:
La séance est ouverte. Nous sommes six, alors nous pouvons commencer la réunion et entendre les témoins.
Bienvenue à la 106 e réunion du Comité permanent du commerce international.
Avant de commencer, j'aimerais demander à tous les députés et rappeler aux autres participants en personne de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents acoustiques.
Veuillez garder à l'esprit les mesures préventives en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes.
Utilisez uniquement une oreillette noire approuvée. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Gardez toujours votre oreillette éloignée de tous les microphones. Lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, placez‑la face vers le bas, sur l'autocollant posé sur la table à cet effet.
Merci à tous pour votre coopération.
La réunion d'aujourd'hui est hybride.
Les députés présents dans la salle sont priés de lever la main s'ils souhaitent prendre la parole. Pour les députés sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « Lever la main ».
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Si des problèmes techniques surviennent, veuillez m'en informer immédiatement. Nous allons suspendre la séance pour nous assurer que tout le monde a accès à l'interprétation.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 17 octobre 2023, le Comité entreprend son étude des effets des politiques américaines et européennes d'importation des produits de la mer sur l'industrie de la pêche au Canada.
Vous devriez tous avoir reçu une copie d'une ébauche de budget d'environ 20 000 $ pour cette étude.
Est‑ce que quelqu'un a des préoccupations au sujet du budget?
Je propose que la motion soit approuvée.
Des députés: D'accord.
La présidente: Merci beaucoup.
Pour notre premier groupe de témoins, nous accueillons aujourd'hui, du ministère des Pêches et des Océans, Sylvain Vézina, directeur général régional, Région du Québec, par vidéoconférence; Adwaite Tiwary, directeur, Politique commerciale et de marché; et Todd Williams, directeur général par intérim, Gestion des ressources halieutiques.
Ensuite, nous accueillerons, du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Michelle Cooper, directrice générale, Secrétariat de l'accès aux marchés.
Bienvenue à tous. Vous savez comment ça fonctionne, alors nous avons commencé notre réunion afin que nous puissions tous vous entendre. Au moment opportun, nous suspendrons la séance pour le vote, puis nous reprendrons après le vote, avec l'approbation des membres du Comité.
Monsieur Tiwary, je vous invite à faire une déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes, s'il vous plaît.
:
Madame la présidente et membres du Comité, bonjour.
Je m'appelle Adwaite Tiwary et je suis le directeur de la politique commerciale et des marchés à Pêches et Océans Canada.
[Traduction]
Je suis accompagné aujourd'hui de mes collègues Todd Williams, directeur général par intérim, Gestion des ressources halieutiques, et Sylvain Vézina, directeur général régional, Région du Québec.
[Français]
Je suis heureux d'avoir l'occasion de me présenter devant le Comité au nom du ministère, pour discuter du commerce international du poisson et des produits de la mer canadiens récoltés de manière durable et provenant d'une source responsable.
[Traduction]
Le rôle de mon équipe au sein du ministère est de soutenir la croissance économique du secteur en l'aidant à accéder aux marchés et à identifier les opportunités de diversification. Mon équipe contribue également au mandat du MPO, qui consiste à veiller à ce que le commerce du poisson et des fruits de mer s'appuie sur des dispositions ambitieuses axées sur la durabilité et la conservation des ressources marines dans nos accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux. Dans le cadre de ce travail, mon équipe travaille en étroite collaboration avec Affaires mondiales Canada et Agriculture et Agroalimentaire Canada.
[Français]
La réputation du Canada en matière de poissons et de fruits de mer de haute qualité et récoltés de manière durable n'est plus à faire. Nous sommes bien placés pour répondre à certaines exigences en matière d'accès au marché.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Par exemple, l'année dernière, le Canada a exporté 7,6 milliards de dollars de poissons et de fruits de mer vers 115 pays. De ce montant, 4,9 milliards de dollars de produits sont allés aux États‑Unis, notre principal marché d'exportation, et 421 millions de dollars de ces produits, à l'Union européenne, notre troisième marché d'exportation.
