Soyez les bienvenus à la 44e réunion du Comité permanent du commerce international.
Conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022, la formule de cette réunion est hybride: des membres y participent en présentiel; d'autres, à distance, grâce à l'application Zoom.
Voici quelques consignes, à l'intention des témoins et des membres.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous l'aie nommément accordée. Ayez un débit lent, une diction nette. En visio, on active son microphone en cliquant sur l'icône qui le représente. Entre les prises de parole, prière de désactiver son micro.
Sur Zoom, on choisit la langue d'interprétation en cliquant, dans le bas de l'écran, sur le canal voulu: le parquet, l'anglais, le français. En présentiel, on peut choisir le canal au moyen de l'écouteur.
Je vous rappelle d'adresser vos observations à la présidence. Sur place, pour demander à prendre la parole, prière de lever la main. Sur Zoom, prière d'utiliser la fonction « «lever la main ». La greffière et moi, nous ordonnerons de notre mieux les prises de parole.
Pendant la réunion, il est interdit de prendre des photos dans la pièce ou de faire des captures d'écran sur Zoom.
Conformément à la motion de régie interne du Comité concernant les tests requis de connexion pour les témoins qui comparaissent en visio, j'informe les membres du Comité que, préalablement à la réunion, les deux témoins se sont soumis à ces tests.
Veuillez me signaler toute difficulté technique qui survient. Nous la corrigerons.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion qu'il a adoptée le mardi 20 septembre 2022, le Comité reprend l'étude des répercussions commerciales potentielles de la loi américaine de 2022 sur la réduction de l'inflation sur certaines entreprises et certains travailleurs au Canada.
Nous accueillons: en visioconférence, M. Colin Robertson, qui est conseiller principal et membre associé à l'Institut canadien des affaires mondiales et qui témoignera à titre personnel; également en visio, M. A. J. Marshall, conseiller et chef de projet chez Innovation bio‑industrielle Canada; Mme Jennifer Green, directrice exécutive à la Canadian Biogas Association; M. Adam Auer, président et chef de la direction à l'Association canadienne du ciment.
Soyez tous les bienvenus.
Entendons d'abord les déclarations préliminaires, chacune d'elles d'une durée maximale de cinq minutes.
Monsieur Robertson, vous pouvez commencer.
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Merci, madame la présidente.
À l'automne de 2005, je dirigeais notre équipe chargée de prendre la défense des intérêts du Canada à l'ambassade de Washington. Le bois d'œuvre de résineux était l'une des grandes priorités, et notre ambassadeur Frank McKenna m'a demandé à quand remontaient nos difficultés avec ce matériau. J'ai posé la question à la bibliothèque du Congrès. Quelques jours plus tard, sa réponse m'apprenait que des marchands de bois du nord du Massachusetts — maintenant le Maine — avaient réussi, à coups de pétitions auprès du Congrès, pendant le deuxième mandat de George Washington, à prélever des contributions — à appliquer des tarifs, comme on le dit aujourd'hui — sur le bois du Nouveau-Brunswick envoyé aux chantiers navals de Boston.
L'anecdote vise à nous rappeler que le protectionnisme états-unien est aussi ancien que la république, et que ça ne changera jamais. Nous ne sommes pas habituellement la première cible des mesures commerciales des États-Unis. Une grande partie de la loi américaine pour la réduction de l'inflation vise la Chine. Mais la forte intégration de nos échanges commerciaux signifie que nous pouvons subir des dommages collatéraux comme pendant l'administration Trump, du fait des tarifs sur l'acier et l'aluminium.
Les politiques commerciales sont même devenues plus compliquées, en raison de clauses sur le climat, les droits de la personne, la main-d'œuvre et l'environnement. Dans le sillage de la pandémie et avec le retour à la concurrence entre les grandes puissances, la sécurité nationale est devenue prioritaire. Nous devons désormais sécuriser ou rendre résilientes nos chaînes d'approvisionnement par des mesures comme le découplage ou l'approvisionnement à partir de pays proches ou amis. La sécurité de l'approvisionnement l'emporte sur l'avantage comparatif.
Nous avons assisté au retour des politiques industrielles nationales, avec tout ce que ça suppose, y compris les mesures d'incitation et les subventions, comme dans la loi américaine sur la réduction de l'inflation. Pour cette raison — et c'est le deuxième objet de ma démonstration — la défense de nos intérêts auprès des États-Unis doit être un effort de tous les instants pour rappeler aux Américains que la réciprocité dans les échanges et l'investissement restent profitables pour les deux pays. Le marché américain est celui qui importe le plus à toutes les entreprises, particulièrement aux personnes que nous encourageons, comme les femmes et les minorités.
Les trois quarts de nos exportations — produits manufacturés comme les pièces d'auto ou ressources comme le bois, le pétrole et le gaz — aboutissent aux États-Unis. Comme plus de 60 % de notre économie découlent de nos échanges, l'accès aux États-Unis est important. Le principal marché d'une trentaine d'États américains est le Canada. Nos échanges et nos investissements créent neuf millions d'emplois aux États-Unis. Décortiquer le phénomène par État et par district du Congrès ou circonscription législative, comme j'avais l'habitude de le faire, donne des résultats, parce que, tout comme la politique aux États-Unis est affaire locale, de même en va‑t‑il de tous les échanges.
D'autres témoins ont raconté qu'un travail d'équipe à l'échelle de tout le Canada nous avait aidés à instaurer l'égalité des chances pour tous dans la production de véhicules électriques. Notre ambassadeur, notre ambassade et nos consulats jouent un rôle capital. L'ayant fait à Washington et dans les consulats, je sais également que notre succès dépend aussi du même genre d'effort pour mobiliser le , ceux des provinces, les ministres et les députés fédéraux de tous les partis. Tous les ordres de gouvernement doivent s'y mettre, toutes les entreprises, tous les syndicats et groupes d'intérêt.
Pour garantir des chances égales à tous, nous faisons, contre le protectionnisme américain, flèche de tout bois. Nous continuerons à dénoncer le caractère discriminatoire des mesures états-uniennes visant à stimuler la production de batteries, lesquelles violent les obligations commerciales prévues dans l'accord Canada—États-Unis—Mexique et celles de l'Organisation mondiale du commerce, en faisant valoir, comme dans le cas des crédits d'impôt pour les véhicules électriques, la nécessité d'une vision continentale. Nous rappellerons aux États-Unis notre droit de réagir par des sanctions commerciales aux comportements discriminatoires. La menace de sanctions ciblées a contribué à les persuader de mettre fin aux tarifs sur l'acier et l'aluminium.
