Bienvenue à la 50e réunion du Comité permanent du commerce international. La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 23 juin 2022. Des députés sont présents dans la salle et d'autres participent à distance à l'aide de l'application Zoom.
J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
Veuillez attendre que je vous nomme pour prendre la parole. Lorsque vous avez la parole, veuillez parler lentement et clairement. Pour ce qui est des personnes qui participent par vidéoconférence, vous devrez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro et le mettre en sourdine lorsque vous n'avez pas la parole. En ce qui concerne l'interprétation, les personnes qui participent sur Zoom y ont accès au bas de leur écran et ont le choix entre le parquet, l'anglais ou le français et les personnes dans la salle peuvent utiliser l'écouteur et sélectionner le canal souhaité. Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Les membres du Comité dans la salle qui souhaitent prendre la parole sont priés de lever la main. Les participants sur Zoom sont priés d'utiliser la fonction « Lever la main ». La greffière et moi-même gérerons l'ordre des interventions du mieux que nous pourrons et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension. Veuillez également noter qu'il est interdit de prendre des photos dans la salle ou des captures d'écran sur Zoom pendant la réunion.
Veuillez me prévenir de toute difficulté technique et nous suspendrons les travaux pendant quelques minutes, le temps de nous assurer de l'entière participation de tous les membres du Comité.
Conformément à l’ordre de renvoi du mercredi 8 février 2023, le Comité entame son étude du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement.
Je souhaite la bienvenue à notre premier groupe de témoins, qui est composé du parrain du projet de loi , M. Luc Thériault. M. Thériault est accompagné de M. Marc‑André Roche, un chercheur du Bloc québécois.
Monsieur Thériault, la parole est à vous. Vous disposez de cinq minutes.
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Merci, madame la présidente.
C'est avec beaucoup de fierté que je prends la parole aujourd'hui pour proposer le projet de loi .
Ce projet de loi est assez simple, au fond. Il ajoute dans le mandat du ministre des Affaires étrangères l'obligation de respecter intégralement le système de gestion de l'offre en retirant au ministre la possibilité de négocier ces principes lors de futures négociations commerciales internationales.
Le ou la ministre ne pourra donc pas signer un traité qui aurait pour effet d'augmenter les contingents tarifaires, ce que nous appelons communément les quotas, pour les produits soumis à la gestion de l'offre, ni de diminuer le tarif applicable lorsque les importations dépassent le contingent prévu.
Le projet de loi n'est pas un projet de loi partisan.
Sur le principe, à la Chambre, on s'entend toujours sur la nécessité de protéger la gestion de l'offre et de ne pas l'affaiblir. À chaque négociation commerciale, la Chambre a été unanime pour demander de ne pas affaiblir la gestion de l'offre.
Elle l'a fait en 2005 dans le contexte des négociations à l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC. Elle l'a fait en 2017, dans le contexte de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain, ou ALENA. Elle l'a fait en 2018, cette fois pour le Partenariat transpacifique. Chaque fois, les députés, à la Chambre, ont été unanimes, y compris les députés du gouvernement, quel qu'il soit.
Toutefois, c'est par la suite que cela se gâte. Tant en ce qui concerne l'accord transpacifique que l’Accord Canada—États‑Unis—Mexique, ou ACEUM, ou l'accord avec l'Europe, le gouvernement a fini par céder des parts de marché.
Aujourd'hui, ce que nous vous proposons, c'est de passer du consensus sur le principe à l'action. C'est pourquoi nous avons décidé de déposer un projet de loi. Il y a d'abord eu celui déposé par mon collègue Louis Plamondon, soit le projet de loi . Aujourd'hui, il s'agit du projet de loi , dont nous discutons aujourd'hui.
Même si c'est le Bloc québécois qui présente ce projet de loi, ce n'est pas uniquement le nôtre. Les producteurs sous gestion de l'offre du Québec, mais aussi de partout au Canada, se le sont approprié. Je sais qu'ils nous écoutent et je tiens à les saluer. Ce projet de loi est autant le leur que le nôtre.