[Traduction]
Puisque nous sommes ici aujourd'hui pour parler de notre commerce avec les États-Unis et l'Union européenne, il est important de noter que le Canada a conclu des accords commerciaux avec les États-Unis et l'Union européenne. L'accord Canada-États-Unis-Mexique, ou ACEUM, et l'accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, ou AECG, ont favorisé un accès constant et stable pour nos poissons et nos fruits de mer.
[Français]
Cela dit, les exigences et les politiques en matière d'accès au marché peuvent évoluer au fil du temps, et je reconnais que certaines mesures proposées par les États‑Unis et l'Union européenne pourraient avoir des conséquences pour le Canada.
[Traduction]
En ce qui concerne les États-Unis, ce marché a des exigences distinctes, notamment celles liées à la loi américaine sur la protection des mammifères marins, ou MMPA. Les dispositions de la MMPA visent à protéger les mammifères marins contre les dommages causés par les activités de pêche et d'aquaculture.
À partir de 2026, pour conserver l'accès au marché américain, les pays pêcheurs qui exportent du poisson ou des produits de la pêche devront mettre en place des mesures comparables aux normes américaines pour réduire les prises accessoires de mammifères marins lors des opérations de pêche commerciale et d'aquaculture.
Passons maintenant à l'Union européenne. Quelques exigences en matière d'accès au marché sont dignes de mention.
Par exemple, en 2009, l'Union européenne a adopté un nouveau règlement visant à garantir que les produits issus de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée n'entrent pas sur leurs marchés. Le règlement de l'UE sur la pêche INN exige que tous les pays qui exportent du poisson et des fruits de mer fournissent un certificat de capture pour chaque cargaison exportée.
En réponse, le Canada a élaboré un programme de certification des prises. Ce programme soutient le rôle plus général du Canada dans la prévention, la dissuasion et l'élimination de la pêche INN.
[Français]
Je voudrais maintenant me concentrer sur les produits dérivés du phoque. L'Union européenne était autrefois le plus grand marché du Canada pour les produits dérivés du phoque, avec des ventes atteignant 5,4 millions de dollars en 2006. En 2009, l'Union européenne a introduit un règlement interdisant l'importation et la vente de tous les produits dérivés du phoque. Depuis lors, les ventes sont pratiquement nulles. Quelques exceptions ont été introduites en 2015 pour les produits certifiés autochtones et les biens achetés par des voyageurs pour leur usage personnel. Malgré ces exceptions, le marché canadien des produits dérivés du phoque ne s'est jamais rétabli.
[Traduction]
Le 15 mai 2024, la Commission européenne a lancé une évaluation de l'efficacité de sa politique interdisant l’importation des produits dérivés du phoque. Le MPO travaille en étroite collaboration avec les parties prenantes et les ministères fédéraux dans le cadre de ce processus. Nous voulons nous assurer que l'Union européenne prenne en considération la nature durable et sans cruauté de la chasse aux phoques au Canada, que les voix du secteur canadien de la chasse aux phoques soient entendues et que l'Union europennée comprenne l'impact de l'interdiction sur les communautés côtières et autochtones du Canada.
[Français]
Je vous remercie de votre attention. Je répondrai volontiers à vos questions.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
D'abord, je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à M. Vézina.
J'aimerais commencer par parler des nouvelles exigences imposées par les États‑Unis dans la Marine Mammal Protection Act, la MMPA.
J'aimerais que vous vous étendiez davantage sur ce sujet, surtout à propos des restrictions et de leurs répercussions pour le Canada.
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie l'ensemble des témoins.
Ma question s'adressera aux représentants des ministères. D'abord, j'aimerais faire une petite mise en situation.
En novembre dernier, on apprenait que les États‑Unis allaient attendre jusqu'à la fin de 2025 pour évaluer les pratiques de leurs partenaires commerciaux avant de décider si les mesures de protection des mammifères marins sont suffisantes, c'est-à-dire si elles sont à la hauteur des normes américaines.