Mais l'instauration de contre-tarifs impose également une charge fiscale à nos propres consommateurs. Comme les membres de votre comité le savent, des pressions s'exercent pour répondre aux subventions américaines par des subventions canadiennes équivalentes. Ç'a déjà été essayé, aux frais du contribuable. Nous pourrions également convenir, avec les États-Unis, de mesures d'incitation, comme nous l'avons fait, récemment, pour les panneaux solaires. La solution idéale serait une stratégie industrielle continentale qui engloberait le Mexique.
Malgré tout — et ce sera le troisième élément que je voulais démontrer —, nous devons nous ressaisir en rendant les secteurs qui ont pour nous le plus d'importance aussi concurrentiels que possible. Nous pouvons nous inspirer de beaucoup de travaux utiles de recherche menés dans les entreprises, les administrations publiques et les laboratoires d'idées. Deux ressortent du lot: Redémarrer, relancer, repenser la prospérité de tous les Canadiens, du Conseil sur la stratégie industrielle, et le rapport du Groupe sénatorial d'action pour la prospérité intitulé Relever le défi des nouvelles réalités mondiales.
Pour aider à mettre en œuvre et à rendre pratiques leurs recommandations, nous devrions reconstituer les groupes de consultation sectorielle sur le commerce extérieur, qui nous ont été si utiles pendant les négociations de l'accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Constitués d'élus des provinces, de représentants d'entreprises, de syndicats et de la société civile, ils ont orienté les négociateurs grâce à des conseils pratiques sur les besoins du Canada et ils ont agi comme des caisses de résonance sur ce que nous pouvions accepter dans les négociations.
En guise de conclusion, promouvoir nos intérêts auprès des États-Unis exige un effort de tous les instants qui doit s'inspirer de la stratégie Équipe Canada et clairement se focaliser sur nos objectifs.
Madame la présidente, je vous remercie.
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Je vous remercie, madame la présidente ainsi que les membres du Comité, de votre invitation.
Je me nomme Sandy Marshall. Je suis conseiller et chef de projet chez Innovation bio‑industrielle Canada, accélérateur national et sans but lucratif d'entreprises, qui apporte des investissements stratégiques et fournit des conseils et des services décisifs aux créateurs de technologies propres, écologiques et durables.
Nous présentons un bilan impeccable dans le soutien des jeunes entreprises canadiennes de nombreux secteurs. Par exemple, parmi celles qui font partie de notre portefeuille, il se trouve des récupérateurs de premier plan de batteries ion‑lithium et des producteurs de combustibles renouvelables qui travaillent à la décarbonation de notre secteur des transports par la création d'un carburant aviation durable.
Pendant son existence, notre entreprise a engrangé les succès. Les compagnies de notre portefeuille sont en voie d'atteindre des réductions totales des émissions de gaz à effet de serre de 13 mégatonnes d'ici 2030 tout en pourvoyant à des milliers d'emplois. Pour le dire simplement, notre entreprise connaît et comprend le secteur des technologies propres, écologiques et durables ainsi que les occasions qui s'offrent au Canada pour qu'il devienne un chef de file et qu'il crée des milliers d'emplois rémunérateurs ici même dans notre pays.
L'adoption, par les États-Unis, de sa loi de 2022 pour réduire l'inflation crée une menace pour ce secteur au Canada. Même avant l'adoption, beaucoup de jeunes compagnies ont dû prendre des décisions difficiles sur le choix de leur milieu de croissance: soit ici, au Canada, soit aux États-Unis. La nouvelle loi facilitera un peu plus la décision à beaucoup d'entre elles. Les subventions généreuses, comme le crédit d'impôt à l'investissement, qui s'élève jusqu'à 50 % et des crédits à la production pour les combustibles et carburants propres — notamment le carburant aviation durable, comme je l'ai dit — multiplient les motifs de délocalisation pour profiter de ces mesures ainsi que d'un marché et d'une main-d'œuvre considérablement plus gros ou plus nombreuse, respectivement.
Le cas de la production de carburant aviation durable est particulièrement révélateur. Chaque litre produit aux États-Unis sous le régime de la nouvelle loi vaut un crédit d'impôt directement versé de 62 cents canadiens. Si le Canada est sérieux dans ses intentions de décarboner le secteur de l'aviation et d'associer des emplois écologiques à cette opération chez lui, il devrait offrir un crédit d'impôt à la production de valeur équivalente.
Faute d'une réaction plus énergique du gouvernement canadien, il deviendra vraiment presque impossible d'élaborer des projets soutenables au Canada. Outre la possibilité d'égaler les mesures états-uniennes ou de renchérir sur leur générosité, notre gouvernement devait envisager d'autres mesures complémentaires, comme appuyer des organismes qui, comme le nôtre, peuvent aider à combler le fossé, fournir un appui technique et stratégique aux jeunes compagnies et octroyer au Canada la possibilité d'attirer pour de bon d'importants projets écologiques à l'échelle mondiale.
Il faut souligner que la nouvelle loi américaine s'appuie sur un certain nombre d'autres programmes, notamment celui des produits de base climato-compatibles, qui aident à cerner, à valider et à fournir de l'aide technique, financière et commerciale aux producteurs du secteur primaire et aux transformateurs — la clientèle privilégiée de notre entreprise. Ils seront les acteurs de base de la stratégie états-unienne de décarbonation ainsi que les fournisseurs de produits de base aux technologies financées par la nouvelle loi des États-Unis.
Merci encore de votre invitation. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
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Je vous remercie, vous, madame la présidente, et vous, les membres du Comité, de votre invitation à me joindre à vous, ici même, sur le territoire traditionnel non cédé du peuple anichinabé des Algonquins, pour discuter des conséquences qu'entraîne la nouvelle loi américaine sur la réduction de l'inflation dans le secteur canadien du biogaz et du gaz naturel renouvelable.
Dans mon témoignage, je ferai souvent allusion à cette loi et au gaz naturel renouvelable.
L'Association est le porte-voix du secteur canadien du biogaz et du gaz naturel renouvelable. Fondée en 2008, elle rassemble plus de 180 entreprises qui représentent des agriculteurs, des municipalités, des services collectifs, des créateurs de technologies, des consultants, des entreprises financières et des assureurs ainsi que des organisations affiliées, qui, tous, se focalisent sur la création d'un secteur canadien du biogaz et du gaz naturel renouvelable.
Pour ceux qui, peut-être, connaissent mal ce secteur, son produit est un combustible gazeux de substitution qui abaisse les émissions actuelles de la filière énergétique canadienne, grâce à plus de 300 projets qui produisent de l'énergie à faible empreinte carbone dans chaque province. Nous qualifions le biogaz et le gaz naturel renouvelable de combustibles de substitution, parce que les deux sont une forme de méthane, tout comme le gaz naturel. La grande différence est que le méthane produit par nos membres provient de matières organiques d'origine agricole et urbaine, plutôt que d'être tiré du sol après forage. Cette différence d'origine correspond à une baisse sensible des émissions de gaz à effet de serre associées à leur production.
