unis, ce qui leur permettrait au moins de traverser la crise?
Je crois que des programmes visant à aider les entreprises canadiennes, si le taux de droit de douane monte à 30 %, seraient probablement favorables à certaines entreprises.
Toutefois, je crois que nous devons être vigilants, parce que si ces programmes ne sont pas économiquement justifiables, ces garanties de prêts vont être vues comme des subventions directes aux entreprises. Cela ferait probablement augmenter les taux compensatoires à long terme.
La possibilité existe, mais je conviens que cela ressemblerait à des subventions, et à long terme, je ne pense pas que cela nous aiderait beaucoup.
À court terme, cela aiderait les gens à tenir jusqu'à ce que les marchés reprennent de la vigueur ou que les moulins redémarrent. Ils éviteraient ainsi de vendre leurs produits dans un marché déprimé et de perdre leur moyen de subsistance pour la plupart d'entre eux.
Je trouve vos propos intéressants, parce que vous êtes des représentants de l'industrie.
Dans la première moitié de cette rencontre, nous avons reçu un représentant de l'Institut de recherche en économie contemporaine. Il se demandait s'il ne fallait pas adopter une politique industrielle de plus grande envergure au lieu de viser seulement la sortie de crise et la fin des tarifs. C'est évidemment ce que tout le monde souhaite. Il proposait d'aller plus loin, en ce sens que les entreprises devraient utiliser davantage le bois, que l'on parle de produits de base ou de construction sur le marché intérieur. Il privilégiait aussi une diversification des exportations, soit d'exploiter non seulement le marché américain, mais aussi celui de l'Union européenne.
Selon vous, serait-il intéressant de suivre ces pistes de solution?
Le bois de sciage ou les bois d'ingénierie, comme le bois lamellé-collé, sont les seuls matériaux de construction qui sont entièrement renouvelables. Aujourd'hui, le Code national du bâtiment du Canada permet de bâtir des immeubles résidentiels ou d'autres bâtiments qui peuvent comporter jusqu'à 12 étages seulement avec du bois.
À Ottawa, il n'y a pratiquement pas d'immeubles de 12 étages qui sont construits juste avec du bois. On utilise encore du béton et de l'acier, des matériaux qui ont une empreinte écologique très négative comparativement au bois, même lorsque celui-ci est brûlé. Les produits forestiers permettent de stocker du carbone dans un bâtiment pour 300 ans. Il est possible d'augmenter considérablement la consommation de bois de sciage ici, au Canada, sur notre propre marché.
Il semble logique de retirer du marché américain une bonne partie de ce bois, qui fait l'objet de tarifs aux États‑Unis et entraîne des conséquences, comme une guerre commerciale, pour l'utiliser chez nous.
Monsieur Pelletier, en ce qui concerne la diversification des marchés, le Canada ne met-il pas tous ses œufs dans le même panier, puisqu'il n'a qu'un seul partenaire?
Historiquement, les États‑Unis ont été un grand partenaire commercial. Nous avons des relations avec des clients américains depuis quatre ou cinq décennies. Je crois que l'idée de diversifier notre marché est toujours de mise, mais je pense aussi que le marché américain devrait rester un marché actif pour les producteurs canadiens.
Les plus récents tarifs ont été annoncés en novembre 2021, et ils ont été renforcés par la suite. En novembre 2021, il y avait eu une annonce de tarifs supplémentaires à Washington. C'était avant que le premier ministre envoie les lettres de mandat à ses ministres.
Je suis désolé de vous interrompre, mais il ne me reste que 30 secondes.
Dans le rapport déposé par le Comité en novembre 2023 sur une étude menée l'an dernier, le Comité recommandait que le gouvernement du Canada nomme un émissaire officiel du Canada pour le bois d'œuvre résineux. Cet émissaire serait chargé de dialoguer avec les responsables américains pour soutenir les efforts du Canada visant à amener le gouvernement américain à négocier un règlement du différend actuel sur le bois d'œuvre. À ma connaissance, cela n'a pas été fait.
Selon vous, la nomination d'un émissaire pourrait-elle être bénéfique? Ne devrions-nous pas faire davantage de pression pour accélérer le processus de nomination?
Je pose la question aux deux témoins, mais j'imagine qu'ils devront se limiter à répondre par « oui » ou par « non ».
Merci beaucoup, madame la présidente, et merci aux témoins d'être avec nous dans le cadre de notre étude.