Je me réjouis de l'appui massif de la Chambre en faveur du projet de loi , en particulier celui de la , qui s'est engagée à l'appuyer à toutes les étapes.
Concrètement, quel sera l'effet du projet de loi C‑282?
Le premier engagement que prend le gouvernement dans la négociation d'un traité, c'est la signature. En signant un traité, il indique qu'il est satisfait du texte et il s'engage à faire le nécessaire pour permettre sa mise en œuvre. J'insiste sur le mot « s'engage » au sens de la Convention de Vienne sur le droit des traités.
En empêchant le gouvernement de signer, le projet de loi fait en sorte de l'empêcher de déposer un projet de loi de mise en œuvre qui ouvrirait la voie à la ratification et à l'entrée en vigueur du traité.
Le projet de loi propose que la gestion de l'offre soit retirée de la table des négociations. À moins que l'on revienne devant le Parlement en cours de négociation pour lui demander de modifier la loi, la gestion de l'offre est intégralement protégée. C'est un outil puissant pour augmenter le rapport de force du Canada dans les négociations commerciales.
L'appui massif de la Chambre me permet d'espérer que le projet de loi deviendra rapidement un projet de loi, contrairement à celui qui l'a précédé et qui est mort au Feuilleton en 2021.
Le projet de loi ne vient pas désarmer le gouvernement. Au contraire, il le renforce. Rappelons que tous les pays du monde protègent leurs produits sensibles. D'ailleurs, les règles le permettent. Pensons aux États‑Unis et à la production de coton et de sucre. La gestion de l'offre est au cœur de notre modèle agricole. C'est très important pour les producteurs.
Les fermes familiales à échelle humaine parsèment le territoire et structurent l'occupation du territoire et le développement économique et social de nos régions. Les producteurs nourrissent notre monde, vivent de leur labeur et contribuent à notre sécurité alimentaire. Ces gens méritent de la stabilité et de la prévisibilité. Ils doivent pouvoir se projeter dans l'avenir plutôt que de vivre l'incertitude de chaque renégociation d'entente qui se fait sur leur dos.
Les mégaproducteurs laitiers américains pourraient complètement fournir le marché canadien, rien qu'avec leurs surplus. Le plus gros producteur d'œufs américain pourrait, à lui seul, alimenter le marché canadien. C'est dire la fragilité de nos producteurs sous gestion de l'offre. C'est pourquoi ils comptent si fort sur vous.
La gestion de l'offre est un système dont l'équilibre repose sur trois piliers. Il faut contrôler la production, le prix et ce qui entre par les frontières. Comme le dirait mon collègue Yves Perron, c'est comme un tabouret à trois pattes. Si, de brèche en brèche, on coupe des bouts de la troisième patte, le tabouret va s'écrouler.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
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Non, absolument pas. Je ne voulais pas insulter les producteurs sous gestion de l'offre en leur disant que nous allions consulter d'autres gens, que nous allions nous mettre à la place du gouvernement et participer à la table des négociations afin d'obtenir l'accord de tous les autres secteurs pour éviter de sacrifier nos producteurs encore une fois.
Je comprends mal le sens de votre question. Je pense que les producteurs sous gestion de l'offre ont assez donné. Ce qu'ils ont perdu dans trois accords successifs, ils ne le retrouveront jamais. Ce ne sont pas les compensations qui vont les aider à récupérer cela.
Comme je l'ai dit tantôt, ces gens ont besoin de prévisibilité. Très souvent, ils sont assez endettés. Ils doivent se procurer des outils de travail. Quand ils voient, à chaque négociation, la menace de perdre des parts de marché, ils ont de la difficulté à subir cette pression. Cela est compréhensible.
D'ailleurs, au Québec et en Ontario, par exemple, on a dû mettre en place un service de travailleurs de rang au fil des ans. Ce n'est pas pour rien.
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Je comprends l'inquiétude.
Si j'examine les recettes monétaires publiées par Statistique Canada pour les produits laitiers de 2010 à 2021, je constate qu'elles s'élevaient à 5,5 milliards de dollars en 2010 et à 7,39 milliards de dollars en 2021, et ce, après la négociation des accords commerciaux qui, selon vous, posent problème. Il s'agit d'une augmentation des recettes de plus de 40 %.