Comme vous le savez, la nouvelle loi américaine bouleverse le paysage des investissements dans les énergies et les technologies propres, grâce à de généreux crédits d'impôt à la production et à l'investissement qui stimulent le secteur états-unien. Comme votre comité l'a entendu dire tout au long de l'étude, ces mesures ont, du jour au lendemain, dépouillé le Canada de son attrait pour les investissements, particulièrement dans le secteur du biogaz et du gaz naturel renouvelable. Comme mon homologue américain l'a récemment déclaré, cette loi donne aux créateurs, aux promoteurs et aux financiers la certitude et l'avantage concurrentiel qui alimenteront la croissance du secteur du biogaz et des énergies propres pendant encore des années.
Pour employer un euphémisme, ces nouveaux crédits d'impôt états-uniens mettent définitivement en veilleuse les projets d'exploitation du biogaz et du gaz naturel renouvelable, qui, en août, étaient à quelques jours à peine de décisions pour y investir une dernière tranche. Le Canada doit réagir, sinon les projets susceptibles d'entraîner des réductions immédiates d'émissions resteront en veilleuse et seront peut-être délocalisés aux États-Unis, où les promoteurs peuvent choisir entre un crédit d'impôt à la production de 2,6 cents états-uniens le kilowattheure ou un crédit d'impôt à l'investissement de 30 % des coûts du projet.
Nous reconnaissons que le Canada a commencé à jeter les bases d'une réaction vigoureuse à la menace que pose la nouvelle loi pour notre compétitivité. L'Association appuie fermement les crédits d'impôt à l'investissement pour les technologies propres et l'hydrogène, annoncés dans l'énoncé économique de l'automne de 2022. Ces crédits d'impôt aideront à la réalisation des projets et renforceront la sécurité énergétique nationale fondée sur les énergies propres.
Mais une fêlure est visible dans le dispositif. Finances Canada n'a rien prévu pour le biogaz et le gaz naturel renouvelable dans le nouveau crédit d'impôt à l'investissement dans les technologies propres annoncé dans l'énoncé économique de l'automne. Nous savons que le gouvernement fédéral investit dans la décarbonation à long terme de l'économie grâce a l'hydrogène et à d'autres technologies propres, mais omettre une technologie qui décarbone le gaz avec lequel les Canadiens se chauffent quotidiennement, c'est grave. Certains de nos membres m'ont dit que si leurs projets employant le biogaz et le gaz naturel renouvelable étaient admissibles aux nouveaux crédits d'impôt à l'investissement dans l'hydrogène et les technologies propres, ils pourraient réaliser leurs projets à 80 %. À défaut de les rendre admissibles aux mesures prévues dans la réaction du Canada contre la nouvelle loi américaine, il est d'après eux visiblement improbable que les nouveaux projets axés sur le biogaz ou le gaz naturel renouvelable soient réalisés au Canada — pas tant qu'ils pourront profiter de la générosité du fisc aux États-Unis.
Notre recommandation est facile à appliquer au Canada. Il suffit de rendre admissibles au crédit d'impôt à l'investissement les projets axés sur le biogaz et le gaz naturel renouvelable qu'annonçait l'énoncé économique de l'automne et de traiter avec équité tous les combustibles gazeux à faible empreinte carbone. Ainsi, les projets canadiens axés sur le biogaz et le gaz naturel renouvelable se trouveront à égalité dans la concurrence pour les capitaux. Voilà qui aidera les membres de notre association à élaborer des projets, à créer des emplois et à réduire les émissions au moyen de techniques éprouvées.
Je vous remercie de votre temps et j'ai hâte de répondre à vos questions.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Bonjour, membres du Comité. Je vous remercie, au nom de l'industrie du ciment et du béton, de m'avoir invité aujourd'hui pour discuter de l'impact de la loi américaine sur la réduction de l'inflation.
Tout d'abord, voici quelques faits concernant mon industrie.
Le béton est le matériau de construction le plus utilisé et le plus important au monde. Il est le fondement de la croissance économique et de l'infrastructure des grandes ou petites collectivités, car il offre une solution rentable et fiable pour construire des routes, des ponts, des conduites d'eau principales, des trottoirs, des écoles, des hôpitaux et des centres communautaires durables — et la liste est encore longue.
Notre industrie génère une activité économique annuelle de plus de 76 milliards de dollars et emploie plus de 158 000 Canadiens dans des emplois bien rémunérés dans des collectivités d'un bout à l'autre du Canada. Cependant, la fabrication du ciment qui assure la cohésion du béton produit beaucoup de pollution par le carbone, c'est‑à‑dire environ 1,5 % des émissions totales au Canada et 7 % à l'échelle mondiale. Pour notre industrie, un impératif scientifique et économique s'impose, c'est‑à‑dire que nous devons transformer notre industrie en vue d'un avenir carboneutre.
C'est la raison pour laquelle nous avons été la première industrie à relever le Défi carboneutre au Canada, en nous engageant à faire preuve d'une transparence complète sur la façon dont nous envisageons d'atteindre nos objectifs. Toutefois, nous ne pouvons pas y arriver seuls. Le mois dernier, nous avons publié, en collaboration avec le ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, une feuille de route pour une industrie du ciment et du béton carboneutre. Il s'agit d'une collaboration inédite, dont l'objectif est d'éviter 15 mégatonnes d'émissions de carbone d'ici 2030 et de déterminer la combinaison de technologies, d'incitatifs financiers et de cadres de réglementation et de politique nécessaires pour décarboner l'industrie lourde.
Nous avons déjà réalisé des progrès considérables, et il reste encore certains objectifs faciles à atteindre, mais comme environ 60 % de nos émissions découlent des principes chimiques immuables utilisés dans la fabrication du ciment, nous savons que des investissements importants dans des technologies novatrices et coûteuses, comme la technologie de captage, d'utilisation et de stockage du carbone, sont inévitables si nous voulons atteindre la carboneutralité.
Le Canada est déjà un chef de file dans le domaine des technologies de captage, d'utilisation et de stockage du carbone, et le secteur du ciment est au centre d'une grande partie de cet investissement, mais les obstacles à la commercialisation demeurent décourageants. Pour vous donner une idée de l'ampleur de la tâche, avec le capital nécessaire à la construction d'une usine de captage de carbone au Canada ou aux États-Unis, une entreprise pourrait construire deux nouvelles cimenteries en Chine. Autrement dit, la construction d'une usine de captage coûte davantage que la valeur de la cimenterie elle-même.