Bien sûr, le problème le plus important que nous étudions en ce moment, c'est le fait que nos exportations de bois d'œuvre vers les États-Unis sont frappées de droits de douane, et c'est le problème le plus grave lié à cette étude. Ce qui me préoccupe et préoccupe, je pense, les Canadiens d'un bout à l'autre du pays, ce sont les trois principales répercussions de ces droits de douane. Premièrement, il en coûte plus cher aux producteurs pour faire concurrence à des produits similaires sur le marché américain. Deuxièmement, l'abordabilité en prend un coup au Canada, en partie à cause de cela. Enfin, nous ne voyons pas de fin à la situation très peu susceptible... très incertaine qui nous attend, bien sûr, au lendemain des élections américaines.
Monsieur Pelletier, il est clair que, depuis l'imposition de nouveaux droits de douane sur le bois d'œuvre canadien par l'administration Trump en 2017, ces droits sont parmi les plus élevés que les conservateurs au sud de la frontière aient jamais imposés aux industries canadiennes. En 2017, l'administration Trump a dit très clairement qu'elle allait imposer ces droits, et ce, depuis la fin de l'accord en 2015.
Comment l'industrie s'est-elle préparée avant le mouvement conservateur américain de 2017 visant à interdire les produits canadiens, et en particulier des produits comme le bois d'œuvre? Comment l'industrie s'est-elle préparée à cela en 2017, en sachant que l'accord avait expiré en 2015?
Plusieurs rencontres ont eu lieu entre les dirigeants de l'industrie. Certaines étaient présidées par la ministre des Affaires mondiales de l'époque, la ministre Freeland. Il y a eu également beaucoup de discussions sur les façons de nous préparer à ce différend commercial, sur les leviers juridiques que nous pouvions utiliser pour expliquer et défendre la position canadienne, et sur les façons de nous préparer aussi à répondre à des questions que le département du Commerce américain ne manquerait pas de nous poser.
À ce sujet, monsieur Pelletier — et je suis très heureux que vous ayez soulevé ce point —, les conservateurs aux États-Unis ont fait valoir à l'époque, lorsqu'ils ont imposé ces droits de douane historiquement élevés, que c'était parce que les entreprises canadiennes profitent grandement des terres subventionnées. Voulez-vous nous expliquer ce que cet argument signifie pour les Canadiens ici au pays et pourquoi ce n'est pas un argument valable qui justifie que les grands producteurs américains de bois d'œuvre demandent que les conservateurs américains imposent ces droits de douane?
Je pense que le point de vue au sud de la frontière est que certains producteurs de bois d'œuvre canadiens, surtout en Colombie-Britannique, en Alberta, au Québec et en Ontario, profitent d'un approvisionnement garanti provenant des terres publiques. Je pense que c'est la perception qu'a la U.S. Lumber Coalition.
Un rapport a été commandé pour examiner l'incidence réelle de cela sur notre économie. Connaissez-vous le montant de la subvention que ce régime foncier représentait pour ces entreprises, ou le pourcentage?
Ne vous inquiétez pas, monsieur Pelletier. Fort heureusement, j'ai l'information, et c'est moins de 1 %. Les conservateurs aux États-Unis essaient de protéger leur industrie en disant que les entreprises canadiennes profitent d'une subvention, parce que le bois provient des terres publiques. C'est l'argument que nos homologues américains utilisent. Ils restent cohérents à cet égard.
Cependant, ils continuent d'augmenter les droits de douane. Voilà le problème. Pensez-vous que l'accès aux terres publiques est une subvention et qu'elle augmente, monsieur Pelletier?
Nous exploitons des scieries au Nouveau-Brunswick. Je ne peux pas vraiment juger de ce qu'il en est dans les autres provinces au Canada, mais au Nouveau-Brunswick, je sais que les terres publiques ne sont pas une subvention.
Exactement. C'est ce sur quoi nous avons besoin que le gouvernement canadien s'efforce d'obtenir des précisions dès maintenant.
Pour revenir à ce que vous avez dit, vous avez parlé d'une entente de règlement dans votre déclaration préliminaire, et j'aimerais avoir des précisions au sujet de ce que vous proposez. S'agit‑il d'une entente de règlement qui concerne les poursuites intentées par le gouvernement relativement à l'annonce du 8 août, ou d'une poursuite antérieure?
En ce qui concerne l'Accord Canada—États-Unis—Mexique, l'ACEUM, le Comité en examinera bientôt divers éléments. Il s'agit d'un accord opérationnel important.