Les États‑Unis interdisent présentement l'importation de produits de la mer dont la pêche pourrait causer le décès accidentel ou des blessures graves aux mammifères marins, comme la baleine noire, une espèce en danger qu'on trouve dans le golfe du Saint‑Laurent, une zone de pêche fréquentée par des pêcheurs du Québec et des Maritimes. On sait que la National Oceanic and Atmospheric Administration, l'équivalent américain du ministère des Pêches et des Océans, pourrait tout simplement décider de priver le Québec et le Canada de leur accès au marché américain à partir du 1er janvier 2026 si elle considère que les mesures canadiennes ne sont pas suffisantes. Il y a donc un potentiel litige commercial.
Vous avez présenté des statistiques sur les exportations. Pouvez-vous nous en donner sur le nombre d'emplois qu'il y a dans ce domaine au Canada? Combien de pêcheurs avons-nous, ici?
:
L'Union européenne s'est dite préoccupée par la méthode de la chasse au phoque.
La semaine dernière, l'Union européenne a annoncé le lancement d'une consultation pour obtenir des commentaires sur son règlement d'interdiction. La consultation, lancée le 15 mai, se poursuivra au cours des deux ou trois prochains mois, jusqu'au 7 août.
Il y a quelques exceptions à l'interdiction actuelle, notamment l'exception autochtone pour les produits certifiés comme ayant été récoltés par des Autochtones.
Nous travaillons avec les intervenants, les collectivités autochtones et les gouvernements des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut pour présenter notre point de vue.
:
Nous reprenons nos travaux. Merci beaucoup à tous.
Nous accueillons maintenant, par vidéoconférence, M. Colin Sproul, qui est président de la Bay of Fundy Inshore Fisherman's Association.
Du Canadian Whale Institute, nous avons Mme Moira Brown, scientifique principale, qui comparaît aussi par vidéoconférence.
Bienvenue. Nous allons commencer par vos déclarations préliminaires à tous les deux.
Monsieur Sproul, je vous invite à faire votre exposé. Vous avez cinq minutes tout au plus. Allez‑y, s'il vous plaît.
:
Madame la présidente, je vous remercie beaucoup de l'occasion de vous présenter nos observations.
Je comparais devant vous aujourd'hui au nom de la Bay of Fundy Inshore Fishermen's Association, dont je suis le président. Depuis 28 ans, nous représentons les familles de pêcheurs propriétaires-exploitants sur les rives de la baie de Fundy, en Nouvelle-Écosse. Notre groupe a des antécédents remarquables de promotion de pratiques de pêche durables et de gestion communautaire des pêches.
Durant cette période, notre engagement à l'égard d'une utilisation responsable des ressources nous a menés à établir des partenariats avec de nombreux groupes du milieu universitaire et de la communauté de la conservation. Notre tradition de coopération avec les gouvernements et les organismes de réglementation à tous les échelons nous a valu une réputation d'allié précieux sur les enjeux liés aux océans. Nos membres sont fiers de cet héritage et sont déterminés à préserver notre mode de vie pour les générations futures de Néo-Écossais.
Aujourd'hui plus que jamais, l'évolution de la réglementation internationale a une incidence directe sur les pêcheurs. Dans le passé, ces questions concernaient davantage les exportateurs de l'industrie, mais aujourd'hui, les pêcheurs sont confrontés à des demandes directes à agir.
La plus importante demande est liée à la MMPA des États-Unis, qui exige que les pêcheurs canadiens se conforment à des normes semblables pour conserver l'accès au marché américain pour les produits de la mer canadiens.
À cette fin, des efforts colossaux sont en cours et continuent d'évoluer. En effet, les groupes de conservation et les organismes de pêche collaborent avec les organismes de réglementation pour assurer à nos amis américains que nous pouvons et ferons notre part pour conserver et protéger les mammifères marins sur notre territoire de pêche. Nous pensons que cette approche coopérative est la bonne, et elle est orientée par des organismes comme le Canadian Whale Institute et la Fédération canadienne de la faune.