Les gouvernements du monde entier ont reconnu les obstacles du marché aux technologies de captage, d'utilisation et de stockage du carbone, et ils se sont donc lancés dans la course à la commercialisation de cette technologie et à la récolte des avantages de la réduction des émissions et de l'amélioration de la compétitivité économique de l'industrie dans le cadre de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Si le Canada a pris un bon départ avec le fonds de l'initiative Accélérateur net zéro et un projet de crédit d'impôt à l'investissement pour les technologies de captage, d'utilisation et de stockage du carbone, la promulgation de la loi américaine sur la réduction de l'inflation signifie que les États-Unis ont rapidement pris la tête dans cette course.
La loi américaine sur la réduction de l'inflation introduit plus de 369 milliards de dollars en incitatifs pour l'énergie propre et les dépenses de programmes liés au climat, y compris des fonds pour encourager les projets de captage, d'utilisation et de stockage du carbone, ce qui crée un risque important pour les entreprises qui souhaitent investir dans la technologie de réduction des émissions au Canada, car elles pourraient être désavantagées sur le plan de la concurrence par rapport à leurs homologues américains. Outre les montants de financement nettement plus importants offerts dans le cadre de la loi américaine sur la réduction de l'inflation, l'une des plus grandes lacunes comblées par cette loi est celle de la valeur de production. En effet, elle offre un rendement prévisible du capital investi en payant les producteurs pour chaque tonne de CO2 séquestrée.
En comparaison, les efforts du Canada ne se sont concentrés que sur les subventions en capital initiales, laissant les investisseurs exposés à des risques opérationnels difficiles à accepter dans un environnement où, malgré la taxe sur le carbone, la valeur de production du carbone capté reste complètement imprévisible. Autrement dit, les investisseurs dans des projets américains peuvent maintenant calculer avec confiance le rendement du capital investi à long terme d'un projet de captage, d'utilisation et de stockage du carbone, ce qui rend les investissements canadiens beaucoup plus risqués en comparaison. Les cimenteries, comme de nombreuses industries au Canada, font partie de grandes multinationales, et les succursales canadiennes doivent se faire concurrence au sein de leur entreprise pour obtenir des projets.
Le Canada a réussi à devenir une destination de choix pour l'affectation interne de capitaux aux projets de captage, d'utilisation et de stockage du carbone et, en fait, il abrite deux des projets de captage, d'utilisation et de stockage du carbone à grande échelle les plus avancés de notre secteur — l'un à Edmonton et l'autre dans la région de Bow Valley, en Alberta. Si le Canada souhaite demeurer concurrentiel, les soutiens en capital doivent être jumelés à un mécanisme de garantie du marché bien conçu, comme les contrats sur différence pour le carbone, tel que proposé dans l'Énoncé économique de l'automne.
Nous accueillons favorablement l'engagement du gouvernement fédéral à saisir les occasions offertes par une économie carboneutre, mais une mise en œuvre réfléchie et bien conçue de ces incitatifs sera nécessaire pour que le Canada demeure une destination de premier choix pour les billions de dollars en capitaux privés qui attendent d'être investis dans les technologies propres un peu partout dans le monde. Le budget de 2023 représente notre prochaine occasion de corriger le tir et de faire profiter les Canadiens des avantages économiques et environnementaux de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Cette occasion est à notre portée et nous devons la saisir rapidement.
Je vous remercie.
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Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Il me semble que nous avons assisté, tout au long de cette étude, à un affrontement d'idéologies au Canada.
Le Canada veut parler de divers fonds. Par exemple, nous avons le fonds pour une croissance propre, dans le cadre duquel les entreprises peuvent demander environ 15 milliards de dollars — qu'elles peuvent ou non obtenir —, afin d'investir dans des technologies qui réduiront les émissions de carbone. Cependant, les Américains ont clairement indiqué qu'il y aura des crédits d'impôt et des crédits à la production facilement calculables, de sorte qu'il est possible de déterminer exactement le montant qui sera obtenu.
Ma question s'adresse à tous les témoins qui comparaissent aujourd'hui. Que préféreriez-vous obtenir au Canada? Préféreriez-vous présenter une demande dans le cadre d'un fonds administré par le gouvernement du Canada pour obtenir de l'argent ou préféreriez-vous obtenir ce qui a été offert aux États-Unis, c'est‑à‑dire des crédits d'impôt jumelés à des crédits à la production?
J'aimerais d'abord entendre la réponse de M. Auer.
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J'aimerais prendre la parole.
Je suis d'accord avec ce qu'ont dit les deux premiers témoins. Les crédits d'impôt et les structures de soutien à la production sont très importants pour calculer le rendement du capital investi de ces projets, de sorte qu'ils peuvent être lancés et attirer des investissements. J'aimerais cependant ajouter que toutes les entreprises avec lesquelles nous travaillons sont des entreprises en démarrage, et que l'accès au capital représente un défi important dans leur cas. En effet, lorsqu'on tente de construire des installations plus grandes et plus coûteuses qui peuvent coûter des dizaines, voire des centaines de millions de dollars, l'accès au capital représente un énorme défi pour les entreprises en démarrage.
La possibilité d'obtenir des fonds par l'entremise d'initiatives comme le Fonds de croissance du Canada est également importante pour ce secteur, mais l'accès à des fonds par l'entremise du Fonds de croissance du Canada ne suffit pas. Il faut que le rendement du capital investi puisse être déterminé avec précision, ce qui se fait plus aisément par l'entremise de crédits d'impôt ou de crédits à la production.
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Lors des négociations sur l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, je faisais partie de l'équipe qui tentait d'élaborer un code des subventions par lequel le Canada et les États-Unis pourraient s'entendre sur la façon d'offrir des incitatifs. Nous n'avons toutefois pas atteint notre but. Nous avons renvoyé la question à ce qui est maintenant l'Organisation mondiale du commerce.
L'objectif ultime est de tenter d'obtenir un code des subventions. Ce serait une solution idéale, car nous avons notre accord de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique. Si nous pouvions nous entendre, à l'échelle du continent, sur la façon de gérer les incitatifs et les subventions, ce serait la solution idéale, car pour les raisons que j'ai énumérées, nous nous dirigeons maintenant vers une ère de politique industrielle.
Si nous pouvions y arriver, je pense que cela nous ouvrirait également la voie avec l'Europe. En effet, nous avons déjà un accord de libre-échange avec l'Europe, et si nous pouvions faire cela en vertu de l'article 24 — qui prévoit qu'un accord de libre-échange permet l'établissement d'un code des subventions —, cela fonctionnerait bien avec les Européens et peut-être avec les Américains. De plus, nous avons aussi, bien entendu, un accord de libre-échange transpacifique par l'entremise de l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste.