Si nous examinons les données sur la production réelle de lait dans les fermes de 2014 à 2021 — des données qui proviennent une fois de plus de Statistique Canada, c'est‑à‑dire le gouvernement du Canada —, nous constatons que 78 millions d'hectolitres ont été produits en 2014 et 95 millions d'hectolitres en 2021.
Où sont les dommages qui découlent de ces accords dont vous parlez?
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Bonjour, monsieur Thériault.
Je suis content de vous voir ici et de discuter de ce projet de loi, qui avait aussi été présenté par votre collègue M. Plamondon au cours de la précédente législature.
J'aimerais dire, pour commencer, que c'est notre parti qui a créé le système de gestion de l'offre. Bien entendu, il va toujours le défendre.
J'ai trouvé votre échange avec M. Seeback intéressant.
Pouvez-vous nous dire, en vous fondant sur ce que vous avez observé au Québec et, si cela est possible, dans les autres provinces du Canada, si la menace dont fait l'objet le système de gestion de l'offre touche plus gravement les petites et les moyennes fermes que les grandes?
Vous avez mentionné à plusieurs reprises les fermes familiales. Les petites sont-elles plus menacées et, le cas échéant, pouvons-nous en faire davantage pour les protéger?
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C'est ce que j'essayais d'expliquer.
Au Québec, pour traiter de ce que je connais, il s'agit vraiment davantage de petite et de moyenne production. Il n'y a pas de grandes fermes comme aux États‑Unis, par exemple. Je dirais que les producteurs ont 80, 100 ou 200 vaches. Leurs troupeaux sont modestes. Par conséquent, si les attaques et les brèches qui s'ensuivent s'accumulent, ils auront beaucoup plus de difficulté à les surmonter.
Même si, à bout de bras, ils réussissent à évoluer dans le système, je pense surtout que la question, aujourd'hui, n'est pas simplement de voir comment on leur porte atteinte, mais plutôt si l'on peut les laisser en paix et faire en sorte qu'ils puissent éventuellement accéder à la prévisibilité et se développer. Sinon, les brèches et les concessions successives feront en sorte que ces fermes vont fermer. Une ferme qui disparaît, c'est souvent, dans la foulée, un village qui disparaît. Or, au Québec, il s'agit d'une agriculture autour de laquelle tournent toute l'organisation et l'occupation du territoire. Elle implique aussi un développement économique.
Je n'ai pas apporté de chiffres aujourd'hui, parce que je voulais traiter du principe du projet de loi, mais il est évident que ces gens ne pourront pas continuer à subir la pression, le stress et l'anxiété actuels. En vous promenant dans les rangs, au Québec, vous y verrez des gens qui souffrent de cette instabilité. Le système fonctionne bien. Pour notre part, nous pensons même que l'on devrait promouvoir ce concept, qui pourrait être exporté.
Nous avons pu constater l'efficacité de la gestion de l'offre pour ce qui est de la sécurité alimentaire, notamment pendant la pandémie. Ce système comporte des bienfaits. On pourrait décider d'adopter le modèle américain, mais je signale que les producteurs américains eux-mêmes, qui ont largué ce système pendant les années 1990, voudraient revenir à la gestion de l'offre.
C'est la réponse que je vous fais. Je pense effectivement qu'en raison de la manière dont est organisée l'agriculture québécoise, on souffrirait encore davantage de négociations ayant pour effet de sacrifier nos secteurs.
Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
Mes questions s'adressent à M. Thériault, mais M. Roche est toujours le bienvenu s'il souhaite également faire des commentaires.
Dans tout cela, j'ai l'impression de regarder le même film qu'il y a deux ans, c'est-à-dire qu'une partie de la Chambre des communes, sous la pression, sera en faveur, mais elle fait tout pour nous dire que le projet de loi est, au bout du compte, un mauvais projet de loi.