Comme vous le savez, un conservateur au sud de notre frontière a forcé le Canada et le Mexique à conclure un accord qui n'est pas nécessairement avantageux pour nos industries. Bien sûr, les intérêts conservateurs américains pèsent souvent très lourd en Amérique du Nord et l'emportent souvent dans notre économie.
Comment recommandez-vous de modifier l'ACEUM pour nous assurer que les entreprises et les propriétaires canadiens peuvent lutter contre les droits de douane imposés par les conservateurs américains?
Nous sommes préoccupés par le processus d'appel prévu dans l'ACEUM. Comme j'y ai fait allusion plus tôt, l'ACEUM prévoit que le groupe spécial a un an pour rendre sa décision, mais nous attendons déjà depuis cinq ans.
Je pense qu'il faut être plus prescriptif sur le processus de nomination des groupes spéciaux, leur mode de fonctionnement et la façon de rendre leurs décisions.
Merci, messieurs Harder et Pelletier, d'être ici. Il s'agit d'une étude importante pour un secteur qui emploie plus de 400 000 Canadiens.
Aujourd'hui, vos commentaires nous donnent une idée de la frustration des propriétaires d'entreprises, des collectivités et des travailleurs qui sont touchés par ce que j'appellerais l'inaction du gouvernement à régler le problème des droits de douane sur le bois d'œuvre. Neuf ans et trois présidents américains plus tard, le gouvernement n'est toujours pas capable de le régler. Pourtant, nous avons déjà eu un gouvernement qui l'a fait en 79 jours. Cette inaction a coûté au secteur de 9 milliards à 10 milliards de dollars environ en droits de douane imposés par les États-Unis.
En août, les États-Unis ont annoncé qu'ils allaient faire passer ces droits de 8 % à 14 %. À ce moment, notre ministre du Commerce internationala dit que c'était décevant. Nous avons entendu le premier ministre déclarer à la télévision américaine qu'il s'agissait d'un roblème mineur. Je ne qualifierai pas cela de décevant, mais plutôt de dévastateur pour les entreprises concernées et, surtout, pour les travailleurs et les collectivités dans lesquelles ils vivent.
Vous savez, en septembre, juste après l'annonce de l'augmentation des droits, Canfor, en Colombie-Britannique, a annoncé la fermeture des scieries de Vanderhoof et de Fort St. John. Cela représente 500 emplois.
Selon Statistique Canada, 90 000 emplois ont été perdus dans le secteur depuis 1990. Il y en a eu 40 000 en Colombie-Britannique seulement. Vingt-quatre usines ont fermé leurs portes dans cette province depuis 2016.
Je vais commencer par vous, monsieur Harder.
Quelles ont été les répercussions de cet échec du gouvernement sur les collectivités et les travailleurs de votre région?
Ces répercussions sont très importantes. En fait, les 500 emplois n'incluraient que ceux à Chetwynd North. Cela n'inclurait même pas ceux à Vanderhoof; le nombre serait encore plus important que cela.
Des agriculteurs — beaucoup de bûcherons ici sont aussi agriculteurs — nous ont dit qu'ils ne savaient pas comment ils allaient pouvoir poursuivre leurs activités agricoles, parce qu'ils comptent sur ce revenu d'appoint pour les aider à le faire. L'effet d'entraînement sera très important.
Les gens à qui je parle, les commerçants, me disent... Certains d'entre eux parlent d'une réduction de leurs ventes de 10 % — c'est la plus faible —, mais la plupart parlent d'une réduction de 20 % à 25 % de leurs ventes qui est liée à la fermeture de l'usine.
Ce qui est particulièrement frustrant, c'est qu'en novembre dernier, le Comité a déposé son 12 e rapport. Il s'intitulait Imposition de droits antidumping et compensateurs sur certains produits canadiens de bois d'œuvre. Il contenait sept recommandations, toutes acceptées par le gouvernement.
La première réponse à la recommandation comprenait même le passage suivant: « Le gouvernement continuera d’interpeller les États-Unis en vue d’accélérer la cadence des procédures impartiales de règlement des différends, dans l’objectif ultime de régler le différend sur le bois d’œuvre résineux. »
Ce qui m'a frappé, ce sont les mots « accélérer la cadence ». Cela fait maintenant neuf ans. Qu'attend le gouvernement? Mon collègue a mentionné que le règlement de ce différend ne figure même pas dans la lettre de mandat de la ministre du Commerce international.
Comment peut‑on accélérer la cadence quand on a un gouvernement au pouvoir qui pense qu'il s'agit simplement d'un problème mineur?