Le danger dont nous parlons consiste à s'engager dans une gigantesque guerre des subventions, une guerre qui est déjà en cours. C'est la raison pour laquelle les Européens se sont rendus à Washington la semaine dernière, car ils sont inquiets et ils veulent savoir ce qui se passe. La meilleure solution, en particulier parmi les démocraties avec lesquelles nous avons conclu des accords de libre-échange, serait de parvenir à un accord sur la manière de gérer les subventions etles incitatifs, car au bout du compte, nous essayons de renforcer les démocraties au milieu de ce que l'on considère comme une lutte existentielle contre les autocraties.
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Je vous remercie, madame la présidente.
J'aimerais adresser ma première question à M. Colin Robertson.
Monsieur Robertson, j'ai été heureux de vous entendre mentionner la politique industrielle à trois — ou peut-être même quatre — reprises. J'en entends rarement parler. Je n'arrête pas de dire que nous avons besoin d'un énoncé de politique industrielle pour notre pays. La loi américaine sur la réduction de l'inflation est manifestement l'un des textes législatifs les plus importants qui aient été adoptés par les États-Unis pour le secteur manufacturier et l'économie en général. Ce texte législatif s'ajoute à la CHIPS and Science Act, une autre loi américaine qui prévoit 280 milliards de dollars, dont 200 milliards pour la création de 20 centres technologiques axés sur les semi-conducteurs, la transition énergétique et la biotechnologie. Des experts américains affirment qu'il s'agit d'une occasion qui n'arrive qu'une fois par génération ou d'un changement unique apporté par les États-Unis à la politique industrielle. Je suis également heureux que vous ayez parlé d'une politique industrielle à l'échelle continentale.
Nous parlons de diverses stratégies. Par exemple, nous avons récemment annoncé le lancement de la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques, et lorsqu'il s'agit de nouvelles technologies comme l'intelligence artificielle, la robotique et la génomique, nous voyons grand. Nous avons dit que nous voulions être à la fine pointe de toutes les nouvelles technologies, ce qui est une bonne chose, dans un monde idéal, mais je ne sais pas si c'est possible. À votre avis, avons-nous besoin d'une politique industrielle pour le Canada?
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Oui, monsieur, je pense que nous avons besoin d'une telle politique. Les États-Unis ont adopté une stratégie industrielle, les Européens se dirigent dans cette voie et je pense que l'Australie aussi. Je pense que nous devrions le faire aussi, mais j'essaierais de le faire en collaboration avec nos plus grands partenaires commerciaux. Cela commencerait à l'échelle du continent, car les États-Unis s'engagent dans cette voie sous l'administration Biden. Je n'ai aucun doute sur le fait que toute administration qui suivra celle de M. Biden, qu'elle soit républicaine ou démocrate, adoptera la même approche. Je pense que nous avons renoué avec la stratégie industrielle et que nous devrions examiner ce que les autres font à cet égard.
Tout comme nous l'avons fait pour la réforme de la réglementation entre le Canada et les États-Unis, nous mettrions sur pied une commission qui veillerait essentiellement à ce que les toutes petites différences ne viennent pas perturber cette relation, car encore une fois, une grande partie de nos échanges commerciaux se font avec les États-Unis. En ce qui concerne la stratégie industrielle et les incitatifs, nous devrions examiner cela ensemble, car nous aurions ainsi une plateforme beaucoup plus efficace.
J'approuve votre commentaire sur la nécessité de cerner les secteurs dans lesquels nous sommes en tête. Nous n'excellons pas dans tout, mais nous réussissons bien dans certains secteurs très intéressants, et nous devrions réellement nous concentrer sur les secteurs dans lesquels nous avons un avantage concurrentiel. Comme je l'ai dit, un certain nombre d'études ont cerné ces secteurs. J'ai cité le rapport de Monique Leroux, par exemple, et je pense que c'est un bon point de départ. Encore une fois, une grande partie du travail a été effectuée au Canada.
Nous avons toujours cherché à attirer des investissements étrangers au Canada, parce que la petite taille de notre marché ne suffit pas à justifier les investissements dont nous avons besoin pour développer notre économie. Cette façon de faire a très bien fonctionné pour notre économie, notamment pour les chemins de fer, les oléoducs et les réseaux électriques. Nous sommes à présent de grands investisseurs par l'entremise de nos fonds de pension.
À mon avis, les investisseurs iront là où ils le souhaitent. De notre côté, nous voulons nous rendre aussi attrayants que possible. Nous sommes une destination de choix. Il s'agit d'un point de vue partagé par tous les gouvernements, alors, selon moi, il faut continuer à attirer des investissements étrangers au Canada. Le fait que certaines des grandes entreprises exportent une proportion majeure de leur production aux États-Unis représente en réalité un point positif. Cela démontre que nous pouvons augmenter la production en fonction de la taille du marché, et c'est là notre objectif.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour. Je remercie l'ensemble des témoins de leur allocution d'ouverture, et je salue l'ensemble de mes collègues.
Au cours des séances que nous avons consacrées à ce sujet, plusieurs témoins nous ont dit qu'ils craignaient une fuite des investissements vers les États‑Unis, une délocalisation des investissements.
Partagez-vous aussi cette crainte?
Comment pourrions-nous éviter cette délocalisation des investissements vers notre voisin du Sud?
Madame la présidente, vous pouvez décider à quel témoin vous donnez d'abord la parole.
Je remercie tous les témoins ici présents. Je vais commencer par Mme Green pour discuter de gaz naturel renouvelable.
Un projet de gaz naturel renouvelable est en cours à Fruitvale, dans ma circonscription. REN Energy y construit une usine. La compagnie a reçu son dernier permis d'aménagement hier ou aujourd'hui.
J'aimerais savoir ce qui, selon vous, stimule ces types d'investissements. Ce projet a probablement été planifié avant même que la loi sur la réduction de l'inflation, ou IRA, ne naisse dans l'esprit des dirigeants américains. J'aimerais vous entendre parler de ce qui favorise ces décisions. Je ne prétends pas comprendre les marchés de l'énergie, mais on dirait que le prix du gaz naturel varie grandement d'un marché à l'autre, et un de ces réseaux longe la frontière américaine. J'aimerais savoir à quel point les décisions du gouvernement fédéral et les subventions changent la donne. Ces projets verraient-ils quand même le jour sans ces facteurs?
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Actuellement, les facteurs favorables sont extrêmement disparates au Canada. De nombreuses provinces se veulent des pionnières et déterminent le pourcentage précis de gaz naturel renouvelable devant composer le bilan de gaz naturel acheminé aux consommateurs. Des administrations au Québec et en Colombie-Britannique sont les premières à établir ce type de politique.