D'ailleurs, j'ai aussi entendu que les brèches, c'était bien. Depuis qu'il y en a, il paraît que le secteur laitier n'a jamais aussi bien fonctionné. Je suppose que je devrais être rassuré maintenant.
Monsieur Thériault, pouvez-vous d'abord expliquer au Comité l'objectif de votre projet de loi?
Est-il vrai de dire que les deux gouvernements qui se sont succédé ces 15 dernières années appuient ouvertement la gestion de l'offre?
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Là où le bât blesse, c'est à la table de négociations. C'est là que se décide le fait de sacrifier des parts de marché. Or, le projet de loi vient légiférer sur ce qui se passe avant la signature d'un traité. C'est pour cela qu'il est important.
En effet, si un gouvernement, qu'il soit conservateur ou libéral, décide d'appuyer en principe la gestion de l'offre, le projet de loi fera en sorte de l'empêcher de négocier les trois secteurs protégés une fois à la table de négociation. Selon le projet de loi, ce ne sera pas négociable, comme cela se fait dans d'autres pays pour d'autres produits. Le gouvernement aura donc pour mandat de ne pas mettre cela sur la table, mais également la possibilité de dire: « C'est mon Parlement, passons à un autre appel. »
Si jamais il y avait une intention, je ne sais pas par quelle malice ou quel esprit tordu, de ne pas respecter le pouvoir législatif, le gouvernement serait obligé, suivant ce projet de loi, de revenir déposer un autre projet de loi en pleine négociation. Ce serait un peu futile. Il porterait l'odieux de cette décision.
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Monsieur Thériault, je vous remercie d'être ici aujourd'hui et d'avoir présenté votre projet de loi.
Je viens de la région intérieure sèche de la Colombie-Britannique. Il n'y a pas beaucoup de... J'ai un petit producteur laitier et je ne pense pas avoir de producteurs de volaille ou d'œufs, pas de grands producteurs en tout cas.
Je m'intéresse davantage aux autres pays, aux marchés étrangers, à leur incidence sur nous et à la façon dont ces pays soutiennent leurs producteurs agricoles.
Mon fils vit en Nouvelle-Zélande, au milieu de l'île du Nord. C'est au milieu de la région productrice de lait de la Nouvelle-Zélande. La Nouvelle-Zélande est l'un des plus grands pays producteurs de lait au monde. Elle a déréglementé son industrie laitière il y a environ 20 ans. Il y a eu un énorme mouvement de consolidation. À l'heure actuelle, l'industrie laitière néo-zélandaise est essentiellement dominée par une seule entreprise, Fonterra. Plus de 80 % de ses produits passent par cette entreprise et, si j'ai bien compris, cela laisse aux producteurs peu de pouvoir en termes de négociation des prix.
Pouvez-vous nous dire comment des pays comme la Nouvelle-Zélande, l'Australie et les États-Unis sont contraints de soutenir leurs producteurs agricoles lorsqu'ils n'ont pas de système de gestion de l'offre? Quels mécanismes doivent-ils utiliser et dans quelle mesure sont-ils efficaces ou inefficaces?
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La beauté du système de gestion de l'offre, c'est sa stabilité. Lorsque la production, les importations et les prix ne sont pas encadrés, on se retrouve avec des prix qui fluctuent beaucoup. Lorsqu'ils sont bas, les petits producteurs meurent, si je peux m'exprimer ainsi. Les fluctuations de marché entraînent invariablement, comme vous le mentionniez si bien, une concentration vers les plus gros producteurs.
Cela dit, concernant la Nouvelle‑Zélande, pour traverser les périodes où les prix sont bas, elle offre des subventions massives aux producteurs, ce que nous n'avons pas besoin de faire ici. Cela coûte de l'argent à ses contribuables et permet à ses producteurs de vendre à des prix inférieurs aux coûts de production, puisque la différence est comblée par des subventions. Cela rend nos producteurs difficilement compétitifs s'ils ne sont pas subventionnés à la même hauteur, d'où l'importance de les protéger.