De toute évidence, le gouvernement ne considérait pas cela comme une très grande priorité, car il est un peu difficile de négocier si l'on attend jusqu'à la toute dernière minute pour s'y mettre.
Monsieur Pelletier, vous devez éprouver un sentiment de frustration par rapport à ce qui se passe dans l'Est du Canada en raison de l'absence d'un règlement de ce différend.
Oui, c'est très préoccupant. C'est préoccupant pour nous, chez Irving, c'est préoccupant pour les membres de l'association des producteurs de bois d'œuvre du Nouveau-Brunswick et aussi pour toutes les collectivités rurales. Nous avons des entreprises qui exercent leurs activités dans 70 % des collectivités rurales du Nouveau-Brunswick. Le niveau d'anxiété est plus élevé depuis que nous payons des droits de 14 %, et les gens savent que ce pourcentage sera bientôt de 30 %.
Nous devons agir. Nous devons faire en sorte que les États-Unis s'engagent dans des négociations sérieuses.
Je viens de Sault Ste. Marie, dans le Nord de l'Ontario, une région qui couvre 90 % de la superficie de l'Ontario et compte environ 8 % de la population. Il y a beaucoup d'activités forestières dans le Nord de l'Ontario.
Je veux rebondir sur le témoignage de M. Pelletier concernant les différences entre les provinces. Je tiens à préciser qu'il y a beaucoup de Pelletier à Dubreuilville et à Sault Ste. Marie. Ce sont de très bonnes personnes.
J'ai eu un colocataire de Dalhousie, au Nouveau-Brunswick, et sa famille travaillait dans l'industrie forestière. Nous avions l'habitude de discuter assez souvent de ces différences. Il s'appelait Ferlatte. Son père était consultant et voyageait d'un bout à l'autre du pays. Il y a lieu de souligner notamment que ce différend sur le bois d'œuvre dure depuis 30 ans. Pendant cette période, nous avons eu neuf premiers ministres.
J'ai aimé votre observation, à savoir que les magnats du bois d'œuvre ont un droit de veto et sont très puissants. Quelle est l'importance de cela, monsieur Pelletier?
J'ai parlé à mon ancien colocataire et à des gens de l'industrie du fait que les Américains continuent d'acheter notre bois d'œuvre en raison de la demande... Ils ne peuvent pas en produire suffisamment aux États-Unis, en raison principalement de toutes les catastrophes qui s'y produisent et sont dues aux changements climatiques. Ces catastrophes détruisent des maisons à un rythme record et ils les reconstruisent, alors ils doivent acheter notre bois.
L'une des initiatives que j'ai trouvées efficaces... Je viens d'une ville sidérurgique, où se trouve Aciers Algoma. Nous sommes allés aux États-Unis et nous avons fait en sorte qu'ils comprennent ce que sont ces droits de douane, soit une taxe pour les Américains, parce qu'ils achètent toujours notre bois. Nous avons un excellent bois, produit d'une excellente façon, et nous avons d'excellents réseaux de transport qui peuvent l'acheminer là‑bas de façon fiable.
Monsieur Pelletier, êtes-vous d'accord avec cette terminologie, à savoir qu'il s'agit en fait, au bout du compte, d'une taxe imposée aux Américains qui achètent notre bois? Ils sont aux prises avec une grave crise du logement, et les catastrophes climatiques amplifient la demande. Comment devrions-nous nous y prendre pour faire passer ce message aux États-Unis?
Il y a différentes organisations aux États-Unis qui prennent très au sérieux le coût des matériaux de construction, notamment les associations de propriétaires ou de détaillants. Elles ont fait du lobbying dans le passé. Elles ont envoyé des lettres au Capitole pour soulever la question des droits de douane sur le bois d'œuvre, qui réduit probablement l'accès au bois d'œuvre en provenance du Canada ou d'autres pays.
Par votre entremise, madame la présidente, j'aimerais demander aux témoins s'il serait logique que notre comité se rende là‑bas après les élections, car certains parlent d'une hausse générale des droits de 10 %.
Tout d'abord, j'aimerais savoir ce que signifierait une augmentation de 10 % pour l'industrie forestière au Nouveau-Brunswick, si cela devait se produire.
Une augmentation de 10 % serait dévastatrice pour l'industrie du Nouveau-Brunswick. Je m'attendrais à ce que bon nombre de nos activités soient réduites. Étant donné que nous sommes fortement intégrés à d'autres secteurs de produits forestiers, la fermeture de scieries aurait également une incidence sur les usines de papiers tissu, les papetières et les usines de granules de bois.