Jusqu'à présent, le Canada ne s'est pas doté d'une telle politique au palier fédéral. Or, comme on le sait, afin de réduire les émissions d'un aussi grand nombre de mégatonnes que possible, on souhaite réellement se doter d'une politique ciblée de réduction des émissions qui donnera un rôle aux combustibles gazeux à faibles émissions de carbone.
Des projets de biogaz et de gaz naturel renouvelable, ou GNR, ont été entrepris partout au pays. Certains programmes cernent précisément leurs débouchés et leur admissibilité, et on constate que moins d'initiatives ont lieu là où il n'y a aucun programme. Pour bon nombre de ces projets — comme celui que vous venez de mentionner —, il faut compter de deux à cinq ans de la phase initiale de faisabilité aux étapes des approbations et de la construction. Il s'agit de délais considérables. Ce que j'essaie de communiquer, c'est que ces projets ne se réalisent pas du jour au lendemain. Ainsi, lorsque des changements de politiques surviennent, comme ceux annoncés dans la loi sur la réduction de l'inflation, la situation change du tout au tout pour les projets dont les démarches ont déjà commencé et dont les possibilités d'investissements au Canada ont déjà été explorées. Ces changements de politiques perturbent non seulement les possibilités de croissance future, mais aussi les projets pour lesquels des engagements ont déjà été pris. En somme, les répercussions sont importantes.
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Nous disons souvent que le béton est extrêmement local alors que le ciment est plutôt régional. Nous comptons 14 centres de production au pays: deux en Colombie-Britannique, deux en Alberta, cinq en Ontario, quatre membres au Québec et un en Nouvelle-Écosse.
La géographie influe sur la viabilité de la technologie telle qu'elle existe aujourd'hui. À ce jour, les deux projets qui ont attiré des investissements au Canada se trouvent en Alberta. À mon avis, cette réalité s'explique par quelques raisons évidentes, notamment par le fait que la province détient de l'infrastructure — tirant déjà profit d'investissements — pour transporter du CO2 capté. Bien entendu, la province abrite l'équivalent de 1 000 ans de stockage géologique.
Une des difficultés pour le secteur du ciment et d'autres industries lourdes consistera à surmonter certains des défis actuels géographiques et géologiques sur le plan du stockage afin que la technologie puisse être utilisée dans toutes les régions du Canada et partout dans le monde. De nombreuses initiatives prometteuses sont en branle à cet égard, mais le sujet revient aux commentaires de M. Robertson sur la collaboration avec d'autres administrations. Les États-Unis effectuent de généreux investissements non seulement dans l'infrastructure tangible de captage, mais aussi dans toute l'infrastructure — l'écosystème, si on peut l'appeler ainsi — nécessaire pour que le CUSC fonctionne bien. Des partenariats pourraient être noués afin de donner lieu à des applications plus vastes et plus précoces de CUSC partout au pays pour notre secteur.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais remercier les témoins de comparaître devant nous aujourd'hui.
Nous tenons essentiellement notre dernière réunion pour examiner la loi sur la réduction de l'inflation. Nombreux sont ceux qui l'ont qualifiée d'élément déterminant. Je ne suis pas le seul à l'affirmer; Elizabeth Kwan du Congrès du travail du Canada en a dit autant et a précisé que la loi entraînera d'énormes répercussions.
J'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées que mon collègue, M. Seeback, qui a posé des questions sur la loi sur la réduction de l'inflation et la certitude qu'elle créera.
Vous connaissez les règles. Vous comprenez bien les crédits d'impôt et de production, alors vous pouvez saisir les avantages concurrentiels d'investir aux États-Unis. Mme Green a indiqué que la loi sur la réduction de l'inflation offre de la certitude, un avantage concurrentiel. M. Marshall a fait valoir que, en l'absence d'une réaction plus vive, le Canada se verra pratiquement dans l'impossibilité de rivaliser avec les États-Unis.
Ma première question s'adresse à Mme Green.
Vous avez affirmé que les projets sont à l'arrêt depuis août et que l'absence du crédit d'impôt à l'investissement dans l'Énoncé économique de l'automne représentait une erreur. Par exemple, vous avez constaté des conséquences attribuables à la différence entre l'IRA et l'approche canadienne.
Le gouvernement a fait une annonce de 1,5 milliards de dollars au sujet du Fonds pour les combustibles propres en juin 2021, mais il a fallu attendre 18 mois — jusqu'en novembre 2022 — pour qu'il effectue son premier cycle d'annonces. En dépit de ces récents développements, il faut encore négocier des ententes pouvant être mises en place. Nous connaissons déjà les règles existantes. Vous avez déjà parlé des projets en suspens.
Dernièrement, dans un reportage de la CBC portant sur le fait qu'Ottawa se prépare à affronter les États-Unis pour subventionner la production de batteries pour véhicules électriques au Canada, on lisait notamment ce commentaire:
Un expert-conseil œuvrant dans l'économie verte canadienne a affirmé que des compagnies en sont à calculer les subventions qui pourraient être offertes aux États-Unis. Même une compagnie qui a déjà promis des investissements au Canada réévalue la situation à la lumière de la loi sur la réduction de l'inflation...
Que devons-nous faire pour rivaliser afin de conserver ces sommes au Canada et de retenir les investissements dans les projets de gaz naturel renouvelable dans ma circonscription du Sud de l'Ontario, par exemple?
Pas plus tard qu'en 2020, General Motors a réalisé un projet de 28 millions de dollars sur le méthane en partenariat avec la compagnie responsable de notre site d'enfouissement local, Walker Industries. Le projet produit 35 % de son électricité, génère du chauffage pour l'usine, en plus de réduire les émissions de gaz à effet de serre de la société. Que devons-nous faire maintenant pour demeurer concurrentiels et conserver cet investissement au Canada?
Allez‑y, madame Green.
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Oui, il faut considérer les États-Unis comme un partenaire. Nous avons un accès privilégié aux États-Unis. Comme vous l'avez souligné, nous avons plusieurs points d'entrée vers les États-Unis. Nous sommes les mieux placés au monde à cet égard. En fait, notre position est enviée, même si nous n'avons souvent pas cette impression, en raison des dommages collatéraux que nous subissons pour des décisions américaines visant d'autres pays. C'est le cas notamment pour la Chine et les tarifs imposés sur l'acier et l'aluminium.
Pour nous, c'est une campagne quotidienne et permanente à laquelle participent non seulement notre ambassade, mais aussi les membres du Comité lorsqu'ils rencontrent leurs homologues. Lorsque nous plaidons en faveur du Canada auprès de nos homologues américains, la plupart du temps, nos efforts portent leurs fruits. Les États-Unis font des affaires. Les Américains nous aiment et nous comprennent. Nous pouvons leur faire comprendre pourquoi nous devons prendre des décisions mutuellement bénéfiques. J'ai utilisé le mot « réciprocité » pour une bonne raison: les Américains ne sont pas des libre-échangistes, mais ils comprennent le principe de la réciprocité; c'est ce que nous avons réussi à assurer au cours des 40 dernières années.