Chaque fois qu'on a ouvert des brèches dans la gestion de l'offre pour ouvrir 1 %, 2 %, ou 3 % du marché, toutes ces parts de marché ont été comblées, parce qu'un producteur subventionné va toujours vendre moins cher qu'eux, forcément. C'est justement ce pour quoi il nous faut maintenir le système, y compris les barrières aux frontières, parce que nos producteurs ne sont pas soutenus par le gouvernement, contrairement à leurs concurrents.
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C'est important, ce que M. Roche vient de dire. Le projet de loi ne touche pas aux ententes qui ont déjà été conclues. À l'OMC, il y a déjà eu une entente. Si nous voulions, un jour ou l'autre, ouvrir un marché avec le Royaume‑Uni, c'est dans le cadre de ce qui a déjà été consenti que ce pays devrait se faire une place.
C'est donc dans les prochaines ententes, les prochaines renégociations que le projet de loi va intervenir. En ce sens, nous faisons la même chose que ce que font tous les pays, les gens de l'Union européenne, les Américains. Il faut juste décider si nous enlevons, ou non, la gestion de l'offre de la table de négociation.
Si vous étiez négociateur, voudriez-vous avoir dans votre manche la possibilité de porter atteinte à la gestion de l'offre?
Est-ce cela que vous voulez?
Est-ce cela que vous cherchez à démontrer par vos questions?
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Merci, madame la présidente.
Le commerce international est très important pour le Canada. Près des deux tiers de notre PIB proviennent du commerce international. La prospérité et le niveau de vie dont nous jouissons actuellement sont essentiellement attribuables au commerce international.
Ce que votre projet de loi propose affaiblira considérablement la capacité du Canada à accroître son commerce international, tant en ce qui concerne les nouveaux accords commerciaux à négocier que les accords existants. Il y aura toujours des problèmes qui devront être examinés.
En dépit du petit nombre d'agriculteurs canadiens, le Canada est le cinquième pays en importance au monde sur le plan des exportations. Le nombre d'agriculteurs canadiens est infime.
Avez-vous consulté Pulse Canada, le Conseil canadien du canola, les Producteurs de grains du Canada, le Conseil canadien du porc, Cereals Canada ou l'Association canadienne des bovins? Ce sont les secteurs qui travaillent fort et qui sont les premiers à tirer parti de chaque nouvel accord commercial international que le Canada signe afin d'augmenter les exportations du Canada. Avez-vous consulté un seul d'entre eux?
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C'est un peu la même impression que j'ai. Merci d'avoir confirmé mes appréhensions.
On sait que les règles de l'OMC permettent aux pays de protéger certains secteurs, ce qui fait en sorte que les États‑Unis protègent leur coton et leur sucre et que le Japon, par exemple, protège son riz. J'aimerais que cela soit confirmé par M. Roche, qui est un expert en la matière, ou par M. Thériault, qui connaît sûrement à fond le dossier.
Dans la même logique, le Canada n'est-il pas pleinement en droit, dans le monde du commerce international, de protéger ses systèmes sous gestion de l'offre, qui ont d'ailleurs déjà été partiellement sacrifiés? Ce serait une protection partielle de ce qui reste, pendant que le système fonctionne encore.
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Nous reprenons la séance.
Dans le second groupe, du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, nous accueillons Aaron Fowler, sous-ministre adjoint associé; Doug Forsyth, directeur général, Accès aux marchés, et Carolyn Knobel, directrice générale et jurisconsulte adjointe.
Du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, nous accueillons Tom Rosser, sous-ministre adjoint, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés.
Merci à tous d'être revenus.
Monsieur Fowler, je vous donne la parole pour une déclaration d'ouverture. Vous avez cinq minutes.
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Madame la présidente, honorables membres, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité permanent du commerce international, à l'occasion de son examen du projet de loi .
Le projet de loi propose de modifier la Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international de sorte que le gouvernement du Canada ne puisse prendre, dans un traité commercial international, aucun engagement qui aurait pour effet d'accroître les contingents tarifaires ou de réduire les taux de droits hors contingent pour les produits laitiers, la volaille ou les œufs.