Ces groupes, en particulier, comprennent les besoins et les priorités de l'industrie de la pêche et déploient d'importants efforts pour chercher à [difficultés techniques] travailler en collaboration avec les pêcheurs.
Le gouvernement du Canada peut contribuer à ces progrès importants en continuant de faire place aux points de vue de l'industrie dans l'examen du financement de projets des ONG dans ce domaine.
Nous savons que notre industrie peut coopérer avec ces organisations et obtenir de meilleurs résultats pour tous les intervenants lorsque ses points de vue sont respectés et pris en compte dans la prise de décision. Il incombe au gouvernement de soutenir leur important travail plutôt que d'appuyer des groupes qui cherchent uniquement à faire obstacle à une industrie d'une importance capitale pour notre économie.
Il est impératif que le gouvernement s'efforce de faire connaître nos succès aux organismes de réglementation et aux consommateurs américains. Beaucoup d'inexactitudes véhiculées aux États-Unis ne sont pas réfutées par le MPO.
Récemment, les organismes de réglementation américains ont imposé une augmentation de la taille minimale des homards pouvant être pêchés dans les eaux américaines afin d'augmenter le nombre de homards juvéniles dans le golfe du Maine, de sorte que les pêcheurs canadiens sont confrontés à un dilemme: devons-nous emboîter le pas et augmenter la taille minimale au Canada?
Cela entraînerait une baisse des débarquements initiaux en raison du rejet d'une classe de taille de homard auparavant exploitable. D'un autre côté, l'inaction pourrait entraîner la perte de l'accès au marché américain, ce que notre industrie ne peut pas se permettre, puisque les États-Unis représentent une part importante du marché.
Il reste des aspects pour lesquels nous devons faire davantage. Il faut notamment établir des liens directs entre les pêcheurs côtiers indépendants et les marchés internationaux. Il s'agit d'une idée précieuse à laquelle le gouvernement a consacré très peu d'efforts.
Le plus important à souligner, peut-être, est l'incapacité de l'actuel gouvernement de nommer un ambassadeur canadien de la conservation des pêches pour représenter notre industrie au nom de tous les Canadiens. En raison de cette négligence, l'industrie se retrouve parfois sans voix sur la scène internationale, ou constate que sa voix est supplantée par celle d'ONGE transnationales ayant des programmes servant leurs propres intérêts et du financement étranger.
La vérité, c'est que nous avons une histoire qui mérite d'être racontée à l'étranger. C'est une histoire positive de respect à l'égard des eaux dont nous dépendons, d'un engagement envers une gestion des pêches fondée sur la science et d'une volonté de travailler en collaboration avec nos partenaires nationaux et internationaux pour accroître la valeur et la pérennité de l'industrie la plus importante du Canada atlantique.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie. Je suis prêt à répondre à vos questions.
:
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, merci.
Je m'appelle Moira Brown. Je suis scientifique principale au Canadian Whale Institute, situé sur l'île Campobello, au Nouveau-Brunswick, au large de la baie de Fundy. Je suis également scientifique émérite au New England Aquarium de Boston, au Massachusetts. Je suis chercheuse depuis 39 ans, et mon travail se centre sur la science et la conservation de la baleine noire de l'Atlantique Nord, une espèce en danger critique d'extinction, dans toute son aire de répartition au Canada et aux États-Unis.
Certains résultats de recherche ont servi à élaborer des plans d'action et de rétablissement des baleines noires au Canada en vertu de la Loi sur les espèces en péril. Au début, mon travail de conservation était axé sur la collaboration avec l'industrie du transport maritime afin de réduire le risque de collisions entre navires et baleines dans les Maritimes. J'ai dirigé un groupe de travail composé d'intervenants de l'industrie, de scientifiques, d'organismes de réglementation du gouvernement canadien et de nombreux marins afin de faire adopter deux mesures qui ont réduit le risque de collisions avec des navires dans la baie de Fundy et dans le bassin Roseway, au sud de la Nouvelle-Écosse, les deux habitats essentiels pour les baleines noires de l'Atlantique Nord. À partir d'environ 2010, l'habitat des baleines noires a changé, et bon nombre d'entre elles ont quitté le golfe du Maine et la baie de Fundy pour se rendre dans des zones du golfe du Saint-Laurent. Cependant, elles continuent de se rendre dans les deux zones d'habitat essentiel, mais pas aussi longtemps ou en aussi grand nombre.