Pour revenir à mon point, ces accords se fondent sur les partenariats. Le Québec assure un rôle de chef de file à cet égard, puisque les premiers ministres qui se sont succédé ont tous travaillé avec le marché américain.
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Ce sont là deux très grandes questions.
Dans les faits, les contrats relatifs au carbone fondés sur les différences sont une forme de subvention pour la production. Ils garantissent que la valeur de la séquestration associée à un projet de capture du carbone sera appuyée par le gouvernement.
Au Canada, nous avons un système de tarification du carbone. Si l'on présume que ce système perdurera dans le temps et que les prix augmentent comme prévu, cela donnera au carbone une certaine valeur. Toutefois, ce carbone n'est pas vraiment connu, parce qu'il n'est pas seulement question d'un prix réglementé. Les marchés volontaires et les marchés du crédit déterminent eux aussi la valeur du carbone à titre de produit négociable.
Les contrats relatifs au carbone fondés sur les différences élimineraient l'incertitude en faisant du gouvernement le détenteur des garanties contractuelles. Si le marché n'offre pas une certaine valeur — qui est requise pour qu'on investisse dans un projet —, le gouvernement comblera l'écart. À l'inverse, si le rendement du marché est supérieur, le gouvernement pourrait recevoir de l'argent, selon la structure des contrats. Dans les faits, cela permet aux investisseurs de faire ce qu'il leur est possible de faire aux États-Unis: calculer le rendement du capital investi dans chaque projet de ce domaine.
En ce qui a trait aux rajustements des tarifs du carbone à la frontière, nous en arriverons à un point où ils représenteront un outil nécessaire et important. Je comprends que l'Union européenne, après d'importantes négociations, a enfin accepté des rajustements à la frontière pour un nombre restreint de produits, notamment le ciment. Nous croyons qu'il s'agit d'un outil important, qui pourrait nous aider à protéger le caractère concurrentiel de notre secteur face à des administrations qui ne subissent pas de telles pressions en matière de tarification du carbone.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais entendre quelques commentaires sur les préférences. Je vais donner un exemple.
Le 21 juin 2021, le a lancé un appel de propositions dans le cadre du Fonds pour les combustibles propres de 1,5 milliard de dollars. Le a publié le nom de certains des bénéficiaires potentiels le 14 novembre 2022. Les compagnies qui présentent une demande dans le cadre de ce programme en particulier, même s'ils obtiennent une réponse favorable seulement après 16 mois, doivent négocier leur contrat à ce moment‑là. Je suis très préoccupé par le temps que prend le Canada pour réagir à l'IRA.
Dans la région de Durham, nous avons l'excellente compagnie St. Marys Cement, qui est également un excellent employeur. Comme vous le savez, ces compagnies — vos membres, en l'occurrence — sont internationales. Elles peuvent mener leurs activités n'importe où dans le monde. Les sociétés américaines, vu la certitude qui règne aux États-Unis, commandent déjà les gros équipements nécessaires pour réaliser leurs projets. Étant donné les préoccupations que suscitent les chaînes d'approvisionnement dans le monde, si nous ne nous ressaisissons pas et que nous attendons le budget, probablement jusqu'en avril... Nous avions une belle occasion d'offrir de la certitude en novembre.
Nous sommes aux prises avec le plus grand désavantage concurrentiel jamais vu. Selon les commentaires que nous entendons et comme l'a dit M. Robertson, nous devons nous organiser. Nous devons également cesser de nous mettre des bâtons dans les roues avec ces listes de bons ou de mauvais élèves que le gouvernement a tendance à dresser.
Monsieur Auer, pourriez-vous expliquer en quoi consisterait une réponse raisonnable et immédiate à l'IRA? Pourriez-vous nous dire également quel message le gouvernement canadien pourrait envoyer à l'industrie concernant cette réponse? En combien de temps la réponse devrait-elle être mise en place? Quelle série d'instruments de politique devrions-nous être en train d'étudier?
Ce qui me préoccupe, c'est que des décisions sont prises en ce moment. Les travaux commencent déjà aux États-Unis, et si nous attendons trois, quatre ou cinq autres mois pour offrir cette certitude — en pariant que ce sera dans le budget ce printemps —, nous laisserons probablement filer les meilleures possibilités d'investissement — les investissements générationnels — dont nous pourrions tirer profit.
Pourriez-vous nous donner une idée de ce que nous devons faire dans l'immédiat?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vais commencer avec M. Auer.
Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de votre participation et de la participation de votre organisation à l'initiative importante qu'est la feuille de route vers un béton carboneutre d'ici à 2050.
Vous avez discuté avec M. Cannings de choses comme les ajustements à la frontière pour le carbone. Vous avez parlé d'accrocs lorsque vient le temps de protéger les entités ou les industries telles que la vôtre contre la concurrence provenant de pays où aucune tarification sur le carbone n'est en place.
J'aimerais obtenir vos commentaires sur deux aspects. Premièrement, il y a, de façon générale, le rôle de la tarification du carbone comme levier économique et stimulateur de l'économie. Les entreprises qui ne font rien pour réduire leur empreinte carbone subissent des contrecoups financiers. Deuxièmement, il y a le système de tarification fondé sur le rendement. Peu de Canadiens comprennent vraiment cet aspect névralgique de la tarification du carbone. Ce système vise à protéger des industries comme la vôtre — qui sont exposées au commerce et qui mènent un gros volume d'activités — contre une application intransigeante de la tarification du carbone. Il permet de calibrer la tarification en fonction du volume d'activités menées à l'étranger.
Pourriez-vous commenter ces deux aspects de la tarification du carbone?
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Le ciment est un secteur à forte intensité d'émissions et exposé au commerce. Selon les analyses réalisées par le gouvernement fédéral, ce secteur se classe constamment parmi les trois secteurs à plus forte intensité d'émissions. Les joueurs de notre industrie, c'est bien connu, courent des risques accrus d'être désavantagés par les coûts, issus entre autres de la tarification du carbone, si leurs concurrents n'assument pas les mêmes coûts.
Le système de tarification fondé sur le rendement et ses équivalents dans toutes les provinces sauf en Colombie-Britannique renferment des dispositions qui offrent une certaine protection aux industries comme la vôtre. Nous croyons avoir atteint un assez bon équilibre à court terme dans ces systèmes de tarification fondés sur le rendement, qui existent partout au Canada, sauf en Colombie-Britannique, comme je l'ai déjà dit.