L'intention du projet de loi est conforme à la politique bien établie du gouvernement du Canada visant à défendre l'intégrité du système de gestion de l'offre du Canada. Dans la pratique, cette politique a permis au Canada de conclure 15 accords de libre-échange ambitieux touchant 51 pays, tout en préservant le système canadien de gestion de l'offre, y compris ses trois piliers: le contrôle de la production, les mécanismes de fixation des prix et le contrôle des importations.
Un nouvel accès au marché pour les produits soumis à la gestion de l'offre n'a été fourni qu'à l'OMC et dans trois accords: celui entre le Canada et l'Union européenne, ou AECG, l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP, et l'Accord Canada–États‑Unis–Mexique, ou ACEUM.
La décision d'accorder un accès accru aux marchés pour ces produits dans le cadre de ces négociations n'a pas été prise à la légère. De tels engagements n'étaient acceptés que lorsqu'ils étaient jugés nécessaires pour conclure des accords commerciaux qui étaient dans l'intérêt économique général du Canada. Par exemple, ces accords ont permis au Canada de maintenir son accès préférentiel au marché des États‑Unis et de s'assurer un nouvel accès important à l'Union européenne, au Japon et à d'autres marchés importants. Il est important de souligner que, si de nouveaux accès pour les produits soumis à la gestion de l'offre ont été fournis dans ces accords, l'intégrité du système de gestion de l'offre lui-même, y compris ses trois piliers, a été entièrement maintenue.
Au cours des dernières années, le gouvernement a clairement exprimé sa volonté de ne faire aucune nouvelle concession sur les produits soumis à la gestion de l'offre dans les futures négociations commerciales. Conformément à cet engagement déclaré publiquement, le dernier accord commercial conclu par le Canada, l'Accord de continuité commerciale Canada–Royaume‑Uni, ne prévoit aucun nouvel accès au marché pour le fromage ou tout autre produit soumis à la gestion de l'offre, même s'il s'agit d'un enjeu important pour le Royaume‑Uni dans les négociations.
En conclusion, le projet de loi propose de faire de l'engagement de ne fournir aucune nouvelle concession sur les produits soumis à la gestion de l'offre dans les futures négociations commerciales une obligation légale en modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Cela renforcerait la politique de défense de l'intégrité du système de gestion de l'offre du Canada en l'inscrivant dans la loi.
Mes collègues ici présents et moi-même sommes disposés à répondre à vos questions. Merci.
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Merci, madame la présidente.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner l'occasion de me présenter devant le Comité permanent du commerce international dans le cadre de l'examen du projet de loi .
Agriculture et Agroalimentaire Canada travaille en étroite collaboration avec Affaires mondiales Canada et lui apporte son soutien pour faire avancer le programme de libre-échange du Canada en jouant un rôle important dans les négociations commerciales, plus particulièrement en ce qui concerne l'accès aux marchés des produits agricoles.
Comme l'a dit mon collègue M. Fowler, depuis longtemps, le gouvernement du Canada a pour politique de défendre l'intégrité du système canadien de gestion de l'offre des produits laitiers, de la volaille et des œufs. Par conséquent, le et la ont pris l'engagement clair de ne pas accorder un plus grand accès à nos marchés des produits sous gestion de l'offre dans les prochains accords commerciaux. Le projet de loi est conforme à cette politique.
Les producteurs canadiens de lait, de volaille et d'œufs sous gestion de l'offre, qui ont généré des ventes à la ferme de près de 13 milliards de dollars en 2021 et qui créent plus de 100 000 emplois directs dans les domaines de la production et de la transformation partout au Canada, sont l'un des piliers des communautés rurales du pays.
En ce qui concerne l'accès aux marchés accordé aux partenaires commerciaux du Canada, un tel accès n'est fourni que dans des cas exceptionnels dans le cadre d'accords commerciaux historiques comme l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, l'Accord économique et commercial global, ou AECG, l'Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP, et l'Accord Canada—États‑Unis—Mexique, ou ACEUM. Bien que ces accords commerciaux ne soient pas pris à la légère, ils sont extrêmement favorables au Canada et ils profitent à l'ensemble du secteur agricole canadien.