Plus récemment, j'ai travaillé sur la réponse du Canada à l'empêtrement des baleines en partenariat avec le Programme d'intervention auprès des mammifères marins du ministère des Pêches et des Océans. L'équipe de sauvetage de la baleine de Campobello fait partie du Canadian Whale Institute et est le principal intervenant lorsque des baleines sont empêtrées dans les eaux des provinces maritimes et du Québec, qui comprennent la baie de Fundy autour de la Nouvelle-Écosse, le sud du golfe du Saint-Laurent et l'estuaire du Saint-Laurent. Nous avons également commencé à travailler avec les pêcheurs dans ces eaux au cours des dernières années pour tenter de réduire les enchevêtrements par divers moyens, notamment par des essais avec la technologie du cordage sur demande, que certains appellent aussi « engins de pêche sécuritaires pour les baleines ».
Je continue de participer à plusieurs groupes consultatifs dirigés par le gouvernement afin de réduire les collisions avec de grands navires dans les eaux canadiennes de la côte Est et les enchevêtrements dans les engins de pêche commerciale. Nous avons eu beaucoup de succès en travaillant avec les pêcheurs sur ces questions. La plupart des intervenants de notre équipe de sauvetage des baleines sont en fait des pêcheurs qui ont commencé à faire ce travail comme bénévoles et qui sont maintenant prêts à intervenir environ huit mois par année.
J'espère pouvoir vous aider et je serai heureuse de répondre à vos questions.
Merci.
:
Merci, madame la présidente. Je remercie également nos témoins d'être avec nous cet après-midi.
Je vais commencer avec M. Sproul.
Nous vous remercions pour votre témoignage. Après avoir entendu les représentants plus tôt, je comprends très bien l'importance du secteur de la pêche, dont les exportations dans 115 pays ont une valeur de 7,6 milliards de dollars. Évidemment, notre principal marché, les États-Unis représentent 4,9 milliards de dollars à lui seul.
Monsieur Sproul, vous avez abordé quelques sujets, en plus d'avoir parlé de votre association, de ses membres et des mesures responsables que vous prenez. Vous avez parlé de certaines de vos préoccupations. Vous avez notamment parlé de l'absence d'un ambassadeur des pêches, ce qui laisse le Canada sans voix aux conférences internationales, entre autres, et sans un vrai champion.
Est‑ce que ce poste est vacant depuis longtemps? Est‑ce qu'il y a déjà eu des ambassadeurs au Canada?
:
Un dialogue plus approfondi et des commentaires de tous les groupes seraient très utiles.
Rapidement, les États-Unis ont la Marine Mammal Protection Act, mais il y a d'autres règles et règlements que les pêcheurs et les exportateurs canadiens doivent respecter, par exemple, en ce qui concerne les exportations de poissons et la santé.
Les autres secteurs de l'économie canadienne doivent prendre des mesures sanitaires et phytosanitaires dans le cadre de l'exportation des produits alimentaires, et ces mesures sont presque considérées comme des barrières non tarifaires.
Sur le plan de la santé, trouvez-vous qu'il y a des règles et des règlements qui ne sont pas utiles ou qui empêchent en quelque sorte les produits du poisson canadiens d'entrer aux États-Unis, par exemple?
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie les deux témoins d'être parmi nous, cet après-midi.
Je voudrais quand même dire qu'une de mes préoccupations concerne les effets des changements climatiques. Quand on parle de la pêche, de l'industrie canadienne du poisson et des fruits de mer, il faut vraiment prendre un moment pour voir quels sont les effets des changements climatiques sur ce secteur. Nous avons constaté une augmentation de 2 degrés Celsius de la température dans le golfe du Saint‑Laurent, ce qui a eu des répercussions majeures sur certaines pêcheries.