En ce qui concerne les défis, comme une autre période de conformité dans le cadre du système fédéral — et, par le fait même, des systèmes provinciaux — vient de commencer, il y a une pression haussière sur les prix et une pression baissière sur les seuils que nous devons atteindre. À un certain point, si les industries ne sont plus en mesure de garder une longueur d'avance par rapport à leurs obligations de conformité dans le cadre du régime canadien de tarification du carbone, les risques pour la compétitivité commenceront à se matérialiser.
La relation entre ce que je viens de décrire et l'IRA, évidemment, c'est que nous voulons, comme industrie, devancer le plus possible cette courbe. Nous aurons besoin de technologies de transformation pour atteindre la cible de zéro émission nette et pour profiter des mesures incitatives dans le cadre, entre autres, de la tarification du carbone. Pour l'heure, la loi américaine sur la réduction de l'inflation fait en sorte, en effet, que ces investissements transformateurs sont plus attrayants aux États-Unis qu'au Canada.
Ma prochaine question s'adresse à M. Robertson.
Plusieurs discussions ont porté aujourd'hui sur les véhicules électriques et les batteries. Il n'était pas seulement question de l'extraction des minéraux critiques au Canada, mais aussi du raffinage, du traitement et de la transformation en batteries de ces minéraux au Canada. Vous avez reçu des questions sur les crédits d'impôt et sur d'autres mesures incitatives.
Monsieur Robertson, pourriez-vous parler un peu du processus de configuration du terrain qui est suivi aux niveaux fédéral et provincial? Pour ma part, je crains que des crédits d'impôt substantiels aient été retirés au niveau provincial, particulièrement en Ontario.
À quel point le retrait de ces crédits d'impôt fait‑il diminuer la demande pour les véhicules électriques dans les provinces comme l'Ontario et la demande pour les batteries destinées à ces véhicules qui pourraient être produites au Canada? Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez, monsieur Robertson?
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Poursuivons notre discussion, si vous le voulez bien, monsieur Robertson.
Tout à l'heure, au moment où nous avons malheureusement manqué de temps, vous suggériez que nous poursuivions les discussions pour faire comprendre à nos homologues américains que, pour poursuivre les missions, le Canada ne devait pas être la victime des effets collatéraux de la guerre contre la Chine. Cependant, quand j'observe certains autres gestes, notamment la mise en place de tarifs punitifs contre le bois d'œuvre et l'aluminium, d'aucune manière le Canada ne semble être perçu comme une victime des effets collatéraux de ces mesures dans tout ça.
Vous me corrigerez si je me trompe, et vous l'avez même dit tout à l'heure, mais la dynamique au Congrès ferait que l'administration de M. Biden se retrouverait dans une situation un peu fâcheuse. Malheureusement, j'ai l'impression que le protectionnisme fait parfois office d'arme partisane.
Ma lecture des événements est-elle juste, selon vous?
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Les deux partis préconisent le protectionnisme. Auparavant, c'était surtout l'affaire des démocrates, mais avec M. Trump, cette pratique s'est étendue aux républicains. Le protectionnisme est devenu une doctrine transpartisane.
Voilà pourquoi nous devons, chaque jour, faire valoir auprès des États-Unis — dans le cadre des efforts déployés par Équipe Canada, comme je l'ai dit plus tôt — les dividendes que leur rapporte leur relation avec le Canada. Il faut donc aller aux États-Unis rencontrer chaque membre du Congrès pour mettre en lumière les retombées chez eux des investissements et des échanges commerciaux avec le Canada, car nous sommes le plus grand partenaire commercial des États-Unis dans la plupart des secteurs.
Nous ne pouvons pas parler d'argent ou de votes, mais nous pouvons parler de création d'emplois. C'est grâce au nombre énorme d'emplois que nous créons aux États-Unis que nous obtenons une audience avec les membres du Congrès. Cet argument les convainc habituellement de ne rien changer à la relation.
Je le répète, cet exercice doit être répété chaque jour pour rappeler aux Américains les avantages qu'ils retirent de notre relation.
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Oui. Cette doctrine n'existe pas seulement au niveau national. Certains États appliquent aussi la politique d'achat aux États-Unis.
Encore une fois, cela prouve que nous devons rappeler aux Américains les raisons pour lesquelles ils devraient mettre « Nord » après Amérique » dans l'expression « Buy America », qui encourage l'achat en Amérique. Ils devraient inclure le Canada et le Mexique. Nous avons créé une plateforme continentale remarquablement efficace. Nous avons les ressources, les investissements, la main-d'œuvre et le marché. Voilà un autre argument convaincant que les Américains d'un âge respectable, démocrates ou républicains, acceptent. Encore une fois, nous devons continuer à véhiculer ce message. La façon la plus efficace de le transmettre, selon mon expérience, est de politicien à politicien.
J'ai été diplomate à Washington et dans les consulats. Les rencontres se sont toujours avérées très efficaces lorsque des députés canadiens fédéraux ou provinciaux étaient présents, car vous parlez le même langage et vous avez immédiatement l'écoute de vos homologues américains.
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Merci, madame la présidente.
Je veux revenir à ce dont a parlé brièvement M. Carrie, c'est‑à‑dire aux demandes présentées au Fonds pour les combustibles propres de 1,5 milliard de dollars. Ce programme a été annoncé en juin 2021 et les demandeurs retenus ont été avisés le 14 novembre 2022, soit 17 mois plus tard.
Je voudrais savoir ce qu'en pensent les joueurs de l'industrie. Nous entendons beaucoup parler du besoin de certitude des entreprises, surtout avec l'adoption de l'IRA, car cette loi fait ressortir la certitude qui existe aux États-Unis. Considérez-vous que le délai de 17 mois pour traiter les demandes de financement est un indice de certitude?
Cette question s'adresse à M. Green ou à M. Auer.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais commencer avec M. Robertson, mais les autres témoins qui le souhaitent peuvent prendre part à la conversation.
Nous parlons de la composante des minéraux critiques. Vous savez que le a lancé la stratégie des minéraux critiques il y a à peine 7 à 10 jours. L'Énoncé économique de l'automne, ou projet de loi , sur lequel nous nous sommes prononcés il y a quelques jours, prévoit une hausse du crédit d'impôt pour l'exploration minière, qui passerait de 15 % à 30 %.
Ce taux est‑il approprié? Pensez-vous que d'autres améliorations pourraient être apportées qui tiendraient exactement compte de ce dont nous parlons, en l'occurrence de la concurrence avec la Chine dans la course aux minéraux critiques? Faudrait‑il miser non seulement sur l'extraction des minéraux, mais aussi sur le traitement, le raffinage et même la fabrication de batteries au Canada?
Je vais commencer avec M. Robertson. Ensuite, les autres témoins qui le souhaitent pourront se joindre à la discussion. Merci.