[Traduction]
De plus, dans le cas de l’ACEUM, il ne faut pas oublier que la position de négociation initiale des États‑Unis était l’élimination complète du système de gestion de l’offre. L’issue de cet accord, bien qu’elle soit difficile, permet au système de gestion de l’offre de continuer à fonctionner en gardant ses trois piliers intacts.
De plus, le gouvernement du Canada indemnise pleinement et équitablement les producteurs et les transformateurs de produits sous gestion de l’offre qui ont perdu une part de marché en raison des trois accords. Conformément à l’annonce de novembre dernier, les producteurs et les transformateurs de lait, de volaille et d’œufs devraient se partager plus de 1,7 milliard de dollars en paiements directs et programmes d’investissement en réponse aux répercussions de l’ACEUM. Ce montant s’ajoute à la somme de plus de 3 milliards de dollars qui sera versée pour l’AECG et le PTPGP sous forme de paiements directs et de programmes d’investissement. Ces programmes aideront à stimuler l’innovation et la croissance dans les industries sous gestion de l’offre.
En conclusion, l’intégrité du système de gestion de l’offre a été défendue avec succès à l’occasion de multiples négociations commerciales. Le gouvernement du Canada fait tout en son pouvoir pour que ce système demeure efficace et que les exploitations des producteurs et des transformateurs qui en font partie demeurent productives et durables.
Le projet de loi protégerait ces industries contre d’autres concessions liées à l’accès aux marchés dans le contexte de négociations commerciales futures et, par conséquent, il est parfaitement conforme à la politique existante.
Je vous remercie encore une fois, madame la présidente. Je serai heureux de répondre aux questions des membres du Comité avec mes collègues.
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Merci beaucoup, madame la présidente, et merci aux témoins d'être venus.
Tout d'abord, je dirais que tout le monde est d'avis que nous devons soutenir nos agriculteurs. Ils travaillent très fort et, sans eux, on n'aurait rien à manger.
Je reçois beaucoup de courriels de gens de ma circonscription au sujet du prix de certaines choses, ces jours‑ci. Une livre de beurre, je pense, coûte 7,99 $. Ils voient le rejet de grandes quantités de lait à la télé et ils se disent qu'il y a quelque chose qui cloche.
S'agissant du soutien aux agriculteurs, je pense qu'un grand nombre d'entre eux sont sceptiques. J'ai écouté les agriculteurs dans mon caucus. Ils doivent faire face à la concurrence. Ils doivent payer la taxe sur le carbone. On leur dit de limiter la quantité d'engrais qu'ils utilisent. Les coûts augmentent.
Lorsque nous concluons des accords commerciaux, nous concluons des accords avec le secteur. Nous avions convenu, lorsque nous avons concédé une part du marché, que les agriculteurs seraient indemnisés.
Vous avez mentionné l'indemnisation, monsieur Rosser. Pourriez-vous me dire ce qu'il en est de l'indemnité pour l'AECG, le PTPGP et l'ACEUM? Combien d'argent a été versé aux agriculteurs jusqu'à maintenant?
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie, madame et messieurs, d'être parmi nous aujourd'hui.
Pour répondre à la question posée par M. Virani tout à l'heure, le système de la gestion de l'offre est entré en vigueur en 1972.
Monsieur Fowler, vous avez dit que l'intégrité du système avait été protégée, que cela demeurait une politique et que c'étaient des parts qui avaient été cédées.
Dans le doute, j'ai fait une recherche sur le mot « intégrité » dans le dictionnaire. Dans le dictionnaire Le Robert, qui fait autorité en matière de langue française, on dit: « état d'une chose qui demeure intacte, entière ». Selon mon dictionnaire, pour pouvoir utiliser les mots « intacte » et « entière », il faudrait que les brèches aient atteint 0 %. Cependant, nous sommes à peu près à 10 % pour la volaille et les œufs, et à 18 % pour le lait.
Dans votre dictionnaire à vous, à partir de quel pourcentage ne parle-t-on plus d'intégrité?