En matière de protection de l'industrie canadienne du poisson et des fruits de mer, que peut faire le Canada pour s'assurer que ses eaux sont en mesure de soutenir littéralement la vie marine, afin d'éviter la perte d'écosystèmes et d'espèces aquatiques importantes?
Je vais demander à Mme Brown de répondre la première à ma question. Ensuite, j'inviterai M. Sproul à y répondre.
:
Mes commentaires se limiteront aux baleines, car je suis un biologiste des baleines, et non un biologiste des pêches.
Depuis 2010, nous avons remarqué un changement dans l'habitat des baleines noires de l'Atlantique Nord. Les baleines noires remontaient habituellement la baie de Fundy entre juin et décembre, mais surtout en août, septembre et octobre chaque année. Ces études ont été entreprises par des collègues du New England Aquarium en 1980. Nous avons constaté une répartition continue de ces baleines sur le plan des saisons et du nombre pendant environ 30 ans. Puis, l'année 2010 est arrivée et nous avons commencé à voir moins de baleines noires, et une plus grande variabilité dans leur nombre chaque année. Ensuite, 2016 a été une année plus normale, mais depuis, nous n'avons vu qu'une poignée de baleines noires dans la baie de Fundy: cinq à six par année.
Ces animaux peuvent être identifiés individuellement. Ils sont photographiés ailleurs. Nous savons qu'ils sont toujours en vie. On les voit dans leurs habitats du sud et le long de la côte américaine. On en voit aussi dans le golfe du Saint-Laurent.
Les zones situées au large du bassin Roseway ne sont pas inspectées aussi souvent qu'auparavant par des bailleurs de fonds comme vous pour trouver les baleines noires lorsque vous faites des relevés, mais le gouvernement canadien continue de faire des relevés aériens, et on utilise des dispositifs d'écoute acoustique.
À l'heure actuelle, sur une population estimée à environ 360 baleines noires, environ 140 reviennent dans le golfe du Saint-Laurent chaque été. On ne sait pas où vont les autres au cours de cette période.
:
Il y a certainement des mesures différentes dans les deux pays. Certaines sont précisément adaptées à la zone ou à l'habitat où se trouve la baleine.
Au Canada, nous avons des mesures statiques pour réduire les collisions avec les navires, et ces mesures sont en place de la fin avril à la mi‑novembre. Elles sont obligatoires et leur application fait l'objet d'un suivi par Transports Canada. La limite de vitesse dans la zone saisonnière réglementée est de 10 nœuds ou moins dans les autres zones. Je pense que ce qu'il faut retenir, c'est que l'application de ces mesures fait l'objet d'un suivi.
Aux États-Unis, les mesures de lutte contre les collisions avec les navires peuvent être obligatoires, mais elles ne sont pas appliquées de la même manière. Leur suivi et leur application ne se font pas en temps quasi réel.
En ce qui concerne la pêche, lorsqu'une baleine noire est observée sur la côte Est du Canada, la pêche est fermée sur environ 670 milles marins carrés autour du lieu de l'observation pendant au moins 15 jours. Si les baleines restent sur les lieux, la pêche est fermée pour la saison. C'est une mesure beaucoup plus sévère que tout ce qui se fait aux États-Unis, car ce pays ne dispose pas d'un système dynamique semblable. Il procède sans aucun doute à des fermetures statiques dans les aires de forte affluence où les activités de pêche et les baleines se chevauchent, mais il n'y a pas de système dynamique semblable.
:
Oui, c'est le cas. De plus, chaque année, nos mesures sont adaptées à la situation. Un certain nombre de groupes consultatifs et de groupes de travail techniques dirigés par Pêches et Océans et Transports Canada examinent les données chaque année et évaluent les mesures de protection en place. Ces mesures ont beaucoup évolué au cours des six ou sept dernières années.
Aux États-Unis, certaines mesures ont été mises en place il y a plus de 10 ou 12 ans et on envisage seulement maintenant de les adapter à l'évolution de l'habitat des baleines.