Dans une des municipalités du Nord de l'Ontario, White River, l'usine a rouvert ses portes. En fait, elle a fermé ses portes lorsque Stephen Harper était premier ministre, mais elle a récemment rouvert ses portes, et ce, dans le cadre d'un partenariat avec les Premières Nations de la région, avec les Anishinabes.
Selon vous, dans quelle mesure est‑il important pour le secteur forestier de travailler avec les peuples autochtones du Canada pour gérer et faire croître l'industrie forestière?
Il est très important de travailler avec nos Premières Nations. Aujourd'hui, je ne peux pas imaginer un système dans lequel elles ne sont pas consultées lorsque nous exploitons des terres publiques. Il serait probablement utile de les avoir à la table également lorsque nous parlons des différends commerciaux et de leur incidence sur notre industrie.
Je vais revenir au fait que nous n'avons pas encore d'entente.
Je suis assez d'accord avec mes collègues conservateurs pour dire que cette absence d'entente n'a pas de sens. Par contre, je suis aussi d'accord avec mes collègues libéraux pour dire qu'une absence d'entente vaut parfois mieux qu'une mauvaise entente. Autrement dit, il faut en conclure une, mais elle doit être bonne. Une entente perdante ne nous avancerait guère.
Comment expliquez-vous qu'il n'y ait toujours pas d'entente? Est-ce la meilleure voie à suivre, la seule solution pouvant être considérée durable à moyen ou à long terme?
Comme je l'ai dit plus tôt, il n'y a pas eu de négociations. Il n'y a eu aucune mobilisation avant la toute dernière minute, et on ne négocie pas avec un négociateur puissant à la dernière minute. Il faut commencer bien plus tôt.
Allons un peu plus loin. Imaginons une entente qui ne serait pas conclue au rabais. Parlons d'abord de l'entente idéale, ensuite de l'entente réaliste et, enfin, de l'entente qu'on ne veut surtout pas voir se concrétiser.
À mon avis, une entente réaliste permettrait aux producteurs canadiens de continuer à avoir un accès raisonnable au marché américain et de récupérer une partie importante de leurs dépôts.
Monsieur Desjarlais, vous avez deux minutes. J'essaie de donner aux autres membres du Comité l'occasion de s'exprimer, alors veuillez vous en tenir à deux minutes.
Monsieur Pelletier, en 2017, lorsque l'administration Trump a imposé des droits de douane sur le bois d'œuvre canadien, ils ont atteint 24 % pour certaines entreprises.
Le chiffre de 3 % ne concernait que la partie des droits compensateurs, et il faut ajouter les droits antidumping que nous avons payés — ce que nous appelons le taux « pour tous les autres droits » —, soit la moyenne canadienne. Je pense donc que c'était 3 % plus 6 %, pour un total de 9 %, ou près de 9 %.
Oui, les plus grandes. Irving était un répondant volontaire, ce qui veut dire que nous étions la seule entreprise canadienne à l'époque qui voulait être examinée volontairement par le département du Commerce des États-Unis. C'est pourquoi nous avons reçu notre propre taux. Le taux moyen pondéré pour ces cinq entreprises était beaucoup plus élevé que le nôtre parce que nous avons fait la démonstration que le niveau des subventions au Nouveau-Brunswick est presque nul.
Si je comprends bien, pour en venir à une entente, il faut que ce soit une priorité des deux pays. Or, on dirait qu'on se met un peu la tête dans le sable.
Selon vous, si le gouvernement n'a pas été capable d'en arriver à une entente à ce jour, est-ce parce qu'il n'en a pas fait une priorité?
Lorsque le premier ministre est entré en poste, en 2015, Barack Obama était le président des États‑Unis. On disait qu'ils étaient de grands amis. Si l'entente avait été une priorité à ce moment-là, elle aurait dû être conclue.
Avez-vous été déçu par le gouvernement Obama? Le premier ministre et le président avaient pourtant de bonnes relations?
Il faut considérer plusieurs éléments. Au début du conflit, plusieurs producteurs canadiens croyaient que la voie juridique allait servir à l'industrie canadienne. C'est donc cette voie qui a été suivie en priorité au départ. Malheureusement, cette option n'a pas bien fonctionné pour l'industrie canadienne.
De plus, la ministre des Affaires étrangères, à l'époque, a dû composer avec le fait que l'industrie canadienne n'était pas toujours bien alignée sur l'industrie américaine, ce qui a rendu les choses difficiles pour elle. Ce n'est plus le cas, aujourd'hui, car notre industrie est bien alignée sur celle des États‑Unis.