Je suis très fière du travail accompli par le Canada et des mesures de protection qui ont été mises en place. Mais comme je l'ai dit plus tôt, nous ne sommes pas encore au bout de nos peines. Nous n'avons pas encore éliminé la mortalité et les blessures graves causées par l'humain à cette espèce, mais les mesures en place ont une vaste portée, elles font l'objet d'un suivi et elles sont appliquées.
Je tiens à ajouter que ce sont les pêcheurs qui sont sur le terrain, qui respectent ces mesures — comme le font les capitaines de navire — et qui travaillent très fort pour rétablir cette espèce.
:
Oui, je pense qu'il est juste de dire que l'application n'est pas aussi rigoureuse, mais les mesures ne sont pas exactement les mêmes. Par exemple, aux États-Unis, ils se servent d'une règle sur les lignes de fond à flottabilité négative pour la pêche à la nasse. Un certain nombre de nasses sont fixées à une ligne de fond dans un chalut, comme des breloques sur un bracelet. Les pêcheurs doivent tous utiliser une corde qui coule et se dépose au fond. Nous avons de nombreux collègues américains qui sont d'avis que c'est également ce que nous devrions faire ici.
Au Canada, nous utilisons différentes mesures adaptées à notre industrie de la pêche, et je dirais que je pense qu'une chose importante, c'est que nous avons progressé dans une certaine mesure en ce qui concerne la technologie avec cordages sur demande et d'autres modifications, mais c'est quelque chose qui a vraiment besoin d'une injection de fonds pour permettre aux pêcheurs d'obtenir l'équipement et d'apprendre à l'utiliser. Nous travaillons à l'échelle locale avec des pêcheurs de crabe commun qui doivent cesser leurs activités lorsque les baleines noires arrivent dans la baie de Fundy. Ils peuvent maintenant passer aux cordages sur demande que nous leur avons prêtés et continuer de pêcher lorsque les baleines noires arrivent.
Ces baleines se réunissent dans des zones d'alimentation, mais elles doivent aussi traverser d'autres eaux pour s'y rendre. Dans le golfe, nous connaissons très bien ces zones d'alimentation. Certaines baleines observées, comme l'a dit M. Sproul, étaient des baleines noires en migration. Nous devons recueillir un peu plus de données scientifiques et de données de surveillance pour voir si ces baleines persistent à rester dans la zone. Si elle est fermée à court terme, c'est une chose, mais si cette fermeture passe d'une période de 15 jours à toute la saison, cela empêche vraiment toute une communauté de pêcher, en particulier le homard.
Je pense qu'il faut faire plus de surveillance dans ces zones, surtout à cette période‑ci de l'année, alors que les animaux arrivent dans les zones d'alimentation. Ce serait vraiment utile pour aider les pêcheurs à composer avec le défi que représentent les baleines noires, surtout dans le golfe du Saint-Laurent.
:
C'est à cause des collisions avec des navires et des empêtrements dans les engins de pêche, mais il y a aussi les changements climatiques. La population est donc passée d'un nombre inférieur à 200 à presque 500 animaux en 2010. Nous avons ensuite commencé à voir un déclin qui coïncide avec une hausse des températures dans le golfe du Maine, ce qui a eu une incidence sur le plancton et a forcé les animaux à chercher de la nourriture ailleurs. Certains l'ont fait dans le golf du Saint-Laurent, où il n'y a pas de mesures de protection en place parce que nous ne nous attendions pas à ce que les baleines se rendent là. Il nous était impossible de le savoir.
Il est commun pour des animaux sauvages de traverser des périodes de reproduction réduite lorsque la nourriture se fait rare. Je pense que cela a été le cas. Donc, oui, la population a fortement diminué, surtout à partir de 2017 jusqu'à il y a deux ans. On dirait toutefois que la situation se stabilise, et un peu de temps nous le confirmera.
Une fois de plus, les baleines doivent s'occuper de la reproduction, et nous devons nous occuper des collisions avec des navires et des empêtrements dans des engins de pêche.