Monsieur Pelletier, croyez-vous que le retard du Canada à suivre certaines politiques américaines peut nuire à de bonnes négociations relativement à une éventuelle entente sur le bois d'œuvre? Je pense à ce qui s'est passé concernant les tarifs imposés par la Chine, par exemple. Le Canada a été lent à réagir sur ce dossier.
Je pense qu'il doit y avoir un problème quant au leadership. Pour ma part, j'ai participé toute ma vie à des négociations. Vous allez me dire que ce n'est pas pareil, mais il demeure que, pour réussir à conclure des accords, il faut avoir du leadership.
Si les Américains n'ont pas pour priorité de négocier avec le Canada, celui-ci doit en faire sa priorité. Il doit faire preuve de leadership et amener l'autre partie à la table des négociations. C'est pour ça que je m'interroge à ce sujet.
Vous avez parlé d'un petit groupe qui a l'air d'être dérangeant quant à ces négociations. C'est la première fois que j'en entends parler.
Je parlais de certains producteurs canadiens qui n'étaient pas entièrement alignés sur la stratégie de négociation. Je disais que cela pouvait rendre le travail plus difficile pour la ministre, à l'époque.
Aujourd'hui, la plupart des acteurs de l'industrie canadienne veut entamer que l'on entame des négociations et que la ministre actuelle et le premier ministre s'impliquent dans le dossier. On croit qu'ils doivent tous deux s'y engager pour que le dossier avance.
Merci aux deux témoins d'être avec nous, aujourd'hui.
On sait très bien que le gouvernement canadien est préoccupé par cette situation et qu'il continue à soutenir le secteur par des investissements, notamment dans des initiatives visant à lutter contre les incendies de forêt et à faire de la prévention. Le gouvernement a investi plus de 800 millions de dollars dans le secteur.
Beaucoup d'investissements ont aussi été faits dans le secteur de la transformation de l'industrie forestière. On parle d'un programme de 130 millions de dollars visant à accélérer l'adoption de technologies transformatrices et à créer des produits novateurs. En attendant la signature de l'entente, il y a des choses qui se passent.
Monsieur Pelletier, lors de votre présentation, vous avez mentionné que vous et d'autres partenaires du secteur pourriez nous aider. Vous voudriez jouer un rôle à la table des négociations.
Pourriez-vous renchérir sur cela et expliquer comment les négociations pourraient se poursuivre avec l'appui de votre secteur? J'aimerais comprendre davantage quelle serait la contribution de votre secteur aux négociations.
Une des approches possibles est de travailler directement avec le gouvernement canadien actuel afin de s'assurer que la prochaine entente sera bien coordonnée avec l'industrie canadienne. Celle-ci doit pouvoir faire confiance aux balises et aux processus qui seront mis en place.
Plus tôt, il a été question du potentiel existant quant aux marchés.
Selon vous, quels sont les autres marchés que le secteur pourrait considérer, qu'il s'agisse du marché américain ou d'autres marchés, pour conclure plus d'ententes?
Il faut toujours considérer les marchés du Pacifique ou les marchés européens. Par contre, comme on l'a mentionné un peu plus tôt, la plus belle occasion à saisir concerne le marché intérieur. On pourrait utiliser davantage la fibre canadienne, surtout les bois d'ingénierie, lors de nouveaux projets de construction pour des bâtiments de 10 à 12 étages.
Aujourd'hui, on n'occupe pas encore ce marché. En fait, on le laisse aux industries du béton et de l'acier.
Oui, mais il n'y a pas encore de politique claire et suffisamment persuasive pour voir un changement réel dans ce secteur.
Le Conseil canadien du bois, qui a une division technique, a permis de faire avancer le Code national du bâtiment au Canada. Il y a des percées, mais le Canada n'a pas encore été capable d'aller chercher le maximum de ce marché.
Il y a le marché de la bioénergie, qui est toujours disponible au Canada. Encore une fois, dans les marchés européens ou les marchés du Pacifique, il y a un besoin pour ce qui est de nouvelles mises en chantier, et la fibre canadienne pourrait répondre à ces besoins.
Merci beaucoup à nos deux témoins. Nous vous sommes très reconnaissants.
Pour la gouverne du Comité, la réunion de mercredi portera sur l'examen des ébauches de rapport pour l'étude sur les chaînes d'approvisionnement et l'étude sur les produits de la mer.